Dossier « Nouveaux » exanthèmes viraux et éruptions paravirales Patrice Plantin Service de dermatologie, Centre Hospitalier de Cornouaille, BP 29107 Quimper Cedex Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Résumé Les nouveaux exanthèmes viraux et les exanthèmes paraviraux sont deux sujets assez proches qui concernent pédiatres, infectiologues et dermatologues. Les progrès du diagnostic en virologie ont permis de démontrer que le même exanthème pouvait être dû à des agents viraux différents tandis que de nouveaux exanthèmes ont été individualisés dont l’origine pouvait être infectieuse ou non : ceux-ci constituent le cadre des éruptions paravirales. Ainsi le syndrome « gants-chaussettes » illustre la pluralité des étiologies virales d’un même exanthème tandis que des entités aussi anciennes que le pityriasis rosé de Gibert (PRG) illustre le concept d’exanthème paraviral dans la mesure où il peut être d’étiologie virale (HHV 7), mais aussi s’observer dans d’autres circonstances (toxidermies médicamenteuses à « type » de PRG). Mots clés : exanthèmes viraux, éruption paravirale Nouveaux exanthèmes viraux On regroupe sous ce terme un certain nombre d’exanthèmes individualisés ces trente dernières années dont la description est souvent ancienne, mais qui ont fait l’objet d’un classement nosologique plus récent. Beaucoup de ces exanthèmes, dont l’étiologie n’est pas uniquement virale, rentrent dans le cadre des éruptions paravirales que nous aborderons dans un deuxième chapitre. Tirés à part : P. Plantin 314 mt pédiatrie, vol. 10, n° 5, septembre-octobre 2007 doi: 10.1684/mtp.2007.0137 mtp Acrodermatite papuleuse de Gianotti et Crosti Décrite par les deux dermatologues italiens qui lui ont donné son nom en 1955, l’acrodermatite est caractérisée par une éruption symétrique, papuleuse ou papulovésiculeuse des 4 membres, parfois des joues et/ou des fesses dont la lésion élémentaire devient plus nettement lichénoïde chez l’adolescent et l’adulte (figure 1). Les premières publications la concernant faisaient état de l’association possible à une primo-infection par le virus de l’hépatite B. Cette étiologie est maintenant exceptionnelle et on rapporte actuellement surtout des cas associés au virus d’Epstein Barr, au CMV ou aux coxsackies [1]. Des cas plus récents semblent en rapport avec le parvovirus B 19 ou le virus syncytial respiratoire. Enfin, des observations de Gianotti et Crosti au décours de vaccinations (BCG, rougeole ou oreillons) ont été rapportées. Dans près de la moitié des cas, aucune étiologie au syndrome de Gianotti-Crosti n’est retrouvée [2]. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Figure 2. Syndrome gants-chaussettes : lésions purpuriques des pieds. Figure 1. Syndrome de Gianotti-Crosti. Syndrome gants et chaussettes Décrit en 1990, ce syndrome est caractérisé par un érythème purpurique intense touchant préférentiellement les mains, les pieds (figure 2), les zones convexes et les muqueuses. Les lésions sont souvent douloureuses et s’accompagnent de signes généraux : fièvre, arthralgies et anorexie. La guérison est la règle en quelques semaines. Les premiers cas publiés étaient contemporains d’une séroconversion pour le parvovirus B 19, d’autres observations ont été rapportées lors de la rougeole, d’infections à EBV, CMV ou à HHV6 en particulier [3]. Pseudo-angiomatose éruptive Décrite par N. Prose en 1993 [4], elle a été observée chez le nourrisson mais aussi chez l’adulte. L’exanthème est constitué de petites papules angiomateuses (figure 3), bordées d’un halo anémique, qui disparaissent spontanément en moins de 15 jours. La biopsie des lésions montre une dilatation des vaisseaux dermiques sans infiltrat inflammatoire. L’origine