Imagerie par résonance magnétique des cardiopathies congénitales

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Dossier – Imagerie par résonance magnétique
mt cardio 2006 ; 2 (6) : 611-5
Imagerie par résonance magnétique
des cardiopathies congénitales
Loïc Boussel1, Sylvie di Filippo2, Philippe Douek1
1
Département d’imagerie diagnostique et thérapeutique Creatis, hôpital cardiovasculaire Louis-Pradel, BP Lyon Montchat,
69394 Lyon Cedex 03 France
<[email protected]>
2
Service de cardiopédiatrie, hôpital Louis-Pradel, Lyon
Résumé. L’exploration des cardiopathies bénéficie des nouvelles avancées de l’IRM cardiaque. En effet, du fait de son caractère non irradiant
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et de la possibilité d’associer cartographie cardiovasculaire tridimensionnelle et analyse fonctionnelle, l’IRM cardiaque est le complément
naturel de l’échographie. On retiendra comme principales indications l’étude des gros vaisseaux (anomalies des arcs aortiques, coarctations...),
les anomalies de la voie droite (fonction du ventricule droit, étude de l’artère pulmonaire et de ses branches), la cartographie des anomalies
complexes et le suivi postopératoire.
Mots clés : imagerie par résonance magnétique, cardiopathie congénitale
Abstract. MRI in congenital heart disease. Breath-hold electrocardiographically gated cardiac magnetic resonance (MR) imaging and
contrast material-enhanced MR angiography are emerging as a clinically useful supplement to ECHO for the evaluation of complex congenital
heart disease in pediatric and adult patients, as well as the functional changes caused by the underlying morphologic abnormalities. Among the
pathologies in which these methods play a major role are aortic coarctation, anomalies of the pulmonary arteries, right ventricular function and
post operative follow up.
Key words: magnetic resonance imaging, congenital heart disease
doi: 10.1684/mtc.2006.0035
es évolutions récentes de l’imagerie par résonance magnétique
(IRM) cardiaque ont permis d’élargir
ses indications dans l’évaluation et le
suivi des cardiopathies congénitales
chez l’enfant comme chez l’adulte.
mtc
Tirés à part : P. Douek
Même s’il ne s’agit pas, bien sûr, de
remplacer l’échographie cardiaque de
première intention, l’IRM peut apporter des informations complémentaires, surtout chez l’adulte et en postopératoire, voire remplacer le
cathétérisme cardiaque dans certaines
indications. En effet, l’IRM est un examen peu invasif qui permet de visualiser l’ensemble des structures médiastinales sans les limites habituelles de
l’échographie (patients adultes peu
échogènes,
remaniements
postopérations, structures d’abord difficile
comme l’aorte thoracique descendante...). Dans cette revue générale,
nous aborderons tout d’abord les nouveautés techniques et les modalités
pratiques de réalisation des examens
IRM, puis les principales indications.
mt cardio, vol. 2, n° 6, novembre-décembre 2006
On retiendra notamment l’étude des
gros vaisseaux (anomalies des arcs
aortiques, coarctations...), les anomalies de la voie droite (fonction du ventricule droit, étude de l’artère pulmonaire et de ses branches), la
cartographie des anomalies complexes et le suivi postopératoire.
Nouveautés techniques
Depuis son apparition au début
des années 1990, l’IRM cardiothoracique a bénéficié de nombreuses
évolutions. D’abord cantonnée à des
images statiques strictement morphologiques, l’apparition des séquences
ultrarapides, synchronisées à l’ECG a
permis d’obtenir des images dynamiques de qualité croissante. Actuellement, les séquences de type écho de
gradient à l’équilibre (balanced steady
state free precession, BSSFP) permet
tent d’analyser le mouvement des différentes structures cardiaques dans
n’importe quel plan en une quinzaine
de secondes (une apnée).
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Dossier – IRM
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Imagerie par résonance magnétique des cardiopathies congénitales
Parallèlement, l’évaluation vasculaire est passée de
l’imagerie 2D à l’angiographie dynamique 3D avec une
possibilité d’analyse des structures de plus en plus petites
(jusqu’à 1 mm de diamètre) à différents temps vasculaires
(étude successive des artères pulmonaires, des artères
systémiques et du retour veineux systémique avec une
seule injection intraveineuse de produit de contraste).
