L`école d`été, organisée par le département Alimentation Humaine

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L
’école d’été, organisée par le département Alimentation
Humaine, a réuni pour la quatrième année consécutive
une trentaine de doctorants, post-doctorants et jeunes
chercheurs, à Vichy, du 10 au 13 juillet 2006. Les participants
ont pu se retrouver, en nombre volontairement limité dans
l’optique de favoriser les échanges et le partage des connaissances, dans une ambiance siple et détendue entre jeunes
chercheurs et chercheurs expérimentés.
Pour cette édition 2006, le thème « Tube digestif : interface avec
l’environnement » était à l’honneur. L’école s’est focalisée sur
certains aspects de cette interface, notamment sur ses fonctions
immunitaires et son contrôle neuro-hormonal.
De ces 3 journées riches en échanges, ressort aujourd’hui
ce document synthétique, fruit de la qualité des synthèses
réalisées par les intervenants et de l’intérêt des discussions
suscitées par les questions posées. Il est donc apparu souhaitable à l’équipe organisatrice d’en faire bénéficier un large
public. Cette synthèse intéressera non seulement les participants
de cette année et des années à venir, mais également et plus
largement tous les chercheurs s’intéressant, de près ou de loin,
à des questions de nutrition.
Je tiens à remercier Jeannine Goacolou, ingénieur de recherche, Claire Gaudout, chargée de communication, qui ont rédigé
les synthèses et Fabienne Ducluzeau, maquettiste, pour leur
contribution à l’élaboration de ce recueil.
Bonne lecture à tous,
Cordialement
Patrick Etiévant
Chef du département Alimentation humaine
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Comment se déroule l’école d’été ?
L’école d’été réunit doctorants, post-doctorants et jeunes chercheurs, dans un
lieu convivial, pendant 6 demi-journées, autour d’une thématique qui va leur
permettre d’approfondir leurs connaissances, dans un domaine plus ou moins
proche de leur sujet de thèse ou de leur activité quotidienne.
Le principe veut que, tour à tour, au cours de ces journées, les participants
soient dans la position d’enseigné et d’enseignant. Chaque thématique,
déclinant le thème choisi, s’articule autour d’une demi-journée de travail.
Tout d’abord, le chercheur senior sollicité par le département présente
une synthèse de l’état de l’art. Puis, cinq articles scientifiques sélectionnés
par celui-ci sont présentés de façon critique par les doctorants sous forme
de présentations orales de 10 minutes.
L’article, choisi et préparé au préalable par l’étudiant, donne ensuite lieu à un
débat animé par le chercheur, qui peut aider l’étudiant dans sa présentation,
si nécessaire.
L’objectif est donc au moins triple :
• développer l’esprit critique et de la discussion contradictoire des jeunes vis-à-vis
et autour des travaux publiés dans la littérature, qu’ils considèrent souvent comme
paroles d’évangile ;
• permettre aux jeunes de passer plusieurs journées consécutives avec
des chercheurs renommés dans les domaines traités et leur offrir des perspectives
de contacts futurs ;
• offrir un cadre convivial, qui favorise des connections fortes entre des étudiants et jeunes chercheurs qui n’auraient jamais eu l’occasion de se rencontrer,
ainsi qu’un climat relationnel de chercheur à chercheur avec les organisateurs
et les intervenants.
Zoom sur les écoles d’été précédentes :
Du 15 au 17 juillet 2003
Radicaux libres, stress oxydant, anti-oxydants
Du 15 au 18 juillet 2004
Système nerveux, fonctions cognitives et comportement alimentaire
Du 14 au 17 juillet 2005
Croissance et vieillissement
Cette édition a fait l’objet d’un document de synthèse des différentes interventions.
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Sommaire
L’épithélium intestinal : anatomie, dynamique, fonctions
Session animée par François Blachier............................................... p 5 - 18
La barrière immunologique intestinale
Session animée par Martine Heyman............................................... p 19 - 36
La flore intestinale, ses fonctions et sa relation avec le système immunitaire intestinal
Session animée par Marie-Christiane Moreau................................... p 37 - 50
Les hormones gastro-intestinales
Session animée par Theo Peeters......................................................
p 51 - 61
L’axe cerveau-intestin
Session animée par Bruno Bonaz.....................................................
p 62 - 76
Les pathologies digestives dites «fonctionnelles»
Session animée par Lionel Bueno.....................................................
p 77 - 87
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L’épithélium intestinal :
anatomie,
dynamique, fonctions
François Blachier
Introduction
L’intestin grêle commence par le duodénum, partie la plus courte de l’intestin.
Viennent ensuite le jéjunum puis l’iléon.
Ce dernier débouche par la valvule iléocaecale dans le gros intestin. Celui-ci est
formé du caecum et du côlon, lui-même
subdivisé en côlon ascendant, côlon transverse, côlon descendant et côlon sigmoïde.
Enfin, le tube digestif se termine par le
rectum et l’anus.
voit que l’épithélium est constitué d’une
seule couche de cellules et qu’il présente
une structure caractéristique en villosités.
Il repose sur la lamina propria. A la base des
villosités, les cellules sont indifférenciées.
Ces cellules, dites pluripotentes, n’ont pas
encore de fonction physiologique. Elles
donnent naissance à des cellules filles qui
migrent le long de la villosité tout en se différenciant. Arrivées au sommet de la villosité, elles sont mâtures et sont alors expulsées vers la lumière par un processus appelé
anoïkis ou apoptose induite par le détachement. C’est la coordination très étroite
entre les mitoses de la crypte et l’élimination des cellules mâtures dans la lumière
qui permet de maintenir un nombre constant de cellules tout au long de l’épithélium.
La cellule épithéliale
L’intestin grêle
L’épithélium de l’intestin grêle est constitué de plusieurs « couches ». De l’intérieur
(côté lumière) vers l’extérieur, on trouve la
muqueuse, la sous-muqueuse, des muscles circulaires, des muscles longitudinaux
et la séreuse. Le tube digestif est irrigué
par un réseau important de petites artères
et de veines : les artères apportent l’oxygène
et les nutriments aux cellules de l’intestin ;
les veines charrient les nutriments qui ont
été digérés et absorbés. Elles convergent
toutes vers la veine porte qui va jusqu’au
foie.
La muqueuse épithéliale
Grâce à ses nombreux repliements, la muqueuse présente une surface d’absorption
très importante (intermédiaire entre la surface d’un terrain de tennis et celle d’un
terrain de foot). A fort grossissement, on
Elle présente vers l’extérieur une bordure
en brosse qui augmente encore la surface
d’absorption. Des jonctions serrées, formées par des protéines spécialisées (comme
des occludines ou des claudines) jouent un
rôle de barrière. A l’intérieur de la cellule,
les mitochondries sont très nombreuses ;
elles produisent l’énergie dont la cellule
a besoin, notamment pour les processus
de biosynthèse et pour ses fonctions physiologiques. Sous la membrane basale de
la cellule, on trouve la lamina propria,
assise de soutien, richement vascularisée,
qui comporte un certain nombre de cellules, dont des cellules immunitaires.
Cellules différenciées et fonctions
de l’épithélium
La plupart des cellules de l’épithélium
de l’intestin grêle sont des entérocytes.
Ce sont des cellules absorbantes qui réalisent la digestion terminale et l’absorption,
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c’est-à-dire le passage, grâce à leurs transporteurs, des nutriments qu’elles prélèvent
dans la lumière intestinale.
Il existe aussi des cellules en gobelet dont
la fonction est de protéger l’épithélium
intestinal. En effet, elles secrètent des mucines qui sont des glycoprotéines résistantes aux actions des protéases, en particulier
pancréatiques.
Enfin, on trouve dans l’épithélium intestinal
quelques cellules entéro-endocrines, dont il
sera question dans la session « les hormones
gastro-intestinales » animée par Théo Peters.
L’absorption par les entérocytes
L’absorption des oligopeptides
et des acides aminés
9 systèmes de transport ont été caractérisés
au pôle luminal de l’entérocyte et 7 à son
pôle basal. Le système Pep T1 est assez bien
connu : il est responsable de l’absorption
des dipeptides et des tripeptides au pôle
luminal, mais ne transporte pas les acides
aminés libres. Il est Na+ indépendant,
alors que d’autres systèmes dépendent
du sodium. Un acide aminé est le plus souvent transporté par plusieurs transporteurs,
mais avec des affinités différentes. Certains
transporteurs sont spécifiquement présents
au pôle luminal, d’autres le sont à la fois
aux pôles luminal et baso-latéral.
Métabolisme des acides aminés
dans les entérocytes
absorbés comme, par exemple, l’histidine,
dont le coefficient d’absorption est de 89%.
Avec un coefficient de 17%, la glutamine
et le glutamate présents dans les protéines
alimentaires sont fortement métabolisés
lors de leur passage à travers les entérocytes. C’est aussi le cas pour l’arginine (42%)
qui est fortement dégradée en ornithine
et urée dans les cellules absorbantes. En ce
qui concerne l’alanine, le taux d’absorption apparent est très élevé (202%) ; il s’agit
bien sûr d’une valeur théorique, et le fait
de trouver un pourcentage supérieur à 100%
suggère que les entérocytes sont capables
de produire de l’alanine.
Du fait de son renouvellement rapide et
permanent, l’intestin est un grand consommateur d’oxygène : il utiliserait 20% de
l’oxygène inspiré. Le métabolisme des acides aminés dans les entérocytes est également très important. On estime que près
de 10% des acides aminés luminaux sont
utilisés par la muqueuse intestinale pour son
propre fonctionnement (utilisation locale),
que ce soit pour la synthèse protéique ou
le métabolisme des acides aminés. L’intestin
libère ensuite les acides aminés non métabolisés ou produits par les entérocytes qui
seront utilisés par d’autres organes, comme
le foie, les reins ou les muscles (métabolisme inter-organes).
Métabolisme simplifié de la glutamine
Lorsque l’on connaît la composition d’une
protéine en acides aminés, on a une idée
du coefficient d’absorption en mesurant
les différences de concentration en acides
aminés entre la veine porte et l’artère, et
en prenant en compte le débit sanguin dans
la veine porte. Certains d’entre eux sont bien
Dans les mitochondries des entérocytes,
la glutamine est dégradée en glutamate
et en ion ammonium, NH4+. L’ammonium
est éliminé dans la veine porte et transformé
en urée au niveau du foie. Une partie du
glutamate est transformé en ornithine, puis
en citrulline ; cette dernière sera utilisée au
niveau du rein pour redonner de l’arginine.
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L’arginine n’est donc pas un acide aminé
indispensable chez l’adulte, puisque l’organisme est capable d’en générer des quantités
suffisantes par rapport à ses besoins. Ce n’est
pas le cas chez les jeunes animaux, pour
lesquels la synthèse endogène ne couvre
pas les besoins.
La plus grande partie du glutamate servira
à la synthèse :
• du glutathion, un tripeptide capable d’éliminer d’un certain nombre d’espèces réactives de l’oxygène ; il s’agit d’une utilisation
locale du glutamate par les entérocytes ;
• de l’alanine (après transamination du pyruvate), un acide aminé utilisé au niveau
du foie pour la néoglucogenèse ; il s’agit
d’un dialogue entre l’intestin et le foie ;
• de l’aspartate (après transamination de
l’acide oxalo-acétique), un acide aminé
utilisé dans le cycle de l’urée hépatique ;
il s’agit là encore d’un dialogue entre
l’intestin et le foie ;
• de l’alpha-cétoglutarate. Ce dernier quitte
le cytosol pour pénétrer dans la mitochondrie où, via le cycle de Krebs, il sert à synthétiser des équivalents réduits, comme
le NADH qui est nécessaire à la formation
d’ATP.
Métabolisme simplifié de l’arginine
Dans les entérocytes du porc sevré, l’arginine permet la synthèse d’ornithine et d’urée.
Cette ornithine peut se mélanger avec celle
qui provient de la glutamine et contribuer
à la synthèse de citrulline, qui sera utilisée au
niveau du rein pour redonner de l’arginine.
L’arginine sert aussi à synthétiser du monoxyde d’azote et de la citrulline. Le monoxyde d’azote est nécessaire au maintien
de la perméabilité intestinale ; en effet, on
observe une perte de perméabilité, notam-
ment vasculaire, en présence d’inhibiteurs
spécifiques de la NO synthase. Il s’agit, là
aussi, d’une utilisation de l’arginine pour
une fonction locale.
Dans les entérocytes de porc nouveau-né,
ou âgé de quelques jours, le métabolisme
de l’arginine est totalement différent, car
il est orienté vers la synthèse et très peu
vers le catabolisme. En effet, le rein qui est
responsable de la synthèse de l’arginine
est immature à la naissance ; c’est donc l’intestin qui, pendant cette période de développement intense de l’animal, assure cette
fonction physiologique.
Le gros intestin
Le gros intestin présente des points communs, mais aussi des différences avec
l’intestin grêle.
Une structure épithéliale différente
On ne retrouve pas les villosités de l’intestin
grêle, mais un épithélium en plateau avec
la présence de cryptes coliques.
Des fonctions physiologiques différentes
L’épithélium colique est responsable de l’absorption de l’eau, des électrolytes et de
certains métabolites produits par la flore
colique. Les cellules en gobelet sont beaucoup plus nombreuses que dans l’intestin
grêle : elles représentent environ 20% des
cellules épithéliales. Ceci correspond probablement à l’existence d’une stase colique.
Les cellules entéro-endocrines sont beaucoup plus rares que dans l’intestin grêle
et tous les phénotypes ne sont pas présents.
Un renouvellement de l’épithélium
moins rapide
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Comme dans l’intestin grêle, on trouve
dans l’épithélium colique des cellules pluripotentes à la base des cryptes, et des cellules en mitose qui migrent le long des cryptes et se différencient en cellules mâtures ;
ces dernières s’exfolient au niveau de
l’épithélium de plateau. Ce renouvellement
de l’épithélium colique est moins rapide
que celui de l’intestin grêle ; chez l’homme,
ils seraient respectivement de 3 à 8 jours
et de 1 à 2 jours.
chrome oxydase mitochondriale et donc
la respiration cellulaire.
On y trouve aussi, mais à des concentrations
moindres, des amines, dont des polyamines
(qui sont impliquées dans la prolifération
et la différenciation des colonocytes) et des
nitrosamines.
Enfin, il convient d’ajouter des phénols,
des acides organiques et bien d’autres constituants dont on ignore pratiquement tout
de leurs effets sur l’épithélium colique.
Un environnement luminal différent
Le métabolisme des colonocytes
La stase luminale du côlon est beaucoup
plus importante que celle de l’intestin grêle.
La population bactérienne est, elle aussi,
beaucoup plus abondante.
Il diffère en partie de celui des entérocytes.
Par exemple, le métabolisme de la glutamine
est important, mais celle-ci provient majoritairement de l’apport sanguin, puisque
les colonocytes ne semblent pas, d’après
la plupart des études, capables de transporter les acides aminés luminaux. Le métabolisme du glucose se fait principalement dans
la glycolyse, dans le cycle tricarboxylique
et dans la voie des hexoses monophosphates.
Le métabolisme de l’arginine se fait, comme
dans les entérocytes, dans les voies de l’arginase et des NO synthases. L’expression
de l’isoforme inductible est fortement augmentée dans les biopsies de patients souffrant de maladies inflammatoires, comme
la rectocolite hémorragique ou la maladie de
Crohn ; dans cette situation, la production
augmentée de NO aurait un rôle délétère.
On y trouve des acides gras à chaînes courtes (en particulier du butyrate, de l’acétate,
du propionate) et des acides gras branchés
à des concentrations millimolaires. Ces acides gras sont produits à partir de composés
alimentaires qui n’ont pas été digérés ou
qui ne sont pas absorbés par l’épithélium
intestinal ; il s’agit principalement de fibres,
d’amidons résistants ou de protéines non
dégradés dans l’intestin grêle.
L’ammonium, produit de dégradation des
acides aminés et de l’urée, est synthétisé par
les bactéries. Les concentrations luminales
sont élevées, comprises entre 15 et 45 millimolaires en fonction de l’apport alimentaire
en protéines.
La production de gaz est également une
caractéristique du métabolisme bactérien.
Par exemple, le sulfure d’hydrogène est
produit dans la lumière colique au départ
des acides aminés soufrés, des sulfates et
des additifs sulfités. C’est un gaz potentiellement toxique car, en excès, il inhibe la cyto-
Enfin, les colonocytes métabolisent le butyrate et l’acétate produits par les bactéries,
ce que les entérocytes ne peuvent pas
faire. Ces deux acides gras sont transportés
à l’intérieur des colonocytes grâce à un
transporteur, le MCT1 ; ils permettent la
synthèse de corps cétoniques (substrats
oxydatifs énergétiques des cellules), de
triglycérol et surtout de phospholipides
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utilisés pour les biosynthèses de membranes
cellulaires.
à travers les colonocytes. Ces derniers régulent
la concentration de l’ammonium en le métabolisant soit en glutamine, soit en citrulline.
La formation de cryptes aberrantes
L’épithélium colorectal a une propension
à former des foyers de cryptes aberrantes.
Il s’agit de formations pré-néoplasiques
caractérisées par des anomalies, notamment
dans le processus de détachement des cellules. Les cellules mâtures se maintiennent
sur l’épithélium de surface et continuent
à proliférer, formant des bourgeons appelés
cryptes aberrantes qui peuvent évoluer vers
la formation de polypes. Ces structures
anormales sont beaucoup plus rares dans
l’intestin grêle.
Alimentation et composition luminale
dans le côlon/rectum
L’ammonium
Plus on consomme de protéines, plus la
concentration en ammonium dans la lumière du côlon est importante (elle varie
de 15 à 45 mM). Dans les sociétés occidentales, la consommation moyenne journalière est de 100 grammes de protéines.
Les protéines alimentaires ou endogènes
(cellules desquamées, mucus), qui ne sont
pas digérées ou absorbées au niveau de
l’intestin grêle, franchissent la jonction iléocaecale : on estime cette quantité entre
6 et 18 grammes de matière azotée par
jour. Cette dernière subit alors une intense protéolyse bactérienne (désamination des acides aminés par les bactéries,
dégradation de l’urée en ammonium par
les uréases bactériennes) et un métabolisme endogène de la glutamine par les colonocytes qui conduit à la synthèse d’ammonium. L’ammonium luminal est en partie
absorbé (environ 4 g par jour chez l’homme)
Effets de NH4+/NH3 sur l’épithélium
colique
Ex-vivo, une concentration excessive d’ammonium entraîne des altérations morphologiques dans l’épithélium colique et par
conséquent une augmentation du renouvellement épithélial compensateur. En effet,
lorsque l’épithélium de plateau est trop vite
desquamé, on observe une augmentation de
la vitesse de division des cellules à la base
de la crypte, de manière à compenser ces
altérations. On pense que cette augmentation du renouvellement de l’épithélium
pourrait favoriser la fréquence des mutations cellulaires.
In vitro, l’ammoniac diminue le métabolisme oxydatif du butyrate et de l’acétate.
Au-delà d’une certaine concentration,
il provoque une augmentation transitoire
du pH intracellulaire.
Le sulfure d’hydrogène
Le sulfure d’hydrogène est produit, en particulier, par les bactéries sulfatoréductrices,
à partir des acides aminés soufrés, des sulfates alimentaires et des additifs sulfurés
qui sont utilisés, notamment, dans la fabrication des vins. La concentration luminale
est importante (de 1 à 3,5 mM) et varie
avec l’ingéré protéique. Plus la consommation de protéines est importante, plus
la concentration de H2S augmente. Celleci augmente en cas de rectocolite hémorragique (des auteurs pensent qu’une augmentation de sulfure d’hydrogène pourrait
constituer un risque de récidive de la maladie). Chez des rongeurs traités au dextran sulfate (une forme non absorbable
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du sulfate), on observe des inflammations
coliques proches de celles observées dans la
rectocolite humaine. C’est pourquoi, nous
nous sommes intéressés à cette molécule.
Effets du H2S sur les colonocytes
Les effets aigus du H2S sur les cellules
épithéliales coliques se traduisent par une
inhibition de la cytochrome c-oxydase mitochondriale. Les cellules respirent moins,
et on observe une inhibition de l’oxydation
de la plupart des substrats énergétiques
de ces cellules : inhibition de l’oxydation
du butyrate, de l’acétate et de la glutamine.
Métabolisme détoxifiant
dans les colonocytes
Les colonocytes sont capables de détoxifier
le sulfure d’hydrogène. D’après une étude
américaine de 2005, la synthèse de thiosulfate serait la principale voie d’élimination
du sulfure d’hydrogène par les colonocytes. Face à un apport chronique d’H2S,
des expériences in vitro suggèrent que
l’épithélium colique est capable de s’adapter. On observe, en effet, dans des cellules
issues d’adénocarcinome colique humain
HP-29 :
• une augmentation de la glycolyse qui
compense partiellement la baisse de la synthèse d’ATP induite par la diminution de
la respiration ;
• une diminution de la prolifération cellulaire, ce qui est une façon d’économiser
l’ATP nécessaire à la division cellulaire
et aux voies métaboliques de biosynthèse
associées, et donc de maintenir le rapport
ATP/ADP constant ;
• une augmentation, après 24 heures de
traitement, de l’expression d’UCP2 (protéine de découplage) associée à une augmentation du découplage de la respiration
mitochondriale. Il semble donc que, dans
les cellules HT-29 comme dans les macrophages, une augmentation de l’expression
de UCP2 permet de contrôler la production
des espèces réactives de l’oxygène et donc
de préserver la viabilité des cellules épithéliales coliques.
Chez des patients atteints de rectocolite
hémorragique en rémission, des recherches
cliniques récentes ont montré qu’une alimentation riche en protéines ou en sulfates
pourrait, via une augmentation du sulfure
d’hydrogène luminal, favoriser le risque de
rechute. En effet, le risque relatif par rapport
à des patients recevant un apport modéré en
protéines et en sulfates était respectivement
3 et 2,6 plus élevé.
Discussion
Tu nous as dit que le glutamate est le fuel
de la cellule. Comment se fait-il alors qu’il
soit mal absorbé ?
La glutamine et le glutamate sont bien transportés dans les entérocytes. Mais, comme
ils sont très fortement oxydés, on les retrouve en concentrations faibles dans la veine
porte.
Le transport des acides aminés à travers
la paroi intestinale est-il modulé en fonction
de l’état métabolique et, en particulier, en
cas de carence de certains acides aminés ?
En d’autres termes, tu me demandes si le
métabolisme varie en fonction de l’apport
alimentaire. Pour répondre à cette question,
nous avions, en collaboration avec une
société qui vend du glutamate de sodium,
donné à des porcs pendant une semaine
une quantité plus ou moins importante
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de ce produit. On pensait que le glutamate
de sodium était impliqué dans le syndrome du restaurant chinois caractérisé par
certains symptômes comme des vertiges.
On sait aujourd’hui que ce n’est pas le cas
et que c’est probablement l’histamine qui est
à l’origine de ce syndrome. Toujours est-il
que, malgré l’administration de fortes doses
de glutamate de sodium dans l’alimentation,
on n’observait aucune différence du métabolisme du glutamate par les entérocytes ;
ceci suggère, au moins pour le glutamate,
que le métabolisme serait de type constitutif et non modulable dans nos conditions
expérimentales.
H2S est produit par le système nerveux et
le tube digestif est très riche en neurones.
Le sulfure d’hydrogène, qui est produit par
les bactéries de la flore et plus ou moins filtré par le colonocyte, pourrait-il intervenir
sur le système nerveux du tube digestif ?
Les concentrations de H2S produites dans
le système nerveux central à partir de la cystéine sont très faibles (picomolaires). Celles
que l’on trouve dans la lumière du côlon
sont micromolaires, voire millimolaires.
Des travaux récents montrent, qu’en fonction des concentrations, H2S peut être un
poison ou un substrat énergétique pour les
colonocytes.
