Le guide du LBO Aspects juridiques et fiscaux Crises financières et

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Couv HS 24-fiscLBO
2/06/08
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Hors-série N° H26 - Lundi 9 juin - ISSN / 1772-9742 - 21 €
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GUIDE LBO
ASPECTS JURIDIQUES ET FISCAUX D’UN LBO
P
our faire simple, il est possible de décrire une opération de LBO comme étant une
opération par laquelle un ou plusieurs investisseurs font l’acquisition d’une
entreprise (la société cible) via une société holding qui s’endette autant que la
capacité de remboursement de la société cible le permet. La société holding sera
capitalisée par les investisseurs, uniquement à hauteur du solde du prix d’acquisition majoré des coûts d’acquisition (y compris les coûts de la dette). C’est dans cette société holding
que pourront investir les dirigeants et salariés de la société cible, l’investissement de ceuxci, ainsi que les «incentives» qui leur sont proposés, constituant ce qui est couramment
appelé le «management package».
Dans la réalisation d’une opération de LBO, il est habituel que plusieurs cabinets d’avocats
interviennent ; ils représentent respectivement les investisseurs acquéreurs, le vendeur, les
banques seniors, les mezzaneurs, et enfin les dirigeants investisseurs.
Le rôle du cabinet d’avocats choisi par les investisseurs est multiple. Le LBO est d’abord une
opération d’acquisition dans laquelle les avocats interviennent pour réaliser l’audit juridique et fiscal, pour rédiger le contrat d’acquisition et la garantie de passif et pour analyser
et résoudre les différentes questions réglementaires devant être traitées préalablement à la
réalisation de l’acquisition (droit des concentrations français et/ou européen, consultation
des comités d’entreprise, etc.). Le cabinet d’avocats interviendra également pour déterminer la structuration fiscale et juridique de l’opération, et pour décrire le schéma de la remontée des cash-flows de la société cible vers la holding.
Les autres opérations auxquelles le cabinet d’avocats prête sa plume sont ensuite, notamment :
– la négociation et la rédaction des contrats de prêts bancaires et mezzanines avec les différentes garanties et sûretés qui sont consenties aux banques ;
– la rédaction du (ou des) pacte(s) d’actionnaires qui définiront les relations, non seulement
entre les actionnaires, mais également entre les actionnaires et la direction de la société cible ;
– les différents actes susceptibles de constituer le «management package» (émission de
valeurs composées telles qu’ABSA ou BSA, contrat d’option, plan de stock-options, établissement de FCPE).
D’un point de vue juridique et fiscal, l’acquisition par LBO est une opération complexe et fait
appel à des domaines du droit très diversifiés. L’objet du présent cahier est donc de décrire les principales questions d’ordre juridique et fiscal qui se posent dans le cadre de ces
opérations, en présentant à chaque fois à ses lecteurs le dernier état de l’analyse juridique.
Pour des raisons de simplicité, seules seront traitées les questions liées à l’acquisition
d’une société cible française.
Jean-Luc Bédos,
responsable du pôle private equity du cabinet Lefèvre Pelletier & Associés
■
Sommaire ■
1 Actualité des principales étapes d’une opération d’acquisition par LBO
1.1 Une accélération du calendrier
1.2 Les audits de la cible et «vendor due diligence»
1.3 Des term-sheets bancaires de plus en plus complets
1.4 Les «build-up»
1.5 Rééquilibrage des rapports entre investisseurs et managers
2 La structuration fiscale du LBO
2.1 La mise en place d’une structure d’acquisition
2.1.1 La mise en place d’une intégration fiscale
2.1.2 La déductibilité des coûts de financement
2.1.3 La déductibilité des coûts d’acquisition non financiers
2.2 La gestion des flux de résultat
p.7
p.7
p.8
p.8
p.9
p.9
p.10
p.10
p.10
p.10
p.13
p.13
p.13
p.14
2.2.1 Les flux entre la société cible et la société holding
2.2.2 La fiscalité des investisseurs
3 Financement d’une opération de LBO
p.16
p.16
p.16
p.17
p.17
p.18
p.18
3.1 Les modes de financement proposés
3.1.1 La dette senior
3.1.2 La dette mezzanine
3.1.3 La tranche «second lien»
3.1.4 Les obligations «high yield»
3.1.5 Le refinancement des dettes de la société cible
3.2 Les techniques contractuelles utilisées
p.19
p.19
p.19
p.20
3.2.1 Les clauses usuelles
3.2.2 L’organisation de la subordination
3.2.3 Les mécanismes de «debt push down»
3.3 Les garanties accordées
3.3.1 Gage de compte d’instruments financiers
3.3.2 Délégations
3.3 Cessions de créances professionnelles à titre de garantie
3.4 La fiducie
3.4 Les risques juridiques encourus
p.21
p.21
p.22
p.22
p.22
p.23
p.23
p.24
p.24
p.25
3.4.1 Prohibition de l’assistance financière
3.4.2 L’abus lié aux conventions de trésorerie
3.4.3 La fusion rapide
3.4.4 La responsabilité des prêteurs
4 Le management package
4.1 Evolutions, critères et contraintes
4.1.1 Le management package, une question devenue centrale dans les négociations
4.1.2 Structure de l’investissement des managers
4.1.3 Eléments de mesure de la performance d’un LBO
3
p.26
p.26
p.26
p.26
p.27
■
Sommaire ■
4.2 Les supports des management packages
4.2.1 Les accords contractuels
4.2.2 Mécanismes légaux d’intéressements des salariés et mandataires sociaux :
outils d’intéressement du deuxième cercle de managers
4.2.3 Emission de valeurs mobilières
4.3 Eléments de précaution
3.1 Des mécanismes devant impliquer un risque d’investisseur
3.2 Des mécanismes devant être anticipatifs
4.4 Principales évolutions récentes
4.4.1 Une évaluation des packages
4.4.2 Vers un package pour tous les salariés ?
4.4.3 Des managers prêteurs
4.4.4 Des managers surreprésentés au capital (mécanisme dit de «reverse ratchet»)
p.28
p.28
p.30
p.31
p.34
p.34
p.34
p.34
p.34
p.35
p.36
p.36
5 Les pactes d’actionnaires
p.37
p.37
5.1.1 Pour les actionnaires financiers, le statut classique de l’actionnaire est insuffisant
p.37
5.1.2 La participation directe des actionnaires financiers à la gestion n’est pas une option
p.37
5.1.3 La tentative de création d’un statut d’actionnaire «impliqué», sans être «substitué» au management p.37
5.1 Protection des actionnaires financiers : une liberté «encadrée» des dirigeants
5.2 L’organisation du contrôle du capital
5.2.1 Clauses de confidentialité et de non-concurrence
5.2.2 Clauses d’exclusion
5.2.3 Restrictions aux transferts de valeurs mobilières
5.2.4 Clauses de sortie
5.3 La sortie du LBO : un exercice délicat
p.39
p.39
p.39
p.39
p.40
p.41
p.41
p.41
p.41
5.3.1 L’introduction de la société en bourse
5.3.2 La cession industrielle de la société
5.3.3 Le LBO secondaire
6 La soumission des acquisitions par LBO au contrôle des concentrations en France p.43
6.1 Des règles spécifiques de calcul des seuils de chiffre d’affaires entraînant une notification
6.2 Toutes les acquisitions ne sont pas soumises au contrôle des concentrations
6.3 Des allègements de procédure sont possibles
6.3.1 Analyse concurrentielle
6.3.2 Instruction du dossier de notification
p.43
p.44
p.44
p.44
p.44
6.4 Anticiper les problèmes de concurrence
p.45
7. Traitement du LBO en difficultés
p.46
p.46
p.46
p.46
p.48
p.49
p.50
7.1 Les contraintes spécifiques aux opérations de LBO
7.2 Les critères de choix entre des solutions variées
7.2.1 Mandat ad hoc et conciliation
7.2.2 Sauvegarde
7.2.3 Redressement judiciaire
7.2.4 Liquidation judiciaire
5
1-Actualité des principales étapes d’une
opération d’acquisition par LBO
A
u début des années 2000, le marché des
fusions-acquisitions a été marqué par deux
phénomènes :
– pour des raisons différentes, un grand nombre d’opérations de transfert d’entreprises ont pris la forme de LBO
conduits par des fonds d’investissement ;
– de plus en plus d’opérations de transfert d’entreprises
prennent place entre deux fonds d’investissement (on
parle alors de «LBO secondaire»), ou constituent principalement une opération de recapitalisation où les actionnaires financiers opérateurs de la première acquisition en
LBO conservent le contrôle ou une participation substantielle dans le groupe objet de l’acquisition.
Ces deux phénomènes ont conduit à un accroissement du
nombre et à une «accélération» des calendriers des acquisitions sous forme de LBO. Ainsi, si dans les années 1990,
il était habituel de considérer qu’une opération d’acquisition par LBO pouvait prendre entre trois et six mois, il
n’était pas rare depuis 2000 que de telles opérations
soient «bouclées» en moins d’un mois. Toutefois, depuis
l’été 2007, un troisième facteur doit être pris en compte :
les banques et les mezzaneurs, faisant face à un retournement de marché, ont sensiblement allongé leurs délais de
prise de décision, ce qui ralentit d’autant le calendrier de
l’ensemble de l’opération.
Le descriptif qui suit de ces différentes étapes porte essentiellement sur les opérations dites de «mid-cap» (soit une
valorisation d’entreprise allant de 30 millions à 500 millions d’euros).
étape de «short list» à laquelle ne participaient que les candidats présélectionnés, suivie, enfin, d’une période d’exclusivité réservée à un seul acheteur potentiel), il est de plus en
plus courant que la période de teasing soit supprimée, et
que les acheteurs potentiels soient amenés, dès une première étape, non seulement à faire connaître leur intérêt
pour l’acquisition, mais également l’intégralité des conditions dans lesquelles cette opération pourrait prendre place.
Il est aussi courant que les vendeurs établissent, dès le
début du processus de vente, non seulement un «information memorandum», mais aussi une synthèse d’audit
comptable, commercial et juridique (dite «vendor due diligence») et un projet de contrat d’acquisition.
Ainsi, en même temps qu’il transmet une offre détaillée,
l’acquéreur intéressé doit faire connaître ses commentaires sur le projet de contrat d’acquisition, ainsi que les
points spécifiques d’audit pour lesquels il désire recevoir
un complément d’information.
La lettre d’intention est souvent accompagnée des «termsheets» du financement, tant senior que mezzaneur, ceci
afin de conforter les vendeurs sur la faisabilité rapide de
l’opération.
Il faut remarquer que cette accélération du calendrier
répond à l’attente aussi bien du vendeur que de l’acquéreur. Le vendeur veut céder et percevoir son prix le plus
rapidement possible. L’acquéreur, fonds d’investissement,
préfère entrer dans un processus court où il limitera ses
coûts (notamment s’il n’est finalement pas retenu).
D’un point de vue juridique, la principale question concernera le caractère irrévocable ou pas («binding» ou «non
binding») de la lettre d’offre. En l’occurrence, même si vendeur et acquéreur ont, a priori, des intérêts divergents
(l’acquéreur cherchant, à ce stade, à s’engager ad minima), il est rare, en droit français, qu’une lettre d’offre
constitue un réel engagement irrévocable d’acquérir. Il
revient donc au vendeur et à ses conseils d’apprécier le
degré de «volonté de faire» de chaque candidat acquéreur.
Pour ce dernier, l’équilibre à trouver consiste à présenter
une offre la plus complète et négociée possible (comprenant non seulement les conditions de prix, mais aussi les
principales stipulations du pacte d’actionnaires et du
management package, ainsi que les term-sheets bancaires), tout en se préservant encore quelques portes de
sorties, sans oublier les conditions suspensives habituelles dont la réalisation ne dépend pas de l’une ou
1.1
Une accélération
du calendrier
D
ans nombre d’opérations, le ou les vendeurs
commencent par saisir une banque d’affaires ou
un intermédiaire financier afin que ceux-ci «mettent» sur le marché soit un groupe de sociétés, soit une
branche/division d’un grand groupe.
Si, il y a quelques années, ce processus de mise sur le marché était structuré autour de trois étapes (une première
étape de «teasing» afin d’intéresser le plus grand nombre
d’acheteurs individuels ou financiers possible ; puis une
7
l’autre des parties (avis des comités d’entreprise concernés, saisine des autorités européennes ou nationales en
matière de respect du droit des concentrations, par
exemple).
Cette obligation de présenter rapidement une offre la plus
complète possible a amené les acquéreurs, afin de limiter
leurs risques, à structurer leur prix d’acquisition de façon
de plus en plus conditionnée (conditions de niveau de trésorerie, de résultats, de BFR nominatif, etc.) et de plus en
plus étalé dans le temps (earn out, crédit vendeur, complément de prix, etc.).
– les questions de droit social ;
– les questions relatives au droit immobilier (propriété des
immeubles, baux commerciaux, etc.).
Les audits juridiques en matière immobilière révèlent très
souvent des problèmes non traités (problème de surface
réelle, défaut de certificat de conformité, baux commerciaux peu équilibrés, etc.).
L’audit de nature fiscale doit faire apparaître relativement
aisément le niveau de risques pris, en la matière, par la
société.
Pour ce qui concerne le calendrier des audits, il y a une
dizaine d’années, un audit ne commençait à être conduit,
soit une fois qu’il n’existait plus qu’un nombre limité d’acquéreurs («short list»), soit même une fois qu’un accord
sur les grands principes avait été trouvé entre le vendeur
et l’acquéreur. Il n’était pas rare qu’un contrat d’acquisition
soit signé avec, comme condition suspensive, la réalisation satisfaisante des audits (tout en évitant, en droit français, le caractère potestatif d’une telle clause).
Les audits devant être de plus en plus souvent conduits
concomitamment avec les premières étapes d’une acquisition, il est pratiquement inenvisageable, à l’heure actuelle, de voir la conduite des audits constituer une condition
suspensive à l’opération.
A notre sens, si les risques strictement juridiques peuvent
être couverts par un texte correct de garantie de passif, en
revanche, pour ce qui concerne les aspects financiers et
comptables, il est important de couvrir ces risques par des
clauses, intégrées dans le contrat d’acquisition, spécifiques. Les deux clauses les plus répandues sont (i) celle
prévoyant la vérification, avant le closing, d’un certain
nombre de points comptables (situation nette, Ebitda,
niveau de trésorerie, dette nette, etc.), et (ii) une clause
d’ajustement de prix fondée sur des critères d’Ebitda, de
dette nette ou de résultat (cette clause d’ajustement de
prix doit toutefois s’inscrire dans un calendrier et une procédure de mise en œuvre encadrés et précis).
1.2
Les audits de
la cible et «vendor
due diligence»
I
l est assez courant que les vendeurs organisent
une «vendor due diligence», dont la synthèse est
remise aux acquéreurs potentiels, en même
temps que l’«information memorandum».
Cette «vendor due diligence» ne couvre souvent que les
aspects comptables et financiers de la société ou du groupe de sociétés cédé. Il est plus rare qu’une «vendor due
diligence» englobant les questions de nature juridique soit
établie. En matière juridique, il est plus courant qu’une
«data room» soit organisée, mais qu’elle ne soit ouverte,
pour chacun des acheteurs intéressés déclarés, que pour
une durée assez courte (de deux à cinq jours).
Ce raccourcissement des délais laissés à l’acquéreur pour
conduire des audits est, bien entendu, préjudiciable à une
analyse approfondie de la société cible et, à notre sens, ne
peut se concevoir, sans risques, que dans le cadre d’opérations de LBO secondaires ou si l’un des acquéreurs
potentiels a déjà, pour quelque raison que ce soit, une
connaissance relativement approfondie de la société cible.
Pour ce qui concerne l’audit juridique, il faut avoir
conscience qu’il est rare que celui-ci révèle les problèmes
réels que peut rencontrer une société, principalement
parce que, soit lesdits problèmes ne sont pas connus des
personnes chargées de la vente au sein de la société, soit
ces problèmes n’ont pas de traduction juridique.
Les points, qu’une «due diligence» juridique permet toutefois de révéler assez facilement, sont les suivants :
– la qualité de l’organisation de la société ou du groupe
cible (notamment en matière de droit des sociétés et de
contentieux) ;
– la nature et l’importance des contentieux en cours (mais,
malheureusement, pas celles des contentieux potentiels) ;
1.3
Des term-sheets
bancaires de plus
en plus complets
D
ans tout LBO, les banques et les mezzaneurs
sont, bien entendu, la clé de voûte, au même
titre que les dirigeants, de l’opération.
Si, au début des années 1990, ils n’étaient sollicités par les
investisseurs en equity qu’une fois la lettre d’intention
(voire le contrat d’acquisition) signée, ils sont maintenant
8
saisis très en amont de l’opération. Cette saisine est souvent facilitée par le fait que certains investisseurs travaillent de façon régulière avec les mêmes banques, ce qui
leur permet de s’assurer une réactivité très forte de cellesci à la présentation de toute nouvelle opération.
L’appréciation des banques et des mezzaneurs, sur une
opération envisagée, avant même la signature de la lettre
d’intention, est donc un phénomène courant. Ce phénomène est renforcé par le fait que lorsque les appels d’offre
sont lancés, chaque investisseur potentiel ou potentiellement intéressé à intérêt à s’attacher l’exclusivité d’une
banque.
De leur côté, les banques ont développé des term-sheets
bancaires relativement standard pour tout ce qui concerne
le mécanisme même de l’opération de prêt (conditions
suspensives, garanties, mécanisme de mise à disposition
des fonds), qui leur permet de réagir rapidement.
De ce fait, les term-sheets bancaires sont de plus en plus
développés et complets, et contiennent, dès leur première
émission, la quasi-totalité des principaux termes du
contrat de prêt à venir. Ceci vaut tant pour la dette senior
que pour la dette mezzanine.
Il faut également remarquer que lesdits contrats contiennent des déclarations qui s’apparentent de très près à
celles qui figurent habituellement dans des garanties de
passif et sont en l’espèce faites, non pas par les vendeurs
de la cible, mais par l’acquéreur/emprunteur.
sur l’intégralité des actifs (anciens et nouveaux) du
groupe, et ce même si la dette n’a servi qu’à acquérir
de nouveaux actifs. La négociation sur la hiérarchisation des dettes et des sûretés, ainsi que l’incidence
de cette nouvelle opération sur la structure d’endettement existante, est l’un des points-clés des opérations de build-up.
L’autre sujet à aborder très en amont de l’acquisition d’une
nouvelle société est la question de l’intégration des «nouveaux» dirigeants dans le «management package» mis en
place lors de la nouvelle opération. Les questions de «prix
d’entrée» et du volume de leurs participations doivent être
abordées, notamment avec les dirigeants déjà en place,
très en amont dans le process d’acquisition. Ces questions
sont d’autant plus délicates à traiter que ce sont le plus
souvent les dirigeants de la première société qui initient et
proposent des «build-up», ceci en raison de leur connaissance de leur secteur d’activité et donc des opportunités
d’acquisition.
1.5
Rééquilibrage
des rapports entre
investisseurs
et managers
1.4
A
près plusieurs années d’une croissance soutenue, le marché du LBO est aujourd’hui mature
et se caractérise par un haut degré de professionnalisation, notamment s’agissant des questions
liées au management package. Les managers sont
désormais tout à fait rompus à ces pratiques et sont
conseillés par des avocats spécialisés auxquels sont
régulièrement associés des cabinets conseil. Ce
contexte a eu pour effet d’accroître significativement
les demandes des managers, notamment lors des LBO
secondaires et tertiaires. Depuis quelques mois, après
une période d’euphorie, la tendance semble s’inverser
notamment compte tenu du ralentissement de l’activité économique résultant de la contraction du marché
du crédit. Ce rééquilibrage des packages, preuve complémentaire d’un marché réellement mature, se traduit
par un retour au principe fondamental des opérations
de private equity que constitue la recherche d’un alignement d’intérêts entre le capital et la compétence,
sans déséquilibre excessif en faveur de l’une ou l’autre
des parties prenantes.
Les «build-up»
L
’un des objectifs des fonds d’investissement,
lors de l’acquisition de sociétés dites de
«small cap» ou de «mid cap», est d’agréger,
autour de cette société, d’autres sociétés ou des
fonds de commerce du même secteur d’activité. Ces
opérations successives d’acquisition constituent ce
que la pratique qualifie de «build-up». La structure
juridique (et fiscale) de ces acquisitions dépendra
très largement de l’identité de l’acquéreur : la société
opérationnelle objet de l’acquisition initiale ou, directement, la société holding de tête du groupe. De ce
choix dépendra, par exemple, l’identité de l’emprunteur de la nouvelle dette, et donc des actifs sur lesquels porteront les sûretés consenties au titre de
cette nouvelle dette. Lors d’un build-up, il est courant
que les prêteurs demandent à bénéficier d’une sûreté
9
2-La structuration fiscale du LBO
L
es enjeux fiscaux liés aux opérations de LBO sont
importants, tant au regard des risques qu’ils
peuvent générer sur l’équilibre financier des
structures mises en place, que pour l’optimisation de la
gestion des flux générés par l’opération. Ces enjeux s’articulent autour de deux grands sujets : la mise en place
d’une structure permettant d’obtenir un effet de levier
fiscal sur les coûts liés à l’acquisition (1) et les frottements fiscaux liés à la remontée des flux générés par la
société cible vers les investisseurs (2). Compte tenu de
l’ampleur du sujet, nous nous efforcerons surtout de
dégager les grandes lignes des principes fiscaux mis en
jeu, tout en essayant de mettre en lumière les évolutions
significatives récentes résultant d’une actualité législative et jurisprudentielle riche en la matière.
2.1
La mise en place
d’une structure
d’acquisition
L
es opérations de LBO génèrent des coûts
importants qui tiennent essentiellement aux
charges de financement (1.2) et aux frais d’acquisition (1.3). Dans la majorité des cas, la mise en
place d’une société holding d’acquisition supportant
ces coûts sera nécessaire, mais le levier fiscal lié à l’imputation des frais butera, en pratique, sur l’absence de
profit taxable réalisé par la société holding, sauf dans
les cas d’acquisitions par une société opérationnelle
profitable. La mise en place d’un accord d’intégration
fiscale entre la société holding et la société cible
constitue donc en général un préalable (1.1).
2.1.1 La mise en place d’une intégration
fiscale
L
a société holding, si elle détient directement ou
indirectement plus de 95 % du capital de la
société cible (nous supposerons qu’elles sont
toutes deux soumises à l’IS) et si elle n’est pas ellemême détenue à plus de 95 % par une autre société
soumise à l’IS en France, peut opter avec sa filiale pour
le régime de l’intégration fiscale. Ce régime permet de
1. Instruction 4 H 2 05
calculer un résultat fiscal d’ensemble et d’imputer les
déficits réalisés par la société holding pendant la
période d’intégration sur les profits réalisés par la
société cible.
La mise en place d’une intégration fiscale dès l’exercice au
cours duquel la société cible est acquise présente ainsi
l’avantage de pouvoir imputer les frais liés à cette acquisition sur les profits réalisés par la société cible.
La Loi de finances pour 2004 a introduit différentes
mesures visant à assouplir certaines conditions d’application du régime d’intégration fiscale et à en faciliter en
conséquence la mise en place. Ces nouvelles dispositions,
commentées par l’administration fiscale dans son instruction du 19 juillet 20051, permettent dorénavant d’exercer
l’option dans le délai de déclaration de résultat de l’exercice précédent, ce qui permet par exemple à des sociétés
clôturant leur exercice au 31 décembre d’exercer l’option
pour une intégration en 2006 dans le délai de déclaration
de l’exercice 2005. Ce nouveau délai est également applicable lors de la formation d’un nouveau groupe suite à
l’absorption ou l’acquisition de plus de 95 % du capital de
la société mère d’un autre groupe intégré fiscalement.
Par ailleurs, les modalités pour changer les dates de clôture des exercices des sociétés du groupe ont été assouplies. La modification des dates de clôture peut désormais
intervenir à tout moment au cours de la période couverte
par l’option et peut se traduire par un raccourcissement ou
un allongement de la durée de l’exercice.
2.1.2 La déductibilité des coûts de financement
Les intérêts liés à la dette d’acquisition supportés par la
société holding sont en principe déductibles de son résultat (nota : contrairement aux frais financiers supportés par
des personnes physiques dans la même situation, ce qui
renforce l’intérêt de la mise en place d’une holding pour les
LBO impliquant des personnes physiques et notamment le
management). Par exception, cette déduction peut néanmoins être limitée en vertu de plusieurs règles susceptibles de s’appliquer aux LBO et dont certaines viennent
d’être modifiées.
Les articles 212 nouveau et 39.1.3 du Code général des
impôts
Les règles de sous-capitalisation ont été modifiées par la
Loi de finances pour 2006.
Le nouveau dispositif s’applique aux entités liées, telles
que définies à l’article 39-12 du Code général des impôts,
sans que soit exigée une participation directe du prêteur
dans le capital de l’emprunteur. Les «entreprises liées»
sont celles dont l’une détient directement ou indirectement la majorité du capital de l’autre, ou y exerce en fait le
pouvoir de décision, et les entreprises placées l’une et
l’autre, directement ou indirectement, en droit ou en fait,
sous le contrôle d’une même entreprise tierce. Désormais
contrairement aux règles anciennes, les intérêts versés à
une société mère sont susceptibles d’entrer dans le champ
des limitations.
Le nouveau texte introduit par ailleurs des règles de limitation autonomes s’agissant à la fois du taux d’intérêt et
du quantum de la dette :
i) la loi maintient la limite existante de l’article 39.1.3 du
CGI concernant le taux maximum admis, en l’assouplissant. Comme avant, les intérêts ne sont déductibles que
dans la limite du montant des intérêts calculés en retenant
le taux moyen annuel de référence des prêts d’une durée
initiale supérieure à deux ans, mais la loi assouplit cette
règle en autorisant la déduction d’un intérêt à un taux
supérieur si l’entreprise prouve que ce taux correspond à
celui qu’elle aurait obtenu d’organismes financiers dans
des conditions analogues ;
ii) les intérêts ne seront intégralement déductibles que si
leur montant n’excède pas la plus élevée de ces trois
limites:
1) la limite d’endettement global égal à 1,5 fois le montant
des capitaux propres et non le montant du capital social
comme auparavant. Pour l’appréciation de ce seuil, il
convient de retenir la définition comptable des capitaux
propres : le capital, les écarts de réévaluation, les réserves,
le report à nouveau, les provisions réglementées et le
résultat net de l’exercice,
2) la limite de couverture d’intérêts qui ne doivent pas
dépasser 25 % du résultat courant avant impôt majoré de
certains éléments,
3) la limite correspondant au montant des intérêts reçus
des sociétés liées, permettant d’exclure de ce dispositif les
sociétés qui jouent le simple rôle d’intermédiaire.
Ces règles sont susceptibles d’impacter les LBO dans lesquels une partie du financement serait assurée sous forme
de dettes auprès d’un actionnaire, ou plus largement d’une
«société liée», ce qui peut rendre non déductible tout ou
partie des montants dus à un fonds d’investissement type
FCPR (financement sous forme d’OC, par exemple).