De plus, l’amélioration des séquences dites « de flux »,
basées sur l’imagerie en contraste de phase, permet en une
apnée d’étudier le mouvement des protons à travers une
coupe définie. Après calcul, on obtient les vitesses moyennes et maximales des particules sanguines et donc une
approche des gradients et des débits. Toutes proportions
gardées, ce type de séquences est assimilable au Doppler
en échocardiographie.
Enfin, l’apparition de séquences dédiées à l’exploration des artères coronaires, de type SSFP 3D notamment,
permet dans un certain nombre de cas de mettre en
évidence des anomalies coronaires associées. Il faut toutefois noter que le temps d’acquisition de ces images est
encore trop long (10 à 20 minutes) et que leur difficulté de
mise en œuvre et leur résultat aléatoire limitent leur utilisation en pratique.
Dossier – IRM
Si l’examen IRM ne nécessite aucune préparation particulière en termes de jeun, il est par contre particulièrement important d’obtenir une immobilité parfaite du patient. Cet élément ne pose habituellement pas de
problème chez l’enfant de plus de 5 ans, l’examen durant
environ 30 minutes. Par contre une sédation importante,
voire une anesthésie générale, est systématiquement requise chez le plus jeune. Elle est réalisée au mieux en
présence d’un anesthésiste. À noter que les patients claustrophobes peuvent bénéficier d’une sédation légère avant
l’examen.
L’examen étant synchronisé à l’ECG, les troubles de
rythme de type fibrillation auriculaire peuvent fortement
artéfacter l’examen, voire le rendre impossible. On rappelle, par ailleurs, la contre-indication absolue chez les
patients porteurs de Pacemaker.
L’IRM étant vue comme un complément à l’échographie, le compte rendu de celle-ci doit être disponible au
moment de la réalisation de l’examen afin de cibler au
mieux les éléments à étudier en IRM et de raccourcir le
temps d’examen.
Le déroulement de l’examen s’effectue en plusieurs
étapes. Après pose des électrodes et d’une voie veineuse
IRM : imagerie par résonance magnétique
BSSFP : balanced steady state free precession
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Indications cliniques
Imagerie de l’aorte
Réalisation pratique
Liste des abréviations
périphérique, le patient est installé dans une antenne
cardiaque dédiée adaptée à son âge. La réalisation de
l’examen comprend d’abord des séquences de repérages
morphologiques puis une série de coupes dynamiques
standardisées permettant d’étudier le cœur dans ses axes
propres : long axe, petit axe et chambre de chasse ventriculaire. Les fractions d’éjections ventriculaires gauche et
droite ainsi que la masse myocardique sont calculées à
partir des coupes petit axe selon la méthode de Simpson.
Des plans plus spécifiques tels que la chambre de chasse
ventriculaire droite ou le plan de la valve aortique ou
pulmonaire sont réalisés en fonction de la pathologie à
explorer. Une étude angiographique 3D multiphases
après injection de gadolinium y est le plus souvent associée pour étudier les gros vaisseaux médiastinaux et abdominaux. Une imagerie de flux est réalisée en cas de
rétrécissement ou fuite valvulaire, surtout aortique ou
pulmonaire, afin d’apprécier gradients et fractions de régurgitation. Enfin, une séquence dédiée à l’analyse des
artères coronaires peut être réalisée.
Coarctation
L’évaluation des coarctations serrées est réalisée par
échographie, le plus souvent chez le nouveau-né voire en
anténatal. Pour les formes plus frustes, de découverte
souvent plus tardive, l’IRM aide à caractériser le type de
coarctation, l’importance de la sténose par mesure directe
du diamètre minimal de l’isthme sur l’angiographie 3D
après injection de gadolinium (figure 1) et l’étude des
gradients en séquence de flux. L’IRM permet par ailleurs
d’estimer le retentissement de la coarctation sur la fonction et la masse ventriculaire gauche. Elle recherche des
anomalies associées telles qu’une bicuspidie aortique,
une hypoplasie de l’arche, une anomalie de naissance des
troncs supra-aortiques ou de l’aorte abdominale. Cette
cartographie par IRM et la possibilité d’un suivi simple
postopératoire avec cette technique permet de s’affranchir
de la réalisation d’une angiographie par rayons X dans la
quasi-totalité des cas.
