Portrait Cabinet du mois Cabinet du mois Portrait Dr Daniel Rollet, Pontarlier (25) Une organisation pour une orthodontie mécanique et interceptive Par Claudie VALLOS - Photos Samuel CARNOVALI Parce qu’il constatait l’instabilité des traitements, le Dr Daniel Rollet s’est tourné vers les préceptes de Robert M. Ricketts et Carl Gugino pour une prise en charge holistique du patient : orthodontie mécanique et éducation fonctionnelle se complètent dans une organisation originale de son cabinet situé à Pontarlier dans l’Est de la France. Fiche signalétique Orthophile 30 • Mai 2013 Docteur Daniel ROLLET 24 • Lieu : Pontarlier (Doubs) • Ouverture du cabinet : - lundi et jeudi : 9 à 12 heures / 13h30 à 18h30 (ouverture du secrétariat uniquement, pas de consultation clinique) - mardi : 9 à 12 heures / 13h30 à 18h30 - mercredi : 8h30 à 12h30 / 13h30 à 17h30 - vendredi : 8h30 à 12 heures / 14 à 19 heures - samedi : 8h30 à 14 heures • Fermeture du cabinet : semaine entre Noël et jour de l’an, une semaine en février (vacances de neige) et du 15 juillet au 15 août. • Site Internet : selarl-dr-rollet-daniel.chirurgiens-dentistes.fr • Fauteuils : 6, tous dédiés à une fonction précise • Patientèle en traitement interceptif : 700 enfants • Nombre de patients actifs : 450 avec bagues dont 15 % d’adultes • Taux d’acceptation des devis : 98 % • Prestations : - adultes : multiattache céramique, gouttières invisibles, gouttières pour ATM, gouttières fonctionnelles, gouttières d’élasto-positionnement - enfants : gouttières fonctionnelles, multiattache métallique ou céramique, gouttières d’élasto-positionnement • Tarifs : interceptif : 470 €/semestre multiattache métallique : 620 €/semestre multiattache céramique : 720 €/semestre gouttières invisibles : 5 500 € Mini bio /////////////// Docteur Daniel Rollet 1978 : fin de dentaire 1981 : entrée au Cecsmo 1982 : installation à Pontarlier 1991 & 1993 : agrandissements du cabinet Orthophile 30 • Mai 2013 N otre cabinet du mois, le seul cabinet d’orthodontie à Pontarlier dans le Haut-Doubs à l’époque de sa création en 1982, pourrait bien concourir parmi les cabinets les plus originaux de France, si une telle distinction existait. Dissimulé sous la terre et les espaces de verdure d’un ensemble de trois bâtiments d’habitation, il baigne astucieusement dans la lumière qui y pénètre par des dômes de verre en forme de pyramide, lumière subtilement renvoyée par un jeu de miroirs savamment positionnés. « à mon installation en 1982, raconte le Dr Daniel Rollet, j’avais d’abord racheté une surface de 120 m2 à l’architecte maître d’œuvre de l’ensemble résidentiel ; puis, j’ai eu l’opportunité d’acquérir une surface mitoyenne occupée par un cabinet d’assurance pour agrandir en 1991 et j’ai renouvelé cette opération en achetant le dernier module, une téléboutique, en 1993. Cette année-là, j’ai enfin créé une structure (une véranda) qui fait le lien entre ces trois unités : le cabinet s’étend aujourd’hui sur 200 m2. » L’accès du cabinet se fait en rez-dechaussée par deux entrées possibles, il bénéficie d’un jardin avec une rampe d’accès pour les personnes à mobilité réduite. 25 Portrait Cabinet du mois éducation fonctionnelle Une éducation de santé publique Problèmes de mastication avec une alimentation de plus en plus molle (voir Orthophile n°23, le développement facial du très jeune enfant ; entretien avec le Pr Limme, p. 88), problèmes de respiration, succion digitale, hypersalivation, posture déviée, problèmes d’hypopnée, voire d’apnées… ce sont les critères de cette éducation fonctionnelle. La prise en charge fonctionnelle d’un jeune enfant est une activité chronophage du cabinet. « Le fonctionnel, c’est éduquer le patient en prenant en compte son développement psycho-physiologique. Dans l’approche médicale et orthodontique de nos jeunes patients, nous travaillons toujours en essayant de mettre en application les conseils psychologiques prônés dans les travaux et ouvrages du Dr Marc-Gérald Choukroun (spécialiste ODF, maîtrise en psychologie). » Poser des questions ouvertes pour faire parler l’enfant, pour susciter son intérêt, sa découverte. éviter surtout les réflexions moralisatrices et parfois trop « cassantes ». Orthophile 30 • Mai 2013 Des débuts en quête d’une méthode 26 Notre praticien du mois est spécialiste qualifié en