Génétique

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Génétique
● E. Villard*
ESSOR DE LA GÉNOMIQUE
* Laboratoire de génétique et insuffisance cardiaque, association ClaudeBernard, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Le congrès de l’American Heart Association a cette année fait
une large place aux conséquences de la révolution génomique.
De nombreuses sessions ont présenté les bénéfices que la
recherche médicale en général et la recherche dans le domaine
cardiovasculaire en particulier pouvaient attendre de l’annonce
du séquençage du génome humain. En effet, 98 % de la séquence
du génome humain ainsi que tout ou une partie de la séquence du
génome d’autres espèces vivantes sont maintenant disponibles et
permettent d’envisager des projets ambitieux visant à élucider les
mécanismes physiopathologiques conduisant aux maladies cardiovasculaires ainsi que la définition de nouvelles cibles thérapeutiques. Ces avancées conduiront également à une prise en
charge précoce et ciblée des malades grâce au recours au diagnostic génétique.
L’exemple le plus représentatif de cette tendance présentée cette
année est sans doute celui de l’organisme publique américain
NHLBI (National Heart, Lung, and Blood Institute), qui, par son
Program for Genomic Application intitulé CardioGenomics, envisage une utilisation exhaustive et intégrée des données issues :
– du séquençage du génome ;
– du développement des outils bio-informatiques d’annotations
du génome permettant d’identifier les gènes humains et d’appréhender leurs fonctions ;
– du développement de techniques nouvelles qui permettent de
quantifier des variations de l’expression des gènes à grande
échelle (puces à ADN) ou de produire rapidement des modèles
animaux reproduisant les pathologies humaines ;
– des avancées de la protéomique, une nouvelle discipline qui a
pour but d’identifier à l’échelle protéique, et non plus génomique,
les variations associées aux pathologies cardiovasculaires. Le programme CardioGenomics est constitué de cinq projets principaux, tous en cours de réalisation (http://www.cardiogenomics.
org:1550/home).
Pour illustrer la puissance de ces nouvelles approches, il faut
signaler ici le travail remarquable de N. Airhart et al. (Portland,
143), qui ont identifié un nouveau gène d’intérêt impliqué dans
l’hypertrophie cardiaque par la recherche des cibles de l’action
anti-hypertrophique de l’ANP (Atrial Natriuretic Peptide). Les
auteurs ont utilisé un modèle d’hypertrophie cardiaque chez la
souris : une lignée qui n’exprime plus le gène du récepteur de
l’ANP (ANPR-/-). Ces souris développent une hypertrophie, avec
un doublement du poids du cœur rapporté à la masse corporelle.
La comparaison du profil d’expression de 13 824 gènes disposés
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Points forts
■ Génomique : l’émergence de nouveaux outils issus de
l’avènement de la génomique et découlant de la complétion du projet de séquençage du génome humain ainsi que
de celui, en cours, d’autres espèces constitue sans nul
doute un tournant en génétique cardiovasculaire. De nouvelles approches, globales, permettant d’évaluer l’implication des gènes dans les mécanismes de la pathogenèse
cardiovasculaire sont, par exemple, mises en œuvre à
grande échelle dans le projet CardioGenomics du consortium public américain NHLBI. Elles devraient déboucher
sur d’importants progrès dans des domaines aussi divers
que le diagnostic génétique et la prise en charge ciblée et
précoce des malades, la pharmacogénétique et la mise au
point de nouveaux médicaments.
Génétique : de nouveaux gènes impliqués dans les
formes familiales de cardiomyopathies ont été identifiés.
Des mutations du gène de la titine ainsi qu’un nouveau
locus sur le chromosome 9 sont responsables de cardiomyopathie dilatée (CMD) familiale. En outre, le gène responsable d’une CMD familiale tardive associée à une surdité juvénile et précédemment localisé au locus 6q23-24
a été identifié comme codant le facteur de transcription
EYA4. Enfin, le gène responsable de certains syndromes
de Wolff-Parkinson-White, préférentiellement associés à
des troubles de conduction et à une cardiomyopathie
hypertrophique, code pour une phosphorylase (PRKAG2)
impliquée dans le métabolisme énergétique du cardiomyocyte.