Les acides gras à courtes chaînes produits
dans le côlon sont-ils absorbés ? Participent-ils à l’apport calorique ? Et si oui, dans
quelles proportions ?
Le butyrate est fortement métabolisé par les
cellules de l’épithélium colique. On en retrouve donc relativement peu dans la veine
porte. L’acétate est présent à des concentrations plus élevées dans la lumière colique, et bien qu’il soit aussi métabolisé par
les colonocytes, on mesure des concentrations non négligeables dans la veine porte.
Cet acide gras à courte chaîne peut être
métabolisé par le foie. Le propionate est lui
aussi métabolisé dans le foie.
La citrulline, qui est un marqueur de trophicité de l’intestin, est aussi produite par
le côlon. Connaît-on les quantités produites
par l’un et par l’autre ?
En comparant la production d’ARN messagers correspondant aux enzymes responsables de la synthèse de citrulline par des
entérocytes et des colonocytes humains,
on a observé qu’elle était beaucoup plus
importante dans les entérocytes. Bien
que ce soit une observation très indirecte,
je pense que le côlon n’est pas le site principal de production de citrulline.
Les bactéries présentes dans l’iléon interviennent-elles sur le métabolisme des cellules épithéliales de l’iléon ? Ce métabolisme
est-il proche de celui de l’intestin proximal
qui héberge peu de bactéries ?
Il est possible qu’il y ait une spécialisation
progressive du duodénum vers le côlon.
Comme le transit est beaucoup plus rapide
dans l’intestin grêle et que les bactéries sont
plus nombreuses dans le côlon que dans
l’iléon, la concentration en acide gras est beaucoup plus importante dans le côlon que dans
l’iléon.
Quand on donne du DSS (Dextran Sodium
Sulfate) à des souris ou à des rats par voie
orale, on observe aucun effet sur l’estomac et sur l’intestin grêle ; l’inflammation
ne touche que le côlon. Le colonocyte
est-il plus sensible ou le transit est-il trop
rapide pour que le produit ait un effet sur
les entérocytes ?
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Les deux hypothèses sont bonnes. Je pense
que la sensibilité des cellules est différente
et que le DSS séjourne plus longtemps dans
la lumière colique. De plus, la flore colique métabolise le DSS et produit du sulfure
d’hydrogène.
Quels sont les avantages et les inconvénients, les intérêts et les limites des modèles cellulaires utilisés ?
Lorsque l’on isole des cellules épithéliales
intestinales, on les sépare de la matrice
extracellulaire et, de ce fait, elles meurent
assez vite. Les biologistes se sont donc tournés vers des modèles plus simples, comme
HT-29 et Caco-2. Ces cellules d’origine
tumorale peuvent être maintenues longtemps en culture (plus de 60 passages), mais
on ne peut empêcher leur évolution. L’utilisation des lignées tumorales a permis une
avancée très importante des connaissances,
en particulier du point de vue des mécanismes, mais cela a-t-il un sens en terme de
physiologie ?
Article 1*
NG-hydroxy-L arginine and nitric oxide
inhibit Caco-2 tumor cell proliferation
by distinct mechanisms.
Introduction
En 1977, Ferid Murad montrait que le monoxyde d’azote (NO) activait la guanylyl
cyclase. Cette dernière était alors capable
d’hydrolyser le GTP en GMP cyclique et,
par conséquent, d’induire la relaxation.
En 1980, Robert Furchgott identifie une
autre molécule capable d’induire la relaxa-
tion : l’EDRF (Endothelium Derived Relaxing Factor).
En 1987, Louis Ignarro et Robert Furchgott
démontrent que le NO et l’EDRF ont des
actions similaires, puisque liés à l’hémoglobine : ils induisent une même modification de l’absorbance.
En 1988, Salvador Moncada confirme que
l’EDRF est en fait du NO. Murad, Furchgott
et Ignarro reçoivent le prix Nobel de médecine pour leur travail sur le NO.
Importance du monoxyde d’azote
Le NO est un radical libre hautement
réactif. A la température ambiante, c’est
un gaz dont la durée de vie est de l’ordre
de la seconde. Il est lipophile. Il est synthétisé à partir de L-arginine et d’oxygène,
en présence de NO synthases (NOs) et
de plusieurs co-facteurs (NADPH, FADH2,
BH4). Cette synthèse se fait en deux étapes : l’arginine est d’abord transformée
en N-hydroxy-L. arginine (ou NOHA) qui,
elle-même, toujours par l’action catalytique
de NOs, donnera du NO et de la citrulline.
Le NO intervient sur les grandes fonctions
physiologiques de l’organisme ; il a des
effets respiratoires (bronchodilatateur), vasculaires (vasodilatateur) sur les systèmes
nerveux et immunitaire. Enfin, et c’est
ce qui nous intéresse ici, il agit sur la croissance des tumeurs.
La voie des polyamines
L’arginine est impliquée dans une autre
voie importante pour la prolifération cellulaire : la voie des polyamines. Cette voie fait
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intervenir deux enzymes importantes dans
cette étude : l’arginase et l’ornithine décarboxylase. Le but est d’établir les liens entre
ces deux voies (celle du NOs et celle
de l’arginase) et la croissance cellulaire,
mais aussi de voir leur éventuelle connexion
avec la voie du GMP cyclique qui induit
la relaxation.
Conclusions
• Le NOHA est capable d’inhiber la prolifération cellulaire en inhibant l’activité de
l’arginase.
• Le NO est capable d’inhiber la prolifération cellulaire en inhibant l’activité de l’ornithine décarboxylase, mais sans passer par
le GMP cyclique. L’inhibition de l’ornithine
décarboxylase diminue la capacité de synthèse des polyamines.
Discussion
L’action du NO est-elle la même sur tous
les types cellulaires ?
Non, le problème avec le NO est qu’il a,
in vitro, des effets diamétralement opposés
(apoptotique ou protecteur, inhibiteur ou
proliférateur) en fonction de la concentration, mais aussi du type cellulaire.
Quels sont les principaux donneurs de
NO ?
Les donneurs de NO sont très variables :
il en existe des lents et des rapides. Le plus
couramment utilisé est le DETA. Il vaut
mieux être prudent avec le SNAPs, car
il a souvent un effet toxique in vitro. Finalement, avec les donneurs de NO, on ne
sait pas si on donne du NO radical libre
ou du NO superoxyde. Or, ce dernier se
combine avec le NO pour donner du peroxynitrite, produit très toxique qui attaque
les protéines et modifie les résidus tyrosine.
Les proliférations cellulaires anormales
sont très fréquentes dans le côlon. Or, nous
n’avons pas tous un cancer du côlon. Il doit
donc y avoir des mécanismes qui détruisent
les jeunes polypes et les cryptes aberrantes,
éventuellement induits par le NO.
La fréquence des cryptes aberrantes augmente avec l’âge et, heureusement, elles
ne dégénèrent pas toutes en carcinomes.
On sait, par ailleurs, que les inflammations
coliques favorisent le développement des
tumeurs et qu’en cas d’inflammation on
observe une surexpression de l’isoforme
inductible de la NOS (iNOS). Mais, même
si le NO, à forte concentration et pendant
un temps prolongé, a des effets éventuellement mutagènes sur l’ADN, on ne connaît
ni la quantité de NO, ni le temps nécessaire
au développement d’une tumeur. Comptetenu de sa durée de vie, il est impossible
de le voir et de le mesurer in vivo.
Article 2*
The human colonic monocarboxylate
transporter isoform 1: its potential importance to colonic tissue homeostasis.
Introduction
MCT1 appartient à la famille des transporteurs de monocarboxylates (il existe 14
isoformes). Il est localisé dans le côlon,
mais aussi dans le cœur et le muscle rouge.
Il transporte, à travers l’épithélium coli-
-13-
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que, le butyrate, le propionate et l’acétate,
qui résultent de la fermentation des fibres
alimentaires par les bactéries anaérobies.
On connaît bien les effets du butyrate
sur la muqueuse colique : c’est une source
d’énergie pour les colonocytes ; il intervient
dans l’inhibition de la prolifération cellulaire et dans l’induction de la différenciation
cellulaire ; il agit sur le système immunitaire. Tous ces effets concourent au maintien
de l’homéostasie de l’épithélium colique.
On sait aussi que le butyrate régule l’expression de MCT1 et que celle-ci est sousrégulée lorsque les cellules coliques de
l’homme deviennent malignes. Le but de
cette étude est de voir si la baisse de l’expression de MCT1 durant la carcinogenèse colique entraîne la diminution de
la concentration en butyrate intracellulaire,
et donc une dérégulation des gènes associés
au maintien de l’homéostasie.
Conclusions
• L’inhibition de l’expression de MCT1
entraîne effectivement la diminution de la
concentration en butyrate intracellulaire,
provoquant ainsi la dérégulation de l’expression de gènes impliqués dans la prolifération et la différenciation cellulaires.
• Par contre, la modulation de gènes impliqués dans l’apoptose en fonction de la
concentration intracellulaire de butyrate
ne dépend pas de l’expression de MCT1 :
l’induction de l’apoptose par le butyrate
ne passe pas par MCT1.
• Le butyrate serait détecté à la surface
de la membrane plasmique déclenchant
une cascade de signalisations responsable
de la modulation de l’expression de gènes
impliqués dans l’apoptose.
Discussion
Peut-on imaginer que ce n’est pas le butyrate qui est responsable de l’effet recherché, mais un des produits de son métabolisme ?
En effet, rien ne permet d’exclure cette hypothèse. Mais, dans cette étude, les auteurs
se sont intéressés uniquement au transport
du butyrate et non à son métabolisme.
Sait-on comment fonctionne le MCT1 ?
Il est relativement peu spécifique puisqu’il transporte d’autres acides organiques
comme le propionate ou l’acétate. Contrairement à d’autres familles de transporteurs,
il n’est pas sodium-dépendant.
L’absorption par les colonocytes des acides
organiques (parmi lesquels on trouve en
particulier les AGV, ou acides gras volatils)
n’est-elle pas fonction du pH ? Est-ce une
diffusion active ou passive ?
Le transport actif du butyrate dans les colonocytes représenterait 50% du transport
de ce métabolite. L’autre moitié serait celle
de sa simple diffusion, sous forme anionique ou non ; la diffusion est effectivement
très sensible au pH.
Les transporteurs du butyrate sont-ils tous
identifiés ?
Ils sont différents selon les espèces, mais
aussi selon le niveau du côlon (proximal,
médian ou distal). Grâce à l’identification
moléculaire, les transporteurs de différents
nutriments sont aujourd’hui bien connus.
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Les acides gras à chaînes courtes sont-ils
tous retrouvés dans la veine porte ?
Le butyrate et le propionate ne sont retrouvés qu’en faible quantité dans la veine
porte, contrairement à l’acétate. Le butyrate est l’acide gras volatile présent en plus
faible concentration dans la lumière colique ;
c’est le principal substrat énergétique des
colonocytes.
Article 3*
Rapid onset of apoptosis in vitro follows disruption of b1 integrin/matrix
interactions in human colonic crypt
cells.
Introduction
La desquamation de l’épithélium de surface
est un phénomène normal qui participe à
l’homéostasie du tissu intestinal. On sait
que l’anoïkis (du grec « a », qui signifie sans,
et « noïkos », qui signifie maison), c’est-àdire l’apoptose induite par le défaut d’interaction entre les cellules et la matrice extracellulaire, est impliqué dans l’élimination
des cellules intestinales sénescentes. Mais,
les cellules meurent-elles dans l’épithélium
avant d’être exfoliées ou sont-elles exfoliées
avant d’entrer en apoptose ?
La deuxième question à laquelle ont souhaité répondre les auteurs de cet article
concerne le rôle des intégrines b1 dans
l’anoïkis. Ces protéines de surface médient
les interactions entre les cellules intestinales,
la membrane basale et la lamina propria
sous-jacente. On sait aujourd’hui qu’elles
modulent l’expression de certains gènes
et donc l’activité des cellules intestinales
à qui elles transmettent des signaux de vie
ou de mort.
Conclusions
• Les cryptes isolées se désintègrent progressivement lorsqu’elles sont maintenues
en suspension.
• Cette désintégration serait associée à une
apoptose massive des cellules. Une heure
après l’isolement, on observe déjà une
dégradation de l’ADN.
• La survie des cellules dépend de l’adhésion à une matrice de protéines extracellulaires.
• Le signal de survie est transmis par les
intégrines b1.
• Deux zones sont particulièrement sensibles à la perte de contact avec la matrice :
le fond de la crypte (cellules souches) et
le haut de la crypte (épithélium de surface).
• Malheureusement, la responsabilité de
l’anoïkis dans la mort des cellules sénescentes de l’épithélium n’est pas démontrée
de manière irréfutable (cause ou conséquence ?).
Discussion
L’importance d’une matrice extracellulaire
pour cultiver un épithélium colique in vitro
avait déjà été démontrée. En quoi cette publication est-elle originale ?
C’est la première fois que l’anoïkis
est démontré sur des cellules d’un épithélium colique humain normal, et ceci dans
un délai rapide (environ 3 heures). Les
études antérieures avaient été faites sur
des lignées cellulaires transformées et
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l’apoptose avait été observée au bout de 5
à 8 heures.
Par ailleurs, on savait que les cellules épithéliales avaient besoin d’un contact avec
la matrice extracellulaire pour proliférer
et se différencier. Ici, ils montrent que la
survie elle-même dépend de ce contact.
N’est-il pas étrange que des cellules souches soient sensibles à l’apoptose ?
Cela peut paraître étonnant à première vue,
mais le fait que les cellules du fond des
cryptes soient susceptibles à l’apoptose,
après détachement, pourrait constituer un
mécanisme de protection contre une croissance ectopique : l’anoïkis empêcherait ces
cellules qui ont une grande capacité à proliférer d’aller se différencier n’importe où.
Des cellules mortes pourraient-elles rester
« bloquées » dans la lamina propria ?
Normalement, les cellules mortes sont
« éjectées » dans la lumière intestinale où
elles se nécrosent et servent d’aliment aux
bactéries de la flore digestive. Celles qui
se trouvent ailleurs qu’au sommet des villosités peuvent être absorbées et digérées par
les cellules dendritiques qui migrent vers
les ganglions mésentériques.
Je pensais que l’apoptose était un phénomène irréversible, or il semblerait que l’on
puisse l’arrêter.
Certains ont qualifié de paraptose une apoptose que l’on peut moduler. Ce phénomène
me paraît logique dans la mesure où le
renouvellement de l’épithélium colique
varie selon de nombreux critères : l’individu,
sa flore, son environnement au sens large
(présence d’H2S, de NH3…). C’est un phénomène qui n’est pas programmé puisqu’il
est soumis à un environnement variable.
Dans un tel contexte, essayer de voir comment des molécules alimentaires peuvent
influer sur les cascades de signalisation est
un véritable défi.
Article 4*
Glutamine inhibits cytokine-induced
apoptosis in human colonic epithelial
cells via pyrimidine pathway.
Introduction
Lors d’une maladie inflammatoire du tube
digestif, on observe une augmentation de
l’apoptose des cellules des zones inflammées de la muqueuse colique. Cette mort
cellulaire est induite par l’augmentation
de l’expression des cytokines (TNF-a, IFN-g),
dont le taux est élevé chez les patients
malades.
Afin de réduire l’apoptose et de favoriser
la restitution de la muqueuse colique, on
utilise différentes méthodes, dont la supplémentation des aliments en glutamine (Gln).
En effet, la glutamine est un nutriment important des cellules épithéliales intestinales
et immunitaires lors de stress cataboliques.
En supplémentation des aliments ou en nutrition parentérale, elle a des effets positifs
sur le bilan azoté, la fonction immunitaire
ou l’indice de morbidité (modèles animaux
ou patients malades). Enfin, elle a des effets
trophiques, pro-prolifératifs et anti-apoptotiques sur l’épithélium intestinal.
Les auteurs de cette publication souhaitent
montrer par quels mécanismes la glutamine
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inhibe l’apoptose de cellules HT-29 induites
par une cytokine, TRAIL (TNF-a Related
Apoptosis Induced Ligand).
Rappel : les voies d’utilisation
de la glutamine
La glutamine est impliquée dans trois voies
de synthèse :
• par désamination, via la glutaminase, elle
produit du glutamate et de l’ammonium.
Le glutamate est lui utilisé pour produire
du glutathion et certains acides aminés
(proline, arginine). Les auteurs avaient montré dans un article précédent que cette voie
ne participait pas à l’effet anti-apoptotique
de la glutamine ;
• elle conduit à la synthèse des purines
(adénine, guanine), via un précurseur :
l’inosine ;
• elle conduit également à la synthèse des
pyrimidines (cytosine, thymine, uracile),
via un autre précurseur : l’orotate.
Conclusions
• L’apport de glutamine aux cellules HT29
cultivées in vitro entraîne la synthèse, de
novo, des bases pyrimidiques et d’UDPglucose, mais n’intervient pas sur la synthèse des acides nucléiques.
• La voie des purines ne permet pas d’inhiber l’apoptose induite par la cytokine
TRAIL.
• La glutamine, l’orotate, l’uracile et la
thymine ont des effets anti-apoptotiques
sur les cellules HT-29 dont l’apoptose a
été induite par le TRAIL.
• Ces observations in vitro doivent être prolongées par des études sur des modèles animaux, car les mécanismes physiologiques
impliqués restent mal connus.
Discussion
Ce modèle est-il mieux adapté à l’apoptose
des cellules du bas de la crypte ou à celles
de l’épithélium de plateau ?
Peut-être aux cellules pluripotentes du
bas de la crypte. Mais, même si la culture
d’HT-29 est un bon modèle, il est difficile d’extrapoler les résultats de l’in vitro à
l’in vivo. C’est une piste de recherche intéressante, car ce nouvel effet de la glutamine
était peu documenté. Il est important maintenant de travailler sur des modèles animaux.
Pourquoi utilisent-ils des concentrations
en orotate si élevées et donc très éloignées
des concentrations cellulaires habituelles ?
Peut-être parce que l’orotate pénètre difficilement à l’intérieur des cellules. On ne
sait d’ailleurs pas comment il y pénètre.
On peut se poser la question de savoir
si une réduction de la concentration d’orotate aurait conduit aux mêmes résultats.
Est-ce qu’une étude qui utilise des cellules issues d’un adénocarcinome colique
humain a une pertinence physiologique ?
C’est une bonne question ; il est actuellement extrêmement difficile de maintenir
des colonocytes en survie au-delà de quelques heures.
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François Blachier, Directeur de recherche,
Unité Physiologie de la Nutrition du Comportement Alimentaire - INRA Paris.
Articles analysés*
Article 1 - présenté par Amandine Brochot
« NG-hydroxy-L arginine and nitric oxide inhibit Caco-2 tumor cell proliferation by
distinct mechanisms », Buga et al., Am. J. Physiol., 1998
Article 2 - présenté par Myriam Moussa
« The human colonic monocarboxylate transporter isoform 1: its potential importance to colonic tissue homeostasis », Cuff et al., Gastroenterology 2005; Vol. 128 (3)
Article 3 - présenté par Béatrice Darcy-Vrillon
« Rapid onset of apoptosis in vitro follows disruption of b1 integrin/matrix interactions in human colonic crypt cells », Sträter et al., Gastroenterology 1996;
Vol. 110 (6)
Article 4 - présenté par Maud Le Gall
« Glutamine inhibits cytokine-induced apoptosis in human colonic epithelial cells
via pyrimidine pathway », Evans et al.; Am. J. Physiol. GI, 2005; Vol. 289, 388-396
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La barrière immunologique
intestinale
Martine Heyman
Introduction
La première session avait trait à l’anatomie
du système digestif et à sa principale fonction, celle de l’absorption des nutriments.
Il existe une deuxième fonction intestinale
extrêmement importante, celle de barrière
immunologique. Avec ses 300 m2, la surface intestinale est la plus grande surface
au contact du milieu extérieur. Les quantités
importantes de protéines alimentaires, qui
arrivent plus ou moins dégradées au niveau
de l’intestin grêle, sont donc de potentiels
épitopes réactifs vis-à-vis du système immunitaire. Nous hébergeons aussi de très nombreuses bactéries contre lesquelles nous
ne devons pas développer de réaction immunitaire inflammatoire ; nous devons les
tolérer. Par ailleurs, nous sommes de temps
en temps en contact avec des germes
pathogènes (bactéries et virus) pour lesquels
une réponse immunitaire pro-inflammatoire
doit conduire à leur élimination. La barrière
intestinale doit donc tolérer les antigènes
inoffensifs et se débarrasser de ceux qui sont
potentiellement nocifs.
Immunité innée et immunité
adaptative
La réponse immunitaire innée permet une
défense très rapide et non spécifique, car
elle ne reconnaît pas d’épitopes antigéniques spécifiques. Elle complète certains systèmes de défense de la barrière intestinale
comme le mucus, les secrétions digestives
(les protéases digèrent une partie des antigènes et des bactéries) et le péristaltisme
qui évite l’adhésion des bactéries pathogènes aux cellules épithéliales. Les cellules
épithéliales peuvent sécréter, sous l’influence de bactéries indésirables, des cytokines
qui provoquent l’inflammation de la muqueuse ; on les considère donc comme
de vraies cellules de l’immunité innée, au
même titre que les macrophages, les cellules dendritiques et les lymphocytes NK
(natural killer) situés dans la lamina propria.
L’immunité innée est relayée par l’immunité adaptative. Celle-ci est spécifique des
antigènes bactériens, alimentaires ou nocifs.
Elle est plus lente à établir (environ 6 jours),
mais elle est durable et passe essentiellement par la maturation de cellules B qui
sont des plasmocytes à IgA. Ces derniers
assurent la protection de la muqueuse via
les IgA sécrétoires et les lymphocytes T.
La lumière intestinale contient davantage
de cellules lymphoïdes que le reste de l’organisme (1012 cellules lymphoïdes par mètre
d’intestin). L’intestin est donc un organe
très infiltré par le système immunitaire.
Le rôle principal de ce jeu entre immunité
innée et immunité adaptative est la défense
anti-infectieuse qui assure une double protection : une protection locale de la muqueuse et donc de la fonction de digestion,
et une protection systémique via la libération d’anticorps.
Activation de l’immunité innée
La réponse immédiate et non spécifique
passe par la reconnaissance de motifs bactériens conservés (composants de la paroi
bactérienne, acides nucléiques) que l’on
appelle MAMP (microbial associated molecular patterns). Les motifs de bactéries
pathogènes sont dénommés PAMP (pathogen
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associated molecular patterns). Ces motifs
bactériens sont reconnus par des récepteurs
PRR (pattern recognition receptors) situés
sur les cellules de l’immunité innée.
Parmi les composants des parois bactériennes, on trouve, par exemple, les peptidoglycans, la flagelline ou le LPS, reconnus
via les TLR2, TLR5 et TLR4, respectivement.
On dénombre aujourd’hui plus de 11 TLR
(Toll Like Receptor) qui sont associés à des
motifs bactériens différents. Si certains TLR
sont situés à la surface de la cellule, d’autres
sont à l’intérieur de la cellule, dans des vésicules endosomales. C’est le cas du TLR3
et du TLR7 qui sont respectivement les récepteurs des ARN double brin et simple
brin, et du TLR9 qui reconnaît les fragments
d’ADN enrichis en motif CpG. Notons qu’il
existe aussi, dans le cytoplasme, des récepteurs qui reconnaissent des composants de
paroi de bactéries invasives : Nod1 reconnaît l’acide méso-diaminopimélique (DAP)
et Nod2 le muramyl tripeptide (MDP). On
a démontré récemment que le MDP pouvait
entrer dans la cellule épithéliale via PEPT1,
un transporteur de peptides.
