anthropologie economique

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Anthropologie économique 2011-­‐2012 ANTHROPOLOGIE ECONOMIQUE I. Introduction générale et perspectives théoriques à Pierre de Maret •
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Livre : Dupuy, F., 2001. Anthropologie économique. Paris : Armand colin/ Sociologie cursus. Chapitres 2 à 4 Les usages de l’argent : http://terrain.revues.org/index3097.html II. Anthropologie de l’environnement à Joiris •
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Hivon, « Payer en liquide ». L’utilisation de la vodka dans les échanges en Russie rurale ». Ethnologie Française, XXVIII 515-­‐525. Godefroit, 2001. « la part maudite des pêcheurs de crevettes à M adagascar ». Etude rurale, Juillet-­‐décembre 159-­‐160 : 145-­‐172 III. Culture matérielle et technologie à Gosselain IV. Lien social et économie à Romainville INTRODUCTION GENERALE ET PERSPECTIVES THEORIQUES I. Une anthropologie économique ? C’est un terme qui regroupe des disciplines qui semblent antagonistes. L’économie est une discipline installée et dont l’histoire est ancienne, contrairement à l’anthropologie dont les concepts sont en cours de développement. Les économistes s’intéressent à la société occidentale moderne alors que les anthropologues s’intéressent à l’extrême diversité – la géographie, l’histoire, l’archéologie, la linguistique historique. Elle étudie tous les temps des périodes historiques. La taille des sociétés envisagées varie. Les anthropologues ont une approche holistique, dans la mesure où ils considèrent que tous les éléments des sociétés sont interdépendants. Les économistes isolent la sphère économique des autres sphères. La méthode est différente, les uns et les autres travaillent à partir de modèle. Les économistes se basent sur des constructions mathématiques, des théories assez loin de la réalité. Les anthropologues ne travaillent pas sur des données de grandes ampleurs mais sur des données recueillies par eux-­‐mêmes. L’anthropologue se retrouve seul dans un groupe généralement inconnu tandis que les économistes travaillent en groupe sur leurs propres sociétés. Ainsi, le discours des économistes est centré sur la société, sur eux-­‐mêmes. Les deux disciplines essayent de mettre en place un certain nombre de modèles pour simplifier la réalité. Comme toutes les sciences, apar une démarche analytique, ils aboutissent à des modèles explicatifs assez généraux. Les modèles statistiques des économistes diffèrent des modèles mécaniques des anthropologues. Tableau résumé du contraste : adapté d’après Klitgaard ,1984 1 Anthropologie économique Economistes Anthropologues Plus c’est moderne, mieux c’est. Moins c’est moderne, mieux c’est. Fonctions identiques. d’utilité 2011-­‐2012 supposées Fonctions d’utilité supposées (et même voulues) différentes. On peut dire d’un système qu’il est Le relativisme culturel interdit de juger indiscutablement meilleur (plus qu’une culture est meilleure ou pire qu'une efficace) qu’un autre (optimum de autre. Pareto). Tout se tient, comme dans un système Tout se tient, comme dans une langue, un thermodynamique. texte littéraire ou une personnalité. Attitude individualiste. Attitude sectaire (égalitaire). Construire Déconstruire Améliorations marginales. Critiques radicales. Approche analytique, mathématique. Approche holistique, littéraire. Affaire de degré: les variables sont Affaire de typologie: les ‘variables’ sont continues et cardinales. On peut ordinales ou binaires. On ne peut pas dissocier faits et valeurs. dissocier faits et valeurs. Enquêtes (sondages aléatoires, souvent Descriptions détaillées (sondages non transversaux, sur plusieurs localités). aléatoires, de longue durée, à l’échelon local). N est important N n’est pas important (un pays de plus). Analyse des politiques: imposition d’en haut d’un modèle permettant à des individus d’obtenir des meilleurs résultats Analyse des politiques: processus partant de la base, sans modèle préconçu, pour permettre à un groupe de s’affirmer (d’affirmer son identité, ses convictions, sa solidarité). Prescription: être utile Prescription: écouter, apprendre, réfléchir, laisser la nature comme on l’a trouvée. L’anthropologie est: la description de préférences, de capacités, d’institutions influant sur les contrats, les flux d’information et les incitations – et de leurs changements. L’anthropologie est: un moyen de reconsidérer le sens, la personne, l’autorité; la volonté de défendre la diversité et l’autonomie. 2 Anthropologie économique L’économie est: une science du choix reposant sur des hypothèses simples relatives au comportement permettant de mieux prévoir les phénomènes tant sociaux qu’économiques. 2011-­‐2012 L’économie est: une vision du monde et un langage qui simplifie à l’excès, au point de déformer ou d’ignorer les aspects les plus importants de l’existence, même économiques. Dubby disait en 1973 : « les pionniers de l’histoire économique surestiment l’importance du commerce et de la monnaie, sans se soucier des bases et des moteurs de l’économie. Les réflexions des économistes apparaissent moins utiles que celles des ethnologues. II. Définition de l’économie •
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L’ensemble des procédures sociales mises en œuvre pour la production, la distribution, la circulation, l’appropriation et la consommation des biens. Universalité du phénomène (toute société a une économie) et diversité des formes (chacune la réalise à sa manière). Chaque individu recherche le meilleur gain pour le moindre effort C’est la condition de la survie et de la progression de l’espèce Emmanuel Todd : L’illusion économique, 1998. Selon lui, l’économie appartient à la strate consciente de la vie des sociétés, basée sur ce qu’il y a en l’homme de plus simple : la logique de l’intérêt individuel. Il prend l’exemple de l’Europe dans l’Ancien Régime. Lorsque les individus sont confrontés à une pénurie des moyens de subsistances, le statut des femmes est relativement élevé, le nombre des interdits chrétiens augmente tels que l’interdit de l’inceste, la hausse de l’âge au mariage, l’augmentation du célibat définitif des hommes et des femmes et l’Etat exerce un contrôle des naissances avec une abstinence sexuelle. En Chine, le mariage était très précoce, mais le nombre d’infanticide envers les bébés filles a augmenté. Quant au Tibet, il s’agissait d’un bouddhisme tantrique avec la négligence de soins aux nouveau-­‐nés, l’élévation du taux de célibat et la polyandrie (une femme possède plusieurs époux). La diversité des réactions aux problèmes économiques reflète la pluralité des fonds économiques. Mais ce qui est important n’est pas la diversité des solutions mais le caractère inconscient du système de valeur partagé par le groupe. Les individus des sociétés ne sont pas conscients que le cadre est défini culturellement. Il y a des logiques économiques à l’intérieur d’un système particulier. Selon Todd, il existe une universalité des comportements économiques mais à l’intérieur d’un système particulier. Double mouvement de l’économie : L’économie participe toujours à un double mouvement : ascendant et descendant 3 Anthropologie économique •
2011-­‐2012 De la société vers la nature : procès du travail •
De la nature vers la société : ressources naturelles, produit du travail, distribution et circulation des biens, rapports sociaux de consommation. Biens de prestige et biens de subsistance : Une autre distinction fondamentale est la différence entre les biens de subsistance et les biens de prestiges a) Les biens de prestige •
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Les biens de prestige servent à soutenir des relations sociales particulières qui permettent de se différencier, témoigner des relations de parenté, des relations à la transcendance, à l’autorité, à la divinité. Les biens peuvent se superposer, c’est le cas de la royauté sacrée. Ces biens sont en compétition Il est difficile de se les approprier, ces sont des biens de rareté. La rareté vient-­‐elle de la nature ? Pour les haches polies, oui. Mais la rareté ne vient pas toujours de la nature. b) Les biens de subsistance Certains biens acquièrent un certain surplus. C’est la condition d’émergence de la société étatique. En effet, les sociétés se limitent rarement à assurer uniquement leur subsistance – on parle alors d’économie de subsistance ou d’autosubsistance. Il y a bien souvent plus de production que de consommation – on peut ainsi introduire le concept d’autosuffisance. Ce surplus peut servir lors d’échanges, de pratiques cérémonielles ou festives mais aussi à payer une autorité politique. Plus tard, arrive la sédentarisation liée à l’agriculture : la démographie augmente et l’économie marchande qui ne représentait rien il y a un ou 4 Anthropologie économique 2011-­‐2012 deux siècles se développe. Le surplus sert ainsi tout aussi bien à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur. III. La complexité de la réalité économique Dans les systèmes économiques, plusieurs systèmes coexistent : les systèmes marchands et non-­‐marchands. •
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Chez les chasseurs Badjoué, dans des projets de conservation de la nature, des Occidentaux ont offert du travail salarié aux chasseurs des forêts. Ce salariat a amené une inflation du cours de la dot et des biens et services. Cela a entrainé une augmentation de la pression anthropique et donc a paradoxalement augmenté la chasse au lieu de la diminuer. Cet exemple montre que le système marchand n’est pas le seul système existant. Un autre exemple est chez les orpailleurs Kota, le flux monétaire a amené une augmentation des valeurs des biens de prestige et donc une diminution du niveau de vie. En Argentine, la crise monétaire a eu des conséquences sociales dramatiques (taux de chômage) et il y a un passage à une économie du troc, une économie parallèle. En Amérique du Nord et en Europe, il y a une crise du lien social, avec la LETS et le SE – qui sont des systèmes d’entraide. Dans des systèmes économiques parallèles, il y a également les marchands d’armes, etc. Le troc est une forme particulière dans lequel l’argent joue un rôle relativement faible, comme le modèle de planification. La motivation économique amène des motivations d’ordre social. Cette motivation est montrée par les anthropologues depuis la fin du 19ème siècle. C’est un fait social total au sens de Mauss. Elle se produit autant dans les domaines marchands que 5 Anthropologie économique 2011-­‐2012 non marchands. Piero Manzoni parle des valeurs octroyées à un objet comme un « art conceptuel » : la valeur relève d’un jugement fait à son sujet. En conclusion, un même fait économique peut-­‐être interprété de façon très différente. IV. Evolution du concept d’anthropologie économique 1) Les économies primitives Elles sont considérées comme celles des sauvages, vivant à l’état de nature. Morgan avance que les sociétés primitives ont des moyens technologiques limités et n’ont pas d’échanges au sens économique. Il met en place le concept d’évolution de sociétés où une société primitive passe de stade en stade, avec comme objectif suprême l’Occident. A la suite de Morgan, les auteurs montre que les sociétés confondent économie et technologie. Mais petit à petit, il y a un intérêt pour le régime économique (cf. Jospeh Halkin). 2) La découverte de « phénomènes » économiques originaux Le Potlatch : Boas Le Potlatch est un mot d’origine Chinook. Des individus sont arrivés à une économie basée sur un modèle de sédentarisation sans passer par l’agriculture. Ces sociétés sont hiérarchisées et se concurrencent. Le mot Potlatch signifie donner ou don. Il a été vulgarisé pour des logiques de dons ostentatoires, de surenchères dans le don. Ces surenchères portent sur une accumulation de parures de coppers (plaque en cuivre plus ou moins décorée). Dans des grandes fêtes, ils partagent l’accumulation des biens. Ces potlatchs sont interdits très tôt par les Canadiens et Américains car ils y voyaient là l’occasion de gaspillage et de beuverie, en affirmant que les gens se comportaient comme ça, à cause du paganisme. Or le potlatch va continuer de façon clandestine. Boas arrive en 1886 et y voit un système de crédit, de prêt, d’intérêt analogue à l’économie capitaliste occidentale. Les Indiens seraient des capitalistes qui s’ignorent. Différentes interprétations : 6 Anthropologie économique •
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2011-­‐2012 Il n’y a aucune description ethnographique ancienne. Pour Benedict, les gens étaient des dionysiaques. Certains y ont vu un substitut à la guerre. Les formalistes ont une lecture avec une vue influencée par l’économie de marché occidentale. Meillassoux Un phénomène emblématique peut avoir plusieurs interprétations différentes et montre la relativité des interprétations anthropologiques. « Peut-­‐être les Indiens ont-­‐ils finalement inventé l’institution correspondant au concept des anthropologues… » Mauze (1986) La Kula C’est un vaste réseau d’échanges cérémoniel entre les habitants. La Kula se passe au large du SE de la Papouasie-­‐ Nouvelle Guinée. 7 Anthropologie économique 2011-­‐2012 3) Les deux grands ancêtres de l’anthropologie économique Malinowski Il s’inscrit contre les conceptions de l’époque et dénonce les idées reçues sur les sauvages •
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Le sauvage paresseux et imprévoyant est un mythe. Importance des motivations sociales et psychologiques Le sauvage n‘est pas purement rationnel et utilitariste dans son comportement économique. L’organisation du travail peut-­‐être complexe … Pour eux, la recherche du prestige, est essentielle. Dans un certain nombre de société, la surface des terres à cultiver, l’occupation de l’espace permet de diversifier le risque. Il y a aussi un prestige pour montrer l’occupation du territoire. Néanmoins, le terme de propriété ne se distingue pas d’une multitude de droit et de devoir qui lient les individus les uns aux autres. Les sauvages n’ignorent donc pas la propriété et contrairement aux idées préconçues, la propriété collective ne précède pas la propriété individuelle (Engels). Malinowski montre que l’activité économique fait partie d’un ensemble très vaste qui se rapporte à un ensemble d’activité sociale. Il annonce les idées de Mauss sur le fait social total. Malinowski a un rôle paradoxal car il ne s’est pas intéressé aux théories économiques et les montre de façon descriptive et en termes de « bon sens ». Ainsi, même s’il est à l’origine de l’anthropologie économique, il a instauré une méfiance vis-­‐à-­‐vis des anthropologues à propos des belles constructions économiques, ce qui a renforcé le fossé entre les économistes et les anthropologues. Mauss C’est l’autre grand précurseur de l’anthropologie économique. Mauss a peu publié, souvent des articles qui sont repris par ses successeurs. 8 Anthropologie économique 2011-­‐2012 Mauss est le neveu de Durkheim et essaye de saisir les phénomènes sociaux dans leur totalité. L’ « essai » est la première analyse systématique rassemblant des données de toutes les parties du monde. Les faits du don et contre-­‐don sont connus mais Mauss réagit contre les théories utilitaristes. Il met en évidence que les échanges sont des obligations régies par des lois strictes qui établissent des liens durables entre les individus : refuser un cadeau est très mal vu. Il est obligatoire de rendre. Donner est manifester sa supériorité et ne pas rendre, c’est devenir serviteur. Il y a une logique de don et contre-­‐don, qui sont totaux car ils renvoient à tous les aspects de la vie. •
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Economique : biens et services Politique: rapports entre gouvernants et gouvernés Juridique: règles de la vie en société Ethique : « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse » Affectif : générosité, honneur, amitié, amour, etc. Ex : les cadeaux Les logiques du don et contre don sont un des domaines les plus fertiles. 4) Les trois grands courants Les formalistes : A la fin des années 30, trois livres sont publiés. Tous les trois admettent que les théories économiques peuvent être appliquées dans les sociétés étudiées en anthropologie, dans les sociétés dites « primitives » •
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Firth Goodfellow Herskovitz C’est une façon de vérifier la validité des théories d’Occident avec le facteur de l’universalité. Le principe de base de ces théories est que les moyens sont rares et les besoins sont illimités, il faut donc faire des choix qui sont orientés selon une certaine préférence. Ces choix doivent être rationnels selon le principe de la maximalisation. Les substantivistes : Il y a une réaction aux formalistes menées par Polanyi et par Dalton. Selon eux, il y a une définition substantiviste de l’économie. La substantive dérive au fait que l’homme dérive de la nature et de ses semblables. Il y a interaction entre l’homme et son environnement. Le sens formel se base sur les fins et les moyens, l’individu pose des choix rationnels. Les substantivistes s’opposent à cette théorie formaliste. La seule chose rationnelle pour eux est que l’homme dépend de la nature et de la société pour assurer sa subsistance. Les lois dérivent de la nature et non de l’esprit humain. Toutes les communautés sont composées d’être humain dont l’existence repose sur l’interaction et l’approvisionnement. 9 Anthropologie économique 2011-­‐2012 Ce qui est important est de voir les mécanismes de récurrence. Ils proposent un nombre limité de modèles institués entre l’homme et la nature. Ils cherchent à comprendre comment la société acquière une certaine stabilité. Il y a trois grands modèles de circulation : •
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La réciprocité : A donne à B, B donne à A. Les groupes sociaux ont le mêmes poids. Ca permet de matérialiser les relations ; le rôle structure les sociétés traditionnelles. Dans les sociétés modernes, elle structurerait également mais aurait un rôle moindre (état vestigial). La redistribution : mouvement d’appropriation vers un centre, obligatoire. A reçoit de plusieurs B et A doit rendre. C’est le cas des leaders religieux ou politiques qui redistribuent à certains individus (création de groupes) L’échange : il se distingue dans trois modèles -­‐ Société sans marché. L’échange s’effectue dans des sphères séparées (échange des biens matrimoniaux, bien de prestige). -­‐ Marché périphérique : économie de marché marginal. Il y a des échanges autres, régie par la loi de l’offre et de la demande sur un lieu : le marché. Elle est donc limitée à l’échelle du marché. Aucun individu n’en retire l’essentiel de sa subsistance. Ca ne prend pas part à l’économie à grande échelle. Il y a une certaine étanchéité -­‐ Marché : toutes les sphères s’interpénètrent Pour Polanyi, l’économie de marché développée dans le monde occidental a eu un effet désastreux en séparant l’économie du reste de la société. Ses idées sont restées longtemps méconnues. Les marxistes : Ils sont très critiques par rapport aux autres courants. Ils reviennent sur tous les aspects et constatent que le débat entre formaliste et substantiviste se situe sur la rationalité des choix économiques. Pour eux, ce débat n’a pas d’intérêt car la rationalité des choix n’apprend pas beaucoup. Il faut plutôt essayer de comprendre la dynamique du système économique : pourquoi passer d’un tel système à un autre ? 10 Anthropologie économique 2011-­‐2012 Il faut étudier selon le schéma inspiré de Marx. Pour les marxistes, il faut partir d’éléments fondamentaux : l’analyse de la production des biens et non leur circulation. Il faut dépasser les apparences, aller au-­‐delà des discours des acteurs. Le prolétaire n’est pas conscient de l’exploitation qu’il subit, il faut comprendre les raisons d’apparition. •
La société Soninké de Pollet-­‐Winter. Meillassoux propose le mode de production lignagé qui consacre la domination des ainés sur les cadets. L’accès à la terre est facile mais les ainés contrôlent la production, la consommation et décident des échanges matrimoniaux. Les ainés contrôlent l’ensemble du système. Peut-­‐on dire pour autant que les ainés exploitent les cadets ? Le modèle des sociétés capitaliste est-­‐il cohérent ? •
La société Baruya de Maurice Godelier : Il constate chez les Baruya que le surplus est important : Il résulte du travail des femmes mais est mobilisé par le travail des hommes. Les femmes sont séparées de la richesse de la possession de la terre, ne peuvent toucher aux armes et sont exclues de connaissances ésotériques. Bref, elles n’ont pas de pouvoir de décision. Les hommes maintiennent leur main mise sur un discours de la sexualité avec comme thèse principale l’impureté des femmes. Cependant, Godelier n’explique pas ce qui fonde au delà du discours idéologico-­‐
symbolique, la domination d’un sexe sur l’autre, qui est un problème touchant au système social, symbolique et politique. Il fonde son discours sur base d’un modèle analytique occidental. Il montre que dans les sociétés traditionnelles, la détermination de la sphère économique pose problème : « Plus la structure de la division de travail est complexe, plus les activités économique acquièrent une autonomie relative … A l’inverse, plus une société est simple, moins il est possible d’isoler l’économique des autres éléments de la vie sociale, et plus l’analyse d’un mécanisme apparemment économique sera complexe puisque toute la configuration sociale se trouve directement présente au cœur du mécanisme » (1968) 11 Anthropologie économique 2011-­‐2012 V. Circulation des biens 1) La circulation des biens et la monnaie traditionnelle : Les sociétés humaines échangent depuis toujours des objets variés allant du diamant à la vache et l’être humain, ayant des fonctions différentes. 2) Une monnaie : un problème de définition Comment définir la monnaie ? Une monnaie doit au moins : 1.
