Les effets de la congruence entre le support et l`annonce sur les

publicité
Les effets de la congruence entre le support et l'annonce sur les réponses à la publicité
Jean-Philippe NAU
Doctorant
Université de Nancy 2
[email protected]
Les effets de la congruence entre le support et l'annonce sur les réponses à la publicité
Résumé
Cette communication s’intéresse aux interactions entre support et annonce. Elle cherche plus
précisément a tester les effets de la congruence perçue entre un magazine et une publicité sur
les réponses à la publicité. Une expérimentation est menée afin de tester l’hypothèse d’une
influence positive de la congruence sur ces réponses à la publicité. Celle-ci mobilise trois
supports et six annonces dont la marque est connue ou inconnue. Les résultats soutiennent
globalement les hypothèses formulées. Une annonce insérée dans un magazine où elle est
perçue comme congruente apparaît comme plus efficace en termes d’attitude envers
l’annonce, de crédibilité perçue et d’attitude envers la marque. Ces résultats s’avèrent plus
marqués lorsque les marques sont inconnues.
Mots-clés : Congruence, sélection d’espace publicitaire, médiaplanning, presse magazine
Congruence between vehicle and advertisement impacts on advertising effectiveness
Abstract
___________________________________________________________________________
This paper focuses on interactions between support and advertisement. It particularly tests the
effects of perceived congruence between a magazine and an advertisings on the effectiveness
of the latter. An experiment has been conducted to test the hypothesis of a positive influence
of congruence on these responses to advertising. It uses three media and six ads with known
and unknown brands. The results generally support the hypotheses. An ad perceived as
congruent in a magazine appears to be more effective in terms of attitude toward the ad,
perceived credibility and attitude toward the brand. These results are more pronounced when
the brands are unknown.
Keywords: Congruence, selection of advertising, media planning, media magazine
Les effets de la congruence entre le support et l'annonce sur les réponses à la publicité
Introduction
D’après une recherche menée par l’Advertising Research Foundation, entre 80 et 85% du
budget d’une campagne sont dépensés en espaces publicitaires dans les médias (Kelley and
Jugenheimer 2004). La sélection d’un espace publicitaire est donc une tâche importante et
complexe. Bien que les problématiques d'efficacité publicitaire aient été largement traitées en
marketing, les questions relatives à la sélection d'espace publicitaire semblent, elles, avoir fait
l'objet de relativement moins d'attention. La pertinence de ces interrogations semble pour
autant renouvelée par l’extension du paysage médiatique (McDonald, 2008) et le
développement d'une économie de l'attention (Chantepie, 2008).
Selon Block et Schultz (2008), les pratiques de média-planning prêtent généralement trop
d'attention au nombre de contacts et au coût au détriment de la réception du message et du
retour sur investissement. En effet, sélectionner un espace sur la base d'un volume d'audience
nécessite de faire l'hypothèse d'une équivalence des contacts entre les supports. Ce postulat a
cependant été remis en question et dès les années 60, des chercheurs ont montré que, pour un
même volume de contacts, les réponses à la publicité pouvaient varier selon le support
considéré (Galpin et Gullen, 2000).
1. De l'audience à la réponse à la publicité
Différentes recherches ont cherché à mettre en évidence une influence du support de l'annonce
sur l'efficacité publicitaire. Elles peuvent être regroupées selon qu'elles s'intéressent à l'effet
du média, du support choisi ou du contexte. Plusieurs de ces travaux peuvent être synthétisés
sous la forme du graphique suivant (par souci de concision, seule une référence sera donnée à
titre d'illustration pour chaque champ de recherche).
Figure 1 : De l'audience à la réponse à la publicité
2. La congruence entre support et annonce
L'hétérogénéité des médias et la difficulté à contrôler le contexte d'insertion pour les
annonceurs font apparaître la pertinence d'une étude des interactions entre support et annonce.
L'importance des investissements publicitaires réalisés dans la presse et plus particulièrement
dans les magazines1 font de l'étude des interactions entre les publicités et cette catégorie de
support un sujet d'étude intéressant.
