Chapitre 13 : le réflexe myotatique : un exemple de commande nerveuse du muscle Les réactions comportementales, les représentations du monde que se construit un organisme grâce à son système nerveux, sont des aspects de son phénotype au même titre que ses caractéristiques physiques. Tout animal vivant dans un milieu ne peut vivre en harmonie avec celui-ci s’il ne prend pas en permanence des informations sur son environnement mais également des informations sur le fonctionnement de son propre organisme. Cette prise d’informations est vitale car elle est indispensable aux fonctions - de nutrition (recherche de la nourriture pour la survie de l’individu), - de reproduction (recherche d’un partenaire sexuel pour la survie de l’espèce), - de protection (échapper aux prédateurs et/ou au climat pour la survie de l’individu et de l’espèce) - et au maintien de l’homéostasie (équilibre interne de l’organisme) Le système nerveux permet la construction d’une représentation du monde. La plupart du temps cette prise d’informations peut être parfaitement consciente et aboutir à une action volontaire. Néanmoins, certaines activités sont de l’ordre du réflexe. Ce sont des réactions rapides, stéréotypés et involontaires. La plupart des réflexes ne sont ni appris, ni prémédités, ni volontaires ; ils sont en quelque sorte intégrés à la physiologie de notre système nerveux, innés. Dans le cadre de ce chapitre, nous allons étudier le réflexe qui permet le maintien de la posture (debout, assis..) : le réflexe myotatique. En effet, la gravité tend en permanence à modifier cette posture. Pourtant, celle-ci peut rester stable ; les différents segments osseux des membres, du tronc et du cou sont alors maintenus dans une position donnée. Problème : comment le réflexe myotatique permet la commande réflexe de certains muscles afin de maintenir une certaine posture ? 1. Caractéristiques et trajet nerveux du réflexe myotatique. 1. Les caractéristiques d’un réflexe myotatique. Exemple d’un réflexe myotatique : pour maintenir la tête en position verticale, des muscles situés au niveau de la nuque tirent sur le crâne exerçant une force opposée à la pesanteur ce qui évite à la tête de tomber vers l’avant. Dans ce cas, la gravité exerce un étirement permanent de tous les muscles extenseurs qui réagissent par une contraction tonique permanente. Ce réflexe, caractérisé par : une contraction du muscle en réponse à son propre étirement, est appelé réflexe myotatique. Il est une composante importante du tonus musculaire. TP 22 : Etude d’un réflexe myotatique : le réflexe achilléen. Par un choc léger sur le tendon d’Achille, on provoque un léger étirement du muscle extenseur (muscle soléaire) qui répond par une contraction entraînant l’extension du pied : c’est le réflexe achilléen (il en est de même pour le réflexe rotulien). 1 Feuille d’activité : mise en évidence du trajet des voies nerveuses du réflexe myotatique. 2. trajet nerveux du réflexe myotatique Le circuit nerveux peut être décomposé ainsi : Le stimulus : l’étirement du muscle sous l’effet de la gravité (ou dans le cas du réflexe achilléen, sous l’effet du choc sur le tendon) Le récepteur sensoriel-voie sensitive : Le fuseau neuromusculaire Les fuseaux neuromusculaires sont des fibres musculaires modifiées. Ces fuseaux neuromusculaires sont des récepteurs à l'étirement du muscle, ce dernier est donc un récepteur percevant une déformation mécanique : il s’agit d’un mécano-récepteur. Une fibre nerveuse afférente part de chaque fuseau neuromusculaire. L’allongement d’un fuseau provoque la création d’un message nerveux sensitif à l’extrémité des fibres afférentes, il se propage le long de la membrane dendritique (ici la dendrite est plus longue que l'axone) puis axonique des neurones sensitifs en T, vers la moelle épinière. La fibre nerveuse afférente qui est le prolongement d'un neurone dont le corps cellulaire est dans le ganglion de la racine dorsale d'un nerf rachidien, conduit des messages vers le