Anomalie des arcs
La recherche d’anomalie des arcs aortiques, principalement en cas de compression trachéale ou œsophagienne, est une bonne indication d’IRM dans les cardiopathies congénitales. Elle permet de confirmer ou non
l’existence d’un encerclement de l’axe trachéoœsophagien, de situer les positions respectives de la
crosse de l’aorte et du canal artériel ainsi que celles des
troncs supra-aortiques. On peut ainsi décrire avec précision les rapports en trois dimensions entre ces différentes
structures artérielles en cas de double arc aortique, d’une
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Figure 2. Diverticule de Kommerel. IRM 3D après injection de gadolinium. Reconstruction 3D volumique. Vue postérieure. On visualise
la crosse de l’aorte située en position anormale à droite de la trachée.
Artère sous-clavière gauche naissant à partir d’un diverticule de
Kommerel (flèche) au niveau de l’isthme. Cette artère présente un
trajet rétro-œsophagien.
Figure 1. Coarctation de l’aorte isthmique. IRM 3D après injection
de Gadolinium®. Reconstruction 3D volumique. Sténose aortique
isthmique (flèche) et hypertrophie des artères mammaires (pointe
de flèche).
interruption de l’arche aortique, d’anomalie de Neuhauser ou plus simplement d’artère sous-clavière rétroœsophagienne. En cas de diverticule de Kommerel
(figure 2), l’IRM peut en estimer le volume et rechercher
d’éventuelles complications (thrombose partielle, évolution ectasiante...).
Dysplasie de l’aorte ascendante
De révélation souvent tardive, voire asymptomatique,
la dysplasie de l’aorte ascendante se rencontre dans le
cadre de nombreux syndromes tels que la maladie de
Marfan. Du fait de son innocuité, l’IRM permet la surveillance sur le long terme des patients avant décision
chirurgicale. Elle permet d’apprécier les différentes mensurations de l’aorte ascendante, de quantifier la régurgitation valvulaire aortique associée et d’étudier le retentissement sur la fonction ventriculaire gauche.
Imagerie de la voie droite
et des artères pulmonaires
Dans les pathologies de la voie droite, qu’il s’agisse de
la Tétralogie de Fallot ou des atrésies pulmonaires à septum ouvert ou intact, la contribution de l’IRM en préopératoire est l’étude (sévérité, longueur) des rétrécissements
de la voie droite : sténoses pulmonaires sus- ou sousvalvulaires, sténoses ou atrésie du tronc de l’artère pulmonaire et de ses branches. Elle permet de plus l’évaluation
des collatérales bronchiques naissant de l’aorte ou de ses
branches (MAPCA) et les possibilités de reconstruction
chirurgicale de la voie pulmonaire. À noter toutefois que
ces éléments sont souvent de taille irrégulière, parfois très
petite : le scanner multibarrettes, grâce à sa résolution
spatiale supérieure, en permet une meilleure étude. Après
correction complète, l’IRM permet de surveiller l’évolution de la fonction ventriculaire droite, de quantifier l’insuffisance pulmonaire très souvent associée ainsi que
d’évaluer la cinétique de l’infundibulum (figure 3).
L’étude des anastomoses palliatives chirurgicales sera
abordée plus loin.
Imagerie des veines pulmonaires
et systémiques
L’analyse 3D angiographique aux temps veineux pulmonaire et systémique décrit les principales anomalies où
l’échographie a parfois des difficultés, notamment chez
l’adulte : double veine cave supérieure, persistance de la
veine cave supérieure gauche, interruption de la veine
cave inférieure avec continuation azygos et les retours
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Dossier – IRM
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Imagerie par résonance magnétique des cardiopathies congénitales
Figure 3. Tétralogie de Fallot corrigée. IRM de l’infundibulum pulmonaire dynamique « sang blanc » en diastole (droite) et systole (gauche).
On visualise le mouvement paradoxal du patch (flèche) infundibulaire en systole.
veineux pulmonaires anormaux (figure 4). Ces anomalies
veineuses sont fréquemment associées aux différentes
anomalies cardiaques. Cette analyse du système veineux
doit donc être réalisée systématiquement.