De nombreuses études ont mis en évidence l'importance du jugement de cohérence dans les
réponses à la publicité dans le domaine du parrainage (Fleck-Dousteyssier, 2006), du cobranding (Cegarra et Michel, 2001), des extensions de marque (Kalamas et al., 2006) ou de la
publicité (Galan, 2009). Pour autant, seule une recherche, à notre connaissance, s'est
intéressée à l'influence de la congruence perçue entre support et annonce sur les réponses à la
1 http://www.irep.asso.fr/marche-publicitaire-chiffres-2009.php
publicité (Dahlen, 2008). Cette question semble pourtant pertinente si l'on considère qu'une
cible peut être touchée via différents magazines. Une publicité pour un guide de voyage aurat'elle une meilleure efficacité dans un magazine portant sur des sujets connexes tel Géo ? Ou,
au contraire, y aurait-il un intérêt à aller à l'encontre des attentes du lecteur ?
La littérature aborde la congruence sous des appellations différentes telles que fit (BeckerOlsen et Simmons, 2002), similarité (Gwinner et Eaton, 1999) ou encore typicalité (Ladwein,
1994). Pour autant, selon Jagre, Watson et Watson (2001) et Fleck-Dousteyssier, Roux et
Darpy (2005), les définitions des différentes expressions sont souvent très proches et les
travaux considèrent comme congruentes des entités perçues comme allant bien ensemble.
Différentes recherches ont appréhendé la congruence de manière multi-dimensionnelle en
essayant de distinguer différents antécédents du jugement. Gwinner et Eaton (1999)
distinguent ainsi dans le domaine du parrainage une similarité fonctionnelle, lorsque la
marque est utilisée dans l'événement sponsorisé, et la similarité d'image, lorsque l'image de
l'événement est liée à l'image de la marque. Heckler et Childers (1992) distinguent quant à
eux la pertinence et le caractère attendu. La pertinence qualifie la mesure dans laquelle le
stimulus considéré est lié au message principal de la communication et le caractère attendu
désigne la conformité des entités avec les attentes du lecteur. Initialement développée pour
une recherche sur les interactions entre une annonce et son contenu, cette approche a été
appliquée dans la littérature francophone à d'autres domaines comme le parrainage (FleckDousteyssier, Roux et Darpy, 2005), la musique (Galan, 2009) ou l'utilisation de la célébrité
dans la publicité (Fleck-Dousteyssier, Korchia et Louchez, 2006).
Si l'approche de Gwinner et Eaton (1999) semble assez spécifique au domaine du parrainage,
celle de Heckler et Childers (1992) peut être envisagée pour étudier la congruence entre
support et annonce. Néanmoins des difficultés à identifier des annonces inattendues et
pertinentes ainsi que le peu d'études menées sur les questions de congruence entre support et
annonce nous ont conduit à opter pour une approche unidimensionnelle.
3. Hypothèses
Mandler (1982) explique la formation des attitudes par la manière dont une information
parvient à s’intégrer à des structures cognitives existantes. La valence de l’affect suscité
dépend alors du succès ou de l’échec de l’intégration de l’information aux schémas
disponibles. L’intensité de cet affect variera en fonction des efforts effectués. Selon cette
perspective, le meilleur placement pour une publicité est celui qui parviendra à mêler
élaboration et élucidation du sens. L'incongruence modérée, voire l'incongruence si on
considère que l'annonce est simple à comprendre, répond alors à cette double contrainte de
l’élaboration et de « l’élucidation » du sens de l’annonce. Elle devrait donc obtenir le meilleur
score d’attitude que ce soit pour l’annonce ou pour la marque (Peracchio et Meyers-Levy
1994, Lee 2000).
Les conditions expérimentales conduisant à l'observation de tels résultats peuvent cependant
être jugées particulières. Meyers-Levy et Tybout (1989) utilisent ainsi une nouvelle boisson
pour mettre en évidence l'effet favorable d'une incongruence modérée. Un consommateur peut
apprécier une nouvelle boisson innovante qui remet légèrement en cause son schéma cognitif
concernant cette catégorie de produit. Néanmoins ce ne sera peut être pas le cas si la même
modification est effectuée sur une boisson à laquelle il est habitué. De même, Maoz et Tybout
(2002) mettent en avant un meilleur effet de l'incongruence modérée pour des extensions de
marque. Ici encore, le stimulus utilisé peut être jugé comme particulier. Le couple
modérément congruent testé est une tondeuse BMW et les compétences prêtées à la marque
bavaroise se prêtent assez bien à ce nouveau produit. Pour autant, Dahlen et al. (2008)
observent une influence négative de la congruence entre support et annonce sur l'attitude
envers la marque et l'annonce.