centre nerveux du réflexe : la moelle épinière. Le centre nerveux : La moelle épinière La moelle épinière est le centre nerveux intégrateur de ce réflexe, il coordonne l'activité des effecteurs musculaires. La moelle épinière est logée dans le canal vertébral, en arrière de la colonne et est en relation avec les différents organes du tronc et des membres grâce à 31 paires de nerfs rachidiens. Dans la substance grise de la moelle épinière, les axones des neurones sensoriels établissent des synapses avec des neurones moteurs (ou motoneurones) Les corps cellulaires des motoneurones sont localisés dans la substance grise de la moelle épinière. Lors de la réception d’un message nerveux d’une fibre sensitive afférente, le motoneurone établissent un nouveau message nerveux en direction du muscle extenseur. (Message nerveux moteur). Un de ses longs prolongements (axone) passe par la racine ventrale et constitue la fibre efférente qui va jusqu’au muscle. La voie motrice A proximité des fibres musculaires, l’axone du motoneurone se ramifie (c’est l’arborisation terminale) et forme de nombreuses terminaisons synaptiques. Chacune d’entre elles est en contact avec une fibre musculaire, formant une synapse neuro-musculaire ou plaque motrice. Ainsi, lorsqu’un message nerveux parvient aux différentes terminaisons synaptiques d’un même neurone, il commande la contraction simultanée de plusieurs fibres musculaires, ce qui coordonne la réponse du muscle. L’effecteur et l’effet : Le muscle étiré se contracte. 2 3 2. La nature du message nerveux A. Le potentiel de repos. Si l'on place l'extrémité d'une microélectrode dans une cellule nerveuse, il est possible, dès l'entrée dans la cellule, d'enregistrer une différence de potentiel (ddp) par rapport au milieu extérieur d'environ -70 mV. Cette ddp, appelée potentiel de repos, est variable d'une cellule à l'autre et caractéristique de toutes les cellules vivantes. L'intérieur de la cellule est donc négatif par rapport à l'extérieur, ce qui s'exprime par un potentiel de repos ou potentiel de membrane (Vm) égal à -70 mV. Ce potentiel de repos résulte de l'inégale répartition des ions de part et d'autres de la membrane cytoplasmique. Rq. Ce potentiel de repos est maintenu de manière dynamique par des protéines : « des pompes », qui utilisent de l’énergie pour ce maintien. TP 23 : nature du message nerveux – perturbation de la transmission B. Le potentiel d’action. La stimulation d'une fibre nerveuse fait naître un signal nerveux. Celui-ci correspond à une inversion brutale et transitoire du potentiel de membrane (potentiel de repos) : c'est le potentiel d'action. Celui-ci comprend plusieurs phases : 1. Si la stimulation est suffisante, le potentiel de membrane franchit une valeur appelée "valeur seuil", on observe alors une brusque (environ 1 msec) et ample inversion de la polarisation membranaire (l'électrode intracellulaire passe d'une valeur négative de - 70 mV à une valeur positive de + 30 mV, soit une variation de 100 mV). C’est la phase de dépolarisation. 2. On observe ensuite une phase de décroissance du potentiel d'action (PA) qui est également très rapide (1 à 2 msec). Le potentiel de membrane revenant alors vers son niveau initial, c’est la phase de repolarisation. 3. Puis, à la fin de la phase de repolarisation, le potentiel de membrane atteint une valeur plus négative que le niveau de son potentiel de repos (on dit l'axone s’hyperpolarise), c’est la phase d’hyperpolarisation. 