CAS CLINIQUE Mots-clés Lomboradiculalgies bilatérales – Hémangiome vertébral – Épidurite – Atteinte pédiculaire Un hémangiome agressif A. Abu Ayyach*, L. Pariente* L’ angiome (ou hémangiome) est une lésion bénigne des vaisseaux sanguins qui se traduit par une dilatation des structures vasculaires. Il peut exister dès la naissance ou apparaître au cours de la vie. La localisation est soit superficielle (peau, muqueuses), soit profonde (cerveau, foie, poumon ou os). Une patiente présente des lomboradiculalgies d’aggravation progressive responsables d’une gêne fonctionnelle, liées au développement d’un hémangiome vertébral. Observation Mme B., âgée de 64 ans, présente des douleurs lombaires d’horaire mécanique anciennes auxquelles se sont ajoutées, depuis 2008, des douleurs de la face antérieure de la cuisse gauche s’aggravant progressivement avec extension à la face externe de la cuisse. Il y a 3 mois, les douleurs sont réapparues à droite, avec une atteinte des faces antérieure et externe de la cuisse, externe de la jambe, allant parfois jusqu’au dos du pied et de l’hallux, réalisant ainsi un tableau de lombocruralgie et sciatique L5 droite. Depuis 1 mois, les douleurs sont bilatérales, prédominant à droite, et très intenses (cotées à 9 sur 10), augmentées à la station debout prolongée et à la position assise, occasionnant plusieurs réveils nocturnes et une gêne fonctionnelle importante. La patiente consulte son médecin traitant ; celui-ci réalise une épidurale qui la soulage partiellement. Devant la réapparition rapide des douleurs et leur intensité, le médecin traitant demande une IRM du rachis lombaire, qui met en évidence un syndrome de remplacement tissulaire intéressant le corps de L3 (figures 1 et 2) s’accompagnant d’un syndrome de masse épidurale avec un aspect d’“embrasse de rideau”, à l’origine d’une compression radiculaire antéropostérieure et d’une sténose du canal lombaire central (figure 3). Cette structure épidurale ainsi que la composante postérieure du corps vertébral sont rehaussées par l’injection de gadolinium, traduisant une atteinte pédiculaire bilatérale. Devant cet aspect à l’IRM, un scanner lombaire est réalisé. Il montre des remaniements grillagés du corps vertébral de L3 (figure 4) avec un aspect effacé de la corticale postérieure et retrouve l’extension lésionnelle au niveau des pédicules (figure 5). On pose le diagnostic d’hémangiome vertébral de L3 avec composante épidurale importante et atteinte pédiculaire, traduisant son caractère agressif. Légendes Figures 1 et 2. IRM, coupes sagittales, en pondération T1 à gauche et T2 à droite : syndrome de remplacement tissulaire intéressant le corps de L3 (hypoT1, hyperT2). Figure 3. IRM, coupe horizontale : syndrome de masse épidurale avec aspect d’embrasse de rideau. Figure 4. Scanner, coupe sagittale : remaniements grillagés du corps vertébral de L3. Figure 5. Scanner, coupe horizontale : aspect effacé de la corticale postérieure et extension lésionnelle au niveau des pédicules de la vertèbre L3. Discussion L’hémangiome est la tumeur du rachis la plus fréquente. Son pic de fréquence se situe entre 40 et 60 ans. La grande majorité de ces tumeurs est asymptomatique, les formes agressives ne s’observent que dans 1 % des cas. Le cas de cette patiente est intéressant du fait du contraste entre une présentation clinique non maligne (absence de complications neurologiques graves et de troubles sphinctériens) et l’aspect très agressif de la lésion à l’imagerie. En effet, plusieurs critères de gravité sont présents sur l’IRM et le scanner de cette patiente : l’atteinte de tout le corps vertébral avec un signal tissulaire à l’IRM – hypoT1, hyperT2 (figures 1 et 2) –, l’extension aux pédicules, l’aspect effacé de la corticale postérieure du corps vertébral, l’expansion épidurale et la prise de contraste importante après injection de gadolinium. Conclusion Le scanner et l’IRM jouent un rôle très important pour le diagnostic et l’évaluation pronostique de ces lésions par l’étude de leur architecture et de leur étendue. Ils permettent d’établir un score d’agressivité orientant vers la meilleure thérapeutique disponible qui fut ici une embolisation, après repérage par une artériographie, suivie ■ d’une vertébroplastie. 10 | La Lettre du Rhumatologue ̐ Suppl. au n° 375 - octobre 2011 * Service de rhumatologie, groupe hospitalier de la PitiéSalpêtrière, Paris. CAS CLINIQUE 1 2 3 4 5 La Lettre du Rhumatologue ̐ Suppl. au n° 375 - octobre 2011 | 11