Galan (2009) juge les résultats obtenus en faveur d'une incongruence modérée comme assez
isolés dans la littérature car un certain nombre de recherches sur le parrainage (McDaniel
1999, Rodgers, 2004, Rifon et al., 2004), sur les célébrités portes-paroles (Kamins et Gupta
2004), sur la publicité (Dahlen et Lange, 2004) ou sur la musique (McInnis et Park, 1991)
mettent en évidence une relation positive entre attitude et congruence perçue. Ces résultats se
justifient non seulement par l'approche des schémas cognitifs évoquée ci-dessus mais peutêtre également par une préférence et une plus grande confiance en ce qui est conforme aux
attentes.
Ceci nous conduit à formuler les hypothèses suivantes quant à l'influence de la congruence sur
les réponses à la publicité en termes d'attitude :
H1 : La congruence perçue entre une annonce et un support influence positivement l'attitude
envers l'annonce.
H2 : La congruence perçue entre une annonce et un support influence positivement l'attitude
envers la marque.
McKenzie et Lutz (1989) identifient la crédibilité perçue de l'annonce comme un antécédent
de l'attitude envers l'annonce et de l'attitude envers la marque. Ils notent par ailleurs que la
congruence du message de l'annonce (ad claim discrepancy) affecte cette variable. L'influence
de la congruence sur la crédibilité de l'annonce a par ailleurs été mise en évidence par
Dousteyssier-Fleck (2006) dans une situation de parrainage et par Dahlen et Lange (2004)
dans le cadre d'une publicité. Nous posons donc l'hypothèse suivante:
H3 : La congruence perçue entre une annonce et un support influence positivement la
crédibilité perçue de l'annonce.
4. Méthodologie
4.1. Collecte des données et échantillon
Les données ont été collectées auprès d'étudiants. Ce choix affecte certes la validité externe de
l'étude mais a pour avantage d'être accessible et de permettre un bon contrôle de la validité
interne. Afin d'essayer d'améliorer la validité externe, nous avons eu recours à trois publicités
et trois magazines. Des marques fictives et réelles ont été utilisées afin d'observer
d'éventuelles différences selon que les marques soient connues ou non. Six annonces (trois
annonces dont la marque vantée pourra être réelle ou fictive) seront donc testées dans trois
magazines. Un protocole « après seulement » est utilisé pour permettre aux marques fictives
de demeurer inconnues.
Un pré-test a mis en évidence une certaine hétérogénéité des attentes pour les différents
supports. Il est alors difficile de mettre en place un plan expérimental dans lequel différentes
cellules seraient comparées. Les hypothèses seront donc testées selon le niveau de congruence
perçue par les individus indifféremment du support dans lequel se trouvait l'annonce.
Les supports sélectionnés devaient répondre à au moins deux contraintes : ils devaient
permettre de susciter des niveaux de congruence variés une fois croisés avec les différentes
annonces et être potentiellement lus par les étudiants. Le Point, Géo et l'Étudiant ont ainsi été
sélectionnés. Des folders de 16 pages ont été réalisés. Ce nombre de pages devait permettre de
consulter le support test en un temps relativement court tout en conservant l'allure d'un
magazine. Les publicités tests ont été insérées à la même page dans les trois magazines afin
d'éviter des biais liés à la position de l'annonce. Dans la recherche d'une bonne validité
externe, le contenu des articles a été repris sur des sites internet des magazines et nous avons
cherché à maximiser la ressemblance entre supports tests et magazines en utilisant des mises
en pages et des couleurs analogues (Annexe 1).
Les publicités testées devaient concerner notre échantillon, susciter différents niveaux de
congruence une fois croisées avec le support et permettre de tester des marques inconnues
sans que celles-ci n'apparaissent comme intrinsèquement inattendues. Les guides de voyage,
les masters en gestion et les produits bancaires ont été retenus. Les marques fictives et réelles
utilisées ont été sélectionnées suite à un pré-test (Annexe 2).
Guide de voyage
Master
Banque
Marque réelle
Le Guide du Routard IAE
Banque Populaire
Marque fictive
La Fourmi Voyageuse IESGM
La Française de Dépôt
et de Crédit
Tableau 1 : Nom des marques réelles et fictives
Les annonces ont été réparties de la manière suivante entre les différents supports.