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Etre acceptée en paiement Etre utilisée comme médium d’échange Correspondre à un étalon de valeur Etre reconnue comme symbole de richesse Etre un moyen de paiement retardé, à crédit Etre fongible : un billet de 50 euros peut-­‐être remplacé en deux billets de 20 et un billet de 10. La vache par exemple n’est pas fongible car chaque vache est différente. 7. Permettre de thésauriser 8. Servir d’unité de compte D’autres modèles n’ont que l’une ou l’autre caractéristique, peut-­‐on dès lors le caractériser de monnaie ? Selon le modèle occidental, peu d’objets vont être considérés comme monnaie. Cela renvoie au théorème de Watanabe : il est impossible d’établir une préférence car c’est toujours de façon arbitraire, ça exprime un facteur de préférence d’un objet sur l’autre. Un consensus existe et reprend les quatre premiers critères comme critères minimums. Le problème se situe également par le fait qu’il n’y a pas de taxomanie, pas de ligne linéaire. Indépendamment des circonstances des caractéristiques, les caractéristiques de l’usage et du contexte sont importantes : •
Quoi ? Qu’est-­‐ce qui peut être payé avec la monnaie ? On ne peut, par exemple, pas acheter un être humain. Pourtant, à l’époque, une personne pouvait payer une autre personne pour qu’elle fasse le service militaire à sa place. 12 Anthropologie économique •
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2011-­‐2012 Qui ? Qui peut effectuer les paiements ? Les femmes avant n’avaient qu’un accès limité au compte en banque. Quand ? Paiement instantané, différé Comment ? Quelles procédures ? Caisse, à crédit, vente publique ? C’est pourquoi il est important de replacer la monnaie dans un contexte social, symbolique et économique. Exemple 1 : Les îles Solomon chez les Buins W. THURNWALD, 1934. Pigs and currencies in Buin Chez eux, la monnaie consiste en un enfilage de coquillages : les femmes, les cochons et les coquillages sont échangés. Ces coquillages font l’objet de prêts. On se trouve dans une société hiérarchisée et héréditaire : l’usage des coquillages est réservé l’aristocratie et les femmes ne peuvent s’en servir pour acheter de la nourriture. Ils servent comme biens de prestige. Exemple 2 : Ile Rossel W. Armstrong, 1924. Rossel island money, a unique monetary system Ils ont une monnaie composée de deux séries de coquillages : les Ndap et les Kö La vie sociale s’organise selon des obligations impliquant des paiements. Pour s’acquitter de ses paiements, il faut avoir récolté des coquillages. Sinon, il y a un système de prêt (système élaboré de crédit) où chacun cherche à placer sa monnaie de la façon la plus intéressante pour se faire un bénéfice monétaire et ensuite la prêter. Par ailleurs, ces échanges sont faits dans un système fermé et qui relève non pas de pratiques mercantiles mais d’un système de don et contre don. Le but n’est pas d’accumuler mais de montrer socialement l’étendue des relations sociales. Le contre-­‐
don ne doit pas être restitué tout de suite sinon, ça signifie que la personne ne veut pas de la relation sociale. Exemple 3 : Les Kapauku L.G. Pospisil, 1963. The Kapauku of West New Guinea Au large de la Nouvelle-­‐Guinée chez les Kapauku, les coquillages ont un rôle très important. Selon Posposil, il s’agit de spéculer, d’obtenir du prestige. Chaque individu peut utiliser la monnaie pour obtenir ce qu’il veut ou pour que quelqu’un fasse ce qu’il veut. Il n’y a pas d’interdits moraux. Il existe cependant des limites par rapport au prix du terrain, et un vieillard ne peut pas vendre ses terres sans l’accord des fils adultes (pour éviter qu’un vieillard sénile ne se laisse amadouer). 13 Anthropologie économique 2011-­‐2012 Exemple 4 : Les Baruya M. Godelier, 1969. La monnaie de sel des Baruya de Nouvelle-­‐Guinée Les Baruya produisent des barres de sel, qui viennent des cannes à sel. Ce sel sert à l’échange à l’intérieur du groupe mais principalement avec ceux des groupes extérieurs. Ils échangent contre des haches, des capes d’écorce pour se protéger de la pluie, etc. A la différence des autres objets, seul le sel peut s’échanger contre tous les autres articles. Le sel est donc un médium d’échange. Ils pensent en terme de satisfaction du besoin collectif. Il échange pour la famille. Le travail n’est pas une fin en soi, il en parle en dernier recours. Le sel est donc une marchandise que l’on donne pour les autres et pour soi. Il jour donc le rôle de monnaie. Exemple 5 : l’Occident En Occident, des monnaies sont utilisées sur base d’objets. On peut mentionner les perles en plastique utilisées dans les Clubs Med. Exemple 6 : les cigarettes C’est le même cas que les perles en plastique. Pendant la seconde guerre mondiale, les cigarettes servaient de monnaies d’échange. Elles étaient amenées par la croix rouge, qui n’était pas toujours régulière, si bien que parfois, l’approvisionnement était difficile. En Roumanie, les objets d’échange étaient les paquets de Kent. Exemple 7 : Congo Mary Douglas, 1977. The Lele of the Kasai Mary Douglas a décrit l’usage des carrés de raphia au Congo. Les Lele utilisent les carrés de raphia qui peuvent aussi bien servir de pagne que de moyen de paiement. •
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Dans les cas du mariage, les raphias sont empruntés : en demandant à l’ensemble de la famille, cela montre que la famille donne son accord au mariage. Cela montre sa bonne réputation. Ils servent à exprimer des dettes, des prêts, transmission par héritage et sont gérés par l’homme le plus vieux du matriclan. Il y a eu une grande résistance de la part des vieux face à la monnaie occidentale. Comme chez les Baryua, il y a une nette différence entre l’intérieur et l’extérieur du groupe. Exemple 8 : Nigéria P. Bohannan, 2000. The Tiv (The Tiv : an African people form 1949 to 1953) Chez les Tiv du Nigéria, la sphère des échanges économique se divise en trois sphères : •
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Sphère de subsistance : aliments, ustensiles, outils, troc (pas de monnaie) Sphère de prestige : esclaves, bétail, charges et vêtements rituels, plantes médicinales, barres de laiton (médium d’échange) Sphère matrimoniale : femmes 14 Anthropologie économique 2011-­‐2012 Il n’y a pas de médium commun aux trois sphères. L’existence de sphères distinctes serait caractéristique des sociétés traditionnelles. Avec l’introduction de la monnaie occidentale, une quatrième sphère se crée : •
Sphère occidentale : biens importés en monnaie occidentale Conclusion : Tous les aspects de la monnaie varient d’une époque à l’autre. Dans l’anthropologie économique, la monnaie est caractéristique de la vision. Il y a une différence entre les approches formalistes et substantivistes. C’est la même monnaie pour une vaste série d’usage. Les substantivistes mettent en évidence des sphères distinctes et montrent l’étanchéité. Dans des sociétés, la monnaie a un usage restreint. En Occident, les monnaies sont souvent personnalisées, elles ont un pédigrée. La valeur est d’autant plus importante qu’il peut faire état de son pédigrée (exemple fictif : histoire du billet de 500 euros). C’est à partir de ces variations, que Godelier différencie les monnaies primitives. Ainsi, la définition varie selon les écoles et les auteurs. Il est erroné de croire qu’il y a une définition générale. Chacune doit être remise dans son contexte car elles ont une grande importance sociale mais ne servent pas à satisfaire les besoins primaires (denrées de subsistances). Au final, ce qui a été considéré comme monnaie sert à payer et sert à mesurer une valeur. 3) Différentes étapes de l’émergence de la monnaie Il est possible de reconstituer l’émergence des monnaies en différentes étapes. La première étape est qu’il y a un certain nombre d’objets de valeur (de prestige) : ces objets sont recherchés •
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Valeur pratique : subsistance : la vache, le sel, les graines, le houx, les outils, les hameçons et à la défense. Valeur symbolique : ce sont les signes d’appartenance, ayant un pouvoir magique comme des amulettes, valeur de curiosité, Esthétique : des coquillages, des plumes, le métal, le cuivre. Composite : mélange entre plusieurs des catégories. Ensuite, indépendamment de l’utilité des objets, la valeur de ces objets est liée à leur rareté relative : •
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Travail Eloignement de la source Rareté dans la nature Si l’on combine ces deux éléments, les objets sont précieux car ils sont utiles et rares. Parmi les différents objets précieux, certains peuvent avoir été utilisé dans le cadre d’échanges sociaux, à l’intérieur ou à l’extérieur du groupe. Ces objets deviennent donc des marchandises reines. Un de ces objets finit par être un médium d’échange (currency), facilite ces échanges et permet d’établir un pédigrée. Ainsi, le prestige successif s’ajoute à sa valeur d’usage et de rareté. Par exemple, les bâtons en forme de 15 Anthropologie économique 2011-­‐2012 lance en Afrique servaient à chasser. Petit à petit, ils sont devenus de plus en plus grands, si bien qu’ils étaient inutilisables. Ils sont devenus des biens de prestige. Certains échanges sont limités à un usage restreint car limité à certaines sphères. Ils ne servent pas à se procurer des aliments. Ce sont des moyens de paiement souple. Ils peuvent être considérés comme monnaie mais avec un « special puprose currency ». Outre ces raisons sociales, d’autres facteurs de commodité entre en ligne de compte : •
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Ni trop rare, Ni trop périssable Reconnaissable : ex dans le royaume Kongo, des petits coquillages étaient copiés. Manipulable : ex des anneaux de pierre d’une tonne Groupable, Eventuellement divisible Standardisé Pas trop de fluctuation Les croisettes du Katenga : croisette de cuivre Au départ des lingots de cuivre sont devenues des monnaies. Si un médium d’échange possède les qualités, il peut devenir un modèle universel. Cela devient une monnaie polyvalente. Cette monnaie vient avec l’apparition de l’économie marchande, bien que tout ne se monnaie pas. 16 Anthropologie économique 2011-­‐2012 ANTHROPOLOGIE DE L’ENVIRONNEMENT I. Mesurer la pression anthropique sur le milieu naturel La complexité des paramètres utilisés pour mesurer la pression anthropique sur le milieu anthropique est démontrée. Par contre, il est important de souligner la complexité des dynamiques économiques. •
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Pression anthropique : jusqu’à quel niveau de prélèvement, un milieu naturel est-­‐il en pouvoir de se reproduire ? Capacité de charge : c’est un seuil au delà duquel un milieu naturel n’est plus apte à maintenir un taux de reproductibilité soutenu. En parlant de milieu naturel, on parle d’écosystème, de dynamiques écologiques. Les espèces influent les unes sur les autres. 1) Vision de Hardin Hardin, G. 1968 « The tragedy of the Commons » Science, 168, 1243-­‐8 Dans les politiques de gestion de l’environnement, il y a des positions qui supposent l’économie. Selon Hardin, lorsque les êtres humains sont organisés collectivement, ils sont mus par une rationalité économique qui les poussent à exploiter un maximum de ressources : augmenter leur profit et valoriser l’utilité de la ressource tout en minimisant les coûts en terme de gestion. Cette position renvoie aux formalistes aux les substantialistes. C’est un présupposé universel propre au système économique capitaliste. Cela serait un comportement observable partout dans le monde. La surexploitation des ressources La gestion collective de ressources naturelles produit une surexploitation des ressources et donc mène à la disparition de ces ressources. Chaque individu, mû par la volonté de maximiser son usage individuel tout en distribuant les coûts de l’usage épuiserait au final les ressources. Prenons l’exemple d’un pâturage : la collectivité, en vue de maximiser l’usage du pâturage, aurait tendance à ajouter des bêtes. Cette vision de Hardin est présente dans la façon d’appliquer les politiques de l’environnement. 2) Vision d’Ostrom La position de Hardin fait objet de beaucoup de débats, notamment d’Ostrom – qui a reçu le prix Nobel d’économie en 2009. Dans ses recherches, elle montre que la gestion des ressources naturelles par les collectivités témoigne d’une gestion optimale de ces ressources. Ainsi, cette gestion ne mène pas nécessairement à la surexploitation à partir du moment où il y a des arrangements institutionnels. Ceux-­‐ci ne conduisent pas à l’effondrement des écosystèmes. La théorie accorde une importance fondamentale à la donnée démographique. La pression sur l’environnement est le fait d’une population trop importante et la gestion de la démographie permettrait de gérer les ressources. 17 Anthropologie économique 2011-­‐2012 On arrive à une théorie malthusienne -­‐ caractérise un état d'esprit conservateur qui s'oppose à l'investissement et craint la rareté. La ressource est surexploitée, ce qui implique une chute démographique et donc une diminution de l’exploitation. 3) Vision des sciences sociales et géographiques Cette vision sous-­‐jacente est remise en cause par les tenants des sciences sociales, géographiques, etc. Dans ce cas, la capacité de charge d’une société humaine n’est jamais liée aux ressources naturelles d’un territoire géographique déterminé. La pression anthropique ne relève pas d‘un rapport mécanique entre ressources naturelles et démographie. La capacité de charge est considérée comme devant être approchée en lien avec un système d’exploitation. L’accès aux ressources naturelles est filtré par une combinaison de facteurs déterminant du système d’exploitation (combinaison travail/terre/capital) ainsi que par des choix en termes de technologie et d’organisation sociale. Ces trois éléments, suivant la façon dont ils s’agencent, détermine une exploitation des ressources particulière dont la pression est induite sur les ressources naturelles. Godelier dit que les rapports de l’homme à la nature sont « l’expression des rapports des hommes entre eux ». Ces rapports recouvrent les trois facteurs ci-­‐dessus. Le dispositif social est donc vu comme médiatisant les rapports à l’environnement. La théorie des sciences sociales s’oppose à la théorie sociobiologique de Hardin dans laquelle les rapports à l’environnement sont conditionnés par une double rationalité économique et démographique et sont poussés à dépasser la capacité de charge des milieux naturels. Conclusion La combinaison des facteurs ci-­‐dessus – à savoir : le système d’exploitation, les choix technologique et l’organisation sociale – amène différentes approches. Des écrits vont mettre l’accent sur le déterminisme culturel, l’autre sur un déterminisme environnementaliste. 18 Anthropologie économique 2011-­‐2012 II. La prise en compte des critères économiques 1) Coexistence de systèmes économiques : Il existe plusieurs types de systèmes économiques : •
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L’économie officielle L’économie pirate (plagiat, copie qui s’inscrit dans l’économie informelle) L’économie mafieuse L’économie démonétisée : les anthropologues considèrent que différentes monnaies qui ne consistent pas en une monnaie démonétisée. Ces économies sont plus ou moins connues de l’Etat et certaines peuvent être mesurées. Polanyi : Polanyi, en 1983 dans La grande transformation, affirme que le marché n’est pas l’unique vecteur des activités économiques, qu’il y a d’autres principes économiques tels que la réciprocité, la redistribution et l’administration domestique. Il réfute ainsi le seul prisme du marché et de la maximisation des intérêts individuels de l’homo oeconomicus. Il considère qu’il y a une complémentarité, des principes économiques mûs par des intérêts différents. •
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Réciprocité : elle amène à des rapports de solidarité Redistribution : Elle se pose en terme de pouvoir Administration : Elle permet la reproductibilité des ressources Gudeman : The anthropology of economy. Community, Market and Culture. L’économie résulterait de la dialectique entre l’économie de marché et communautaire. Il revisite toute la littérature et montre que dans chaque situation l’organisation économique est un lien entre une dimension de marché et communautaire avec des degrés différents. Pour ce faire, il s’appuie sur une base de 500 cas et propose un modèle interprétatif, différent des théories néo-­‐classiques. Dans la théorie néo-­‐classique, le marché est central, il dynamise les interactions économiques. L’économie communautaire est marginale et n’entre dans le marché que pour échanger le travail contre un salaire. Les maisonnées vendent des matières premières, achètent des biens, épargnent. Selon Gudeman, les marchés coexistent aux côtés des communautés qui interagissent avec le marché mais entre communautés également. Chez les néoclassique, l’interface entre les communautés est oubliée. Par exemple, les communautés sont constituées de maisonnées dans les théories néo-­‐classiques. Les communautés sont constituées de maisonnées et d’interaction entre communauté selon Gudeman. Notons que le modèle de Gudeman ne présente pas un clivage, c’est un modèle qui réfléchit sur le communautaire au sein de l’économie de marché. Dominante économie communautaire : Ces économies sont caractérisées par des échanges particuliers avec des notions de prestiges et de réciprocités. Toutefois, historiquement, ces systèmes économiques 19 Anthropologie économique 2011-­‐2012 n’étaient pas étrangers au marché. Ils étaient inclus dans le commerce triangulaire : Indiens-­‐Blancs-­‐ Asie. •
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USA, Potlatch ; Pacifique, Kula : Il y a des écrits actuels sur la Kula, ce qui montre que ce type d’économie persiste au sein de l’économie de marché (qui a pris de l’ampleur). Les îles Trobriandaises (Weiner/film) : Weiner s’intéresse aux échanges entre femmes et à la circulation de valeurs particulière. Dominante économie de marché : Il s’agit de valeurs d’échanges qui ne sont pas des monnaies officielles et qui s’inscrivent dans une économie de marché dominante, de type moderne. •
La Russie rurale : Hivon, « Payer en liquide . L’utilisation de la vodka dans les échanges en Russie rurale ». Ethnologie Française, XXVIII 515-­‐525. Hivon a réalisé une étude de cas. Elle observe qu’il n’y a pas que de l’argent qui circule en Russie mais qu’il y a là tout un système de dons et d’échange par l’intermédiaire des bouteilles de vodka. Cela pourrait ressembler à du troc. Mais cet échange de dons présente les caractéristiques d’un échange marchant car il est ponctuel, n’implique pas une continuité et n’est pas marqué par une certaine solidarité. Une communauté villageoise s’échange des bouteilles de vodka, de l’argent et du troc, en notant que les quantités de bouteilles de Vodka sont assez importantes. Dans ce contexte, une ferme d’état, une maison de repos et une société forestière s’échangent des biens et services, non pas à l’échelle des individus mais des institutions. Les communautés, quant à elles, échangent des biens et des services et proposent leur force de travail contre un salaire aux institutions. Hivon est interpellée par la quantité de bouteille qui circule. Selon elle, la vodka peut-­‐
être considérée comme de la monnaie. Dans le système économique, c’est une monnaie 20 Anthropologie économique 2011-­‐2012 forte et stable tandis que le système officiel est caractérisé par l’inflation et une perte de valeur de l’argent traditionnel. Complémentairement, la vodka a une valeur culturelle importante et marque des moments importants de la vie privée et professionnelle. Puisque la quantité de vodka est supérieure au besoin de survie, cet alcool est consommé et est stocké. Ainsi, un même objet fait office de monnaie et de valeur d’usage. De plus, il est utilisé en tant que monnaie d’échange dans un système de troc mais également dans un système d’achat. •