orthopédie dento-faciale issu de la deuxième promotion du Cecsmo de Strasbourg, en 1985. « J’ai exercé trois ans sans la spécialité ; je rejoignais la capitale alsacienne deux fois par semaine afin de me rendre à la formation du Cecsmo. à Strasbourg, nous avons eu la chance de bénéficier des enseignements de Ricketts, Begg et Burstone, mais notre formation était assez diversifiée. » Le Dr Daniel Rollet estime les résultats de ses cas satisfaisants pourtant leur évolution l’interpelle… Il en conclut que l’alignement dentaire n’existe pas ! « Même si l’on pose un fil de contention collé, les forces musculaires vont faire évoluer l’occlusion. Il faut travailler sur l’ensemble de la face pour une meilleure stabilité. » Daniel Rollet pratique un exercice qui prend en compte l’environnement global de ses patients, il a une approche holistique, orthodontique et médicale et ce, quel que soit l’âge du patient. Son exercice orthodontique est classique avec des traitements multiattaches (pose de brackets et collage direct, gouttières invisibles, traitements inter- • Pas de jeux vidéo (« abrutissants ») dans la salle d’attente, mais de la lecture : revues, bandes dessinées… ceptifs, traitements de l’adulte et traitements chirurgico-orthodontiques). Il est également membre du conseil de l’Ordre au niveau départemental et régional ; il est expert près la cour d’appel de Besançon. La découverte de l’interception … une rampe d’accès a été installée et un écran diffuse des spots sur les implants, les facettes, l'éducation fonctionnelle. « En 1988, l’Américain Carl Gugino est arrivé en France pour diffuser son approche interceptive plus “soft” ; j’ai suivi cette formation et je me suis rapproché de la société scientifique Bioprogressive de l’Est (j’en suis le président national). J’ai décidé de travailler dans cette direction à partir de 1993 (j’ai réellement systématisé les choses en 1994) en considérant l’environnement des dents, leur position, les forces qu’elles reçoivent, les dysfonctions du patient pour laisser une chance à la nature de travailler. Toute dysmorphose a un degré de dysfonction et corriger la première sans tenir compte de la seconde aboutit à un risque d’instabilité. Mon but est de corriger la dysfonction comme la dysmorphose avec un appareillage adapté qui va créer un couloir dentaire libre dans lequel les dents pourront évoluer sans contraintes. » Portrait Cabinet du mois Cabinet du mois Portrait • « L’inconvénient de l’éducation fonctionnelle, c’est qu’elle nécessite une réelle motivation : c’est la prise de conscience de l’enfant et des parents qui permet d’obtenir de bons résultats. » Six assistantes pour un praticien Le Dr Rollet a été coaché par Ken Alexander pour l’organisation de son équipe. Pour une bonne prise en charge du patient, il s’entoure de plusieurs assistantes : elles sont six, toutes assistantes dentaires qualifiées (formation CNQAOS) à intervenir sur différents postes dont la réception et le secrétariat, le fauteuil de consultation, la communication, l’imagerie, la stérilisation, la radiologie, le laboratoire ou, encore, la comptabilité du cabinet. Une assistante coordinatrice veille à la bonne organisation et réalisation de la tâche des cinq autres. Le but de toute l’équipe soignante est d’être centrée sur le patient pour une prise en charge complète. Des réunions régulières permettent d’améliorer le fonctionnement du cabinet : des procédures écrites en découlent pour une meilleure circulation de l’information au sein du personnel. 28 Autour de la véranda C’est au centre du cabinet que se trouvent l’accueil et deux salles d’attente. De là, on accède à l’espace radio, aux salles de soins, au poste photo (« chaque étape importante du traitement, quel qu’il soit, est photographié »)… « Le cabinet Une équipe d’assistantes polyvalentes Bien que toutes polyvalentes, chaque assistante est dédiée à un rôle précis au cabinet. • Adeline (entrée en 2010) travaille au fauteuil (quatre mains), elle s’occupe de la stérilisation et de la gestion des stocks. • Brigitte (entrée en 1999) se partage entre la réception (accueil patients, téléphone, prise de rendez-vous, secrétariat) et le poste radiologie. • Christine (entrée en 1986) gère toutes les prises et le classement des photographies. • Nathalie (entrée en 2000) est responsable de la