Lorsque les TLR sont stimulés par des fragments de paroi ou par des acides nucléiques de bactéries, ils induisent une cascade
pro-inflammatoire. L’activation des facteurs
de transcription NFkB et IRF3 conduit à la
transcription de cytokines, de chimiokines,
de défensines (peptides anti-bactériens)
ou de NO synthases, toutes ces molécules
étant impliquées dans la défense immédiate. On observe également la synthèse
de récepteurs membranaires qui interviennent dans la présentation antigénique lors
de la réponse immunitaire adaptative : ce
sont les molécules du CMH II (Complexe
Majeur d’Histocompatibilité de classe II)
et des molécules d’adhésion et de costimulation. Tous ces événements conduisent
à l’élimination des bactéries pathogènes.
Immunité innée :
savoir identifier le danger
Comment le système immunitaire fait-il
la différence entre une bactérie pathogène
et une bactérie commensale ? Pourquoi
n’induit-il pas une réponse inflammatoire
vis-à-vis de la flore intestinale ? La membrane apicale des entérocytes est en contact
direct avec la lumière intestinale et les bactéries de la flore. Or, la plupart des TLR de
l’entérocyte semblent être situés, soit sur
la membrane baso-latérale (TLR5), soit
dans des compartiments internes (TLR3,
TLR4, TLR7, TLR8, TLR9). NOD1 et NOD2
sont également des récepteurs cytoplasmiques. On observe cependant dans certaines
maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, un adressage des TLR au niveau de
la membrane apicale. Seule, l’entrée des
bactéries pathogènes dans la cellule épithéliale permet le déclenchement d’une réponse inflammatoire. Ainsi, la différence entre
une bactérie pathogène et une bactérie
commensale s’effectue grâce à la compartimentation des TLR dans les entérocytes.
Activation de l’immunité adaptative
Les cellules effectives sont les lymphocytes T et les lymphocytes B. Le récepteur des lymphocytes T (TCR) est constitué
d’une chaîne alpha, d’une chaîne bêta,
de domaines constants et de domaines
variables. Suite à des hyper-mutations consécutives à la rencontre avec l’antigène, le
TCR devient de plus en plus spécifique
de l’antigène et reconnaît avec une plus
grande efficacité les épitopes antigéniques
(il existerait près de 108 TCR distincts).
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Les immunoglobulines ont, elles aussi, un
domaine constant (Fc) et un domaine variable (Fab). Il existe un nombre extrêmement
important (109 à 1012) d’anticorps générés
par des réarrangements somatiques. De
plus, la rencontre d’un antigène génère
des cellules qui conservent la mémoire de
ces antigènes et qui, suite à un deuxième
contact, seront réactivées et induiront très
rapidement la réponse adaptative.
L’activation de l’immunité adaptative est
favorisée par les cellules de l’immunité
innée qui sont, pour la plupart, des cellules présentatrices d’antigènes. L’interaction
d’un pathogène avec les TLR à la surface
des cellules de l’immunité innée entraîne
la transcription de gènes codant pour des
cytokines ou les molécules du CMH II qui
sont impliquées dans la présentation aux
cellules T naïves (non activées). La cellule
présentatrice d’antigènes peut endocyter
le pathogène ou des protéines résistantes
à l’hydrolyse luminale (allergènes par exemple) et les hydrolyser en fragments dans des
compartiments intracellulaires. Ces fragments sont ensuite chargés sur les molécules du CMH II et présentés à la surface
de la cellule présentatrice d’antigène au
TCR des cellules T naïves pour induire leur
activation soit en cellules T helper de type 1
(Th1) qui produiront essentiellement de l’interféron-g (surtout en cas d’inflammation
et de stimulation par les pathogènes), soit
en réponse Th2 qui produira plutôt de l’IL-4
(réponse tolérogène vis-à-vis des antigènes
alimentaires ou de la microflore endogène).
Réponse immunitaire intestinale
On considère qu’il existe au niveau de
la muqueuse intestinale deux sites principaux d’information du système immu-
nitaire : un site inducteur où les antigènes
sont absorbés à travers l’épithélium et où les
cellules T naïves sont stimulées, et un site
effecteur où les cellules T ou B matures vont
pouvoir exercer leur activité.
Le site inducteur est situé au niveau des organes lymphoïdes secondaires de l’intestin
grêle : les plaques de Peyer. Ces dernières
ont un épithélium riche en cellules M
capables de capter facilement les bactéries
et les antigènes. Arrivés dans les nodules
lymphoïdes sous-jacents à cet épithélium,
les antigènes sont présentés par les cellules dendritiques à des cellules T et B naïves
qui vont migrer vers les ganglions mésentériques et suivre un circuit via le canal thoracique et la circulation sanguine générale. Ils reviendront ensuite, grâce à des molécules
spécifiques d’adressages au niveau des sites
effecteurs de l’intestin, sous forme de plasmocytes à IgA ou de lymphocytes T mémoires spécifiques d’un antigène particulier.
Les différentes voies d’absorption
des antigènes
Certaines protéines sont très résistantes à
l’hydrolyse enzymatique intestinale, comme des antigènes ou des fragments peptidiques atteignent l’intestin grêle. Ces fragments
peuvent être captés de trois manières : au
niveau des cellules M des plaques de Peyer,
au niveau de l’épithélium intestinal ou via la
capture directe par les cellules dendritiques.
L’absorption au niveau des plaques de
Peyer
Les cellules M sont disséminées au sein
de l’épithélium qui recouvre le follicule
lymphoïde (zone de regroupement de lymphocytes B et T). Ces cellules M constituent
10 à 50% des cellules qui couvrent le dôme
de la plaque de Peyer. Elles n’ont pas de
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bordure en brosse contrairement aux entérocytes normaux, ce qui facilite la capture
des antigènes ; elles ont une intense activité
d’endocytose et l’absence de système lysosomal favorise le transport direct sans dégradation ; elles présentent des replis qui abritent
les cellules B et T et les cellules dendritiques.
Il n’existe pas de membrane basale au niveau des plaques de Peyer, ce qui facilite
l’accès des cellules immunitaires à l’épithélium. En 1998, Eric Pringault a suggéré
que les cellules M pouvaient se différencier
à partir d’entérocytes classiques sous l’influence de facteurs encore non identifiés
provenant des lymphocytes B. Ces cellules
M constituent la porte d’entrée privilégiée
des antigènes luminaux.
L’absorption au niveau des entérocytes
• Voie de transcytose. Un système expérimental, la chambre de Ussing, permet de
comprendre ce qui se passe lors du transfert de la face muqueuse (apicale) à la face
séreuse (basale) de l’épithélium intestinal.
Les antigènes luminaux sont captés au niveau de la membrane apicale par endocytose non spécifique et libérés au pôle basal
de la cellule. Une petite partie représentant
moins de 10% des antigènes captés reste
intacte au cours du transport. La plus grande
partie est dégradée et donc inactivée dans
l’entérocyte, soit partiellement (40% de
peptides), soit totalement (50% d’acides
aminés). Les peptides qui échappent à cette
dégradation pourront potentiellement interférer avec le système immunitaire. Il n’y a
pas, en condition physiologique, de diffusion paracellulaire (la limite de diffusion
à travers les jonctions serrées étant de
500 à 600 daltons). Dans des conditions
inflammatoires, les jonctions serrées peuvent
cependant permettre la diffusion de composés
de masse moléculaire plus élevée.
Globalement, le flux total d’antigènes est
très faible : 3 µg/h.cm2, dont 0,3 µg sous forme
intacte. C’est une sorte d’échantillonnage qui
permet au système immunitaire d’évaluer
le contenu de la lumière intestinale.
• Rôle des exosomes épithéliaux. Il existe
une certaine protection vis-à-vis de l’hydrolyse lysosomale des peptides qui traversent
l’entérocyte. Puisque l’entérocyte est capable d’exprimer des molécules du CMH II
et de présenter des antigènes aux cellules
T, il peut être considéré comme une cellule présentatrice d’antigènes non professionnelle. Par ailleurs, on sait que les cellules immunitaires sécrètent des exosomes,
petites vésicules membranaires de 40 à
90 nm de diamètre impliquées dans la présentation antigénique. Elles se forment à
l’intérieur de la cellule, suite à l’internalisation d’un antigène ; les peptides issus de
sa dégradation sont chargés sur les molécules du CMH II endogènes dans des compartiments endosomaux tardifs enrichis
en molécules de classe II (appelés MIIC).
Les exosomes sont formés dans ces compartiments qui fusionnent ensuite avec la
membrane plasmique pour libérer leur
contenu exosomal à l’extérieur de la cellule. Ces exosomes présentent à leur surface
des complexes CMH II/peptides potentiellement capables d’activer les cellules T.
L’entérocyte peut aussi sécréter des exosomes par sa face apicale, et surtout par
sa face basolatérale. Ces exosomes pourraient migrer à travers la lame basale et
interagir avec les cellules dendritiques portant ainsi un message antigénique provenant
de la lumière intestinale vers les cellules
présentatrices d’antigènes ; ces dernières
pourront à leur tour stimuler les cellules T
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présentes dans le chorion. On pense que
ce système sert à amplifier la réponse immunitaire, puisqu’un peptide lié aux molécules du CMH II et véhiculé par un exosome
a une capacité de présentation antigénique
1000 fois plus efficace qu’un peptide libre.
Il facilite aussi le contact entre l’entérocyte
et les cellules dendritiques, contact qui,
dans des conditions physiologiques, est empêché par la lame basale.
bactéries pathogènes en général), la sécrétion de chimiokines par l’entérocyte et
l’expression de récepteurs vont permettre aux cellules dendritiques de la lamina
propria d’étendre leurs dendrites à travers
la lame basale et les jonctions serrées interentérocytaires pour aller capturer les bactéries dans la lumière intestinale. L’efficacité
de ce phénomène n’a pas été démontrée
dans la capture des antigènes alimentaires.
• Pathologies digestives. Lors de certaines
pathologies digestives, l’entrée d’antigènes
peut être médiée par un récepteur, ce qui
n’est pas le cas pour les antigènes alimentaires, généralement captés par une endocytose non spécifique. Les allergènes, en
particulier, peuvent se fixer dans la lumière
intestinale à des IgE. Le complexe IgE/allergène pénètre dans l’entérocyte grâce à
des récepteurs aux IgE de faible affinité,
CD23, qui sont exprimés anormalement sur
la face apicale des entérocytes de patients
allergiques. Dans les phénomènes d’allergies, le transport du complexe à travers
l’entérocyte est extrêmement rapide, mais
la fixation de l’allergène sur l’IgE lui permet
de conserver une forme intacte pour stimuler
beaucoup plus facilement les mastocytes.
Il existe d’autres exemples de transport
d’antigènes médié par des récepteurs. C’est
le cas du transport des IgG en période néonatale via le récepteur FcRn. Les anticorps
maternels contenus dans le lait peuvent
ainsi être absorbés car ils sont protégés
au cours du passage transépithélial. Ce phénomène permet de conférer une immunité
passive aux nouveaux-nés.
Influence du système nerveux
entérique sur la barrière épithéliale
L’absorption directe par les cellules
dendritiques
Sous l’influence de certains stimuli (des
Un système nerveux intrinsèque innerve
la sous-muqueuse intestinale et certains
neurones, en particulier les neurones
VIPergiques (vasoactive intestinal peptide),
sont capables de réguler la perméabilité
paracellulaire en réduisant la perméabilité des jonctions serrées, via la modulation
d’une protéine constitutive, ZO-1. Cette
régulation est assez complexe puisque
d’autres neuromédiateurs ou le stress (acétylcholine) augmentent au contraire l’endocytose des protéines, la transcytose mais aussi
le passage paracellulaire de différentes
macromolécules. Les interactions entre le
système nerveux intrinsèque et les mastocytes sont extrêmement importantes. La libération de neuromédiateurs conduit, par
exemple, à l’activation et à la dégranulation des mastocytes (qui, en contrepartie, libèrent des médiateurs agissant sur la
perméabilité intestinale), ainsi qu’à la sécrétion de mucines.
La réponse humorale protectrice Une des réponses à l’absorption intestinale d’antigènes est la réponse IgA spécifique des muqueuses. L’antigène pénètre
essentiellement au niveau des plaques de
Peyer et les lymphocytes T et B sont alors
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activés par les cellules dendritiques au niveau
des ganglions mésentériques qui drainent
la muqueuse intestinale. Après maturation,
ces lymphocytes vont migrer via le canal
thoracique puis la circulation générale
avant de revenir coloniser la lamina propria
intestinale. Les cellules B matures sont des
plasmocytes à IgA qui libèrent dans la muqueuse intestinale des IgA essentiellement
sous forme dimérique (80% d’IgA, 15%
d’IgM et 5% d’IgG). La production d’IgA
sécrétoires au niveau de l’intestin est très
importante : elle représente plus de 70%
de la production totale d’immunoglobulines. Ces IgA sécrétoires sont impliquées dans les mécanismes de défense antiinfectieuse (bactéries, virus ou parasites)
et dans la prévention des allergies alimentaires.
les compartiments endosomaux des particules virales ayant pénétré par la face apicale de l’entérocyte. Les intrus sont neutralisés de deux manières par les IgA : ils sont
soit conduits vers les lysosomes où ils seront
détruits, soit renvoyés dans la lumière
intestinale comme cela a été montré pour
le virus HIV.
Modes d’action des IgA sécrétoires
Prenons le cas d’une mère qui allaite son
enfant. Des antigènes sont captés au niveau
des plaques de Peyer de l’intestin maternel.
Les plasmocytes à IgA spécifiques de ces
antigènes vont migrer dans les ganglions
mésentériques, le canal thoracique et la
circulation générale ; mais, au-delà de leur
recolonisation de l’intestin pour une protection de la muqueuse de la mère, ces
IgA vont, via le MALT (mucosa associated
lymphoid tissue), coloniser la glande mammaire. Elles seront sécrétées au niveau de
l’épithélium mammaire dans le lait sous
forme d’IgA sécrétoires et pourront ainsi
protéger l’intestin du nourrisson.
Les IgA sécrétoires peuvent exercer leur effet
protecteur par trois mécanismes distincts :
• une barrière contre la pénétration des
antigènes et des micro-organismes indésirables. L’entérocyte possède un récepteur aux
IgA polymériques qui est capable de fixer
les IgA dimériques sécrétées par les plasmocytes. Ce récepteur est également appelé
composant sécrétoire (SC). Le complexe IgA
dimérique/SC est internalisé et va migrer de
la face basale vers la face apicale de l’entérocyte pour libérer les IgA sécrétoires qui
conservent dans leur structure une partie
du récepteur. Une fois dans la lumière intestinale, ces IgA restent fixées dans le mucus,
captent les pathogènes contre lesquels elles
sont dirigées et empêchent leur absorption.
• une action intracellulaire. Les IgA qui
se dirigent vers le pôle apical de l’entérocyte
avec leur récepteur peuvent rencontrer dans
• une élimination en « profondeur ». Lorsque les antigènes ou les pathogènes ont
réussi à pénétrer dans la lamina propria,
les IgA peuvent encore les rétro-transporter
vers la lumière intestinale. En cas de déficit
en IgA, les IgM prennent le relais car elles
sont capables elles aussi de se lier au composant sécrétoire.
La réponse IgA initiée dans l’intestin
peut protéger d’autres muqueuses
La réponse cellulaire protectrice :
lymphocytes T du chorion
L’intestin est l’un des organes les plus infiltrés par le système immunitaire, en particulier par les lymphocytes T. Ces derniers
confèrent essentiellement une protection
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contre les bactéries, les virus et les parasites en déclenchant une réponse Th1 qui
conduit à la libération de cytokines (IFN-g,
TNF-a).
Répartition des lymphocytes T
La répartition des sous-populations de lymphocytes T est différente entre le chorion
et l’épithélium. Le chorion contient surtout
des lymphocytes T CD4+ helper, qui jouent
un rôle dans l’immunité humorale. L’épithélium contient principalement des lymphocytes T CD8+ insérés entre des cellules
qui forment une première barrière contre
la pénétration des micro-organismes pathogènes, en particulier des virus.
Mode d’action des lymphocytes T
CD4+ du chorion
Pour pouvoir pénétrer dans l’entérocyte,
une particule infectieuse doit être prise en
charge par les cellules présentatrices d’antigènes, par exemple chargée sur les molécules du CMH II des cellules dendritiques.
Ces complexes CMH II/peptides sont ensuite présentés au récepteur T du lymphocyte CD4+ qui, une fois activé, prolifère
et sécrète de l’interféron-g. Celui-ci va à son
tour activer les macrophages ou les polynucléaires neutrophiles (PMN) présents dans
la muqueuse intestinale. On observe alors
une augmentation de la phagocytose des
pathogènes, la libération de facteurs prooxydants (qui contribuent également à l’élimination des pathogènes), la libération des
TNF-a et la sécrétion d’IgA par les cellules B.
Mode d’action des lymphocytes intraépithéliaux T CD8+.
Les lymphocytes intra-épithéliaux sont au
contact direct avec les cellules de l’épithélium intestinal. Ils sont situés sous la bar-
rière épithéliale et sous les jonctions serrées.
L’entérocyte est capable d’exprimer les molécules du CMH II, mais aussi celles de classe I,
voire d’autres molécules, comme MICA
(chain-related A) qui joue un rôle dans la
maladie coeliaque. Sous l’effet d’un stress,
ces molécules sont surexprimées et vont
activer des récepteurs spécifiques (NKG2D)
au niveau des lymphocytes intra-épithéliaux.
Les LT CD8+ sont cytotoxiques car, une
fois activés, ils libèrent des enzymes (perforine, granzyme) qui induisent l’apoptose des
cellules épithéliales infectées. L’infection
virale provoque souvent ce type de réaction
et l’apoptose conduit à éliminer les cellules
infectées, stressées ou transformées. On observe parallèlement une accélération compensatrice du renouvellement épithélial.
Tolérance aux antigènes alimentaires
et bactériens
L’organisme doit non seulement se débarrasser des particules pathogènes présentes
dans la lumière intestinale, mais il doit aussi
tolérer les antigènes inoffensifs, tels que
les antigènes alimentaires ou les bactéries
commensales. Les interactions entre la flore,
le système immunitaire et l’épithélium
faisant l’objet de la prochaine session,
je me limiterai aux antigènes alimentaires.
La tolérance orale
On définit la tolérance orale comme étant
une suppression de la réponse immunitaire
vis-à-vis des antigènes alimentaires ou des
bactéries commensales. Suite à une administration orale d’antigènes, le GALT (Gut
associated lymphoid tissue), essentiellement
les plaques de Peyer et les îlots lymphoïdes
répartis le long de l’intestin, réagit en fonction de la dose d’antigènes.
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A faible dose d’antigènes, les cellules
présentatrices d’antigènes induisent principalement des cellules T régulatrices et des
cellules Tr1 (lymphocyte T régulateur de type I)
qui libèrent de l’IL-4 et surtout de l’IL-10.
Celle-ci est une cytokine suppressive qui
antagonise l’effet du TNF-a. D’autres lymphocytes T régulateurs, les Th3, agissent
en sécrétant du TGF-b, une autre cytokine
très importante au niveau de l’intestin qui
supprime ou diminue les réponses immunitaires pour qu’il n’y ait pas de réponse aberrante vis-à-vis d’antigènes non délétères ;
les cellules Tr1 et Th3 mettent en place une
suppression active.
A forte dose d’antigènes, on observe plutôt des mécanismes d’apoptose ou d’anergie (absence de réponse à une stimulation)
des cellules T qui conduisent à une délétion
clonale de ces molécules.
Les cellules T régulatrices FOXP3+
Dans la lamina propria, plusieurs types
cellulaires interviennent dans la réponse
immunitaire : les macrophages, les lymphocytes T CD8+ et CD4+, et les cellules
dendritiques présentatrices d’antigènes.
On a mis en évidence récemment un phénotype nouveau de cellules T régulatrices
qui possèdent les marqueurs CD4+, CD25+
et FOXP3+ (un facteur de transcription),
ou CD4+ et LAP+. Lorsqu’un antigène alimentaire est présenté au niveau de l’intestin par les cellules dendritiques, les cellules Tr1 sont activées et libèrent de l’IL-10.
Celle-ci déclenche l’activation et la prolifération des cellules Th3 qui vont sécréter
du TGF-b. La libération massive de TGF-b
favorise l’émergence d’un nouveau type de
cellule régulatrice, FOXP3+. Les cellules régulatrices LAP+ ne sécrètent pas le TGF-b
mais l’expriment au niveau membranaire.
La suppression de la réponse immunitaire
s’effectue alors par contact membranaire.
La tolérance orale prend naissance au
niveau du système immunitaire intestinal
Les cellules T tolérogènes sont essentiellement confinées au niveau des ganglions
mésentériques, car l’ablation de ces ganglions empêche le déclenchement de la
tolérance orale. Les cellules dendritiques
situées dans la lamina propria captent l’antigène puis migrent vers les ganglions mésentériques : ce n’est qu’au niveau de ces
ganglions qu’elles déclenchent la réaction
tolérogène.
Résumé
Au niveau de l’intestin, les cellules épithéliales échantillonnent les antigènes présents
dans la lumière intestinale et permettent
la transmission de l’information antigénique vers les cellules immunitaires du chorion. Les cellules dendritiques captent ces
antigènes pour les présenter aux cellules T
et induire la réponse B qui est généralement
protectrice (sécrétion d’anticorps et de cytokines). Lorsque les cellules T régulatrices
sont activées et que le milieu est riche en
cytokines suppressives, il existe une réponse
immunitaire tolérogène vis-à-vis des antigènes considérés comme inoffensifs par
l’organisme.
Discussion
Qu’en est-il de la barrière épithéliale et
de la réponse immunitaire au niveau
du côlon où il y a encore plus de bactéries ?
Les mécanismes sont-ils les mêmes ?
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Au niveau du côlon, on retrouve les mêmes
mécanismes. Par exemple, il existe des IgA
sécrétoires contre les bactéries commensales. Elles confèrent une certaine protection puisqu’elles empêchent l’entrée de ces
bactéries dans la muqueuse intestinale,
évitant ainsi l’activation inutile du système
immunitaire vis-à-vis de la flore.
Y a-t-il des plaques de Peyer et des cellules
M au niveau du côlon ?
Les plaques de Peyer n’existent pas au
niveau du côlon ; ce sont des structures
qui regroupent un grand nombre d’îlots
lymphoïdes. Mais, on s’est rendu compte
que, chez les animaux pour lesquels on
élimine les plaques de Peyer de l’intestin
grêle, on est quand même capable d’induire une immunité sécrétoire, ce qui
prouve que les îlots lymphoïdes sont disséminés dans la muqueuse intestinale.
Même si le système immunitaire du côlon
est encore assez mal connu, on sait qu’il
y a beaucoup d’IgA sécrétoires à ce niveau.
Je n’ai jamais entendu parler de cellules M
au niveau du côlon. Je pense que plus on
s’approche du côlon, plus on a de bactéries commensales et moins on a d’antigènes
alimentaires intacts. Les pathogènes sont
souvent invasifs. Ils peuvent déclencher
des maladies au niveau de l’intestin grêle.
Les salmonelles, par exemple, pénètrent
essentiellement au niveau des cellules M.
Elles profitent du fait que ces cellules sont
plus accessibles car non protégées par du
mucus.
Vous nous avez dit que la présence des
récepteurs situés à l’intérieur des cellules
épithéliales explique la tolérance vis-à-vis
des bactéries commensales.
Oui, différents mécanismes empêchent le
tube digestif de déclencher une réponse
immunitaire contre sa propre flore. Les IgA
sécrétoires, dont la synthèse est régulée positivement par l’activation de la voie NFkb,
empêchent aussi les bactéries commensales
d’entrer en contact avec la muqueuse intestinale. On a montré récemment qu’une
salmonelle non pathogène peut interférer
avec la face apicale de cellules épithéliales
et entrer en compétition avec l’activation
de la voie NFkb en inhibant l’ubiquitination
de Ikb, la translocation nucléaire de NFkb
et la réponse inflammatoire. D’une manière
générale, la flore agit sur certaines substances en inhibant leur synthèse ou, au contraire,
en la stimulant pour bloquer l’activation
de la voie NFkb. Mais ce n’est qu’un des
mécanismes de la tolérance orale.