Dons d’argent lors de fêtes : La monnaie traditionnelle perd sa valeur de monnaie pour prendre momentanément pendant la fête, une valeur de prestige. Par exemple, des mariés couverts de billets de banque, affichent des formes de reconnaissance de la communauté : plus il y a de billets, plus ça montre leur popularité, leur lien à la communauté. Il y a une perte de valeur des billets en tant qu’étalon de mesure. Cela amène à la conclusion que l’économie est faite de moments, moments caractérisés par certains types d’échanges. Salhins : Salhins en 1965 dit qu’on peut classer les échanges sur un continuum allant de l’économie de marché à l’économie communautaire suivant l’importance attribuée à la distance sociale. Réciprocité Réciprocité généralisée équilibrée Solidarité donneur-­‐ Forte Intermédiaire donataire Valeur quantitative Faible Considérée comme des choses données équivalent ou reçues Durée pour le Tient compte du Bref, sinon retour du don donataire dissolution du lien Réciprocité négative Néant Néant Marchandages purement utilitaires Remarquons que lorsque Salhins parle de réciprocité négative, il fait référence au système de marché capitaliste. Grégory : Selon Grégory, les échanges marchands et les échanges de dons doivent se trouver sur un continuum : Objets Echange marchand Aliénables Société à marchandises capitalistes Echanges de dons Inaliénables Partenaires Indépendants rapports Quantitatifs Dépendant Qualitatifs 21 Anthropologie économique 2011-­‐2012 Société à dons, traditionnelle à Ces deux auteurs – Salhins et Grégory – montrent la complémentarité des systèmes marchands et des systèmes communautaires. Ils ne les opposent pas. 2) Coexistence de valeurs d’échange au côté de la monnaie officielle du pays Blanc : Typologie des instruments monétaire… Dans la littérature en économie sociale, on va parler de toutes sortes d’instruments monétaires. Blanc propose sur base d’une étude réalisée en 1988-­‐1996 dans 136 pays, 480 exemples d’instruments monétaires complémentaires à la monnaie nationale. Par exemple, dans certains pays, le dollar peut aller de paire avec la monnaie nationale. Dans certains cas, l’économie sociale va reléguer ces objets dans du non-­‐monétaire alors que l’anthropologie économique considère cela comme monétaire. Les valeurs d’échange prennent diverses formes, il n’y a pas de limite fixe. Les monnaies fondantes : Il y a des monnaies qui ont des comportements particuliers. C’est le cas des monnaies fondantes qui perdent de la valeur si elles ne circulent pas. Cela est surprenant car en général, ce sont les réserves de monnaies qui donnent de la valeur. Ces monnaies fondantes cohabitent avec le système de l’économie de marché et apparaissent en réactions aux crises financières et à l’hyperinflation. •
Bourse de travail d’Owen (1832) : Valeur, « prix » en nombre d’heures de travail, au début du capitalisme au sein de communautés ouvrières. Les ouvriers peuvent se procurer des biens de l’usine, la valeur des biens étant mesurée en nombre d’heure de travail. Les produits sont vendus au juste prix, en terme de temps qu’il a fallu pour les créer. •
Xelim Libre, Autriche (1930) : Monnaie utilisée pour faire face à l’insatisfaction des besoins. Il y été repris sous contrôle de l’état après quelques années. 22 Anthropologie économique 2011-­‐2012 •
LETS/SEL : On le retrouve dans le monde à économie de marché dans des situations de crises économiques, de précarité. Ce système d’échange s’opère au niveau local (LETS : local employement and train system/ SEL : système d’échange local) et est conditionné par la rapidité des échanges. Il faut prester et contre-­‐prester les services dans un temps limité. Par exemple, Si A repasse le linge de B pendant une heure, B ira garder les enfants de A l’après-­‐midi. •
Campino real (Sao Paulo 1993 – 1994) : Il permet à la localité de satisfaire à ses propres échanges, tandis que la monnaie nationale est utilisée pour les échanges extérieurs. Ca a été mis en place par les autorités. « Club de troc », Argentine : Face à la situation catastrophique des années 80, des échanges permettent aux citoyens d’acquérir des biens. Malgré l’appellation, ce ne sont pas des trocs mais des échanges médiatisés par des monnaies parallèles. C’est la valeur temporelle qui est prise en compte pour mettre un prix. Ce phénomène a pris une ampleur telle que les groupes d’échanges devenaient trop importants et l’Etat a voulu y mettre fin. De plus, il y avait beaucoup de fraudes. •
3) Complexité de la mesure des flux économiques : Godefroit : 2001. « la part maudite des pêcheurs de crevettes à Madagascar ». Etude rurale, Juillet-­‐décembre 159-­‐160 : 145-­‐172 Godefroit parle d’une économie de front pionnier avec une population flottante insérée dans des flux migratoires et une économie de ressources spécialisées et intensives (ici des crevettes). Les flux de migrants (ici les pêcheurs) sont des personnes seules. A leurs côtés se trouvent des armateurs ainsi que des marchandes de crevettes. Godefroit a réalisé des enquêtes de budgets familiaux pendant deux ans en s’attardant sur les gains et dépenses du noyau familial. L’étude montre la présence de dépenses importantes et très rapides qui ne sont pas réinvesties dans le domaine familial. Il n’y a pas de reproductibilité du capital domestique, les dépenses sont non productives puisqu’elles n’améliorent pas la qualité de vie. •
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Bataille parle de consumation dans l’alcool et la prostitution. Les gens, pour oublier leurs conditions de vie, dépensent leur argent dans l’alcool et la prostitution. Walsh parle de « conspicuous consumption » : consommation compulsive De Boeck, quand à lui parle d’une économie de l’éjaculation. Cette littérature met en avant que les dépenses ne sont pas toujours productives. Par ailleurs, des catégories sémantiques sont mises en place pour exprimer ce phénomène : •
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Bruleurs d’argent : les hommes dépensent leur argent sans compter. Dévoreurs d’argent : ce sont les armateurs et les commerçantes de crevettes car ils investissent dans la filière de la crevette. Argent chaud : l’argent est trop chaud, il ne peut tenir dans la main. Il doit être dépensé tout de suite Argent froid : argent qui est utilisé de façon productive, qui est réinvestit. 23 Anthropologie économique 2011-­‐2012 Ici, il s’agit d’un contexte social atomisé. Le fait d’offrir n’induit pas un renforcement du lien social. C’est de la dépense ostentatoire mais ça ne renforce pas le lien social. Annette Weiner : On va continuer sur la complexité des échanges économiques. On va voir comment mesurer les entrées et sorties d’un budget familial en fonction du moment de la vie économique (en lien avec le rapport entre les sphères des échanges et du communautaire). Mais avant cela, abordons Annette WEINER. Elle a écrit « La richesse des femmes ou comment l’esprit vient aux hommes » (1983) et, dans la revue Mauss, « La kula et la quête de la renommée » (1986). Elle a travaillé sur le même terrain que Malinowski. Selon elle, il y a aussi des échanges de prestige chez les femmes. Cela s’oppose à l’approche quelque peu androcentrique de Malinowski. Aussi, les échanges économiques sont en rapport avec la construction du pouvoir. Les échanges de valeurs entre femmes contribuent à renforcer le pouvoir masculin. On est dans une société matrilinéaire mais le pouvoir transite via l’oncle maternel et le neveu utérin. On est également dans une organisation sociale stratifiée avec des chefferies polygynes et des roturiers. Cette organisation sociale et politique est en plein dans la modernité. La chefferie est occupée par des figures politiques : des « big men », à savoir des autorités coutumières, des politiciens modernes, des hommes d’affaires et des capitalistes. Soulignons également qu’il y a connexion entre la valeur de l’argent/monnaie nationale et les autres formes d’échange (d’objets dont la valeur fluctue au fil du temps, change d’aspect, comme par exemple des jupes de raphia). Film vu au cours : « Trobriand Islanders of Papua New Guinea (RTBF, 1990) » (A. Weiner). La logique du prestige social s’oppose à celle du profit. Il faut détecter leurs interconnexions dans le film. Il faut également trouver : •
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Les différents types d’échange (y compris l’argent) En quoi ils constituent des monnaies Leur évolution au cours du temps et le lien avec la modernité (Mes notes pendant le film :) 24 Anthropologie économique 2011-­‐2012 1) Les ignames : après leur récolte, une période de fête. Une maison pleine d’ignames est le symbole du pouvoir du chef (qui se transmet par l’oncle). 2) Dans le village de Kwaibwaga, Annette Weiner détecte des échanges de liasses de bananier entre femmes. Elles deviennent une monnaie fiduciaire, un type de monnaie chez les femmes (pour acquérir des noix de bétel, du riz ou du tabac par exemple). 3) Les cochons. 4) Les femmes sont une puissance économique. Plus on a d’épouses (pour les chefs seulement qui sont polygames), plus on est puissant. Car beaucoup d’hommes (les frères des femmes) cultiveront l’igname pour le chef qui a beaucoup d’épouses. 5) Les jupes (de raphia) sont une monnaie au même titre que les liasses 6) Certains achètent du tabac ou du poisson avec de l’argent. Avec le tabac, ils peuvent acheter des liasses de bananier. Il y a donc des monnaies intermédiaires. 7) Un exemple du film : une femme a besoin de beaucoup de liasses car elle est en période de deuil (un proche est mort) et ce pour une cérémonie : le sagali (on y donne des jupes également). 8) Dans ce contexte, il faut, pour être puissant (c’est une question de prestige), beaucoup donner plutôt que recevoir. Par exemple, un nouveau chef doit faire des cadeaux pour le chef défunt. S’il n’y arrive pas sans une aide matériel d’un autre chef, son prestige est entamé. (Explications Mme Joiris en plus de mes notes :) •
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On nous dit dans le film que la dynamique de marché est au service de la dynamique communautaire (exemple : l’argent va au côté de l’igname et des jupes lors du sagali). Les changements de forme (la modernité) ne vont pas entamer l’axe central de l’organisation sociale (donner est important). Au niveau de l’économie de l’igname, on ne le stocke pas pour le consommer mais en tant que valeur d’épargne. L’igname perd toutefois de sa valeur s’il est stocké trop longtemps. On doit le faire circuler, rendre autant qu’on a reçu. Si on rend moins, on perd en prestige (chez les chefs notamment). Au niveau de l’échange de rituels en lien avec la mort, le sagali doit être le lieu d’échanges spectaculaires. C’est une façon de s’imposer face à la mort. Pour le traitement de la tombe, de l’argent national est réinjecté dans le réseau d’échange. Il y a une chaîne de production : récolte-­‐ période de fête-­‐ repiquage. C’est le résultat d’une imbrication de l’économie dans le communautaire. On a une organisation sociale stratifiée qui est sous-­‐tendue par une organisation économique particulière – un agencement du système de production – qui est à mi chemin entre la logique marchande et d’échange. L’igname est produite en fonction de ces deux économies. On est loin d’un schéma de subsistance. Le chasseur Bajoué : L’autre exemple est celui du chasseur Badjoué. Ils ont là un mode de gestion implanté sur la logique de marché. L’introduction du salaire est censée diminuer la pression de la chasse mais l’augmente. L’interface avec l’environnement est mise en évidence, avec 25 Anthropologie économique 2011-­‐2012 une pression anthropique ainsi qu’une réflexion. Cette pression est induite par des impératifs économiques. Sphères économiques de circulation des ressources naturelles : Il y a des éléments qui relèvent de l’économie de marché et de l’économie communautaire. On peut donc placer la réflexion à l’échelle que l’on veut. On peut réfléchir en alignant les entrées dans le budget... •
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E3 : On a des entrées qui viennent des ressources naturelles, E2 : du marché du travail avec des flux officiellement monétarisée ou des valeurs d’autres ordre – bons, etc. Ce sont des unités de valeur mesurables, quantifiables. La quantification des flux est possible. •
E1 : les flux économiques peuvent être de l’ordre du communautaire mais peuvent être monétarisés (jupes, raphias, etc.), mesurés avec des équivalents. Il existe également des flux non-­‐monétarisée (échanges de biens contre biens). 26 Anthropologie économique 2011-­‐2012 On passe alors du quantitatif au qualitatif. La conception néo-­‐classique de l‘économie ne prend en considération que les flux monétarisés. Et les sorties : •
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S3 : A aucun moment on ne se trouve à un niveau d’autoconsommation. On a une quantité importante de ressources naturelles qui rentrent dans un autre flux économique que la subsistance (dons, etc). De plus, on consomme ce qu’on achète. S2 : La famille est intégrée dans un réseau d’échange – échange intracommunautaire. Les ressources naturelles arrivent par le biais de l’achat d’un autre terroir. Il y a donc trois écosystèmes concernés par la pression anthropique dont l’unité familiale S1 : En ce qui concerne S1, il y a l’accumulation qui vient de l’économie communautaire (valeurs fondante) et du marché (valeur à intérêt où elles prennent de la valeur au moins elles circulent comme les banques). Suivant le profil économique de l’unité domestique, ces unités adoptent des postes différents. La pression anthropique dépend des caractéristiques de l’unité familiale (démographie, la superficie des terres, organisation politique, la stratification, la religion). Ces facteurs sont à la base de l’explication du profil général de l’unité. Dans « gouvernance des biens communs » d’Ostrom, le propos central est la pression anthropique et la capacité de charge. Selon elle, les biens communs peuvent être gérés durablement et les interactions entre les sociétés et les écosystèmes sont déterminées par plusieurs facteurs. Elle montre le caractère multifactoriel des interactions entre les hommes et les écosystèmes. Elle fonde sa théorie sur des observations empiriques et elle étudie la façon dont les problèmes environnementaux sont résolus de manière satisfaisante ou non. Elle a étudié la tenure communale de prairies et de forêt, les communautés d’irrigation, les droits relatifs à l’usage de l’eau et aux sites de pêches. Son approche empirique pose un regard proche de l’ethnographie. Elle fait de l’économie des organisations. III. La prise en compte des critères socio-­‐environnementaux 1) Les arrangements institutionnels L’anthropologie de l’environnement s’intéresse à l’aspect écologique mais aussi aux arrangements institutionnels et aux structures socio-­‐politiques qui interfèrent avec la façon de gérer l’environnement. Les phénomènes économiques sont conditionnés par l’interface avec l’environnement. Certains aspects relatifs à la capacité de charge sont problématiques : on a une communauté au centre imbriquée dans des relations intra, inter et supra communautaires. 27 Anthropologie économique 2011-­‐2012 Or, cette réflexion est intenable car les systèmes sont mouvants. On dit qu’un système économique est inclus dans cet univers interrelationnel avec le social et l’économique. Ainsi, les facteurs explicatifs mobilisés dépendent de l’école. 2) Les facteurs explicatifs La vision adaptative : Elle a été développée au sein de l’école de l’écologique culturelle et débouche sur l’anthropologie écologique et le matérialisme culturel. L’anthropologie écologique se développe à partie des années 50 aux USA. Elle fournit une explication de l’économie en tant que produit de l’adaptation à l’environnement à des contraintes environnementales. C’est une rationalité matérialiste, utilitariste et adaptative qui induisent une infrastructure particulière, elle-­‐même induisant une structure pour enfin atteindre une superstructure. Les contraintes de l’environnement déterminent le culturel. 28 Anthropologie économique 2011-­‐2012 Le fondateur de cette vision est Steward en 1955 qui élabore une théorie générale du changement culturel. Elle relève d’une forme de diffusionnisme multilinéaire. Rappaport, un de ces disciples, écrit « pigs for the ancestor » : il s’agit d’une étude quantifiée, longue, mesurée. Dans cet ouvrage, il montre que l’organisation politique et rituelle de la société Tsemba est déterminée par la contrainte de la régularisation d’une population animale particulière. On se trouve dans une économie d’horticulture, de chasse, de cueillette avec l’élevage de porcs qui logent en dessous d’une maison sur pilotis. Cette cohabitation ave les porcs n’est possible que jusqu’à un certain stade car ils sont en compétition sur les mêmes ressources naturelles : il faut que le taux de reproduction des porcs soit régulier. C’est pourquoi, tous les dix ans, il y a des abattages rituels de porcs, rituel exercé pour une raison écologique. Ce rituel contribue à l’équilibre de l’écosystème. Chez Harris, on se trouve dans un matérialisme culturel où les vaches sacrées ont une raison écologique pour le maintien de l’environnement naturel. Ces auteurs font référence au concept d’adaptation, de capacité de charge et de dépenses énergétiques. L’écologie culturelle a fait l’objet de critiques, notamment avec Lévi-­‐Strauss et Salhins. Ce sont des études dépassées même si elles présentent l’intérêt d’avoir produit des données fines, écologiques et anthropologiques et qui restent prégnantes dans la façon de poser les questions. Avec cette conception, l’impact anthropique n’est pas prévisible ni mécanique et la régénération dépend autant d’un phénomène historique qu’écologique. Les agencements sociaux s’inscrivent dans une communauté historique. Godelier, M&J GARANGER 1973 « outils de pierre, outils d’acier chez les Baruya de Nouvelle-­‐Guinée ». In l’homme, XIII (3) : 187 -­‐200. Ils relatent le comportement des Baruyas suite à un changement écologique (le passage de la pierre à l’acier). Au lieu de maximiser l’usage de l’outil d’acier (et donc d’abattre plus d’arbres), Les Baruyas travaillent moins avec moins d’effort et consacrent plus de temps aux activités rituelles, politiques et aux loisirs. 29 Anthropologie économique 2011-­‐2012 Dans la littérature sur les catastrophes climatiques, l’interprétation adaptative devrait être la seule qu’on puisse utiliser pour expliquer la contrainte environnementale. Or le facteur social – l’organisation – filtre la façon de gérer la catastrophe naturelle. Aux USA, par exemple, la canicule est plus meurtrière dans le milieu pauvre blanc américain que chez les noirs, et les latinos américains car la solidarité est plus forte aux seins de ces derniers. La vision non-­‐utilitariste et non déterministe des ethnosciences : •
Les ethnosciences : On a des études qui recensent les usages locaux des ressources et les connaissances qui y ont trait. A la lumière des connaissances émiques, on a des connaissances sur l’environnement. L’aspect cognitif des connaissances relève de la façon d’organiser les ressources à travers la taxomanie : les ressources sont classées différemment d’une société à une autre. Le classement n’est pas universel, ils se distinguent de la façon de procéder des scientifiques. Ce sont des taxonomies émiques par opposition à « etic ». Il y a des systèmes de savoirs propres aux groupes étudiés. Il y a des études qui portent sur le conditionnement du savoir sur les ressources naturelles (réseau d’affinité politiques, religieux). Ces contraintes sont considérées comme à l’origine de la variabilité génétique, de la densité, etc. Lévi-­‐Strauss dans La pensée sauvage reprend les principes de l’ethnoscience. Il met en évidence la distinction entre les connaissances émiques et « etic ». Pour ce faire, il prend l’exemple du genre Solanum, une sorte de plante pour laquelle il existe une dichotomie entre le consommable après cuisson et après conservation. Une taxonomie qui fait la confusion entre des variétés et des sous-­‐variétés. Les agronomes auraient gagné du temps en étudiant le système taxonomique car ils auraient eu accès à des espèces plus variées que celles du recensement scientifique. Dans son ouvrage « Aux origines des plantes », Hallé montre l’état d’avancement des ethnosciences. 30 Anthropologie économique 2011-­‐2012 Dans la littérature en ethnoscience, il y a un auteur important, Berlin, qui réfléchit sur les taxonomies par comparaison. Le colloque sur l’homme et l’animal est le premier colloque d’ethnozoologie. Il montre comment l’étude de l’interface – supposant qu’il existe une limite claire entre les différentes disciplines – n’est pas réalisable au sein des disciplines des sciences humaines ni au sein des études écologiques. Prenons par exemple la pêche à l’anguille. L’économie est étudiée comme faisant partie de l’écosystème. La façon consiste à recenser toutes les interfaces dont témoignent ? 31 Anthropologie économique 2011-­‐2012 L’activité économique est au centre de l’écosystème et les techniques sont documentées en fonction l’interface, avec l’environnement. Ainsi, la pirogue est référenciée comme venant d’un bois mais le cherche spécifie également d’où vient le bois. Dans les relevés de nasses, les ethnoscientistes montrent comment faire, à quoi elles servent, d’où elles viennent etc. Par exemple, on ne peut faire la nasse avec une odeur sur les mains qui est humaine. Dans le contexte historique, l’homme pêche l’anguille qui est une nourriture de nos jours mais qui était une monnaie au Moyen-­‐Age. •