Si la fraction des intérêts qui excèdent la plus élevée des
limites est inférieure à 150 milliers d’euros, ces intérêts
pourront néanmoins être déduits.
Dans le cas contraire, ces intérêts devront être réintégrés
et pourront être déduits au titre d’exercices ultérieurs,
après application d’une décote de 5 % à compter de la
deuxième année.
Des règles spécifiques sont également prévues pour les
groupes consolidés fiscalement. Dans les groupes intégrés, le dispositif de réintégration des intérêts s’appliquera pour la détermination du résultat individuel des sociétés
membres. En revanche, les intérêts réintégrés aux résultats ne pourront pas être reportés pour être déduits des
résultats individuels. Toutefois un mécanisme particulier
permet de neutraliser pour la détermination du résultat
d’ensemble une fraction des intérêts rapportée aux résultats individuels, ce dispositif conduit en pratique à déterminer le montant des intérêts non déductibles au niveau
du groupe concerné comme s’il constituait une seule entité en ne lui appliquant qu’un seul ratio et non les trois susvisés, à savoir le ratio de couverture d’intérêts2.
2.1.2.1 L’acte anormal de gestion
L’administration française a, depuis plusieurs années,
développé une doctrine en vertu de laquelle une société
commettrait un acte anormal de gestion lorsqu’elle s’endette trop fortement, par rapport à sa capacité de financer
le paiement des intérêts et le remboursement de la dette.
Cette doctrine l’amène à remettre en cause la déduction
des intérêts, lorsqu’elle estime que le financement en capital de la société acquéreuse est insuffisant. Sans trop
entrer dans le détail de ce débat technique épineux, il
convient de souligner que cette position de l’administration est largement contestée, compte tenu de l’absence de
texte spécifique autorisant une telle approche et du caractère très subjectif de la notion d’endettement maximum.
Par ailleurs, l’approche de l’administration aboutit souvent
en pratique à remettre en cause a posteriori l’équilibre
financier d’une opération dans les cas où, quelque temps
après l’acquisition, la société holding éprouve des difficultés financières liées à des remontées de résultat insuffisantes de la société cible et devient fortement déficitaire.
Cette doctrine a été fortement remise en cause par le
Conseil d’Etat (Arrêt Andritz, 30 décembre 2003), qui a rappelé que l’administration n’était pas autorisée à apprécier
le caractère normal ou anormal du choix entre le financement par l’octroi de prêt ou de fonds propres.
2.1.2.2 Le cas des «fusions rapides»
La fusion de la holding d’acquisition et de la société cible a
pour effet une imputation directe des coûts supportés par
la société holding sur les résultats de la société cible (la
2. Instruction 4/1-8-07 du 31 décembre 2007.
10
11
mise en place d’une intégration fiscale permet un résultat
similaire, sous réserve des difficultés liées au «timing» de
sa mise en place). L’administration a commenté ces opérations de fusion dans une instruction du 3 août 2000, en
indiquant qu’elle se réservait la possibilité de remettre en
cause ces opérations, soit sur le fondement de l’acte anormal de gestion (évoqué ci-dessus), soit sur le fondement
de l’abus de droit, lorsque l’opération est effectuée dans
un but exclusivement fiscal. L’administration a indiqué
qu’elle s’appuierait sur un faisceau d’indices, tels que le
délai séparant l’acquisition de la fusion, le niveau de capitalisation de la société holding, l’importance des dettes
subsistant au moment de la fusion et l’exercice ou non par
la société holding d’activités autres que la détention de
titres.
Il convient toutefois de noter que dans son instruction du
19 juillet 2005 précitée, l’administration semble autoriser
la prise de contrôle d’une société mère d’un groupe suivie
de son absorption par la société acquéreuse au cours du
même exercice.
En tout état de cause, au regard du caractère subjectif des
critères retenus par l’administration, il convient d’éviter les
situations extrêmes dans lesquelles il serait difficile de justifier d’un intérêt autre que fiscal à la réalisation de la
fusion et qui seraient susceptibles de générer un contentieux avec des pénalités élevées (80 % si l’abus de droit est
démontré).
Enfin, dans le cadre d’un rescrit du 23 octobre 2007, l’administration a précisé qu’elle ne remettrait pas en cause
les opérations de fusion rapide entre deux structures de
financement, ce qui concerne principalement les LBO
secondaires (cf. § 9.3) lorsqu’une holding acquiert non la
société opérationnelle, mais la holding constituée précédemment pour permettre une première acquisition de la
société opérationnelle.
notamment lorsque l’acquisition est en fait financée par
une recapitalisation du groupe intégré et non par de la
dette.
La rigueur de ces principes nécessite, dans la majorité des
cas, une étude précise, dès lors que le texte peut s’appliquer lors de restructurations post-acquisition de groupes,
voire fonctionner comme un véritable «cheval de Troie»
lorsque le groupe cible, qui devient membre d’un groupe
intégré, est constitué de deux sociétés, non intégrées fiscalement avant l’acquisition, et que l’une d’entre elles a
acquis l’autre au cours des 14 années précédentes auprès
d’un actionnaire la contrôlant. Ces dispositions constituent un enjeu important dans la mise en place de LBO
secondaires et dans l’acquisition de groupes cibles ayant
fait l’objet de restructurations internes.
La Loi de finances rectificative pour 2005 a toutefois atténué la rigueur de ces règles à deux égards.
Tout d’abord, elle restreint la notion de contrôle de fait aux
situations de détention du capital social supérieur à 40 %,
alors qu’auparavant la doctrine administrative présumait
qu’une personne contrôlait une société si elle détenait une
fraction des droits de vote supérieure à la minorité de blocage (soit 33 %) et si aucun autre associé n’en détenait
une fraction supérieure. En outre, le contrôle de fait résultant du contrôle conjoint par plusieurs personnes ne peut
être retenu que si ces personnes agissent de concert. Il
apparaît donc désormais nécessaire de prouver l’existence
d’un accord entre les vendeurs pour établir le contrôle de
fait de la société.
Le second aménagement apporté instaure un nouveau cas
de sortie du dispositif de l’amendement Charasse. La réintégration des charges financières est ainsi interrompue au
titre des exercices au cours desquels la société qui détient
les titres de la société rachetée n’est plus contrôlée par les
personnes qui contrôlaient la société cessionnaire au
moment de l’acquisition de la société cible.
2.1.2.3 L’«amendement Charasse»
Ces dispositions extrêmement techniques visent à limiter
la possibilité de générer de l’endettement dans un groupe
intégré fiscalement, par l’acquisition de titres auprès de
parties liées. Ce texte, codifié à l’article 223 B al. 7 du CGI,
s’applique lorsqu’une société acquiert à titre onéreux
auprès d’une société qui la contrôle (directement ou indirectement, en droit ou en fait), ou auprès d’une société
contrôlée par cette dernière, des titres d’une autre société
qui devient membre du même groupe intégré que la société acquéreuse. Lorsque ces conditions sont remplies, les
intérêts sur la dette présumée créée par l’acquisition des
titres ne sont pas déductibles du résultat du groupe intégré, et ce pendant les 15 exercices clos après la date d’acquisition. Ce texte sanction prévoit plusieurs exceptions,
12
2.1.2.4 Le cas de la dette mezzanine
Celle-ci peut prendre des formes diverses (obligations
convertibles, échangeables, Obsa, etc.) et suscite des
enjeux différents pour l’émetteur (la société holding) et le
souscripteur (le prêteur).
En ce qui concerne l’émetteur, celui-ci devra s’interroger
sur la question de la déductibilité des intérêts au regard
des règles de sous-capitalisation évoquées ci-dessus. Les
valeurs mobilières composées utilisant des mécanismes
d’intérêts capitalisés suscitent également des interrogations. En effet, l’article 39.1.1. ter du CGI autorise la déduction sur la durée de l’emprunt, selon la technique des
annuités actuarielles, des rémunérations autres que les
intérêts, mais exclut notamment les obligations conver-
tibles et les emprunts remboursables à l’initiative de l’emprunteur. Par ailleurs, l’administration refuse la déduction
des primes correspondant à une capitalisation d’intérêts,
lorsque ces primes sont susceptibles d’être capitalisées
par des mécanismes de conversion, de remboursement en
action ou d’émission de bons de souscription d’actions.
L’administration considère en effet dans ces situations que
la prime ne constitue pas une véritable charge pour l’émetteur tant que le souscripteur garde la possibilité de la
transformer en capital.
Du côté du souscripteur (généralement les mezzaneurs),
les enjeux sont essentiellement liés au mode d’imposition
des produits générés par ces instruments (taxation des
intérêts et des primes courus) et à la possibilité de bénéficier d’un sursis de paiement en cas de conversion ou de
remboursement en action. Ceux-ci devront également s’interroger à l’avenir sur leur statut en tant que «sociétés
liées» au regard des règles de sous-capitalisation évoquées ci-avant.
a mise en place des structures LBO suppose
une étude précise de la gestion des flux, d’une
part, entre la société cible et la société holding
et, d’autre part, entre cette dernière et les investisseurs, qui peuvent réaliser leur revenu sous forme de
dividende, ou de plus-values. La fiscalité entraîne
selon la nature de ces flux des frottements différents
qui doivent être pris en compte, notamment au regard
des changements récents sur le régime fiscal des distributions.
2.1.3 La déductibilité des coûts d’acquisition non
financiers
2.2.1 Les flux entre la société cible et la
société holding
Ces coûts peuvent représenter des sommes substantielles
dans le cadre d’acquisitions. En ce qui concerne l’impôt sur
les sociétés, la prise en compte de ces frais doit faire l’objet d’attentions particulières sur la détermination de l’entité qui doit les supporter (les frais d’acquisition ne doivent
pas en principe être supportés par la société cible).
Leur prise en compte dans le résultat intégré ou seulement
dans le résultat propre de la société holding, selon que l’intégration fiscale est effective ou non au moment où ils sont
engagés, devient en conséquence un enjeu accru.
Les frais d’acquisition de titres (ce qui n’inclut pas les frais
liés au financement, notamment) doivent être incorporés
au prix de revient des titres acquis et leur déduction est
effectuée sur cinq ans (article 209 IV du CGI3).
Le coût réel de ces charges d’acquisition peut être significativement réduit en fonction de leur traitement au regard
de la TVA, dès lors que la TVA sur les frais liés uniquement
à l’acquisition d’actions par une holding n’ayant pas d’activités autres que la détention d’action (holding «pure»
considérée comme non assujettie) n’est en principe pas
déductible. La CJCE (Arrêt CIBO Participations4) a néanmoins jugé que la TVA sur les frais d’acquisition par une
société holding est déductible, lorsque cette dernière réalise, en sus de son statut de holding, des prestations de
services soumises à TVA auprès de ses filiales (holding dite
«mixte»). L’administration a commenté et confirmé cette
jurisprudence dans une instruction du 15 octobre 2001,
La remontée des flux de la société cible vers la société holding est essentielle au financement de cette dernière. La
distribution des résultats de la société cible peut être
effectuée sans frottement fiscal, dès lors que la société
holding bénéficie du régime d’exonération des sociétés
mères et que l’intégration fiscale permet d’éviter les coûts
liés à l’imposition de la quote-part de frais et charges (sauf
pour le premier exercice d’appartenance au groupe de la
société distributrice).
La structure financière peut nécessiter la remontée de
réserves de la société cible vers la société holding, ce qui
peut permettre de refinancer cette dernière en augmentant éventuellement l’endettement de la société cible
(«debt push-down»), par exemple par des opérations de
rachat d’actions ou de distributions de réserves. Ce mécanisme n’entraîne pas de levier fiscal supplémentaire de la
structure intégrée dans son ensemble, mais peut aboutir à
des répartitions différentes du résultat fiscal entre la société cible et la société holding (la réduction du résultat
propre de la société cible peut par exemple impacter le calcul de la participation des salariés).
Ce mécanisme de «debt push-down» doit toutefois être
appliqué désormais, en gardant en mémoire les limitations
instaurées par l’article 212 nouveau du Code général des
impôts et applicables, selon des modalités particulières,
entre une société mère et sa fille intégrée.
La mise en place d’une convention d’intégration est néces-
3. Commenté par l’instruction 4/1-1-08 du 4 janvier 2008.
n° 3 D-4-01, qui renforce l’intérêt de conserver un rôle actif
d’animation et de support des sociétés holding.
2.2
La gestion des flux
de résultat
L
4. CJCE aff. 16/00 du 27 septembre 2001.
13
saire et peut également participer au refinancement de la
holding, lorsque la société cible acquitte auprès de cette
dernière l’impôt qu’elle aurait dû acquitter en l’absence
d’intégration, notamment si l’impôt dû par le groupe et
d’un montant inférieur.
2.2.2 La fiscalité des investisseurs
Les investisseurs réalisent leurs revenus sous la forme de
distributions de dividendes ou de plus-values et l’imposition de ces revenus obéit à des règles et des taux d’imposition différents, selon qu’il s’agit de personnes morales,
de personnes physiques, ou de FCPR. La réforme du régime des distributions avait entraîné la disparition de l’avoir
fiscal et la suppression corrélative du précompte avait déjà
sensiblement modifié les arbitrages fiscaux entre ces deux
modes de réalisation des revenus sur les LBO.
La réforme du régime des plus-values à long terme sur
titres de participation détenus par les entreprises et du
régime des plus-values de cession de titres réalisées par
des particuliers sont venues modifier à nouveau le paysage fiscal.
2.2.2.1 Les investisseurs personnes physiques
Pour ces investisseurs, les réformes successives du régime
des distributions ont abouti à un rééquilibrage de l’imposition entre la réalisation de plus-values et les distributions
de résultat (29 %). En effet, les plus-values sont imposées
au taux de 18 %, auxquels s’ajoutent les contributions
additionnelles, soit un taux effectif de 29 %. Les distributions de résultats (y compris les rachats de titres) sont
quant à elles imposées au taux progressif de l’impôt sur le
revenu, mais le système d’abattement de 40 % aboutit en
pratique à une imposition effective au taux marginal d’environ 34/35 %, étant précisé que depuis le 1er janvier
2008, il est possible d’opter pour une retenue à la source
de 29 %.
Par ailleurs, ces plus-values bénéficient d’un abattement
d’un tiers par année de détention au-delà de la cinquième.
La plus-value est donc définitivement exonérée au bout de
huit ans de détention (les prélèvements sociaux de 11 %
sont en revanche maintenus), la durée de détention étant
décomptée à partir du 1er janvier 2006.
Ainsi à compter de 2012, l’imposition effective des investisseurs personnes physiques devrait être notoirement
plus faible en cas de réalisation des gains sur LBO via des
cessions de titres.
Enfin, sous certaines conditions, il est possible de placer
ces titres dans un PEA, ce qui permet également de limiter
l’imposition des plus-values à 11 %.
Un arbitrage entre la perception dans l’immédiat de dividendes bénéficiant du système de l’abattement, et la réa-
14
lisation de plus-values, doit donc être opéré par les investisseurs personnes physiques.
2.2.2.2 Les investisseurs personnes morales
La remontée des résultats vers les investisseurs personnes
morales soumis à l’IS génère aussi des frottements fiscaux
très différents, selon que le revenu est réalisé sous forme
de dividendes éligibles ou pas au régime mère-fille, ou de
plus-values de cession pouvant bénéficier du régime des
plus-values à long terme.
En ce qui concerne les dividendes versés à des sociétés non
éligibles au régime société mère, l’imposition est au taux
plein de l’IS (soit 34,43 % contribution sociale incluse),
sans élimination de la double imposition qui en résulte (les
résultats déjà imposés chez la société holding sont imposés à nouveau lors de la distribution aux investisseurs).
Les dividendes versés à des sociétés éligibles au régime
société mère sont en revanche exonérés sous réserve de la
réintégration d’une quote-part de frais généraux dès lors
que l’investisseur, qui doit détenir plus de 5 % du capital
de la société distributrice, s’engage à détenir les actions
pendant plus deux ans (condition non applicable à des
titres souscrits à l’émission). Le bénéfice du régime mèrefille a été étendu par la Loi de finances rectificative pour
2005 aux actions sans droit de vote ou dont le droit de vote
est partiel dès lors que l’investisseur détient par ailleurs
des actions représentant au moins 5 % du capital et des
droits de vote de la société distributrice.
La réalisation de plus-values sur des titres de placement
ou des titres de participation détenus depuis moins de
deux ans demeure taxée au taux de droit commun, soit
34,43 % contribution sociale incluse.
En revanche, les plus-values de cession de titres de participation sont exonérées pour les titres de participation tel
que définis à l’article 219 I-a quinquies du CGI, à l’exception d’une quote-part de frais et charges égale à 5 % du
montant de la plus-value qui demeure imposable.
années précédant la souscription ou l’apport, plus de 25
% des droits dans les bénéfices des sociétés dont les
titres figurent à l’actif du fonds. Lorsque ces conditions
sont réunies, les porteurs personnes physiques sont exonérés d’impôt sur le revenu à raison de l’ensemble des
produits répartis par le fonds (même postérieurement à
l’expiration du délai d’indisponibilité, depuis 2002), ainsi
que des plus-values réalisées lors du rachat ou de la cession des parts du fonds (ces revenus et plus-values
demeurent cependant soumis aux prélèvements sociaux
de 11 %). Quant aux personnes morales, les parts de
FCPR échappent aux règles de valorisation «mark to market» et bénéficient du régime des plus-values à long
terme.
Les distributions de dividendes sont soumises à une retenue à la source dont le taux est en principe de 25 %, mais
les traités permettent en général de réduire ce taux à 15 %,
voire à 5 % pour les sociétés qui détiennent une participation substantielle (le seuil est en général de 10 % du capital). La directive européenne sur le régime des sociétés
mères permet de réduire ce taux à 0 % pour les sociétés
mère de l’Union européenne, lorsqu’elles détiennent pendant plus de deux ans une participation supérieure à 15 %,
puis 10 % à compter de 2009.
De même, les plus-values sur cessions de valeurs mobilières
peuvent être soumises à une retenue à la source de 16 %,
mais uniquement lorsque le cédant détient directement ou
indirectement une participation substantielle supérieure à
25 % dans le capital de la société holding distributrice. En
dehors de quelques exceptions, les traités fiscaux prévoient
généralement que les plus-values ne sont imposables que
dans l’Etat de la société bénéficiaire et empêchent le prélèvement de la retenue à la source, même sur les transferts de
participations substantielles supérieures à 25 %.
Les intérêts sur emprunts consentis depuis l’étranger pour
financer la société holding sont en principe exonérés de
retenue à la source en vertu de l’article 131 quater du CGI,
sans avoir recours aux traités qui prévoient également des
exonérations.
2.2.2.4 Le cas des non-résidents
Les non-résidents ne sont imposables en France que sur
leurs revenus de source française. Pour ces investisseurs
également, la fiscalité peut créer des arbitrages significatifs selon le mode de remontée des résultats de la société
holding, qui peut entraîner l’exigibilité de retenues à la
source, selon la nature du revenu. L’effet de ces retenues à
la source est le plus souvent réduit par les traités fiscaux et
les directives, selon des modalités qui peuvent varier d’un
traité à l’autre.
2.2.2.3 Les fonds communs de placement à risques
Les FCPR sont les acteurs naturels des opérations de LBO,
ce qui s’explique notamment par le fait que leur actif doit
être investi à plus de 50 % en titres de sociétés non cotées
et qu’ils permettent aux personnes physiques investissant
par leur intermédiaire de bénéficier d’un régime d’exonération. Afin de bénéficier de ce régime favorable, les investisseurs personnes physiques dans le fonds doivent s’engager à conserver les parts pour une durée minimum de
cinq ans et à réinvestir immédiatement les sommes ou
valeurs réparties par le fonds pendant cette période. Par
ailleurs, les porteurs ne doivent pas détenir, ou avoir détenu, directement ou indirectement, au cours des cinq
15
3-Financement d’une opération de LBO
U
ne acquisition par LBO suppose un ou plusieurs financements adaptés à la situation de
la holding, de la société cible ainsi que de ses
filiales. La pratique a depuis longtemps mis en place
des modes de financement efficaces économiquement
et sécurisés juridiquement. Nous en ferons un bref rappel (1), avant de décrire les techniques contractuelles
et les garanties mises en œuvre dans ces financements
(2 et 3). Enfin, nous envisagerons les principaux
risques juridiques inhérents à ce type d’opérations (4).
Précisons que les questions abordées ont toutes déjà été
largement évoquées par les juridictions françaises et par la
pratique du marché. Une connaissance approfondie de
certains mécanismes et de quelques problématiques
récurrentes est toutefois nécessaire à la mise en place du
financement d’une acquisition par voie de LBO.
3.1
Les modes
de financement
proposés
D
ans le cadre d’un LBO, une partie du financement est tout d’abord apportée à la holding
sous forme de capital conférant aux acquéreurs la propriété de la holding et, indirectement, de la
cible. Pour une part plus importante (les deux tiers
environ), le financement du prix d’acquisition est
ensuite constitué par l’endettement de la holding
selon différentes modalités.
L’endettement de la holding d’acquisition prend traditionnellement la forme d’une dette senior et d’une dette mezzanine, le remboursement de la seconde étant subordonné à celui de la première. La dette senior consiste en un
prêt à moyen terme (entre cinq et huit ans environ) et
couvre généralement plus de la moitié des besoins de
financement du LBO. La dette mezzanine, ou junior, prend
quant à elle la forme d’un prêt subordonné, d’un prêt participatif ou plus fréquemment d’une émission obligataire
subordonnée généralement assortie de bons de souscription d’actions ou convertible en actions.
En marge des techniques classiques d’endettement ont
émergé de nouveaux instruments destinés à financer l’acquisition de la société cible. A ce sujet, nous évoquerons
16
les high yield bonds, ou obligations à haut rendement, et
le second lien financing qui s’intercale entre l’endettement
senior et l’endettement mezzanine.
Enfin, nous décrirons brièvement les financements accordés à la cible pour couvrir notamment ses besoins d’exploitation. Outre les prêts classiques et les ouvertures de
crédit renouvelable, le refinancement de la société cible
peut également passer par la technique du securitisation
by-out qui combine LBO et titrisation.
3.1.1 La dette senior
A
côté de l’apport en fonds propres au sein de la
holding, le financement du prix d’acquisition de
la cible prend la forme d’une dette bancaire
dite senior (car prioritaire sur les autres dettes de l’emprunteur). Lorsque les montants accordés sont très
élevés, le financement senior pourra faire l’objet d’une
syndication entre plusieurs établissements prêteurs,
par voie de cession ou de transfert.
Outre la syndication, les banques utilisent également la
titrisation des créances de l’établissement prêteur. La titrisation consiste en une cession à une entité créée à cet
effet, qui émettra ensuite des titres ayant vocation à être
souscrits par des établissements de crédit ou des investisseurs (véhicules de titrisation nommés CDO collaterized
debt obligation).
Cette pratique a connu un développement important au
cours des dernières années car il permet aux établissements prêteurs de se défaire du risque du crédit en le
transférant au marché.
La dette senior présente les caractéristiques d’un prêt à
moyen terme. Ainsi, sa durée se situe généralement entre
cinq et sept ans et demi, voire davantage, étant entendu
que si l’opération se déroule bien, la dette sera remboursée
par anticipation afin de revendre plus rapidement la société libre de tout endettement. Quant au taux d’intérêt de la
dette senior, il peut être fixe ou plus fréquemment variable
sur la base d’Euribor augmenté d’une marge représentant
la marge de la banque. Cette marge pouvant elle-même
varier au cours de la vie du crédit notamment sur la base du
respect des ratios financiers par l’emprunteur.
Pratiquement, la dette senior est composée de plusieurs
tranches, classées par ordre croissant de risque, chacune
ayant un taux d’intérêt spécifique en fonction de ses caractéristiques. En effet, chaque tranche varie selon la durée
de l’emprunt et certaines, subordonnées au paiement de
l’emprunt principal, ne sont remboursables qu’in fine (par
exemple, la tranche A d’une maturité de sept ans sera
amortissable par échéances successives, tandis que la
tranche B d’une durée de huit ans sera capitalisée et remboursée in fine).
Ce découpage de la dette senior permet de limiter la charge de remboursement supportée par l’entreprise dans les
premières années de l’opération, puisqu’une fraction
importante du prêt n’est due qu’au débouclage du LBO. Il
est cependant à noter que les investisseurs en dette LBO
recherchent de plus en plus des tranches de financement
non-amortissables en vue d’améliorer leur Ebitda ainsi
que leur effet de levier. Les établissements prêteurs gardent ainsi une marge de manœuvre pour les opérations de
croissance externe.
Pour tenir compte des faibles garanties qui peuvent être
accordées au prêteur senior (cf. 3), la dette senior bénéficie, en vertu du mécanisme de subordination, d’un rang
supérieur aux autres dettes contractées par la holding. Le
contrat de prêt prévoit généralement des engagements
spécifiques à la charge de l’emprunteur, notamment en ce
qui concerne les informations devant être communiquées
au prêteur, plus nombreuses et fréquentes que dans un
prêt classique (cf. 2.1). De même, les ratios financiers
devant être respectés par la holding sont plus stricts et
plus diversifiés que dans le cadre d’un financement classique (cf. 2.1).
et n’être remboursés en tout ou partie qu’à l’échéance sous
forme de prime (ils peuvent être capitalisés en totalité,
comme dans le cas des mezzanines dites PIK (pay in kind),
ou dépendre de la situation financière de l’entreprise,
comme dans le cas des mezzanines dites pay if you can).
Certains produits de dette ne donnant pas accès au capital
sont parfois assimilés aux mezzanines : c’est le cas notamment des produits obligataires non cotés ou des prêts à
long terme subordonnés à la dette senior. Les produits
obligataires sont d’ailleurs souvent mis en place par les
investisseurs eux-mêmes ou les prêteurs mezzanine en
complément de leur financement initial.
Alternative à la dette mezzanine, les high-yields bonds
(obligations à haut rendement) sont apparus ces dernières
années dans les opérations d’envergure internationale. La
dette mezzanine se distingue toutefois des high yield
bonds qui sont des obligations cotées ne donnant pas
accès au capital. Ces titres offrent la possibilité aux investisseurs de recourir au marché pour financer une partie de
l’acquisition et permettent de financer une opération avec
une dilution plus faible qu’une mezzanine. Plus généralement, les high yield bonds ont un profil mieux adapté aux
LBO que la dette bancaire classique (cf. 1.4).
Par ailleurs, le second lien, produit également récent,
apparu aux Etats-Unis, représente une part croissante des
sources de financement dans les opérations LBO.