Point 1
Point 2
Géo 1
Géo 2
Le Point 1 Le Point 2
Guide
de Marque
Marque
Marque
Marque
Marque
Marque
voyage
réelle
fictive
réelle
fictive
réelle
fictive
Master
Marque
Marque
Marque
Marque
Marque
Marque
fictive
réelle
fictive
réelle
fictive
réelle
Marque
Marque
Marque
Marque
Marque
Marque
réelle
fictive
réelle
fictive
réelle
fictive
Banque
Tableau 2 : Insertion des annonces dans les supports expérimentaux
Les données ont été recueillies auprès d'un échantillon composé de 366 étudiants d'IUT. Une
certaine homogénéité dans le profil des répondants a été recherchée afin d'améliorer la
validité interne. Chacun des supports expérimentaux a ainsi été consulté par environ 60
étudiants.
Une fois les supports expérimentaux distribués, les étudiants disposaient d'environ sept
minutes pour consulter le magazine « comme si ils étaient chez eux, le plus naturellement
possible ». Cette durée est le fruit d'une double contrainte : permettre à l'étudiant de prendre
connaissance du magazine et limiter la durée de notre intervention. Une fois le délai écoulé,
les questionnaires étaient distribués. Les étudiants bénéficiaient donc du magazine pour
répondre. Il faut noter que si une exposition est suffisante pour susciter une trace mémorielle,
il est difficile de susciter une attitude dans de telles conditions (Higie et Sewall, 1991).
4.2. Opérationnalisation des variables
Dahlen et al. (2008) utilisent deux items en 7 points (matches/ does not match, fit well/ does
not fit well). Dans la littérature francophone, l'échelle développée par Fleck-Dousteyssier,
Roux et Darpy (2005) a été utilisée non seulement dans le domaine du parrainage mais aussi
dans une recherche sur les célébrités porte-paroles (Fleck-Dousteyssier, Korchia et Louchez,
2006). Cette échelle est composée de trois items : « l’entité parrainée et le parrain vont bien
ensemble », « le parrain est tout à fait en adéquation avec l’entité parrainée », « cette
entreprise me paraît appropriée en tant que parrain de l’entité parrainée ». Cette échelle
semble pertinente à plusieurs titres. Elle provient du parrainage, une problématique qui
comporte certaines analogies avec celle considérée ici. Elle s'est par ailleurs montrée
adaptable à d'autres problématiques. Par ailleurs, deux des trois items contiennent des
verbatim rencontrés lors d'entretiens exploratoires ( « vont bien ensemble », « approprié »).
Enfin, cette échelle est francophone ce qui évite d'éventuels problèmes de traduction.
Quelques modifications doivent être effectuées pour appliquer l’échelle à la congruence entre
support et annonce : « Cette publicité va bien dans [Magazine] », «Cette publicité est tout à
fait en adéquation avec [Magazine] », « [Magazine] me paraît approprié pour cette publicité ».
L'échelle de Derbaix (1995) a été utilisée pour mesurer l'attitude envers l'annonce. Elle
comprend trois items : « Cette annonce me laisse tout à fait indifférent » (intérêt envers
l’annonce), « Cette annonce me plaît vraiment » (dimension affective), « Je reverrais
volontiers cette annonce » (dimension conative). Dans l'étude initiale, les items ne sont pas
agrégés car les corrélations et le coefficient alpha associés sont trop faibles. Une analyse en
facteurs communs nous a conduit à ôter le premier item (« Cette annonce me laisse tout à fait
indifférent ») dans deux cas sur trois (Guide de Voyage et Banque) car sa communauté était
inférieure à 0,5. Ce résultat s'explique sans doute par la formulation inversée de cet item. La
suppression du premier item conduit à un taux de variance expliquée satisfaisant pour le guide
de voyage et la banque. Les alphas de Cronbach associés aux échelles sont satisfaisants même
si l'indicateur demeure un peu faible dans le cas de la banque (Annexe 3).
Nous avons choisi de retenir un item « classique » de mesure de l'attitude envers la marque
dont Bergkvist et Rossiter (2007) ont montré qu'il avait une bonne validité prédictive : « Mon
attitude envers [La Marque] est : Mauvaise/ Bonne ».