La part idéelle dans la maitrise de la nature Godelier montre que dans toute activité économique, il y a une part technique et idéelle qui revoie au symbolique. Par exemple, une étude réalisée sur la chaine opératoire du mil fait le lien entre la récolte et ses diversités. Toute activité est le résultat d’une succession d’une ou plusieurs matières en produits finis. Concernant la chaine opératoire du mil, on va du semis jusqu’au broyage. La chaine opératoire est caractérisée par deux façons de faire entrainant le même résultat au final. Cette description bicéphale est le résultat d’une comparaison régionale. Le battage 32 Anthropologie économique 2011-­‐2012 vannage n’est donc pas utile à la conservation du mil. Godelier montre alors que dans les communautés, le vannage a une dimension rituelle : il y a un grand rassemblement et la dimension sociale est importante. Il y a donc une alternance entre des phases techniques et rituelles. Un autre exemple est celui de Lemonnier en Papouasie Nouvelle-­‐Guinée avec la pêche à la nasse. Dans la chaine opératoire de la nasse, la fabrication de celle-­‐ci connaît un renforcement technique qui n’a pas de raison d’être matérielle. Les nasses sont fabriquées dans des matériaux qui la rendent d’une solidité inutile pour pêcher l’anguille. Cette phase est caractérisée par des raisons religieuses avec un parallèle entre la virilité du pêcheur et la solidité de la nasse. Descola dans « la nature domestique » rend compte de la société dans son interface avec l’environnement. Il montre que le clivage nature/culture chez les Achuars n’est pas comme en Occident et que la nature est qualifiée de façon différente. La nature est le lieu de manifestation d’esprit de défunt et d’esprit de nature. Ce sont eux que l’on trouve mobilisés dans les phases rituelles qui interviennent dans la phase opératrice. Le chasseur fait appel à des esprits pour porter « chance ». La nature est donc investie de culture. C’est dans les ressources comme le gibier que la domestication de la nature est la plus poussée. 3) From Pigs to policies Townsend rend compte des classiques en écologie culturelle et en ethnosciences. Il consacre des chapitres aux politiques de gestion de l’environnement. C’est une analyse institutionnelle. Résumé: « Opening with a vivid description of an early anthropological life as a "child" in a new place with no dictionaries nor etiquette books, Patricia Townsend provides readers with a global view of environmental anthropological issues. This relatively new field, defined in the 1950s with Julian Steward's term cultural ecology, has expanded through an exciting time during which the world has grown smaller and consumers more numerous and demanding.Trade has boomed internationally, and resources have been used greedily. Money has become a part of previously cashless societies; international media have romanticized primitive cultures while making them TV staples seen nightly in Western living rooms. Industrial risk has been introduced into remote, resource-­‐rich areas. The role of the environmental anthropologist has been to organize the realities of interdependent plants, animals, and human beings, to advocate for the neediest among them, and to try passionately to save what is of value and importance to the survival of a diverse world. » Brosisus, quant à lui, montre que l’ethnoscience repose sur des conceptions très malthusiennes où la démographie joue un rôle très important. Cette anthropologie contribue à informer les politiques en puisant dans les données empiriques pour éclairer une troisième voie à mettre en place une gestion collective des ressources. 33 Anthropologie économique 2011-­‐2012 IV. Conclusion Il ressort de ces études que ces interfaces sont imprévisibles, elles sont complexes, changeantes, évolutives. Les faits de sociétés et écologiques évoluent (conjointement) et les effets sont imprévisibles. 34 Anthropologie économique 2011-­‐2012 CULTURE MATERIELLE ET TECHNOLOGIE Nous vivons au milieu des objets, on est dans un environnement construit, artificiel, c’est un environnement qui est fondamentalement culturel. Les environnements dits naturels sont culturalisés. On mobilise des centaines de choses qui appartiennent à l’ordre des cultures matérielles et techniques. Tout cela, ce sont des productions sociales et ce sont des éléments qui nous informent sur les personnes qui ont conçus les objets et techniques et qui informent sur les utilisateurs. Nous sommes tous aussi producteurs de nos propres techniques. Un objet parle facilement. Certains objets ne nous donnent pas le sentiment de sécurité. Mais il n’est pas toujours facile de « lire » et d’ « interpréter » les productions matérielles. On va examiner les mécanismes qui permettent de dire des choses et de faire des choses avec des objets, avec des techniques. On va s’interroger sur les processus d’attribution de sens et ces processus qui font que dans toutes les sociétés du monde, les objets sont mobilisés pour faire des choses que parfois il serait difficile de les faire avec la parole. I. Une histoire de bassines et de richesses en Afrique de l’Ouest Prologue La chanson d’une chanteuse nigériane (« Alagidigo » de Fati Niger) qui fait de la variété et qui dans chacune de ses chansons crée un contexte de la vie quotidienne des gens. Ici le clip est tourné dans un cadre rural où elle incarne une villageoise, elle développe des idées importantes en milieu rural. Cette chanson est intéressante car elle parle d’un objet intéressant qui est la ceinture de perles que l’on fait porter aux petites filles dans les mois qui suivent la naissance et toutes les femmes portent des ceintures de perles. Ces ceintures sont l’incarnation de la féminité. C’est une métaphore du succès de l’influence du bien-­‐être car la ceinture doit être belle, elle embellit la femme, fait rayonner sa sexualité,… On fait porter la ceinture aux petites filles pour qu’elles apprennent à adopter des postures. Il y a une connotation érotique. Ces ceintures sont des cadeaux des parents. Les paroles de la chanson évoquent une jeune villageoise que ses amis louent parce qu’on dit qu’elle chante bien et on admire aussi son look. C’est une chanson au sujet du mariage. C’est un thème important. Tous les couplets tournent autour de « voilà ce que mes parents m’ont proposé comme homme » en le décrivant en disant qu’il n’est pas beau,… L’idée tourne autour de la capacité des parents à choisir un futur mari. Il y a une emphase sur l’apparence, la beauté et la perfection physique. Si on regarde, par exemple, les techniques du corps, les techniques de chants, on a une 35 Anthropologie économique 2011-­‐2012 association forte avec le cinéma de Bollywood. Il y a un emprunt qui s’est fait à ce cinéma-­‐là. On fait beaucoup de films de comédies musicales comme en Inde, on parle de Kanywood. Les choses changent du fait de cet intérêt pour l’esthétique indienne. Le point indien est de plus en plus souvent tatoué et n’a pas la même signification que chez les hindouistes. On le reprend parce qu’on l’a vu dans les films. Les récipients qu’elles portent sur la tête sont normalement ceux qu’on vend sur les marchés et il est rare de voir le type de récipients qu’elles portent dans le clip. Première question qui se pose : quel est l’impact de la culture matérielle ? Un homme a donné au prof une poterie qu’une femme (avec qui il parle depuis des heures) a faite et qui ressemble à un empilement de casseroles (choses qu’ils n’utilisent pas, qu’on ne voit jamais nulle part). Est-­‐ce de la modernité ? 1) Chambres de femmes au sud du Niger Dans les chambres, il y a souvent un lit et des « tasses » (des bassines) sur des étagères voire collées dans toute la chambre. Ce sont des casseroles qui ont été fabriquées en Chine. Ce sont toujours des chambres à couches individuelles. Ces bassines ne sont pas utilisée, elles sont là pour décorer. La fonction décorative ne fait aucun doute, il y a un soin énorme sur la présentation, ça doit plaire au regard. Mais, en même temps, la dimension économique ne fait aucun doute : « Au village, quand on voit qu’il y a beaucoup de tasses dans la chambre d’une femme, on dira que celle-­‐là a les moyens ». Comment et pourquoi des ustensiles de cuisine, produits en dehors du Niger sont-­‐ils devenus des valeurs esthétiques et économiques ? Les tasses, là, c’est la richesse des femmes Critère d’évaluation de la richesse : le nombre de pièce, l’homogénéité des pièces (c’est mieux d’avoir des pièces par larges séries). Il faut en avoir par larges séries parce qu’il y a des modes, que ça change, les stocks sont renouvelés. Si on veut en avoir cent les mêmes, il faut les acheter par centaine quand on en a l’occasion parce que peut-­‐être que dans six mois, il n’y aura plus ce modèle-­‐là. Si on montre qu’on a acheté des centaines de tasses c’est qu’on a pu sortir de l’argent et qu’on est allé sur un grand marché. L’origine des pièces est importante. Il y a une dichotomie entre ce qui est fabriqué au Nigéria et ce qui est fabriqué ailleurs. Si c’est fabriqué au Nigeria, ça vaut moins. • Provenant du Nigéria : disponible en larges quantités, bon marché, populaire en milieu rural, ce n’est pas solide, c’est léger (moindre qualité). • Provenant « d’ailleurs » : ça provient de Côte d’Ivoire, Ghana et Dubaï (le prof nous met au défi de trouver une industrie à Dubaï. Ça n’a pas été fabriqué à Dubaï, ça a transité à Dubaï – le lieu d’acquisition = lieu de production), ils sont plus rares, plus chers. 36 Anthropologie économique 2011-­‐2012 On peut les acquérir sur les boutiques et les marchés. Les acquisitions peuvent être faites lors de voyages. Il y a aussi des migrations circulaires, c’est-­‐à-­‐dire les déplacements que les gens du Sahel font pendant la saison sèche, les jeunes hommes quittent le village et descendent dans les villes et notamment dans les villes côtières. Ils ne reviennent pas les mains vides et ils ramènent des produits qu’on leur a commandés. Ces flux canalisent les représentations sur la valeur et l’origine des produits. « Chacun a ses moyens. Ceux qui ont les moyens, c’est eux qui mettent les inox. Ceux qui n’ont pas les moyens, c’est eux qui mettent les cop [bassines du Nigeria]. Ceux qui les devancent mettent les tasses [casseroles] ». Aucune femme ne s’imagine que les hommes sont en admiration face à la beauté de leur chambre. Dans ces flux migratoires, on ne laisse pas les jeunes hommes libres de choisir. Des femmes de la famille les rejoignent à c’est à ce moment-­‐là que les produits commencent à circuler. Il y a un art de l’approvisionnement comme il y a un art de la mise en place. 2) Biographie des assemblages Ces accumulations de produits, y compris les étagères, y compris le lit, font partie de la « dot » (= ce qui vient des parents de la mariée !) ou du « trousseau ». Cette dot, c’est principalement la mère de la mariée qui la constitue (héritage et achat). L’héritage vient à disparaitre du fait du renouvellement permanent des produits, ces achats sont faits avec les propres moyens de la mère. Dans le système économique des sociétés sahéliennes, l’approvisionnement en nourriture, la vie du foyer c’est uniquement sur les épaules de l’homme. La femme ne donne pas un franc pour acheter quoi que ce soit. Les femmes travaillent activement et produisent beaucoup d’argent mais cet argent va principalement dans le dotage de leur fille. Il y aurait aussi, d’après les hommes, des cadeaux du fiancé. On est face à une mobilisation de ressource centrée sur son propre trousseau, ses activités économiques et la manière dont la femme s’assure la façon dont elle va se constituer un trousseau digne pour sa fille. Ce qui veut dire que le trousseau matérialise la position économique de la famille de la mariée. Lors du mariage, c’est le réseau de la mère qui va découvrir en primeur l’accumulation des choses. C’est la troisième épouse de l’époux (petit numéro sur la maison). L’homme a construit des chambres rigoureusement identiques pour qu’il n’y ait pas de jalousie. Pendant des heures, la chambre de la femme est envahie uniquement par des femmes de son réseau familial ou social. Elles réunissent tout le matériel et commencent à arranger. Pendant ce temps-­‐là, la mariée se prépare et le mari est avec les hommes. C’est une cérémonie où ce qui est en jeu c’est de donner, c’est une manière de prendre le dessus économiquement. Lorsque les portes sont ouvertes, les femmes de la famille du mari viennent visiter la chambre et comptent le nombre de tasses, quelles tasses, comment elles ont été mises,… Il y a une analyse de la position économique de la 37 Anthropologie économique 2011-­‐2012 mariée. « Comme une sorte d’enquête, pour voir ce qu’elle amène avec elle ». Il y a deux contextes de présentations : chez les parents de la mariée et chez les mariés. « Augmentation » : ajustements postnuptiaux : « Au village, chacune est jalouse de sa voisine. Quand elle voit que sa voisine, sa chambre est bien décorée, elle aussi elle fait tout pour travailler, pour gagner de l’argent pour avoir les tasses comme sa voisine ». On ajuste les assemblages au moment des baptêmes, des mariages ou des fêtes religieuses car on reçoit chez soi. On rectifie le tir suivant la mode du moment. Le commerce est la principale ressource des femmes. 3) Trajectoire des assemblages Normalement il y a un dépouillement progressif après la naissance des enfants. Après 30 ans, il n’y a pratiquement plus de femmes qui ont des chambres décorées. Après le mariage des enfants, il n’y a plus de trousseau personnel. Cette économie du trousseau se place dans une trajectoire qui épouse la trajectoire de vie de ces femmes depuis l’adolescence. Le trousseau peut aussi être utilisé comme une réserve. S’il y a divorce, la femme quitte la famille du mari et peut repartir avec son trousseau. Dans le monde Hausa, c’est l’accumulation prénuptiale qui est le plus important. Du côté Zarma/Songhay c’est aussi le cas mais on voit plus l’importance de l’accumulation postnuptiale. Les Hausa sont une société qui n’a pas de divisions internes. On est quelqu’un par sa richesse économique. Il y a une mobilité aussi dans le principe avec les possibilités économiques qu’on peut trouver. Il y a une compétition économique marquée au niveau des hommes et des femmes. Les femmes accumulent des tas de bien et puis vont publiquement jeter cela aux pieds de leur rivale et partir. L’autre ne peut rien faire d’autre que ramasser. C’est une sorte de « joute » économique entre femmes mariées. On cherche avec la dot à dépasser la compensation matrimoniale. Les Zarma/Songhay ont des castes : nobles, agriculteurs,…, esclaves. En principe ce sont des groupements endogames. Il n’y a pas de mobilité sociale (en principe) et c’est héréditaire. On assiste à une forme de mobilité, une tendance à la mobilité sociale. Il y a des négociations sociales très locales, ancrées dans l’expérience quotidienne des individus. Ces petits effets de mobilités se font à l’échelle du village où on connait bien la personne. Pour les femmes et les jeunes mariés, les trousseaux font partir de ces critères qui vont permettre de négocier sa position. 4) Une courte histoire de la décoration des chambres Ces choses de la chambre ont la même signification que les produits émaillés. Le 38 Anthropologie économique 2011-­‐2012 nombre de pièces est important. Il y a des similarités mais le passage de la calebasse aux produits émaillés a entrainé une série de transformations. La production et la décoration sont ancrées dans le monde rural, cela signifie qu’il y a un lien personnel entre la personne qui fabrique et la personne qui consomme. Ces calebasses permettaient de mettre en valeur l’habilité et la créativité des parents et des amis de la mariée. Les produits émaillés apparaissent à la fin du XIXe siècle dans les villes coloniales et puis pendant le XXe siècle, ça va se massifier. Avant 1950, les produits d’importation européenne vont remonter vers les campagnes sahéliennes. Ces produits sont transportables, accessibles, ils vont devenir accessibles dans la première moitié du XXe siècle et on peut les utiliser. Mais ces produits restent rares, ce sont des objets de prestige. La connotation liée aux migrations et ce caractère prestigieux font que ces objets entrent dans une sphère liée au prestige. Après 1950, il y a le développement des cultures d’arachides industrielles. L’économie va se monétariser. Cet argent va accroitre les possibilités d’acquisition de produits. On aura aussi après les indépendances, le développement d’une série d’industries. On a commencé à produire localement des produits émaillés. Cas particulier des Hausa : Les économies monétaires urbaines sont anciennes et dominées par les hommes. L’accès des femmes à l’argent et à la ville a été historiquement extrêmement réduit. Il y a le développement d’un Islam rigoriste avec réclusion des femmes. Elles ont encore moins accès à cette économie urbaine et on a le taux le plus haut de divorces (plus de divorces que chez les Américains). C’est une réserve bancaire importante la capacité d’avoir son trousseau. Collectionner des produits émaillés, c’est la capacité des femmes à exploiter l’économie urbaine. Les femmes montrent aussi leur capacité à étendre leur réseau social. Plus on a de produits émaillés, plus on montre qu’on est puissant. On voit participer de façon croissante les jeunes filles avant leur mariage. C’est un des paradoxes souligné : certaines jeunes filles recourent à la prostitution pour avoir l’argent et participer à la constitution du trousseau. En même temps, la prostitution a une histoire ancienne et il y a une relative tolérance de la prostitution de la part des hommes. Le trousseau offre de nouvelles potentialités pour matérialiser des distinctions sociales. Il s’inscrit dans l’expérience contemporaine de ces femmes. La manière dont cette histoire s’exprime est ancrée dans la modernité. D’une certaine manière, le phénomène diversifie le produit et intensifie les changements dans le temps. Dans les années 70 et 80, il y a l’apparition des koba ou formica qui sont des armoires et qui font partie intégrante de la chambre. Le mobilier se déploie en ville et puis en campagne à partir du moment où les menuisiers vont habiter en milieu 39 Anthropologie économique 2011-­‐2012 rural. En effet, le transport peut se faire à une dizaine de kilomètres mais pas plus. De 1990 à 2010, ce sont les casseroles chinoises en porcelaine qui ont du succès. Vers 2000, il y a un substitut en terre cuite. « Les femmes d’ici sont capables de faire quelque chose» : ça montre une capacité de changement, une certaine habilité et un esprit de modernité. Ces produits sont fabriqués pendant quelques années, moment où dans la campagne, ils ont connu les casseroles, ceux en campagne n’y avaient pas accès et les potières ont fait des substituts. C’était intéressant car ça exprimait la connaissance. Ce sont des couleurs à la bombe, ce qui a une signification car ça montre que c’est fait à la main. Le phénomène n’a pas duré plus de cinq ans car les produits sont arrivés assez rapidement dans les villages grâce aux vendeurs ambulants. Comment maintenir une distinction entre les gens des brousses et les urbains ? Une nouvelle esthétique bourgeoise apparaît en 1990-­‐2000. On parle de cadeau de mariage et non plus de trousseau. Ils n’habitent plus des maisons sur le même plan que les maisons villageoises. Le salon est investit, mais il ne faut plus avoir beaucoup d‘objets, des surcharges mais des objets significatifs où l’on sait qui l’a offert. Il y a un lien personnel qui se rétablit aux objets, on peut faire le lien avec les calebasses. Les objets ont une fonction essentiellement décorative, même si les verres sont quelques fois utilisés. Les casseroles ont une valeur entièrement décorative, elles ne sont pas utilisées pour préparer la nourriture. Evolution des modes : • 1960 : empilement de calebasse • 1970/1980 : produit émaillés et transition • 1990 : présentation dans les chambres et continuité de produits émaillés • 2000 : armoire et dépouillement qui permettent la distinction entre les villes et les campagnes. Il y a des ruptures avec des produits locaux et des produits éloignés qui ont conféré une autre valeur et un processus de changement de plus en plus rapide qui pose problème aux gens. Une des raisons du dépouillement est peut-­‐être l’arrêt de cette diversification. Impact évident sur l’esthétique céramique : L’usage des produits ont changé les goûts en matière de décoration des maisons : le brillant, le lisse, le bariolé deviennent des critères de beauté pour le corps et pour les objets. Cela transforme un paysage esthétique fondé par des textures (scarification, tout en restant dans les mêmes gammes de couleur) par un recouvrement et l’apparition des poussières. Il faut que tout soit parfaitement lisse et propre. Il y a l’apparition des 40 Anthropologie économique 2011-­‐2012 hommes dans l’esthétique des jarres, ils les peignent et prennent une grosse commission sur la vente des produits. Remarquons que la tradition est en changement permanent : il faut accepter le changement des poteries. 