virale qui a été suspectée d’emblée, sur la notion de petites épidémies, n’a jamais été prouvée Figure 3. Lésions angiomateuses de la région scapulaire au cours d’une pseudo-angiomatose éruptive. jusqu’à maintenant en dehors de cas rapportés à une infection à entérovirus (séroconversion). L’exanthème unilatéral latérothoracique Plus connu sous l’acronyme d’APEC (Asymetric Periflexural Exanthem of Childhood), il s’agit d’une éruption mt pédiatrie, vol. 10, n° 5, septembre-octobre 2007 315 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. « Nouveaux » exanthèmes viraux et éruptions paravirales Figure 4. Éruption eczématiforme de la région axillaire au cours de l’APEC. siégeant tout d’abord au niveau d’un creux axillaire qu’elle touche de façon asymétrique (figure 4). L’éruption peut être morbiliforme, scarlatiniforme ou eczématiforme et elle tend fréquemment à toucher d’autres plis, toujours sur un mode asymétrique. L’origine virale de l’APEC a été soupçonnée sur sa saisonnalité et l’existence inconstante de prodromes (fébricule, signes respiratoires et adénopathies loco-régionales), mais elle n’a jamais été démontrée [5]. Papillite linguale familiale Décrite par J.P. Lacour, la papillite linguale éruptive est caractérisée par l’apparition brutale de difficultés alimentaires, d’une hypersialorrhée et d’une irritabilité en rapport avec une inflammation linguale caractérisée par une hypertrophie des papilles fongiformes de la pointe et du dos de la langue. La papillite est souvent familiale (transmission à d’autres membres de la fratrie ou aux parents dans plus de 50 % des cas, épidémies en collectivités), s’accompagne fréquemment d’adénopathies cervicales et guérit en moins de 15 jours. La survenue en petites épidémies familiales atteste de sa probable origine virale [6]. Exanthème de l’infection par le virus West Nile Cette infection est une arbovirose dont la sévérité tient aux atteintes neurologiques (encéphalites). Un exanthème morbiliforme constitué de macules rosées du tronc peut être observé au cours de l’infection chez l’adulte comme chez l’enfant [7, 8]. 316 Monkeypox Cette maladie endémique sévit en Afrique [9]. Elle touche surtout les enfants de la zone tropicale africaine se traduisant par une éruption assez proche de la variole associée à une atteinte respiratoire, un syndrome grippal et des adénopathies cervicales plus marquées qu’au cours de la variole. Le virus monkeypox est transmis par des rongeurs infectés. Les cas observés aux États-Unis sont liés à la transmission du virus par de petits rongeurs (« chiens des prairies ») contaminés par les rongeurs importés d’Afrique comme animaux de compagnie. En Afrique, la mortalité de l’infection est d’environ 11 % liée à la dénutrition, aux surinfections bactériennes et à des coinfections virales comme la varicelle. La vaccination contre la variole prévient l’infection au virus monckeypox et cette protection est probablement liée à la parenté ontogénique de ces virus. D’autres infections à poxvirus ont été rapportées, liées le plus souvent au contact accidentel avec le virus véhiculé par un animal : infection à tanapoxvirus transmise par des chimpanzés d’Afrique [10] responsable d’une éruption papuleuse pouvant faire évoquer un anthrax ou une mycobactériose s’accompagnant de signes généraux tels que céphalées, fièvre, etc. Éruptions paravirales C’est sous ce terme que Saurat et Lipsker [11] ont regroupé certaines dermatoses dont l’étiologie n’est pas univoque. Ce concept qui s’applique surtout à des exanthèmes récemment individualisés peut aussi concerner des entités connues de longue date dont l’étiologie infectieuse reste hypothétique. – Les dermatoses d’origine virale dont les agents