réception. • Sophie (entrée en 1998) travaille au fauteuil (quatre mains), elle est également aide-comptable. • Véronique (entrée en 1988) est la coordinatrice de l’équipe soignante. Elle est également chargée de la communication : « C’est une véritable auxiliaire de santé… » Orthophile 30 • Mai 2013 Orthophile 30 • Mai 2013 Depuis que le Dr Rollet s’est investi dans les traitements interceptifs, une réorganisation du travail de l’équipe a été nécessaire. « Cette activité est très chronophage. Elle va exiger du temps pour les explications et la bonne compréhension de l’enfant. Il faut instaurer une situation de confiance pour obtenir son adhésion. Mes assistantes, et plus particulièrement ma coordinatrice, participent à cette prise en charge car il s’agit de communication et de motivation, je ne délègue donc pas de travail en bouche », nous précise notre praticien du mois. 29 Portrait Cabinet du mois Cabinet du mois Portrait Un principe de consultation pour les petits Au sens médico-légal, ne pas faire de traitement interceptif fonctionnel est une perte de chance pour les enfants possède six fauteuils : un dédié aux adultes ; un, à l’appareillage multiattache, séances d’activation, gestion des casses et contention ; un, pour les premiers rendez-vous et bilans de fin de traitement multiattache ; un, pour les empreintes (notamment pour le montage sur articulateur) ; un, pour la prise de photos qui nous garantit des conditions d’éclairage toujours identiques. » Un scénario par type de rendez-vous permet au Dr Rollet et à ses assistantes de savoir qui va intervenir, où et sur quelle durée. Il permet aussi de gérer le flux des patients dans le cabinet et d’orgniser le planning. « Nous avons adopté un système informatique permettant une circulation de l’information avec des ordinateurs en réseau. Une borne informatique se trouve dans la salle d’attente afin que chaque patient puisse s’y inscrire à son arrivée afin d’en informer l’équipe. » Orthophile 30 • Mai 2013 Une patientèle d’enfants et d’adultes 30 « Quand je vois mon patient jeune, je corrige si besoin les problèmes fonctionnels en amont. Ainsi, je profite de sa croissance et évite que sa déformation dentaire ne s’aggrave. Parfois, un seul semestre d’éducation est nécessaire. Il existe six types d’appareils interceptifs (appelés gouttières) par tranche d’âge (3-8 ans et 8-11 ans). » Sur 100 % de ces patients, 80 % sont concluants, les 20 % d’échec sont ceux qui n’ont pas coopéré. « Sur les 80 % de réussite, 30 % auront réalisé leur • Véronique, coordinatrice de l’équipe soignante, est chargée de la communication du cabinet, des explications de traitement : elle doit vérifier que l’enfant a bien intégré l’exécution de ses exercices d’éducation fonctionnelle, c’est une véritable auxiliaire de santé. • « Je suis partisan de travailler en collaboration avec des ORL, kinésithérapeutes, ostéopathes et orthophonistes pour une aide au diagnostic et une prise en charge pluridisciplinaire du patient quand cela est nécessaire. » Dr Rollet il faudra investir toute la famille dans ce nouveau traitement orthodontique. L’enfant, à qui nous imposons de nouvelles contraintes, doit se sentir soutenu… » Le praticien pourra, dans le cas d’un patient suçant un doigt, par exemple, montrer les conséquences dentaires de cette succion. Il faut parler de la nécessité de l’arrêter pour le bon développement de l’enfant et, bien sûr, que l’enfant soit suffisamment mature et prêt : le patient doit être acteur de son traitement. Il faudra expliquer, motiver et, pour ce faire, s’aider de supports visuels et écrits afin de montrer des cas de déformation similaire. Une clé USB lui sera remise intégrant ses photographies, ses clichés radiographiques, ses exercices, avec une réactualisation à chaque visite. « La répétition des informations est primordiale pour la bonne assimilation et compréhension du patient. De ce fait, après mon examen clinique et la pose du dispositif, Véronique, ma coordinatrice, reprendra l’ensemble des explications (mise en place de la gouttière, déglutition, fréquences de port, exercices, entretien) avec le patient (…) Il faut demander un port diurne et nocturne le plus régulier possible et prévenir que quelques semaines seront nécessaires à une bonne adaptation du nouvel appareil : l’entraînement peut