3.1.2 La dette mezzanine
3.1.3 La tranche «second lien»
La dette mezzanine, consiste le plus souvent en des titres
de créances qui permettent à terme d’accéder à une
quote-part du capital de la société. Ces produits permettent aux prêteurs (souvent des établissements spécialisés
dans ce type de prêts : fonds d’investissement, hedge
funds) d’obtenir un complément de rémunération lors du
débouclage de l’opération et d’assurer la rentabilité de
leur investissement grâce à cet accès au capital. Le complément de rémunération est qualifié par la pratique
d’equity kicker et a pour contrepartie les plus grands
risques pris par le prêteur mezzanine (encore appelé
«mezzaneur») qui accepte un rang inférieur à la dette
senior et un décalage de sa rémunération dans le temps.
Il existe une grande variété de produits mezzanine. Il est
fréquent de rencontrer des obligations remboursables par
annuités égales, assorties de bons de souscription d’actions (Obsa) ou des obligations remboursables (Ora) ou
convertibles en actions (Oca). Ces obligations peuvent
bénéficier (le plus fréquent) ou non de garanties (lorsque
c’est le cas, ces garanties seront alors d’un rang inférieur
aux garanties de la dette senior). Les échéances de remboursement du capital et des intérêts peuvent également
être modulées. Les intérêts peuvent ainsi être capitalisés
Jusqu’à une date récente, le financement de LBO combinait une dette senior à deux tranches et une dette mezzanine. C’est encore le cas classique pour les acquisitions
dites «small» et «mid-caps». Pour les autres opérations
d’un montant plus important, le financement est de plus
en plus fréquemment structuré de la manière suivante :
une dette senior à quatre tranches (par exemple : tranche
A à sept ans remboursable par échéances successives,
tranche B à huit ans remboursable in fine, tranche C à neuf
ans remboursable in fine, tranche D correspondant au crédit revolving accordé à la cible pour ses besoins en fonds
de roulement, remboursable par refinancement), une
tranche de second lien, et deux tranches de dette mezzanine, l’une junior, l’autre senior.
En réalité, la tranche second lien, représente une des catégories de financements second lien, dont deux sont utilisées dans les opérations de LBO : les second lien term
loans (tranche second lien) qui s’interposent entre la dette
senior et la dette mezzanine et les second lien bond, qui
sont une catégorie de high yield bonds avec sûretés.
Le second lien est donc une dette à long terme (neuf à dix
ans) qui s’intercale entre la dette senior et la dette mezzanine, et qui est garanti par les mêmes actifs que la dette
17
senior, mais subordonnée au remboursement de celle-ci.
Les termes des engagements (covenant package) sont
plus souples que ceux de la dette senior, ils présentent
notamment plus de flexibilité au niveau des seuils. Par
ailleurs, en cas de procédure collective à l’encontre du
débiteur, les prêteurs second lien renoncent à leurs droits
relatifs à l’exercice des sûretés et à certains de leurs droits,
en fonction de l’étendue de cette renonciation, le second
lien est dit «silent» (renonciation totale) ou quiet (renonciation temporaire pendant la période de standstill (suspension des droits)).
Ce type de dette junior fut créé il y a quelques années aux
Etats-Unis afin de permettre le financement de sociétés
intervenant sur des marchés en manque de liquidité, tels
que le marché des hautes technologies. Elle tend à se substituer à la tranche mezzanine classique dont le coût
demeure élevé. La question est de savoir si le pricing du
second lien correspond toujours véritablement à son positionnement juridique dans la structure du financement.
Il est encore trop tôt pour dégager les standards du second
lien européen. Cependant il semble que celui-ci constitue
plutôt un produit intermédiaire entre senior et mezzanine
qu’un produit autonome sur les traces du second lien
européen.
3.1.4 Les obligations «high yield»
Egalement inspirés du modèle américain, les high yield
bonds sont des obligations cotées à haut rendement, disposant d’une notation inférieure à Baa (Moody’s) ou BBB
(S & P) et dont la maturité est comprise entre huit et dix
ans. En général, le taux d’intérêt stipulé est fixe et le remboursement du capital intervient à terme. Ces obligations
sont assorties de coupons élevés en contrepartie du
risque important assumé par les investisseurs. Les high
yield bonds offrent un profil adapté aux opérations de
grande envergure.
Subordonné à l’endettement senior et structuré sous
forme de titres obligataires à taux fixe avec un remboursement in fine. Les clauses attachées aux high yield bonds
sont également plus souples que celles de la dette senior.
De fait, une telle substitution permet à l’émetteur de réaliser une économie substantielle sur ses frais financiers. A
cet avantage, s’ajoute l’absence de dilution du capital
puisque les porteurs de high yield bonds ne reçoivent pas
de bons de souscription donnant accès au capital (warrants). Enfin, les engagements contractuels de l’emprunteur (covenants) attachés à ces titres sont beaucoup plus
souples que ceux stipulés dans le financement bancaire.
La plupart du temps, les high yield bonds sont émis à la
faveur d’un indenture géré par un trustee et sont régis par
le droit new-yorkais. De plus en plus souvent, les émet-
18
teurs français optent pour le droit français, les investisseurs étant alors organisés en une masse bénéficiant de la
personnalité morale et l’indenture étant remplacé par une
notice publiée au Balo.
Le contrat d’émission contient souvent une call protection
pouvant être exercée dans une période de trois à cinq ans
après l’émission. Cette clause permet aux investisseurs,
en cas d’introduction en bourse de l’émetteur, de prononcer l’exigibilité anticipée des obligations à hauteur d’un
certain pourcentage du montant du principal.
Il semble qu’un nouvel instrument ait fait son apparition
sur le marché de la dette junior (britannique), les
Mezznotes. Les Mezznotes sont un produit hybride qui
présente les avantages de la dette Mezzanine et ceux des
high yield bonds.
nancement plus rapide de sa dette senior ou subordonnée, sans compromettre l’activité opérationnelle de la
cible. Pour cette dernière, le securitisation by-out contribue à l’amélioration de son image financière puisque la
titrisation permet de réduire ses actifs immobilisés ou son
BFR. Enfin, pour les apporteurs de dettes du LBO, le securitisation by-out aboutit à un transfert de risque sur les
investisseurs du marché. En effet, la titrisation peut permettre aux créanciers financiers de la holding d’acquisition
de transférer le risque du financement du LBO sur le financement du FCC, et donc au marché.
3.2
Les techniques
contractuelles
utilisées
3.1.5 Le refinancement des dettes de la société cible
La cible peut avoir besoin de couvrir ses besoins d’exploitation par emprunt ou de financer le remboursement des
avances en compte-courant du vendeur. Dans ce cas, des
contrats de prêt et des ouvertures de crédit renouvelables
peuvent être conclus avec la cible. Ces prêts sont le plus
souvent accordés par le prêteur senior. Ces financements
permettent au prêteur d’obtenir des sûretés directement
sur les actifs de la cible. Les prêteurs préfèrent cependant
parfois concentrer l’endettement dans la holding seule,
qui redistribue alors les fonds par l’intermédiaire de prêts
intra-groupes.
De même, une ligne Capex (capital expenditure) pourra
être mise en place, celle-ci s’apparente au crédit revolving
et a pour objectif de permettre à la cible de financer certains investissements corporels et incorporels durant
l’opération de LBO.
Le refinancement de la cible peut également passer par la
technique du securitisation by-out qui combine LBO et
titrisation. La titrisation organise le transfert d’actifs à une
entité ad hoc (en France, le fonds commun de créances ou
FCC) qui se refinance par l’émission de titres représentatifs
des actifs reçus.
Dans le cadre d’un LBO, la cible va donc céder à un FCC certains de ses actifs (immobilisations stables, stocks,
créances commerciales) dont l’acquisition sera financée
par l’émission de titres négociables. Les liquidités résultant
du règlement de ces titres vont donc financer le prix de cession des actifs et ainsi revenir à la société cible. Cette dernière bénéficie alors d’un moyen de financement alternatif,
qui, par le biais d’une remontée d’un superdividende vers
le holding, doit notamment servir à l’extinction d’une partie
sélectionnée de la dette d’acquisition du montage LBO.
Un tel montage présente de nombreux intérêts. Pour la
holding d’acquisition, l’opération doit permettre un refi-
annuel, tout fait significatif susceptible d’affecter sa situation financière, tout changement dans la composition de
ses organes sociaux ou concernant ses commissaires aux
comptes, etc. ;
■ le respect de ratios financiers : l’emprunteur s’engage à
respecter certains ratios financiers définis dans la convention de crédit, faute de quoi la dette devient exigible. Les
plus fréquents sont le ratio de structure (dettes financières consolidées/fonds propres) et le ratio d’exploitation (résultat d’exploitation (Ebit) consolidés/frais financiers consolidés. Les seuils à ne pas dépasser au regard
de ces ratios sont fonction du plan prévisionnel d’exploitation (business plan) avec une marge généralement
située entre 10 et 15%. Le contrat de prêt fait également
référence à d’autres ratios tels que : dette nette/Ebitda
(earning before interest and taxes depreciation added) ;
fonds propres/dette nette ; Ebitda/frais financiers ; cash
flow d’exploitation/service de la dette, etc. ;
■ la gestion de la trésorerie excédentaire (excess cash
flow) : les prêteurs requièrent classiquement que l’éventuel excess cash flow soit utilisé en tout ou partie (et le
plus souvent au-delà d’une franchise dont le montant aura
fait l’objet d’une négociation) pour rembourser par anticipation la dette senior ;
■ le maintien de l’actionnariat : en cas de changement
significatif dans l’actionnariat de l’emprunteur avant le
complet remboursement de la dette et notamment en cas
de changement de contrôle (dans l’hypothèse de l’existence d’un actionnaire de référence), celle-ci deviendra exigible par anticipation et les prêteurs pourront ainsi sortir
de l’opération ;
■ des limitations relatives aux actifs du groupe : l’emprunteur s’engage à ne pas accorder de sûretés sur ses actifs
autres que celles autorisées par le prêteur ou qui lui
sont consenties (negative pledges) et à ne pas céder les
actifs nécessaires à l’exploitation, à ne pas procéder à de
nouvelles acquisitions, cessions ou joint-ventures ou à
des investissements significatifs, sans l’accord du prêteur, etc.
Le non-respect de l’ensemble de ces clauses entraîne le
plus souvent l’exigibilité anticipée du prêt, l’emprunteur
bénéficiant parfois d’un délai pour régulariser sa situation en cas de défaillance. Cette sanction est en pratique
rarement mise en jeu, mais constitue un moyen de pression sur les emprunteurs et constitue un point de négociation lors de la mise en place de la documentation de
financement.
L
es techniques contractuelles utilisées dans le
cadre d’un financement LBO se traduisent
notamment par un certain nombre d’engagements spécifiques à la charge de l’emprunteur (covenants). A côté de ces obligations usuelles, le mécanisme de subordination occupe une place prépondérante
au sein de la structuration du LBO. Les intervenants
peuvent également avoir recours à des techniques de
restructuration sophistiquées telles que les mécanismes de «debt push down».
3.2.1 Les clauses usuelles
L
es prêteurs imposent aux emprunteurs des
obligations de nature diverse, parfois qualifiées
de negative pledge (interdiction de consentir
des sûretés). Si ces obligations peuvent varier entre le
prêt senior et le prêt mezzanine, le principe est que les
mezzaneurs ne doivent pas avoir plus de droits et
d’avantages que les prêteurs senior.
Les principaux engagements imposés aux emprunteurs
sont, entre autres :
■ des déclarations et garanties : ces déclarations et garanties sont assez proches de celles qui sont fournies dans le
cadre d’une garantie de passif. Elles doivent en principe
être vérifiées lors de la mise à disposition des fonds et sont
renouvelées à chaque période d’intérêt ;
■ des obligations d’information : l’emprunteur peut s’engager à fournir au prêteur ses comptes annuels, accompagnés des rapports de gestion et des rapports des commissaires aux comptes, des situations intermédiaires dont la
fréquence peut varier de trois à six mois, un budget
3.2.2 L’organisation de la subordination
La subordination s’organise contractuellement par l’intermédiaire de conventions de rang ou de subordination.
19
Cette technique s’analyse juridiquement en une stipulation pour autrui aux termes de laquelle, l’emprunteur
(stipulant) obtiendra du prêteur subordonné (promettant) qu’il accepte de n’être remboursé qu’après le prêteur senior (tiers bénéficiaire).
Une convention de subordination prévoira que le prêt
senior est remboursé en priorité par rapport aux autres
dettes. La convention sur le rang aménage les conditions
de paiement des différentes dettes en cas de mise en
œuvre des sûretés. Ces conventions comportent des
clauses de turn-over ou de claw-back aux termes desquelles le mezzaneur s’engage à reverser au banquier
senior toutes les sommes perçues tant que ce dernier
n’aura pas été remboursé.
La dette mezzanine peut également faire l’objet d’une
subordination lorsque celle-ci comporte deux tranches,
l’une senior, l’autre junior. Dans ce dernier cas, la dette
mezzanine senior est une forme classique de dette mezzanine où les intérêts font l’objet d’un paiement selon un
échéancier, sous réserve qu’il n’y ait pas de défaut de
paiement au titre de la dette senior. La dette mezzanine
junior, quant à elle, donne lieu à capitalisation des intérêts dont le versement est subordonné au désintéressement complet des créanciers seniors et des mezzaneurs
seniors.
En dépit de la subordination, si l’emprunteur est à jour du
paiement et remboursement des sommes dues en cours
de prêt (intérêts, commissions, amortissement), il peut
obtenir du prêteur l’autorisation de disposer des dividendes et de la trésorerie excédentaires, on parlera alors
de «subordination filante», dans le cas contraire il s’agira
d’une «subordination totale».
Le vendeur, lorsqu’il a accepté un paiement différé, peut
également exiger les mêmes sûretés que le prêteur
senior, en second rang. Il est alors possible de créer des
actes de sûretés séparés de second rang (dans lesquels
le bénéficiaire de la sûreté s’engage à respecter les
conditions de la convention de subordination) ou que le
prêteur senior soit désigné agent des sûretés dans la
convention de subordination. Dans ce dernier cas, les
sûretés sont prises au nom du prêteur senior pour son
compte et celui du vendeur : il est alors nécessaire de
prendre quelques précautions de rédaction concernant
les sûretés, afin de s’assurer que le mandat accordé au
prêteur senior est bien valable.
A la subordination conventionnelle peut s’ajouter une
subordination structurelle qui consiste en l’introduction
d’une entité supplémentaire entre le mezzaneur et la holding d’acquisition. Pratiquement, le mezzaneur prête les
fonds à cette entité intermédiaire (dite top company) qui
détient la totalité du capital de la holding. En cas de
20
défaut, le mezzaneur n’a donc de recours que contre la
top company qui ne dispose, quant à elle, que de ses
droits d’actionnaire vis-à-vis de la holding. Si cette dernière est liquidée, le top company sera désintéressée
après les créanciers de la sociétés, à savoir les prêteurs
senior.
3.3.1 Gage de compte d’instruments
financiers
3.3
L
e nantissement portant sur les titres de la cible
constitue la sûreté principale accordée par la
holding dans le cadre d’un LBO. Les titres ainsi
affectés en garantie étant généralement des instruments financiers inscrits en compte, leur nantissement
obéit au régime spécial prévu par les articles L. 431-4
et L. 431-5 du Code monétaire et financier.
Ce régime a été réformé par l’ordonnance n° 2005-171 du 24
février 2005 transposant la directive 2002/47/CE du 6 juin
2002 relative aux contrats de garanties financières.
Avant la réforme, plusieurs incertitudes entouraient le gage
de compte d’instruments financiers, et plus spécialement la
détermination de son assiette. La première difficulté concernait la validité des clauses d’arrosage ou d’accroissement
obligeant le constituant à verser des titres supplémentaires
sur le compte nanti pour permettre l’ajustement de la sûreté aux variations de la créance garantie ou des actifs initialement gagés. La seconde portait sur le sort des fruits et produits générés par les titres nantis lorsque le teneur de compte, généralement l’émetteur dédits titres, n’est pas habilité à
recevoir des dépôts.
L’article L. 431-4 modifié règle ces deux difficultés. D’une
part, il est désormais prévu que les titres complémentaires
sont compris dans l’assiette du gage ; ces nouveaux actifs
sont considérés comme ayant été remis à la date de déclaration initiale de gage, ce qui permet de faire échapper leur
inscription sur le compte gagé aux nullités de la période suspecte. D’autre part, lorsque le teneur de compte est la société émettrice, les fruits et produits en toutes sommes sont
désormais versés sur un compte spécial ouvert au nom du
constituant dans les livres d’un établissement de crédit ou
d’un intermédiaire habilité. Ce compte est réputé faire partie
du compte gagé à la date de déclaration de la sûreté.
Notons que demeure discutée la possibilité de consentir
des nantissements de rangs successifs sur un même
compte d’instruments financiers. Toutefois, les obstacles
théoriques, liés notamment à l’exercice du droit de rétention, ont une portée de plus en plus limitée.
Au vu des améliorations de son régime, le gage de compte d’instruments financiers tend à devenir plus attractif
dans le cadre des LBO. Il demeure, cependant, que cette
sûreté n’a de valeur que si la situation de la cible est saine.
De plus, sa réalisation peut s’avérer longue et coûteuse. Le
prêteur peut par ailleurs hésiter à se faire attribuer les
titres d’une société en difficulté : outre le fait que la position d’un actionnaire est la plus défavorable en cas de
liquidation judiciaire, la responsabilité du prêteur peut être
engagée si après sa prise de contrôle, la situation de la
société se dégrade encore.
Les garanties
accordées
3.2.3 Les mécanismes de «debt push down»
Les mécanismes de debt push down permettent le transfert de la dette de la holding d’acquisition vers la cible. Ce
transfert peut notamment être réalisé (i) au moyen de l’acquisition par la cible d’un actif de la holding, (ii) grâce à la
distribution par la cible de dividendes ou (iii) par l’amortissement ou la réduction du capital social de la cible. Dans
les opérations de LBO, c’est la seconde hypothèse qui se
rencontre le plus fréquemment, la holding étant créée
dans la plupart des cas pour les besoins de l’acquisition et
ne possédant pas d’autres actifs que les titres de la cible.
L’assemblée générale de la cible peut ainsi décider de distribuer le bénéfice distribuable et/ou les réserves dont elle
dispose. Il est désormais admis, sous réserve des limitations qui peuvent être imposées par l’administration fiscale, que la cible peut valablement s’endetter pour effectuer
cette distribution. Bien entendu, la distribution des bénéfices ne doit pas avoir pour effet de réduire les capitaux
propres à un montant inférieur à celui du capital augmenté des réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas
de distribuer.
La distribution ne doit pas non plus constituer un abus de
majorité, ce qui pourrait être le cas si une telle distribution
mettait en péril le développement et les investissements de
la cible. Cela suppose toutefois qu’il existe des actionnaires
minoritaires, et que la décision soit contraire à l’intérêt
général de la cible et dans l’unique dessein de favoriser les
actionnaires majoritaires au détriment des minoritaires.
Un courant jurisprudentiel développe également la responsabilité des sociétés qui distribuent des dividendes de
manière abusive, envers les tiers ou leurs partenaires commerciaux. Ainsi, la Cour de cassation a récemment
condamné un concédant envers un concessionnaire en
liquidation judiciaire en considérant que le concédant
avait abusé de son droit de fixer unilatéralement des
conditions de vente alors qu’il avait distribué des dividendes prélevés sur les bénéfices à ses actionnaires (Cass.
com. 15 janvier 2002, Droit des sociétés n° 10, octobre
2002, p. 15).
En tout état de cause, les distributions de dividende,
qu’elles soient réalisées par emprunt ou grâce à la trésorerie de la cible, ne doivent pas obérer de manière excessive sa situation financière, le succès d’une opération de
LBO dépendant de la bonne santé de la cible.
D
ans le cadre des crédits d’exploitation dont
peuvent bénéficier la cible et/ou ses filiales, les
garanties envisageables sont multiples, qu’il
s’agisse de sûretés réelles ou de sûretés personnelles.
Sans dresser un catalogue exhaustif de ces garanties,
mentionnons simplement que la plupart d’entre elles ont
vu leur régime juridique profondément modifié par la
réforme du droit des sûretés résultant de l’ordonnance n°
2006-346 du 23 mars 2006.
S’agissant des sûretés personnelles, si le droit du cautionnement demeure inchangé, le Code civil (article 2287-1)
consacre en revanche la garantie autonome et la lettre
d’intention. Le régime de la garantie autonome (article
2321 du Code civil) est calqué sur les principes dégagés
par la jurisprudence ; celui de la lettre d’intention n’étant
pas détaillé c’est également le régime jurisprudentiel qui a
vocation à s’appliquer. C’est en matière de sûretés réelles
que les changements sont les plus substantiels. Ainsi, le
gage de biens corporels voit ses conditions assouplies par
un recul de l’exigence de dépossession, et son efficacité
renforcée par la validité des pactes commissoires.
Précisons que le gage de choses fongibles et de choses
futures est expressément autorisé, et que, par application,
un nouveau dispositif est consacré au gage sur stocks
dans le Code de commerce. Le nantissement de créance,
dont le nantissement de solde de compte, est également
rénové. Son opposabilité comme sa réalisation sont désormais simplifiées et ainsi mieux adaptés à la pratique. Enfin,
les sûretés réelles immobilières connaissent d’importantes innovations dont principalement l’apparition de
l’hypothèque rechargeable.
La loi n° 2007-211 du 19 février 2007 a introduit la fiducie
en droit français.
S’agissant, à présent, des garanties afférentes au financement du prix d’acquisition de la cible leur nombre est
beaucoup plus limité en pratique, compte tenu du peu
d’actifs que peut généralement offrir à ses créanciers la
holding constituée ad hoc.
Le régime de ces garanties mérite cependant d’être précisé, qu’il s’agisse du gage de compte d’instruments financiers, récemment réformé, de la délégation imparfaite, ou
de la cession de créances professionnelles à titre de garantie, dite cession Dailly.
21
3.3.2 Délégations
La holding peut mettre en place au profit des prêteurs,
représentés par un agent des sûretés, des délégations
imparfaites en application de l’article 1275 du Code civil.
Ces délégations sont généralement consenties sur le fondement des créances que détient la holding au titre de ses
polices d’assurance, notamment l’assurance «hommesclés», ou de la garantie de passif consentie par le vendeur
de la cible.
Le mécanisme de la délégation est relativement souple et
seul un accord entre les trois parties est nécessaire : la holding (le délégant) donne ainsi ordre à son débiteur (le délégué : la compagnie d’assurance ou le vendeur, selon la
nature de la créance «déléguée») de s’engager à payer aux
prêteurs (le délégataire) les montants dus au titre de la
créance «déléguée». L’intérêt de cette convention est de
créer un engagement propre et nouveau du délégué
envers le délégataire.
Imparfaite, la délégation ainsi opérée permet aux prêteurs
de s’adjoindre un débiteur supplémentaire, de sorte que si
le délégué ne s’exécute pas, le délégataire pourra poursuivre le délégant en paiement.
Notons que la Cour de cassation a récemment jugé qu’est
valable l’acte de délégation imparfaite consenti avant la
cessation des paiements, peu important que son exécution ait lieu postérieurement, c’est-à-dire lors de la période
suspecte (Cass. com., 4 octobre 2005, JCP E 2006, p. 414,
note Albrieux).
chaque créance, seul le bordereau constitue la sûreté. Le
bordereau doit impérativement comporter les mentions de
l’article L. 313-23 du Code monétaire et financier à peine
de nullité. La cession Dailly est opposable aux tiers dès la
signature de ce bordereau et bien qu’elle ne soit consentie
qu’à titre de garantie, elle emporte transfert de propriété
de la créance. Elle peut être notifiée par le prêteur au débiteur cédé. Si celui-ci l’accepte (article L. 313-29 du Code
monétaire et financier), il aura l’obligation de régler sa
créance entre les mains du prêteur. Le prêteur peut toutefois donner mandat à l’emprunteur de recouvrer la créance, ce qui doit être précisé dans la notification : le plus souvent la créance est alors réglée sur un compte nanti au
bénéfice du prêteur. Il arrive fréquemment, notamment
pour des raisons commerciales, que le prêteur accepte de
ne procéder à la notification qu’en cas de survenance d’un
cas de défaut au titre de la dette senior.
Il reste que les cessions Dailly ne peuvent pas toujours
être utilisées dans les opérations d’envergure internationale : le garde des sceaux a ainsi considéré (réponse du
garde des sceaux publiée au JO du 27 janvier 2003 p.
600), que la cession de créances Dailly est réservée aux
établissements de crédit dûment agréés par le CECEI ou
habilités à exercer leur activité en France, en application
du droit communautaire. Pour des établissements étrangers ne remplissant pas ces conditions, il est donc nécessaire de procéder à des cessions de créances en application de l’article 1690 du Code civil, ou d’utiliser le mécanisme de la délégation.
3.3.3 Cessions de créances professionnelles à titre
de garantie
3.3.4 La fiducie
La cession de créances professionnelles, définie par la
loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 dite «loi Dailly», peut être
utilisée à plusieurs fins dans le cadre des opérations de
LBO. Nous citerons, pour illustration, le cas où la holding
qui a consenti un prêt intra-groupe à la cible, cède la
créance liée à ce prêt en garantie de sa dette senior. Si la
holding avait pris des sûretés sur les actifs de la cible en
garantie du remboursement du prêt intra-groupe, ces
sûretés seront également transférées de plein droit au
prêteur à compter de la signature du bordereau de cession, ainsi que l’a consacré la loi du 1er août 2003 sur la
sécurité financière (article L. 313-27 du Code monétaire
et financier).
La cession Dailly ne peut être consentie que pour des
créances professionnelles et au profit d’un établissement
de crédit.
La constitution et l’opposabilité de cession Dailly sont relativement simples et efficaces. Il est conclu une conventioncadre de cession de créances professionnelles au titre de
laquelle les parties signent des bordereaux identifiant
La loi du 19 février 2007 précitée, comprend essentiellement deux séries de dispositions : des dispositions organisant le régime juridique de la fiducie, codifiées aux
articles 2011 à 2031 du Code civil et les dispositions définissant le régime fiscal de la fiducie, insérées dans le Code
général des impôts.
La fiducie est définie à l’article 2011 du Code civil comme
«l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants
transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, présents
ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant
séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but
déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires».
Le mécanisme instauré aux articles 2001 à 2031 du Code
civil permet ainsi à un constituant de transférer temporairement ses biens (immobiliers ou mobiliers), droits (personnels ou réels) ou sûretés (réelles ou personnelles) dans
un patrimoine d’affectation géré par un fiduciaire au profit
d’un bénéficiaire.
Le nouveau dispositif prévoit que la fiducie pourra être utilisée dans tous types d’opérations quelle que soit sa fina-
22
lité à l’exception toutefois de toute utilisation à des fins de
libéralités.
On pourra ainsi librement mettre en place des opérations
de fiducie-sûretés (organisant par exemple une cession
fiduciaire de créances civiles), de fiducie-gestion (par
exemple d’actifs).