Les activités anti-inflammatoires des probiotiques passeraient aussi par ces voies
de signalisation intracellulaires.
Puisque la flore intestinale est capable
de diminuer la voie de signalisation NFkb,
la tolérance ne devrait-elle pas aussi
concerner les bactéries ?
Non, car les pathogènes ont des facteurs
de virulence. Lorsqu’ils pénètrent dans
la cellule, ils détruisent l’homéostasie intestinale et induisent une réaction du système
immunitaire. De plus, les facteurs de virulence, qui peuvent être des entérotoxines
ou des cytotoxines, stimulent la réponse
inflammatoire.
Les cellules Tr1 sécrètent surtout de l’IL-10
qui induit la tolérance orale, mais aussi
de l’IL-4. Pourquoi cette dernière n’activerait-elle pas la voie Th2 ?
En immunologie, tout est question de dose.
L’IL-4 pourrait activer anormalement la voie
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Th2 et provoquer, par exemple, une allergie. Mais elle est généralement sécrétée
en quantité trop faible pour le faire.
tions de NOD2. La modification de la flore
serait une conséquence et non la cause
de la maladie.
Comme les lymphocytes intra-épithéliaux
peuvent provoquer l’apoptose des entérocytes lorsqu’ils sont activés, pourquoi
n’y a-t-il pas de rupture, même transitoire,
de la barrière intestinale ?
La capacité de renouvellement cellulaire
au niveau de l’épithélium intestinal est
très importante. Au fur et à mesure que les
cellules meurent, d’autres les remplacent
et les jonctions serrées s’établissent immédiatement. Même au sommet des villosités,
il n’y a pas de rupture de la barrière physiologique. Dans les cas pathologiques,
si l’apoptose est beaucoup plus importante,
il est possible qu’il y ait momentanément
une légère rupture de la barrière, mais une
réponse proliférative compense très rapidement la perte des cellules apoptotiques.
On rencontre la plus grande quantité
de nouveaux antigènes pendant l’enfance.
Les enfants naissent-ils avec un système
immunitaire capable d’induire la tolérance
orale ?
La tolérance orale n’est pas effective dès
la naissance. Il faut un certain temps pour
que se mettent en place les systèmes qui
induisent la suppression de la réponse immunitaire. Chez le très jeune nourrisson,
l’allaitement, et donc les IgA sécrétoires
de la mère, permettent d’éviter l’entrée anormale d’antigènes. Mais, chez les nourrissons
ou les enfants prédisposés à l’atopie, il faut
éviter de donner trop tôt les aliments qui
sont des allergènes potentiels. Par ailleurs,
la flore intestinale joue un rôle important
dans la stimulation des mécanismes induits
lors de la tolérance orale ; ce sera l’objet
de notre troisième session.
Dans le cas des maladies inflammatoires,
comment expliquez-vous le dérèglement
de l’immunité ?
Dans la maladie de Crohn, une des maladies
inflammatoires chroniques de l’intestin, on
observe chez 70% des patients une mutation au niveau du récepteur intra-cellulaire
NOD2 impliqué dans la reconnaissance
de parois bactériennes. On pense que cela
pourrait initier une réponse immunitaire
anormale vis-à-vis des bactéries présentes
dans la lumière intestinale. L’induction des
TLR à la surface apicale de l’entérocyte n’est
pas la cause mais une des conséquences de
l’inflammation. On observe aussi dans ces
maladies une modification de la flore, avec
la disparition de grands groupes bactériens.
On pense que ces disparitions seraient liées
à une mauvaise reconnaissance des muta-
Article 1*
Intestinal immune homeostasis is regulated by the crosstalk between epithelial cells and dendritic cells.
Introduction
L’activation des cellules dendritiques par
des bactéries pathogènes ou commensales
induit deux types de réponse, l’une inflammatoire, l’autre non. Or, les cellules dendritiques des muqueuses ont tendance à induire
une réponse non inflammatoire (orientation
des lymphocytes T CD4+ vers une réaction
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Th2 et sécrétion d’IgA par les lymphocytes B). Est-ce une propriété intrinsèque
de ces cellules ou est-elle dépendante de
leur environnement ? Les auteurs de cet article font l’hypothèse d’une implication des
cellules épithéliales dans la détermination
de la fonction des cellules dendritiques.
Conclusions
• Les cellules dendritiques intestinales humaines induisent une réponse Th2 parce qu’elles
sont exposées aux cellules épithéliales.
• Ce sont des facteurs dérivés des cellules
épithéliales qui induisent l’expression d’un
récepteur à la TSLP (Thymic Stromal Lymphopoietin) sur les cellules dendritiques,
leur permettant de répondre à de faibles
quantités de TSLP.
• La dérégulation de l’expression de la TSLP
pourrait être responsable de maladies intestinales inflammatoires, comme la maladie
de Crohn.
Discussion
La TSLP, qui est en fait une cytokine, peut
donc avoir des effets favorables ou négatifs
Oui, tout dépend de sa concentration. Elle
a des effets bénéfiques quand elle conditionne les cellules dendritiques à ne pas répondre ou à avoir une réponse Th2 inoffensive, alors que les cellules épithéliales sont
stimulées par des pathogènes. Elle ne peut
agir que sur les nouvelles cellules dendritiques attirées dans l’intestin, car les dendrites
résidentes ne peuvent plus s’activer.
Non, chacun des deux systèmes fonctionne
dans des conditions particulières. Le système Th2 permet d’éviter l’inflammation
intestinale, sauf en présence d’un pathogène.
Pourquoi les auteurs de cette publication
ont-ils travaillé sur des cellules dendritiques du côlon alors que les salmonelles
invasives traversent la barrière épithéliale
au niveau de l’intestin grêle et non au niveau du côlon ? Pourquoi ont-ils travaillé
sur des cellules dendritiques dérivées des
monocytes ?
Ils n’ont pas discuté le choix du modèle,
mais les interactions entre la bactérie et
la cellule dendritique sont les mêmes au
niveau du grêle et du côlon. De plus,
la cellule dendritique est conditionnée
de la même façon par les cytokines de
l’entérocyte ou celles du colonocyte.
Pourquoi ont-ils utilisé les cellules Caco-2
comme modèle de cellules épithéliales
intestinales ? Je ne savais pas que les cellules Caco-2 miment les entérocytes en
ce qui concerne la libération de cytokines.
Je pense qu’ils ont testé plusieurs lignées
et regardé la sécrétion de TSLP. Ils ont vu
que Caco-2 mime assez bien un épithélium
intestinal, que c’est une des lignées épithéliales intestinales les plus utilisées et qu’elle
est plus différenciée que HT-29. Ils auraient
aussi pu prendre HT-29 qui sécrète probablement plus de TSLP ; mais ils n’expliquent
pas leur choix.
Peut-on dire que le système Th1 est inflammatoire et que Th2 ne l’est pas ?
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Article 2*
la barrière épithéliale de l’intestin.
Enhanced transepithélial antigen transport in intestine of allergic mice is mediated by IgE/CD23 and regulated by
interleukin 4.
Introduction
Les troubles allergiques concernent 20 à
30% de la population américaine. 2 à 3%
des adultes sont touchés par des allergies
alimentaires dont la prévalence est en augmentation chez l’enfant. Les symptômes des
allergies alimentaires se caractérisent par
des troubles gastro-intestinaux (nausées,
vomissements, diarrhées), des troubles respiratoires et cutanés et un choc anaphylactique dans les cas les plus graves. La réaction
d’inflammation survient immédiatement
après le contact avec l’antigène, d’où son
nom de réaction d’hypersensibilité immédiate ou d’hypersensibilité de type I. S’il est
bien établi que la réaction allergique est liée
à la réponse des immunoglobulines E contre
un antigène spécifique, les mécanismes
à l’origine de la mise en place très rapide
de la réaction inflammatoire sont partiellement connus.
Les IgE produites lors d’un premier contact
avec l’allergène vont sensibiliser les mastocytes en se fixant à leur surface. La réaction allergique proprement dite n’a lieu
que lors d’un second contact avec l’antigène. Lorsque l’antigène se fixe aux IgE,
les mastocytes sont activés et des médiateurs, telles que l’histamine et des cytokines,
sont libérés. La réation IgE est souvent
localisée au site d’entrée de l’antigène,
ce qui implique que celui-ci doit traverser
L’objectif de cette étude est d’identifier les
principaux acteurs impliqués dans l’augmentation de la première étape du transport transépithélial de l’antigène chez des
souris sensibilisées. Les auteurs s’intéressent
en particulier au récepteur aux IgE CD23
et à l’IL4.
Rappels
Transport transépithélial
dans l’allergie
d’antigènes
Cette équipe avait déjà observé une augmentation du transport de l’antigène de la
face muqueuse vers la face séreuse chez
des rats sensibilisés, tant en terme de quantités d’antigènes captés, qu’en terme de
vitesse de transport. Ils ont aussi montré
que le transport de l’antigène à travers la barrière intestinale se fait en deux étapes. Une
première étape (ou phase I), par la voie transcellulaire, précède l’activation des mastocytes. Une deuxième étape (phase II), par la
voie paracellulaire, a lieu après la libération
des médiateurs et permet l’augmentation
du transport de l’antigène.
La voie transcellulaire est spécifique de l’antigène pour lequel l’animal a été sensibilisé.
Ceci suggère une reconnaissance spécifique
de l’antigène par les immunoglobulines au
niveau de la barrière intestinale, et implique
la présence de récepteurs aux IgE au niveau
des entérocytes. Chez le rat sensibilisé,
les entérocytes du jéjunum expriment un récepteur aux IgE de faible affinité : le CD23.
Une sensibilisation à la HRP, ou peroxydase
de Raifort (souvent utilisée comme modèle
antigénique), entraîne une augmentation
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du nombre et de la taille des endosomes
entérocytaires. Le récepteur CD23 est internalisé et localisé dans les endosomes
entérocytaires contenant la HRP ; ces derniers sont répartis le long de l’axe apicobasal de l’entérocyte et beaucoup atteignent
la lamina propria (tandis que chez les animaux non sensibilisés, les entérocytes ne
contiennent des endosomes qu’au niveau
apical). L’utilisation d’un anticorps antiCD23, pour inhiber la phase I du transport
de l’antigène, entraîne une diminution de la
réaction d’hypersensibilisation, ainsi qu’une
diminution de la phase II du transport de
l’antigène.
Rôle de l’interleukine 4 dans le mécanisme de l’allergie
La production d’IL4 est augmentée chez
les sujets allergiques ; elle intervient dans
la synthèse d’IgE et dans la régulation positive de l’expression des récepteurs aux
IgE, dont CD23, via les lymphocytes B. Son
implication dans le captage de l’antigène
par les entérocytes est indépendante de
son rôle dans la synthèse des IgE.
Conclusions
Les auteurs confirment, chez la souris sensibilisée, tous les résultats qu’ils avaient obtenus chez le rat sensibilisé :
• la sensibilisation à la HRP augmente la
quantité d’antigènes captés par les entérocytes (et cette reconnaissance est spécifique
de l’antigène) et leur vitesse de transport
à travers la membrane épithéliale ;
• les IgE interviennent dans la capture de
l’antigène par les entérocytes : elles sont
indispensables à l’augmentation du transport transépithélial de l’antigène chez les
animaux sensibilisés ;
• l’implication d’IL4 dans l’augmentation
de la capture et de la vitesse de transport
transépithélial de l’antigène chez les animaux sensibilisés est indépendante de son
rôle dans la synthèse des IgE.
Ils précisent le rôle de la protéine CD23
dans le transport transépithélial de l’antigène :
• l’augmentation du transport transépithélial de l’antigène est médiée par le récepteur aux IgE, CD23, exprimé par les entérocytes ;
• la sensibilisation augmente l’expression
du gène CD23 ;
• IL4 régule le transport transépithélial
de l’antigène en stimulant la synthèse des
IgE et la production des ARN messagers
de CD23 par les entérocytes.
Discussion
Dans des conditions qui ne sont pas pathologiques, mais où la perméabilité paracellulaire des jonctions est augmentée suite
à un simple stress ou à une prise d’alcool,
peut-on imaginer que l’antigène puisse
passer par la voie paracellulaire ?
Je ne pense pas que cela puisse jouer un
rôle important car les jonctions serrées
sont peu modulables et un antigène a un
poids moléculaire de plusieurs milliers de
daltons. Je n’ai jamais lu dans la littérature
que de tous petits fragments protéiques
pouvaient déclencher une réaction allergique. Par contre, si la perméabilité augmente, des protéines peuvent aller dans le sang
et déclencher des réactions allergiques.
Cela dépend du moment, si l’individu est
déjà tolérant à une protéine donnée…
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Les personnes qui ont des pathologies
chroniques ont-elles une propension plus
grande à développer de l’atopie ?
Il existe un facteur génétique et donc une
prédisposition dans l’atopie. Il faut avoir
une propension particulière à faire des IgE
plutôt que des IgG. Par exemple, on s’est
demandé, chez les enfants qui avaient
des entéropathies à rotavirus, si ces gastroentérites permettaient aux antigènes lactés de pénétrer plus facilement dans la
muqueuse, et donc de déclencher une
réaction allergique aux protéines du lait.
La question est restée sans réponse car cela
est très difficile à prouver. Cette équipe a
aussi montré que des animaux stressés
psychologiquement avaient une réponse
allergique accrue. Il y aurait donc, sous des
conditions environnementales, des relations
entre l’augmentation de la perméabilité
et l’augmentation de l’allergie.
chez les nourrissons, les réponses cliniques
de vomissements et de diarrhées sont extrêmement rapides (parfois moins de 5 minutes).
On part de l’hypothèse qu’il y a des IgE
dans la lumière intestinale, mais comment
arrivent-elles là ?
On sait peu de choses sur l’existence de
récepteurs à la face basolatérale des entérocytes. On sait qu’il existe plusieurs soustypes CD23 A et CD23 B, l’un reconnaissant les IgE libres et l’autre les complexes
IgE/allergènes. Il serait intéressant de savoir
si le CD23 exprimé sur la phase basolatérale des cellules sert à amener les IgE dans
la lumière intestinale de manière à leur
permettre de rencontrer l’allergène.
Certains antigènes alimentaires sont retrouvés intacts dans le sang. Peut-être
serait-il intéressant de connaître le rôle
des antigènes alimentaires qui sont plus
ou moins dégradés ?
Les allergènes sont des protéines relativement résistantes à l’hydrolyse enzymatique.
C’est le cas de la b-lactoglobuline ou de la
gliadine dans la maladie coeliaque. Comme
elles sont peu dégradées, elles ont plus
de chance d’arriver en quantité importante
au niveau du système immunitaire de l’intestin grêle. Dans notre modèle, la peroxydase
de Raifort passe l’étape de digestion luminale par la pepsine et la trypsine. Il est vrai
que certaines protéines arrivent jusque dans
la lumière intestinale et d’autres non. Cette
résistance vis-à-vis de l’hydrolyse explique
en partie le fait que certaines protéines
soient allergéniques.
Peut-on dire que CD23 explique la réaction
allergique ?
Non, car l’augmentation de CD23 résulte
de la libération d’IL4. Elle explique, par
contre, la rapidité des réponses dans l’atopie. Dans les allergies aux protéines du lait
La réaction allergique aurait-elle lieu même
si ce récepteur n’existait pas ?
Oui, l’antigène serait capable, en l’absence
du récepteur, de franchir à faible dose (3%)
la barrière épithéliale. Cela prendrait un
peu plus de temps, 30 minutes peut-être
au lieu de 2 minutes.
Ces études ont été faites chez des animaux
rendus allergiques. Pourquoi ne pas avoir
travaillé avec des rats ou des souris non
allergiques auxquels on aurait administré
des IgE ?
Parce qu’il n’y a pas de récepteur chez les
animaux non allergiques, celui-ci étant
induit par IL-4 ; sans récepteur, il n’y a pas
de transport rapide.
-32-
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Pourquoi avoir choisi une sensibilisation à la HRP qui est un modèle d’allergie peu fréquent ? De plus, le flux de HRP
dépend de sa dégradation dans l’entérocyte ;
n’y aurait-il pas un biais apparent ?
Il est vrai que dans la vie de tous les jours
on absorbe peu de HRP, sauf si on mange
du Raifort. Comme c’est une protéine qui
active le système immunitaire, on l’utilise
en injection intra-péritonéale, pour sensibiliser des animaux qui ont une propension
à fabriquer des IgE.
Article 3*
Human ENS regulates the intestinal
epithelial barrier permeability and a
tight junction-associated protein ZO-1
via VIPergic pathways.
auteurs de cet article ont voulu montrer
l’interaction entre le système nerveux entérique et la perméabilité intestinale.
Rappels
Importance des jonctions serrées
Les jonctions serrées régulent le flux paracellulaire. Différentes molécules sont responsables de cette régulation, dont des
molécules transmembranaires comme les
occludines et les claudines. La partie intracellulaire de ces deux molécules se lie,
à l’intérieur de la cellule, à ZO1 (zonola
occludens de type I). Celle-ci est liée au
réseau d’actine (cytosquelette de la cellule).
ZO1 est donc une molécule adaptatrice
très importante dans la régulation de la
perméabilité paracellulaire.
Rôles du système nerveux entérique
Introduction
La fonction de barrière de l’intestin est
cruciale pour la santé. Le premier niveau
de protection est exercé par la flore commensale qui, par compétition au niveau
de l’utilisation des substrats et par la
production d’acides organiques, inhibe
la flore pathogène. Le deuxième niveau
est celui de la couche de mucus ; elle a un
rôle de filtre qui freine l’arrivée des bactéries près de l’épithélium. L’épithélium est
le troisième niveau, en particulier grâce
aux jonctions serrées. Enfin, le système
immunitaire de la muqueuse constitue le
quatrième niveau.
Les jonctions serrées représentent un paramètre très important de régulation de
la barrière intestinale ; c’est pourquoi les
Le système nerveux entérique se trouve
dans la sous-muqueuse ; il innerve la muqueuse et synthétise des neuromédiateurs
qui agissent sur la régulation du flux sanguin,
la migration lymphocytaire, l’absorption
de l’eau et des électrolytes et la sécrétion
du mucus. Certains d’entre eux, comme la
substance P, l’acétylcholine ou le VIP, réguleraient la perméabilité intestinale.
Conclusions
• La stimulation des neurones d’une sousmuqueuse colique humaine, sur laquelle on
a déposé une culture de cellules épithéliales
coliques (HT29, Caco-2), limite le flux paracellulaire mesuré lors de la co-culture.
• Cette régulation de la perméabilité intestinale est médiée, en partie, par la synthèse
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AlimH2006 33
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d’un neuromédiateur du système nerveux
entérique : le VIP. Ce dernier stimule l’expression de ZO1, une protéine constitutive
des jonctions serrées dont l’augmentation
diminue la perméabilité intestinale.
• Le système nerveux entérique agit sur
la morphologie de l’épithélium.
Discussion
Pourquoi ont-ils utilisé ce modèle de coculture (culture de cellules épithéliales/
sous-muqueuse saine) ?
Dans les études ex-vivo, en l’absence de
butyrate, l’apoptose des colonocytes est
très importante ; elle commence 45 minutes
après l’excision, rendant difficile l’étude
de l’épithélium colique. Dans les modèles
de culture cellulaire, les cellules épithéliales Caco-2 et HT-29 ont une durée de
vie bien plus longue. Par ailleurs, ce
modèle in vitro permet de tester l’impact
de différentes substances pharmacologiques
comme des inhibiteurs neuronaux (TTX),
des neuromédiateurs (VIP)… et d’observer
les modulations du système de perméabilité. Il permet aussi d’étudier le dialogue
entre une culture cellulaire (la muqueuse)
et la sous-muqueuse (partie saine qui provient de la biopsie d’une personne malade).
Quel est le mode d’action de ZO-1 sur
la perméabilité ?
Peu de publications évoquent cette relation. Certains auteurs ont montré que le VIP
sur des cultures HT-29 augmente le niveau
d’AMP cyclique dans la cellule. D’autres
ont mis en évidence, sur des cultures de
cellules endothéliales placentaires, qu’une
augmentation d’AMP cyclique est capable
de réguler l’expression de ZO-1.
Quelle est la signification physiologique
d’une régulation de la perméabilité intestinale par le système nerveux entérique ?
On pourrait presque dire que le SNE
participe au maintien de l’homéostasie
de l’intestin. Si le système immunitaire
est quelque peu déficient, il peut l’aider
en limitant la perméabilité paracellulaire.
Mais attention, il existe d’autres neuromédiateurs qui augmentent la perméabilité
(comme le carbachol qui favorise le passage
de la peroxydase de Raifort). L’idéal serait
bien sûr de savoir ce qui se passe in vivo.
A quoi correspond l’augmentation de la
perméabilité paracellulaire liée à la coculture ?
On ne le sait pas. Est-ce un artéfact ? Estelle due à la libération de médiateurs ?
Ils n’ont pas mesuré le taux d’interféron ou
celui des cytokines éventuellement libérés
dans le milieu.
Beaucoup de molécules régulent le flux
paracellulaire au niveau des jonctions
serrées. Pourquoi avoir choisi ZO-1 ?
C’est un bon marqueur cellulaire dont
l’expression est inversement corrélée
à la perméabilité et stimulée par le VIP.
Ils auraient pu choisir d’autres marqueurs et en particulier des marqueurs
de la voie transcellulaire sur laquelle les
neuromédiateurs interviennent aussi.
Pourquoi n’utilisent-ils pas des neuromédiateurs pour exciter les neurones au lieu
de les stimuler électriquement ?
La stimulation électrique est plus pratique, mais elle agit sans doute sur plusieurs
facteurs et pas seulement sur le VIP.
Ils auraient pu aussi mesurer, par exemple,
le monoxyde d’azote libéré par les termi-
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naisons adrénergiques et dont on a démontré qu’il est impliqué dans le maintien de
la perméabilité épithéliale.
Plutôt que d’utiliser la partie saine d’une
sous-muqueuse colique, n’aurait-il pas été
préférable d’utiliser une partie malade dont
la perméabilité est altérée ? Ils auraient
ainsi pu voir si le système nerveux entérique permettait de rétablir l’équilibre
Une sous-muqueuse de côlon malade aurait
sans doute été très riche en médiateurs
inflammatoires et donc il aurait été plus
difficile de décortiquer le rôle de chacun
de ces médiateurs sur l’épithélium ; mais
cette étude aurait pu en effet être effectuée comme témoin de la réponse globale
de l’épithélium à l’ensemble des médiateurs.
Quelle est la signification biologique de la
diminution de la perméabilité par le SNE ?
In vivo, l’augmentation de la perméabilité
paracellulaire au cours de l’allergie est liée
au mastocyte, mais l’acétylcholine, un neuromédiateur, est également impliquée dans
l’augmentation du passage paracellulaire
ponctuel de macromolécules. Certains neuromédiateurs sont au contraire protecteurs.
Davantage d’études, in vitro et in vivo,
sur les interactions complexes mastocytes/
système immunitaire devraient permettre
de mieux comprendre cette balance agression/protection vis-à-vis de l’épithélium.
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Martine Heyman, Directeur de recherche,
Interactions de l’Epithélium Intestinal et du Système Immunitaire - INSERM
Articles analysés*
Article 1 - présenté par Fany Blanc
« Intestinal immune homeostasis is regulated by the crosstalk between epithelial
cells and dendritic cells », Rimoldi et al., Nature Immunology, 2005; vol. 6 (5)
Article 2 - présenté par Alice Hamard
« Enhanced transepithélial antigen transport in intestine of allergic mice is mediated
by IgE/CD23 and regulated by interleukin 4 », Yu et al., Gastroenterology; 2001; vol.