4. Le retour à la valeur de potentiel initial se fait plus lentement (quelques msec), 4 Après chaque excitation, il existe une période pendant laquelle le neurone est inexcitable (durée : environ 10 ms) ; c'est la période réfractaire. Rq : L'influx nerveux est un phénomène électrique mais n'est pas comparable à un courant électrique : la vitesse de propagation de l'influx nerveux est de 1 à 100 m/s tandis que la vitesse de propagation du courant électrique avoisine les 300 000 km/s. L'influx nerveux s'apparente davantage à une onde qui se propage à la + + surface du neurone. Dépolarisation et repolarisation résultent des entrées et des fuites d'ions Na et K de part et d'autre de la membrane. Le potentiel présente quelques caractéristiques fondamentales : • À partir de la valeur seuil de dépolarisation, toute stimulation n'apporte aucun changement dans la réponse observée : le PA obéit à la loi du tout ou rien. Si le seuil de dépolarisation n'est pas atteint, il n'apparaît pas (rien). Si le seuil est atteint, la réponse est maximale d'emblée (tout). • Émis en un point de l'axone, il se propage de manière autonome, sans atténuation, tout au long de la fibre. C. Le codage du message neveux Au niveau d’une fibre nerveuse, si on augmente l’intensité du stimulus ou la fréquence d’application du stimulus (ici l’étirement du fuseau neuro-musculaire), on assiste à une succession de potentiels d’action (= train de potentiels d’action) qui ont tous la même amplitude et dont la fréquence code l’intensité de la stimulation. Plus l’intensité du stimulus est importante, plus la fréquence des PA est élevée Exercice : rappel structure et fonctionnement d’une synapse 5 3. Le fonctionnement des synapses. A. Structure et fonctionnement d’une synapse. Dans le circuit neuronique du réflexe myotatique, il existe deux types de synapses : - des synapses entre neurones (synapses neuro-neuroniques) localisées dans le système nerveux central entre le neurone sensitif et le motoneurone ; - des synapses entre l’axone du motoneurone et une fibre musculaire c’est à dire au niveau d’une plaque motrice (synapses neuro-musculaires). Dans les deux cas, on observe une organisation similaire, ainsi on trouve : - dans l’élément présynaptique de nombreuses vésicules contenant une substance chimique particulière : un neurotransmetteur, - Une fente synaptique qui sépare l’élément présynaptique de l’élément postsynaptique (autre neurone ou cellule musculaire). - des récepteurs au neurotransmetteur sur la membrane de l’élément postsynaptique. La transmission synaptique est unidirectionnelle et polarisée : elle ne se fait que depuis l'élément présynaptique vers l'élément post-synaptique. La transmission synaptique s’effectue de la manière suivante : - L'arrivée d'un message nerveux présynaptique induit la libération, en plus ou moins grande quantité de neurotransmetteurs, contenus dans les vésicules présynaptiques et libérées dans la fente synaptique par exocytose. - Une fois le neurotransmetteur libéré, celui-ci se fixe sur les récepteurs spécifiques localisés sur la membrane postsynaptique. - La fixation du neurotransmetteur sur son récepteur entraine des mouvements d’ions à l’origine d’une variation du potentiel de membrane de l’élément postsynaptique. Si cette variation franchit la valeur seuil, elle provoque la création d’un potentiel d’action. (Potentiel d’action musculaire dans le cas de la synapse neuromusculaire) qui entraîne la contraction musculaire. La quantité de neurotransmetteur libérée dans la fente synaptique est proportionnelle à l’intensité de la stimulation musculaire. Le message nerveux est donc codé en concentration de neurotransmetteur. 6 B. Des substances qui perturbent le fonctionnement des synapses. Dans le cas de la synapse neuromusculaire, le neurotransmetteur est toujours le même : l’acétylcholine. Or diverses substances sont susceptibles de se fixer sur les récepteurs post-synaptiques de l’acétylcholine portés par la membrane plasmique de la fibre musculaire. Certaines de ces substances activent le récepteur, comme le fait l’acétylcholine : on dit que ce sont des agonistes. D’autres, au contraire, ont un effet inhibiteur : ce sont des antagonistes. Exemple : Le curare présente une analogie de forme avec l’acétylcholine. Ainsi, le curare peut se fixer sur le récepteur à l’acétylcholine. Dans ce cas, elle empêche l’action de l’acétylcholine (effet antagoniste), les muscles ne peuvent plus se contracter (paralysie respiratoire notamment). 7