La technique juridique de la fiducie devrait offrir ainsi une
grande souplesse dans son usage. Toutefois, cet usage
sera réservé à certaines catégories de personnes. Ainsi
seules des personnes morales soumises à l’impôt sur les
sociétés pourront agir en qualité de constituants tandis
que seuls des professionnels réglementés soumis à des
normes prudentielles (établissement de crédit, entreprises
d’investissement, entreprises d’assurance, Trésor public,
Banque de France, La Poste, Caisse des Dépôts, etc.) pourront agir en qualité de fiduciaires. En revanche, s’agissant
des bénéficiaires, aucune restriction n’est prévue.
Dans le cadre d’une fiducie, les biens transférés par le
constituant seront séparés du patrimoine propre de la
personne agissant en qualité de fiduciaire. Les créanciers personnels du constituant (autres que ceux
concernés par l’opération de fiducie) et les créanciers
du fiduciaire n’auront aucun droit de recours sur le
patrimoine fiduciaire. Seuls les créanciers dont la
créance résulte de la conservation ou de la gestion du
patrimoine fiduciaire pourront saisir ce dernier (étant
précisé que, sauf stipulation expresse contraire, en cas
d’insuffisance d’actif du patrimoine fiduciaire, ces
créanciers n’auront aucun droit de recours sur le patrimoine du constituant).
Sur le plan de la forme, le contrat de fiducie devra, à peine
de nullité, déterminer :
■ les biens, droits ou sûretés transférés (s’ils sont futurs,
ils doivent être déterminables) ;
■ la durée du transfert, qui ne peut excéder 33 ans à compter de la signature du contrat ;
■ l’identité du ou des constituants ;
■ l’identité du ou des fiduciaires ;
■ l’identité du ou des bénéficiaires ou, à défaut, les règles
permettant leur désignation ;
■ la mission du ou des fiduciaires et l’étendue de leurs
pouvoirs d’administration et de disposition.
Enfin, en pratique, la mise en œuvre d’une fiducie donnera
lieu à deux séries de formalités : d’une part aux formalités
de publicité ayant trait au transfert de propriété du bien,
droit ou sûreté considéré (cette publicité devra toutefois
être effectuée au nom du fiduciaire ès qualité) ; d’autre part,
sous réserve de nullité, à l’enregistrement fiscal du contrat
de fiducie (et de chacun de ses avenants) dans un délai d’un
mois à compter de sa conclusion. Toute fiducie devra par
ailleurs être inscrite sur le registre national des fiducies.
3.4
Les risques
juridiques encourus
L
a mise en place d’un financement LBO peut se
heurter à certains obstacles juridiques qui sont
autant de risques pour la viabilité du montage.
La plupart de ces risques concerne les relations entre la
holding et la cible et découle principalement des dispositions relatives à l’assistance financière, à l’abus de
biens sociaux et de crédit, ainsi qu’à l’abus de pouvoir.
Dans leurs relations avec les emprunteurs, les prêteurs s’exposent également à des risques particuliers dans le cadre
d’une opération de LBO. Ainsi, les banques peuvent-elles
engager leur responsabilité pour soutien abusif ou être qualifiées d’administrateurs de fait, notamment dans le cas où
un emprunteur ferait l’objet d’une procédure collective.
3.4.1 Prohibition de l’assistance financière
L
’article L. 225-216 du Code de commerce dispose qu’une société «ne peut avancer des fonds,
accorder des prêts ou consentir une sûreté en
vue de la souscription ou de l’achat de ses propres
actions par un tiers».
Ce texte, qui résulte de la transposition de l’article 23 de la
deuxième directive européenne du 13 décembre 1976,
n’est applicable qu’aux sociétés par actions (sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées ou sociétés en
commandite).
Ainsi, les autres types de sociétés commerciales, telles
que les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés en
nom collectif ou les sociétés civiles ne sont pas concernées
par cette interdiction. Ce qui ne signifie pas que ce type
d’assistance est libre. La Cour de cassation a ainsi déjà
jugé que les garanties accordées par le gérant d’une société en nom collectif pour les dettes d’un associé ayant pour
finalité le rachat des parts sociales de la société n’entraient
pas dans l’objet social de la société et encourraient en
conséquence la nullité (Cass. com. 26 janvier 1993 n° 9112.566, Bull. civ. IV n° 34 p. 21, Rev. soc. 1993, p. 396).
L’article L. 225-216 ne précise pas si ses dispositions sont
également applicables aux filiales de la cible, mais en l’absence de position claire, la prudence commande de considérer qu’elles le sont.
Outre les sanctions pénales prévues par l’article L. 242-24
du Code de commerce, la violation de ces dispositions, du
fait qu’elles sont impératives, peut entraîner la nullité des
prêts ou garanties accordés.
23
La principale question est de savoir si cette prohibition
générale est valable pour toutes les opérations qu’elles
soient antérieures ou postérieures à l’acquisition. Certains
soutiennent que ce texte étant assorti de sanctions
pénales, il est d’interprétation stricte et qu’une telle interdiction n’est applicable qu’au moment de l’acquisition et
ne s’applique pas aux sûretés ou prêts consentis postérieurement. Toutefois, si ces prêts ou sûretés apparaissent
comme une condition de la réalisation de l’opération ou
sont accordés en garantie du prêt d’acquisition, il pourrait
être démontré qu’ils ont été conclus en violation des dispositions de l’article L. 225-216.
Bien entendu, ces dispositions ne s’opposent pas au nantissement des titres de la cible, puisque les biens de la holding ne sont pas concernés par l’interdiction (Cass. com. 19
décembre 2000, RJDA 4/01 n° 455). La jurisprudence a
également déjà eu l’occasion de confirmer que cette interdiction ne concerne pas l’affectation des dividendes distribués par la cible à la holding au remboursement du prêt
accordé en vue de l’acquisition (Cass. com. 15 novembre
1994, RJDA 2/95 n° 159).
3.4.2 L’abus lié aux conventions de trésorerie
Dans le cadre d’un LBO, les conventions de gestion de trésorerie centralisée doivent être mises en place avec précaution. Ainsi, la cible ne doit pas financer une partie de
l’acquisition par l’intermédiaire d’avances en trésorerie
faites à la holding, au risque pour ses dirigeants de se voir
condamnés sur le fondement de l’abus de biens sociaux
ou du crédit de la société, en vertu des articles L. 242-6 3°
du Code de commerce pour les sociétés par actions ou L.
241-3 du Code de commerce pour les sociétés à responsabilité limitée.
Un arrêt déjà ancien (arrêt Rozenblum, Cass. crim. 4 février
1985 n° 84-91.581, Bull. crim. n° 54, p. 145) a fixé les critères dans le cadre desquels des avances en trésorerie ou
des garanties intra-groupes ne constituent pas un abus de
biens ou du crédit d’une société. L’opération doit être dictée par un intérêt économique, social ou financier commun, apprécié au regard d’une politique élaborée pour
l’ensemble du groupe, et ne doit pas être démunie de
contrepartie ou rompre l’équilibre entre les engagements
respectifs des sociétés concernées, ni excéder les capacités financières de celle qui en supporte la charge.
Dans le cadre d’une opération de LBO, les critères posés
par la jurisprudence Rozenblum sont difficiles à remplir. La
jurisprudence (Cass. crim. 24 juin 1991, JCP E 1992 172 n°
15 et Cass. Crim. 5 mai 1997 n° 96-81.482, Bull. crim. n° 159
p. 525, Bull. Joly 1997, p. 956) a déjà considéré que les
avances de trésorerie ne peuvent être justifiées par la
notion de groupe, lorsque la holding ne dispose pas des
24
ressources suffisantes pour faire face au remboursement
des avances et des prêts dont elle a bénéficié de la part de
la cible et que ces avances et prêts ont en outre été accordés sans contrepartie réelle et au seul bénéfice du détenteur du capital de la holding.
3.4.3 La fusion rapide
Il a été souligné que la fusion rapide entre la cible et sa holding soulevait des problèmes fiscaux. Une telle fusion est
également controversée sur le plan juridique. Les opposants à cette fusion soutiennent qu’elle permet de réaliser
précisément ce qu’interdit l’article L. 225-216 du Code de
commerce. Les partisans répondent que la fusion ne pouvant être assimilée à une avance, un prêt ou une sûreté, il
n’y a pas d’interdiction en l’espèce.
La jurisprudence, sans appliquer l’article L. 225-216 du
Code de commerce, a déjà considéré qu’une fusion rapide
pouvait constituer un abus de pouvoir, sur le fondement
de l’article L. 242-6 4° du Code de commerce (Cass. crim.
10 juillet 1995 n° 94-82.665, Bull. crim. n° 253 p. 703, JCP
E 1996 II n° 780 ; Bull. Joly 1995 p. 1048). Dans cette espèce, le dirigeant avait toutefois également commis des
abus de biens sociaux, et les juges du fond avaient considéré que l’opération, extrêmement déséquilibrée, lésionnaire et dépourvue de toute justification économique
pour la cible, avait surtout pour objectif de permettre au
second actionnaire et prêteur de la holding de rentrer
directement et personnellement en possession du capital
de la cible.
Concernant plus particulièrement l’assistance financière,
si la fusion rapide est une condition de la mise en place de
l’opération et du financement, la fraude pourrait être aisément démontrée. Il est nécessaire qu’aucun engagement
contractuel ne soit prévu dans la mise en place de l’opération de réaliser la fusion. L’intention frauduleuse pourrait
notamment être caractérisée si des garanties sont accordées sur les actifs de l’ancienne filiale ou si des actifs de
cette société sont cédés afin d’assurer le remboursement
du prêt initialement accordé à la holding. La holding doit
être en mesure de rembourser la dette sans que la fusion
intervienne nécessairement.
En revanche, si la fusion a lieu alors qu’un certain temps
s’est écoulé après la réalisation de l’opération de LBO et
qu’elle se justifie par ailleurs économiquement, elle ne
devrait pas être considérée comme constituant une violation des dispositions de l’article L. 225-216 du Code de
commerce ou un abus de pouvoir.
En outre, il semble maintenant admis par l’administration
fiscale, qu’une fusion rapide soit possible lorsqu’elle ne
concerne que les holdings intermédiaires, sans concerner
les sociétés opérationnelles.
3.4.4 La responsabilité des prêteurs
rain du droit commun sa responsabilité civile pour soutien
abusif ou rupture abusive de crédit en application de l’article
1382 du Code civil. En outre, la sanction pénale pour fourniture de moyens ruineux est également envisageable.
Dans le cadre de LBO, compte tenu des nombreuses obligations mises à la charge des emprunteurs par les prêteurs, l’immixtion dans la gestion du débiteur pourrait être
retenue pour mettre en cause la responsabilité des
banques. Cette immixtion pourrait, de surcroît, traduire
une gestion de fait qui exposerait l’établissement de crédit
aux sanctions encourues par les dirigeants d’entreprises
en difficulté. Dans cette hypothèse, le prêteur pourra
notamment engager sa responsabilité pour insuffisance
d’actifs, ou, dans certains cas énumérés par la loi, être
débiteur de l’obligation aux dettes sociales nouvellement
instituée par la loi de sauvegarde des entreprises.
Le risque que l’établissement prêteur soit qualifié de dirigeant de fait est d’autant moins négligeable qu’une récente jurisprudence est venue affirmer qu’une banque pouvait
être administrateur de fait par personne interposée (CA
Versailles, 29 avril 2004, RDBF, juill.-août 2004, o. 271, obs.
F.-X. Lucas).
Les fournisseurs de crédit sont fréquemment mis en cause
dans le cadre de procédures collectives ouvertes à l’encontre des entreprises auxquelles ils ont prêté des fonds.
La loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 relative à la sauvegarde des entreprises est cependant venue limiter cette
responsabilité fondée sur le soutien abusif. En effet, le
nouvel article L. 650-1 du Code de commerce prévoit
désormais que les créanciers de l’entreprise faillie ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du
fait des concours consentis.
A cette irresponsabilité de principe, la disposition précitée
pose trois exceptions : la fraude, l’immixtion caractérisée
dans la gestion du débiteur et l’existence de garanties disproportionnées au regard du concours accordé. Pour chacune de ces dérogations, le pouvoir d’appréciation des
juges du fond est considérable ce qui augure une difficile
prévisibilité des solutions applicables.
Lorsque l’une des exceptions est caractérisée, la sanction du
prêteur de deniers est double. D’une part, les garanties
prises en contrepartie du concours octroyé sont nulles.
D’autre part, le fournisseur de crédit peut engager sur le ter-
25
4-Le management package
U
n LBO est avant tout un projet d’entreprise.
Les montages financiers les plus «tendus» ne
sont envisageables et viables que si la cible
est une société bien gérée, bien positionnée sur un
marché en croissance et qui conserve d’importantes
marges de progression.
C’est cet équilibre entre analyse des réussites passées et
détermination des perspectives d’avenir qui est au centre
de la réflexion des intervenants à un LBO et qui nécessite,
pour que l’opération soit une réussite, la mise en place
d’incentives adaptés au profit de l’encadrement.
Les managers ne sont plus alors considérés comme de
simples dirigeants ou salariés du groupe cible mais
comme de véritables co-investisseurs devant assumer une
prise de risque «capitalistique» au même titre que les
investisseurs financiers. La raison d’être de ces mécanismes est d’assurer un alignement d’intérêts entre le
capital (les fonds d’investissement) et la compétence (les
managers) permettant ainsi le meilleur développement de
la société et donc la réussite de l’opération au profit de
toutes les parties prenantes.
4.1
Evolutions, critères
et contraintes
4.1.1 Le management package, une question
devenue centrale dans les négociations
L
es mécanismes d’intéressement et de co-investissement des dirigeants, garantissant leur
motivation, sont devenus au fil du temps un
élément central de la structuration des opérations de
LBO. Autrefois considérée comme accessoire et traitée
au dernier moment, cette question est aujourd’hui au
centre des préoccupations des fonds d’investissement
et abordée dès le début des négociations. Certains
investisseurs financiers n’hésitent plus à considérer
qu’ils se concentrent autant sur le management package que sur le prix d’acquisition.
Cette évolution s’explique essentiellement par deux
facteurs :
■ d’une part, le secteur du LBO en France est devenu,
depuis plusieurs années déjà, un secteur mature. Les
structures et mécanismes mis en place sont pour la plu-
26
part éprouvés et connus des intervenants et notamment
des dirigeants candidats à une reprise de leur société en
LBO. Ceux-ci n’hésitent plus à formuler leurs souhaits en
matière de partage de la création de valeur. La diminution
du nombre de cibles sur le marché et une concurrence
accrue entre les investisseurs ont renforcé leur position ;
■ d’autre part, dans un marché des fusions-acquisitions
relativement atone ces dernières années, les opportunités
de sorties industrielles ou boursières ont été peu attractives. Dans ce contexte, les fonds d’investissement ont
souvent privilégié la cession à d’autres fonds comme
moyen de réaliser leurs investissements. Dans ces LBO
secondaires (voire tertiaires), les dirigeants sont chaque
fois consultés, interviennent très largement dans le choix
de l’investisseur et disposent, le plus souvent, d’une capacité financière certaine en raison du «cash-out» réalisé lors
du LBO primaire.
On a donc assisté à une augmentation significative des
demandes des managers avec (i) des seuils de déclenchement, en cas de réussite du LBO, revus à la baisse (d’un TRI
de 25 à 35 %, la fourchette s’est réduite à 20-30 % voire,
dans certains cas, 18-28 %), (ii) une quote-part de la surplus-value appréhendée par les managers de plus en plus
élevée et (iii) davantage de droits négociés et obtenus
(conditions de vesting plus favorables, droit de premier
refus ou droit de préemption de premier rang entre les
managers par exemple).
D’un point de vue plus conjoncturel, le contexte de la crise
des subprimes et la raréfaction du crédit qui en a découlé,
a pour effet de souligner le fait que le succès des opérations de LBO repose essentiellement sur une croissance
forte de la cible, justifiant ainsi la mise en place, la plus
large possible, de mécanismes assurant la plus grande
motivation des équipes concourant au développement de
son activité.
Toutefois, cette crise semble également être l’occasion
d’un retour à plus de mesure dans ce que les fonds d’investissements sont prêts à consentir aux équipes de
management, un bon management package étant un package «équilibré» assurant, sans distorsion excessive au
profit de l’un ou l’autre des acteurs, l’alignement d’intérêts
évoqué plus haut.
4.1.2 Structure de l’investissement des managers
Une prise de participation dans la holding d’acquisition
peut permettre aux investisseurs dirigeants de réaliser une
plus-value de cession lors du débouclage de l’opération,
plus-value dont le montant sera fonction du pourcentage
du capital détenu et de la survaleur créée.
Toutefois, l’acquisition d’une telle participation n’est envisageable que pour les dirigeants disposant déjà de moyens
personnels suffisants (les conditions financières de leur
prise de participation étant en principe les mêmes que pour
les actionnaires financiers ou très faiblement décotées). Or,
même dans le cadre de LBO secondaires, les dirigeants ne
disposent pas, le plus souvent, de moyens leur permettant
d’acquérir une participation d’un montant tel qu’ils pourraient réaliser une plus-value significative à la sortie.
Le manque de liquidité des dirigeants, comme la disproportion évidente entre les capacités des fonds d’investissement
et celle de l’équipe dirigeante, peuvent être corrigées :
■ d’une part, par un recours à l’emprunt de la part des dirigeants aux fins de financer le montant de leur investissement (cette solution pose ensuite la question de la nature
et du traitement, dans le pacte d’actionnaires, des sûretés
consenties par les dirigeants sur les titres de la holding
ainsi financés) ; et
■ d’autre part, par le recours à la sweet equity. L’equity
partner n’investit qu’une partie de ses fonds en capital et
le solde, généralement, en obligations convertibles, permettant ainsi aux sommes investies en capital par l’équipe
dirigeante de représenter une quote-part du capital plus
importante que ce qu’elle aurait été si la totalité des
sommes investies par les fonds l’avaient été en capital.
Cette pratique d’origine anglo-saxonne a eu tendance ces
dernières années à être remplacée par le principe d’un
investissement pari passu entre dirigeants et fonds, associés à des outils dits ratchets au profit des managers. Dans
ce type de structure, toutes les parties investissent dans
les mêmes proportions en capital et en prêt (généralement
des obligations convertibles, compte tenu des règles s’imposant aux fonds d’investissement), les managers disposant par ailleurs de mécanismes qui introduisent, en leur
faveur, un effet multiplicateur permettant, lorsque les
objectifs de rentabilité du LBO sont atteints ou dépassés,
de déconnecter la part du prix de cession leur revenant de
leur participation d’origine.
En effet, pour être efficaces, les mécanismes de co-investissement doivent induire un effet de cliquet et de seuil en
cas de réussite. C’est en effet ce système du «tout ou rien»
qui est le garant de la motivation des dirigeants à atteindre
les objectifs fixés en commun.
Il n’est toutefois pas rare aujourd’hui, dans des montages
un peu complexes, mis en place dans le cadre d’opérations
de taille significative, que les packages du management
soit un panachage de sweet equity et de ratchet. Ces structures plus complexes permettent notamment de «lisser»
les effets des packages dans des situations de perfor-
mances extrêmes (TRI très bas ou très élevés) et d’affiner la
courbe de répartition de valeur en faveur du management.
4.1.3 Eléments de mesure de la performance d’un
LBO
4.1.3.1 Le TRI : l’unité de mesure classique de la rentabilité
d’un investissement
Pour les fonds d’investissement, l’objectif de toute opération de LBO est bien entendu la maximisation de la plusvalue réalisée lors de la sortie. C’est en effet la plus-value de
cession qui constitue l’élément principal de la rentabilité de
l’investissement, les intérêts perçus en rémunération des
obligations éventuellement souscrites n’intervenant, en
général, que pour une part marginale (il convient toutefois
de noter que les intérêts des obligations ou les dividendes
prioritaires au titre d’actions de préférence éventuellement
souscrites par les fonds d’investissement sont la plupart du
temps capitalisés et payés in fine et peuvent ainsi, dans certains montages, constituer une part non-négligeable des
revenus perçus par les fonds). La rentabilité de l’investissement correspond schématiquement au rapport entre ce que
l’investissement a coûté et ce qu’il a rapporté.
Ce rapport, appelé taux de rendement interne (TRI), est la
variable-clé à l’aune de laquelle sera jugée la réussite ou
non de l’investissement réalisé. La rentabilité moyenne
souhaitée par les fonds oscille en général, en France,
autour de 15 à 20% par an. Au-delà, les dirigeants peuvent
obtenir d’appréhender une quote-part de la plus-value
marginale qui permet aux fonds de réaliser un TRI supérieur à l’objectif.
Le TRI désigne le taux de rendement interne qui permet
d’égaliser la valeur actualisée des sommes perçues dans
le cadre de l’investissement (revenus générés par l’investissement) et la valeur actualisée des sommes investies. Le
TRI est donc égal au réel «t» tel que :
avec :
«Di» : désigne le montant total décaissé par les fonds d’investissement le i-ième jour suivant l’acquisition de la
société cible (quelle que soit la forme du décaissement :
capital, obligations de toute nature, bons de souscription
autonomes, compte-courant…).
«Ej» :Désigne le montant encaissé par les fonds d’investissement le j-ième jour suivant l’acquisition de la société
cible (quelle que soit la forme de l’encaissement : produit
de cession d’actions et/ou de bons de souscription autonomes, remboursement, intérêts, dividendes…).
«N» : Désigne le nombre de jours entre la date d’acquisition et
la date de changement de contrôle de la holding de rachat.
27
Il convient d’ajouter que, dans le cadre des négociations, une
attention particulière doit être portée à la définition du TRI et
notamment à ce qui est pris en compte dans les décaissements et les encaissements. Par exemple, les frais liées à l’acquisition et à la cession peuvent représenter des montants
significatifs et avoir une incidence non négligeable sur le TRI
selon qu’ils sont ou non pris en compte dans le calcul.
4.1.3.2 Les multiples de sortie : élément de correction
Toutefois, dans certaines hypothèses, le TRI peut s’avérer
être un outil inadapté de la mesure de la rentabilité d’un
investissement. C’est essentiellement le cas lors d’opérations de cession intervenant dans un délai «très» court
après l’acquisition initiale. En effet, réaliser un TRI même
très élevé (30-40 %) sur une année seulement est moins
intéressant pour l’investisseur que de réaliser un TRI
annuel certes plus faible (20-25 %) mais sur une période
plus longue (quatre à cinq ans par exemple). En effet, une
cession rapide permettant de dégager un fort TRI ne permet
pas, dans certains cas, de réaliser une plus-value suffisante compte tenu des frais liés au montage de l’opération, au
temps et à l’investissement qu’elle a nécessités. En conséquence, il est de plus en plus fréquent que les accords fassent référence à un multiple de l’investissement d’origine
comme objectif de rentabilité en cas de cession rapide.
A l’inverse, le temps peut avoir un effet négatif sur le TRI.
Maintenir un objectif constant de TRI sur une période
longue peut donc pénaliser le management qui, en cas de
non-réalisation du TRI, peut se voir priver de la surplusvalue négociée à l’origine. La référence à un multiple de
l’investissement d’origine comme objectif de rentabilité de
l’investissement s’avère être également un bon correctif
de l’incidence négative du temps sur le TRI.
La négociation du management package porte dès lors
d’une part, (i) sur la quote-part de la survaleur qui reviendra aux dirigeants en fonction des différentes hypothèses
de sortie et (ii) sur le choix des outils permettant d’opérer
ce co-investissement.
4.2
Les supports
des management
packages
O
utre des montages de type sweet equity évoqués plus haut, ces mécanismes peuvent être
schématiquement mis en œuvre de trois
façons :
28
■ soit
par recours à des engagements contractuels (§ 2.1
ci-dessous) ;
■ soit par recours aux mécanismes légaux d’intéressement
des salariés et mandataires sociaux (§ 2.2 ci-dessous) ;
■ soit par l’émission de valeurs mobilières au profit des
dirigeants (§ 2.3 ci-dessous).
Le choix du type de mécanisme résulte le plus souvent
d’un arbitrage entre les exigences de souplesse et de sécurité juridique avec en toile de fond le traitement fiscal des
sommes ainsi perçues. A cet égard, il convient de noter
qu’il n’existe pas de package standard, la solution retenue
résultant toujours d’une négociation au cas par cas.
4.2.1 Les accords contractuels
4.2.1.1 Accords de rétrocession
La méthode qui, à l’origine, est apparue la plus simple et la
plus souple consistait simplement à ce que les actionnaires financiers s’engagent au profit des dirigeants à leur
rétrocéder une partie du prix de cession perçu lors du
débouclage de l’opération, si les objectifs de rentabilité
étaient atteints. Ce mécanisme contractuel de partage de
plus-value est en général le mécanisme couramment utilisé en droit anglais et américain.
C’est ainsi qu’une multitude d’accords sui generis a vu le
jour, justifiant, sur la base d’éléments variants d’une opération à l’autre, le versement d’une partie du prix complémentaire aux dirigeants.
Cette solution a le mérite de la simplicité. Elle pose néanmoins trois problèmes rédhibitoires :
■ les montants en jeu sont en général très inférieurs à ce
que les dirigeants peuvent espérer retirer de la vente d’une
participation, même minime, en capital, lors du dénouement du LBO ;
■ si l’administration fiscale considère que ces sommes
sont versées aux dirigeants en contrepartie de leur participation à l’activité de la société, elles peuvent être requalifiées en rémunération et par conséquent soumises à un
régime fiscal et, le cas échéant, social dissuasif ; et
■ ces mécanismes peuvent donner lieu à des contentieux
longs et délicats lorsque les parties ne sont plus d’accord
au moment de les mettre en œuvre.
Ce type d’accord contractuel, peu fréquent aujourd’hui, doit,
selon nous, être réitéré peu de temps (voire un instant de
raison) avant la cession, notamment afin de s’assurer que
cet accord de répartition du prix qui ne concerne a priori que
les vendeurs n’implique pas, outre mesure, l’acquéreur.
4.2.1.2 Les promesses de cession d’actions
Dans un LBO, les dirigeants ont vocation à avoir un double
statut de dirigeant et d’actionnaire. Dès lors, se sont développés des mécanismes aux termes desquels l’avantage
consenti aux dirigeants n’est pas constitué par le versement de sommes d’argent, susceptibles d’être assimilées
à un complément de rémunération et taxées comme tel,
mais par l’opportunité d’accroître à terme leur participation dans le capital de la holding, donc plus lié au statut
d’actionnaire qu’à celui de dirigeant.
Sur cette base, les actionnaires financiers peuvent consentir des promesses de cession d’actions au profit des dirigeants, permettant à ces derniers, lors du débouclage de
l’opération, d’acquérir un nombre d’actions complémentaires. Le nombre et le prix des actions «promises» peuvent être fixés dès l’origine, ou être simplement déterminables par application d’une formule mathématique, fonction le plus souvent du TRI réalisé par les actionnaires
financiers, ou du prix proposé par l’acquéreur pour 100%
du capital de la holding.