déclenchant sont multiples rentrent dans ce cadre. Ainsi, le syndrome de Gianotti-Crosti ou le syndrome gantschaussettes correspondent à des dermatoses paravirales par opposition à certaines maladies virales pour lesquelles il n’existe qu’un agent responsable (la varicelle par exemple). – Ce concept peut également s’appliquer à des entités dont l’étiologie virale est très probable bien que jamais démontrée jusqu’alors. C’est le cas de l’APEC ou de la pseudo-angiomatose éruptive. – Enfin, un certain nombre de dermatoses qui peuvent relever d’une étiologie infectieuse même si celle-ci n’est pas la plus fréquente peuvent correspondre à des infections paravirales : c’est le cas de dermatoses aussi différentes que l’érythème polymorphe, l’urticaire, le lichen striatus, la pustulose aigüe exanthématique ou le pityriasis lichénoïde pour lequel la responsabilité de Toxoplasma Gondii, de l’EBV ou de l’herpès virus ont été évoqués [12]. À ce titre, le pityriasis rosé de Gibert est exemplaire car son étiologie virale est évoquée depuis longtemps (taux élevés d’interféron a et c chez les malades, taux augmentés des mt pédiatrie, vol. 10, n° 5, septembre-octobre 2007 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. lymphocytes D) et le rôle de virus du groupe herpès a été suspecté dans sa survenue : HHV 7 [13], tandis que des toxidermies à type de PRG illustrent d’autres causes de cette dermatose. 4. Prose N, Tope W, Miller S, Kamino H. Eruptive pseudoangiomatosis : a unique childhood exanthema? J Am Acad Dermatol 1993 ; 29 : 857-9. Conclusion 6. Roux O, Lacour JP, Pediatricians of the region Var-Côte d’Azur. Eruptive lingual papillitis with household transmission: a prospective clinical study. Br J Dermatol 2004 ; 150 : 299-303. Les progrès de la virologie ont permis d’identifier de nouveaux agents viraux responsables d’exanthèmes dont la spécificité clinique est pauvre [14]. Mais, malgré toutes ces innovations, l’origine virale d’autres exanthèmes reste à l’état de simples hypothèses. Le goût des voyages ou l’importation accidentelle ou souhaitée d’animaux dits exotiques peut aboutir à l’identification de nouveaux exanthèmes jusque-là inconnus, en particulier, chez l’enfant. 5. Taïeb A, Megraud F, Legrain V, Mortureux P, Maleville J. Asymetrice periflexural exanthem of childhood. J Am Acad Dermatol 1993 ; 29 : 391-3. 7. Del Giudice P, Schuffenecker I, Zeller H, et al. Skin manifestations of West Nile virus infection. Dermatology 2005 ; 211 : 348-50. 8. Civen R, Villacorte F, Robles DT, et al. West Nile virus infection in the pediatric population. Pediatr Infect Dis 2006 ; 25 : 75-8. 9. Lewis Jones S. Zoonotic poxvirus infections in humans. Curr Opin Infect Dis 2004 ; 17 : 81-9. 10. Damian Dhar A, Werchniak AE, Li Y, et al. Tanapox infection in a college student. N Engl J Med 2004 ; 350 : 361-4. 11. Lipsker D, Saurat JH. A new concept : paraviral eruptions. Dermatology 2005 ; 211 : 309-11. Références 1. Taïeb A, Plantin P, du Pasquier P, Guillet G, Maleville J. GianottiCrosti syndrome: a study of 26 cases. Br J Dermatol 1986 ; 115 : 49-59. 2. Bjorge Nelson JS, Seabury Stone M. Update on selected viral exanthems. Curr Opin Pediatr 2000 ; 12 : 359-64. 3. Lycia AS, Seabury Stone M. Viral exanthems. Dermatol Online J 2003 ; 9 : 4. 12. Bowers S, Warshaw EM. Pityriasis lichenoides and its subtypes. J Am Acad Dermatol 2006 ; 55 : 557-72. 13. Weston WL, Morelli JG. Newly recognized infectious exanthems. Dermatol Nurs 1998 ; 10(191–3) : 197-205. 14. Goodyear HM, Laidler PW, Price EH, Kenny PA, Harpers JI. Acute infectious erythemas in children: a clinico-microbiological study. Br J Dermatol 1991 ; 124 : 433-8. mt pédiatrie, vol. 10, n° 5, septembre-octobre 2007 317