Thrombolyse de sauvetage en préhospitalier Des études antérieures ont montré que l'embolie pulmonaire (EP) représente 6% à 11% des arrêts cardiaques extrahospitaliers [1][2]. Le premier cas de thrombolyse réussie dans l'EP lors d'une réanimation cardio-pulmonaire (RCP) a été décrit en 1989 [3]. Cependant, l'utilisation de la thrombolyse préhospitalière pour l'EP est actuellement une thérapeutique de dernier recours. L'utilisation préhospitalière de l'échographie s'est généralisée au cours de la dernière décennie. Notre service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) est maintenant équipé de dispositifs à ultrasons portatifs pour effectuer des examens échographiques en préhospitalier. L' "Echo Life Support "(ELS) est un nouveau concept, c'est l'échographie au chevet du patient utilisé dans le cadre de l'arrêt cardiaque (AC) ou dans les patients en état critique au pronostic vital engagé à très court terme, où l'analyse peut être effectuée lors d'un contrôle du rythme cardiaque sans massage et où l'on recherche une cause réversible d'une activité électrique sans pouls (ou dissociation électromécanique) ou d'une asystolie. L'échographie peut aussi guider la procédure en cas de causes potentiellement réversibles (péricardiocentèse, exsufflation et drainage, etc.) Des nouveaux dispositifs mécaniques ont récemment été mis en place. Ceux-ci réalisent des compressions thoraciques mécaniques automatiques tout au long d'une RCP prolongée conformément aux recommandations. Leur efficacité dans les arrêts cardiaques extrahospitaliers a été démontrée [4]. Cas clinique Notre service d'aide médical d'urgence (SAMU) a reçu un appel pour une femme de 80 ans qui a présenté un malaise avec perte de connaissance. Un SMUR est envoyé sur les lieux. À l'arrivée de l'équipe médicale, la patiente était consciente mais agitée et confuse, avec un Glasgow estimé à 14, une tension artérielle (TA) de 80/50 mm Hg, une fréquence cardiaque de 90 battements par minute, une fréquence respiratoire de 35 cycles par minute, et une saturation pulsée en oxygène de 90% à l'air ambiant et de 96% avec un masque haute concentration. L'examen physique ne révèle rien de particulier, en dehors de la perte des urines et des matières fécales durant sa syncope initiale. Le seul traitement de la patiente est un bétabloquant pour hypertension artérielle. Une échocardiographie a été réalisée avec un échographe ultra-portable (VScan, General Electric Healthcare), montrant uniquement une dilatation majeure des cavités droites (Fig. 1). Lors de la mise en condition, la patiente s'est soudainement effondrée avec une dissociation électromécanique comme rythme initial. La RCP est débutée immédiatement avec une RCP manuelle, une intubation endotrachéale et de l'adrénaline par voie intraveineuse 1 mg toutes les 3 minutes. Une EP est fortement suspectée en raison des résultats de l'échocardiographie. Le médecin a donc décidé de procéder à une thrombolyse et à organiser le recours à un dispositif automatique de compressions thoraciques. La patiente a reçu 10 mg d'alteplase en bolus intraveineux suivi d’une perfusion continue d'alteplase 45 mg/h pendant 2 heures. Après 65 minutes de RCP, on observe une reprise d'activité cardiaque spontanée avec un rythme sinusal. La patiente était stable, avec une TA 110/70 mm Hg sans amine, une fréquence cardiaque à 90 battements par minute, une saturation en oxygène pulsé de 98% sous ventilation mécanique avec une fréquence respiratoire réglée à 10 et une FiO2 à 100%. La capnographie retrouve un dioxyde de carbone en fin d'expiration à 30 mmHg. Devant l'absence de réveil immédiat, la patiente est sédatée avec du midazolam et du fentanyl puis transférée directement en réanimation. A son admission, le scanner thoracique a confirmé l'EP bilatérale. La patiente n'a pas bénéficié d’hypothermie thérapeutique. La patiente a repris conscience le jour après l'admission et a été extubée le jour même. La patiente est finalement sortie de l’hôpital 4 semaines après son AC avec un très bon état neurologique (Glasgow Outcome Scale à 5). Discussion Dans l'AC, tout ce qui est possible doit être fait pour sauver le patient et surtout rechercher les causes réversibles (4H: Hypoxie, Hypovolémie, Hypo / hyperkaliémie ou trouble métabolique, l'Hypothermie, et 4T: Thrombose coronarienne ou pulmonaire; Tamponnade cardiaque, Toxiques, pneumothorax compressif) pour lesquelles un traitement spécifique existe [5][6]. La généralisation de l'échographie au chevet du patient ou "point of care ultrasound", devrait permettre