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sur une puce à ADN entre les animaux témoins (ANPR+/+) et les
animaux ANPR-/- montre une augmentation importante de l’expression du gène de la pléiotrophine, une protéine de bas poids
moléculaire (18 kDa) jusqu’ici connue pour être impliquée dans
la progression vers le cancer et dans l’angiogenèse. Les auteurs
montrent que cette protéine induit une hypertrophie de cellules
cardiaques néonatales de rats en culture et proposent un modèle
selon lequel l’effet anti-hypertrophique de l’ANP serait dû à l’inhibition de l’expression de la pléiotrophine. Ce travail illustre
l’intérêt de l’approche génomique pour la mise en évidence de
nouveaux gènes, a priori non candidats, impliqués dans les mécanismes de la pathogenèse.
GÉNÉTIQUE DES MALADIES CARDIAQUES
De nombreuses présentations relatent la découverte de nouveaux
gènes ou de nouvelles mutations au sein de gènes connus et responsables de cardiomyopathies familiales. Par ailleurs, un effort
important a été réalisé dans le but de définir la fréquence des cardiomyopathies hypertrophiques (CMH) attribuable aux principaux gènes morbides connus.
Cardiomyopathie dilatée
À ce jour, la cardiomyopathie dilatée (CMD) familiale a été associée à des mutations dans des gènes codant des protéines du cytosquelette, des protéines contractiles ou localisées au niveau de la
membrane interne du noyau cellulaire (tableau I). C’est donc vers
ces catégories de gènes que les efforts d’identification de nouvelles mutations sont orientés.
B. Gerull et al. (Berlin, 648) ont identifié, par une étude de liaison génétique dans une large famille (F1) d’origine australienne,
une région du chromosome 2 (2q31) présente préférentiellement
Tableau I. Gènes et loci responsables de cardiomyopathies dilatées familiales.
Transmission
Autosomique
dominant
Locus
1q32
Référence
Kamisago (2000)
9q22-q31
2q31
2q14-q22
2q35
5q33-q34
6q12-q16
9q13-22
15q14
10q21-23
Gène
Troponine T
cardiaque
Chaîne lourde β
de la myosine
?
Titine
?
Desmine
δ-sarcoglycane
?
?
Actine cardiaque
?
1p1-q1
3p22-25
6q23
Lamines A/C
?
?
Fatkin (1999)
Olson (1996)
Messina (1997)
6q23-24
EYA4
Xp21
Dystrophine
Schönberger
(2001)
Muntoni (1993)
14q11
+ Prolapsus
valvulaire mitral
+ BAV/arythmies
+ Dystrophie
musculaire
+ Surdité
Lié à l’X
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Kamisago (2000)
Jha (2001)
Gerull (2001)
Jung (1999)
Li (1999)
Tsubata (2000)
Sylvius (2000)
Krajinovic (1995)
Olson (1998)
Bowles (1996)
chez les membres atteints, identifiant ainsi le locus contenant le
gène responsable de la CMD pour cette famille. Par ailleurs, une
autre famille (F2) de CMD, publiée en 1999 (Benjamin et al. Circulation 1999 ; 99 : 1022-6), montre une liaison génétique à ce
même locus. La recherche de mutations par séquençage des
340 exons du gène de la titine, codant une protéine géante des
myofibrilles des cellules cardiaques et localisée à ce locus, à partir de l’ADN génomique de membres atteints de ces deux familles,
a permis l’identification des mutations morbides. La mutation
identifiée dans la famille F1 consiste en une insertion à l’état hétérozygote (une seule des deux copies du gène est affectée) de deux
paires de bases conduisant à la synthèse d’une protéine tronquée
chez tous les membres atteints. La seconde mutation (famille F2)
est une substitution d’une paire de bases induisant le remplacement d’un acide aminé tryptophane par une arginine (Trp930Arg)
dans un domaine fonctionnel de la titine. Les auteurs, par ce travail considérable, apportent ainsi la preuve attendue que des anomalies de la titine peuvent être responsables de CMD.
Outre la titine, la myosin binding protein cardiaque (MyBPc) est
fortement candidate à un rôle délétère dans la CMD. Une étude
de V. Regitz-Zagrosek (Berlin, 2709) identifie une substitution
(Asn948Thr) dans le gène MyBPc chez un patient parmi 46 analysés. Cependant, bien que cette mutation ne soit pas présente
chez 88 témoins et 136 patients souffrant de CMH, aucune étude
familiale ou fonctionnelle ne vient étayer le rôle causal de cette
mutation dans les CMD.