121 (2)
Article 3 - présenté par Emmanuel Barrat
« Human ENS regulates the intestinal epithelial barrier permeability and a
tight junction-associated protein ZO-1 via VIPergic pathways », Neunlist et al., Am.
J. Physiol.; 2003; vol. 285
-36-
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Les hormones
gastro-intestinales
Theo Peeters
Les deux hormones dont je vais vous parler, la motiline et la ghréline, ont beaucoup
de choses en commun, en particulier à
travers leur histoire.
L’hormonologie est une discipline
ancienne
Le terme « hormone » vient du grec
« hormôn » qui signifie « stimuler, exciter ». Au milieu du XIXème siècle, Claude
Bernard a démontré que l’effet d’une castration pouvait être inversé par l’administration d’extraits testiculaires. En 1905, Ernest
Starling a montré que l’introduction d’acide
dans le duodénum stimulait la sécrétion
du pancréas, via la production de sécrétine par la muqueuse duodénale. Il contredit ainsi le prix Nobel, Pavlov, pour qui
les voies nerveuses étaient responsables de
la stimulation du pancréas.
La motiline : l’alter ego de la sécrétine
La sécrétine a été purifiée en 1962. On savait déjà, en 1935, que l’augmentation du
pH stimule et accélère la vidange gastrique
et on supposait que c’était la production
d’une substance dans la muqueuse du duodénum qui stimulait la motricité de l’estomac. Cette substance a été identifiée par
Brown en 1967. Ce dernier a ensuite trouvé
la séquence de la motiline en 1972.
En 1983, une équipe japonaise (Itoh et al.)
a démontré que le taux plasmatique de la
motiline monte et descend régulièrement
sur une période de plus ou moins 90 minutes. Itoh a mis ce phénomène en relation
avec le complexe moteur migrant (CMM)1
dans l’intestin grêle. Cette question reste
discutée encore aujourd’hui. On pense
néanmoins que la motiline joue un rôle
important dans l’induction du complexe
moteur migrant.
En 1984, Itoh a démontré que l’érythromycine (antibiotique) avait le même effet
que la motiline. L’érythromycine est un agoniste du récepteur de la motiline. C’est le
deuxième exemple de produit naturel non
peptidique qui peut agir sur le récepteur
du peptide, le premier étant la morphine.
A cette époque, il était connu que la motiline pouvait déclencher le complexe moteur
migrant, mais son effet sur la vidange gastrique était incertain.
En 1985, la motiline était extrêmement
chère, tandis que l’érythromycine ne coûtait
presque rien. Mon équipe a ainsi démontré
que l’administration de 200 mg d’érythromycine à des patients souffrant d’une
gastroparèse et d’une vidange gastrique
retardée conduisait, comparé au placebo,
à l’accélération de la vidange gastrique.
1 «Le complexe moteur migrant, CMM (ou MMC
pour Migrating Motor Complex), est une activité
motrice intestinale cyclique se propageant lentement (à une vitesse de l’ordre du cm/mn) de
l’estomac à l’iléon terminal. Il est composé de
trois phases successives : une période de repos
moteur (phase 1), une période de contractions
survenant de façon irrégulière (phase 2) et une
période de contractions survenant à leur fréquence maximale (phase 3). Il est présent chez
tous les mammifères et il est caractéristique de
l’état de jeûne. Chez l’homme, il apparaît toutes
les 60 à 90 minutes et est interrompu pendant
les 4 à 6 heures suivant un repas.»
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L’industrie pharmaceutique a alors commencé à synthétiser des produits dérivés
de l’érythromycine, ainsi que d’autres produits agonistes de la motiline. Néanmoins,
il n’existe toujours pas de médicament sur
le marché. Trois groupes de molécules sont
candidats : les produits dérivés de l’érythromycine (comme EM-523 ou encore un produit d’une petite firme de San Francisco :
le Kosan), les dérivés de la motiline (donc
des peptides moins chers, plus petits et plus
faciles à synthétiser) et les molécules complètement synthétiques.
Découverte de la ghréline
Pour comprendre la découverte de la ghréline, il faut remonter dans le temps.
Première étape : l’hypophyse joue un rôle
crucial, car c’est là que sont produites les
tropines. La thyrotropine donne lieu à la
production des hormones de la thyroïde,
T3 et T4. Dans l’hypothalamus, les somatotropes se projettent soit vers l’hypophyse
postérieure et donne lieu à la production
de facteurs, soit vers un système portal
pour arriver dans l’hypophyse antérieure.
En 1968, on a montré que la somatostatine
inhibait la production d’hormone de croissance.
Deuxième étape : en 1977, on savait que
les enképhalines étaient capables de stimuler la production d’hormone de croissance. On a alors commencé à jouer avec
la structure des enképhalines pour produire
ce qu’on appelait les Growth Hormone
Secretagogues (GHS), des produits capables de stimuler la production de l’hormone
de croissance.
Troisième étape : en 1982, la preuve était
faite que le Growth Hormone Releasing
Hormone (GHRH) ne stimulait pas le même récepteur que les GHS. Quel était alors
le produit naturel responsable de la stimulation de ces récepteurs ? De nouveau, l’industrie pharmaceutique a joué un grand
rôle. C’est une équipe de Merck qui, en
utilisant des produits synthétiques, a finalement trouvé et cloné les récepteurs responsables de cette stimulation.
Pendant dix ans, des firmes ont cherché
un produit dans l’hypothalamus capable de
stimuler la production d’hormones de croissance. Finalement, des japonais ont trouvé
le ligand naturel de ce récepteur dans l’estomac : la ghréline (growth hormone releasing hormone). C’est un peptide qui est
octonoylé sur une sérine en position 3.
Ceci est très important pour l’activité biologique de la ghréline. Les résultats de
cette équipe japonaise ont été publiés dans
Nature en 1999 (Kojima).
Dans le même temps, une équipe française cherchait les facteurs responsables
du renouvellement de l’épithélium de l’estomac. Leurs résultats ont été publiés dans
Gastroenterology quelques mois plus tard.
La comparaison entre l’estomac, le cortex,
le côlon et l’intestin grêle a conduit à la
découverte d’un peptide un peu similaire
à la motiline : le MTLRP (Motilin-Related
Peptide). Les deux équipes ne savaient pas
à l’époque qu’elles avaient trouvé la même
chose.
Motiline et ghréline : les deux côtés
d’une pièce
Les séquences de la motiline et de la ghréline et celles de leurs récepteurs présentent
des similitudes.
Si la motiline était connue depuis 1970
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environ, son récepteur ne l’était pas. Ce
n’est qu’en 1999, année de la découverte
de la ghréline, que l’équipe de Merck trouve, par hasard, le récepteur de la motiline :
le GPR39. Ce récepteur est similaire à celui
de la ghréline.
Du fait de la similitude entre peptides
et récepteurs, on peut s’interroger sur une
similitude de leurs fonctions. Une équipe
canadienne a montré que la ghréline peut
stimuler la vidange gastrique, mais la méthode utilisée n’est pas satisfaisante d’un
point de vue scientifique, car elle ne permet
pas de suivre la vidange gastrique sur plusieurs jours.
Dans mon laboratoire, nous avons développé une méthode qui permet de suivre la
quantité d’un produit dans l’haleine d’un
rat et donc la vidange gastrique sur plusieurs
jours. Nous avons confirmé que la ghréline,
comme la motiline, stimule la vidange gastrique. Il a également été démontré que la
ghréline, comme la motiline, intervenait
dans la stimulation du complexe moteur
migrant.
Une publication récente dans Gut a confirmé la similitude des fonctions de la motiline
et de la ghréline chez l’homme.
Un intérêt croissant pour la ghréline
Une vingtaine d’articles est publiée chaque année sur la motiline, dont la moitié
par mon laboratoire. L’étude de la ghréline
est exponentielle. On a découvert qu’elle
stimulait l’appétit et le dépôt de lipides ;
la moitié des articles publiés sur la ghréline
traite de ce sujet. Les aspects concernant
la gastro-entérologie sont malheureusement
peu étudiés, car les financements des études
sont proportionnels à l’intérêt porté au domaine d’application.
La ghréline et l’appétit
La ghréline stimule l’appétit chez l’homme.
Elle est produite dans l’estomac, puis elle
migre vers le cerveau. Dans l’hypothalamus,
elle inhibe des neurones (CART/PMOC) ou
en stimule d’autres (NPY/AgRP). Inhibition
et stimulation ont un même effet : la stimulation de l’appétit et l’inhibition de
quelque chose qui l’inhibe. La leptine fait
le contraire : elle inhibe l’appétit.
Les médicaments développés prochainement dans le cadre de la lutte contre
l’obésité seront probablement dérivés de
la ghréline.
Conclusions
La motiline reste au niveau local. Elle stimule le système nerveux de l’intestin, ce
qui produit des contractions. La ghréline
est responsable elle aussi de contractions,
mais elle joue un rôle beaucoup plus
important, car elle envoie un signal vers
l’hypothalamus indiquant qu’il est temps
d’aller manger.
Discussion
Le vide de l’estomac serait à l’origine de
la sécrétion de la ghréline. Est-ce que cela
a été démontré et comment ?
C’est une hypothèse que j’ai faite. J’ai
démontré que la sécrétion de motiline
augmente et diminue en liaison avec le
complexe moteur migrant. Königst a montré que le taux de ghréline augmente systématiquement avant le repas, diminue au
début du repas et commence à remonter
doucement après le repas. On ne comprend
pas encore comment est réglée la sécrétion
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de la ghréline ; des études complémentaires
sont nécessaires.
Quel est l’intérêt pour la ghréline d’accélérer la vidange gastrique puisque l’estomac va se vider plus vite.
Je n’en vois pas non plus l’intérêt, mais
l’industrie pense autrement ! En situation
normale, le taux de ghréline est plus faible
avant, qu’après le repas. Elle n’a donc pas
beaucoup d’influence sur la vidange gastrique. Chez les patients souffrant de lourdeurs d’estomac, on peut imaginer utiliser
la ghréline ou la motiline pour améliorer
la vidange gastrique. Dans un état physiologique, je pense honnêtement que la ghréline ne joue aucun rôle dans la réalisation
de la vidange gastrique. Elle agit seulement
sur l’appétit.
Que sait-on des mécanismes impliqués
dans le stimulus secretion coupling ? Estce que beaucoup d’hormones sont libérées
suite à une augmentation de calcium intracel-lulaire ? Est-il possible d’isoler des
cellules à ghréline et de les étudier in vitro ?
On connaît encore très peu de choses sur
ces mécanismes. La technique du stimulus secretion coupling est employée pour
les récepteurs mais pas pour les cellules
à ghréline, car pour cela il faudrait pouvoir
les isoler.
Quelle est la localisation précise des
cellules qui produisent la ghréline dans
l’estomac?
Celle des cellules endocrines.
Des antagonistes ont-ils été trouvés pour
lutter contre l’obésité ?
C’est évidemment un point important pour
l’industrie. Dans nos études, nous avons
utilisé un antagoniste (un dérivé de la substance P.), mais celui-ci a d’autres effets.
Je suis sûr que de nombreuses firmes cherchent un antagoniste.
Y a-t-il une corrélation entre le taux de
ghréline et l’obésité ?
Il semblerait que les personnes obèses
sécrètent moins de ghréline. En revanche,
les gens qui n’aiment pas manger ou qui
ne mangent pas assez ont beaucoup de
ghréline. On pense maintenant que l’organisme essaie de réagir et de compenser.
Il est donc probable qu’un antagoniste
ne permettrait pas de diminuer l’appétit
des obèses. Il faut plutôt chercher un agoniste
inverse.
Ne pensez-vous pas que l’hypophyse puisse
intervenir aussi via l’hypothalamus dans
le contrôle de l’appétit ?
L’ablation de l’hypophyse, qui est un centre de contrôle très important, entraîne des
problèmes en cascade.
Article 1*
Ghrelin protects against ethanolinduced gastric ulcers in rats:
studies of the mechanisms of action.
Introduction
La ghréline, un peptide de 28 acides aminés, est un ligand endogène du récepteur
des secrétagogues de l’hormone de croissance. Ces récepteurs GHSR ont été identifiés dans plusieurs régions du cerveau
et dans différents tissus périphériques, ce
qui laisse supposer que la ghréline pourrait
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être impliquée dans de nombreuses activités biologiques. Elle a d’ores et déjà été
identifiée comme activatrice de la libération
d’hormone de croissance et l’on sait qu’elle
a une importance dans la régulation de la
prise alimentaire. L’impact de la ghréline sur
la sécrétion d’acide gastrique a été étudié
à plusieurs reprises mais les résultats sont
assez divergents.
Les auteurs de cet article ont émis l’hypothèse que la ghréline pourrait intervenir
dans l’apparition de lésions de la muqueuse
gastrique ou leur cicatrisation, et qu’elle
pourrait éventuellement avoir une interaction avec le système du NO.
Leur premier objectif était d’étudier l’effet
d’une administration centrale ou périphérique de ghréline sur les lésions hémorragiques de la muqueuse gastrique. Leur
deuxième objectif était de démontrer
d’éventuelles interactions entre la ghréline et le système du NO. Leur troisième
objectif était d’étudier les voies de signalisation qui pouvaient être impliquées dans
les effets de la ghréline sur l’estomac.
Conclusions
Les auteurs ont trouvé que l’intégrité des
fibres nerveuses était nécessaire à l’effet
gastroprotecteur, puisque le traitement à
la capsaicine avait pour conséquence la
perte de cet effet. Ils émettent l’hypothèse
que des fibres à CGRP (Calcitonin GeneRelated Peptide) pourraient être impliquées. Le NO serait un second messager au niveau intestinal qui permettrait
d’obtenir l’effet vasodilatateur entraînant
l’effet gastroproctecteur observé avec la
ghréline. La ghréline, qui est produite dans
l’estomac, aurait un effet sur les fibres à
CGRP. Le CGRP, au niveau de l’estomac,
interagirait avec le NO, ce qui produirait
l’effet gastroprotecteur vis-à-vis des lésions
induites par l’éthanol.
Les auteurs suggèrent que la ghréline
pourrait avoir une activité dans les processus de cicatrisation des ulcères gastriques chroniques et qu’elle pourrait
représenter un intérêt pharmacologique
dans le traitement des gastropathies aiguës.
Deux publications récentes ont confirmé
l’implication des fibres à CGRP dans les
mécanismes d’action, ainsi que l’intervention du nerf vague. D’autres publications
ont démontré l’effet stimulant de la ghréline
dans le mécanisme de sécrétion d’acide
gastrique.
Discussion
Une étude plus récente a montré un
effet par injection intrapéritonéale.
L’implication du nerf vagal et un effet
en sous-cutané ont également été
démontrés lors d’un ulcère induit par
le stress.
Lorsque l’injection se fait par voie souscutanée ou intrapéritonéale, on ne peut
pas être certain du rôle purement périphérique de l’hormone. L’administration de
ghréline par la voie intrapéritonéale entraîne probablement une activation dans
les organes circumventriculaires, puis une
action centrale.
Quels arguments les auteurs avancent-ils
en faveur d’un rôle physiologique de la
ghréline dans la protection ?
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C’est l’estomac qui produit la ghréline et
il est fort peu probable que le cerveau en
produise.
Article 2*
Enteroendocrine cells and 5-HT availabitity are altered in mucosa of guinea
pigs with TNBS ileitis.
Introduction
Les cellules entéro-endocrines
Le système nerveux intestinal est constitué
d’un plexus sous-muqueux et d’un plexus
intermusculaire, dont certains neurones ont
des prolongations juste sous l’épithélium
intestinal. Dans cet épithélium, on trouve
des cellules entéro-endocrines capables,
suite à un signal luminal, de libérer des
neuropeptides ou des hormones qui modulent la motilité et la sécrétion.
Parmi les cellules entéro-endocrines, on
trouve des cellules entérochromaffines
qui libèrent de la sérotonine en réponse
à un signal. Cette sérotonine est captée
par des récepteurs des neurones situés
à proximité de la membrane basale des
cellules entérochromaffines. Une fois libérée, la sérotonine peut être recaptée par
un transporteur sélectif à la sérotonine :
le SERT.
Les maladies inflammatoires intestinales
Motilité et sécrétion sont toutes deux altérées lors des maladies inflammatoires
intestinales que sont la maladie de Crohn
et la colite ulcéreuse. La maladie de Crohn
est une inflammation transmurale discon-
tinue qui peut se trouver tout le long du
tractus digestif. Sa prévalence est de 10
à 100 pour 100 000 habitants. La colite
ulcéreuse est une inflammation continue
de la muqueuse qui touche exclusivement
le côlon et le rectum. Sa prévalence est
de 30 à 100 pour 100 000 habitants. De
ce fait, on pense qu’ il pourrait y avoir, lors
d’une inflammation, une altération des
cellules entérochromaffines, d’où les
perturbations de la motricité et de la
sécrétion. Cette hypothèse est confortée
par différentes études.
Les auteurs de cet article se sont posé deux
questions. L’augmentation des cellules
entéroendocrines induite par l’iléite modifie-t-elle la disponibilité, la libération
et le recaptage de la sérotonine ? Y a-t-il,
lors d’une inflammation, une modification
d’autres cellules entéro-endocrines ?
Leurs objectifs étaient, d’une part, d’étudier
la disponibilité de la sérotonine dans la
muqueuse sur un modèle d’iléite chez le
cobaye et, d’autre part, de regarder les modifications des autres cellules endocrines.
Conclusions
Les fonctionnalités des cellules à sérotonine,
neurotensine et somatostatine seraient modifiées lors de l’inflammation. Cette modification pourrait entraîner des perturbations
de la transduction du signal luminal vers les
nerfs extrinsèques ou intrinsèques et donc
de la motricité et de la sécrétion. Les auteurs
émettent l’hypothèse que la sérotonine,
la neurotensine et la somatostatine pourraient être des cibles thérapeutiques pour
des maladies inflammatoires digestives.
-56-
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Article 3*
Discussion
Les auteurs ne trouvent pas de corrélation
entre le nombre de cellules entérochromaffines et la teneur en sérotonine. Ils l’expliquent par une régulation de la différenciation de ces cellules. D’autres hypothèses
pourraient-elles être envisagées, comme
la présence de cellules qui sécrètent de la
sérotonine, en particulier les mastocytes ?
C’est une possibilité, mais ils n’ont malheureusement pas étudié les mastocytes.
Pourquoi ont-ils aussi étudié des cellules
à somatostatine et à neurotensine ?
Les auteurs voulaient faire une étude systématique de toutes les cellules entéroendocrines et de leurs implications dans
l’inflammation. Ils pensent que les cellules
entérochromaffines pourraient ne pas être
les seules à être modulées par l’inflammation. Peut-être auraient-ils dû se concentrer
sur la sérotonine ?
D’après les auteurs, il y a une augmentation des cellules entérochromaffines et
une diminution de sérotonine. Est-ce bien
cela ?
Ils ont observé une augmentation des cellules entérochromaffines, mais pas du taux
de sérotonine dans la muqueuse. Par contre,
il y a une augmentation de sérotonine libérée sous l’action d’un stimulus. Ils observent
aussi une diminution du nombre de récepteurs, ce qui augmente, a priori, la teneur
en sérotonine libérée sous l’action d’un
stimulus. Dommage qu’ils n’aient pas
étudié le taux de sérotonine dans une
muqueuse saine.
Differential contributions of motilin
receptor extracellular domains for peptide and non-peptidyl agonist binding
and activity.
Introduction
La ghréline
La ghréline est synthétisée comme une préhormone, puis elle est protéolysée jusqu’à
l’obtention d’un polypeptide de 28 acides
aminés. Sa synthèse se fait principalement
dans les cellules épithéliales du fundus
(estomac), mais aussi dans d’autres cellules
comme celles du placenta, du rein et de
l’hypothalamus. Une modification (liaison
entre un acide n-octanoïque et un acide
aminé) est nécessaire pour permettre l’activité biologique de la molécule.
Le récepteur à ghréline est connu depuis
longtemps. Il a été identifié comme étant
un récepteur de l’activateur de sécrétion
de l’hormone de croissance. Il est situé au
niveau de l’hypophyse, de l’hypothalamus,
du cœur et dans le tissu adipeux. La ghréline a été découverte comme ligand naturel
de ce récepteur, en 1999.
La ghréline a de nombreuses activités biologiques dans la régulation de la balance
énergétique. Des expérimentations ont été
menées chez les rongeurs et les humains,
chez qui la ghréline augmente la sensation de faim, via son action sur les centres
de la faim de l’hypothalamus. La ghréline
augmente pendant le jeûne. Elle entraîne
une suppression de l’utilisation des graisses
du tissu adipeux. L’activation de la ghréline
-57-
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sur son récepteur provoque la sécrétion de
l’hormone de croissance, une stimulation
de la vidange gastrique. Elle a également
des effets bénéfiques sur le système cardiovasculaire.
La ghréline et l’hormone de croissance
La sécrétion de l’hormone de croissance
est influencée par les nutriments et les hormones. La ghréline agit sur la croissance en
activant la mitose dans certaines cellules
cibles. Sa fixation à des récepteurs de l’hormone de croissance entraînerait une dimérisation de ces récepteurs, puis une cascade
de phosphorylations aboutissant à une
activation de la mitose. Par ces différents
mécanismes, elle a un effet sur l’énergie,
la vitalité, les tissus adipeux, la masse musculaire, la régénération de la peau, le système nerveux central et la fonction immunitaire. Différentes publications ont montré
que la ghréline est, à partir d’une certaine
dose, un agent sécrétagogue de l’hormone
de croissance chez l’humain et le rat. L’effet
sécrétagogue n’est pas validé par d’autres
modèles.
La vidange gastrique
La vidange gastrique régule l’arrivée des
nutriments dans le grêle supérieur. Elle est
nécessaire au bon déroulement de la digestion et de l’absorption. La régulation de la
vidange gastrique est fonction des variations
des concentrations plasmatiques en lipides
et glucose. Il existe aussi une régulation
nerveuse : le nerf pneumogastrique permet
l’alternance des contractions, ainsi qu’une
variation de leur amplitude et de leur
la fréquence. Plusieurs hormones interviennent sur la vidange gastrique : la pentagastrine et la cholécystokinine la ralentissent,
la motiline et la sérotonine l’accélèrent.
La motricité intestinale
La motricité de l’intestin grêle a plusieurs
rôles : le mélange des aliments broyés
avec les enzymes digestives, le contact des
nutriments avec les entérocytes et l’élimination du bol alimentaire vers le gros intestin grâce aux contractions péristaltiques.
La régulation au niveau de l’intestin grêle
se fait par le système nerveux et par les hormones gastro-intestinales.
Au niveau du gros intestin, on observe
des régulations nerveuses ; des contractions permettent aussi un mélange avec
la muqueuse pour une meilleure absorption et des contractions antipéristaltiques permettent un ralentissement de l’avancée du bol alimentaire,
donc une meilleure absorption. Enfin,
des mouvements de masse permettent
l’évacuation des déchets non absorbés.
Dans cet article, les auteurs ont voulu
déterminer le rôle de la ghréline dans les
sécrétions d’hormone de croissance sur
la vidange gastrique et sur la motricité
intestinale chez le chien.
Conclusions
On peut voir que la ghréline a bien un
effet de sécrétion de l’hormone de croissance chez les rongeurs, les chiens et les
humains ; elle accélère la vidange gastrique
et stimule la motricité intestinale à l’état
de jeûne chez les rongeurs. Le modèle
rongeur n’est donc pas un modèle prédictif pour l’homme. L’établissement d’un
modèle généralisable à l’homme implique
de se tourner vers des protocoles in vivo
ou un meilleur modèle, pourquoi pas
OGM.