Dossier – IRM
Figure 4. Retour veineux pulmonaire anormal du lobe supérieur droit
dans la veine cave supérieure. IRM 3D après injection de gadolinium.
Reconstruction MIP. On visualise le retour veineux pulmonaire anormal du lobe supérieur droit dans la veine cave supérieure (flèche).
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Imagerie des cardiopathies complexes
et transpositions
L’IRM analyse les cardiopathies complexes en précisant le situs, la concordance atrioventriculaire et ventriculoartérielle. Elle évalue la fraction d’éjection des ventricules uniques et permet de visualiser les rapports AP/AO
dans les transpositions, d’étudier les valves atrioventriculaires...
Imagerie postopératoire
L’IRM permet la surveillance et le dépistage des complications postopératoires précoces et tardives bien que
les complications aiguës (occlusion des anastomoses notamment) bénéficient le plus souvent d’un scanner.
L’analyse angiographique des anastomoses palliatives
systémico-pulmonaires (entre l’aorte et l’artère pulmonaire) permet de préciser leur topographie, leur caractère
fonctionnel et leurs conséquences à distance (sténose de
l’artère pulmonaire post-Blalock).
De même, l’étude des anastomoses cavopulmonaires
(figure 5) recherche d’éventuelles sténoses au niveau des
anastomoses et permet d’étudier les flux respectifs au sein
du montage.
Par ailleurs, l’IRM permet un bilan de montage plus
complexe comme ceux des chirurgies de type chenaux
caves intra-atriaux des chirurgies de Mustard, ou Senning,
tube ventriculopulmonaire de Rastelli...
Enfin, les possibilités offertes par les nouvelles séquences dédiées à l’exploration des artères coronaires pourront
être utiles au dépistage des sténoses coronaires postdétransposition des gros vaisseaux.
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Conclusion
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L’exploration des cardiopathies congénitales, longtemps domaine réservé de l’angiocardiographie et de
l’échocardiographie, doit bénéficier des nouvelles avancées de l’IRM cardiaque. En effet, du fait de son caractère
non irradiant et de la possibilité d’associer une cartographie cardiovasculaire et une analyse fonctionnelle, l’IRM
cardiaque est le complément naturel de l’échographie
dans le diagnostic et la surveillance des cardiopathies
congénitales de l’enfant et surtout de l’adulte. On soulignera la nécessité d’une collaboration étroite entre le
cardiologue prescripteur et le radiologue, surtout dans le
cadre de dossiers complexes où les colloques multidisciplinaires associant cardiologues, chirurgiens et radiologues permettent l’intégration des éléments cliniques et des
résultats des différentes modalités d’imagerie [1-6].
Références
1. Fenchel M, Greil GF, Martirosian P, et al. Three-dimensional morphological magnetic resonance imaging in infants and children with
congenital heart disease. Pediatr Radiol 2006 ; 28 ; [Epub ahead of
print].
2. Mohrs IK, Petersen SE, Voigtlaender T, et al. Time-resolved
contrast-enhanced MR angiography of the thorax in adults with
congenital heart disease. AJR 2006 ; 187 : 1107-14.
3. Weber OM, Higgins CB. MR evaluation of cardiovascular physiology in congenital heart disease: flow and function. J Cardiovasc
Magn Reson 2006 ; 8 : 607-17.
4. Simonetti OP, Cook S. Technical aspects of pediatric CMR. J Cardiovasc Magn Reson 2006 ; 8 : 581-93.
5. Meave Gonzalez A, Hernandez Gonzalez M, Alexanderson
Rosas E, et al. Diagnosis of complex congenital heart disease through
magnetic resonance. Arch Cardiol Mex 2005 ; 75 : 435-40.
6. Boechat MI, Ratib O, Williams PL, Gomes AS, Child JS, Allada V.
Cardiac MR imaging and MR angiography for assessment of complex
tetralogy of Fallot and pulmonary atresia. Radiographics 2005 ; 25 :
1535-46.
Dossier – IRM
Figure 5. Anastomose cavopulmonaire complète. IRM 3D après injection de gadolinium. Reconstruction MIP. On visualise l’anastomose entre les deux veines caves (petites flèches) et l’artère pulmonaire (grande flèche).
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