Dianoux (1999) mesure la crédibilité perçue de l'annonce à l'aide de l'item suivant « le
message est tout à fait convaincant ». Certaines personnes interrogées durant le pré-test ont
trouvé l'expression « le message » peu claire, nous avons donc modifié l'item de la façon
suivante « Cette annonce est tout à fait convaincante ». Plusieurs variables ont également été
contrôlées : l'implication envers le support (Strazzieri, 1994), l'implication envers la catégorie
de produits (Zaichkowsky, 1994), l'humeur (« Mood short form scale » de Peterson et Sauber
adaptée par Lichtlé (2002)), l'attitude envers le support (« Mauvais »/ « Bon »).
5. Résultats
Les hypothèses ont été testées à l'aide de régressions avec entrée simultanée des variables. Les
conditions d'application de la régression ont été testées et considérées comme satisfaisantes.
La normalité des résidus et l'homogénéité de la variance semblent globalement2 respectées.
Les coefficients de Durbin-Watson sont compris entre 1,6 et 2,1. Il n'y a donc pas de problème
important d'autocorrélation des résidus. Enfin, les indicateurs de colinéarité (VIF, tolérance)
sont satisfaisants au regard des seuils donnés par Field (2009). La tolérance la plus basse est
de 0,65 alors que le seuil recommandé est de 0,2.
5.1. Effets sur l'attitude envers l'annonce
Les régressions menées pour l'attitude envers l'annonce donnent les résultats suivants :
Guide de voyage
Master
Réelle
Réelle
Fictive
Influence Non
supportée
(β=0,27;
Fictive
Supportée
Supportée
Supportée
(β=0,18;
(β=0,24;
(β=0,32;
p=0,01)
p<0,01)
p<0,01)
(β=0,06;
p<0,01)
p=0,43)
Réelle
supportée
congruence (β=0,06;
sur Aad
Fictive
Non
Supportée
de la
Banque
p<0,36)
Tableau 4: L'influence de la congruence perçue sur l'attitude envers l'annonce
L'hypothèse H1 est partiellement supportée. Elle est par ailleurs systématiquement vérifiée
pour les marques fictives. Afin de nous assurer de la fiabilité de ces résultats, nous avons
doublé les régressions ci-dessus par des régressions pas-à-pas ascendantes et tous les résultats
concernant le signe et la significativité de la congruence convergent. Si des régressions sont
réalisées avec la congruence comme seule variable explicative, l'hypothèse est toujours
confirmée. Enfin, si on réalise une régression avec les variables contrôlées qui avaient une
2 Les résidus des régressions menées pour la dimension cognitive du guide de voyage connu, du
master connu et de la banque inconnue s'éloignent modérément de la normalité.
influence significative dans la régression initiale, les résultats obtenus convergent.
5.2. Effets sur l'attitude envers la marque
Les régressions menées pour l'attitude envers la marque donnent les résultats suivants :
Guide de voyage
Connue
Master
Banque
Inconnue Connue
Inconnue Connue
Inconnue
Supportée Supportée Supportée Supportée Supportée Supportée
Influence
de
la
(β=0,19;
(β=0,15;
(β=0,28;
(β=0,15;
(β=0,15;
(β=0,23;
p=0,01)
p=0,04)
p<0,01)
p=0,04)
p=0,06)
p<0,01)
congruence sur Ab
Tableau 5 : L'influence de la congruence perçue entre support et publicité sur l'attitude
envers la marque
Notre hypothèse H2 est validée pour les six annonces testées. Une régression pas-à-pas
ascendante avec l'ensemble des variables ou une régression contenant la congruence et les
variables contrôlées avec un effet significatif dans les tableaux ci-dessus conduisent aux
mêmes conclusions. Enfin, si des régressions sont menées avec la congruence comme seule
variable explicative, toutes les hypothèses sont également confirmées.
5.3. Effets sur la crédibilité perçue de l'annonce
Les régressions menées pour la crédibilité perçue de l'annonce donnent les résultats suivants :
Guide de voyage
Master
Réelle
Réelle
Fictive
Banque
Fictive
Non
Influence
de
Réelle
Non
Supportée Supportée Supportée
la
supportée
congruence sur la
p=0,16)
Supportée
supportée
(β=0,33;
(β=0,25;
(β=0,2;
p<0,01)
p<0,01)
p<0,01)
(β=0,11;
crédibilité perçue
Fictive
(β=0,2;
(β=0,11;
p<0,01)
p=0,18)
Tableau 6 : L'influence de la congruence sur la crédibilité perçue
Lorsque la marque est inconnue, H3 est confirmée pour les trois catégories de produits
testées. Seul le master vérifie notre hypothèse, lorsque la marque est connue. Nous avons
souhaité recouper les résultats de ces régressions simultanées par des régressions pas-à-pas
ascendantes. Les conclusions concernant l'effet de la congruence sur la crédibilité perçue
convergent dans tous les cas. Lorsque la congruence est la seule variable explicative, ou si
seules les variables contrôlées avec une influence significative dans les régressions
précédentes sont conservées, l'hypothèse est toujours validée.
