Parcours biblique 2010 Les métamorphoses de l’Agneau 17 Découvrir Les métamorphoses de l’Agneau, ou la royauté du Christ ressuscité Le Livre de l’Apocalypse est le témoin des premiers balbutiements de la christologie : une christologie en images et en figures, parmi lesquelles se distingue celle de l’agneau... 1. L’expression «agneau de Dieu» est une exclusivité johannique : elle figure à deux reprises dans la bouche de Jean-Baptiste (Jn 1,29.36), pour désigner Jésus dans un contexte «royal» marqué entre autres par les titres «Fils de Dieu» et «Roi d’Israël» (Jn 1,49) traditionnellement associés à la figure du Messie (Jn 1,41), attendu pour libérer le peuple et supprimer le mal dans le monde (Jn 1,29). Toutefois, l’emploi du mot grec amnos (au lieu de arnion, qui sera de règle dans l’Apocalypse) suggère un rapprochement avec la figure de l’agneau pascal (voir 1 Pierre 1,19), ainsi qu’avec le serviteur souffrant d’Isaïe 52,13 – 53,12, précisément comparé à un agneau (Isaïe 53,7 ; voir Actes 8,32). De fait, la suite du quatrième évangile, notamment dans le récit de la Passion, montrera à quel point la royauté de Jésus est différente des pouvoirs humains et trouve sa véritable expression à l’heure de la croix (Jn 18,32-37). Le titre d’agneau que l’Apocalypse attribue au Christ, est une bonne porte d’entrée dans la théologie de ce livre : théologie de l’image par excellence. C’est à travers une histoire racontée et des images animées que le lecteur est peu à peu conduit à reconnaître en celui qui «se tient sur le Mont Sion» (Ap 14,1), l’égal de Dieu digne d’une même adoration et d’une même gloire. La figure de l’agneau doit être interprétée en lien avec toutes ses occurrences bibliques, si on veut ne la priver d’aucune des ses harmoniques. Fraternités de Jérusalem 2. Dans l’Apocalypse, le mot «agneau» (arnion) est omniprésent : à 26 reprises, dont 25 fois pour désigner le Christ en personne, constituant ainsi un trait caractéristique de ce livre. Sa première apparition, au chapitre 5, associe la royauté (proximité du trône) et le sacrifice (égorgé). Surtout son caractère divin est clairement énoncé (les sept Esprits de Dieu : 5,6). À ce titre, il figure au centre de la liturgie céleste et fait l’objet d’un véritable culte (5,8-9). Les trois cantiques successifs (versets 9-10 ; 12 ; 13) célèbrent en lui le Sauveur universel et la clé de compréhension des Écritures, à travers l’ouverture des sceaux du livre (accomplie en 6,1). Il s’agit bien du Christ dans son mystère pascal, certes livré à la mort, mais exalté à la droite de Dieu : il est le libérateur, accomplissant ainsi la figure de l’agneau pascal. 3. Les allusions suivantes à l’agneau confirment son caractère royal et sa présence au plus près de Dieu (6,16 ; 7,9). Il est acclamé au même titre que Dieu (7,9-10 ; 15,3), en tant que Sauveur des hommes, tant les justes de l’Église (7,14) que les foules des nations (13,8). Il tient la place du Roi Messie, évoqué sous la figure du pasteur (7,17). Son sang versé est, comme dans le cas de l’agneau pascal, le signe du salut donné en priorité aux martyrs (12,11). Les cornes qu’il porte (il s’agit donc plutôt d’un jeune bélier !) sont une marque royale, au besoin usurpée par la Bête (13,11). Il prend la tête de l’armée des justes (14,1.4.10) pour un ultime combat contre les http://jerusalem.cef.fr | © FMJ2010 Parcours biblique 2010 Les métamorphoses de l’Agneau 666 : le chiffre a beaucoup suscité l’imagination et les fantasmes... Il n’a ni histoire ni symbolique biblique particulière ; on ne le rencontre que deux fois dans toute la Bible : au livre d’Esdras qui, dénombrant les enfants d’Israël de retour d’exil, compte 666 fils d’Adoniqam ; et au livre de l’Apocalypse (13,18). Il s’agit probablement d’une transposition chiffrée du nom de César, véritable anti-christ. 18 forces du mal, figurées par la Bête (14,10). Au terme du combat, il reçoit la titulature royale universelle (17,14) et se trouve à la tête du peuple des fidèles, définitivement vainqueurs de la Bête et de ses complices terrestres (les sept rois de Rome). 4. La carrière de l’agneau ne se limite pas au registre militaire, symbole du combat eschatologique contre les forces du mal. Elle s’accomplit dans un rituel de noces, annoncé dès la fin des combats (19,7.9). De fait, les dernières pages du livre sont consacrées à l’évocation radieuse des noces de l’agneau, dont l’épouse resplendissante, confondue avec la Cité sainte, la Jérusalem céleste (21,9), figure aussi bien l’Église des martyrs et des saints que l’humanité elle-même, sanctifiée dans le Christ et unie à lui par le mystère de l’Alliance. Le Christ Agneau est la figure centrale de cette Cité sainte : il en est aussi bien le fondement (21,14) que le temple (21,22) ; il éclaire la Cité (21,23) et veille sur les élus, inscrits au livre de vie (21,27) ; il est lui-même avec Dieu la source de cette vie nouvelle (22,1). 