de réaliser des diagnostics plus précis en préhospitalier et de renforcer des suspicions diagnostiques, et donc d'initier plus souvent des thérapeutiques de derniers recours, en rééquilibrant la balance bénéfices risques. Le concept d'ELS devrait permettre de plus souvent détecter les AC dus à des EP, car souvent la clinique seule est insuffisante pour évoquer ce diagnostic et la prise en charge thérapeutique est lourde et coûteuse. L’échocardiographie au lit du malade, dès la phase préhospitalière permet donc d'initier une thrombolyse de sauvetage plus fréquemment, en même temps qu’une RCP prolongée. L'intervalle de temps entre l'AC et le retour à une activité cardiaque spontanée doit être le plus court possible pour permettre une bonne récupération neurologique, mais la thrombolyse nécessite un temps de RCP prolongé pour permettre à l’agent thrombolytique d'agir [7]. Néanmoins, dans notre cas, la bonne évolution neurologique était tributaire de plusieurs facteurs: témoignage de l'AC par l'équipe médicale et RCP immédiate, utilisation de la thrombolyse préhospitalière, et l’utilisation d'un dispositif de compression thoraciques automatisés pendant une RCP prolongée, (i.e. sans diminution de l'efficacité des compressions thoraciques tout au long de la RCP). La thrombolyse peut agir par 2 mécanismes différents au cours RCP. Tout d'abord, une longue procédure de la RCP peut conduire à la fragmentation mécanique du thrombus, avec par la suite une action thérapeutique plus efficace des agents thrombolytiques [7]. Deuxièmement, les données expérimentales indiquent que la thrombolyse avant, pendant et immédiatement après la RCP peut améliorer la reperfusion de la microcirculation après AC [8]. Ceci est très important pour la reperfusion cérébrale et peut contribuer à la bonne récupération neurologique. Des données récentes soulignent l'innocuité de la thrombolyse dans l'AC, avec des complications hémorragiques rares [8]. Il y a aussi 2 mécanismes d'action différents des compressions thoraciques mécaniques automatisés pendant la RCP. Tout d'abord, des compressions thoraciques de haute qualité réalisée sur une longue période, permettant une perfusion des organes efficace, en particulier la perfusion cérébrale. Enfin, une étude a montré des signes morphologiques tomographique de fragmentation mécanique directe du thrombus conduisant à une plus grande surface des points de contact sur le thrombus pour l'agent thrombolytique, conduisant finalement à favoriser son action [9]. Néanmoins, malgré ses avantages évidents, des études sont encore nécessaires pour évaluer la sécurité des compressions thoraciques mécaniques automatisées combinées avec la thrombolyse dans l'EP. Auteur : Hichem CHENAITIA Services d’urgence et d'imagerie Centre Hospitalier Géneral de Clavary, BP 53149, Grasse Courriel : [email protected] Références : [1] Kuisma M, Alaspaa A. Cardiac arrests of non-cardiac origin: epidemiology and outcome. Eur Heart J 1997;18:1122-8. [2] Courtneya DM, Klineb JA. Prospective use of a clinical decision rule to identify pulmonary embolism as likely cause of outpatient cardiac arrest. Resuscitation 2005; 65:57-64. [3] Langdon RW, Swicegood WR, Schwartz DA. Thrombolytic therapy of massive pulmonary embolism during prolonged cardiac arrest using recombinant tissue-type plasminogen activator. Ann Emerg Med 1989;18:678-80. [4] Steen S, Sjoberg T, Olsson P, Young M. Treatment of out-of-hospital cardiac arrest with LUCAS, a new device for automatic mechanical compression and active decompression resuscitation. Resuscitation 2005;67:25-30. [5] Nolan J, Soar J, Lockey A, et al. Advanced life support provider manual. 5th ed. London: Resuscitation Council (UK); 2006. [6] Querellou E, Leyral J, Brun C, Lévy D, Bessereau J, Meyran D, et al. In and out-ofhospital cardiac arrest and echography: a review. Ann Fr Anesth Reanim 2009; 28(9):76978. [7] Bottiger BW, Bohrer H, Bach A, Motsch J, Martin E. Bolus injection of thrombolytic agents during cardiopulmonary resuscitation for massive pulmonary embolism. Resuscitation 1994;28:45-54. [8] Bottiger BW. Thrombolysis during cardiopulmonary resuscitation. Fibrinolysis Proteolysis 1997;11(2):93-100. [9] Bonnemeier H, Olivecrona G, Simonis G, Götberg M, Weitz G, Iblher P, et al. Automated continuous chest compression for in-hospital cardiopulmonary resuscitation of patients with pulseless electrical activity: a report of five cases. Int J Cardiol 2009; 136:39-50. Figure 1 : Echocardiographie montrant une dilatation majeure des cavités cardiaques droites 12/2012