-58-
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Discussion
Introduction
La diapositive concernant les effets de la
ghréline sur la la phase III du CMM chez
le rat n’est pas convaincante. Est-ce que
la phase III existe chez le rat ?
Chez le rat, la fréquence des phases III
est de 15 minutes. Au cours de l’évolution, un peptide aurait peut-être donné
naissance à deux peptides : l’un dans le
cerveau, la ghréline, et l’autre dans l’intestin, la motiline. Nous savons que chez les
rongeurs la motiline n’existe plus. Ce sont
des « knock-out » naturels pour la motiline.
Le récepteur de la motiline n’existe pas
chez les rongeurs, ce qui pourrait expliquer
que la vidange gastrique est plus importante
chez ces derniers.
La ghréline a été découverte en 1999. Elle
provient d’un prépropeptide constitué de
117 acides aminés qui, après clivage posttraductionnel, donne la ghréline, constituée
de 28 acides aminés. La comparaison des
séquences de proghréline entre 11 espèces
de mammifères a permis d’identifier une
séquence conservée, efflanquée par des
sites de clivage et qui laisse penser qu’un
deuxième peptide pourrait être produit à
partir de ce même prépropeptide. C’est
ainsi que l’obestatine a été découverte.
Elle est composée de 23 acides aminés et
contient une partie C terminale, un résidu
glycine qui peut être aminé pour être biologiquement actif. Dans cet article, les chercheurs ont voulu savoir à quel moment ces
hormones sont sécrétées, connaître leurs
rôles et leurs effets, comprendre comment
elles agissent et par quels mécanismes.
Vous montrez l’influence de la motiline
sur les complexes moteurs migrants. Est-ce
un phénomène marginal ou important dans
le contrôle de la prise alimentaire ; est-ce
en rapport avec ce qui est mesuré ici au
niveau de la motricité gastrique ?
La vidange gastrique a lieu après le repas
tandis que le complexe moteur migrant
intervient quand on est à jeun. Pour étudier le complexe moteur migrant avant le
repas, on étudie les contractions à différents
niveaux de l’intestin. Après le repas, il est
difficile d’étudier les contractions car elles
sont trop nombreuses. C’est pourquoi on
étudie l’effet sur la vidange gastrique.
Article 4*
Ghrelin does not stimulate gastrointestinal motility and gastric emptying:
an experimental study of conscious
dogs.
Conclusions
La ghréline provoque une augmentation de
la prise alimentaire, tandis que l’obestatine
l’inhibe. De même, la prise de poids est
augmentée par la ghréline et diminuée par
l’obestatine. L’activité de vidange gastrique
et les contractions du jéjunum sont activées par la ghréline et inhibées par l’obestatine. A partir du même prépropeptide,
deux hormones différentes sont produites
après clivage post-traductionnel. Ces deux
peptides, dont on suppose qu’ils ont un
ancêtre commun, agissent sur des récepteurs différents. Leur divergence aboutit à
des effets contraires. La ghréline, par activation du GHSR, a un effet orexigène, tandis
que l’obestatine, via le GPR39, a un effet
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anorexigène. La production de ghréline
ou d’obestatine permet une régulation fine
de la prise de poids et pourrait jouer un rôle
important dans l’obésité.
Perspectives
La purification et le séquençage de la sécrétine ont nécessité des dizaines d’années
de travail. A la fin du XXe siècle, de nouvelles techniques de biologie moléculaire ont
permis de purifier rapidement la ghréline
et la motiline. Des études doivent être
poursuivies afin de découvrir de nouveaux
peptides issus de la préproghréline.
Discussion
Je m’attendais à voir une sécrétion d’obestatine une fois les rats rassasiés ; or le taux
d’obestatine dans le sérum ne change pas,
c’est le taux de ghréline qui varie et joue
un rôle sur la prise alimentaire. Quel est
donc le vrai rôle de l’obestatine ?
Bonne question ! Différentes études ont
montré que l’obestatine n’a aucun effet,
ni sur la prise alimentaire, ni sur la vidange gastrique et qu’elle n’est pas capable
d’activer le récepteur GPR39. Ce serait un
bon sujet d’étude.
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Theo Peeters, Professeur
Université de Louvin, Belgique
Articles analysés
Article 1 - présenté par Julie Mardon (Unité de Nutrition Humaine, INRA ClermontFerrand)
« Ghrelin protects against ethanol-induced gastric ulcers in rats: studies of the mechanisms of action” – Endocrinology 144(1):353-359
V. Sibilia et al.
Article 2 - présenté par Anne Morise (Unité Systèmes d’élevage, nutrition animale
et humaine, INRA Rennes)
“Enteroendocrine cells and 5-HT availabitity are altered in mucosa of guinea pigs
with TNBS ileitis “ – AJP – GI 287:998-1007, 2004
Jennifer R. O’Hara et al.
Article 3 - présenté par Clémentine Thabuis (Unité Nutrition humaine et lipides :
biodisponibilité, métabolisme et régulations, Marseille)
Ghrelin does not stimulate gastrointestinal motility and gastric emptying: an experimental study of conscious dogs - Neurogastroenterol Motil (2006) 18, 129-135
T. Ohno et al.
Article 4 - présenté par Barbara Grintal (Unité de Nutrition et Régulation Lipidique
des Fonctions Cérébrales, INRA Jouy-en-Josas)
« Obestatin, a peptide encoded by the ghrelin gene, opposes ghrelin’s effects on
food intake” – Science , 11 November 2005, vol 310
Jian V. Zhang et al.
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AlimH2006 61
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Le système nerveux autonome
Cortex
Rhinencéphale
Hypothalamus
NTS
Ganglion
plexiforme
Bulbe rachidien
NDMV
Ganglion
spinal
1
2
Moelle épinière
Nerf
vague
Racine
postérieure
Nerf
splanchnique
Racine
antérieure
Ganglion
prévertébral
Plexus
intrapariétaux
Neurones moteurs et interneurones
3
4
Muqueuse
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L’axe cerveau-intestin
Pr Bruno BONAZ
Introduction
Les maladies inflammatoires chroniques
de l’intestin (MICI ou inflammatory bowel
diseases : IBD) et le syndrome de l’intestin
irritable (SII ou irritable bowel syndrome :
IBS), anciennement dénommés colopathies
fonctionnelles, sont un problème de santé
publique en gastroentérologie. Le SII représente environ 30 à 50 % des motifs de
consultation auprès d’un gastroentérologue. En France, la prévalence des MICI
est de 1/1000.
MICI et SII sont étroitement liés au fonctionnement de l’axe cerveau-intestin.
situé dans le bulbe. De là, l’information
va être véhiculée vers les centres nerveux
supérieurs. Il y a également une boucle
réflexe entre le NTS et le noyau moteur
du vague à l’origine du réflexe vago-vagal.
Généralement, le NTS inhibe le noyau
moteur du vague. Le noyau moteur dorsal
du vague, situé sous le NTS, correspond
au nerf efférent du nerf vague ; il va s’articuler avec un deuxième neurone qui fait partie
du système nerveux intrinsèque.
Le sympathique afférent part du tube digestif et véhicule notamment la sensation douloureuse, via les ganglions sympathiques,
et se termine dans la moelle épinière.
Le nerf vague pourrait aussi jouer un rôle
dans la sensation douloureuse viscérale.
Dans les MICI et le SII, des anomalies de
fonctionnement du système nerveux autonome, appelées dysautonomies, peuvent
apparaître.
Le système nerveux autonome
sympathique et parasympathique
Les organes circum-ventriculaires
Le tube digestif, de la même manière que
le cœur et les poumons, n’est pas un organe
isolé. Il est relié au cerveau par le système
nerveux autonome sympathique (inhibiteur)
et parasympathique (stimulateur), classiquement antagonistes. Le système nerveux
intrinsèque du tube digestif contient des
plexus intramuqueux et intramusculaires,
qui sont capables de donner une autonomie sécrétoire et motrice au tube digestif.
Les nerfs parasympathiques, en particulier
les nerfs vagues, et sympathiques sont des
nerfs mixtes. Il y a 90 % de fibres afférentes
dans le nerf vague et 50 % de fibres afférentes dans le système nerveux sympathique.
Les afférences du nerf vague, dont le corps
cellulaire est dans le ganglion plexiforme,
partent du tube digestif pour se terminer
dans le noyau du tractus solitaire (NTS),
Les organes circum-ventriculaires sont des
organes situés en dehors de la barrière
hémato-encéphalique. Ils sont représentés
par l’organe subfornical (SFO), l’organum
vasculosum de la lamina terminalis (OVLT),
l’area postrema et la glande pinéale. Ce
sont des structures vasculaires. Par exemple,
l’OVLT est sensible notamment aux interleukines circulantes. Les interleukines agissent sur des astrocytes au niveau de l’OVLT.
Ces derniers libèrent des prostaglandines
qui stimulent l’aire préoptique antérieure,
qui elle-même stimule l’axe du stress,
notamment le noyau paraventriculaire de
l’hypothalamus. Celui-ci libère du CRF
(corticotropin-releasing factor), le neuromédiateur du stress, qui stimule l’antéhypophyse qui libère de l’ACTH. Cette dernière stimule les glandes surrénales pour
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Les organes circum-ventriculaires
Anterior commissure
Subfornical
organ
Fornix
Posterior
commissure
Pineal gland
Thalamus
Lamina terminalis
Vascular organ
of the lamina
terminalis
Hypothalamus
libérer des glucocorticoides qui ont un
effet anti-inflammatoire. C’est l’axe corticotrope. Une inflammation à la périphérie
peut donc agir sur le cerveau avec pour
finalité d’atténuer cette inflammation.
Intégration centrale
L’information en provenance du tube digestif arrive dans le NTS ; elle est relayée vers
des structures supérieures telles que le
noyau parabrachial, le noyau central de
l’amygdale, le noyau paraventriculaire de
l’hypothalamus (qui contient le CRF), le cortex insulaire. En retour, des faisceaux nerveux
descendants vont moduler le noyau sympathique spinal, le noyau moteur du vague.
La douleur viscérale, par exemple, entraîne
Subcommissural organ
des modifications autonomiques, comportementales, cognitives et endocriniennes.
Il en est de même de l’inflammation.
MICI et SII
La physiopathogénie des MICI fait intervenir des facteurs génétiques, environnementaux (tabac, flore intestinale, stress…)
et immunitaires. Un gène de susceptibilité a été identifié sur le chromosome 16
(gène NOD2). Environ 30% des malades
atteints de la maladie de Crohn sont porteurs d’une mutation de ce gène. On peut
toutefois être porteur du gène sans pour
autant développer la maladie, dans la mesure où les facteurs environnementaux sont nécessaires au développement de la maladie.
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Les malades SII présentent une hypersensibilité viscérale. Le seuil de douleur
à la distension du côlon est en effet diminué chez ces patients. Le stress est un facteur
aggravant/déclenchant du SII. On retrouve
des antécédents de dépression dans 30 à
50% des cas chez ces patients, ainsi que
des antécédents d’abus sexuels. Cette hypersensibilité viscérale pourrait aussi être due
à un défaut de « filtrage » de l’information
douloureuse au niveau de la moelle épinière, soit par un emballement de la transmission douloureuse à ce niveau (effet
« wind up »), soit par un défaut des faisceaux inhibiteurs descendants supraspinaux.
Environ 30 % des patients ayant une
MICI peuvent développer un SII au cours
de l’évolution de leur maladie. De même,
5 à 30% des patients ayant présenté une
gastroentérite peuvent développer un SII.
L’inflammation, en entrainant des modifications de plasticité neuronale, pourrait
favoriser l’hypersensibilité viscérale.
Implication du CRF (CorticotropinReleasing Factor ou Corticolibérine)
Le CRF est un neuromédiateur du stress
présent au niveau central (surtout dans
l’hypothalamus) et périphérique (tube digestif, poumon, cœur, muscle). Il serait
anti-inflammatoire en central, via une activation de l’axe corticotrope, et plutôt proinflammatoire en périphérie. Il influence
la motricité digestive. Le CRF est un peptide
de 41 acides aminés. Il agit sur des récepteurs transmembranaires : CRF1 et CRF2.
Si le CRF1 est surtout localisé dans le système nerveux central, mais aussi dans le
tube digestif, le CRF2 l’est davantage en
périphérie (bien que le CRF2-a soit plutôt
central et le CRF2-b plutôt périphérique).
Des récepteurs différents ont donc une
topographie différente avec un rôle fonctionnel différent.
Le CRF1 est anxiogénique. Les drogues d’avenir dans la colopathie pourraient être des
antagonistes du CRF1. Par exemple, l’antagoniste peptidergique a-hélical CRF9-41
a été utilisé notamment dans la colopathie. Des données récentes indiquent que
le traitement de colopathes avec un antagoniste du CRF entraînait moins d’anomalies d’activation cérébrale par IRMf. Les
antagonistes peptidergiques ne franchissent pas la barrière hémato-encéphalique,
contrairement aux antagonistes non peptidergiques qui agissent au niveau central
et au niveau périphérique.
Stress et motricité digestive
Le stress ralentit la vidange de l’estomac,
via le CRF2 gastrique, et stimule la motricité colique (accélération du transit colique
et augmentation de la fréquence des selles)
via le CRF1, localisé principalement dans
l’hypothalamus mais aussi dans le côlon.
Le CRF a un rôle neuro-endocrine, un rôle
de neurotransmetteur et/ou de neuromodulateur, et il intervient dans la réponse neuroimmune. Le stress modifie l’immunité.
Toutes les informations désagréables sont
stockées dans l’amygdale centrale. Or,
l’amygdale module le sympathique, le parasympathique et elle stimule le CRF. L’hippocampe inhibe le CRF.
Une hypothèse avance que la balance
hippocampe/amygdale est déréglée chez
les colopathes. On sait, par exemple, qu’un
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stress chronique entraîne des morts neuronales, notamment au niveau de l’hippocampe. Les antidépresseurs favorisent la régénérescence de l’hippocampe. C’est un des
effets des antidépresseurs administrés aux
colopathes, notamment aux Etats-Unis.
Mécanismes des effets du stress
Le stress chronique de l’aversion à l’eau est
un modèle expérimental d’activation du
transit colique. Il consiste à mettre un rat
sur un cube entouré d’eau. Le rat a peur
de l’eau, il tremble, il défèque abondamment. Au niveau de l’hypothalamus, on
constate une augmentation d’expression
de c-fos (un marqueur d’activation neuronale) dans son noyau paraventriculaire.
Le stress active le transit colique via le CRF.
Si on injecte un antagoniste du CRF au rat,
(le fameux a-hélical) avant de le mettre
sur le cube entouré d’eau, il déféque moins
et il y a moins d’activation neuronale dans
son hypothalamus.
En pathologie clinique, on s’intéresse surtout aux stress répétés, chroniques (et non
aux stress aigus), car on pense qu’ils seraient
impliqués en pathologie, notamment dans
la colopathie. Des mécanismes physiologiques permettent de contrôler le stress
en situation normale. En situation de pathologie, ces mécanismes se dérégulent, mais
il n’y a pas d’explications pour l’instant.
Stress et sensibilité viscérale
On sait qu’un stress physique ou psychologique entraîne une hypersensibilité
rectale (la séparation maternelle est un
modèle de cette hypersensibilité). L’hypersensibilité après un stress aigu s’atténue
avec la chronicité par des phénomènes
d’adaptation. Chez le rat, la motricité
colique est augmentée et l’analgésie
somatique est diminuée en réponse à un
stress aigu.
On sait que les colopathes ont des anomalies d’activation cérébrale en réponse à
une douleur rectale provoquée par distension. Une étude a montré que l’administration d’antagonistes des récepteurs CRF1 et
CRF2 prévenait les anomalies de l’activation cérébrale. Le CRF central et le mastocyte, via les récepteurs NK1, jouent un rôle
dans l’hypersensibilité.
Les hormones sexuelles modulent les effets
sensitifs du stress. La colopathie est plus
fréquente chez les femmes (2/3 des patients
sont des femmes). Il y a des récepteurs aux
œstrogènes sur les neurones du stress dans
l’hypothalamus.
Le noyau de Barrington
Le noyau de Barrington, situé au niveau
du tronc cérébral sous le locus cœruleus, est le principal noyau noradrenergique central impliqué dans le stress. Ce
noyau envoie des projections descendantes sur la moelle sacrée. Il commande
le parasympathique sacré qui contrôle
la motricité de la vessie et du rectosigmoïde. Il est très riche en CRF. Il est donc
probable que l’effet du stress passe par ce
noyau ; malheureusement, il est difficile
à explorer chez l’homme. Des données
d’imageries cérébrales ont cependant montré une anomalie de ce noyau, notamment
dans les troubles urinaires.
Intégration centrale de la douleur
L’information douloureuse arrive au niveau de la moelle épinière et remonte vers
le cerveau. L’activation des neurones module les systèmes sympathique-parasym-
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pathique, ainsi que le système comportemental et cognitif. Un modèle animal de
douleur somato-viscérale à l’acide acétique
est disponible. Le marqueur d’activation
c-fos est détecté dans le cerveau de ces rats
après injection intra-péritonéale d’acide
acétique.
Chez l’homme, une douleur dans le tube
digestif entraîne l’activation de plusieurs
zones du cortex : le cortex insulaire qui
est un cortex de projection de la sensibilité
viscérale, le cortex cingulaire et le cortex
préfrontal. La distension du côlon chez les
colopathes entraîne des activations anormales de ces zones. Des désactivations sont
observées dans le cortex insulaire qui reçoit
toute la sensibilité, dans l’amygdale qui
est la zone du cerveau qui stocke toutes
les mauvaises expériences de la vie, et dans
le striatum qui est impliqué dans la maladie
de Parkinson.
IBD (maladie inflammatoire)
L’effet du stress est fréquemment rapporté chez les patients souffrant d’IBD. Peu
d’études contrôlées sont néanmoins réalisées, car il est difficile d’isoler le facteur
stress.
Stress et IBD
On a montré qu’il existe des associations
entre les indices psychosociaux et les indices de gravité dans l’une des deux maladies inflammatoires : la rectocolique hémorragique. Cela n’a pas été retrouvé pour la
maladie de Crohn.
L’effet placebo est à prendre en compte,
car il est efficace dans 30 à 50 % des cas de
colopathie et de maladies inflammatoires.
Un suivi régulier par le médecin augmente
la rémission des malades chroniques.
Une étude récente a montré que des personnes atteintes de rectocolite ou de la maladie
de Crohn en rémission, mais soumises à
un stress (main dans l’eau à 4 degrés pendant 3 minutes), présentaient des signes
d’inflammation colique plus marqués que
les sujets contrôles.
Chez l’animal, on peut, par le stress, aggraver une colite expérimentale ou ré-induire
une colite expérimentale guérie.
L’axe neuro-endocrinien-immunitaire
Il existe une relation triangulaire entre le système immunitaire, le système nerveux central et le système endocrinien. L’interruption
d’une de ces relations augmente la sensibilisé aux inflammations et aux infections.
C’est le cas des rats Lewis femelles qui sont
plus sensibles au stress parce qu’elles ont
un défaut de prodution de CRF hypothalamique.
Les rats Fischer, au contraire, sont
hyper CRF et sont plus résistants. Une
vagotomie entraîne une aggravation de la
colite. Il y a, en effet, des récepteurs aux
cytokines sur le nerf pneumogastrique.
Le vague véhicule ensuite l’information
au niveau du NTS, qui l’envoie au cerveau, notamment au niveau de l’hypothalamus pour stimuler l’axe corticotrope. C’est
ce qu’on appelle l’axe neuro-endocrinien
immunitaire.
Stress et perméabilité intestinale
Dans les maladies inflammatoires, on observe une rupture de la tolérance immunitaire, probablement parce qu’il y a un
défaut de la paroi intestinale et un emballement de la réponse immunitaire. Le stress
augmente la perméabilité intestinale. Les
bactéries peuvent alors rétrodiffuser dans
la paroi intestinale, siège d’un emballement
-67-
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de la réponse immunitaire qui favorise
l’inflammation.
Relations neuro-immunes
Le stress stimule le système sympathique
et inhibe le parasympathique. Une sympathectomie améliore une colite expérimentale, alors qu’une vagotomie aggrave la
colite. Les patients atteints de colite ont
des dysautonomies (anomalies de fonctionnement du système sympathique-parasympathique). Il y a donc une relation neuroimmune. Les macrophages libèrent de
l’interleukine 12 et du TNF-a qui stimulent
la réponse inflammatoire.
Comment un stress peut-il modifier
l’immunité ?
Les lymphocytes TH0 s’individualisent en
TH1 et TH2. Dans la maladie de Crohn,
l’immunité est de type TH1 (sécrétion d’IL-12
et d’interféron-g). Pour la rectocolite, l’immunité est plutôt de type TH2 (IL-4, 5,13).
Or, le TH1 est le seul lymphocyte à avoir
un récepteur aux catécholamines.
En cas de stress, le sympathique libère des
catécholamines qui se fixent sur le récepteur
catécholaminergique du lymphocyte TH1.
On pense que cette fixation entraînerait
une modulation cytokinergique, où TH1
prendrait un profil cytokinergique TH2.
Le stress pourrait ainsi moduler l’immunité
en modulant la réponse immunitaire cytokinergique.
Le nerf vague
Une stimulation vagale pourrait être un
traitement des maladies inflammatoires
puisque la stimulation du nerf pneumogastrique inhibe la libération de TNF-a par
les macrophages. Cette hypothèse reste à
vérifier.
Discussion
Les cytokines pénètrent-elles dans le cerveau ?
Normalement, elles ne pénètrent pas
dans le cerveau. Elles agissent au niveau
des paraganglions présents dans les fibres
vagales pour stimuler les afférences vagales et véhiculer l’information au niveau du
NTS. Les interleukines peuvent agir également au niveau des organes circumventriculaires.
Le réflexe cholinergique est anti-inflammatoire sur les macrophages et sur la libération de cytokines. Cela a-t-il été montré
seulement suite à une infection ?
Cela a été prouvé initialement dans les
modèles d’hyperthermie par injection de
lipopolysaccharides (LPS) bactériens.
La stimulation vagale peut-elle traiter le
syndrome de l’intestin irritable ?
L’effet de la stimulation vagale a surtout
été démontré dans des modèles infectieux
ou inflammatoires. On n’a pas de données
concernant des modèles expérimentaux
de SII. Le SII serait plutôt un modèle hyper
CRF1. Un anti-CRF1 pourrait améliorer
l’état de ces patients, mais il a aussi d’autres
effets secondaires.
L’axe cerveau intestin fonctionne en permanence, et pas seulement en cas de problème
digestif.
Pensez-vous que cela puisse marcher
dans un modèle où on ne parle pas d’infection ?
Ça devrait pouvoir marcher. Dans un article publié récemment dans Gastroenterology, la stimulation vagale dans la pancréatite a visiblement un effet anti-TNF.
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Le TNF est libéré par tout ce qui est infectieux, inflammatoire.
La perméabilité intestinale n’est-elle pas
la cause de nombreuses pathologies ?
Les maladies inflammatoires peuvent entraîner des manifestations extradigestives,
notamment cutanées, oculaires. Chez les
patients atteints de la maladie de Crohn,
la résection iléo-cæcale entraîne une diminution des manifestations articulaires.
Ces manifestations pourraient être dues,
soit à un lymphocyte circulant, soit à des
antigènes bactériens circulants.
On retrouve des anomalies de la perméabilité chez des apparentés de patients ayant
la maladie de Crohn, et cela avec une fréquence élevée (30 à 40%). Dans la maladie cæliaque, on constate également des
anomalies de la perméabilité intestinale.
Environ 8% des SII ont une intolérance au
gluten. Il y a donc probablement un lien.
Actuellement, on parle de rupture de la tolérance immunitaire.