Récemment, des mutations dans les gènes codant la chaîne
lourde ß de la myosine cardiaque (ß-MHC) et de la troponine
T (TnT), déjà impliqués dans la CMH, ont été identifiées dans la
CMD (Kamisago et al. N Engl J Med 2000 ; 343 : 1688-96). D. Li
(Houston, 6) a présenté des résultats identifiant la mutation responsable de la CMD dans la première famille pour laquelle une
région chromosomique (1q32) avait été identifiée par l’étude de
liaison génétique (Durand et al. Circulation 1995 ; 92 : 3387-9).
Après avoir inclus quatre nouveaux sujets atteints dans la famille
et ainsi réduit la taille de la région portant le gène, les auteurs ont
identifié une substitution (Arg141Trp) dans le gène codant la TnT
présente chez les 14 sujets atteints de la famille et absente chez
100 sujets témoins et 219 sujets souffrant de CMH. Deux nouvelles mutations associées à la CMD ont également été identifiées dans le gène de la ß-MHC (Ala223Thr ; Ser642Leu) par V.
Regitz-Zagrosek et al. (Berlin, 2709), mais, comme dans le cas
de MyBPc, ces auteurs ne présentent pas de données familiales
ni fonctionnelles permettant d’attribuer définitivement un rôle
causal à ces mutations.
Un nouveau locus portant un gène morbide pour une CMD sans
autres phénotypes associés a été identifié par S. Jha et al. (Boston, 647). Il s’agit d’une très large région de 21 millions de paires
de bases environ sur le chromosome 9 (9q22-31) obtenue par l’analyse de liaison génétique (lod score = 4,5) d’une famille s’étendant sur quatre générations et comportant 14 sujets affectés. Le
gène responsable de la maladie à ce locus reste à identifier.
Le gène responsable d’une forme particulière de cardiomyopathie familiale de l’enfant avec dilatation ventriculaire gauche, la
fibroélastose endocardique, semble avoir été identifié par
M. Kamisago et al. (Boston, 646) dans une famille atteinte de
cette affection. Par une approche gène candidat, les auteurs rapLa Lettre du Cardiologue - Supplément au n° 351 - janvier 2002
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portent la découverte d’une mutation (Arg442His) dans le gène
de la ß-MHC avec une pénétrance complète. Cependant, bien que
non retrouvé chez 200 sujets témoins, ce résultat demande à être
confirmé dans d’autres familles plus larges de façon à vérifier la
coségrégation entre la maladie et les mutations de ce gène.
Le gène responsable d’une CMD familiale d’apparition tardive associée à une surdité juvénile et précédemment localisé
au locus 6q23-24 (J. Schönberger et al. Circulation 2000 ; 101 :
1812-8) a été identifié par J. Schönberger (Boston, 650). Les
auteurs ont recherché des mutations par séquençage dans trois
gènes candidats de la région et identifié une délétion supprimant
140 acides aminés du domaine activateur de la transcription dans
le facteur de transcription EYA4. Il faut souligner que des mutations à l’origine de la délétion de la partie terminale de ce facteur
de transcription ont été identifiées dans une forme familiale autosomique dominante de surdité tardive sans atteinte cardiaque
(S. Wayne et al. Hum Mol Genet 2001 ; 10 : 195-200), montrant
que des mutations affectant différents domaines de cette protéine
peuvent conduire à des phénotypes différents.
Récemment, des mutations dans le gène de la lamine A/C,
codant une protéine associée à la membrane interne du noyau cellulaire, ont été identifiées comme responsables dans les cardiomyopathies dilatées associées à des troubles de conduction ou à
des dystrophies musculaires. Cette année, plusieurs auteurs relatent la recherche et l’identification de nouvelles mutations du gène
de la lamine A/C dans des formes familiales de dilatation cardiaque associées à des troubles de conduction (E.L. Hanson, Portland, 2890 ; W. Zheng, Pékin, 2891 ; M.R.G. Taylor, Aurora,
649). Bien qu’encore préliminaires, ces études semblent indiquer
que la lamine A/C est la cause majeure de CMD familiales (non
liées au chromosome X) associées à des troubles de conduction
et/ou musculaires (> 40 %). Cependant, les manifestations cliniques de la maladie sont très variables entre les individus, qu’ils
portent la même mutation ou des mutations différentes, soulignant
la variabilité de la pénétrance et la difficulté d’établir une corrélation phénotype/génotype dans cette pathologie.