Ces mécanismes permettent aux dirigeants d’accroître à
terme leur participation et donc d’augmenter leur plusvalue de cession en cas d’atteinte de certains objectifs de
rentabilité. Les sommes ainsi perçues constituant des plusvalues de cession de titres sont, en principe, soumises à un
régime fiscal et social plus attractif que celles perçues dans
le cadre de simples accords de rétrocession de TRI.
Le recours à des promesses de cession d’actions présente
toutefois trois inconvénients majeurs.
naires financiers de céder ces actions à ce prix avait été
pris à une date où il était en principe impossible de prévoir
que le prix stipulé dans la promesse serait significativement inférieur à la valeur réelle des actions au jour de
l’exercice de la promesse. A cet égard, il semble opportun
d’enregistrer les promesses auprès de la recette des
impôts ou de les déposer au rang des minutes d’un notaire pour leur donner date certaine et justifier de l’antériorité, donc de l’existence réelle d’un aléa ;
(iii) un risque de requalification fiscale des gains réalisés
par les dirigeants : si l’administration fiscale considère
que la promesse a été consentie à des conditions préférentielles et en considération du fait que le bénéficiaire est
dirigeant de la société, elle peut tenter d’établir que l’avantage retiré par le dirigeant constitue en réalité une rémunération complémentaire.
4.2.1.3 Les schémas impliquant un risque d’investisseur :
les options
Le risque visé au (iii) ci-dessus (requalification fiscale de la
nature des gains) semble moindre lorsque le dirigeant
encourt un véritable risque de perte et donc lorsque les
mécanismes mis en place s’apparentent plus à un coinvestissement qu’à un intéressement.
C’est le cas des schémas dans lesquels les dirigeants
payent à l’origine le droit d’acquérir dans le futur, à un prix
déterminé ou déterminable, un certain nombre d’actions
complémentaires.
Si les objectifs de rentabilité ne sont pas atteints, l’option
ne peut être exercée. Les dirigeants subissent alors une
perte égale au prix de l’option versé initialement aux
actionnaires financiers.
Du fait de l’existence d’un tel aléa, le dirigeant intervient
en qualité d’investisseur qui accepte de prendre un risque
financier en contrepartie d’une espérance de gain.
L’aléa doit être réel et significatif. A cet égard, le pricing de
l’option est déterminant. Il convient en effet de veiller à ce
que le prix payé par les dirigeants en contrepartie de l’option soit fixé sur des bases objectives et à des conditions
de marché.
Dès lors que les conditions et le prix d’exercice de l’option
(la contrepartie payée par les dirigeants lors de la signature) font courir aux dirigeants un véritable risque de perte
dans l’hypothèse où la valeur de la société ne s’apprécie
pas au-delà d’un certain seuil, il semble possible de soutenir valablement que les gains perçus de l’exercice de
l’option constituent bien une plus-value de cession devant
être imposée comme telle.
Une question complémentaire se pose quant à la possibilité, pour les dirigeants, d’acquérir les titres complémen-
(i) une sécurité juridique incertaine pour les dirigeants :
d’une part, la promesse de cession constituant un engagement unilatéral de celui qui s’oblige à céder (en l’espèce les actionnaires financiers) n’accorde qu’une sécurité juridique limitée au bénéficiaire. En effet, si le promettant se rétracte (c’est-à-dire revient sur son engagement de céder) avant que le bénéficiaire n’ait levé l’option, ce dernier ne pourra pas obtenir le transfert des
actions à son profit. Dans une telle hypothèse, le bénéficiaire ne pourra obtenir que des dommages-intérêts pour
inexécution contractuelle (Cass. civ. 3e, 15/12/1995). On
peut toutefois présumer que la relation entre l’investisseur financier et les dirigeants conservera une qualité
suffisante pour que ne soit pas envisagée une quelconque rupture d’engagement ;
(ii) justification de l’antériorité : il est important que de
telles promesses soient conclues dès l’origine de l’investissement et qu’il soit possible d’en apporter la preuve en
cas de contentieux. En effet, dans la mesure où elles permettent aux dirigeants d’acquérir, dans le futur (lors de la
sortie du LBO), des actions complémentaires à un prix fixé
à l’avance (et donc plus attractif que le prix auquel les
actions doivent être cédées le jour même), il est nécessaire de pouvoir justifier que l’engagement pris par les action-
29
taires qui leur reviennent par exercice de l’option, via un
PEA, de telle façon que la plus-value dégagée par leur
revente immédiate puisse être exonérée de l’impôt sur les
plus-values. Rien ne l’interdit en théorie dès lors que les
règles de fonctionnement propres au PEA sont respectées.
4.2.2 Mécanismes légaux d’intéressements des
salariés et mandataires sociaux : outils d’intéressement du deuxième cercle de managers
4.2.2.1 Les stock-options
Le premier outil auquel on pense lorsqu’on aborde la question de l’intéressement au sein d’une société est celui des
stock-options.
Ces options permettent aux dirigeants de bénéficier du droit
d’acquérir ou de souscrire, dans le futur, des actions d’une
société à des conditions arrêtées par l’assemblée générale
ayant décidé l’attribution de telles options ou, en cas de
délégation, par le conseil d’administration (ou le directoire).
Depuis la loi NRE du 15 mai 2001, les sociétés non cotées
ont perdu une grande partie de la liberté dont elles jouissaient dans la détermination du prix de souscription des
actions. En effet, la loi précise désormais que le prix de
souscription des actions émises par une société non cotée,
au moment de la levée de l’option, «est déterminé conformément aux méthodes objectives retenues en matière
d’évaluation d’actions, en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette
comptable, de la rentabilité et des perspectives d’activité
de l’entreprise […] A défaut, le prix de souscription est
déterminé en divisant par le nombre de titres existants le
montant de l’actif net réévalué, calculé d’après le bilan le
plus récent» (art. L. 225-177 du Code de commerce).
En outre, le prix fixé pour la souscription ou l’achat des
actions ne peut pas être modifié pendant la durée de l’option à moins que, pendant cette période, il ne soit procédé à certaines opérations financières susceptibles d’influer sur la valeur du titre et nécessitant un ajustement du
prix convenu à l’origine (article L. 225-181 du Code de
commerce modifié par l’ordonnance n° 2004-604 du
24 juin 2004).
La loi NRE de 2001 a également modifié le délai dit «d’indisponibilité» durant lequel l’attributaire de stock-options
doit les conserver s’il veut bénéficier du régime fiscal et
social le plus favorable pour l’imposition de la plus-value
réalisée. Initialement de quatre ans, ce délai a été réduit à
quatre ans, mais assorti de la contrainte supplémentaire
d’un délai de portage de deux ans pour bénéficier d’un
taux d’imposition réduit sur l’avantage tiré de la levée de
l’option (différence entre le prix de souscription et la
valeur de l’action à la date de la levée de l’option).
30
Notons également que l’attrait des stock-options a été
significativement réduit, tant pour la société qui les attribue que pour les bénéficiaires des stock-options, depuis la
loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) n° 20071786 du 19 décembre 2007 qui a institué deux taxes
sociales complémentaires : une contribution patronale et
une contribution salariale sur les stock-options.
En effet, l’article L. 137-13 I du Code de la Sécurité sociale
ajoute une contribution patronale à la charge de la société
qui attribue des stock-options alors que jusque-là, l’entreprise ne supportait aucune charge. Cette contribution est
égale à 10 % de 25 % de la valeur des actions sur lesquelles portent ces options à la date de l’octroi, et ce quel
que soit le prix de souscription. Précisons que pour les
sociétés tenues d’appliquer les normes comptables internationales (en pratique les sociétés cotées), cette contribution peut, au choix de la société, être assise sur la juste
valeur des options telle qu’elle est appréciée pour l’établissement des comptes consolidés. Cette contribution est
exigible dans le mois suivant la date de la décision d’attribution des stock-options et applicable quelles que soit les
suites de cette attribution, c’est-à-dire que les options
soient levées ou non.
Par ailleurs, l’article L. 137-14 du Code de la Sécurité sociale
institue, pour les attributions de stock-options consenties à
compter du 16 octobre 2007, une nouvelle contribution salariale égale à 2,5 % de la plus-value d’acquisition (c’est-àdire, la différence entre la valeur de l’action à la date où le
salarié exerce l’option et le prix d’exercice initialement fixé).
En outre, les stock-options présentent l’inconvénient
d’être incessibles et de ne pouvoir donner droit à la souscription ou au rachat que d’un pourcentage limité du capital de la société émettrice. Cette caractéristique peut poser
des difficultés pratiques importantes lors de la sortie, à
l’occasion de laquelle (i) l’acquéreur ne peut acquérir l’intégralité des droits représentants, immédiatement ou à
terme, une quotité du capital de la cible et (ii) les stocks
optionnaires ne peuvent remonter à l’étage de la holding.
Les stock-options demeurent certes un instrument «naturel» d’intéressement des dirigeants, mais les contraintes
juridiques et fiscales liées à leur utilisation, et à la détermination du prix de souscription des actions auxquelles
elles donnent droit, limitent considérablement leur attrait
pour les dirigeants candidats à un LBO. En revanche, elles
peuvent constituer un instrument très adapté (car clair et
transparent) pour intéresser un nombre important de
cadres des sociétés faisant l’objet de LBO (société cible ou
filiales de celle-ci), requérant toutefois une ingénierie particulière pour rendre ce régime compatible avec les
contraintes spécifiques d’un LBO (comme par exemple,
organiser les modalités de la revente des actions issues de
l’exercice des options, prévoir l’adhésion des bénéficiaires
à un pacte d’actionnaires en cas d’exercice des options,
etc.).
Or, l’application du régime fiscal de faveur relatif à la plusvalue d’acquisition et à la plus-value de cession qui
seraient réalisées par le dirigeant est subordonnée au respect des délais d’acquisition et de conservation d’au
moins 2 ans. En effet, la réglementation fiscale n’a pas
suivi l’évolution du Code de commerce, qui permet de supprimer la période de conservation dès lors que la période
d’acquisition est de 4 ans au moins. Ainsi, même avec une
période d’acquisition de 4 ans, les titres attribués gratuitement semblent devoir être conservés au moins 2 ans par
leurs bénéficiaires pour bénéficier du régime de faveur ;
■ enfin, certaines incertitudes fiscales demeurent, notamment quant au régime applicable en cas d’apport à une
holding d’actions attribuées gratuitement pendant leur
période de conservation (seule l’hypothèse d’une fusionabsorption de la cible – dont les actions ont été attribuées
gratuitement – par la nouvelle holding semble dans un tel
cas permettre le maintien du régime de faveur), ce qui rend
assez complexe le débouclage des opérations de LBO
notamment dans la perspective d’un LBO secondaire.
Notons par ailleurs que, comme pour les stock-options, ce
régime a perdu de son intérêt depuis la loi LFSS visée plus
haut. En effet, de la même manière que pour les stockoptions, la société qui attribue gratuitement des actions doit
désormais verser une contribution patronale égale à 10 % de
100 % de la valeur des actions à la date de la décision d’attribution, étant précisé que, pour les sociétés cotées, cette
contribution peut être assise sur la juste valeur des actions
telle qu’elle est appréciée pour l’établissement des comptes
consolidés. Le bénéficiaire des actions attribuées gratuitement est également redevable d’une contribution salariale
égale à 2,5 % de la valeur des actions au jour de l’acquisition.
Par conséquent, les actions gratuites constituent un mécanisme plus adapté à un second voire troisième cercle de managers, qu’il convient, à l’instar des stock-options, d’adapter aux
contraintes particulières des LBO tout en conservant à l’esprit
certaines rigidités qui le rendent peu compatibles avec certains objectifs ou contraintes de ce type d’opération.
4.2.2.2 Les attributions gratuites d’actions
Ce dispositif a été instauré à l’occasion de la Loi de
finances pour 2005 et codifié sous les articles L. 225-197-1
à L. 225-197-5 du Code de commerce et a été plus récemment assoupli par la loi du 30 décembre 2006. Il constitue
un élément d’intéressement des dirigeants non négligeable et devient donc un élément de négociation significatif pour les acteurs du LBO.
L’avantage de ce système pour les dirigeants attributaires
réside essentiellement dans le fait qu’il n’entraîne aucune
prise de risque puisqu’ils n’ont aucun versement à effectuer.
Parallèlement, pour la société émettrice, le risque est maîtrisé : la société peut librement déterminer les modalités
qui conditionneront l’attribution définitive des actions (et
notamment la réalisation de certains objectifs globaux
et/ou individuels) pour éviter d’être tenue à cette attribution alors qu’elle ne serait plus en mesure de le faire.
Les avantages et inconvénients de ce régime sont globalement identiques à ceux du mécanisme des stock-options
même si dans les faits il offre un peu plus de souplesse. Une
différence entre ces deux outils tient au fait que les actions
gratuites ne nécessitent aucun investissement du bénéficiaire
et constituent un avantage dès le premier euro alors qu’à l’inverse, les stock-options supposent le paiement d’un prix et
l’existence d’un avantage que si, au jour de l’exercice, la valeur
réelle de l’action est supérieure au prix d’exercice. Il faut donc
moins d’actions gratuites que de stock-options pour réaliser
le même gain. Par conséquent, la mise en place de plan d’attribution gratuite d’actions est moins dilutive en principe pour
les autres actionnaires qu’un plan de stock-options.
Ce système est néanmoins assorti d’un certain nombre de
contraintes et de rigidité pour les dirigeants :
■ ainsi, comme pour les stock-options, un dirigeant ne
pourra pas se voir attribuer des actions gratuites s’il
détient ou s’il vient à détenir après l’attribution des actions
gratuites, plus de 10 % du capital social ;
■ en outre, le système impose (i) un délai d’acquisition dont
la durée ne peut être inférieure à 2 ans et pendant lequel les
dirigeants attributaires ne sont pas propriétaires des
actions consenties et n’ont aucun droit d’actionnaire, et (ii)
un délai de conservation, au minimum égal à 2 ans (sauf si
le délai d’acquisition est supérieur à 4 ans, auquel cas
aucun délai de conservation n’est requis) pendant lequel
les actions sont indisponibles et ne peuvent pas faire l’objet d’une transmission (article L. 225-197-1 du Code de commerce) avec, en outre, des restrictions légales pour les
sociétés cotées liées à la prévention des délits d’initiés.
4.2.3 Emission de valeurs mobilières
En parallèle des schémas évoqués plus haut, le recours à
l’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital est
très souvent utilisé comme support des management packages, dans la mesure où elles allient souplesse, sécurité
juridique et relèvent d’un régime juridique désormais modernisé et uniformisé depuis l’ordonnance du 24 juin 2004.
4.2.3.1 Les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE)
Créés par le législateur à l’occasion de la Loi de finances
pour 1998, le régime a été pérennisé et assoupli par la loi
31
NRE. Cet outil a été créé afin de permettre aux jeunes
entreprises de retenir des collaborateurs de haut niveau.
Les BSPCE peuvent théoriquement être utilisés dans le
cadre des LBO. Cependant, les conditions d’émission et de
détention de 25 % du capital de la société émettrice par
des personnes physiques, et le délai de 5 ans dans lequel
est enfermé leur exercice, rendent les BSPCE rarement utilisables pour les dirigeants candidats à un LBO, qui se
tourneront alors vers des valeurs mobilières dont le cadre
législatif et fiscal est moins contraignant.
D’après le Code général des impôts, seules les sociétés
exerçant une activité nouvelle peuvent émettre des BSPCE
à l’exclusion des sociétés créées «dans le cadre d’une
concentration, d’une restructuration, d’une extension ou
d’une reprise d’activité préexistante». La loi NRE a étendu
le champ d’application des BSPCE aux sociétés ayant une
activité financière comme la détention de titres, visant
ainsi les holdings pures, permettant l’émission de BSPCE
dans le cadre d’opérations de LBO (sous réserve bien
entendu que les autres conditions soient remplies).
4.2.3.2 Les bons de souscription d’actions
Compte tenu de la liberté qu’autorise leur mise en œuvre,
les bons de souscription d’actions, qu’ils soient autonomes ou attachés à d’autres valeurs mobilières (par
exemple ABSA, dont le régime est régi par les articles
L. 228-91 et suivants du Code de commerce), se sont très
largement imposés comme support des mécanismes de
co-investissement des dirigeants dans les LBO.
Toutefois, il convient de conserver à l’esprit que leur utilisation s’est généralisée à défaut d’instruments spécifiques adaptés aux caractéristiques et exigences particulières de ce type d’opérations. Créés à l’origine comme un
outil de financement à terme des entreprises, leur utilisation à d’autres fins impose de respecter certaines
contraintes et de prendre certaines précautions.
Il est important de préciser que ce mécanisme s’inscrit
dans une logique de co-investissement des dirigeants et
non pas dans celle d’un simple intéressement.
L’ordonnance 2004-604 du 24 juin 2004 a soumis les
valeurs mobilières donnant accès au capital à un régime
juridique unifié et simplifié et a par ailleurs supprimé la disposition qui imposait que les actions sous-jacentes à
l’émission de bons de souscription autonomes émises en
cas d’exercice des bons le soient dans un délai de 5 ans à
compter de la date de l’assemblée générale ayant supprimé le droit préférentiel de souscription des actionnaires. Il
n’y a donc plus à distinguer entre les bons de souscription
autonomes et les BSA attachés à d’autres valeurs mobilières, les deux catégories de valeurs mobilières étant
désormais soumises au même régime.
32
Si le nouveau dispositif est générateur d’une plus grande
sécurité juridique, il est cependant alourdi par le mécanisme
de préservation des droits réaffirmé et complété par l’ordonnance du 24 juin 2004 en cas d’émissions ultérieures de
valeurs mobilières. L’objectif est d’assurer, aux porteurs de
valeurs mobilières donnant accès au capital, que l’appréciation qu’ils ont faite, au jour de la souscription, de la valeur
des titres escomptés ne serait pas dévaluée par des opérations décidées ultérieurement par la société, qui seraient, à
défaut d’ajustements, susceptibles de modifier les avantages sur lesquels ils ont fondé leur décision.
L’outil de la liberté, mais une liberté sous contrainte
Les bons autonomes, comme les BSA attachés à des
actions ou obligations, sont des valeurs mobilières et doivent à ce titre respecter les caractéristiques propres à toute
valeur mobilière que sont la négociabilité, la fongibilité et
l’indivisibilité. Sous cette réserve, ils permettent de jouir
d’une assez grande liberté dans la fixation des conditions
d’émission et de souscription des titres sous-jacents.
Ils permettent à leurs attributaires la souscription d’actions,
dont le nombre et le prix de souscription peuvent être fixés
librement, dans la limite du montant maximal d’augmentation du capital décidé par l’assemblée générale.
Le nombre d’actions auquel chaque bon donne droit de
souscrire et le prix de souscription peuvent être fixés dès
l’émission, ou être simplement déterminables au jour
d’exercice, par application de formules mathématiques (le
prix d’exercice devant au minimum être égal au nominal de
l’action sous-jacente). Ces dernières peuvent être fonction
d’une multitude de critères tels que le TRI réalisé par les
fonds d’investissement, le prix de cession de la holding ou
l’actif net retraité de certaines variables.
A cet égard, il convient de veiller à ce que les formules
mathématiques :
■ soient fonction de variables objectives, déterminables et
qui ne dépendent pas des seules titulaires des bons (nonpotestativité) ;
■ prévoient un plafond, de telle façon que jamais les calculs n’aboutissent à un nombre d’actions supérieur au plafond de l’augmentation de capital autorisé par l’assemblée générale ;
■ prévoient le recours à un expert pour l’application de la
formule en cas de contestation ;
■ prévoient des mécanismes d’arrondis et de traitement
des rompus pour que chaque titulaire se voit attribuer un
nombre entier d’actions.
Les limites de l’exercice
D’un point de vue fiscal, la plus-value réalisée par le dirigeant lors de la cession de ses bons ou, en cas d’exercice
des bons, des actions sous-jacentes, est en principe
taxable au taux global de 29 % (soit 18 % plus prélèvements sociaux, CSG et RDS).
Cependant, le traitement fiscal de tels gains demeure
incertain. En effet, l’administration fiscale se réserve le
droit de requalifier la plus-value réalisée en toute autre
catégorie de revenu (notamment complément de salaire),
s’il ressort que l’avantage ainsi consenti est en réalité la
contrepartie d’un travail effectué comme dirigeant dans la
société.
La COB (et aujourd’hui l’AMF) a de nombreuses fois insisté sur ce risque en indiquant notamment dans son bulletin
mensuel de mars 2002 que «l’émission de BSA réservée
aux salariés et aux dirigeants porte un très fort risque de
requalification fiscale et sociale».
Il faut donc qu’existe un aléa réel concernant le gain ou la
perte susceptible d’être réalisé par les titulaires. Les bons
doivent être souscrits par les dirigeants agissant en qualité de co-investisseurs et non au titre de leur fonction salariés ou de dirigeants et être payés à leur vrai prix (voir à cet
égard § 4.3 ci-dessous). Ils doivent également être souscrits au début de l’opération (closing) c’est-à-dire à une
date où il n’était pas possible de présager de la réussite ou
non de l’investissement.
A cet égard, conditionner l’exercice des bons à la présence effective du titulaire dans la société comme salarié ou mandataire social est à éviter soigneusement. En
effet, le lien exprès ainsi établi entre la qualité de dirigeant et la possibilité de bénéficier de l’avantage expose à un risque fort de requalification par l’administration fiscale.
Pourtant, il est de la logique des LBO, que seules les personnes ayant «joué le jeu» jusqu’au bout retirent effectivement les fruits générés par l’opération (vesting). Il
est donc légitime que les dirigeants ayant quitté la
société en cours de vie du LBO ne puissent bénéficier de
la totalité des gains susceptibles d’être retirés de l’exercice des bons (ces questions s’organisent en général
dans le pacte d’actionnaires auquel les dirigeants sont
nécessairement parties ou dans des promesses de cessions séparées). Reste que les mécanismes utilisés pour
mettre en œuvre ces principes peuvent comporter certains risques.
Comme toute émission de valeurs mobilières donnant
accès à terme au capital, l’émission de bons autonomes ou de BSA nécessite, à l’occasion de chaque
opération ultérieure sur le capital, de préserver les
droits des porteurs de titres émis antérieurement.
Cette obligation alourdit significativement la gestion
du capital différé et nécessite de procéder à des calculs
complexes.
Utilisés avec précaution, les BSA sont aujourd’hui l’un des
outils les plus efficaces pour permettre à terme le coinvestissement des dirigeants, d’autant plus que les BSA,
et les actions auxquelles leur exercice donne droit, peuvent être souscrits dans le cadre d’un plan d’épargne en
actions (PEA), dont le régime fiscal est particulièrement
attractif.
Il convient toutefois de noter qu’un nombre important de
contentieux porte sur l’utilisation des PEA dans le cadre
du débouclage de management package. Par conséquent, un élément complémentaire de prudence peut
consister à ce que les BSA et les actions acquises par
exercice des BSA ne soient pas inscrites puis cédées dans
le cadre d’un PEA.
4.2.3.3 Les actions de préférence
Les actions de préférence, instituées par l’ordonnance du
24 juin 2004, avec ou sans droits de vote, peuvent être
assorties de droits particuliers (pécuniaires ou non) déterminés lors de leur émission. A l’origine, ce mécanisme
avait pour objectif de remplacer la multitude de titres de
capital assortis de droits particuliers et d’apporter un élément de simplification et de flexibilité.
Elles constituent un outil de gestion des relations entre
les dirigeants et les investisseurs financiers dans la mesure où elles permettent d’attacher à leurs titres des droits
et des pouvoirs spécifiques et notamment un droit d’information privilégié, un droit de consultation préalable
voire un droit de veto pour la prise de certaines décisions
significatives.
En complément, les actions de préférence sans droit de
vote facilitent les possibilités de transmission de
richesses sans transfert immédiat de pouvoir, élément
important pour la gestion des relations entre les intervenants au LBO. Dans cet esprit, il peut être envisagé de prévoir que si certains critères de performance sont atteints,
les actions de préférence permettront à leurs titulaires
d’appréhender une quote-part fixée à l’origine du prix de
cession de 100% de la société.
Toutefois, la complexité et la lourdeur de la procédure
d’émission (leur création donnant lieu notamment à la
mise en œuvre de la procédure dite de contrôle des avantages particuliers dans l’hypothèse où elles sont émises
au profit d’un ou plusieurs actionnaires nommément désignés) et de la gestion dans le temps de ces titres de capital n’ont en réalité par permis d’instaurer la flexibilité prévue à l’origine, faisant de ces titres un mécanisme en réalité assez peu utilisé dans les opérations de LBO, sauf
lorsque la complexité des montages et l’inadaptation des
autres outils, font de ses actions la seule solution pratique
envisageable.
33
4.3
Eléments
de précaution
E
n dehors des attributions gratuites d’actions ou
des stock-options, dont le régime est très encadré et par conséquent très sécurisé, la mise en
place d’un management package requiert certaines
précautions.
4.3.1 Des mécanismes devant impliquer un
risque d’investisseur
P
our ne pas apparaître comme un mécanisme
d’intéressement, assimilable à un bonus,
venant rémunérer une activité professionnelle,
il est impératif que les management packages (sauf
lorsqu’il s’agit d’attribution gratuite d’actions ou de
stock-options) satisfassent les deux conditions cumulatives suivantes :
■ d’une part, ils doivent être mis en place au profit de dirigeants qui par ailleurs sont également actionnaires de la
holding dès l’origine ;
■ d’autre part, ils doivent comporter un véritable aléa et
constituer un risque financier pour la personne concernée.
Ces deux éléments combinés constituent en effet la clé de
voûte des management packages. Les sommes perçues par
les dirigeants de LBO au titre de leur package doivent constituer la contrepartie d’un risque d’investisseur.
En conséquence, les outils, supports du management package, doivent être payés par leur bénéficiaire à leur juste prix
(voir § 4.4 ci-dessous relatif aux évolutions récentes) et représenter pour le bénéficiaire un investissement non négligeable au regard notamment de ses capacités financières.
C’est le risque de perdre une somme non négligeable en
cas de non-réalisation des objectifs de TRI qui justifie en
contrepartie l’appréhension par les managers de sommes
significatives en cas de réussite du LBO.
4.3.2 Des mécanismes devant être anticipatifs
Une autre dimension d’importance, pourtant souvent
négligée, consiste à prévoir les modalités d’adaptation et
d’ajustement des management packages mis en place à
l’origine de l’opération aux évènements susceptibles d’intervenir en cours du LBO.
Les conditions dans lesquelles tout ou partie du package
est perdu en cas de départ du groupe du bénéficiaire
concerné, variables selon la date et la nature du départ
(vesting), sont bien entendu toujours prévues mais, la plu-
34
part du temps, rien n’est dit sur ce qu’il advient en cas
d’entrée de nouveaux managers et/ou d’opérations de
croissance externe nécessitant un investissement en fonds
propres complémentaire.
Dans de telles circonstances se posent en général les
questions suivantes :
■ la part des managers d’origine doit-elle ou non être
réduite pour permettre l’entrée de nouveaux managers ?