Peut-on parler de rupture de la tolérance
à sa flore intestinale ?
A sa propre flore intestinale, tout à fait, d’où
la théorie des probiotiques.
Les rats HLA B27 développent spontanément une spondylarthrite ankylosante.
La maladie disparaît quand ils n’ont plus
de flore digestive. Lorsque leur tube digestif est recolonisé par des bacteroïdes,
on reproduit les manifestations (inflammation du tube digestif, des articulations).
Il y a d’autant plus de bactéries dans la paroi
intestinale, et de plus en plus profondément,
que la colite expérimentale est sévère.
Le gène Nod2, qui est sur le chromosome 16,
a une liaison avec le système antigénique-
bactérien. On a montré que Nod2 est associé à une augmentation de la perméabilité
intestinale. Si on supprime la flore ou si on
la modifie, on n’a plus la même réactivité
des facteurs de l’environnement (dont le
stress) sur les cellules épithéliales en termes d’expression de cytokines et de perméabilité des protéines des jonctions
serrées. Cela signifie que la flore intestinale est indispensable pour qu’il y ait
une réactivité normale des cellules épithéliales à des facteurs qui n’ont rien
à voir avec la microflore. Quand on
modifie la flore, on modifie la réactivité, y compris sur des pathologies où
le facteur génétique n’est pas négligeable, comme dans la maladie de Crohn.
Attention aux antibiotiques !
Le modèle TNBS est un bon modèle pour
induire une colite expérimentale. Il est difficile d’induire une colite expérimentale
chez des animaux pré-traités par des antibiotiques.
Quel rôle jouent les facteurs alimentaires ?
Dans les MICI, les aliments ne sont pas des
facteurs déclenchants de la maladie. Par
contre, en cas de poussée inflammatoire,
il faut se mettre au régime sans résidus
(pâtes, riz) pour diminuer les diarrhées.
Johet, dans une publication de 2005, a
montré que 30% de patients souffrant de
rectocolites hémorragiques et qui consommaient plus de protéines et de sulfates
avaient un risque deux fois supérieur de
rechute.
A une époque, on disait que les patients
souffrant de rectocolite avaient un défaut
de métabolisme des acides gras à chaîne
courte. Les lavements d’acides gras à chaîne
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courte ont même été testés dans la rectocolite sans succès manifeste.
Il me semble qu’il y a des maladies inflammatoires où l’on met l’intestin au repos.
Dans la maladie de Crohn, le fait de dériver le flux fécal par une stomie (iléostomie,
colostomie) améliore les lésions sousjacentes et le rétablissement de la continuité
digestive entraine une récidive des lésions.
Y a-t-il des données concernant les relations vague/mastocytes ? Les redistributions à proximité des immunocytes des terminaisons vagales en particulier sont-elles
connues ?
Dans le tube digestif, les relations entre
fibres nerveuses et mastocytes sont étroites. On peut penser qu’en cas de « sprouting » il y a plus de récepteurs à la douleur,
à l’inflammation. C’est une des théories sur
le rôle de l’infection ou de l’inflammation
dans l’hypersensibilité viscérale digestive.
La stimulation répétée du vague ne peutelle pas favoriser le sprouting pour limiter
les mastocytes par exemple ?
Je n’ai jamais rien lu à ce sujet. Le vague a
aussi un effet antidouleur.
Une étude montre que la stimulation du
vague induirait une activation mastocytaire
par l’intermédiaire de la CCK. Dans cette
étude, ils injectent de l’ovalbumine dans
le tube digestif. On sait que la sécrétion
de CCK agit sur les mastocytes qui sont
activés. Cela pourrait-il expliquer le rôle
des facteurs alimentaires dans les maladies
du tube digestif sans qu’il y ait une allergie,
puisque c’est juste la présence de protéines
dans le tube digestif qui induit l’activation
mastocytaire ?
Un article montre qu’une alimentation riche
en lipides stimulerait le contingent antiinflammatoire du vague via la CCK. La
nutrition entérale a un effet thérapeutique
dans la maladie de Crohn. Cela pourrait
faire intervenir ce type de mécanisme.
Article 1*
Hypothalamic-Pituitary-gut dysregulation in irritable bowel syndrome: plasma cytokine as a potential biomarker.
Introduction
Le syndrome de l’intestin irritable est un trouble fonctionnel du tractus gastro-intestinal.
Il est associé à un trouble du transit avec
une modification de la vitesse de passage
des aliments dans l’intestin. Le syndrome
est associé à des douleurs et un inconfort
abdominal. Cela entraîne chez les patients
une altération des habitudes alimentaires
et donc une dégradation de la qualité de
vie. Le syndrome est aggravé par des phénomènes de stress. Il serait dû à une dérégulation de l’axe cerveau-intestin. Il n’y a pas,
actuellement, de marqueur biologique pour
caractériser cette pathologie.
Les auteurs s’intéressent à l’axe hypotalamo-hypophysaire en relation avec le
système immunitaire intestinal. L’hypothalamus, en situation de stress, sécréte
du CRF qui induit au niveau de l’hypophyse la sécrétion de l’ACTH, qui ellemême entraîne la libération de glucocorticoïdes. Un feedback négatif agit
au niveau de l’ACTH et du CRF généré
par les glucocorticoïdes libérés.
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L’objectif de ce travail épidémiologique est
d’étudier l’axe hypotalamo-hypophysaire
chez les patients atteints du syndrome de
l’intestin irritable et de relier cette réponse
aux concentrations de cytokines plasmatiques.
Conclusions
• Le syndrome de l’intestin irritable n’a
pas de marqueur biologique commun
avec les troubles de l’humeur. C’est réellement un trouble fonctionnel, même s’il
est souvent provoqué par des phénomènes
de type stress et que des facteurs psychosociaux y sont associés. La dépression et
l’anxiété sont plutôt des facteurs de comorbidité, et non de cause. Les patients aateints du syndrome de l’intestin
irritable ne présentent pas ultérieurement
plus d’épisodes de type dépressif.
• Le syndrome de l’intestin irritable correspond à une augmentation de la production
de cytokines inflammatoires avec une pathologie inflammatoire périphérique, probablement centrale, et une activation exagérée
de l’axe hypotalamo-hypophysaire.
Discussion
L’augmentation des cytokines est-elle la
cause ou la conséquence de l’inflammation ?
Les auteurs la présentent plus comme la
cause, mais il est difficile de dire quel est
le primum novens ! Le CRF au niveau central
ou les cytokines au niveau périphérique ?
Des antagonistes du récepteur CRF1 sont
utilisés sur des modèles animaux, que ce
soit en hypersensibilité ou par rapport à
d’autres effets du stress, mais ils présentent
des effets collatéraux (effet contraceptif,
complications hépatiques).
Observe-t-on des cytokines pro-inflammatoires dans le cerveau ? Je ne pense pas
que le SII soit associé à des maladies neurodégénératives, ce qui serait le cas s’il y
avait augmentation de cytokines proinflammatoires dans le cerveau.
Les auteurs mesurent les cytokines inflammatoires plasmatiques, parce qu’elles sont
le reflet de ce qui se passe au niveau de
l’hypothalamus chez l’homme. Je ne suis
pas sûr que ce soit tout à fait exact. Dans
beaucoup de pathologies inflammatoires,
on retrouve une augmentation des cytokines
dans le cerveau. C’est le cas de l’obésité,
qui est un état inflammatoire chronique.
De nombreuses données montrent des anomalies du système cytokinergique central
dans les pathologies neurodégénératives
(Parkinson, Alzheimer).
Dans le processus inflammatoire, il est préférable de doser les cytokines dans le tissu
plutôt que dans le sang. La réactivité de l’axe
HPA (hypothalamo-hypophyso-surrénalien)
est très nette dans cette étude. Le taux de
cortisol est également plus élevé en basal
et la réponse est légèrement plus tardive
et plus élevée aussi. C’est plus significatif
que les taux de cytokines.
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Article 2*
Repeated exposure to water avoidance
stress in rats: a new model for sustained
visceral hyperalgesia.
Introduction
L’hyperalgésie viscérale est la sensibilité
excessive à la douleur d’un organe interne.
C’est la principale caractéristique du syndrome de l’intestin irritable.
Le but de l’article est de fournir un modèle
animal d’hyperalgésie soutenue induite par
un stress. Le stress appliqué est le stress
d’évitement à l’eau. Les auteurs étudient
l’effet d’un stress chronique sur quatre
paramètres : les changements de la nociception viscérale et somatique, la motricité
du côlon, le comportement anxieux et
l’activation immunitaire du côlon.
Le test d’évitement à l’eau est un test intermédiaire. Le test initial est le flooding test.
On remplit la cage avec de l’eau et le rat
monte sur un promontoire pour échapper
à l’eau. Une autre méthode est l’actimétrie (caméra à faisceau laser) qui permet
de savoir quels ont été les mouvements
du rat. S’il est stressé, il ne va pas bouger.
Stress chronique et hypervigilance
En cas de stress chronique, les rats sont hyper
vigilants : ils vont beaucoup plus percevoir la distension ; le rapport signal/bruit
est diminué. Un stress chronique introduit,
probablement via des modifications des
récepteurs du CRF au niveau central, une
hypertonie sympathique qui entraînerait
une modification de l’immunité, et donc
une hyper vigilance. Le colopathe est hyper
vigilant. Il se réveille la nuit. Son locus coeruleus est hyper actif ; il envoie des projections sur le cortex frontal (réaction d’éveil).
Conclusions
Le stress chronique provoque une augmentation soutenue de la nociception viscérale
qui persiste. Cette hyperalgésie viscérale
est associée à un comportement anxieux
et une activation d’un des paramètres de
la réponse immunitaire. Deux hypothèses
sont proposées pour le développement de
l’hyperalgésie : une activation immunitaire
du côlon et une sensibilisation des circuits
nerveux centraux.
Discussion
Pourquoi le test de l’évitement à l’eau provoque un stress chez les rats qui savent nager ?
Article 3*
Visceral hyperalgesia and intestinal
dysmotility in a mouse model of postinfective gut dysfunction.
Introduction
Cette étude a trois objectifs : caractériser un modèle animal SII post-infectieux
en termes d’altérations motrices et hyperalgésiques ; étudier l’effet des corticostéroïdes sur ces altérations motrices et hyperalgésiques ; tenter de mettre en évidence
un mécanisme de maintien à long terme
de ces symptômes par gavage d’antigènes.
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Conclusions
Les auteurs ont caractérisé un modèle
animal IBS post-infectieux. Ils ont montré
qu’une infection par un nématode parasite
était capable de provoquer, de façon durable, un dysfonctionnement de la motricité
intestinale et une hyperalgésie viscérale,
tout ceci en l’absence de marqueur d’inflammation. Ils ont montré également que
ces altérations pouvaient être réversées
par les corticostéroïdes et maintenues par
l’administration de l’antigène du parasite.
le profil cytokinergique de patients souffrant
de rectocolite. Une étude a été publiée à
ce sujet. Par aileurs, une étude récente a
utilisé un parasite assez répandu, cryptosporidium parvum.
Article 4*
Increased antigen and bacterial uptake
in follicle associated epithelium induced by chronic spychological stress in
rats.
Discussion
Introduction
L’injection de dexaméthasone ne produit
pas d’effet à 28 jours, mais en produit
à 42 jours. Comment expliquer cela ?
Je pense qu’il faut un certain temps pour
que la dexaméthasone ait un effet antiinflammatoire et qu’elle élimine complètement l’inflammation.
En pratique clinique, les patients réagissent
plus ou moins vite aux corticoïdes.
La muqueuse intestinale est une interface
entre l’organisme et le milieu extérieur.
Elle est donc exposée à de nombreux stimuli antigéniques provenant de l’alimentation, mais aussi de l’environnement.
Nous avons une flore intestinale résidente
propre à chacun. La muqueuse intestinale,
lieu d’absorption des nutriments, peut également contenir des micro-organismes pathogènes. L’épithélium associé au follicule,
ou EAF (que l’on trouve dans la muqueuse
intestinale), recouvre les plaques de Peyer.
Cet épithélium est la porte d’entrée d’antigènes particulaires et de macromolécules ;
il est principalement composé de cellules
M qui participent à la phagocytose d’antigènes et de bactéries.
L’infection à Trichinella existe-t-elle chez
l’homme ? Ce modèle serait-il pertinent ?
L’infection à Trichinella existe chez
l’homme, mais elle est peu fréquente en
France. Dans le cas d’une infection par
un parasite, on observe des hypersensibilités à très long terme. Les parasites sont
plus faciles à manipuler que des virus ou
des bactéries à l’origine d’infections plus
fréquentes.
Les patients contaminés en Afrique par
Trichinella présentent un profil cytokinergique qui passe de TH1 à TH2. On peut donc
imaginer utiliser ce parasite pour modifier
Des études antérieures ont montré que le
stress chronique est capable de moduler
l’activité inflammatoire dans la maladie de
Crohn, et que, chez les rongeurs, un stress
important était un facteur de risque pour le
développement et la réactivité de l’inflammation intestinale. De plus, le stress est
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reconnu pour entraîner la libération de CRF,
l’attachement des bactéries et l’hyperplasie
de cellules matures qui entraînent l’initiation de l’inflammation. Enfin, l’épithélium
intestinal villositaire est sensible au stress.
Les auteurs de cet article se sont interrogés
sur l’effet du stress sur la fonction et la morphologie de l’épithélium associé au follicule.
Conclusions
Il y a une modulation de la fonction de
barrière de l’épithélium associé au follicule
par le sress, cette fonction étant appréciée
d’après la perméabilité aux ions à une molécule marquée et également à une protéine. On a visualisé des modifications structurelles et on peut dire qu’en cas de stress
chronique il y a une capture d’antigènes
et de bactéries par l’épithélium associé au
follicule. Tout cela permet l’initiation de la
réponse immune pro-inflammatoire de l’intestin.
Existe-t-il des stabilisateurs de la perméabilité intestinale ?
Certaines molécules marchent sur des modèles animaux, mais n’ont pas encore passé
les tests toxicologiques. D’autres molécules,
qui préviennent la contraction et la phosphorylation des filaments d’actine et de
myosine des cellules épithéliales, sont en
cours de développement.
Et le mucus ?
Le mucus est la première barrière, la première sauvegarde. Les bactéries le franchissent
très bien. Que le passage soit transcellulaire
ou paracellulaire, il faut de toute façon passer la barrière du mucus. Le stress joue sur
la sécrétion de mucus et a tendance à l’augmenter.
Discussion
En quoi consiste le stress ? Pourquoi estce que les rats ont peur ? Pourquoi les rats
témoins ne sont pas stressés ?
En général, lors du test d’évitement, les
rats restent sur le cube ; ils ont le poil hérissé ; ils ont une hypertonie sympathique et
ils ne bougent pas. Les témoins sont libres
de leur mouvement. Le test du c-fos ne
montre aucune activation neuronale chez
les témoins.
Pourquoi n’ont-ils pas regardé s’il y avait
une translocation des antigènes bactériens
dans les ganglions, voire dans la veine
porte ?
Effectivement, ce paramètre manque. Une
étude de Ferrier, publiée dans Gastroenterology un ou deux ans auparavant, a montré
que cette translocation se faisait essentiellement par voie paracellulaire. Les auteurs ont
depuis complété leur étude en regardant ce
qui se passait au niveau des entérocytes pour
la perméabilité non liée au follicule.
Y a-t-il des effets dose du stress ?
Tout dépend du type de stress, de l’espèce,
du moment, du stress et de la sensibilité
au stress. On ne peut pas forcément extrapoler un stress chez le rat à un stress chez
l’homme, car chez ce dernier tout le vécu
de la personne doit être pris en compte.
De plus, chaque individu réagit différemment au stress. Chez l’animal, l’histoire du
vécu joue aussi mais la mémoire s’estompe plus vite. Il n’existe pas réellement de
modèle animal qui représente ce que peut
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être le stress lié à un décès d’une personne chère chez l’homme ou des
conditions comme les abus sexuels.
Néanmoins, le stress d’interactions sociales (présence d’un mâle agressif ou
réduction de la taille des cages) permet
d’obtenir des conséquences identiques à
celles de l’homme, même si cela ne représente pas le stress de l’homme.
Il existe plusieurs profondeurs d’hypnose.
Les patients sous hypnose sont dans un état
suggestible. L’hypnose modifie la répartition
d’imagerie cérébrale. L’objectif est de transmettre aux patients des images ou des suggestions post-hypnotiques qu’ils pourront
emporter avec eux après et de renforcer leur
« moi », car ce sont souvent des gens qui
ont une mauvaise opinion d’eux-mêmes.
Quelle est la définition biologique du
stress ?
Il s’agit de la réaction de l’organisme à un
évènement extérieur. Les réactions des rats
sont beaucoup plus stéréotypées que celles
des humains.
Le terme stress est souvent employé pour
désigner les stimuli. Il conviendrait plutôt
d’employer le terme « stresseur » pour les
stimuli.
Le CRF diminue-t-il chez les patients sous
hypnose ?
A ma connaissance, il n’y a pas de données sur ce sujet. Les travaux de l’équipe
de Whorwell montrent que les patients
ayant un seuil élevé de sensibilité à la
distension retrouvent une valeur normale après hypnose. Par ailleurs, les zones
qui normalement sont plus activées chez
les personnes atteintes d’un SII (par
exemple les zones du cortex cingulaire
antérieur) sont moins ativées après une
séance d’hypnose.
Vous avez parlé d’hypnose sans nous dire
sur quoi elle agit, ni ce qu’elle fait.
L’hypnose est un état modifié de conscience. Toute relaxation induit une hypnose.
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Bruno Bonaz, Professeur d’Université et praticien hospitalier
Département d’Hépato-Gastroentérologie CHU de Grenoble
Articles analysés
Article 1 - présenté par Anne-Laure Dinel (Unité de Neurobiologie intégrative –
INRA Bordeaux)
« Hypothalamic-Pituitary-gut dysregulation in irritable bowel syndrome: plasma cytokine as a potential biomarker ? » – Gastroenterology; 2006 ;130 :304-311
Thimothy G. Dinan et al.
Article 2 - présenté par Géraldine Mathieu (Unité de Nutrition et Régulation Lipidique des Fonctions Cérébrales – INRA Jouy-en-Josas)
« Repeated exposure to water avoidance stress in rats: a new model for sustained
visceral hyperalgesia » – Am J Physiol Gastrointest Liver Physiol 289: G42 – G53,
2005
Sylvie Bradesi et al.
Article 3 - présenté par Léa Chaskiel (Unité de Neurobiologie intégrative – INRA
Bordeaux)
« Visceral hyperalgesia and intestinal dysmotility in a mouse model of postinfective
gut dysfunction » – Gastroenterology; 2004;127:179-187
Premysl Bercik et al.
Article 4 - présenté par Coralie Schnebelen (Unité Flaveur, Vision et Comportement
du Consommateur, INRA Dijon)
« Increased antigen and bacterial uptake in follicle associated epithelium induced
by chronic spychological stress in rats »
Gut; 2004;53;494-500 AK Velin et al.
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AlimH2006 76
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Les pathologies digestives
dites «fonctionnelles»
Lionel Bueno
Introduction
tielle de consultation, en particulier chez
les généralistes ;
- la douleur abdominale fonctionnelle. La
douleur des patients, qui ne présentent pas
de troubles de la défécation, n’a pas de
cause organique.
Les critères de Rome
Il existe 2 grandes catégories de troubles
digestifs fonctionnels :
• le reflux gastro-œsophagien (RGO) et
le reflux duodénum gastro-œsophagien
(RDGO).
Le RGO concerne près de 80 % des patients
et le RDGO 20%. Ces derniers représen-tent
7 ou 8% de la population ayant un véritable
reflux, c’est-à-dire un passage de contenu
gastrique dans l’œsophage. Cela ne se traduit pas forcément par un endobrachyœsophage, mais on observe une irri-tation et une
réponse inflammatoire de la muqueuse.
• les troubles fonctionnels intestinaux.
Les troubles fonctionnels intestinaux concernent, selon les critères utilisés, 5 à 20%
de la population. Quatre sous-types ont été
identifiés :
- la dyspepsie se caractérise par des symptômes de brûlure, de distension épigastrique,
de ballonnement postprandial ;
- le syndrome de l’intestin irritable (SII ou
IBS pour irritable bowel syndrome). Ce syndrome présente des formes diarrhéiques,
des formes constipées, des formes alternées
(diarrhée/constipation) et des formes postinfectieuses. Une nouvelle forme de SII a
été identifiée (bacterial overgrowth), mais
elle n’est pas encore entrée dans la classification officielle ;
- la constipation chronique n’est pas associée à la douleur, mais est une cause essen-
Les critères de Rome II qui définissent le
syndrome de l’intestin irritable sont très
restrictifs ; pour dire qu’une personne est
atteinte de ce syndrome, il faut qu’elle ait :
• des douleurs abdominales pendant au
moins 12 semaines, non obligatoirement
consécutives, au cours des 12 derniers
mois ;
• au moins deux des trois caractéristiques
suivantes : être soulagée par la défécation,
le début des douleurs doit être associé à une
modification de la fréquence des selles ou
à une modification de la forme des selles.
Les critères de Rome III, publiés en juin
2006, sont moins restrictifs : 4 semaines
de douleurs abdominales et une des trois
caractéristiques suffisent.
Données physiopathologiques du SII
Les patients SII présentent une muqueuse
normale. Tous les paramètres chimiosanguins sont normaux. De 1970 à 1985,
on a tenté d’associer les troubles de l’élimination à des troubles de la motricité.
On s’est ensuite intéressé aux troubles de
la sensibilité impliquée dans un certain
nombre de réflexes moteurs, réflexes courts,
réflexes longs spinaux ou supra-spinaux.
Depuis 2000, on recherche des facteurs
qui pourraient être responsables de cette
hypersensibilité du tube digestif, en particulier ceux liés à des anomalies de l’équilibre
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immunitaire de la muqueuse chez ces patients, avec un état qui pourrait être microinflammatoire.
Facteurs impliqués dans l’apparition des
troubles de sensibilité et de motricité
On pensait, au début, que des phénomènes
d’allergie étaient sous-jacents dans le syndrome de l’intestin irritable. Des séquelles
de gastro-entérite ou d’entérite sont elles
aussi susceptibles de modifier l’état d’équilibre du système immunitaire muqueux.
La chirurgie abdominale peut entraîner
des séquelles d’altération du système immunitaire. Le parasitisme, l’intolérance alimentaire, certains xénobiotiques, le traitement
aux antibiotiques par voie orale, et un choc
septique sont des facteurs impliqués dans
l’apparition de ces troubles.
Hypersensibilité
Lors d’une distension expérimentale du
rectum, moins de 10% des sujets sains ont
des sensations de répulsion, d’inconfort
ou de douleur, contre 50 à 60% des sujets
atteints d’un syndrome de l’intestin irritable.
Cela démontre une hypersensibilité. Selon
le type du SII, l’hypersensibilité est panintestinale (c’est-à-dire qu’elle englobe toutes les parties du tube digestif) ou seulement
localisée à certaines parties du tube digestif,
en général le côlon et le rectum.
Schéma de la sensibilité
En cas de douleur somatique ou viscérale,
un stimulus à la périphérie (par activation
d’un récepteur) induit un influx nerveux qui
atteint la corne dorsale. Au niveau de cette
corne, un interneurone active un neurone
de second ordre qui projette ses terminaisons neuronales, le plus souvent au niveau
du thalamus (on l’appelle alors le faisceau
spino-thalamique). A partir de là, les signaux
à caractère nociceptif sont plus ou moins
filtrés au niveau du système limbique avant
d’atteindre le cortex. Par l’imagerie fonctionnelle, on peut mettre en évidence l’activation de certaines zones du cortex lors
d’une stimulation, par exemple lors d’une
distension du rectum ou du côlon.
