CAD/CAM - Dental Tribune International

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I spécial _ science et pratique
Cellules souches
en implantologie
Auteur_ Dr André Antonio Pelegrine, Brésil
Fig. 1
Fig. 1_Cellule souche évoluant vers
un autorenouvellement
ou une voie de différenciation.
Fig. 2_Différents tissus issus de
cellules souches mésenchymateuses.
Fig. 3_La diversité de types
cellulaires présents dans
la moelle osseuse.
Fig. 4a_Point de la piqûre d’aiguille
pour accéder à l’espace médullaire
au niveau de l’os iliaque.
Fig. 4b_L’aiguille à l’intérieur
de la moelle osseuse.
Fig. 5a_Greffon osseux prélevé
au niveau du menton.
Fig. 5b_Greffon osseux prélevé
au niveau de l’angle de la mandibule
(ramus ou branche montante
de la mandibule).
Fig. 5c_Greffon osseux prélevé
au niveau du crâne (voûte crânienne).
Fig. 5d_Greffon osseux prélevé au
niveau de la jambe (tibia ou péroné).
Fig. 5e_Greffon osseux prélevé
au niveau de l’os coxal (os iliaque).
Fig. 6_Une lésion intra-osseuse
critique, induite dans
le crâne d’un lapin.
Fig. 7_Culture primaire de cellules
souches adultes mésenchymateuses
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_Le corps humain contient
plus de 200 types différents de
cellules, organisées en tissus et
organes, qui effectuent toutes
les tâches nécessaires au maintien de la viabilité du système,
notamment la reproduction.
Dans les tissus sains adultes, la
taille de la population cellulaire
est la résultante d’un équilibre
subtil entre la prolifération, la
différenciation et la mort des
cellules. Après une lésion tissulaire, les cellules commencent à proliférer pour réparer
les dommages. Pour y parvenir, les cellules quiescentes
(c’est-à-dire les cellules dormantes) du tissu, se multiplient ou des cellules souches sont activées et se différencient pour produire le type cellulaire adéquat et
nécessaire, à la réparation du tissu lésé. Les recherches
sur les cellules souches visent à comprendre le mécanisme du maintien et de la réparation des tissus à
l’âge adulte, ainsi que la dérivation du très grand
nombre de types cellulaires des embryons humains.
On sait depuis longtemps que les tissus peuvent se
différencier en de nombreux types cellulaires. On sait
également que dans certains tissus tels que le sang, la
peau et la muqueuse gastrique, les cellules différenciées
ont une demi-vie très courte et sont incapables de se
renouveler elles-mêmes. Ainsi s’est dégagée l’idée que
le maintien de certains tissus pourrait être assuré par les
cellules souches, définies comme des cellules capables,
dans une énorme proportion, de produire des copies
d’elles-mêmes (autorenouvellement), et parallèlement
de générer des cellules filles susceptibles de se différencier. Ces cellules filles, que l’on dénomme aussi
cellules souches adultes, ne donneront naissance qu’à
des lignées cellulaires spécifiques, des tissus où elles
se trouvent (Fig. 1).
Il est non seulement possible d’isoler les cellules
souches des tissus adultes et embryonnaires, mais il
Fig. 2
Fig. 3
Fig. 4a
Fig. 4b
spécial _ science et pratique
I
Fig. 5a
Fig. 5b
Fig. 5c
Fig. 5d
Fig. 5e
Fig. 6
est aussi possible de les cultiver et de les conserver sous
forme de cellules indifférenciées. Les cellules souches
embryonnaires ont la capacité de produire toutes les
cellules différenciées d’un adulte. Leur potentiel de
différenciation est donc bien plus important que le seul
lignage mésodermique conventionnel, et peut les faire
évoluer en cellules hépatiques, rénales, musculaires,
cutanées, cardiaques et nerveuses (Fig. 2).
La découverte du potentiel des cellules souches
a marqué le début d’une ère nouvelle de la médecine :
l’ère de la médecine régénérative. Elle a permis d’envi-
sager la régénération d’un tissu ou d’un organe lésé, qui
sinon aurait été perdu. Cependant, et pour des raisons
évidentes, l’utilisation de cellules souches embryonnaires soulève des questions d’éthiques. C’est pourquoi
la plupart des études scientifiques se concentrent sur
les cellules souches adultes. Ces dernières n’ont pas
le potentiel presque illimité des cellules souches embryonnaires, qui peuvent se différencier en n’importe
quels types de cellules et tissus. De l’avis général, elles
sont multipotentes, c’est-à-dire capable de donner
naissance à certains types de cellules ou tissus biens
spécifiques. Grâce aux progrès de la recherche scien-
de moelle osseuse,
après 21 jours de culture.
Fig. 8a_Image tomodensitométrique
d’un crâne de lapin, après une
allogreffe osseuse sans cellules
souches (flèche bleue). Noter la
persistance de la lésion intra-osseuse.