Et dans l’affirmative, dans quelles proportions ?
■ comment compenser ou au moins atténuer l’effet dilutif
d’un investissement complémentaire en fonds propres
auquel un dirigeant n’a pas les moyens de participer pari
passu avec les fonds d’investissements ou les autres dirigeants ?
■ comment retraiter, le cas échéant, l’incidence négative
sur le TRI (critère de déclenchement des packages) de nouveaux investissements en fonds propres ?
Il est très difficile de prévoir dès l’origine, de façon précise
et détaillée, l’ensemble des situations particulières susceptibles de survenir et des règles applicables dans
chaque circonstance. Toutefois, il est impératif d’arrêter a
minima certains grands principes auxquels les parties
pourront se référer le moment venu.
4.4
Principales
évolutions récentes
4.4.1 Une évaluation des packages
L
’évolution la plus notable réside dans le recours,
de plus en plus fréquent, à des cabinets spécialisés dans l’évaluation des outils mis en place au
profit des dirigeants dans le cadre du management package. Cette tendance résulte du développement des
contrôles et de l’existence de certains redressements
de l’administration sur les gains significatifs réalisés
par des dirigeants de société sous LBO lors de la cession de leur participation. Comme indiqué plus haut,
l’un des critères déterminant, permettant de limiter le
risque fiscal est l’existence d’un véritable aléa. En
conséquence, en cas de contrôle, disposer d’une évaluation d’un tiers expert se prononçant sur le fait que
les outils de ratchet ont été payés par le dirigeant à leur
vrai prix, déterminé sur la base des modèles classiques
de valorisation d’options adaptés aux spécificités des
LBO, peut constituer un argument fort.
Il convient toutefois de relever que cette pratique a ses
limites. D’une part elle renchérit, parfois de façon non
négligeable, le coût d’une opération (honoraires de l’expert). D’autre part, certaines valorisations très élevées
d’un management package aboutissent à ce qu’en réalité
il soit plus intéressant pour le dirigeant, compte tenu de
l’effet de levier espéré, d’investir directement en capital les
sommes initialement destinées à être investies dans des
outils de ratchet.
ment dans la limite de 2/3 (limite habituelle mise en place
aux fins d’assurer la liquidité d’une partie de l’actif). Il
convient toutefois de noter que la mise en place, par l’investisseur financier par exemple, d’un mécanisme de liquidité sur les titres détenus par le FCPE permet de s’affranchir de cette limite du 1/3 liquide.
Toutefois, malgré ces assouplissements, un certain
nombre de difficultés demeure :
■ les dispositions du pacte d’actionnaires auquel le FCPE
est partie doivent être compatibles avec les contraintes
imposées aux fonds (notamment leurs contraintes de
liquidité) ;
■ le nouveau FCPE dit de «reprise» vise très spécifiquement les cas de reprise de l’entreprise par les salariés
(RES). Ainsi, ce dispositif doit être adossé à un plan
d’épargne entreprise, établi non pas unilatéralement mais
en vertu d’un accord négocié avec les salariés et qui doit
notamment définir le contrôle final de la société, c’est-àdire les conditions dans lesquelles l’entreprise qui les
emploie sera contrôlée (le but étant évidemment une
implication significative des salariés dans la gestion de
leur société). En outre, la mise en place de ce type de FCPE
est subordonnée à l’implication dans l’opération de rachat
d’au moins 15 salariés, ou au moins 30 % des salariés si les
effectifs de l’entreprise n’excèdent pas 50 salariés ;
■ la constitution et la gestion d’un FCPE, classique ou de
reprise, génère des surcoûts (honoraires des commissaires aux comptes, des experts et de la société de gestion) et des contraintes administratives non négligeables,
liées notamment à l’agrément du règlement par l’AMF ;
■ rappelons enfin qu’outre la possibilité d’un abondement,
il existe un régime fiscal très attractif pour inciter les salariés à investir dans leur société. En effet, la plus-value
qu’ils réalisent bénéficie, à l’exception de certaines contributions mineures, d’une exonération sociale et fiscale. Cet
avantage est toutefois soumis à l’obligation pour les salariés, sauf exceptions, de conserver les titres au moins cinq
ans alors qu’un nombre important de LBO se dénouent
dans un délai plus court.
Que ce soit par vertu ou par obligation, force est de constater une tendance lourde à la diffusion des management
packages au sein des entreprises sous LBO.
Toutefois, il convient de conserver à l’esprit que, face à une
population désormais moins uniforme, les montages doivent être adaptés sinon à la situation de chacun au moins
à chaque catégorie de bénéficiaires. En effet, le niveau de
risque (et donc l’espérance de gain) doit être fonction du
degré d’implication du bénéficiaire dans le développement, le management et la stratégie du groupe et prendre
en compte les capacités financières de chacun. Ainsi, les
investisseurs, avec l’équipe dirigeante, distinguent de plus
4.4.2 Vers un package pour tous les salariés ?
Le marché du LBO est depuis quelques années un marché
mature, dont la structure, les exigences, les outils et les
plus-values qui peuvent en résulter sont désormais largement diffusés et connus au-delà du microcosme du capital
investissement. Cette acculturation du monde de l’entreprise aux spécificités et opportunités des opérations de
LBO génère une double conséquence.
Du côté des collaborateurs des sociétés cibles, elle augmente de façon significative leurs demandes d’être associés à l’opération. Du côté des investisseurs, elle permet
d’étendre le cercle des partenaires en capital à une population plus large et mieux informée des «règles du jeu» de
ce type de montage.
Cette généralisation des packages au sein des entreprises
résulte également pour partie du succès de plusieurs opérations de LBO réalisées sur des groupes de taille très
significative au sein desquelles la culture de l’actionnariat
salarié, par le biais de plans d’épargne groupe, était déjà
très présente.
Conscient de cette tendance et soucieux de la nécessité de
créer des outils adaptés pour faciliter le développement
d’un véritable actionnariat salarié au sein des groupes
sous LBO, le législateur est récemment intervenu pour
assouplir les règles régissant le fonctionnement des FCPE,
véritables mécanismes de participation des salariés permettant d’appréhender les intérêts de tous les salariés au
travers d’un support unique.
Les deux principales avancées instituées par la loi du 30
décembre 2006 pour le développement de la participation
et de l’actionnariat salarié consistent à :
■ permettre aux FCPE – investis en titres non cotés – d’être
partie à un pacte d’actionnaires. Les titres de la holding
détenus via un FCPE peuvent donc, à l’instar des titres
détenus par les autres investisseurs, être soumis aux restrictions habituelles existantes dans les LBO, telles que les
clauses d’inaliénabilité, de préemption ou de sortie. Cette
nouvelle modalité constitue une réelle avancée et une
adaptation significative du mécanisme aux contraintes des
opérations de LBO ;
■ créer un nouveau type de FCPE dit «de reprise», dont
l’actif peut être investi jusqu’à 95 % en titres non cotées
(donc en actions d’une holding de LBO) et non plus seule-
35
en plus souvent, au sein du groupe, un cercle 2 voire un
cercle 3, bénéficiant chacun de packages spécifiques basés
sur des outils différents (voir à ce sujet § 4.2.2 ci-dessus).
A cet égard, dans le contexte d’un marché très en croissance, dans lequel les perspectives de gain pouvaient
sembler (à tort) assurées jusqu’à la récente crise des subprimes et aux tensions générées sur le marché du crédit,
les équipes dirigeantes ont dû jouer un rôle modérateur
dans les montants investis par les collaborateurs au capital de la société afin de leur faire prendre conscience de ce
que de tels investissements comportent par définition une
part de risque non négligeable, requérant ainsi de ne pas
y investir la totalité de son patrimoine.
inverse la logique habituelle des mécanismes d’intéressement, dans la mesure où la participation des managers ne
s’accroît pas lors de la sortie, mais est au contraire ramenée à la participation devant effectivement leur revenir
compte tenu du TRI effectivement réalisé.
L’utilité de ce type de mécanisme au regard des enjeux fiscaux liés au management packages n’est pas certaine. Par
ailleurs, elle pose deux difficultés pratiques, qui sont : la
gestion des sorties intermédiaires, et la gestion de la surreprésentation des managers au capital en cours de vie du
LBO, ce qui nécessite l’insertion dans le pacte de clauses
spécifiques ou bien une plus grande complexité dans la
structuration des valeurs mobilières émises par la holding.
4.4.3 Des managers prêteurs
Conclusion
Plusieurs années de croissance soutenue et de développement des opérations de LBO ont abouti à une grande
maturité du marché et à un haut degré de professionnalisation de ses pratiques. Cette tendance est notamment
très marquée s’agissant de la place des managers au
stade des négociations. Ils sont désormais rompus à ce
type d’opérations et à leurs mécanismes juridiques et
financiers, chaque fois conseillés par des avocats spécialisés et régulièrement adossés à la compétence et l’expérience de cabinets conseil. Dans ce contexte, la tendance a
été à un accroissement significatif des demandes des
managers, notamment lors des LBO secondaires et tertiaires, et quelquefois à une surenchère des fonds d’investissements eux-mêmes, prêts à accorder des conditions de
plus en plus favorables au management pour emporter un
dossier.
Dans ce contexte se sont développées des pratiques de
marché «standards» souvent très en faveur des managers.
Depuis quelques mois, force est de constater une forme
d’«atterrissage», qui devrait être confirmée et accentuée
par le ralentissement de l’activité économique et la
contraction du marché du crédit. Des demandes trop nombreuses, parfois déconnectées de toutes mesures, ont eu
pour conséquence un rééquilibrage des packages, preuve
probablement d’un marché réellement mature, de retour à
ses fondamentaux que constitue la recherche d’un alignement d’intérêts entre le capital et la compétence sans distorsion excessive au profit de l’un ou l’autre des acteurs.
Compte tenu du développement des LBO secondaires permettant aux managers de faire du «cash out» lors de la
première opération, et du développement des OBO
(Owner Buy Out) dans lesquelles les managers ont une
vraie capacité financière, certains managers ont les
moyens, et n’hésitent plus à souscrire à une «mini-mezzanine» en obligations convertibles.
Ce mécanisme leur permet de leur assurer un mécanisme
d’acquisition d’une plus-value complémentaire par
conversion d’un certain nombre d’obligations convertibles
en fonction d’un TRI réalisé lors de la sortie et en cours de
vie du LBO. Les intérêts payés sur les obligations peuvent
constituer un complément de rémunération. A cet égard, il
convient de noter que des apports de titres de la cible à la
holding de rachat peuvent être rémunérés pour partie en
obligations convertibles, permettant ainsi aux managers
d’accroître le levier de son investissement.
4.4.4 Des managers surreprésentés au capital
(mécanisme dit de «reverse ratchet»)
Dans certaines opérations, un autre mécanisme d’intéressement des managers peut être mis en place, qui consiste
à ce que les managers détiennent dès l’origine une participation très élevée dans le capital de la holding (correspondant aux meilleures hypothèses de TRI), qui sera réduite
par l’effet dilutif d’OC ou des BSA détenus par les investisseurs au niveau correspondant au TRI effectivement réalisé lors de la sortie. Ce schéma dit de «reverse ratchet»
36
5-Les pactes d’actionnaires
L
es relations entre managers et investisseurs,
dont les destins sont intimement liés, sont
régies principalement par le pacte d’actionnaires, et accessoirement par les statuts de la société.
Le pacte régit leurs rapports dans trois grands domaines :
l’organisation de la gestion, les mouvements sur le capital
et les clauses de séparation.
Au même titre que les grandes lignes du «management
package», les principes fondateurs et les mécanismes
opérationnels de ce partenariat doivent être définis très en
amont de la réalisation effective du LBO.
Dans le contexte d’une acquisition par LBO, le pacte d’actionnaires doit établir un équilibre entre : la nécessaire
extension des droits d’actionnaires détenus par les actionnaires financiers au cours de la vie du LBO (1), l’obligation
d’assurer l’organisation efficiente du contrôle du capital
(2), et la valorisation du statut particulier des dirigeants à
l’issue d’un LBO réussi (3).
tement des conflits potentiels entre dirigeants et actionnaires financiers.
De plus, certaines orientations ou engagements stratégiques doivent faire l’objet de décisions conjointes entre
les financiers et les dirigeants. Il en est ainsi par exemple
de la réalisation d’opérations significatives de croissance
externe, opérations nécessaires et fondamentales dans le
modèle de création de valeur des LBO dits «build-up»,
dans lesquels l’entreprise cible du LBO initial va chercher à
racheter d’autres entreprises de son secteur, afin de devenir un des leaders d’un marché jusque-là plus atomisé.
5.1.2 La participation directe des actionnaires financiers à la gestion n’est pas une option
La participation directe des actionnaires financiers à la
gestion de l’entreprise cible d’un LBO serait en premier lieu
contraire à l’esprit même du LBO, qui repose pour une
bonne part sur la confiance accordée par les actionnaires
financiers aux capacités de gestionnaires des dirigeants.
De plus, la gestion n’est ni dans la culture, ni dans le métier
des actionnaires financiers de LBO : en cela leurs objectifs
et leurs méthodes sont quelque peu différents de ceux des
«capital-risqueurs».
Surtout, en droit français, la responsabilité encourue par
les actionnaires qui s’immiscent dans la gestion des sociétés est particulièrement forte, et la jurisprudence des tribunaux français n’a pas cessé de se durcir depuis une
quinzaine d’années, utilisant des critères de fait, dans une
analyse au cas par cas.
5.1
Protection des
actionnaires
financiers : une
liberté «encadrée»
des dirigeants
5.1.1 Pour les actionnaires financiers, le statut classique de l’actionnaire est insuffisant
5.1.3 La tentative de création d’un statut
d’actionnaire «impliqué», sans être «substitué» au
management
E
n droit français, le statut de l’actionnaire est en
grande partie celui d’un propriétaire et non celui
d’un acteur impliqué dans la vie de la société
dont il possède une part du capital. Les droits qui lui
sont reconnus sont donc limités en conséquence.
Son contrôle sur les décisions et les événements qui ponctuent la vie de la société s’exerce principalement a posteriori, lors de l’assemblée générale annuelle statuant sur les
comptes sociaux. Les voies d’investigations de la gestion
que lui ouvre le droit français sont principalement judiciaires (expertise de gestion, mandataire ad hoc…), ou
drastiques comme l’utilisation du pouvoir de révocation ad
nutum des mandataires sociaux.
On comprend aisément que ces mécanismes sont insuffisants et inadaptés à la logique d’un LBO, qui requiert des
modes à la fois plus précoces et plus consensuels de trai-
(i) Clauses d’information privilégiée
L’actionnaire financier cherche à être à la fois un guide
pour l’équipe dirigeante, car il possède plus de recul qu’elle sur l’entreprise cible du LBO, et un garde-fou face aux
tentations centrifuges qui constitueraient une menace
pour la réussite du business plan.
Pour ce faire, il est primordial qu’il dispose, dans des délais
de production très courts, d’une information aussi fiable
que possible sur l’entreprise.
Les clauses d’information privilégiée des pactes de LBO
prévoient donc, avec précision, les informations de nature
comptable, financière, commerciale, parfois technique ou
autre que les dirigeants doivent fournir chaque mois, trimestre et année écoulés aux actionnaires financiers. Des
37
indicateurs significatifs de la performance de l’entreprise
seront sélectionnés en fonction de la nature de son activité. Les modalités de communication et de discussion de ce
reporting seront définies dans le pacte.
Il convient toutefois de ne pas entraver l’action des dirigeants par des obligations de reporting excessives. Il faut
notamment tenir compte, en la matière, des exigences des
banques qui assurent le financement de l’acquisition et
des actionnaires financiers.
L’expérience montre que la négociation de ces clauses du
pacte est l’occasion d’échanges financiers approfondis sur
l’efficacité et la pertinence des systèmes d’information
existant au sein de l’entreprise cible et, le cas échéant,
d’une véritable mise à niveau de ces derniers.
Outre la transmission d’une information de qualité sur
l’entreprise, le pacte doit organiser et cadencer des
«points de rencontre» entre les dirigeants et les actionnaires financiers. A ce titre, le pacte pourra intégrer l’instauration d’un comité de suivi et d’un comité des rémunérations, véritables espaces de réflexion distincts des
autres organes sociaux.
Il faudra également tenir compte des desiderata des
banques, faire participer les managers des filiales et intégrer, le cas échéant, des personnalités extérieures.
(ii) Instauration d’un comité de suivi
Le comité de suivi, dont les réunions sont moins formelles
que celles d’un conseil d’administration ou d’un conseil de
surveillance, aura pour objet de créer un lien régulier
d’échange et de réflexion entre dirigeants et actionnaires
financiers sur la réalisation du business plan et sur les
orientations stratégiques qui s’offrent à l’entreprise.
Peuvent y être débattus les budgets prévisionnels, les
réorientations éventuelles de la politique commerciale de
l’entreprise, ou les opportunités de croissance externe
identifiées. Il ne doit pas s’agir d’un organe collégial décisionnaire (au risque pour les actionnaires financiers d’une
gestion de fait), mais plutôt d’une forme de «brain trust» à
l’anglo-saxonne.
Pour ce qui concerne le calendrier de ces rencontres, il est
naturel qu’elles prennent place de façon très régulière
(mensuellement), juste après la réalisation de l’acquisition, pour s’espacer une fois que les parties au LBO ont
pris des habitudes de communication.
(iii) Instauration d’un comité des rémunérations
L’existence d’un comité des rémunérations repose sur
l’idée qu’au-delà du levier financier et du levier fiscal classiquement évoqués dans les LBO, il existe aussi un fort
levier social : exercice «tendu» financièrement par
construction, le LBO doit permettre d’insuffler une forte
38
motivation et de décupler l’esprit d’entreprise, pour
atteindre les buts de création de valeur qu’il se fixe.
Ce comité est donc en charge du suivi et de l’harmonisation des rémunérations des cadres et dirigeants et pourra
être le lieu d’échanges sur les plans de carrière et les
divers mécanismes d’intéressement le cas échéant en
vigueur, pour toutes les catégories de personnel au sein de
l’entreprise.
(iv) Système des autorisations préalables
Cette clause du pacte soumet à autorisation préalable du
conseil d’administration ou de surveillance statuant à la
majorité qualifiée (donc avec l’assentiment des actionnaires financiers) la mise en œuvre par les dirigeants de
certaines décisions de gestion d’une particulière importance, ou qui seraient susceptibles de constituer des «cas
de défaut» au sens des accords de financement du LBO.
Fréquemment, le champ des décisions visées par ces
clauses couvrira (i) les engagements dont l’impact financier potentiel est significatif (comme le fait par exemple de
consentir des sûretés), (ii) les orientations stratégiques
non consignées dans le business plan, (iii) les décisions
structurelles affectant l’équilibre ou les accords du LBO.
La tentation de soumettre en pratique toutes décisions
importantes au contrôle préalable des actionnaires financiers est souvent forte lors de la rédaction des pactes d’actionnaires de LBO. Il convient d’être très prudent dans la
rédaction de ces clauses, afin d’éviter l’écueil jurisprudentiel de la gestion de fait.
La rédaction doit être précise et motivée, dégager les «facteurs discriminants» de l’entreprise cible et de son activité,
et ne pas impliquer des actionnaires financiers trop prudents dans la gestion quotidienne de l’entreprise au détriment de l’expérience des dirigeants.
Une évolution du régime de ces autorisations préalables
peut être prévue au cours du temps afin de permettre aux
actionnaires financiers d’alléger leur contrôle, notamment
sur les filiales opérationnelles du groupe cible du LBO, une
fois qu’un «rythme de croisière» s’est installé avec l’équipe dirigeante.
Les quelques clauses évoquées ci-dessus ont donc pour
objet d’instaurer les bases d’une relation suivie, cadencée mais fluide, entre les actionnaires financiers et les
dirigeants dans le contexte particulier d’un LBO, tout en
respectant les règles prudentielles posées par le droit
des sociétés français en matière de gouvernement
d’entreprise.
Toutes ces clauses peuvent paraître comme étant «standard» et donc presque superfétatoires, mais l’expérience
montre qu’elles ne doivent pas être négligées. Leur existence et leur mise en œuvre dans les pactes ont aussi pour
but de désamorcer en amont tout conflit ou blocage potentiel entre actionnariat et management.
Il convient néanmoins de rédiger ces clauses avec précaution. Ainsi, la procédure d’exclusion doit-elle être prévue
notamment au regard du droit d’être entendu de l’actionnaire exclu. De même, les modalités d’indemnisation doivent être prévues dès l’origine.
On soulignera l’avantage de la SAS, dont le régime assure
une grande liberté pour l’instauration de ces clauses.
(v) Les clauses de majorité renforcée
Ce type de clause permet de soumettre les décisions d’une
importance particulière ou touchant à la structure du LBO
à l’autorisation préalable des organes décisionnels statuant à une majorité renforcée.
Cette procédure doit rester exceptionnelle afin d’éviter les
effets pervers d’un renforcement trop important tendant à
bloquer toute décision.
5.2.3 Restrictions aux transferts de valeurs mobilières
Dans un LBO, l’étendue des restrictions posées aux transferts de valeurs mobilières diffère selon (i) la nature des
transferts envisagés (sortie au profit d’un tiers acquéreur,
reclassement de titres entre dirigeants, dévolution successorale…), (ii) la qualité de l’actionnaire concerné (actionnaire financier, dirigeant…), (iii) la structure de l’opération
(plusieurs actionnaires financiers, existence d’un financement mezzanine, poids relatif des dirigeants dans le capital…), et (iv) la période de la cession envisagée.
(vi) Le droit de veto
L’instauration d’un tel droit au sein du pacte d’actionnaires
ou attaché aux actions de préférence va donner la possibilité aux actionnaires financiers de s’opposer et de sanctionner toute gestion non conforme à la lettre ou aux objectifs
du business plan et aux choix stratégiques des managers
qui représenteraient un danger pour la société cible.
(i) Transferts interdits : clauses d’inaliénabilité
Souvent appliquées pour les deux ou trois premières
années suivant l’acquisition, ces clauses interdisent en
pratique tout mouvement sur le capital détenu par l’intégralité, ou seulement certaines catégories d’actionnaires,
et visent en particulier les dirigeants dont on veut assurer
la fidélité au projet de LBO. Ces clauses peuvent aider à
maintenir la cohésion d’une pluralité d’actionnaires financiers.
Pour être juridiquement valables, ces clauses doivent prévoir une limite d’applicabilité dans le temps.
5.2
L’organisation du
contrôle du capital
5.2.1 Clauses de confidentialité et de nonconcurrence
L
a réussite d’une opération de LBO va également dépendre de la maîtrise des comportements des dirigeants dont on veut s’assurer la
fidélité dans l’opération entreprise.
L’insertion de clauses de confidentialité et de clauses de
non-concurrence dans le pacte (les rédacteurs pouvant
donner effet à ces dernières à la vente ou au départ du dirigeant concerné) va permettre aux actionnaires financiers
de se prémunir contre d’éventuels comportements opportunistes des dirigeants et ce, non seulement pendant la
durée de l’opération de LBO, mais également, pour une
durée déterminée, après l’opération de LBO.
(ii) Transferts encadrés : clauses d’agrément et de préemption
L’ordonnance du 24 juin 2004 a retouché le régime juridique des clauses d’agrément statutaires dans les sociétés anonymes non cotées, en validant la possibilité de soumettre toute cession d’actions (même entre actionnaires)
à l’agrément préalable de la société.
Dès lors, de telles clauses pourront être insérées dans les
statuts de la société (et non plus seulement dans les
pactes d’actionnaires) dont la force contraignante est plus
forte que celle des pactes d’actionnaires (nullité de la cession conclue en violation des dispositions statutaires mais
réparation en dommages et intérêts pour des cessions
conclues en violation des dispositions d’un pacte statutaire) favorisant ainsi la réalisation des opérations de LBO.
En effet, ces clauses ont pour objectif de maintenir la cohésion du capital social (maintien de l’intuitu personae initial) et donc l’équilibre fondateur du LBO. Dans la plupart
des cas, les dirigeants minoritaires y seront soumis sans
5.2.2 Clauses d’exclusion
L’insertion dans le pacte d’actionnaires de clauses d’exclusion va permettre aux actionnaires financiers d’obliger la
sortie d’un actionnaire par suite de l’arrivée de certains
événements jugés déterminants pour la cohésion du projet «managerial»
Ainsi la qualité d’actionnaire des dirigeants pourra
dépendre du maintien de leur contrat de travail ou mandat
social au sein de la société.
39
en être pleinement bénéficiaires. Les actionnaires financiers veulent en effet pouvoir organiser le plus librement
possible leurs options de sortie du LBO.
La clause d’agrément a classiquement pour objectif d’empêcher l’entrée de tiers indésirables dans le capital de la
société, et permet donc aux actionnaires financiers de maîtriser complètement les transferts envisagés par les
dirigeants.
Lorsque l’agrément est refusé, les actionnaires financiers
pourront à leur choix racheter les actions offertes à la
vente, ou bien les faire racheter par un tiers qu’ils agréent,
ou encore les faire racheter par la société en vue de leur
annulation (avec effet relutif) ou d’un portage temporaire.
Il est possible également de prévoir un droit de repentir qui
confère à l’actionnaire cédant la possibilité de renoncer à
son projet de transfert en cas de refus d’agrément.
Toutefois, l’inconvénient de l’agrément réside dans le fait
qu’il s’agit d’un droit collectif, exercé par l’ensemble des
associés. Or, dans la plupart des LBO, il n’est envisageable
de consentir un tel droit ni aux dirigeants à l’égard des
transferts opérés par les actionnaires financiers ni, en cas
de pluralité d’actionnaires financiers, à l’un d’entre eux, à
l’égard des transferts envisagés par les autres.
Dans ces situations, il convient de privilégier le droit de
préemption, qui a pour fonction essentielle d’assurer au
préempteur la possibilité d’augmenter sa participation au
capital de la société, si un actionnaire souhaite en sortir.
Le droit de préemption est un droit qui peut être exercé
seul, donc convenir au souci d’indépendance des actionnaires financiers. Cependant, il s’agit d’un droit «couperet», la notification de transfert envoyée par l’actionnaire
sortant étant assimilée à une offre ferme de vente des
titres concernés par le transfert. De plus, à défaut de préemption, le transfert des titres est totalement libre.
Compte tenu des contraintes imposées par les clauses
d’agrément et de préemption traditionnelles, la pratique
des pactes liés aux opérations de LBO a développé des
clauses spécifiques, intégrant au plus près les spécificités
de la situation des actionnaires financiers, et combinant
les principes de base de l’agrément et de la préemption
tout en évitant les pièges du cumul de ces deux mécanismes de nature très différente.
En particulier, lorsque les actionnaires financiers souhaitent dénouer une opération de LBO, il leur est nécessaire
de purger le droit de préemption qui aura été consenti aux
dirigeants, notamment afin de pouvoir conférer un mandat
de vente à une banque d’affaires.
Le pacte peut alors prévoir un droit de premier refus aux dirigeants, sur la base d’une valeur d’entreprise déterminée par
les actionnaires financiers. En cas de non-exercice de ce
droit, le droit de préemption des dirigeants est réputé purgé.