5) Ampleur spatiale du phénomène Touareg : Au nord du Nigéria, c’est le domaine des Touareg qui ont généralement une tendance à une certaine mobilité. Quand on rentre dans les tentes de femmes, on a le lit en nattes posé sur un cadre en bois et à l’arrière, il y a un port de charge – qui arrime les dromadaires. Au dessus, il y a un empilement de couvertures chinoises, de coussins en cuir ouvragé et des coussins qui servent de sacs de transports. Le coussin ouvragé fait partie du trousseau de mariage, de même que les couvertures (qui étaient, avant, faites en poil de chameau). Il n’y a pas de calebasse, ni de bassine, mais il y a l’apparition de valises Samsonite qui remplacent les coussins. De plus, c’est une économie guerrière et pastorale et le trousseau est également composé de petits bétails comme des chèvres en plus des coussins. Plus on descend dans le sud, plus le nomade se sédentarise et avec le contact avec les Houssa, il y a l’apparition de bassines. La charge ne se trouve donc plus derrière le lit, elle est repoussée plus loin pour laisser place aux bassines. Néanmoins, cette charge montre la richesse de la femme. Autres influences à l’Ouest : le produit émaillé remplace l’empilement de bacs. Peul Wodaabe : Chez les Peul, la calebasse est un objet fondamental et les femmes ont des trousseaux constitués de calebasses qu’elles exposent à l’occasion de fêtes annuelles. Aujourd’hui encore, ce ne sont que les calebasses et les bols en bois qui sont accumulés ; les objets émaillés n’intéressent pas, et quand ils sont présents, ils ont un caractère utilitaire. Les inox intéressent un peu car ils ressemblent aux miroirs. Les Peuls rachètent les calebasses aux Haussa. Ces calebasses sont déjà décorées mais les Peuls les redécorent. Cette décoration a une importance sur le trousseau de la femme. L’exposition se fait lors du Worso, en septembre. Pour les pasteurs, la pression sur le milieu est possible en septembre avec la verdure car beaucoup de chèvres sont présentes. A ce moment, le savoir faire des emballages est valorisé : lors des étapes, les femmes fières de leur trousseau et de leur emballage les exposent devant la 41 Anthropologie économique 2011-­‐2012 tente. Il y a une présentation d’une masse de produits – qui diffère les Haussa car ils doivent les présenter – avec un souci de présentation. Pendant le Worso, les femmes vont donc déambuler et désigner la plus belle calebasse et les hommes circulent au milieu du troupeau pour montrer la plus belle vache. Les Peul font peu de migrations saisonnières et fréquentent très peu les villes, ce qui ne favorise pas l’acquisition de produits. Néanmoins, les migrations sont fréquentes et lors de ces migrations, il y a suppression d’une partie du troupeau pour ramener des vêtements, des lampes, des radios, ce qui est très mal vu par les autres. Les Haussa vont les appeler « les gens de la brousse », un peu comme les européens voient les tziganes. Ils se moquent d’eux. Mais ces objets sont mis en valeur par les Peuls car ils marquent les contacts que la personne a eus avec la zone urbaine. Les calebasses constituent le « troupeau » des femmes car la transmission du trousseau, le rite de transmission est symétrique à celui des hommes où on lui donne une partie du troupeau. De plus, la calebasse a une valeur symbolique car elle seule peut porter le lait des vaches et les nouveaux nés doivent être nettoyés dans celle-­‐
ci. Dans ce cadre, les produits émaillés sont peu propices, c’est un produit sans intérêt, d’une pauvreté symbolique. Esthétiquement, il faudrait redessiner dessus car il y un non investissement esthétique : il faut les motifs peuls qui ont une signification. Ainsi, en ce qui concerne les rapports qui s’établissent avec les autres populations, les Peuls trouvent qu’il est peu intéressant de copier les personnes qui les dénigrent car il faut garder sa propre compétence. On peut aussi s’interroger sur le poids et le nomadisme: le poids des bassines et leur caractère encombrant pourrait être un obstacle à la substitution des calebasses. Toutefois, les calebasses ont aussi leur poids. Malgré tout ça, l’histoire des produits émaillés dan les chambres pourrait être un phénomène qui vient des Peuls. En effet, quand on regarde la distribution spatiale des occurrences, elles se retrouvent toutes dans les zones de nomadisation des peuls. Les deux zones en dehors, sont des occurrences qui concernent des migrations hausas (exportation dans des villes côtières). Les innovations apparaissent en ville puis se propagent (diffusion). Or ici, les migrants des campagnes ont propagé vers la ville les innovations. Il y a donc une identification de pratiques similaires dans toute l’Afrique de l’Ouest correspondant plus ou moins à la zone de peuplement peul (attention ceci n’est qu’une hypothèse donnée par Olivier Gosselain). Pourtant les Peuls sont les seuls à ne pas utiliser les bassines… II. La construction des rapports au monde matériel Au delà de l’exemple, quels sont les processus ? Le processus est important car la construction est en processus. En prenant d’un côté les techniques/les objets et la société, quelles sont les grandes conceptions ? 42 Anthropologie économique 2011-­‐2012 3 explications : •
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Les objets évoluent indépendamment de la société, il y a une barrière entre ces deux conceptions. On peut retracer l’histoire des sociétés sans se préoccuper de la culture matérielle. La culture matérielle évolue et cette évolution a un impact sur l’évolution de la société. L’influence est énorme sur la société. Les écologistes réitèrent ce discours. La question est une dérive technique sur la société. La société évolue et cette évolution a un impact sur les objets. Cette position est célèbre notamment sous la plume de Karl Marx. Histoire des techniques : Par exemple, pour le capitalisme, l’intérêt est d’augmenter la part de surtravail en intensifiant les cadences et les machines. Du MA au 19ème siècle : •
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Coopération en atelier : ils acquièrent la capacité de A à Z de produire quelque chose, ils ont une formation qui leur permet d’être indépendants Les manufactures : division du travail : L’ouvrier est attaché à une partie de la production, même si ce sont des artisans qui se spécialisent mais qui ont eu une formation complète. Ils deviennent des organes. Mécanisation du travail avec une déqualification complète des travailleurs. Ils sont agis par la machine. Cette théorie et l’aliénation sont réelles jusqu’à un certain point mais on peut se demander si cette société évolue indépendamment et matérialise ou si c’est un processus plus complexe que l’on peut analyser via une vision duale. Par exemple, on peut supposer que la puissance politique et l’envie d’hégémonie entrainent la création d’armes en permettant la domination. Ou selon une autre vision, on a inventé des armes de façon indépendante, tout comme Einstein crée la bombe 43 Anthropologie économique 2011-­‐2012 atomique à partir d’aucun contexte. Ou alors, on n’est peut-­‐être dans une hégémonie politique où quelque chose permet de faire émerger autre chose. Un autre exemple est le suivant : des objets, créés pour certaines fonctions, ont été associés pour faire circuler une idéologie. On peut ainsi mêler les techniques et la société en supposant que tout évolue de façon concomitante, qu’il y a des rapports réciproques entre individus et objets qui ne sont pas que de l’ordre de l’asymétrie. Ces rapports touchent à l’existence même des objets, de la psychologie des objets et des humains mais aussi aux moyens d’actions, c’est-­‐à-­‐dire à la capacité des hommes et des objets d’agir. •
Similarité du point de vue de l’existence: La canne de l’aveugle devient un instrument sensoriel ; il transmet des informations au même titre que les yeux. La distinction entre l’humain et l’objet est difficile à cerner. Une personne sous dialyse extermine une partie du fonctionnement de ses reins à travers une machine qui devient source de vie. Dans cette connexion, où se trouve la limite entre l’humain et la machine ? Les frontières ne sont pas si claires. •
Similarité du point de vue psychologique: Lorsque l’hostie se met à saigner car elle représente le corps du christ, ça a une valeur particulière : l’objet devient réel. Il en va de même lorsque la statue de la vierge se met à pleurer, ça la rend humaine. Elle acquière une certaine signification. Toute la question est de savoir ce qu’est être un être vivant. Dans son ouvrage « La psychologie des personnes », Serge Tisseron se demande comment l’esprit vient aux objets. Nous prêtons aux objets des psychologies particulières. Lorsqu’un artisan taille la roche, il la qualifie en termes d’honnêteté et de malhonnêteté. C’est pareil pour la voiture. •
Similarité du point de vue du moyen d’action : A. Gell considère les objets comme des objets qui médiatisent l’intention de l’agent. Si on veut introduire quelque chose, procurer une émotion (généralement, l’ébahissement, la peur ou l’effroi) chez quelqu’un, on crée une œuvre pour médiatiser cette intention. Ainsi, notre existence est fondamentalement liée à ces objets. Ces théories ont été développées par des sociologues français comme Laou ou Callon. Ils montrent que les objets ont des influences cruciales souvent avec des connotations politiques. Les négociations mettent en jeu des objets qui sont des parties du discours et qui sont articulées par leurs caractéristiques et la façon dont ils les manipulent. Dans les phénomènes de socialisation, on est socialisé par les objets. Les objets sont des actants et la société est un réseau d’acteurs et d’actants qui sont mêlés. NB : la partie corporelle dans l’analyse est mise de côté. Il y a le corps social d’un côté et le monde matériel de l’autre. 44 Anthropologie économique 2011-­‐2012 III. Eléments en jeu dans la construction des rapports au monde matériel Dans cette troisième partie, on se demandera comment se font ces processus de construction. Pour y répondre, un précurseur incontournable est Marcel Mauss (1872 – 1950) Marcel Mauss s’est intéressé aux techniques du corps. Il n’est pas quelqu’un qui a un éclair de génie à propos des particularités des techniques du corps mais il a l’expérience de la grande guerre. C’est une guerre mondiale puisque beaucoup de nations sont impliquées et des soldats d’origines diverses vont être confrontés aux champs de bataille. La possibilité à cette époque de prendre conscience du monde est compliquée. Dans ce contexte, il est ébahi de voir des tirailleurs sénégalais faire le soldat de façon différente qu’eux – par exemple, ils manient la bêche de façon différente. De plus, le rythme de la marche est également différent d’un régime à un autre. Il en conclut qu’il y aurait différentes manières de marcher. C’est ainsi qu’il prend conscience des spécificités des régimes et particulièrement des habitudes corporelles. Dans une communication en 1936, devant un comité de psychologie, il expose les habitudes corporelles élémentaires. Il insiste sur le fait qu’il y a des variations culturelles fortes comme la manière de manger, de boire, bref, des fonctions biologiques élémentaires soumises à des différences. Selon Mauss, c’est lié à un processus d’éducation et non aux races. C’est également lié à l’émulation sociale : on a tendance à imiter des personnes qui sont socialement valorisées. Selon lui, il ne faut pas considérer les façons de marcher différentes en fonction de l’efficacité mais en fonction de ce que les gens pensent de l’efficacité, ce qui donne à poids supplémentaire à ces caractéristiques. Enfin, il insiste sur le fait que certaines performances ne sont pas liées à des capacités corporelles mais à un momentum psychologique. Par exemple, des parents sont capables sous le coup de l’émotion de soulever quelque chose de très lourd pour retirer leur enfant de ce poids. C’est la raison pour laquelle les actes traditionnels efficaces lient le biologique, le psychologique et la sociale. •
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Acte : gestion, action, posture, habitude Traditionnel : apprentissage socialisation Social: croyance, représentation. Mauss pose à l’époque un pavé dans la mare. Ce papier n’est redécouvert que dans les années 80 car ce n’est que dans les années 50 qu’il y a un regain d’intérêt pour le corps. 1) La notion d’alternative et de choix Il y a un choix possible, qui est bien souvent inconscient mais il existe. Par exemple, tous les objets n’ont rien d’obligatoire, ils sont faits par la société car ils représentent la 45 Anthropologie économique 2011-­‐2012 société. La richesse économique et sociale de la jeune mariée s’exprime ainsi différemment selon le trousseau. On peut exprimer la même chose via la mobilisation d’objets différents. Pierre Lemonnier montre que dans l’aviation civile et militaire, il y a des contraintes lourdes (il faut un moteur, des ailerons, etc.) mais il existe une grande variabilité dans les avions. Ainsi, les techniques seraient déjà prévues. Selon lui, faire voler un avion est tellement compliqué que l’attitude de choix devrait être restreinte. Seule la peinture, la forme des sièges, l’éclairage devraient être un choix. Or, on remarque que la position des moteurs peut être différente ainsi que la forme, la position des ailes, la présence ou non des stabilisateurs, la position des stabilisateurs et la situation des passagers. Remarquons que ces différents avions ont volé. Il y a des différences en fonction de la vitesse et du nombre de passagers mais cela ne résulte pas de la capacité physique à faire voler l’avion. Ainsi, la diversité technique ne découle pas prioritairement de contrainte de fabrication et d’usage. Il est dans le prolongement de la réflexion de Mauss mais dans un autre domaine. 2) L’efficacité n’est pas toujours là où on l’attend. « L’objet a pris la forme actuelle car seul ce qui est le plus efficace a survécu ». Cette notion est très problématique car elle ne se place pas là où on l’attend, l’efficacité n’est pas considérée de la même façon que les économistes. Par exemple, prenons l’évolution de l’emballage du hamburger aux USA de 1970 à 1990 : Jusqu’en 1975, l’emballage du hamburger est construit comme suit : •
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Cercle en carton Emballage en papier Emballage en aluminium Boite en carton Or, le Macdonald est de plus en plus dans l’idée de la rapidité avec l’idée de Fast-­‐food et ce type de conditionnement n’allait pas avec la rapidité. C’est pourquoi, en 1975, est apparue la boite en carton qui permet de placer le hamburger toujours entouré de son cercle en carton. On s’aperçoit que les clients vont l’ouvrir et mettre les frites dans le couvercle. Ce design reçoit le prix de l’innovation la plus fulgurante en matière d’innovation. Pourtant, en quelques années, cela disparaît des tables du Macdonald. En effet, entre temps, une conscience écologique s’est déployée au début des années 70’ et les corporations sont prises pour cible par les consommateurs engagés et cet emballage est montré du doigt : les USA vont périr sous le poids des emballages d’hamburger. Le Macdonald en revient au vieil emballage. Quelque chose qui pouvait être jugé efficace est jugé non efficace à cause des représentations. L’emballage biodégradable est l’élément le plus important. L’invendable Cesna C137 – Skymaster : Les Skymasters sont des avions qui n’ont qu’un moteur à l’avant de l’avion. Ceci est dangereux car lorsque le monomoteur s’arrête puisqu’il n’a qu’un seul moteur et de 46 Anthropologie économique 2011-­‐2012 petits ailerons, il s’écrase. C’est pourquoi, il va y avoir des recherches pour améliorer la sécurité de l’avion. Ils font donc le même moteur avec des hélices à l’avant et à l’arrière. Aucun de ces modèles n’a été acheté, pourquoi ? Les utilisateurs habituels considéraient que cet avion avec deux moteurs était un avion pour mauviette et qu’eux, c’étaient des baroudeurs. Les produits émaillés : Les rapports aux produits émaillés ne sont pas les mêmes : un même produit aux mêmes qualités est investi de façon différente. C’est le cas des poubelles qui servent de jarres à eau. La poubelle en plastique ne conserve pas du chaud mais elle incarne un produit moderne. Il vaut mieux afficher cela que la jarre qui est considérée comme villageoise, même si cette dernière est plus efficace. Les choix techniques (gestes, processus, objets) ne sont pas prédictibles et ne sont jamais neutres. Les individus mettent du sens et font du sens avec les techniques et les objets. Ce sens est attribué de façon continue, c’est un processus de construction sociale de l’utilité. De plus, les individus qui reprennent l’objet « moderne » ne le conçoivent pas de la même manière et ne conçoivent pas de l’utiliser dans le même sens. Ils prennent un rapport et le reconfigurent. Une fois que l’objet est inséré, son rôle peut changer : de nouveaux objets arrivent, des changements se produisent et ainsi de suite. C’est un processus inlassable. En conclusion, l’efficacité d’un objet ou d’une technique est toujours conventionnelle et socialement déterminée. 3) Les techniques et les objets ont une dimension sémiologique La sémiologie des objets signifie que les objets évoquent des choses, ont un sens soit par eux mêmes soit par rapport à d’autres objets. La sémiologie de l’objet est développée par Roland Barthes. Il s’intéresse à ce qu’il considérait être les processus de production, de fonctionnement et de réception des systèmes de signes, en se penchant davantage sur de dernier point. Barthes s’est fait connaître par une série de textes humoristiques dans les années 50-­‐60 réunis dans un seul livre. Il met en avant des icônes de la société française de l’année 60 : le bifteck-­‐frites, les plastiques, les Music-­‐halls, le Tour de France. Il cherche à comprendre les mythes matériels du petit bourgeois. Barthes est politiquement de gauche et il veut savoir la façon dont la petite bourgeoise va acquérir des objets pour se distinguer socialement et marquer une frontière sociale. Cela l’inquiète car il voit descendre ses objets dans les classes populaires qui veulent utiliser ces objets pour « monter en grade ». Par exemple, la DS 19 apparaît comme un modèle révolutionnaire, c’est une voiture qui va susciter un engouement immense. Les objets sont donc des signes Ils permettent des lectures sociales, morales, idéologiques de la société : Un vêtement, une automobile, un plat cuisiné, une image publicitaire, un ameublement, un titre de journal, voilà en apparence des objets bien hétéroclites. Que peuvent-­‐ils avoir de commun? Au moins ceci: ce sont tous des signes. Lorsque je me déplace dans la rue -­‐ ou dans la vie -­‐ et que je rencontre ces objets, je leur applique à tous, au besoin sans m'en rendre compte, une même activité, qui est celle d'une certaine lecture: l'homme moderne, 47 Anthropologie économique 2011-­‐2012 l'homme des villes passe son temps à lire. Il lit d'abord et surtout des images, des gestes, des comportements: cette auto me dit le statut social de son propriétaire, ce vêtement me dit dit avec exactitude la dose de conformisme ou d'excentricité de son porteur, cet apéritif (whisky, pernod ou blac-­‐cassis) le style de vie de mon hôte Comment lit-­‐on les signes matériels ? Chaque objet signe a une double coordonnée : •