se comparer à celui d’un sportif (…) Je ne prends jamais d’empreintes parce qu’elles ne me sont pas indispensables pour l’éducation fonctionnelle. De plus, je ne voudrais pas effrayer mes jeunes patients... » Ce type de traitement ne nécessite pas une fréquence de rendez-vous trop rapprochés (tous les 3 et 6 mois), mais des appels téléphoniques permettent de s’assurer de la bonne coopération de l’enfant. Orthophile 30 • Mai 2013 « Quand un enfant vient pour la première fois au cabinet, il est accueilli avec ses parents par Nathalie, ma responsable réception. Il est ensuite pris en charge en salle de radiographies (pour deux clichés : téléprofil et panoramique), puis c’est Christine qui réalisera les photos intra-buccales, de posture et de visage. Ce protocole est systématique et indispensable pour mon examen clinique. » L’enfant est alors installé au fauteuil dédié aux premières consultations, espace fermé ; le parent accompagnant est systématiquement installé avec son enfant en salle de soins. Le motif de la consultation, du ou des parents, peut être très divers (problème esthétique, succion digitale, problème d’éruption dentaire…) Le jeu des questions ouvertes commence, ce qui permet au praticien de cerner le désir des parents, mais également de son patient, ainsi que sa motivation ou ses réticences : il pourra ainsi « orienter » son discours et ses explications. « S’il s’avère qu’un traitement interceptif est nécessaire, 31 Portrait Cabinet du mois traitement en éducation fonctionnelle seule. Pour les 50 % restants, les patients porteront des dispositifs fixes (métalliques ou céramiques) pour une durée de deux semestres au maximum. » Orthophile 30 • Mai 2013 Chez le Dr Rollet, pour les adultes aussi, l’éducation fonctionnelle est fondamentale dans son travail sur l’ensemble de la face : « Chez les adultes, il n’y a plus de croissance : il faut supprimer les contraintes de la mandibule et déverrouiller les articulations temporo-mandibulaires afin de retrouver une fonction correcte et corriger la posture linguale. Je peux associer le port de gouttière au multiattache avec des forces légères et continues. » 32 Pour l’ensemble de la patientèle, la contention se fait avec des gouttières d’élasto-positionnement après montage sur articulateur. « Quand j’ai débagué mon patient, je peux agir avec l’élastofinisseur en resserrant les espaces résiduels de 2 à 3 mm, c’est une contention active. Cette gouttière moulée en polyvinyle siliconé est un matériau soft très précis. La gouttière et sa maquette sont remises systématiquement au patient. C’est un appareil de maintenance et de référence pour la stabilité de l’occlusion. » Le cabinet compte 450 cas de patients dits « actifs » avec multiattache dont 15 % sont des adultes ; 700 patients sont en traitement interceptif. • « Avec l’internat, le paysage orthodontique risque d’évoluer. Le plein temps pour les étudiants comme les enseignants nécessitera de réunir un maximum d’universitaires, de sociétés scientifiques… pour une formation élargie au niveau technique, mécanique et médicale. Il faudra former suffisamment de spécialistes, sinon notre spécialité risque de disparaître. » Dr Rollet L’avenir et les développements Aux débuts de l’éducation fonctionnelle, les traitements étaient réalisés au moyen d’appareils rigides ; aujourd’hui, le marché propose des dispositifs soft confortables et bien tolérés par les patients, une avancée notable surtout pour les plus jeunes. « Avec différents groupes de recherche (australien Myofunctionnal Research du Dr Chris Farrell, de l’école finlandaise avec la société RMO), j’ai eu la chance de pouvoir développer les premières gouttières souples. J'étends aujourd’hui la gamme EfLine d’Orthoplus, produits plus orientés et franco-français – ce qui est important de nos jours… J’enseigne ce concept lors de conférences et de cours (de nombreux praticiens sensibles au bon développement fonctionnel de leur patients y ont déjà assisté…). » Le Dr Daniel Rollet n’entrevoit pas encore le moment de se retirer et songe plutôt à former quelqu’un avec qui il pourrait s’associer. En attendant, il s’investit pour la diffusion des préceptes de la société Bioprogressive et de l’éducation fonctionnelle dans le monde afin de développer la recherche et travailler sur les améliorations à apporter.