40
5.2.4 Clauses de sortie
(i) Obligation de sortie conjointe ou «drag along»
Soucieux de ne pas entraver la sortie du LBO, les actionnaires financiers prennent généralement soin de faire promettre aux dirigeants actionnaires, parmi les dispositions
du pacte, de vendre la totalité de leur participation au capital de la société, aux mêmes conditions que celles offertes
à l’actionnaire financier, en cas d’offre par un tiers sur
100 % du capital de la société (ce sont les clauses dites de
«sortie forcée» ou d’«obligation de sortie conjointe» des
dirigeants).
Dans le cadre du mécanisme d’obligation de sortie
conjointe, les dirigeants ne peuvent contester le prix de
sortie négocié par les actionnaires financiers avec le tiers
acquéreur, et pourront, le cas échéant, être amenés à
accepter : (i) d’être tenus à hauteur de leur participation au
titre de la garantie de passif, et (ii) d’être payés en actions
de l’acquéreur pour tout ou partie du prix, et non exclusivement en numéraire le cas échéant.
(ii) Droit de sortie conjointe ou «tag along»
En contrepartie, les dirigeants demandent un droit
«miroir» de l’obligation de sortie conjointe, par lequel ils
pourront obliger le tiers acquéreur à acquérir la totalité de
leur participation au capital de la société, aux mêmes
conditions que celles offertes aux actionnaires financiers
(«droit de sortie conjointe»).
Ce droit peut également être proportionnel, c’est-à-dire
qu’il s’exercera pour les dirigeants à concurrence du pourcentage de leur participation cédé par les actionnaires
financiers, de manière que tous puissent bénéficier équitablement de toute opportunité de liquidité.
(iii) Clauses de première offre en cas de cession d’actifs
ou «first refusal»
De même, en cas de projet de cession d’actifs significatifs
ou de filiales de la société cible, il convient de tenir compte de la disparité des stratégies et des moyens financiers
qui peut exister entre les différents actionnaires.
Les actionnaires financiers pourront notamment organiser
entre eux un droit de première offre sur ces cessions, et
confier aux organes sociaux le soin de les départager pour
identifier le «mieux-disant», qui se verra proposer d’acquérir l’actif concerné par préférence à un tiers.
Ces clauses sont à manier avec précaution, s’agissant de
conventions dites «réglementées» d’une part, et susceptibles, d’autre part, de lancer les actionnaires dans une
surenchère nuisible à leur cohésion.
Il convient en pratique de fixer les délais de la première
offre de façon suffisamment serrée pour que la cession au
tiers acquéreur pressenti puisse se faire en un délai rai-
sonnable, dans le cas où les actionnaires n’auraient pu
s’accorder sur l’exercice de leur droit de première offre.
la valorisation minimale de la société qui sera cotée, et
au-dessous de laquelle les actionnaires ne procéderont
pas à l’introduction ;
■ le pourcentage du capital qui sera introduit et la répartition entre actionnaires de cette possibilité de liquidité ;
■ l’acquisition et la répartition des clauses de «lock-up»
imposées par les autorités boursières ;
■ la participation aux futurs organes sociaux de l’entreprise cotée ;
■ le périmètre des clauses de préemption qui pourraient
être maintenues après l’introduction ;
■ le dénouement des clauses d’intéressement et de coinvestissement des dirigeants et des salariés ;
■ l’organisation des travaux préalables à l’introduction ;
■ la prise en charge des coûts (élevés) de l’introduction.
■
5.3
La sortie du LBO :
un exercice délicat
D
ans le cadre de la sortie d’un LBO, les actionnaires financiers et les dirigeants peuvent ne
pas avoir les mêmes intérêts. Pour l’actionnaire financier, l’objectif est généralement le désengagement total, assorti d’une plus-value de cession la
plus importante possible. Pour les dirigeants, la situation varie fortement suivant le mécanisme de cession.
5.3.2 La cession industrielle de la société
Dans une situation de marché «normal», cette cession est la
plus «naturelle» puisqu’elle se fait au profit d’un acteur économique qui maîtrise le métier de l’entreprise et sait valoriser le
chemin parcouru lors du LBO et, potentiellement, la plus rémunératrice puisqu’elle peut amener un «pricing» par le repreneur qui prend en compte non seulement la valeur intrinsèque
de l’entreprise cédée, mais aussi la valeur d’opportunité, ou de
synergie industrielle, que représente pour lui cette acquisition.
Encore faut-il être certain que l’acquéreur industriel potentiel, souvent désireux d’obtenir le contrôle intégral de sa
cible, pourra bien appréhender la totalité du capital détenu par les actionnaires financiers et les dirigeants.
Dans ce cadre, les actionnaires financiers pourront, si
nécessaire, faire jouer l’obligation de sortie conjointe
imposée aux dirigeants ou aux «mezzaneurs» éventuels,
tandis que les dirigeants seront, de leur côté, assurés de
participer à la sortie, sur les mêmes bases économiques
que les actionnaires financiers, grâce à leur droit de sortie
conjointe intégral ou proportionnel.
En réalité, la meilleure protection des dirigeants réside
dans le fait que, le plus souvent, ils sont à l’origine même
d’une sortie industrielle. Ce sont, en effet, eux qui connaissent leurs concurrents ou partenaires industriels susceptibles d’être intéressés par une acquisition.
Malheureusement, cette solution ne peut souvent être
mise en œuvre pour une question de prix ou pour une
question de moyens dont ne disposent pas les candidats
industriels éventuels.
Au-delà de ces droits symétriques de sortie, les dirigeants
peuvent chercher à «monétiser» leur risque, et à négocier
avec les actionnaires financiers le reversement à leur profit d’une partie de la plus-value que ces derniers ont réalisé à l’occasion de la cession industrielle : il s’agit du mécanisme dit de la «rétrocession de TRI».
5.3.1 L’introduction de la société en bourse
M
ême si ce type de sortie n’est pas le plus
commun, il faut que le pacte y fasse référence. L’expérience montre toutefois que
peu de pactes prévoient tous les dispositifs entiers
d’une sortie en bourse et qu’il faut donc, une fois l’introduction en bourse décidée, établir un nouvel accord
entre les parties au pacte.
L’une des raisons pour créer ce nouveau pacte est que les
introductions en bourse portent généralement sur une
part minoritaire du capital de la société cible, et n’offrent
donc qu’une hypothèse de liquidité partielle aux actionnaires financiers. Il faut donc organiser leur sortie progressive afin qu’elle ne vienne pas perturber, de façon intempestive, le cours de bourse de la société.
L’introduction d’une clause de liquidité dans le pacte va
permettre aux actionnaires financiers et aux dirigeants
d’organiser leurs relations dans l’optique d’une telle sortie, et aux actionnaires financiers d’organiser entre eux les
conditions de leur liquidité individuelle.
Cependant, si l’insertion d’une telle clause présente l’avantage de réaffirmer le principe de liquidité et de fédérer les
dirigeants et les actionnaires financiers dans l’objectif principal de l’introduction en bourse, elle est un «couperet
financier» qui ne fonctionne équitablement qu’entre actionnaires de taille et de capacité financière comparables.
On notera la possibilité pour les rédacteurs de combiner
cette clause avec un mandat à une banque d’affaires pour
100 % des titres, ou même d’améliorer la situation des dirigeants en cas de sortie en bourse.
Les questions devant être tranchées soit dans le pacte initial, soit dans le nouveau pacte, nous paraissent être les
suivantes :
41
5.3.3 Le LBO secondaire
La cession du capital de la société cible du LBO à une nouvelle holding créée pour l’occasion, qui recourra à l’endettement pour financer une partie de cette acquisition dans
le cadre d’un nouveau LBO, est une sortie de plus en plus
fréquemment utilisée lorsque la société cible possède
encore un fort potentiel de croissance.
Il arrive même que les actionnaires financiers et les établissements bancaires qui ont participé au LBO primaire
composent la majeure partie de ceux du LBO secondaire,
tout simplement parce que la société cible a totalement
remboursé le prêt «senior» issu de l’acquisition initiale, et
qu’il convient donc, par le nouveau LBO, de réinitialiser le
levier financier de l’opération.
Les pactes anticipent de plus en plus fréquemment ce type
de sortie et prévoient leur gestion de telle manière que les
accords et équilibres initiaux atteints entre actionnaires
financiers et dirigeants ne soient pas entièrement renégociés, même si le LBO secondaire est généralement l’occasion d’un accroissement de la part de capital dévolue aux
dirigeants, et d’un intéressement plus large des cadres et
salariés du groupe cible du LBO.
Si, au contraire, le nouvel acquéreur est un autre investisseur financier que celui qui avait réalisé le LBO primaire,
les dirigeants se trouvent dans une position privilégiée
dans la négociation des contours de la nouvelle opération.
En effet, ils détiennent le savoir sur l’entreprise, et ils
représentent l’élément de continuité au sein même de
celle-ci. La question de leur fidélité aux actionnaires financiers d’origine peut donc légitimement se poser, notamment pour ce qui concerne la rédaction et la mise en œuvre
de la garantie de passif.
Le tiers acquéreur demandera généralement aux actionnaires sortants, chacun en fonction du niveau de leur participation (ce qui peut inclure les dirigeants actionnaires),
une garantie de passif (ou d’actif et de passif), de manière
à se voir indemniser de tout préjudice qu’il pourrait découvrir ou subir postérieurement à l’acquisition, mais dont les
causes seraient antérieures à celle-ci.
La négociation réussie de ce type de contrat repose en
grande partie sur la connaissance approfondie que chaque
partie peut avoir de l’entreprise cédée, et des éventuels
passifs ou «pièges» que ses comptes peuvent receler. Les
dirigeants, qui ont naturellement la meilleure connaissance de l’entreprise, ont un rôle fondamental à jouer à ce
stade, mais peuvent se trouver dans une situation de
conflit d’intérêts, compte tenu du fait que le repreneur, dès
la cession réalisée, peut être leur nouvel employeur ou
actionnaire.
La pratique montre que le fait pour les dirigeants d’avoir
été significativement intéressés au capital de l’entreprise,
et donc de se trouver ainsi dans le camp des garants lors
de la négociation de la garantie de passif face au nouvel
acquéreur, est une véritable source de confort pour les
actionnaires financiers.
Le pacte d’actionnaires initial qui lie les sortants peut
même, dans ce cas, prévoir les conditions dans
lesquelles : (i) le poids de l’obligation d’indemnisation au
titre de la garantie de passif sera répartie entre eux, (ii)
sera organisée leur défense commune vis-à-vis de l’acquéreur et vis-à-vis de la société, en cas de mise en jeu de la
garantie.
Le pacte d’actionnaires qui noue la relation entre les dirigeants et les actionnaires financiers au sein du LBO, est
donc un contrat très différent des pactes mis en place dans
les acquisitions classiques. D’une durée éphémère à
l’échelle de la vie d’un groupe, il est le temps d’un LBO la
pièce maîtresse de l’équilibre des droits, des devoirs et des
pouvoirs respectifs des dirigeants et des actionnaires
financiers.
6-La soumission des acquisitions
par LBO au contrôle des concentrations
en France
D
epuis l’entrée en vigueur de la loi du 15 mai
2001 sur les nouvelles régulations économiques, le système français de contrôle des
concentrations présente un caractère «automatique»
qui fait peser certaines contraintes sur les opérations
de capital-investissement. Une acquisition est soumise
à l’obligation de notification et autorisation préalables
par le ministre de l’Economie dès lors qu’elle atteint
une certaine dimension exprimée en chiffre d’affaires,
et ce indépendamment de l’analyse concurrentielle de
cette opération.
Ainsi, les investisseurs se voient contraints de notifier un
nombre important d’opérations alors que celles-ci ne
constituent souvent que leur premier investissement dans
un secteur donné d’activité, et sont donc peu susceptibles
de restreindre la concurrence.
Les gestionnaires des fonds d’investissement s’étaient
donc initialement interrogés sur la pertinence d’un tel
contrôle. Ils avaient également manifesté des inquiétudes
liées notamment aux délais induits par ce contrôle.
La pratique décisionnelle a permis de lever ces inquiétudes. En effet, les services du ministère de l’Economie, en
particulier la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, la consommation et la répression des fraudes), ont
adapté leurs pratiques afin de prendre en compte les problématiques spécifiques aux fonds d’investissement et
aux opérations de LBO. Il reste que les opérations de capital investissement sont pleinement soumises aux règles
communes de contrôle des concentrations.
le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble de l’acquéreur et de la cible est supérieur à 150 millions d’euros ;
■ le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé en France par
au moins deux des parties à l’opération (l’acquéreur et la
cible, ou deux acquéreurs ou deux cibles) est supérieur à
50 millions d’euros ; étant entendu que les deux parties
doivent réaliser chacune 50 millions d’euros ;
■ l’opération n’atteint pas les seuils de chiffre d’affaires du
droit communautaire.
Antérieurement fixé à 15 millions d’euros, le second seuil a
été relevé à 50 millions d’euros en 2004, en vue de cibler
le contrôle sur les opérations les plus significatives. En pratique, cette modification a permis d’écarter du contrôle un
nombre significatif d’opérations de capital investissement,
notamment des opérations de type «mid-cap».
Ainsi, il convient de vérifier, à un stade préliminaire de la
négociation, si l’opération envisagée atteint ces seuils. A
cet égard, la DGCCRF a défini des règles spécifiques de calcul du chiffre d’affaires pour les fonds d’investissement :
■ lorsque l’acquisition est réalisée par un fonds d’investissement, il convient de prendre en compte toutes les participations gérées par la société de gestion de ce fonds,
même celles détenues par le biais d’autres fonds ;
■ si une participation octroie à la société de gestion le
contrôle exclusif de la société acquise, il faut comptabiliser la totalité du chiffre d’affaires de cette dernière. Si la
société de gestion détient un contrôle conjoint, le chiffre
d’affaires de la société acquise est imputé, à parts
égales, à chacune des entreprises détenant le contrôle
en commun, indépendamment de leur pourcentage de
participation ;
■ si la société de gestion du fonds acquéreur est détenue
par une autre société ou par un groupe, il faut prendre en
compte le chiffre d’affaires de tout le groupe, ce qui a une
incidence particulière pour les sociétés de gestion détenues par des groupes de banque ou d’assurances. En
revanche, ne sont pas pris en compte les chiffres d’affaires des investisseurs ou porteurs de parts du fonds
(sauf dans les cas très rares où ces investisseurs participent à la gestion du fonds, ou lorsque la société mère de
la société de gestion détient la totalité des parts du
fonds).
■
6.1
Des règles
spécifiques de
calcul des seuils de
chiffre d’affaires
entraînant une
notification
Les règles de contrôle des concentrations seront applicables si les trois conditions suivantes sont réunies :
42
43
6.2
Toutes les
acquisitions ne
sont pas soumises
au contrôle des
concentrations
S
eules les opérations qui entraînent une prise de
contrôle de la société cible sont considérées
comme des concentrations et soumises aux
règles de contrôle. Au sens du droit des concentrations, le contrôle existe lorsqu’un ou plusieurs acquéreurs ont la faculté de bloquer, individuellement, les
décisions stratégiques de la société acquise. Ce
contrôle peut être conjoint ou exclusif.
Ainsi, une prise de participation minoritaire par un fonds
d’investissement ne constitue une concentration que si le
fonds se voit accorder des droits de veto sur les décisions
stratégiques de la cible (telles que, par exemple, l’adoption du business plan et du budget ou la nomination ou la
révocation des dirigeants).
De même, ne constitue pas une concentration l’acquisition
qui aboutit à une situation de «majorités fluctuantes». Un
exemple en a été donné lors de l’acquisition de la société
GIC par plusieurs investisseurs, par le biais d’une holding
de reprise (Lettre du ministre du 20 août 2002 – Financière
Argassi) : la DGCCRF a considéré qu’aucun des actionnaires de la holding de reprise n’était en mesure de bloquer, individuellement, les décisions stratégiques de cette
dernière, et par conséquent de la cible. L’opération ne
constituait donc pas une concentration et échappait aux
règles de contrôle.
6.3
Des allégements
de procédure sont
possibles
6.3.1 Analyse concurrentielle
U
ne évaluation rapide des marchés concernés par
l’acquisition projetée et des parts de marché des
parties permet en général de déterminer, à un
stade initial de la négociation, s’il existe des «marchés
affectés» par cette opération. La DGCCRF considère qu’un
marché est «affecté» (i) lorsque la part combinée des par-
44
ties sur ce marché excède 25%, ou (ii) lorsque l’une des
parties à l’opération (acquéreur ou cible) détient une part
de marché supérieure à 25% sur un marché, et qu’une
autre des parties exerce une activité sur un marché en
aval, en amont ou connexe à ce marché.
Cette analyse des marchés a pour but d’apprécier si l’acquéreur est déjà présent sur le marché de la cible, ou sur
les marchés en amont, en aval ou connexes de celui de la
cible et si, par conséquent, l’opération entraînera des additions de parts de marché, ou des effets verticaux ou
congloméraux entre différents marchés.
L’approche de la DGCCRF en ce qui concerne la détermination du périmètre concurrentiel d’activités a évolué. Elle a
d’abord pris en compte l’autonomie de la société de gestion du fonds d’investissement, particulièrement en matière d’investissement et désinvestissement, et analysé si les
actionnaires de cette société de gestion étaient ou non en
mesure d’exercer sur elle une influence déterminante. Ce
faisant, la DGCCRF considérait que si la société de gestion
était autonome, seules devaient être prises en compte les
activités des sociétés détenues par les fonds gérés par
cette société de gestion ; en revanche, si la société n’était
pas autonome, l’examen portait sur les activités de tout le
groupe auquel elle appartient.
La DGCCRF adopte toutefois aujourd’hui une approche
identique à celle qui prévaut pour le calcul des seuils de
chiffre d’affaires. Le périmètre pris en compte pour l’analyse concurrentielle inclut donc non seulement l’ensemble
des activités des sociétés détenues par les fonds gérés par
la société de gestion mais également les activités du ou
des groupes auxquels la société de gestion appartient. La
question de l’autonomie de la société de gestion est
désormais indifférente.
■ procédure
accélérée : en principe, le ministre a un délai
maximum de cinq semaines, à compter de la notification
(complète) pour autoriser l’acquisition, ou alors pour saisir
le Conseil de la concurrence s’il considère qu’il existe des
risques pour la concurrence et qu’une analyse plus approfondie est nécessaire. Toutefois, concernant les opérations
réalisées par les fonds d’investissement, l’autorisation
peut être délivrée en trois semaines, dès lors qu’il n’y a pas
de marché affecté par l’acquisition projetée ;
■ établissement d’un tronc commun de notification : à
tout moment, il est possible de déposer auprès de la
DGCCRF un tronc commun de notification, éventuellement sous forme électronique, présentant le fonds d’investissement acquéreur, sa société de gestion et les
fonds gérés par elle et, le cas échéant, le groupe auquel
elle appartient. Ainsi, pour chaque acquisition réalisée
par ce fonds, il ne restera plus qu’à présenter la ou les
sociétés acquises et les marchés concernés par l’opération, ce qui allège le délai de préparation matérielle de
chaque dossier de notification.
ment le cas de certaines opérations de «build-up»
(acquisitions réalisées par la cible) dans lesquelles
l’addition de parts de marché est importante.
Dans ces cas, il est toutefois possible d’obtenir une
autorisation dans le délai initial de cinq semaines, si
les parties sont en mesure de proposer à la DGCCRF
des remèdes appropriés, permettant de combler les
restrictions de concurrence résultant de l’opération.
Les remèdes peuvent consister par exemple, en la cession d’une ligne de production, ou l’octroi d’une licence de droits de propriété intellectuelle.
Dans ces cas, il est essentiel d’identifier les éventuels
problèmes de concurrence soulevés par l’opération le
plus en amont possible, afin de pouvoir traiter rapidement ces problèmes avec la DGCCRF. Eventuellement,
l’opération peut faire l’objet d’une prénotification, qui
permet de traiter les difficultés avant même la conclusion d’un accord irrévocable entre les parties. Il sera
alors possible d’obtenir une décision dans les
meilleurs délais à compter du dépôt de la notification
formelle.
Il en résulte que, si un investissement est réalisé dans
la perspective d’un «build-up» postérieur, il est important d’identifier les éventuels problèmes de concurrence dès la première acquisition.
De même, si l’investissement est réalisé sur un marché
déjà très concentré, et qu’il est prévu de réaliser une
cession ultérieure à l’un des opérateurs présents sur
ce marché, il convient, dès l’acquisition, de déterminer
si cette sortie pourrait poser des problèmes de
concurrence.
6.4
Anticiper
les problèmes
de concurrence
Certaines opérations de capital-investissement soulèvent de réels problèmes de concurrence. C’est notam-
6.3.2 Instruction du dossier de notification
Depuis la fin de l’année 2004, il n’est plus nécessaire d’attendre la signature d’un accord irrévocable entre les parties pour notifier l’opération. Il est possible de le faire sur
la base d’un projet «suffisamment abouti», notamment
d’une lettre d’intention et/ou d’un projet de contrat de cession d’actions.
Cette faculté ouverte à tous les types de concentrations
peut être utilisée par les investisseurs pour leur permettre
d’obtenir l’autorisation du ministre de l’Economie avant
même la signature de l’accord irrévocable, pour autant que
la publicité liée à la notification (publication sur le site internet de la DGCCRF ; envoi de questionnaires de marché) ne
suscite pas de difficultés au stade de la négociation.
Si cette faculté n’a pas été utilisée, il est possible de
demander à la DGCCRF le bénéfice d’autres assouplissements de procédure :
45
7-Traitement du LBO en difficultés
A
u risque d’énoncer une évidence, on peut estimer que le LBO est «en difficultés» lorsque le
cash vient à manquer. Plusieurs causes de
cette insuffisance sont concevables et les situations
sont multiples.
Il peut s’agir des prévisions qui ont présidé au montage
financier qui se révèlent à l’usage trop optimistes (insuffisance structurelle de cash flow). Une ou plusieurs filiales
opérationnelles peuvent voir leur activité se trouver en
situation délicate (insuffisance ponctuelle de cash flow).
Les difficultés peuvent survenir au cours de la «vie» du
LBO ou au moment du remboursement in fine de la dette
d’acquisition. Autant de situations très différentes qui
appellent des solutions variées.
Dans le cadre d’un LBO il convient d’abord de déterminer
à quel niveau se situent les difficultés : s’agit-il uniquement de reconsolider la dette de la holding, ou plutôt de
mener une restructuration financière, voire économique,
sociale ou industrielle de la (ou des) cible(s) ? Parfois, il
faudra mener les deux de front. Dans tous les cas, il
conviendra de déterminer le mode de traitement adapté
aux difficultés des filiales opérationnelles et celui adapté à
la holding d’acquisition. La complexité particulière de ces
dossiers, au-delà des divergences d’intérêts, consiste à
veiller à l’articulation cohérente de ces modes de traitement entre eux afin d’éviter que l’un ne compromette
l’autre
Le droit du traitement des difficultés des entreprises a été
profondément remanié par la loi n° 2005-845 du 26 juillet
2005, dite «loi de sauvegarde des entreprises», dont les
dispositions sont pour l’essentiel entrées en vigueur le 1er
janvier 2006. La philosophie de cette loi est essentiellement de favoriser la prévention des difficultés par un traitement le plus en amont possible de l’état de cessation
des paiements. Pour ce qui est de la prévention, le législateur a ainsi consacré le mandat ad hoc, remanié les dispositions applicables à la conciliation et institué la nouvelle
procédure dite de sauvegarde. Pour ce qui est du traitement judiciaire, il a également adapté les procédures de
redressement et de liquidation judiciaire.
Suivant l’état de gravité des difficultés rencontrées, on distingue classiquement les modes de traitement qui sont
amiables de ceux qui sont judiciaires. Jusqu’en 2005, la
frontière entre l’amiable (mandat ad hoc, conciliation) et le
judiciaire (redressement judiciaire et liquidation judiciaire)
était marquée par l’état de cessation des paiements de
l’entreprise. La loi de 2005 a rompu avec ce critère puisque
désormais :
46
■ la voie amiable de la «conciliation» peut être utilisée par
une entreprise alors même qu’elle est déjà en état de cessation des paiements, et ce depuis moins de 45 jours ;
■ le traitement judiciaire des difficultés est possible alors
que l’entreprise n’est pas encore en état de cessation des
paiements : c’est la procédure de sauvegarde.
La palette des méthodes possibles pour traiter les difficultés est aujourd’hui plus large, et les éléments de souplesse introduits permettent de trouver des solutions variées
et adaptées. Dans le cadre des groupes, et plus spécifiquement dans le cadre des LBO, les praticiens disposent
donc de moyens efficaces pour mener à bien le retournement escompté. Ces moyens sont cependant souvent
méconnus et il convient d’en rappeler les principes. Cette
connaissance est d’autant plus importante que des
contraintes spécifiques aux LBO ne sont cependant pas
prises en compte et il convient d’être attentif à certaines
sources de problèmes qu’il faut identifier.
7.1
Les contraintes
spécifiques aux
opérations de LBO
S
chématiquement, le retournement du LBO
nécessite le plus souvent concomitamment de :
renégocier la dette LBO, rechercher de nouveaux partenaires et traiter les difficultés des filiales
opérationnelles.
Il est impératif que le traitement des difficultés de ces dernières s’opère dans un cadre cohérent avec celui de la
renégociation de la dette LBO. Ceci s’inscrit dans des
contraintes spécifiques.
L’anticipation des difficultés est essentielle pour en analyser rapidement les causes, envisager au plus vite leur
impact sur les remontées de cash, élaborer un plan de
retournement qui prenne en compte les impératifs à la fois
de la dette de LBO et de l’activité des filiales. Seule cette
anticipation permet de conserver la maîtrise et le choix des
armes. A défaut, seules les procédures judiciaires contraignantes s’imposent et le nécessaire arbitrage entre les différents modes de traitement des difficultés ne pourra plus
s’opérer. Cette anticipation passe également par une évaluation précise des risques, notamment en termes de
contagion des incidences des modes de traitement rete-
nus pour la société opérationnelle à l’égard de la holding.
Mener à bien le retournement nécessite d’instaurer un dialogue de qualité entre les différents intervenants. C’est là
une des complexités des LBO. Un manager confronté aux
difficultés de son entreprise se trouve contraint de devoir,
dans le même temps, négocier avec ses actionnaires, ses
banquiers, ses fournisseurs, ses sous-traitants, les créanciers publics sociaux et fiscaux, et éventuellement ses
salariés. Dans le cadre d’un LBO, les intervenants sont
encore plus nombreux. A ceux listés ci-dessus s’ajoutent
les banquiers seniors de la holding de reprise, les mezzaneurs et autres financiers. Certains de ces créanciers ne
sont même pas nécessairement connus du débiteur
lorsque la banque senior a syndiqué ses créances sur le
marché de la dette (mouvement qui devrait s’accentuer
avec les contraintes imposées par Bâle II). A l’inverse, ces
créanciers ne connaissent pas nécessairement l’entreprise
et n’ont, contrairement à la banque, aucun lien commercial
avec l’entreprise. En outre, l’identité de ces créanciers peut
constamment changer, les cessions pouvant continuer à
intervenir pendant les discussions. De nouveaux intervenants peuvent également apparaître quand il est question
de faire entrer de nouveaux investisseurs comme les fonds
spécialisés dans le retournement. Enfin, les intérêts de ces
différents intervenants sont divergents. La discussion dans
un contexte de difficultés entraîne le plus souvent une certaine crispation des positions des uns et des autres, chacun privilégiant son intérêt propre.