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Une coordonnée symbolique : profondeur métaphorique avec le signifié Coordonnée taxinomique : place assignée à l’objet dans la société. Cet objet peut symboliser quelque chose mais est en même temps associé à des classes particulières. Qui utilise l’objet ? Cette double coordonnée permet par exemple à la DS 19 de devenir une sorte de texte. Barthes a du succès dans le domaine de l’analyse des textes. C’est dans les années 80 qu’il va réinvestir le domaine de la lecture du monde matériel. On peut donc se demander pourquoi les éléments permettent de dire quelque chose. Problème de l’approche sémiologique classique •
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La finalité fonctionnelle de l’objet finit par être occultée. Exemple : La DS19, c’est une voiture avec laquelle on se déplace, il faut prendre en compte le rapport physique à l’environnement. La fonction de l’objet permet de montrer la fluctuation du produit. La sémiologie veut comprendre à la fois l’émergence et la réception des signes, mais dans le système de Barthes, le processus de fixation du sens n’est pas élucidé. On n’explique pas comment tel objet a pu devenir le signe emblématique d’une population, comment l’objet a acquis sa signification. Globalisation des lectures : tout se passe comme si tous les individus de la société lisaient les objets de la même manière. Ce que Barthes lit dans un objet, ça serait ce que toute la société française pense grâce aux coordonnées. On va restreindre cette analyse à la société de consommation où émerge des processus assez neuf (production de masse,…). On ne se préoccupe pas d’autres contextes culturels et historiques. Bodriard en vient à considérer les individus comme des « porte manteaux ». Nous signifions sans arrêt notre classe, renforçons notre image, par la consommation de ces objets. Et tout le monde peut lire ce que l’on donne comme discours lorsque l’on consomme l’objet. Les signes existent avant et les individus achètent des choses juste pour établir soit une appartenance soit une distinction avec d’autres classes. Par exemple, on peut se replonger dans un texte d’Umberto Eco « Comment voyager avec un saumon » en 1987. Il parle du moment où le téléphone portable apparaît. En reprenant ce texte, il fait une série de remarques sur le fait de sortir son GSM en rue : ça serait une question de distinction. Or les signes attachés aux portables ont fondamentalement changé ici et dans d’autres sociétés. 48 Anthropologie économique •
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2011-­‐2012 Il est impensable selon le texte de Eco que le portable soit lancé dans un cadre de manifestations sportives. Cela amène aussi les peurs sur la technologie La fonction des SMS n’est pas prévue dans les premiers GSM. De nos jours s’est développé un comité de lutte contre le langage SMS et les fautes d’orthographes, ainsi a émergé des joutes de poèmes via les SMS. Le portable est de plus en plus mobilisé dans les espaces publics pour inciter au silence, à ne pas téléphoner au volant. On a l’émergence d’une culture de portable et on ne peut plus revenir à la seule marque de distinction de ce qu’Eco affirme. Qu’est-­‐ce qui suscite l’évolution des signes ? Le problème de cette approche sémiologique, c’est qu’elle se fait indépendamment de l’histoire ou du contexte. 4) La production de sens est un phénomène dynamique Le processus fondamental est le processus d’association. L’association est le contexte dans lequel apparaissent un objet, une technique et le sens qui apparaît entre les deux. Cela permet de dégager une première catégorie de signes. Les bassines venant de l’Occident apparaissent par exemple dans les villes coloniales de la côte: elles sont associées à une certaine urbanité, un pouvoir (classe dominante), la modernité et la richesse. Ces premières associations se développent également au niveau de la norme des objets : c’est quelque chose qui peut contenir (conteneur, forme arrondie, dimensions variables, surface brillante, étanches, légères et empilables) mais qui évoquent d’autres objets. Par exemple entre la bassine et la calebasse, il n’y a qu’une faible marge. Les bassines sont utilisées comme récipients et substituées aux paniers dans d’autres régions d’Afrique. Il y a différents mécanismes d’association : •
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Le contexte peut être déterminant. Par exemple, il y a un lien entre le genre et l’activité professionnelle (mécanique automobile, gardiennage). Mais on observe également une association très présente avec la présence d’objets : les métiers d’infirmières et de secrétaires représentent les femmes. Il y a des dérives possibles : lorsqu’on tape le mot infirmière dans Google, les premières images sur lesquelles on tombe sont associées à l’image pornographique de l’infirmière. Ces images sont associées au développement et à la pratique d’une activité. Métaphore et les métonymies. La métaphore est le transfert d’un élément concret dans un contexte abstrait. Par exemple, la racine du mal. La métonymie, quant à elle, se fait lorsqu’on rapproche des objets et des concepts et nait quelque chose de cette association. Par exemple, boire un verre. Dans les métaphores matérielles, pour expliquer au personnel comment est construite la vie professionnelle, un guide utilisait un vélo. On peut aussi se pencher sur les métaphores de Michel Audiar. Revenons à l’exemple du 4*4 : les utilisateurs de 44 ne vont pas penser la même chose que ceux qui sont contre. C’est une association de métaphore qui permet d’orienter la lecture. 49 Anthropologie économique 2011-­‐2012 En prenant le Belgique, on peut voir l’émergence d’un état nation à l’intérieur d’une nation en fonction des poteaux de signalisation : •
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Poteau rouge et blanc à Bruxelles. En Flandre, les poteaux sont jaunes et noirs Cela peut être l’association de l’identité culturelle à objet. A l’époque, c’est expliqué que le jaune et le noir se voyait plus dans le noir. Ca n’avait rien à voir avec une identité quelconque. Cela a commencé dans la périphérie de Bruxelles « par hasard » ensuite petit à petit en s’étendant. En traversant une frontière, ce qui s’affiche sont les marquages routiers. Si l’on veut marquer par une frontière nationale à l’intérieur d’une nation, c’est par le changement de signalisation. C’est une métaphore matérielle très puissante. Les choses ne sont pas que mentales mais également par l’intermédiaire du corps et mobilise les sens. Elle prend en compte la physicalité de l’objet et son équation. •
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Par exemple, le volume, le poids, la blancheur, la brillance des bassines avec l’œil, le corps permet de mettre l’objet dans son contexte. Par exemple, dans les « petites mythologie d’aujourd’hui », Tisseron essaye de voir comment se construit l’usage avec les objets. Par exemple, tirer de l’argent à un Bancontact lui fait penser au fait d’entrer dans un confessionnal. C’est pour ça qu’il y a des associations qui émergent du corps à corps avec les objets. IV. Appropriation et trajectoire sociale des objets Des objets sont détournés de leur fonction première mais il y a une redéfinition de l’objet au fil de son chemin et son ancrage dans des contextes différents. 1) Appropriation Daniel Miller est un anthropologue du collège de Londres, spécialiste de la culture matérielle. La question de base qu’il se pose concernant la société occidentale moderne est la suivante : est-­‐ce que la société de consommation s’est construite par 50 Anthropologie économique 2011-­‐2012 une transformation des objets ? S’est-­‐elle substituée à celle du don ? Est-­‐ce une transformation radicale ou non ? Il se pose également la question de la considération qu’un philosophe peut faire en restant dans son appartement par rapport à l’anthropologue qui va sur le terrain. Le philosophe se pose en termes d’une dichotomie entre le bien inaliénable (construit du social) qui devient un objet d’aliénation (destructeur du social). Miller remarque que plutôt que de disserter sur cette perte de sens dans notre société, il faut analyser la consommation sur le terrain et dans la pratique. Il prend l’exemple de l’aménagement des cuisines dans les logements sociaux de la banlieue londonienne (Man 1988). Ces logements sociaux sont des logements sociaux identiques avec la même structure. Bien que cet exemple touche aux domaines de l’architecture, la cuisine est prise ici comme l’image de l’objet marchandise, préfabriqué dans lequel les gens sont parqués. Par hypothèse, ce lieu devrait être un cadre d’aliénation totale étant donné que les gens se sentent déjà dévalorisés par le fait qu’ils ne savent subvenir à leur besoin seuls et en plus ils se retrouvent dans des maisons similaires, qui font penser à des cages. Miller se demande si les personnes sont réellement aliénées par ce lieu ; on parle d’une population précarisée sur le plan économique qui est obligée d’investir ces logements pour ne pas se retrouver à la rue. Pou répondre à sa question, il s’intéresse à la cuisine, endroit où il y a le plus d’activités, de relations. De façon générale, la cuisine est une pièce fondamentale. Or il remarque que dans ces cuisines, pratiquement aucune n’ont été laissées telles quelles ; il y a une personnalisation des cuisines. Il interroge les voisins sur le choix de la décoration et de la transformation. Il en arrive à la conclusion suivante : •
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Appropriation par le bricolage et la décoration Gradation dans les processus de transformation (superficielle à radicale) Absence de transformation chez les individus désocialisés : cela concerne les personnes seules et désocialisées qui ont peu de liens avec les villageois, les amis, la famille, avec aucun investissement et projet futur. Complémentarité sexuée des rôles : Selon la femme, la cuisine est sa pièce, elle choisit la décoration mais l’homme doit faire le bricolage. Il y avait une logique de don et de contre-­‐don dans l’aménagement de la cuisine. Les récits de vie, les valeurs et les expressions identitaires sont « ancrées dans les éléments matériels. La cuisine sert de lieu d’accueil et ils mobilisent la cuisine avant même l’enquête. Miller montre avec cet exemple la capacité de résistance des individus. Le fait de vivre dans un espace similaire à l’espace du voisin ne veut pas dire se laisser faire. Au contraire, il y a une capacité de résistance par la transformation physique du cadre, notamment la cuisine qui devient un canevas qui noue les rapports avec autrui. L’appropriation passe donc par une transformation et un engagement physique. L’observation des usages est fondamentale. Miller tire des conclusions générales sur la population mais aussi des remarques méthodologiques. Il en vient au fait qu’il n’y a pas de dichotomie entre le don et la marchandise. Fondamentalement les processus sont les mêmes. Ainsi, notre société 51 Anthropologie économique 2011-­‐2012 n’est donc pas si différente des autres en ce qui concerne les processus sociaux fondamentaux. Un autre exemple d’appropriation est celui de la voiture qui est produite en grande quantité et dans les mêmes modèles. Les gens peuvent se l’approprier via différentes techniques dont le custom, le tuning et le lowrider. … Et le Macdonald. Même ces multinationales globalisantes qui ont le même sigle n’ont pas les mêmes goûts, les mêmes plats alors que c’est censé être le même partout. Par exemple, dans les pays d’Asie, la consommation de bœuf est interdite donc il n’y a pas d’hamburger de bœuf mais des Kasher. Très rapidement, les producteurs ont compris qu’ils ne pouvaient pas produire la même chose dans les populations puisque toutes ces choses de l’ordre de la marchandise sont susceptibles d’être appropriées. 2) Trajectoire sociale et biographie des objets Igor Koptitoff est professeur à l’« University of Pennsylvania ». Il travaille beaucoup sur l’esclavage et en vient à s’intéresser à la marchandise en tant que processus de transformation de l’être humain en marchandise. Dans « the cultural biography of things », il s’oppose à une limite entre don et marchandise. En prenant l’exemple de l’esclavage, il montre que la marchandise n’existe pas en tant que telle mais est le résultat d’un processus de transformation culturel et cognitif. C’est ainsi qu’il développe la notion de « biographie » d’un objet, c’est-­‐à-­‐dire la possibilité de trajectoire d’un objet. Par exemple, si l’on prend une voiture d’occasion envoyée en Afrique, quelle est trajectoire ? Comment passe-­‐t-­‐elle de mains en mains et ce jusqu’à sa disparition ? L’idée est de prendre un objet singulier et de l’ouvrir pour reconstituer son histoire. Selon lui, il s’agit d’un bon point de départ pour expliquer des relations économique, sociales, etc. Plusieurs directions de recherche : Il a eu un succès et c’est adopté dans le monde anglo-­‐saxon, etc. •
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Exploitation différenciée d’un patrimoine matériel selon les époques : On peut travailler sur un patrimoine matériel et voir comment cet objet est exploité en fonction des époques. Par exemple, les monuments aux morts de la guerre 14-­‐18 dans des petits villages est un lieu de commémoration des soldats tués mais devient rapidement un lieu de contestation de la guerre avec des slogans tels que « A bas la guerre ». Ces monuments sont utilisés par les anciens combattants et dans les années 60-­‐70, des luttants communistes créent des cérémonies. Le même patrimoine est donc approprié par des groupes différents. Évolution des représentations liées à un objet ou une catégorie d’objets Contextes dans lesquelles circulent les objets. Par exemple, la fête d’Halloween a acquis une place assez importante dans les sociétés occidentales tout en ne se résumant pas à l’américanisation des sociétés. C’est intéressant de voir la tradition dans certains contextes : chez nous, la fête d’Halloween correspond davantage au Carnaval (avec des chars, etc.) car il y a une perte de fêtes pendant l’hiver. C’est donc une transformation de la fête. Pour conclure, revenons sur la trajectoire sociale des produits émaillés. 52 Anthropologie économique 2011-­‐2012 En conclusion, on a des objets anodins particulièrement investis. Ces objets auraient tendance à être considérés comme des marchandises transformées en don alors que ces objets sont appropriés, transformés et rentrent dans la sphère du don. •
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Ce n’est pas la valeur marchande qui influence les jugements contrastés sur la richesse et la valeur mais un processus en perpétuelle construction. Ces objets sont des objets signes, ils servent à afficher quelque chose et sont construits au cours du temps par rapport à d’autres objets, ce processus permettant d’en créer d’autres. On a affaire à une trajectoire singulière faite d’appropriation et de recontextualisation. Ces produits ne sont pas arrivés en créant quelque chose de neuf mais ils sont appropriés et transformés dans un cadre préexistant mais le fait d’être inséré entraine une modification des pratiques et des représentations. Ils sont rentrés avec des notions de modernité, d’étrangeté inexistantes. La société des objets et des gens est donc en constante évolution. Ces manipulations d’objets créent du sens. 53 Anthropologie économique 2011-­‐2012 LIEN SOCIAL ET ECONOMIE I. Introduction Derrière le lien social et le marché, il y a cette réflexion sur d’autres modèles d’économie. Dans le modèle néo-­‐libéral, l’économie et le social sont détachés (Ex : les licenciements à Arcelormittal). Tout ce qui se passe dans nos pays se justifie en termes de rentabilité. Depuis 1974, on parle de crise mais avec les dérives du capitalisme, ça s’est accentué. Il y a un rapport antagoniste entre l’économique et le social. Dans le cadre de ce cours, on va voir d’autres approches qui laissent place aux marchés mais aussi à d’autres modes d’échanges ; on va voir que tout ne passe pas par le marché. En s’intéressant à d’autres systèmes, on va s’interroger sur notre propre conception : Pourquoi proposons-­‐nous un modèle unique à la notion de développement ? En anthropologie, une des méthodes d’enquête principale est l’observation participante. Dans ce cours, on va faire une observation indirecte, c’est-­‐à-­‐dire travailler sur des documents. 1) Les sorciers de la mécanique : « Les sorciers de la mécanique » de Chavanon est un document tourné à Abidjan en côte d’Ivoire au milieu des années 90. Nous devons observer l’action centrale mais aussi le contexte dans lequel l’action est menée. L’Afrique reçoit en général des véhicules qui sont déclassés ici. Des milliers de véhicules sont ratissés dans toute l’Europe et sont embarqués par bateau. Bien souvent, les véhicules sont vieux et il faut les réparer. Apparaissent alors des véhicules hybrides. En Afrique, le secteur de la remise en état est très développé. Notions de mécanique : Les réparations peuvent poser questions pour ceux qui s’y connaissent en mécanique car il y a un mixe entre trois différents moteurs pour n’en former qu’un seul. Dans un moteur, il y a un pédalier avec un piston dans le cylindre. Pour mobiliser le piston, on utilise de l’essence. Les quatre temps du moteur sont les suivants : descente, aspiration, explosion et détente. Un moteur essence tourne à 6000 tours/minutes et les moteurs diesel à 3000 tours/minutes. Les températures sont extrêmement élevées donc il y a un certain seuil de tolérance dans le moteur. C’est pourquoi il faut être très précis. Remarques sur le film : •
Conditions de travail (mauvaises) : protection dans le travail. Les peintres ont deux morceaux de papier dans le nez. Les produits sont très toxiques et mauvais pour la santé (chez nous, les hommes sont en scaphandre). C’est pareil pour les substances comme l’amiante sur les plaquettes de frein. Les gens là-­‐bas taillent des bandes d’amiante sur les camions sans aucune protection. L’espérance de vie est donc de 55 ans. Comme ce sont des maladies à long terme, la progression de la maladie est assez lente et ils n’associent pas l’espérance de vie à leurs conditions de vie. 54 Anthropologie économique •