6. Discussion
6.1. Les effets de la congruence sur l'attitude envers l'annonce
L'hypothèse concernant l'influence de la congruence perçue entre support et annonce sur
l'attitude envers l'annonce a été supportée dans quatre cas sur six. Seules les annonces pour la
marque de guide de voyage connu (le Guide du Routard) et pour l'institution connue de
préparation d'un master (IAE) ne permettent pas d'observer une telle influence. Les
statistiques descriptives réalisées sur ces échantillons sont néanmoins globalement conformes
à notre hypothèse.
Trois items ont été mobilisés pour mesurer l'attitude envers l'annonce, ils appréhendaient les
dimensions intérêt, affective et conative. La validation des échelles nous a conduit à rejeter la
première de ces composantes pour la banque et le guide de voyage car cet item partageait
alors moins de la moitié de sa variance avec les autres. Les hypothèses ont néanmoins été
testées sur cet agrégat et sur chacun des items. La congruence a dans cinq cas sur six une
influence significative sur la dimension affective de l'attitude envers l'annonce (« cette
annonce me plait vraiment »), y compris pour le master connu pour lequel l'effet n'est pas
significatif au niveau de la variable agrégée.
La plupart des relations non significatives sont observées pour les conditions où la marque
était connue. Les effets de la congruence sont systématiquement plus forts pour l'attitude
envers les publicités pour des marques inconnues. Ce résultat peut sans doute être expliqué
par le modèle de médiation réciproque décrit par McKenzie et al. (1986). Selon cette
approche, le consommateur souhaite éviter les dissonances entre différents jugements. Il y a
donc une influence réciproque de l'attitude envers l'annonce et l'attitude envers la marque. Si
celle-ci est faible ou inexistante, l'attitude envers l'annonce influencera sa formation. Au
contraire, si une attitude forte envers la marque préexiste, l'attitude envers la publicité sera
influencée par elle. Bien que ce modèle n'ait pas été vérifié par les données collectées par
McKenzie et al. (1986), il permet d'expliquer la moindre influence de la congruence sur
l'attitude envers l'annonce lorsque la marque est connue. L'influence de l'attitude envers la
marque permettrait alors moins de variation de l'attitude envers l'annonce. Cette interprétation
nous semble d'autant plus probable que l'hypothèse de l'influence de la congruence sur cette
variable est rejetée pour les deux marques disposant sans doute de la plus forte notoriété
auprès de notre échantillon (Guide du Routard et IAE).
6.2. Les effets de la congruence sur l'attitude envers la marque
L'influence positive de la congruence sur l'attitude envers la marque est systématiquement
supportée par nos données. Une annonce perçue comme congruente avec le support dans
lequel elle est insérée bénéficiera donc d'une attitude envers la marque plus favorable que si
elle avait été perçue comme incongruente. De manière analogue à l'attitude envers l'annonce,
on note une influence plus importante de la congruence lorsque la marque concernée est
inconnue. Les consommateurs ne disposent pas de jugements préalables pour les marques
fictives et l'attitude est alors uniquement formée sur la base de cette exposition. Au contraire,
les répondants disposent déjà d'une opinion sur les marques connues ce qui confère une forme
d'inertie à leur jugement.
6.3. Les effets de la congruence sur la crédibilité perçue de l'annonce
Nous avons postulé une influence de la congruence entre support et annonce sur la crédibilité
perçue de l'annonce. Cette hypothèse est vérifiée pour quatre annonces sur six. Seules les
données récoltées pour l'annonce pour la Banque Populaire et le Guide du Routard ne
conduisent pas à des résultats significatifs. Ces marques étaient connues par les répondants et
ceci a pu les conduire à ne pas juger de la crédibilité du message sur la base d'éléments
périphériques.
7. Conclusion, limites et voies de recherches
Les résultats conduisent donc à préconiser l'utilisation d'un support perçu comme congruent.