Classiquement, les banques envisagent difficilement de
consentir de nouveaux crédits sans effort supplémentaire
des actionnaires. Ces derniers sont réticents faute de visibilité. Le manager peut, quant à lui, être tenté de déposer
rapidement son bilan pour pouvoir imposer des délais
dans la discussion et pour préserver sa propre responsabilité. Les créanciers de la société opérationnelle ont également des intérêts divergents de ceux de la holding.
Pourtant le retournement d’un LBO passe nécessairement
par un équilibre de tous ces différents intérêts. Cet équilibre nécessite de ne pas se focaliser totalement sur la
dette de LBO pour laisser respirer les filiales opérationnelles afin qu’elles continuent à créer de la valeur, et également de veiller à ne pas surajouter de l’endettement qui
pourrait menacer tout remboursement.
Instaurer un dialogue de qualité et en amont des difficultés nécessite une information financière particulièrement
fiable et transparente. De la fiabilité de cette information,
tant pour l’existant que pour les prévisionnels, dépendra
la possibilité de prendre des décisions éclairées mais
aussi le sentiment de sécurité qu’il convient impérativement de donner aux intervenants pour qu’ils consentent à
négocier.
Dernière contrainte et non des moindres : la rapidité. Tout
en devant intervenir sur tous ces fronts dans le même
temps, les intervenants doivent veiller à ce que l’existence des difficultés et leur traitement demeure confidentiel
(ce qui n’est jamais possible très longtemps). L’excellente
connaissance des différents modes de traitement, de
leurs contraintes spécifiques, de leur portée variée est
nécessaire pour pouvoir adopter au plus vite la stratégie
efficace et cohérente. La rapidité exige également que les
intervenants, qu’il s’agisse des conseils avocats et
hommes du chiffre, ou encore de l’administrateur judiciaire (éventuellement désigné en qualité de mandataire ad
hoc ou de conciliateur) travaillent en étroite collaboration
selon des standards partagés et éprouvés. De l’efficacité
de cette collaboration dépend également la nécessaire
confiance qui doit présider dans les rapports entre les
intervenants. L’administrateur doit avoir la confiance du
tribunal, les conseils doivent avoir la confiance du manager et des actionnaires mais également de l’administrateur. La qualité des documents financiers à produire, la
transparence des négociations à mener sont également
des éléments indispensables à la confiance des différents
créanciers et donc à la rapidité de leurs réactions. C’est
cet équilibre délicat à trouver entre ces différents paramètres qui conditionne largement le succès du retournement du LBO.
L’ensemble de ces contraintes étant posé, il convient ensuite de déterminer le mode de traitement des difficultés
adapté. Il faut d’abord déterminer à quel niveau se situent
les difficultés. Il peut s’agir uniquement de reconsolider la
dette de la holding, modifier le rythme de remboursement
de la dette d’acquisition, aménager les covenants, modifier
les garanties. Dans cette hypothèse, un simple mandat ad
hoc pourra suffire. Eventuellement, il sera transformé en
conciliation afin d’obtenir une homologation. Il peut s’agir
également de restructurer en profondeur la (ou les) cible(s).
Cette restructuration peut être de nature économique,
sociale ou industrielle. Il peut être nécessaire alors d’envisager la fermeture ou la cession d’une branche d’activité,
un plan de licenciement, une délocalisation, etc. Le mode
de traitement pourra alors être celui de la sauvegarde si les
difficultés ont été suffisamment anticipées, voire éventuellement un redressement judiciaire. Dans cette hypothèse
cependant, il conviendra de ne pas rester inactif quant au
traitement de la dette d’acquisition dont le remboursement
risque d’être affecté. C’est alors que va se poser le problème délicat de l’articulation nécessaire entre le mode de traitement adapté aux difficultés de la cible et celui adapté aux
difficultés de la holding tête de groupe. Les situations peuvent ici être très variées et le choix des modes de traitement
est déterminant.
47
traitement des difficultés efficace et surtout qui demeure
totalement maîtrisé par le chef d’entreprise, notamment
quant à son périmètre. Ainsi, par exemple, s’il ne s’agit que
de renégocier les conditions de la dette d’acquisition sans
perturber les conditions de fonctionnement de la société
opérationnelle. La conciliation fait l’objet de règles plus précises et peut présenter des avantages particuliers, notamment quant aux effets d’une homologation de l’accord.
7.2
Les critères
de choix entre des
solutions variées
L
es différentes solutions concevables doivent
être combinées et graduées en fonction du
niveau de contrainte que l’entreprise subit mais
également qu’elle recherche à imposer à ses créanciers.
7.2.1 Mandat ad hoc et conciliation
7.2.1.1 L’assistance d’un professionnel
Dans le cadre d’un LBO, compte tenu des contraintes précitées, il est difficilement concevable que le dirigeant et les
actionnaires mènent seuls la restructuration. Cette
démarche est aléatoire et présente peu de sécurité juridique. Ils peuvent solliciter, dans un cadre totalement
amiable, l’assistance du président du tribunal pour qu’il
désigne un professionnel spécialisé dans le traitement des
difficultés, et ce pour les aider à parvenir à un accord de
restructuration. Si l’entreprise n’est pas dans une situation
trop délicate, cette intervention du président du tribunal
peut se faire discrètement et de manière adaptée.
Deux pratiques sont ici concevables : la demande de désignation d’un mandataire ad hoc ou celle d’un conciliateur.
La pratique démontre que mandat ad hoc et conciliation
sont en réalité complémentaires. Souvent, les négociations débuteront avec un mandataire ad hoc qui, lorsque
les négociations seront sur le point d’aboutir, transformera la mission en conciliation afin de pouvoir bénéficier des
avantages conférés par l’homologation de l’accord.
Le mandat ad hoc ne fait pas l’objet d’un encadrement
législatif. Son utilisation demeure confidentielle. C’est un
mode de résolution des difficultés particulièrement adapté dans la mesure où la mission du mandataire tout
comme la durée de sa mission sont déterminées au cas
par cas et résultent d’une discussion entre le manager et le
président du tribunal. Le mandataire ad hoc, comme le
conciliateur, peuvent être choisis sur suggestion du débiteur. Le mandataire ad hoc, comme le conciliateur, ne se
substituent pas au dirigeant et n’ont pas le pouvoir de
s’immiscer dans la gestion de l’entreprise. Ils n’ont aucun
pouvoir de contrainte à l’égard des partenaires de l’entreprise ; c’est une procédure amiable. Ils n’ont qu’un rôle de
médiateurs amenant les intervenants à consentir des
efforts réciproques dans l’intérêt de la poursuite de l’activité de l’entreprise. Les avantages du mandat ad hoc sont
donc évidents dans le cadre d’un LBO. C’est un mode de
48
7.2.1.2 Conciliation
Pour bénéficier d’une procédure de conciliation, l’entreprise doit rencontrer des difficultés juridiques, économiques
ou financières, avérées ou prévisibles, et ne doit pas être
en état de cessation des paiements, ou alors depuis moins
de 45 jours. La durée de la mission du conciliateur est de
quatre mois maximum et peut être prorogée, à la demande du conciliateur lui-même, pour un nouveau délai maximum d’un mois. La conciliation ne peut entraîner de suspension provisoire des poursuites. Toutefois, si le débiteur
fait l’objet de poursuites en cours de procédure de conciliation, le Président du tribunal peut reporter ou échelonner le paiement des dettes en cause ou suspendre les procédures d’exécution engagées par le créancier et ce, sur le
fondement des articles 1244-1 et suivants du Code civil.
L’accord amiable, négocié avec certains créanciers et partenaires de l’entreprise, est destiné à mettre fin aux difficultés de cette dernière. Dans le cadre de la conciliation,
les créanciers publics, sociaux et fiscaux peuvent désormais, au même titre que les autres créanciers, non seulement accorder des délais de paiement mais surtout, et
c’est une innovation intéressante, accorder des remises de
dettes. L’accord de conciliation est essentiellement un
accord de restructuration de dettes, assorti éventuellement de dispositions sur la restructuration économique et
sociale de l’entreprise.
Dans un souci de discrétion, l’accord peut être simplement
constaté par le Président du tribunal (ce qui a pour effet de
lui donner force exécutoire). Il demeure alors confidentiel.
La décision n’est pas publiée et n’est pas susceptible de
recours.
L’accord peut également faire l’objet d’une homologation
par le tribunal, il acquiert alors une force particulière. Pour
bénéficier d’une homologation, il est nécessaire :
■ que le débiteur ne soit pas en état de cessation des paiements ou que l’accord y mette fin ;
■ que les termes de l’accord soient de nature à assurer la
pérennité de l’activité de l’entreprise ;
■ que l’accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires.
Dans cette hypothèse, le jugement d’homologation est
publié (mais pas le contenu de l’accord lui-même).
7.2.2 Sauvegarde
L’homologation de l’accord présente plusieurs avantages.
Il suspend les actions et poursuites individuelles pour les
créances dont il est l’objet. Les cautions et garants autonomes personnes physiques ou morales peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord homologué.
Le jugement d’homologation a également pour effet de
fixer, avec autorité de chose jugée, la date de cessation
des paiements. En effet, le législateur a prévu qu’il n’est
pas possible, en cas de redressement ou liquidation judiciaire ultérieure, de faire remonter la date de cessation
des paiements avant la date à laquelle le jugement d’homologation est devenu définitif (sauf en cas de fraude). Il
s’agit là d’un élément renforçant substantiellement la
sécurité juridique attachée à la conclusion d’un tel accord.
Combinée avec l’abandon du soutien abusif (sauf fraude,
immixtion ou octroi de garanties disproportionnées) cette
disposition permet, notamment dans le cadre des LBO,
d’éviter les crispations et favorise la restructuration de la
dette.
Les personnes qui, en vue d’assurer la poursuite de l’activité de l’entreprise et sa pérennité, ont consenti dans l’accord homologué un nouvel apport en trésorerie, ou ont
fourni un nouveau bien ou service à l’entreprise, bénéficient d’un nouveau privilège sur leurs créances ou sur le
prix du bien ou de la prestation de services, privilège de la
«new money». Encore faut-il que ces créances soient mentionnées dans l’accord homologué. En l’absence d’homologation, il n’y aura donc pas de privilège.
Cette disposition est destinée à favoriser l’intervention à
ce stade des fonds de retournement et des banques d’investissement spécialisées. Ce privilège intéressant est
amené à jouer si survient par la suite une procédure de
redressement ou de liquidation judiciaire : les créanciers
détenteurs du privilège de la «new money» ne seront primés que par le superprivilège des salariés et le privilège
des frais de justice ; ils seront donc désintéressés avant les
créanciers sociaux et fiscaux et les créanciers «méritants»
postérieurs à l’ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire. Ce nouveau privilège ne pourra bénéficier aux apports des associés dans le cadre d’une augmentation du capital. En revanche, il bénéficiera à leurs
apports en compte-courant. Ce privilège est dès lors adapté à l’émission d’obligations qui seront, si tout se passe
bien par la suite, converties en capital.
Le succès de cette méthode est démontré. Plus de 70 %
des dossiers ouverts évitent ainsi les procédures judiciaires de traitement des difficultés. S’agissant d’une procédure amiable, elle est totalement maîtrisée par le chef
d’entreprise, ce qui en LBO évite notamment les effets de
contagion entre le traitement des difficultés de la holding
et celui de la cible.
Il s’agit en quelque sorte d’une procédure de «redressement
judiciaire anticipé» : l’idée est de permettre à une entreprise
de bénéficier de l’ensemble des règles de protection attachées au redressement judiciaire, notamment la suspension
des poursuites et le gel du passif corrélatif, avant même
qu’elle ne soit en état de cessation des paiements.
7.2.2.1 Ouverture de la procédure
La procédure de sauvegarde n’est ouverte qu’aux entreprises qui ne sont pas encore en état de cessation des paiements. Elle ne peut être ouverte qu’à la demande du débiteur lorsqu’il rencontre des difficultés qu’il n’est pas en
mesure de surmonter et qui sont susceptibles de le conduire à la cessation des paiements. L’objectif de cette procédure est, après une période d’observation, l’adoption d’un
«plan de sauvegarde» visant à empêcher la cessation des
paiements et à résoudre les difficultés de l’entreprise. L’un
des intérêts de cette procédure est qu’elle n’a pas été assortie des règles du redressement judiciaire pouvant apparaître
comme des mesures de «défiance» à leur encontre. Ainsi,
l’ouverture d’une procédure de sauvegarde n’implique ni
l’incessibilité des titres sociaux des dirigeants, ni leur mise à
l’écart de l’administration de l’entreprise, ni l’instauration
d’une «période suspecte», ni la possibilité de reprise globale de l’entreprise par un tiers. L’administrateur judiciaire n’a
qu’une simple mission de surveillance et d’assistance : la
gestion de l’entreprise est toujours assurée par le dirigeant.
La période d’observation entraîne les effets classiques déjà
connus : suspension des poursuites, continuation des
contrats en cours, administration de l’entreprise sous la
surveillance de l’administrateur, arrêt du cours des intérêts, interdiction de paiement des créances antérieures,
réservation du patrimoine de l’entreprise, reconstitution
du patrimoine de l’entreprise, etc.
Dans le cadre d’un LBO, la sauvegarde peut présenter des
avantages certains dans la mesure où elle entraîne automatiquement la suspension du paiement des échéances.
Elle constitue donc un moyen de protection de l’entreprise
et de contrainte de ses créanciers.
A tout moment de la période d’observation, le tribunal peut
ordonner la cession partielle de l’activité ou, si l’état de cessation des paiements survient, convertir la procédure de
sauvegarde en redressement judiciaire ou en liquidation
judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
A noter : contrairement au redressement judiciaire, le régime des licenciements demeure celui du droit commun.
7.2.2.2 Adoption et exécution d’un plan de sauvegarde
Le plan ne peut être d’une durée supérieure à 10 ans (sauf
si le plan est adopté par les comités de créanciers selon les
49
modalités décrites ci-après). Dans le cadre de l’élaboration
du plan de sauvegarde, les créanciers interviennent par le
biais de deux comités de créanciers qui doivent être constitués par l’administrateur judiciaire dans un délai de 30
jours à compter du jugement d’ouverture de la procédure
de sauvegarde. Le premier comité est composé des établissements de crédit ; le second comité est composé des
principaux fournisseurs de biens ou services.
Les deux comités doivent être consultés en vue de l’adoption du plan de sauvegarde. Les créanciers qui ne sont pas
membres de comités seront consultés selon la procédure
de droit commun, c’est-à-dire la consultation par le mandataire judiciaire avec possibilité pour le tribunal d’imposer des délais uniformes de paiement. Les comités ont
alors 30 jours pour se prononcer sur ce projet et adopter
un plan. Le plan est adopté si chacun des comités vote
pour (selon des conditions de majorité précisées par la
loi).
Dans le cadre d’un LBO, ces dispositions sont difficiles à
manier notamment parce que les banques ou mezzaneurs
ayant participé à la syndication, s’ils disposent bien de
créances de nature originellement bancaire, ne sont pas
membres des comités. Par ailleurs, dans la mesure où il n’y
a pas de gel des cessions pendant la durée de la négociation du plan, le périmètre constitué par l’ensemble des
créanciers peut changer, ce qui ne rend pas les discussions
aisées. Enfin, les obligataires sont regroupés séparément
en autant de comités que de catégorie d’émissions, ce qui
là encore ne facilite pas les discussions.
Le tribunal, après s’être assuré que les intérêts de tous les
créanciers sont suffisamment protégés, arrête alors le plan
conformément au projet adopté par les comités de créanciers. Le plan ainsi arrêté s’impose à tous les membres des
comités. À défaut d’adoption d’un plan par les comités,
c’est la procédure de droit commun d’élaboration du plan
qui s’applique. Le plan est opposable à tous. Les personnes physiques co-obligées, cautions ou ayant souscrit
une garantie autonome peuvent également s’en prévaloir.
En cas d’inexécution par le débiteur de ses engagements,
le tribunal peut ordonner la résolution du plan. Si la cessation des paiements intervient en cours d’exécution de ce
plan, il est non seulement résolu après avis du ministère
public, mais une procédure de liquidation judiciaire doit
également être ouverte.
Dans le cadre des LBO, l’utilisation de la sauvegarde peut
être utile. On relèvera cependant que le mécanisme légal
retenu ne favorise pas la rapidité souhaitée, l’élaboration
d’un plan n’intervenant souvent que dans un délai de plus
de six mois. Là encore, il est souvent utile de combiner sauvegarde et mandat ad hoc, ce dernier permettant avant
l’ouverture de la seconde de parvenir à une sorte de pré-
50
accord, sorte de projet de plan permettant une adoption
plus rapide.
7.2.3 Redressement judiciaire
Dans le cadre du LBO, l’utilisation du redressement judiciaire est concevable notamment lorsque la restructuration des sociétés cibles nécessite des mesures plus radicales. Ainsi, elle s’avère utile lorsque des plans sociaux
doivent intervenir, puisque des règles dérogatoires au
droit commun sont alors applicables aux licenciements. La
procédure de redressement judiciaire est ouverte par le tribunal lorsque l’entreprise est en état de cessation des
paiements. Le chef d’entreprise doit désormais procéder à
la déclaration de cessation des paiements au plus tard
dans les 45 jours de la survenance de celle-ci s’il n’a pas
opté pour une conciliation. Le tribunal désigne les organes
de la procédure (administrateur judiciaire, mandataire
judiciaire, juge-commissaire) et ouvre une période d’observation dont les règles sont les mêmes que pour la période ouverte au cours de la sauvegarde.
L’administrateur peut avoir une mission de représentation,
contrairement à ce qui prévaut en procédure de sauvegarde. Pendant cette période d’observation, l’activité de l’entreprise est continuée en vue de l’élaboration d’un projet
de plan à laquelle participeront les comités de créanciers,
le cas échéant, selon les mêmes modalités qu’en cours de
sauvegarde.
L’objectif de la procédure de redressement judiciaire est
uniquement l’élaboration d’un plan de continuation. Le
plan de cession, totale ou partielle, est envisagé à présent
uniquement comme une modalité de la liquidation judiciaire de l’entreprise, dans l’hypothèse où le débiteur est
dans l’impossibilité d’assurer lui-même le redressement
de l’entreprise. La loi institue ainsi une hiérarchie entre
plan de continuation et plan de cession, qui n’existait pas
antérieurement. Si, dans le cadre d’un redressement judiciaire, la période d’observation ne permet d’aboutir qu’à
l’élaboration d’un plan de cession, l’entreprise n’est pas
contrainte pour autant de faire l’objet d’une procédure de
liquidation judiciaire, mais ce sont les règles propres à
cette procédure qui s’appliqueront au plan de cession.
sauf disposition contraire des statuts ou décision de l’assemblée générale. Le maintien de l’activité de l’entreprise
est possible si la cession totale ou partielle de l’entreprise
est envisageable, à condition que l’intérêt public ou celui
des créanciers l’exige ; la liquidation judiciaire n’entraînera pas alors de déchéance du terme des créances : l’exigibilité des créances non échues sera reportée à l’arrêté du
plan de cession.
Dans le cadre d’un LBO, sauf à ce qu’un plan de cession
soit rapidement envisageable ou s’il s’agit de fermer une
des filiales opérationnelles sans grande conséquence sur
l’ensemble du groupe, la liquidation sera souvent révélatrice d’un échec tant elle est destructrice de valeur.
Notamment, elles ne sont pas bien adaptées aux dispositifs de conversion de la dette en capital. Les risques
de contagion doivent également être soigneusement
analysés. Ainsi, si pour des raisons fiscales, la holding
d’acquisition s’est vu attribuer un «rôle actif», il y aura
un risque de la voir qualifiée de dirigeante de fait de la
cible, ce qui peut entraîner une responsabilité spécifique à ce titre, notamment en termes de comblement
d’insuffisance d’actifs. Pire encore, il convient d’évaluer
le risque d’une véritable extension de procédure si une
confusion des patrimoines est intervenue entre la cible
et la holding. Il convient également de se méfier des
«apprentis sorciers» qui pourraient souhaiter une telle
extension pour contraindre encore plus les créanciers
de la holding dans le cadre de la restructuration de la
cible.
Le recours aux procédures judiciaires dans le cadre des
LBO doit être envisagé avec la plus grande précaution.
7.2.4 Liquidation judiciaire
La liquidation doit intervenir lorsque la cessation des paiements de l’entreprise est avérée et que le redressement de
celle-ci est manifestement impossible.
L’objet de la liquidation est de mettre fin à l’activité et de
réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale
ou séparée de ses biens. Le chef d’entreprise est dessaisi.
Toutefois, si le débiteur est une personne morale, les dirigeants sociaux en fonction sont maintenus à leur poste,
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Actualité
Crises financières
et obsolescence réglementaire
U
du 1er août 2003 qui a créé un comité purement consultatif. Ensuite, il conviendrait de s’intéresser à l’opacité des
instruments par lesquels les opérateurs transfèrent leurs
risques de crédit, opacité qui résulte de l’absence de qualification légale de certains instruments et du phénomène
de «window dressing» ou habillage juridique.
L’absence de qualification concerne tous les instruments
financiers. La loi française, née des directives européennes, se contente de lister une série d’instruments
dont il est dit qu’ils sont des instruments financiers à
terme, sans que cette qualification procède de critères
objectifs d’application générale et pérenne. Par exemple,
un swap, dont il est communément admis qu’il est un instrument financier à terme, doit-il conserver cette qualification lorsqu’il présente un caractère indemnitaire ?
L’habillage juridique consiste, comme l’ont relevé la FSA et
la Commission bancaire, à «habiller», par exemple, un produit d’assurance en instrument financier. Cette pratique de
l’habillage juridique a également fait l’objet de vigoureux
échanges entre la NAIC, l’association fédérale des régulateurs d’assurance américains, et l’ISDA, l’association internationale regroupant les professionnels des produits dérivés, au sujet des dérivés climatiques.
Cet habillage juridique répond à des préoccupations qui
ne sont pas toujours avouées. Premièrement, comme l’a
observé la Commission européenne, les professionnels du
risque procèdent à des «arbitrages réglementaires» en
localisant géographiquement et en structurant leurs
contrats de telle sorte qu’ils échappent le plus possible
aux contraintes réglementaires. Deuxièmement, il est plus
facile de «vendre du risque» à des investisseurs, en particulier à des OPCVM, par le biais d’instruments financiers
qu’au moyen de contrats d’assurances.
En définitive, il serait utile de mettre en exergue l’exacte
explication de cette crise : une architecture légale et réglementaire obsolète ne reflétant pas l’organisation et le
fonctionnement du monde de la finance qui ignore toute
frontière géopolitique ou réglementaire et s’attache à
atteindre un objectif économiquement sain – diffuser le
risque pour mieux en absorber le choc et, par là même,
accroître la sécurité des financements. ■
Par Alain Gauvin, docteur en droit, avocat,
Lefèvre Pelletier & associés
ne tribune publiée par «The Wall Street Journal»
a clairement exposé l’un des facteurs déclencheurs de la récente secousse subie par les
marchés financiers : le transfert par les banques de leurs
risques de crédit à des opérateurs non bancaires, tenant
lieu d’investisseurs, au moyen d’instruments opaques1.
Cette analyse jette une lumière crue sur une problématique d’une dimension politique : celle de la pertinence de
la réglementation actuelle de la finance à l’aune de la
manière dont elle se pratique en réalité.
En effet, force est de constater que les trois grands métiers
financiers que sont la banque, l’assurance et les services
d’investissement se sont, au cours des dernières années,
rapprochés autour du concept de la «marchéisation» du
risque, au point d’ignorer toute frontière géopolitique ou
sectorielle. En 2002, par exemple, les banques américaines ont transféré massivement leurs risques de crédit à
des investisseurs européens. Or, sur le terrain juridique, on
observe que ces trois métiers financiers sont cloisonnés
par la loi en trois monopoles d’exercice distincts.
En outre, la finance s’affranchit des catégories juridiques.
Par exemple, alors que, traditionnellement, les titres de
créance ont pour objet de financer l’entreprise qui les
émet, ils sont, depuis quelques années, également utilisés
afin de permettre aux émetteurs de se couvrir contre un
risque. Enfin, les conditions de commercialisation de produits financiers de plus en plus sophistiqués traditionnellement réservés aux institutionnels se sont assouplies, au
point d’assimiler dans certains cas l’épargnant particulier
à un investisseur dit qualifié. A cet égard, en France, le
décret du 16 mai 2006 est remarquable.
Que faire alors pour que le risque que se reproduise une crise
financière telle que celle de l’été dernier soit limité ? Sans
doute, la réglementation financière devrait être réformée en
tenant compte des deux éléments de réflexion suivants.
Un premier pas consisterait à créer une autorité unique
réglementant et contrôlant assureurs, banques, prestataires de services d’investissement et fonds d’investissement, dès lors qu’ils se livrent à l’activité de gestion et de
transfert de risques. Notons que nos voisins anglais, avec
la FSA (Financial Services Authority), et belges, avec la
CBFA (Commission bancaire financière et des assurances),
ont exprimé une vision plus audacieuse que celle de la loi
1. G. Ip et J.-E. Hilsenrath, «How easy credit turned risky – Low interest rates and new financial architecture planted seeds of excess», «The Wall Street Journal», 7 août 2007, p. 1 et 32.
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Cette brochure a été préparée,
sous la responsabilité de Jean-Luc Bédos (associé),
par les avocats suivants :
Groupe pôle Private Equity :
Jean-Luc Bédos (associé)
[email protected]
Jérôme Patenotte (associé)
[email protected]
Dimitri Pubellier (Counsel)
[email protected]
Pierre-Emmanuel Chevallier (Counsel)
[email protected]
Concurrence :
Muriel Perrier (Counsel)
[email protected]
Fiscal :
Sous la responsabilité de Pierre Appremont (associé)
[email protected]
Recovery et procédures collectives :
Laurent Jourdan (associé)
[email protected]
Financement :
Mise à jour par Emmanuelle Bismuth
[email protected]
Hors-série n°H26 du 9 juin 2008
Option Finance - 91 bis, rue du Cherche-Midi 75006 Paris - Tél. 01 53 63 55 55
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Directeur de la publication : François Fahys
Service abonnements : B 310 - 60732 Ste-Geneviève Cedex. Tél. 03 44 07 44 52
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