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2011-­‐2012 Toutes les générations travaillent aussi bien les hommes que les femmes. Les femmes sont moins présentes mais dans ce qui est nourriture, couture, elles se retrouvent. Le choix des casses n’est pas fait en fonction de l’état du véhicule, ce n’est pas rationnel. Par exemple, un véhicule neuf est désossé pour satisfaire à un mariage. Ce ne sont que des pièces de récupération. Il y existe un concessionnaire mais le matériel est hors de prix la plupart du temps. La récupération est donc beaucoup mobilisée. Les choses sont licites ou illicites : un stock de pièces peut être vendu de façon licite mais aussi une vente de façon illicite où les pièces sont volées. Chaque personne n’a pas une place précise : certaines personnes sont spécialisées, les autres tournent. Il y a donc une structure particulière : le patron, les salariés et les apprentis qui sont rationnés (en nourriture). Il y a une main d’œuvre énorme et la force du travail est mobilisée par cette main d’œuvre (puisque les moyens matériels ne sont pas présents). Tout se fait à la force humaine. Il y a un exemple de division du travail. De notre point de vue, il y a une exploitation d’enfants. D’un autre côté, c’est l’apprentissage qui permet la survie car la famille ne peut pas spécialement nourrir. Au niveau de la couche des salariés, il y a une spécialisation. Dans les apprentis, les rôles sont spécifiés petit à petit. Les apprentis payent des fois pour rentrer dans ces ateliers. Par exemple, dans les fontes d’aluminium, la famille paie pour que les patrons les forment. Le patron confie le travail de réalisation au fur et à mesure et quand la formation est terminée, pendant un an, l’apprenti travaille gratuitement pour le patron pour remercier d’avoir donné un métier. L’apprenti vit dans l’atelier, il dort sur des nattes là-­‐bas. S’il est malade, il est renvoyé. Néanmoins, cela permet de lien social et donc de survivre. La formation se fait à l’intérieur de l’atelier, il n’y a pas d’école. Il y a parfois des liens entre la formation faite à l’atelier et l’officiel sous forme de diplôme. Ce diplôme permettra à l’apprenti de s’installer. La fête d’entrée et de sortie coutent très cher. Or, certains n’ont pas l’argent nécessaire pour les payer et n’ont donc pas de diplôme. C’est un tri sélectif au niveau des nombreux apprentis. Tout n’est pas entièrement encadrés. Les apprentis peuvent vendre les produits ou acheter les commandes. La place du patron : c’est le personnage assez âgé mais qui est considéré. Souvent le patron ne travaille plus dans l’atelier mais a de nombreuses activités. La pluriactivité est d’actualité. Ces ateliers mobilisent une grosse partie de la population. Environ 70% de la population vivent dans cette économie informelle. Bien souvent les enfants ne vont pas à l’école au delà du primaire. Il y a peu de scolarisation. Caractère transnational : l’Afrique n’est pas fermée. Les gens voyages beaucoup, il y a une circulation intense et le commerce est développé. Au Ghana, ancienne colonie britannique, on retrouve des véhicules comme les Bedford ou Jaguar et dans les colonies françaises, des Renaud, des Peugeot. Il y a des liens avec des dimensions transnationales. La place du véhicule est importante dans la société. Cela se remarque avec le cercueil en forme de voiture. En Europe, celui qui roule avec une Jaguar est riche, en Afrique, c’est qu’il s’est bien débrouillé. 55 Anthropologie économique •
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2011-­‐2012 Au point de vue environnemental, c’est une épouvante absolue. Les matériaux sont dangereux et les zones où se regroupent les réparateurs sont des terres remplies d’huile. Il n’y a aucune considération pour l’environnement. Il y a une relation particulière dans l’échange comme le marchandage. Il s’agit d’un jeu relationnel. En Europe, quand on achète quelque chose, la transaction se fait, c’est très simple. Dans le contexte africain, il n’est pas seulement un acte marchand ou un jeu, il a une dimension relationnelle. Même si elle peut être agonistique, c’est important. Le prix n’est pas marqué par l’objet. Par exemple, un chauffeur veut vendre sa voiture 130000 CFA, or il la vend 100000 CFA. Qu’advient-­‐il des 30000 restant ? Les 30000 sont restés dans une position de dette. Il installe une dette de l’acheteur et cela maintient la relation (ex : aller boire une tasse de thé). Il n’a pas vendu sa voiture à n’importe qui. Notre transaction est équilibrée. La transaction marchande est sur un système de don et de contre-­‐don. Par exemple, la dame du marché qui vend ses tomates est en relation avec les autres marchands. Dans notre logique, on vend ce qu’on peut, on veut maximiser les gains. Dans la logique africaine, la personne vend les produits mais ne les vend pas au même prix. En fonction de la proximité sociale, les prix varient. Il n’y a pas de fixation selon l’offre et la demande mais selon le rapport social. D’abord, les produits doivent être accessibles et on est dans un rapport social, un échange qui n’est pas en équilibre. •
Il y a une notion de confiance qui s’installe entre le vendeur et l’acheteur. Chez nous, on aurait tendance à changer car le prix est plus important que les réseaux sociaux. Là-­‐bas, la richesse constitue en des réseaux sociaux, pas en argent. L’individu isolé a peu de chance de survivre car pas de système de sécurité ou alors ils tombent dans la délinquance. Si ils surprennent quelqu’un en train de voler, ils le tabassent ou ils le brûlent. 2) Les Taxis brousse à Niamey Le marché de Katako se trouve au milieu de Niamey. Le terme même de Katako signifie planche car c’était un endroit où on débitait des planches. De nos jours, c’est un endroit de rencontre, de marché mais aussi un endroit de production. C’est un lieu de mouvement très important, il y a un trafic extraordinaire. Il y a quelques années, le marché a pris feu et tout s’est réduit en cendre. Il n’y a pas de sécurité. Cela montre la précarité des installations. A Katako, il y a un système sur la place de Taxi brousse. Cet endroit ressemble à un chaos épouvantable. Les taxis-­‐brousses sont des véhicules transformés : ce sont des plateaux avec une cabine à l’avant et à l’arrière. Ils ont construit les cabines avec le port bagage. Ils ont donc adaptés les véhicules pour pouvoir mettre une quinzaine de personnes. Comment fait-­‐on pour entretenir des véhicules comme ça, alors qu’il n’existe plus de pièces pour ces véhicules ? Les châssis ne sont en effet pas prévus pour abriter quinze personnes et il est même difficile de changer la vitesse (pour l’anecdote, c’est l’apprenti qui change les vitesses sous le véhicule). L’huile de frein est remplacée par de l’huile savonneuse. De plus, le véhicule ne s’arrête pas. Des artisans sont spécialisés pour fabriquer de nouvelles pièces pour mettre sous les châssis. 56 Anthropologie économique 2011-­‐2012 L’état Nigérien s’inquiète d’un certain nombre d’accident. Il a tenté d’empêcher la circulation des taxis brousse. Ca a tout de suite explosé car c’est le seul moyen de transport accessible à la population. Il a été obligé de réintroduire la circulation de ces véhicules L’essence en fioles : Un autre exemple, au Bénin, est celui de l’essence vendue dans des fioles : des gens partent de Cotonou(capitale économique au Bénin) avec des jerricanes, vont les remplir au Nigéria où l’essence est moins chère et rentrent au Bénin. Ce sont les handicapés qui font ce travail car ils sont aidés financièrement dans l’achat de Vespa à trois roues. Ils achètent donc la Vespa et la gonfle pour construire des réservoirs. Durant le trajet les accidents sont fréquents à cause d’un accroissement des possibilités d’explosion du réservoir. Néanmoins, ce réseau alimente les vendeurs de rue avec des bouteilles d’un litre ou des dames Jeanne. L’état Béninois interdit, du jour au lendemain, la vente de ces fioles. Le lendemain, il est obligé de retirer l’interdiction. En effet, bien que ce mode soit très dangereux et que l’essence soit frelatée, une personne ne sait, en général, pas se payer un plein d’essence. Cette forme de distribution en petite quantité est très importante. Dans la mesure où il n’y a pas de moyen, il n’y a pas de stock de matières premières. Les gens vivent petit à petit. La mentalité n’est pas au stockage. En termes d’infrastructures, il y a trois pompes d’essence à Cotonou, donc pour joindre les infrastructures, cela consomme autant. Si on touche à cela, il y a une explosion sociale car une centaine de personne vit dans ce réseau depuis le Nigéria/Bénin. Le port de Cotonou : Un autre exemple, est l’exportation de véhicules depuis l’Europe jusqu’au port de Cotonou. Dès le matin, dès l’arrivée des véhicules, il y a une série de gens qui s’engouffrent dans le port pour piquer des pièces sur les voitures arrivées. Il y a une prédation sur des objets qui arrivent, les gens rentrent dans le port qui devrait être fermé. Or on remarque que les gens payent les gardiens, ils prennent les objets et puis vont les vendre. Il y a quelques années, les autorités ont mis des types intègres pour bloquer le port. Les habitants n’ont plus de quoi faire fonctionner leur commerce et donc l’insécurité augmente. Ce blocage du port n’a pas duré très longtemps car Cotonou était presqu’en état d’émeutes. Ce n’est donc pas un système si informel, c’est régulé et ça fonctionne en fonction des besoins de la population. Revenons à l’exemple des taxis. Nous sommes devant des têtes de taxis, tout paraît être chaotique. Pourtant, chaque ligne a une destination particulière. Chacun sait que telle ligne va à tel endroit. De plus, le prix est accessible à tous et il y a moyen de charger dix-­‐sept personnes. Lorsqu’il arrive au bout du parcours, l’autre taxi part. C’est une organisation en circuit. Au fur et à mesure de son trajet, il y a embarquement. Le chauffeur conduit, l’apprenti charge, change les vitesses, prend l’argent, etc. Ce circuit dure toute la journée. Ce système est régulé pour que chaque personne fasse la même chose pendant une journée, il n’y a pas de raisons qu’un chauffeur fasse plus qu’un autre. De plus, ils ne prennent pas plus de seize personnes. S’il dépasse les quotas, il y a une amende. L’offre est répartie. 57 Anthropologie économique 2011-­‐2012 Si les voitures sont trop neuves, ils ne peuvent pas rester au même endroit. Les voitures « pourries » restent pour permettre une offre égale. Pour devenir taxi brousse, il faut le même modèle. Derrière cette idée, c’est une idée de régulation et derrière ça, il y a une organisation complète et complexe. Les régulateurs sont les responsables des taxis brousse. On retrouve là un système d’entraide. L’association récupère des pièces, vend de l’huile, ils assurent une sorte de mutuelle. Il y a un système, pas très efficace, mais qui est quand même un système de protection des chauffeurs. Il exerce en même temps, une pression et des relations avec la gendarmerie. L’état essaye vraiment d’empêcher ce type de transport. Cependant ce que l’état a mis en place, est beaucoup plus cher et n’est donc pas accessible à l’ensemble de la population. Il y a une structure social qui organise la profession, la régule et qui protège les individus. Personne n’accumule puisque l’offre est répartie parmi tous les acteurs. La logique n’est pas d’essayer de faire mieux que les autres mais une répartition égale entre tous les acteurs. 3) Option débrouillardise : la production d’Africa-­‐gin Une réalisatrice camerounaise fait une série de séquence sur ce titre. Dans ce passage, on va voir une femme qui fait de l’alcool. Ce sont des activités de type rural. La dame dans le reportage, Hélène, gagne environ 5000 francs CFA et en dépense environ dix mille sur le marché. Quel est son secret? Elle produit de l’alcool avec la sève de palmier : le vin de palme. La teneur en alcool frôle les 90°, une petite bouteille coûte 100 francs CFA, ce qui est accessible à la population. C’est l’alcool des pauvres. Ce n’est qu’en respectant le système de production initial qu’ils peuvent faire du gin… aussi clair que celui des bancs. Elle fait des multi-­‐activités mais c’est l’alcool qui rapporte le plus. Il y a toute une série de rites qui sont mis en place, qui ne sont pas « utiles » en soi mais qui font partie intégrante de la réussite de l’alcool. « Les ancêtres ont été favorables à l’élaboration de la cuvée, elle a travaillé assez ». Avec l’argent gagné, elle achète la nourriture, le savon, pour l’école des enfants et pour la maladie. Elle prend en charge, en plus de ses enfants, sa mère et ses grands-­‐parents. Principe d’alcool : Pour faire ce gin, il faut faire bouillir le liquide et ensuite le faire passer dans les tuyaux. Il y a un problème majeur dans la distillation et le mode de fabrication : l’alcool est frelaté lorsqu’il dépasse 80° car on passe d’un alcool comestible à un alcool dénaturé. Cela pose problème car les fabriques vendent cet alcool dénaturé et cela a des conséquences physiques sur les individus : les gens peuvent devenir aveugles, sourd, avoir des problèmes d’estomac car l’alcool dénaturé attaque le système nerveux et est toxique. Or la consommation est très importante. On est dans un système où il n’y a pas de question pour la santé publique : on fournit de l’alcool qui est un poison. Par ailleurs, la technique de production de l’alcool est conservée alors qu’il y aurait moyen de fabriquer des alambiques beaucoup plus efficaces avec du matériel de récupération qui ne serait pas nocif. Cela met en évidence l’importance de la tradition. Pourtant, même si on se trouve dans un village, le côté urbain est assez présent : 50% des populations sont en milieu urbain, les gens quittent le village pour aller en ville ce qui amène une déstructuration sociale. 58 Anthropologie économique 2011-­‐2012 Un dernier problème est que l’alcool de palm se fait par abattage de palmier. Les palmiers ne se régénèrent pas assez vite car il faut quinze ans pour les régénérer ; ils sont en rupture de stock. Ce type d’activité peut avoir des conséquences énormes (// avec le sol des mécaniciens au Bénin). Cela montre qu’il y a des dangers à tous les niveaux dans ce type d’économie. 4) Conclusion : Toute une série de choses sont éminemment critiquables dans ces systèmes de production – comme le statut de l’apprenti. Cependant, cette économie est la seule possibilité de survivre. Le fait d’être inscrit dans le système amène une place, une fonction. Dans un contexte où il n’y a pas de protection sociale, ce système permet de créer un lien social. De plus, dans les mentalités, la mort d’un individu ne serait pas liée à l’état du taxi mais parce que c’était écrit quelque part qu’il devait mourir. On retrouve cette conception dans beaucoup de documents. Par exemple, dans la sorcellerie, dans un village, il cherchait qui était le responsable de la mort de deux individus qui rentraient en voiture et qui roulaient trop vite ; il fallait trouver qui était le sorcier qui avait tué les hommes. La dimension de l’accident est niée par le groupe mais de façon générale, elle est niée au niveau de l’individu : « Inch’allah, c’est Dieu qui décide ». Des fois, au fur et à mesure d’être proche de cette mentalité, on en vient à adopter la même attitude, en faisant des choses qu’on n’oserait pas faire en Europe. Par exemple, on prend la moto sans casque. Par rapport à la prise de consommation d’alcool, il n’y a pas conscience de l’effet de celui-­‐ci puisque devenir aveugle se fait petit à petit et ils ne voient pas le lien. Il y a toujours cette notion du « on fait mieux que le blanc ». Le délai du développement de la maladie est important et donc ils ne mettent pas en lien l’alcool ou la mécanique. Il est donc très difficile de faire de la prévention. C’est pareil pour la prévention SIDA qui se faisait au travers de la radio, sans que les gens sachent ce que sont les préservatifs. Dans ces activités informelles, il y a les activités de soin. Une des pratiques pour guérir et de faire des scarifications à la lame de rasoir. Si la lame n’est pas changée, c’est problématique. Mais si on interdit la pratique, elle se passera quand même. Il ne faut surtout pas empêcher la pratique mais y aller avec sa propre lame de rasoir. Le rapport à la mort, au temps, c’est pas le même. Lorsqu’on va là-­‐bas, il faut prendre le temps de comprendre le fonctionnement, de suivre le temps… C’est l’heure CFA. II. Economie et développement Il y a des artisans qui partent de matériel de récupération pour faire des pièces particulières sur base de taules. Le lien qui est à faire est la question développement. On dit que ces pays sont sous-­‐développés mais comment cela se fait-­‐il alors que la colonisation a œuvré ? Alors que les contacts Afrique-­‐Occident sont présents, pourquoi les individus vivent-­‐ils dans de telles situations dans 80% d’économie informelle? Bref, pourquoi en est-­‐on là ? 1) L’économie du développement Pendant la période coloniale, ça allait de soi qu’en construisant des infrastructures en Afriques, les populations allaient rattraper leur retard. On a trop souvent tendance à 59 Anthropologie économique 2011-­‐2012 imaginer le colonial comme intéressé uniquement par son profit. Certains sont souvent partis avec un idéal d’apporter le progrès et le bien-­‐être aux populations. Les français, les anglais et les belges s’investissent dans leurs colonies. Ca sera moins vrai pour le Portugal. Dans les années 60, on ne parle pas d’économie de développement et informelle. Jusque dans les années 70, les préoccupations tournent autour de l’industrialisation, des rapports entre ville et campagne, de l’insertion des économies du tiers monde dans le commerce mondial et enfin de la dette. L’idée de développement est une construction occidentale qui met en évidence une certaine idéologie. 2) D’où vient cette idée de développement ? Elle va naitre à la fin de la seconde guerre mondiale principalement après les accords de Bretton Wood, après la création de la banque du développement qui deviendra plus tard la banque mondiale. Les accords de Yalta sont aussi une façon de séparer l’Europe entre le bloc socialiste et capitaliste. Au sortir de la guerre, le bloc capitaliste socialiste commence à s’affronter dans les colonies. Ce qui va être le premier acte de développement est le plan Marshall de 1948 qui va être un investissement fait par les USA pour la reconstruction de l’Europe. On entre là dans une logique de crédit où celui qui aide trouve plus de profit que celui qui est aidé qui s’endette. En 1949, dans le point quatre du discours de Truman (président des USA), on trouve, pour la première fois, la trace d’une référence au devoir d’aider les autres peuples. Pourquoi d’un coup, on se met à parler de cette nécessité d’aider ? C’est parce que le bloc soviétique est axé vers les populations et que leurs idées se développent. Si les USA ne se décident pas à faire quelque chose, une partie de la planète va être mangée par les communistes. 60 Anthropologie économique 2011-­‐2012 Le capitalisme est en train de renoncer à son fondement essentiel qui est l’impérialisme. C’est le début de la question du développement. Les signaux sont les éléments ci-­‐
dessus. 3) Whitman Rostow (1916 – 2003) : Whitman Rostow est considéré comme le théoricien du sous-­‐développement. Son ouvrage « les étapes de la croissance », en 1960, a connu un grand succès. Son objectif fondamental est de répondre à la question suivante : comment “ créer, de concert avec les hommes politiques et les peuples non communistes dans les régions qui sont en train de réunir les conditions préalables et de commencer leur démarrage, une association qui les mènera à une croissance durable, dans un climat politique et social laissant ouvertes toutes les possibilités de développement progressif et démocratique ”? Il développe une théorie omniprésente en Occident, dans la tête des Africains et des Asiatiques. Il travaille sur la révolution industrielle en essayant de comprendre la dynamique de développement de la révolution industrielle qui un phénomène qui bouleverse l’organisation sociale de l’Europe. Il met en évidence que les pays sous-­‐
développés sont au stade où l’Europe était avant la révolution industrielle. Si on leur applique les résultats de la révolution industrielle, les sociétés arriveront au même stade que celui de l’Occident. Le problème était donc double: il fallait montrer : •
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D’une part, et essentiellement à partir de l'histoire économique européenne –