Dans une telle situation, les publicités tendent à être mieux évaluées par les consommateur en
termes de crédibilité perçue et d'attitude envers la marque et l'annonce. Par ailleurs, les
annonces congruentes ont plus de chance de rencontrer les motivations du consommateur.
Le manque d'homogénéité des attentes des répondants ne nous a pas permis d'utiliser un plan
expérimental et ceci constitue une limite majeure de notre expérimentation. En l'absence d'une
attribution aléatoire des répondants à des groupes expérimentaux, nous pouvons simplement
observer des cooccurrences et seule la théorie permet de postuler une causalité. Par ailleurs,
les items mesurant la congruence perçue entre support et annonce se trouvaient sur la même
page que les variables expliquées. Un effet de halo a donc pu biaiser les résultats.
Comme nous l'avons indiqué, l'étude a été réalisée auprès d'un échantillon d'étudiants qui
remplissaient le questionnaire en exposition forcée. Les supports étaient par ailleurs imposés
aux répondants et ne correspondaient donc pas nécessairement à leurs motivations du
moment. Ces différents facteurs affectent la validité externe de cette étude. La lecture des
magazines concernés par l'échantillon constitue une autre limite. Une enquête réalisée auprès
d'étudiants de profil analogue nous a permis de constater que si la grande majorité d'entre eux
connaissaient ces supports de nom, une bonne moitié les avaient déjà feuilletés et très peu
d'entre eux les avaient déjà achetés.
Les résultats obtenus vont par ailleurs à l'encontre des résultats obtenus par Dahlen et al.
(2008) qui observaient une influence positive de l'incongruence sur l'attitude envers l'annonce
et la marque et aucune influence significative de la congruence sur la crédibilité perçue de
l'annonce. Cette différence est d'autant plus surprenante que les items concernant l'attitude
envers l'annonce étaient également remplis en situation d'exposition forcée et que l'échelle
utilisée est proche de notre propre mesure du concept.
Des perspectives de recherches sont offertes par ce travail notamment afin de surmonter les
limites de cette étude. La réalisation d'un terrain mobilisant un réel plan expérimental
permettrait de donner plus de robustesse aux résultats obtenus. Une plus grande réflexion
quant à la manipulation des éléments visuels de l'annonce pourrait conduire à une plus grande
homogénéité dans les jugements de congruence et permettre ainsi l'utilisation d'un plan
expérimental. Ensuite, la présence de marques inconnues dans des magazines à fort tirage a
pu être jugée inattendue sans que ceci ne ressorte dans la mesure globale de la congruence. Il
conviendrait donc d'avoir recours à l'approche de Heckler et Childers (1992). Ici encore, un
travail plus important sur le visuel des annonces pourrait permettre de créer des conditions
expérimentales correspondant aux différents cas de figures distingués par cette échelle
bidimensionnelle. Enfin, une approche plus dynamique de la congruence notamment au
travers de l'intégration de réponses affectives ou cognitives permettrait de mieux comprendre
la formation des réponses à la publicité.
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Annexe 1 : Première page des trois supports expérimentaux
Annexe 2 : Publicités testées
Annexe 3 : Analyse factorielle de l'échelle de mesure de l'attitude envers l'annonce.
Attitude envers l'annonce
Guide de
Master
Banque
60,64%
57,88%
46,72%
0,8
0,78
0,7
Voyage
Pourcentage de
variance expliquée
Alpha
Tableau 7 : Analyse factorielle pour l'échelle de mesure de l'attitude envers l'annonce
Les pourcentages de variance expliqués sont relativement faibles particulièrement pour la
banque où il est inférieur à 50%. Dans deux cas sur trois (banque et guide de voyage), la
communauté du premier item (« Cette annonce me laisse tout à fait indifférent ») est
inférieure à 0,5. Moins de la moitié de la variance de cet item est donc expliquée par le facteur
retenu. Ce résultat s'explique sans doute par la formulation inversée de cet item. Le premier
item sera donc supprimé pour ces deux catégories de produit.
Attitude envers l'annonce
Guide de
Master
Banque
68,61%
57,88%
55,65%
0,81
0,78
0,71
Voyage
Pourcentage de
variance expliquée
Alpha
Tableau 8 : Résultats de l'analyse factorielle de l'échelle de mesure de l'attitude envers
l'annonce purifiée
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