Fig. 8b_Image tomodensitométrique
d’un crâne de lapin, après une
allogreffe osseuse avec des cellules
souches. Noter la disparition presque
totale de la lésion intra-osseuse.
Fig. 7
Fig. 8a
Fig. 8b
Fig. 9
Fig. 10a
Fig. 10b
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Fig. 11a
Fig. 11b
Fig. 11c
Fig. 11d
Fig. 11e
Fig. 11f
Fig. 9_Bloc osseux provenant
d’une banque de tissu
musculo-squelettique, combiné avec
un concentré de moelle osseuse.
Fig. 10a_Image histologique
du site greffé avec un os provenant
d’une banque osseuse,
combiné avec de la moelle osseuse.
Noter la présence de grandes
quantités de tissu minéralisé.
Fig. 10b_Image histologique
du site greffé avec un os provenant
d’une banque osseuse et n’ayant pas
été combiné avec de la moelle
osseuse. Noter la présence des
faibles quantités de tissu minéralisé.
Fig. 11a_Moelle osseuse.
Fig. 11b_Moelle osseuse transférée
dans un tube à essai conique en
milieu stérile (écoulement laminaire).
Fig. 11c_Homogénéisation de la
moelle osseuse dans une solution
tampon (écoulement laminaire).
Fig. 11d_Moelle osseuse
combinée avec un milieu Ficoll
(milieu facilitant la séparation
des éléments cellulaires).
Fig. 11e_Prélèvement à la pipette
de l’interface contenant les cellules
mononuclées (où les cellules
souches sont présentes).
Fig. 11f_Seconde centrifugation.
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CAD/CAM
1_ 2014
tifique, on a pu déterminer que la régénération de
certains tissus pose de plus grandes difficultés. C’est
le cas du tissu nerveux, tandis que le tissu osseux ou le
sang répondent mieux à une thérapie par les cellules
souches.
En odontologie, les études se sont penchées sur
l’utilisation de la pulpe des dents temporaires comme
source potentielle de cellules souches, et les résultats
obtenus ont été encourageants. Toutefois, la régénération d’une dent complète, que l’on désigne par troisième
dentition, est un processus extrêmement complexe
qui, malgré un certain nombre de résultats prometteurs
chez l’animal, reste très loin de la réalité clinique. Par
contre, on dispose d’un niveau de preuves scientifiques
plus élevé sur la régénération de l’os de la mâchoire
et son applicabilité clinique. Actuellement, les cellules
souches adultes ont notamment été dérivées de la
moelle osseuse et des tissus adipeux.
La moelle osseuse a une activité hématopoïétique.
En d’autres termes, elle est capable de produire toutes
les cellules sanguines. Dans les années 1950, les travaux
du Dr Edward Donnall Thomas, pour lesquels il a reçu
plus tard un prix Nobel, lui ont permis de démontrer la
viabilité de greffes de moelle osseuse chez des patients
atteints de leucémie. Depuis lors, de nombreuses vies
ont été sauvées grâce à cette approche, dans le cadre
de diverses maladies du système immunitaire et des
organes hématopoïétiques. Cependant, la moelle osseuse contient bien plus que des cellules souches
hématopoïétiques (qui produisent les globules blancs
et les globules rouges, ainsi que les plaquettes, par
exemple). Elle est également le siège des cellules
souches mésenchymateuses (qui se différencient en
tissus osseux, musculaires et adipeux notamment ;
Fig. 3).
Une ponction de moelle osseuse est réalisée sous
anesthésie locale par une aspiration à l’aide d’une aiguille fine, au niveau de l’os iliaque (os du bassin). Mis à
part le fait que cet acte requiert un médecin compétent,
il n’est pas considéré comme une procédure excessivement complexe ou invasive. Il n’est pas non plus associé
à des niveaux élevés de désagréments, que ce soit en
phase peropératoire ou postopératoire (Figs. 4a et b).
Une reconstruction osseuse relève du défi en odontologie (et aussi en orthopédie et en oncologie), car
réparer des lésions intra-osseuses causées par un traumatisme, des infections, des tumeurs ou des extractions
dentaires, nécessite une greffe osseuse. Un volume osseux insuffisant dans la mâchoire peut être un obstacle
à la pose d’implants dentaires et par conséquent affecter la qualité de vie du patient. Pour remédier à ce
manque, de l’os est généralement prélevé au niveau du
menton ou de l’angle de la mandibule. Si la quantité nécessaire est trop importante, il est possible d’utiliser du
tissu osseux provenant du crâne, des jambes ou du bassin. Contrairement à une ponction médullaire, le prélèvement d’un greffon osseux de plus grande taille est
souvent associé à un degré élevé d’inconfort et parfois,
à des séquelles postopératoires inévitables (Figs. 5a-e).