Les altérations chez le sujet atteint du SII
se situent à différents niveaux :
• au niveau périphérique, avec une sensibilisation des mécanorécepteurs ou des chémorécepteurs au niveau des terminaisons
des neurones afférents primaires ;
• au niveau périphérique, mais cette fois
avec un phénomène de facilitation dû aux
tachykinines et aux acides aminés excitateurs ;
• au niveau du thalamus ; un filtrage altéré
laisse passer beaucoup plus d’informations
nociceptives. Les informations nociceptives
sont filtrées mais elles peuvent être amplifiées ou atténuées au niveau périphérique,
au niveau spinal, par les faisceaux diffus
anti-nociceptifs descendants.
L’étude des publications montre une cellularité accrue, c’est-à-dire la présence
d’immunocytes ou de cellules du système
immunitaire en densité plus forte, dans
toutes les formes d’intestin irritable (SII
diarrhéique, constipé, alterné, post-infectieux). Les auteurs constatent également
une augmentation de la cellularité concernant les cellules entérochromaffines et les
cellules interstitielles de Cajal, ainsi qu’une
hypermastocytose (augmentation de la densité des mastocytes). Cette dernière se
situe essentiellement au niveau de la muqueuse, du jéjunum, de l’iléon, du cæcum
ou du côlon.
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Inflammation
Cellularité colique et infiltration
lymphocytaire
Une étude, publiée dans Gastroenterology
en 2002, a montré une augmentation significative des cellules de l’immunité dans la
muqueuse (CD3, CD25, lymphocytes intraépithéliaux) chez des sujets SII diarrhéiques
ou constipés. Un autre travail, publié en
2005, a montré un niveau plus élevé de
CD4, CD8 et adressine b7 chez les sujets
SII.
Le prélèvement de biopsies intestinales
chez des patients SII sévères (soit 5 à 10%
des sujets) a montré, au niveau des couches
musculaires et en particulier au niveau des
ganglions myentériques, une véritable lymphocytose ganglionnaire. La cellularité au
niveau du plexus myentérique, pour ces
formes sévères du SII est quelquefois beaucoup plus importante que dans des pathologies infectieuses sévères.
Cytokines
On constate une augmentation significative
de l’expression d’une cytokine pro-inflammatoire chez les sujets diarrhéiques postinfectieux. Un autre travail, publié en 2006,
a étudié l’expression au niveau sanguin des
taux plasmatiques de cytokine, et en particulier d’IL-6 ou de son récepteur soluble.
Les résultats ne permettent pas de définir
le taux plasmatique de cytokine comme un
biomarqueur.
Mastocytes
Relations entre les terminaisons
nerveuses et les matocytes muqueux
chez les patients SII
Le mastocyte joue un rôle déclencheur dans
la réaction inflammatoire locale, parce qu’il
libère du TNF et une cascade d’autres molécules. Il permet d’organiser la réponse
inflammatoire au niveau local. Une hyper
mastocytose est présente chez une majorité
de patients SII. Les terminaisons nerveuses
sont beaucoup plus nombreuses à proximité
des mastocytes chez les sujets malades. On
a mis en évidence un lien entre des anomalies de type anatomique (c’est-à-dire dans
la distribution des terminaisons nerveuses
à proximité des mastocytes) et des symptômes douloureux (intensité et fréquence des
douleurs).
Principaux facteurs produisant
la dégranulation ou l’activation
des mastocytes muqueux
Les principaux facteurs sont le stress, l’allergie, l’inflammation, l’infection et l’activation
du système sympathique. La dégranulation
de l’histamine, des cytokines, des protéases,
du NGF et des leucotriènes est rapide. Pour
entretenir les réactions de défense, les sécrétions de cytokines et de chemokines sont
plus tardives. La dégranulation des cytokines par les mastocytes dépend des facteurs
déclenchants. Le TNF-a est plus facilement
libéré en cas d’inflammation par exemple.
Densité des mastocytes muqueux :
dégranulation en réponse à un stimulus
mécanique
Chez les patients SII, des contractions accrues exercent une certaine pression sur la
paroi des mastocytes. Dans des conditions
normales, des mécanorécepteurs sont activés ; cette activation n’entraîne pas de perception, mais entretient un certain nombre
de réflexes (cologastriques, rectocoliques)
entre les différentes parties du tube digestif.
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En état d’hypermastocytose, le même stimulus mécanique fait dégranuler les mastocytes, entraînant la libération de substances
qui vont sensibiliser les terminaisons et les
mécanorécepteurs. Ainsi, pour un même
stimulus mécanique, un contingent d’activations arrive au niveau de la corne dorsale ; il peut être double, triple ou multiplié
par dix selon la densité des mastocytes.
Chez les patients SII, la stimulation du système immunitaire correspond à un état préinflammatoire, c’est-à-dire que le système
immunitaire a été préparé à mieux répondre
en cas de sollicitation. Il peut aussi s’agir
d’une activation en vue d’alerter le système nerveux d’une anomalie dans le tube
digestif. Les mastocytes, une fois sensibilisés, donnent l’alerte très rapidement via
des messages à caractère nociceptif.
Perméabilité paracellulaire
Augmentation de la perméabilité
chez les sujets SII
Un système sollicité par une entrée accrue
d’allergènes, d’antigènes, de toxines et de
bactéries se trouve dans un état pré-inflammatoire avec des altérations de la perméabilité, en particulier paracellulaire.
Une étude publiée en 2004 par Marshall a
montré que les patients SII post-infectieux
ou non ont une augmentation de la perméabilité paracellulaire. On suppose qu’une
augmentation de la perméabilité entraîne
une augmentation de la pénétration des
allergènes, des antigènes, des toxines et
des bactéries entre les cellules épithéliales,
et donc une activation des immunocytes
localement et une libération de cytokines.
Cette réponse inflammatoire et les médiateurs de l’inflammation vont altérer le
fonctionnement du système nerveux entérique qui règle essentiellement la motricité.
Ceci pourrait expliquer à la fois les troubles
moteurs et les troubles de la sensibilité.
Plusieurs études ont montré qu’il y avait
des altérations de la perméabilité paracellulaire colique chez les SII diarrhéiques, alors
qu’elles se produisent exclusivement au
niveau de l’intestin grêle chez les patients
présentant un syndrome post-infectieux.
Chez les patients SII qui ont des altérations de la perméabilité paracellulaire, des
tests de sensibilisation cutanés ont montré
une plus grande réactivité à des antigènes
alimentaires.
Lien entre hypersensibilité
et perméabilité
Le stress aigu, le stress néonatal, la perfusion
intracolique de sels biliaires, l’activation des
récepteurs aux protéases, l’administration
intracolique de trypsine, des allergènes et
le choc septique sont autant de facteurs qui
augmentent la sensibilité et la perméabilité.
L’utilisation de 2,4,6 triaminopyrimidine,
qui se fixe au niveau des protéines des jonctions serrées intercellulaires, bloque cette
augmentation. Il y a donc un lien pour tous
ces facteurs entre l’augmentation de la perméabilité et l’apparition d’un état d’hypersensibilité viscérale.
Le syndrome de l’intestin irritable touche
beaucoup plus de femmes que d’hommes
(70% contre 30%). Une étude a montré,
chez des rats femelles, que la perfusion
de 2,4,6 triaminopyrimidine dans le côlon
supprime totalement la réponse au stress
et l’augmentation de la perméabilité.
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Le stress entraîne la dégranulation des mastocytes. Il faut une libération d’interféron-g
pour provoquer une cascade entre le stress
et l’augmentation de la perméabilité. L’interféron-g active une enzyme intracellulaire,
la kinase de la chaîne légère de myosine
(MLCK). Cette MLCK catalyse la phosphorylation des chaînes légères de myosine qui
interviennent dans l’anneau périjonctionnel
d’actomyosine pour provoquer sa contraction. Cette contraction entraîne la déformation des protéines de jonctions, et donc une
augmentation de la perméabilité, qui se traduit aussi par une translocation bactérienne. L’augmentation de perméabilité induite
par le stress et l’hypersensibilité est supprimée par des inhibiteurs sélectifs de MLCK.
L’effet du stress lié à la contraction du cytosquelette, qui permet le passage des bactéries, provoque l’état d’hyperalgésie. L’utilisation d’un inhibiteur sélectif de MLCK
supprime l’état d’hyperalgésie et l’augmentation de la perméabilité.
Les deux phases de l’hypersensibilité
Il y aurait deux phases dans l’hypersensibilité :
• l’hypersensibilité immédiate pour mettre
le système en alerte : la libération immédiate de molécules comme la sérotonine,
la tryptase, le NGF provoque une activation
des terminaisons nerveuses pourvues de
récepteurs à ces molécules.
• un maintien de l’état d’hypersensibilité :
l’alerte via la libération de cytokines à travers les lymphocytes entraîne une augmentation de la perméabilité.
Rôle des protéases
Les patients SII ont probablement une flore
intestinale modifiée. Par exemple, les espèces de lactobacilles qui ont une forte
activité de sécrétion d’anti-protéases sont
absentes. L’augmentation de l’activité sérine
protéase observée chez les patients IBS peut
être liée à une diminution de l’activité antiprotéasique.
Conclusions
• Il existe des altérations du système immunitaire de la paroi digestive dans toutes les
formes de SII pouvant résulter d’altérations
de la perméabilité paracellulaire intestinale
ou colique.
• Ces altérations concernent principalement
la muqueuse et la sous-muqueuse coliques,
mais les infiltrations peuvent atteindre les
couches musculaires et les plexus myentériques.
• Les médiateurs de l’inflammation libérés
par les immunocytes peuvent intervenir
dans la genèse des troubles moteurs et de
l’hypersensibilité.
• Le mastocyte, de par sa position privilégiée par rapport aux terminaisons nerveuses, libère des médiateurs pro-algésiques.
Il est un élément essentiel dans le déclenchement des altérations à long terme de la
barrière épithéliale et l’activation du système immunitaire local.
Discussion
Certaines altérations du système nerveux
entérique chez les patients SII pourraientelles expliquer les altérations de la perméabilité ?
Les biopsies de muqueuses ne permettent
pas d’étudier le système nerveux entérique. Evidemment, des neuropeptides qui
participent à la régulation de la motricité
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peuvent être altérés. A ma connaissance,
on n’a pas clairement identifié une diminution de l’expression ou de la sécrétion
de certains neuromédiateurs sensoriels.
Article 1*
Activated mast cells in proximity to colonic nerves correlate with abdominal
pain in irritable bowel syndrome.
Introduction
sensibilité viscérale serait due à l’activation
de certaines cellules de l’immunité intestinale que sont les mastocytes.
L’objectif de l’étude était d’évaluer l’impact du recrutement des mastocytes et de
leur état d’activation sur la sévérité et la
fréquence des douleurs abdominales chez
les patients SII. L’originalité de l’étude est
de mettre en relation cette présence de
mastocytes avec les symptômes ressentis et
décrits par les patients.
Conclusions
Le syndrome de l’intestin irritable est associé à des symptômes gastro-intestinaux
(douleurs abdominales, troubles du transit,
diarrhée ou constipation ou alternance des
deux, ballonnements, émission de mucus,
nausées ou vomissements), des modifications psychologiques (fatigue, anxiété, émotivité, état névrotique ou dépressif) et des
manifestations extradigestives (migraine,
palpitations, lombalgie…).
60 à 70% des patients ont une hypersensibilité à la distension mise en évidence
avec l’utilisation du barostat. L’origine de
l’hypersensibilité viscérale peut être due à
des altérations à trois niveaux : sensibilité
des neurones afférents de la paroi digestive,
hyper excitabilité des neurones de la corne
dorsale et problème d’altération du message
de la douleur au niveau supra-spinal.
Dans cet article les auteurs se sont attachés
à disséquer des mécanismes possibles de
sensibilisation des neurones afférents de la
paroi digestive, donc à l’origine de l’hypersensibilité viscérale présentée par les patients SII. Ils posent une hypothèse : l’hyper-
La muqueuse intestinale des patients présente une surface importante occupée par
les mastocytes, en comparaison avec les
sujets sains. Ces patients ont une activité tryptase et histamine plus importante et un nombre élevé de mastocytes
proches des fibres nerveuses.
Il existe une corrélation positive entre
les mastocytes proches de ces fibres nerveuses et leur taux de dégranulation avec
la fréquence et la sévérité des épisodes
douloureux.
Intérêts de l’article
Les auteurs mettent en évidence une mastocytose significative seulement chez les
patients SII présentant une inflammation
du côlon.
Cet article permet par ailleurs de mettre
en place un schéma mécanistique où le
rôle causal de certains facteurs (stress,
allergies alimentaires, infections digestives et maladies inflammatoires chroniques
en rémission qui induiraient un état in-
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AlimH2006 82
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flammatoire du côlon) est mis en évidence.
Les auteurs montrent clairement que la
dégranulation des mastoctes va agir sur
les nerfs intrinsèques, ce qui aboutit à une
altération de la sensibilité viscérale.
Discussion
Quel est le rôle des mastocytes dans les
troubles du transit intestinal ?
Le mastocyte est une cellule de l’immunité
innée qui joue un rôle dans la défense de
l’organisme et l’élimination des antigènes
pathogènes. L’histamine est capable de
se fixer à des récepteurs sur des neurones
sécrétomoteurs du système myentérique.
L’activation des neurones sécrétomoteurs
permet la libération d’acétylcholine et de
VIP, qui activent des cryptes intestinales
appelées cryptes de Lieberkühn. L’activation
de ces cryptes provoque une augmentation de la sécrétion d’eau et de mucus.
L’histamine intervient également, par
d’autres relations neuro-immunes, dans la
génération de contractions et d’un effet propulsif au niveau du tube digestif.
Chez l’individu sain en situation physiologique, l’activation du mastocyte par pontage
des IgE qui reconnaissent l’antigène rencontré pour la deuxième fois aboutit à la sécrétion d’eau et de mucus, mais aussi à des
contractions propulsives du type digestif, et
donc à la diarrhée qui entraine l’élimination
de l’antigène.
Chez l’individu malade, l’augmentation
du nombre de mastocytes et de sa dégranulation conduit au phénomène de diarrhée. Par contre, on pense que ce phénomène ne peut pas expliquer les constipations qui sont aussi présentes que
les diarrhées dans ce syndrome.
Quels rôles jouent les autres médiateurs
libérés par les mastocytes ?
Des médiateurs, autres que l’histamine
et la tryptase libérés par les mastocytes,
sont très importants dans les phénomènes
d’hypersensibilité, et notamment le NGF
dont le rôle est connu après fixation sur le
récepteur tyrosine-kinase A du nocicepteur.
Il est dommage que les auteurs n’aient pas
mesuré le NGF, les prostaglandines, les
leucotrienes, ni les cytokines pro-inflammatoires libérées par les mastocytes qui
interviennent également dans les phénomènes d’hyperalgésie.
La sérotonine est-elle exprimée par les
mastocytes chez l’homme ?
Le mastocyte ne contient pas de sérotonine chez l’homme. Par contre, un réflexe
d’axone peut induire une libération de
sérotonine par les neurones afférents primaires intrinsèques ou extrinsèques en réponse
à une dégranulation mastocytaire.
Quel marché représentent les patients
SII ?
On estime que le marché atteindra 3 milliards de dollars dans quelques années.
Néanmoins, les effets placébo peuvent
atteindre 50% dans les essais de phase II
ou de phase III avec sélection sur la base
des critères de Rome II. Pour convaincre les
autorités européennes qui délivrent les autorisations de mise sur le marché, il faut une
efficacité de 65%.
On a l’impression que les symptômes sont
très différents dans ce syndrome. Est-ce
vraiment la même maladie ?
Il y a du vrai dans ce que vous dites. Dans
cette étude, certains patients qui ont des
intensités de symptômes proches de zéro
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ont été inclus, ce qui introduit un biais dans
les résultats.
Comment peut-on expliquer que le même
substratum physiopathologique peut induire de la diarrhée ou de la constipation ?
On part trop facilement du principe que
diarrhée est synonyme d’hypermotricité
et constipation d’absence de motricité.
Or, il existe des diarrhées sans stimulation
de motricité et des constipations avec une
hypermotricité, mais qui serait stationnaire. On peut imaginer que l’intervention et
la modulation de l’activité motrice au
niveau des neurones entériques peuvent
être différentes selon la quantité dégranulée,
et donc donnent des profils complètement
différents. Beaucoup d’études ne séparent
pas les patients constipés et diarrhéiques,
ce qui peut introduire un biais.
Article 2*
Stress-induced disruption of colonic
epithelial barrier: role of interferon-g
and myosin light chain kinase in mice.
Introduction
Le stress est capable d’augmenter la perméabilité cellulaire, c’est-à-dire le passage
paracellulaire de molécules au travers de
l’épithélium intestinal. Cette augmentation
de perméabilité paracellulaire induit une
augmentation du passage d’antigènes et de
produits bactériens, qui vont être à l’origine
d’une modulation du système immunitaire
et de la réponse inflammatoire. Le stress est
également un facteur aggravant des maladies inflammatoires intestinales.
On sait que la perméabilité est principalement contrôlée par les jonctions serrées
(tight junctions). Les complexes protéiques
des jonctions serrées sont composés de
nombreuses protéines. Les plus étudiées
sont : ZO1, claudine 4 et l’occludine. Elles
sont en étroite liaison avec le cytosquelette d’actine au niveau de l’anneau périjonctionnel d’actine. On sait aussi que la
phosphorylation des MLC est un élément
régulateur des jonctions serrées et de la
perméabilité, et que les cytokines sont
capables de moduler la perméabilité paracellulaire dans les études in vitro.
L’objectif des auteurs était de comprendre
les mécanismes de régulation qui soustendaient l’augmentation de la perméabilité
induite par le stress et de décrire plus précisément le rôle de l’interféron-g dans cette
modulation de la perméabilité.
Conclusions
Il semblerait que l’on ait, au niveau du
côlon, une réponse primaire au stress avec
une activation de cellules productrices
d’interféron-g (CD4+ ou CD8+) ; cela passerait probablement par le mastocyte, et
aboutirait à une augmentation de l’expression d’interféron-g et donc du taux de cette
cytokine dans le côlon. L’augmentation de
cette cytokine dans le côlon permettrait
une activation (qui ne passe pas par une
augmentation de l’expression de la MLCK)
qui conduirait à une augmentation de la
forme phosphorylée des MLC et à l’ouverture des jonctions serrées.
L’interféron est capable de diminuer l’expression de ZO1 et d’occludine, ce qui pourrait
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être aussi un facteur favorisant l’ouverture
des jonctions serrées. Cette ouverture des
jonctions serrées entraînerait l’augmentation de la translocation bactérienne et de
la perméabilité.
Le passage des antigènes ou des bactéries
aboutirait à une réponse inflammatoire,
qui se caractériserait par une réponse physiologique du foie avec une augmentation
de l’apoptose et du nombre des cellules
inflammatoires ; ceci aurait pour conséquence d’augmenter l’expression des cytokines dans ce tissu et d’activer des cellules
de Kuppfer, responsables en particulier de
la production d’IL-4 et d’IL-10.
Il est intéressant de voir que les auteurs ont
utilisé un inhibiteur de MLCK, le ML-7, qui
n’est pas capable d’inhiber l’augmentation
d’expression d’interféron-g dans le côlon,
mais qui inhibe la translocation bactérienne et l’augmentation de perméabilité en
réponse au stress dans le foie.
Discussion
A quoi est due l’augmentation de la perméabilité observée après 4 jours ?
On s’est aperçu qu’il n’était pas nécessaire
de répéter le stress car il y avait un effet
retardé d’augmentation de perméabilité à 4
jours. On observe un effet très fugace immédiat d’augmentation de perméabilité le
1er jour, qui lui n’est pas mastocyte dépendant, et un effet à 4 jours qui est mastocyte
dépendant.
On ne peut exclure le fait que les souris
qui ont un stress assez fort pendant 4 jours
déclenchent une réaction de type CRH.
Lorsqu’on applique un stimulus inflammatoire après des stress répétés, l’axe corticotrope n’a plus la même réactivité. Il se
défend moins bien parce des feedbacks
de régulation de la sécrétion de CRH ont
été mis en place.
Article 3*
Intestinal permeability in patients with
irritable bowel syndrome after a waterborn outbreak of acute gastroenteritis
Walkerton.
Introduction
A Walkerton (Ontario), en 2000, l’eau
du robinet a été contaminée par E. coli
0157 :H7 à cause d’un agriculteur qui
avait mal contrôlé ses fosses à purin.
Les bovins sont porteurs sains de cette
bactérie très pathogène pour l’homme.
2 300 cas de gastro-entérite aiguë, 27 cas
de syndrome hémolytique et urémique
et 6 décès ont été déclarés. L’auteur a étudié la perméabilité paracellulaire de ces
patients par collecte d’urine après ingestion
de lactulose et de mannitol.
Différents types de sujets ont participé à
cette étude :
• des patients IBS qui sont devenus IBS entre
l’accident et le moment de l’étude, sans lien
avec l’accident.
• des personnes IBS qui n’étaient pas IBS
avant l’accident et qui sont devenues IBS
après l’accident (véritables patients postinfectieux).
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Conclusions
Le choix du lactulose est discutable
Les auteurs concluent que «le syndrome
de l’intestin irritable est associé avec des
symptômes discrets de la perméabilité paracellulaire, indépendamment de la présence
ou non d’une gastro-entérite».
Discussion
Les résultats sont discutables
Sur les 2 300 personnes touchées par la
gastro-entérite, seules 35 et 36 personnes
correspondant aux deux types de sujets
identifiés ont participé à l’étude. Cet échantillon ne permet pas de montrer une différence significative entre les patients IBS
post-infectieux, non post-infectieux et les
contrôles.
Les auteurs font ressortir que les patients
qui ont une perméabilité accrue seraient
surtout des diarrhéiques. Ils ne définissent
néanmoins pas en quoi consistent les crises
des 132 patients étudiés.
Les auteurs ont utilisé le lactulose, un isomère du lactose. Le lactulose est dégradé
par les enzymes bactériens. Il est utilisé à
des fins thérapeutiques car c’est un laxatif.
Il est aussi utilisé pour détecter les infections
bactériennes au niveau de l’intestin grêle.
Il accélère le transit du grêle et cela de
façon indépendante de sa dégradation par
les bactéries. Cet effet pharmacologique
reste inexpliqué. L’utilisation de lactulose
dans cette étude permet de mesurer la
perméabilité dans l’intestin grêle mais pas
dans le côlon, car le lactulose est détruit par
les bactéries dès son entrée dans le côlon.
Il est donc faux de conclure que les patients
n’ont des troubles de la perméabilité que
dans l’intestin grêle.
L’étude du côlon nécessite l’utilisation
de chrome 51, une molécule qui ne passe
que par les jonctions paracellulaires (et non
par la voie intracellulaire).
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Lionel Bueno, Directeur de recherche
Unité de Neurogastroentérologie et Nutrition - INRA, Toulouse
Articles analysés
Article 1 - présenté par Romy Fischer (Unité de Physiologie de la nutrition et du
comportement alimentaire, INA-PG Paris)
« Activated mast cells in proximity to colonic nerves correlate with abdominal
pain in irritable bowel syndrome », Giovanni Barbara et al., Gastroenterology
2004;126:693-702
Article 2 - présenté par Pascal Fanca (Unité Physiologie des adaptations nutritionnelles, INRA Nantes)
« Stress-induced disruption of colonic epithelial barrier: role of interferon-?
and myosin light chain kinase in mice », Laurent Ferrier et al., Gastroenterology
2003;125:795-804
Article 3 - présenté par Jean Fioramonti, chef de department adjoint Alimentation
humaine
« Intestinal permeability in patients with irritable bowel syndrome after a waterborn
outbreak of acute gastroenteritis Walkerton , Ontario », JK Marshall et al., Aliment
Pharmacol Ther 2004:20:1317-1322
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