comment les pays récemment décolonisés pouvaient à leur tour stimuler une croissance qui les conduirait au “ développement ” et, de l'autre, expliquer pourquoi le communisme ne pouvait offrir les moyens de réaliser cet objectif, puisque au contraire il constitue “ une sorte de maladie qui peut atteindre une société en période de transition si elle n'organise pas efficacement ceux de ses éléments qui seraient disposés à s'attaquer à la tâche de la modernisation”. D'où le sous-­‐titre “ un manifeste non communiste ”. L'immense succès de l'ouvrage tient sans doute au fait qu'il répond de façon convaincante à cette double préoccupation, même si la conviction qu'il veut faire partager repose souvent sur une argumentation discutable. Au moment où se constituait le champ du “ développement ”, il montrait à quel point celui-­‐ci pouvait être intéressant, non seulement pour la réflexion, mais aussi pour marquer des points dans les domaines économique et politique. Sa philosophie de l’histoire : À considérer le degré de développement de l'économie, on peut dire de toutes les sociétés qu'elles passent par l'une des cinq phases suivantes: •
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La société traditionnelle Les conditions préalables du démarrage Le démarrage Le progrès vers la maturité L’ère de la consommation de masse 61 Anthropologie économique •
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2011-­‐2012 Selon lui, la société traditionnelle est le degré zéro, il ne s’y passe rien. Il y a un apriori par rapport aux sociétés traditionnelles qui est celui du primitivisme : elles ont une faible productivité et une lutte incessante contre la rareté. On est toujours dans une société où il n’y a pas assez à manger et dans lesquelles rien ne peut se passer. On est devant le pur exemple de l’évolutionnisme : Rostow pense que son modèle est le bon modèle et qu’il faut l’atteindre. Dans toute sa théorie, il parle de décollage et fait des liens avec les dimensions biologiques (le papillon va s’envoler). Les conditions préalables du démarrage sont l’installation de choses qui vont modifier le fonctionnement de la société traditionnelle. Elles vont être amenées au changement par le contact avec la civilisation, principalement par le contact avec la démonstration. Son discours justifie la colonisation. Si on veut que ces gens passent de la primitivité à la modernité il faut qu’on soit là pour montrer ce qu’est la modernité. Il attend que la productivité en vienne à s’accroître, il attend qu’une nouvelle élite arrive, à l’image des chevaliers d’entreprise, à l’image de la révolution industrielle. •
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Une fois ces conditions préalables, il passe au démarrage. Le bourgeon éclot, le poussin sort de sous œuf… La croissance est débarrassée de tout ce qui l’entrave. A ce stade, les coutumes vont intégrer la notion d’intérêt composé : on ne consomme plus uniquement ce qu’on produit car l’intérêt composé, c’est l’accumulation. Ces sociétés doivent rentrer dans l’accumulation. Même si ce ne sont pas des sociétés qui accumulent, c’est la condition essentielle au progrès vers la maturité et à l’ère de la consommation. Il faut retenir tout ce coté de la biologisation, de l’arrivée à maturité de la société. Il faut réfléchir à quel point cette vision est encore présente en nous. Malgré tout, on reste des évolutionnistes, dans une position intellectuelle où on veut qu’ils deviennent comme nous. 4) Le rôle des anthropologues Les projets sont toujours pensés ici pour être amené là-­‐bas et l’écoute dynamique est peu présente ; l’anthropologie sert principalement d’alibi et on tient peu compte de leurs recommandations. Tous les gouvernements adoptent cette approche : on met en place des politiques de développement basées sur le modèle traditionnel qui doit atteindre la modernité. Après quelques années, on remarque qu’il y a un échec du développement. Par exemple, l’Eléphant blanc est un grand projet de développement où des infrastructures sont construites avec des techniques, du matériel que les gens ne peuvent utiliser et du matos qui ne peut pas être changé, être entretenu. C’est le cas pour les bâtiments télé de la communauté rwandaise. Par ailleurs, ils phagocytent les camions qui fonctionnent et ceux qui ne fonctionnent pas pour en avoir au moins un qui fonctionne. Ce sont des projets fabriqués ici et amené là-­‐bas qui ne marchent pas. Le développement espéré ne marche pas. 62 Anthropologie économique 2011-­‐2012 5) De quoi vivent donc ces gens ? Il y a un phénomène d’urbanisation très important. Cinquante pourcent de la population vit à la ville. L’image de la population rurale est renversée, ne tient plus la route. La population dans ces pays a doublé en vingt ans et la population urbaine a doublé en douze ans. On est dans un contexte où il y a une absence de protection sociale généralisée. Si un individu en Europe arrive dans un hôpital sans couverture sociale, il peut bénéficier des soins. Au CHU de Cotonou, les gens meurent dans la salle d’attente s’ils n’ont pas l’argent. Il y a une extrême précarité des soins de santé. Il y a une faible création de l’emploi voire une disparition de certains emplois, de l’industrie moderne – comme la cimenterie. Malgré les structures mise en place, ça ne se développe pas. Le contexte est un état prédateur avec des dictateurs. Ce sont des gens qui utilisent les ressources de l’Etat à leur propre compte. De plus, il y a des conflits ethniques – par exemple au Rwanda – qui durent de longue date et rendent le pays instable. Au niveau des épidémies, il y a le paludisme et la rougeole qui sont présent. III. L’informel avant le mot Avant les années septante on utilise trois registres pour parler de ce que l’on nommera plus tard l’économie informelle. •
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Le registre de la marginalité : Lorsqu’on observe ces pratiques de petits métiers, on se dit qu’ils ne vont pas durer, qu’ils vont disparaître comme en Occident. Il s’agit d’une masse marginale et d’un pôle qui va disparaître car on est dans la délinquance, dans une absence d’habitat fixe et dans un refus d‘intégration. Situation de transition : Il y a une masse d’urbain qui sont en attente d’un emploi Le registre de la pauvreté et de la survie : Ces population sont dans le cercle vicieux de la pauvreté et n’ont pas les moyens d’en sortir. On ne peut rien faire car les populations sont incapables de changer Ce qui est montré est l’idéal de notre société par contraste à la réalité. En matière de développement, ça ne fonctionne pas. IV. L’irruption de l’économie informelle Keith Hart dans le rapport Kenya détermine ce qu’est l’économie informelle : •
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Facilité d’accès à l’activité : le taxi-­‐brousse n’est pas toujours facile d’accès Utilisation des ressources locales Propriétés familiales de l’entreprise Echelle d’activité réduite : on est dans une petite activité, pas comme dans les sorciers de la mécanique Usage de techniques qui privilégient le recours à la main d’œuvre Qualification acquise hors du système officiel de formation : un nombre conséquent de personnes sont formées dans ce systèmes. A Cotonou, la 63 Anthropologie économique •
2011-­‐2012 municipalité reconnaît ceux qui ont suivi une formation chez les fondeurs d’aluminium. Marchés concurrentiels et sans réglementation : il y a une régulation de la concurrence et des réglementations qui même si elles ne sont pas explicites sont implicites et les marchés ne sont pas toujours en concurrence. Comment expliquer l’absence de démarrage d’une économie dite moderne. Pourquoi ça ne se passe pas ? Car ils travaillent dans l’économie informelle par opposition à l’économie formelle. C’est en 1974 que l’on retrouve le terme. Une série d’autres chercheurs se sont mis à étudier ce phénomène et ont contesté le terme d’économie informelle. Derrière les termes, on peut retrouver différentes approches politiques (marxiste, libérale, etc). Cette notion d’économie informelle est mise en débat au niveau des chercheurs (socio-­‐économique), des acteurs qui vont mettre en place des politiques. D’un coup, cette économie considérée comme résiduelle devient le centre d’intérêt. V. Formaliser l’informel Quelle est l’idée qui va germer ? « On est en train de développer des politiques de développement mais ça ne marche pas, il faut voir à la population ». L’Occident va alors créer des postes d’entrepreneurs d’entreprises. C’est un nouveau projet qui se colle à quelque chose d’existant mais puisque les politiques n’y sont pas arrivées par le dessus, par les gouvernements des pays sous-­‐développés, ils veulent arriver à leurs fins par le dessous, par les petits entrepreneurs. Le postulat repose sur deux grands principes : •
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Les entreprises ont une vocation à grandir. Elles ne grandissent pas par manque d’équipement, de crédit, de formation Problèmes : •
Cette économie fonctionne selon des processus de régulation, à partir du moment où on ajoute des moyens, on bouleverse l’économie. 64 Anthropologie économique •
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2011-­‐2012 A qui va-­‐t-­‐on prêter ? Pour obtenir un crédit, les sociétés doivent fournir des garanties qu’elles n’ont pas. Ils vont prêter à des gens à qui ils ne devraient pas prêter. Logique d’accumulation ou reproduction familiale : On n’est pas dans des systèmes d’accumulation mais dans des systèmes de reproduction familiale. A partir du moment où la personne a assez pour nourrir, ça lui va. La population ne pense pas en termes de grandeur de l’entreprise ; elle n’est pas dans une logique d’accumulation et le travail n’est pas la finalité absolue. Gagner de l’argent sert à nourrir la famille. Ils peuvent travailler très durs à certains moments, mais il y a une qualité de vie : les gens ne vont pas travailler sept jours par semaines si ce n’est pas nécessaire. Financement des stocks avant l’équipement : Le problème est le stock avant celui de l’équipement. Puisqu’il n’y a pas de stock, ils ne savent pas construire. Par exemple, pour le stock d’aluminium, certains perdent leur contrat à cause d’un manque de stock. Concurrence déloyale : Dès que j’aide un certain nombre d’artisans, la concurrence devient déloyale. Celui qui avait déjà des possibilités d’offrir des garanties va devenir encore plus efficace. Il ne va pas améliorer son outil de travail mais va faire diminuer les prix. Pour les autres, ça pose problème. Il existe néanmoins des ONG qui aident les petits artisans qui essayent d’utiliser des produits moins mauvais pour la santé, etc. Mais ça ne passe pas par la coopération internationale. Politiques d’ajustement structurel (1985) On est en pleine montée du libéralisme où les mots d’ordre sont : le moins d’Etat, le moins d’intervention possible avec la place maximum aux marchés car seul le marché serait capable de répondre aux questions (néolibéralisme). Ces politiques sont mises en place par le FMI avec pour objectif de rendre les appareils productifs plus performants (publics comme privés). Cela va amener l’arrivée de déflatée : des gens sont mis dehors des entreprises et des administrations pour rendre l’entreprise plus productive. Cela va générer : •
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Une perte énorme d’emploi. Dans le secteur privé, il y a une baisse des marchés de l’état, Dans le secteur public il y a une restructuration d’entreprises de l’état Réformes administratives Baisses des revenus Baisses des budgets consacrés à l’éducation et la santé : le fait d’avoir diminué le budget santé signifiait que les gens n’avaient plus accès à une certain nombre de médicaments. On se retrouve dans un contexte où il y a une forme de laisser-­‐faire et où les gens qui réfléchissent à l’économie informelle disent qu’elle ne sert à rien ; qu’elle sert uniquement à survivre et qu’elle n’est pas utile pour le développement. On est de retour à la case départ. Dans ces pays, les activités dites informelles occupent environ 90% de l’économie. La vraie économie réside justement dans cette économie informelle (populaire). Cette économie permet à ces sociétés de vivre. On 65 Anthropologie économique 2011-­‐2012 va examiner en profondeur l’économie pour voir comment ça fonctionne, comment se financent les activités mais pas selon notre modèle, selon le modèle de la tontine. VI. Intermédiation informelle : les Tontine. Notes prises au vol : •
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Ce sont des femmes qui se réunissent. Dès qu’on est en retard, il faut payer une amende. Les femmes sont très catholiques, il y a la prière avant de commencer l’activité : « Mets-­‐toi de l’amour, n’oublie pas » Ce sont des revendeuses qui vivent de petits commerces (oignons, arachides, semi-­‐grossiste, etc.). Le but est l’assistance dans les moments difficiles et la solidarité dans les membres. Les tontines sont créées à la suite de la déception de la présidente. « L’argent n’est jamais malade, il ne part pas en congé ». Ils n’imaginent pas ne pas payer leur cotisation. C’est une comptabilité soigneuse qui est recomptée. Le montant récolté est donné à une bénéficiaire pour un décès, etc. Chacun s’inscrit pour le montant correspondant à ses besoins mais le taux par caisse est fixe. Vu que ça marche, les tontines sont ouvertes aux hommes. A la tontine des revendeuses, il existe une caisse d’huile et de savons mais aussi des essuies, etc. Elle remplace la banque et évite la paperasse administrative. Elles montrent que l’association a de l’importance par les tenues qu’elles portent. 1) Argent chaud, argent froid Au Zaïre, on est dans un système où les banques ne fonctionnent pas du tout, où l’Etat est en dévaluation constante. Sous Mobutu à Kinshasa, les billets sont imprimés en Amérique du sud et sont directement changés en argent fort. Il n’y a aucune confiance dans le système bancaire qui est capable de fermer du jour au lendemain. De plus, la population ne peut accéder aux services de la banque. Dans les années 80, il y a eu une crise bancaire ce qui a fait que les gens n’ont plus confiance en le système. 2) Intermédiation informelle aux banques Dans ce système dit informel, l’intermédiation financière se fait au niveau des tontines. 66 Anthropologie économique 2011-­‐2012 Quel est l’intérêt ? C’est une possibilité de disposer d’une somme importante d’argent et chacun va bénéficier des ressources des autres. On est dans un système d’épargne-­‐crédit. L’argent est placé quelque part et il est placé. Dans ce système, on va accorder une place à une personne en fonction de ses besoins (soins de santé immédiats, par exemple), par tirage au sort ou par négociation. En dehors de toutes règles, il n’y a aucune assurance lorsqu’on est douzième à obtenir l’argent de la tontine. Cependant, si une personne sabote le système en ne payant plus une fois l’argent obtenu, elle est exclue du système. Or le lien social et la sociabilité, comme nous l’avons vu avec l’exemple des sorciers de la mécanique, sont quelque chose de très important dans ces sociétés. Remarquons que les femmes sont des marchandes, qui assument beaucoup de choses. L’économie fonctionne par les femmes. C’est avec ce système de tontines qu’elles financent des activités que ça soit des biens propres ou des affaires commerciales. C’est un système dans lequel il n’y a pas d’intérêt. La personne est tenue de respecter les engagements, même une fois morte par l’intermédiaire de ses enfants. On retrouve ça partout, en Asie, en Europe de l’Est. Dans tous le pays d’Afrique, on retrouve les tontines pour le travail : on travaille dans les champs selon les tontines. C’est un principe inscrit dans l’humanité. Caractéristiques des associations : Des anthropologues ont fait des enquêtes de terrains et des enquêtes quantitatives sur les villes en utilisant des méthodes de recherche de la santé publique. •
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Les associations sont entre trente et trois-­‐cent personnes, même si les groupes font en général cinquante personnes. Les femmes sont majoritaires mais les hommes viennent de plus en plus. L’accès aux associations est libre ou conditionné par le lieu de résidence, l’appartenance à un même village, à une région d’origine, etc. Souvent les gens sont dans plusieurs associations. 67 Anthropologie économique •
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2011-­‐2012 Ca peut être des associations de faits, des associations ayant des statuts oraux ou écrits. Souvent inspirés des statuts occidentaux, ces associations permettent une médiation à l’intérieur des quartiers. Le père, choisi par notoriété, peut régler les conflits Ce dont nous parlons n’est pas un phénomène marginal mais fréquent. Prévalence associative Comment fonctionnent les associations ? Pour plus de facilité, le schéma ci-­‐dessous est divisé en catégories. Néanmoins, le social et l’économique ne sont pas pensés comme deux catégories mais sont toujours intégrés. •
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Entraide mutuelle : système de cotisations obligatoires pour bénéficier des aides en cas de « bonheur » ou de « malheur ». Ces caisses sociales sont à différencier des caisses épargnes. La caisse secours a un fonctionnement particulier : elle a un caractère obligatoire. L’argent des caisses ne sert qu’à couvrir des dimensions comme des maladies, un deuil, une naissance, un mariage, etc. La cotisation est obligatoire. Si on ne paye pas, on ne participe pas à l’activité. C’est un système construit par les groupes par eux-­‐mêmes. Tous les mois, tous les cotisants donnent la même somme d’argent. Sociabilité : échange et lien social (appartenance à l’association par l’uniforme) Politique : beaucoup d’associations sont nées à la base d’une initiative de quartier (voisins qui s’associent et créent une association). L’association peut être un lieu où l’on va régler des conflits, former les jeunes à la citoyenneté. Tout cela se fait sous l’implication dynamique des membres (personne de plus haut qui décide) Intermédiaire financier : caisse d’épargne (système non obligatoire). L’argent est stocké et peut être prêté aux membres en fonction des opportunités. La tontine explique le système d’épargne rotative mais derrière ça, il y a toutes ces activités, comme le montre le schéma. La motivation à rejoindre une association est qu’elle a une fonction sociale assez forte. En effet, beaucoup de femmes se retrouvent seuls avec des enfants et les liens 68 Anthropologie économique 2011-­‐2012 antérieurs avec la famille et les amis, peuvent être rompu. Il peut y avoir un transfert de la fonction familiale dans ses associations. La dimension sociale est largement privilégiée. Il faut distinguer la caisse épargne de la caisse sociale: Dans les caisses épargnes, chacun met de l’argent dans la caisse en fonction de ce qui est possible. Chacun emprunte de l’argent s’il a besoin. On est dans un système classique. Ca devient moins classique car l’argent est grevé de dix à vingt pourcent d’intérêt. Ces systèmes sont de l’usure : prêter de l’argent avec des intérêts énormes. C’est une analyse erronée. Quand l’argent rentre dans la caisse, c’est un intérêt. En effet, en décembre, il y a une cassation avec un système comptable important. Ils rendent l’argent avec un intérêt impossible de calculer avant. C’est un système de redistribution mais pas d’usure. Ce système suppose que l’argent soit perpétuellement en circulation pour générer des ressources qui bénéficient à tous. L’intérêt est proportionnel à l’épargne. A partir du moment où on s’intègre, on devient un partenaire. Par exemple, un homme qui aide dans une association aide un jour le président de l’association en lui donnant de l’argent. Mais il donne juste l’argent sans s’intégrer, ce qui est pris comme un don d’argent froid. Le micro-­‐crédit est pensé selon un fonctionnement de remise à la fin du mois, or dans la tontine pas. Les systèmes de micro-­‐crédits ne tiennent pas compte des systèmes de Tontines, de leur dimension sociale. Lorsqu’on rentre dans des groupes importants (plus que douze), ça devient très complexe. Il y a une pression sociale énorme, autant qu’un lien social très fort. 69 
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