Les problèmes liés à une greffe osseuse ont incité les
chirurgiens à utiliser des substituts osseux (par exemple
des matériaux synthétiques et osseux d’origine humaine ou bovine). Toutefois, ces matériaux donnent de
moins bons résultats que les greffes osseuses autologues (dont le donneur est le patient lui-même) vu
spécial _ science et pratique
qu’ils sont démunis de protéines
autologues. C’est ainsi que des
cas de lésions intra-osseuses
critiques, c’est-à-dire de lésions
nécessitant un traitement spécifique pour reconstruire le
contour original, ont mené au
développement progressif d’une
philosophie de traitement plus
moderne. Ce nouveau concept
vise à éviter les greffes autologues et à préférer l’utilisation de matériaux permettant
d’épargner l’os, combinés aux
propres cellules souches du patient. Par conséquent,
contrairement à la traditionnelle greffe osseuse (accompagnée de tous ses problèmes inhérents), cette
nouvelle méthode associant cellules souches et matières minéralisées, fait intervenir une greffe viable qui
contient les propres cellules du patient, sans la nécessité
d’un prélèvement chirurgical osseux.
Jusqu’à récemment, aucune étude n’avait encore
comparé les différentes méthodes, permettant l’utilisation de cellules souches de moelle pour la reconstruction osseuse. Dans les paragraphes qui suivent, je récapitule une étude menée par notre équipe de recherche.
Des lapins, chez qui des lésions intra-osseuses critiques
ont été induites, ont été traités par chacun des quatre
principaux protocoles généralement utilisés pour la
thérapie par cellules souches, afin de comparer leur
efficacité en termes de consolidation osseuse1 :
_moelle osseuse fraîche (sans aucun traitement préalable) ;
_concentré de cellules souches de moelle osseuse ;
_culture de cellules souches de moelle osseuse ; et
_culture de cellules souches de tissu adipeux (Figs. 6 et 7).
Un cinquième groupe d’animaux n’a reçu aucune
thérapie cellulaire (groupe témoin). Les meilleurs résultats de régénération osseuse ont été observés dans les
groupes traités par un concentré de cellules souches
de moelle et une culture de cellules souches de moelle,
tandis que le groupe témoin a présenté les plus mauvais
résultats. En conséquence, il a été conclu que l’efficacité
des cellules souches de moelle était supérieure à celle
des cellules souches dérivées des tissus adipeux pour
la reconstruction osseuse, et qu’un protocole faisant
intervenir un simple concentré de cellules souches
(qui nécessite quelques heures seulement) permettait
d’obtenir des résultats identiques à ceux des procédés
de culture cellulaire complexes (qui durent en moyenne
trois à quatre semaines ; Figs. 8a et b)._
Des études similaires réalisées chez l’homme ont
corroboré le résultat, en démontrant une amélioration
de la réparation de lésions intra-osseuses causées par
Fig. 11g
I
Fig. 11h
un traumatisme, des extractions dentaires ou des
tumeurs par les cellules souches de moelle. Les images
histologiques présentées dans cet article illustrent le
potentiel des matériaux d’épargne osseuse, associés aux
cellules souches pour la reconstruction osseuse (Fig. 9).
Il est clair que le taux de tissu minéralisé est considérablement plus élevé dans les zones où les cellules
souches ont été utilisées (Figs. 10a et b).
Fig. 11g_Le culot contenant
les cellules mononuclées
de moelle osseuse,
après la seconde centrifugation.
Fig. 11h_Greffon osseux d’origine
bovine combiné avec
un concentré de cellules souches
de moelle osseuse.
De toute évidence, bien que les techniques faisant
intervenir les cellules souches de moelle pour la reconstruction osseuse soient très proches d’un usage en routine clinique, une extrême prudence s’impose avant de
préconiser cette solution. Cette technique requiert une
équipe de chirurgiens et de laborantins dûment formée,
ainsi que la disponibilité des ressources nécessaires (Figs.
11 a–h, les photos ont été prises pendant la manipulation
de cellules souches de moelle, au laboratoire de la faculté
d’odontologie de Sâo Leopoldo Mandic au Brésil). _
Toutes les images ont été reproduites
avec l’autorisation de células
Tronco Implantodontia.2
Note de la rédaction : une liste complète des références
est disponible auprès de l’éditeur. Cet article est paru dans
la version anglaise de CAD/CAM, numéro 2/2013.
_l’auteur
CAD/CAM
Dr André Antonio Pelegrine est
un chirurgien-dentiste spécialisé
en parodontologie et implantologie
(Conselho Federal de Odontologia
– Brésil). Il est titulaire d’une
maîtrise ès sciences (MSc) en
implantologie (UNISA), et d’un
doctorat (PhD) en médecine clinique
(université de Campinas). Il a terminé une recherche
postdoctorale en chirurgie de transplantation (université
fédérale de Sâo Paulo). Il est chargé d’enseignement,
associé à la section implantologie à la faculté d’odontologie
de Sâo Leopoldo Mandic, et coordinateur de l’équipe
dentaire d’implantologie prothétique sous périostée,
à l’université de Campinas au Brésil. Il est possible de le
contacter par courriel : [email protected].
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