5. Ainsi l’agneau de l’Apocalypse est-il une figure complète du Christ, dans toutes les facettes de son être et de sa mission, depuis la Croix jusqu’à l’Heure du plein accomplissement, au-delà de l’histoire. Cette image, remarquablement riche, inspirera largement les artistes de l’âge roman. Lire Apocalypse 13,1-14,4 Ce sont les chapitres 13 et 14 (jusqu’au verset 4 seulement) qui guideront notre méditation de ce jour. Deux figures s’y affrontent : celle de l’Agneau et celle de la Bête. Pour aller plus loin, voici un texte à consulter pour approfondir l’expression suivante : La «Bête» La «bête» est la figure de l’anti-christ. L’univers animal est mis en scène pour singer le monde des hommes, un peu comme le font les mythes, les fables ou... certaines émissions de télévision ! •< Daniel 7,1-28 Prier S eigneur, notre Dieu, tu es l’Agneau dont le sang a fécondé les entrailles de la terre. Toi qui viens nous tirer de l’esclavage de la mort et du péché, envoie sur moi ton Esprit Saint, afin que je puisse te rencontrer dans cette Parole qui vient de toi et que je puisse me mettre réellement à ta suite, dans l’espérance et la joie d’être sauvé. Amen. Fraternités de Jérusalem http://jerusalem.cef.fr | © FMJ2010 Parcours biblique 2010 Les métamorphoses de l’Agneau 19 Méditer C’est lui l’agneau B ien des choses ont été annoncées par de nombreux prophètes en vue du mystère de Pâques qui est le Christ : à lui la gloire dans les siècles. Amen. Conduit comme un agneau et immolé comme une brebis, il nous a délivrés de l’idolâtrie du monde comme de la terre d’Égypte ; il nous a libérés de l’esclavage du démon comme de la puissance de Pharaon ; il a marqué nos âmes de son propre Esprit, et de son sang les membres de notre corps. C’est lui qui nous a fait passer de l’esclavage à la liberté, des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie, de la tyrannie à la royauté éternelle, lui qui a fait de nous un sacerdoce nouveau, un peuple choisi, pour toujours. C’est lui qui est la Pâque de notre salut. C’est lui qui endura bien des épreuves en un grand nombre de personnages qui le préfiguraient. C’est lui qui en Abel a été tué ; en Isaac a été lié sur le bois ; en Jacob a été exilé ; en Joseph a été vendu ; en Moïse a été exposé à la mort; dans l’agneau a été égorgé ; en David a été en butte aux persécutions; dans les prophètes a été méprisé. C’est lui qui s’est incarné dans une vierge, a été suspendu au bois, enseveli dans la terre, ressuscité d’entre les morts, élevé dans les hauteurs des cieux. C’est lui, l’agneau muet ; c’est lui, l’agneau égorgé ; c’est lui qui est né de Marie, la brebis sans tache ; c’est lui qui a été pris du troupeau, traîné à la boucherie, immolé sur le soir, mis au tombeau vers la nuit. Sur le bois, ses os n’ont pas été brisés ; dans la terre, il n’a pas connu la corruption ; il est ressuscité d’entre les morts et il a ressuscité l’humanité gisant au fond du tombeau. Méliton de Sardes, au IIe siècle Fraternités de Jérusalem http://jerusalem.cef.fr | © FMJ2010 Parcours biblique 2010 Les métamorphoses de l’Agneau 20 Contempler L ’image que nous contemplons aujourd’hui nous transporte au chapitre 17 de l’Apocalypse, devant la scène extraordinaire du combat de l’Agneau et des «lieutenants» de la Bête : les puissances de ce monde qui lui ont juré obédience. De la Bête, ils ont même l’apparence monstrueuse : deux sortes de loups dotés d’un serpent au poison mortel en guise de queue, et un énorme serpent qui remplit tout le bas de l’image en s’enroulant sur lui-même. La scène est chaotique : tout est sens dessus dessous, à commencer par les trois victimes dépouillées de leurs vêtements (et de leur tête !) par l’attaque qu’elle viennent de subir de la part des trois bêtes qui, bien que beaucoup plus grandes et fortes, ne semblent pas en très bon état non plus... C’est qu’elles sont déjà vaincues ! Le combat est achevé ; dans la partie supérieure de l’image, tout est calme et ordonné : l’agneau trône, tout droit, dans un ciel rempli d’étoiles qui représentent les justes et les sauvés. Fraternités de Jérusalem http://jerusalem.cef.fr | © FMJ2010