Cardiomyopathie hypertrophique
● Gènes impliqués
Les gènes connus responsables de cardiomyopathies hypertrophiques familiales sont au nombre de 10 (tableau II). Cependant, la majorité des mutations identifiées à ce jour est retrouvée
dans trois d’entre eux : les gènes codant la β-MHC, la MyBPc et
la TnT. La fréquence avec laquelle ces différents gènes sont impliqués ainsi que la pénétrance et la gravité associées aux différentes
mutations ont fait l’objet de plusieurs présentations. Ainsi, dans
la population chinoise de L. Song, (Pékin, 3) a effectué une
recherche de mutations dans les gènes de la ß-MHC, de la MyBPc
et de la troponine I (TnI) sur 47 cas familiaux et 39 cas sporadiques, qui a indiqué que le gène ß-MHC est le plus fréquemment muté (15 mutations) dans la population chinoise. Cependant, les mutations les plus fréquentes sont différentes entre les
deux populations, suggérant un effet fondateur propre à chacune
d’entre elles. De la même façon, V. Regitz-Zagrosek et al. (Berlin, 94) ont étudié 120 sujets présentant une CMH, des cas sporadiques et familiaux en proportion non définie, par la recherche
de mutations pour 6 des gènes morbides connus. Ils identifient
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Tableau II. Gènes responsables de cardiomyopathies hypertrophiques.
Locus
14q11-q12
1q3
15q2
11p11.2
12q23-q24
Gène
Chaîne lourde ß de la myosine (MYH7
Troponine T cardiaque (TNNT2)
α-tropomyosine (TPM1)
Protéine C cardiaque (MyBPc3)
Chaîne légère régulatrice de la myosine
(MYL2)
3p21
Chaîne légère essentielle de la myosine
(MYL3)
19p13-q13 Troponine I cardiaque (TNNI3)
15q14
Actine cardiaque (ACTC)
2q31
Titine (TTN)
7q3
γ2-protéine kinase AMP-dépendante
(PRKAG2)
Référence
Geisterfer (1990)
Thierfelder (1994)
Thierfelder (1994)
Carrier (1995) ;
Watkins (1995)
Poetter (1996)
Kimura (1997)
Mogensen (1999)
Satoh (1999)
Gollob (2001)
des mutations dans 40 % des cas, majoritairement dans les gènes
codant la ß-MHC (17 mutations) et la MyBPc (22 mutations).
Enfin, P. Richard et al. (Paris, 2464) rapportent, dans une étude
comparable, l’identification du gène de la MyBPc comme étant
le gène principalement muté (50 % des mutations) dans des cas
exclusivement familiaux de CMH alors que les mutations de la
ß-MHC représentent 32 % des cas. Une particularité de ces deux
dernières études est l’identification de certains sujets portant deux
mutations, que ce soit dans le même gène ou dans deux gènes
différents. D’après P. Richard et al., qui retrouvent 8 % de familles
dans ce cas, la gravité du phénotype est augmentée chez ces
doubles mutants.
Dans le but d’identifier de nouveaux gènes responsables de CMD
ou de CMH par une approche gène candidat, C. Geier et al. (Berlin, 2465) ont recherché des mutations dans le gène codant la
protéine MLP (Muscle LIM Protein), dont l’invalidation chez la
souris induit une hypertrophie cardiaque et une cardiomyopathie
dilatée (S. Arber et al. Cell 1997 ; 88 : 393-403). Les auteurs ont
identifié chez quatre patients CMH, sur 200 analysés, quatre
mutations substitutives différentes et absentes de 400 témoins.
En revanche, aucune mutation n’a été retrouvée chez les 400 sujets
CMD testés. Des études fonctionnelles et familiales semblent
indispensables pour confirmer ce nouveau gène comme étant
potentiellement morbide dans la CMH.
● Études fonctionnelles
Quelques études des effets fonctionnels des mutations de la
MyBPc ont été réalisées dans le but de comprendre le ou les mécanismes conduisant de la mutation à la maladie.
Le recours aux animaux génétiquement manipulés pour ne plus
exprimer le gène, animaux MyBPc-/- ou pour n’exprimer qu’une
copie de ce gène (MyBPc-/+) permet de disposer d’un modèle
expérimental d’étude des conséquences de mutations non-sens
(produisant une protéine tronquée) du gène de la MyBPc chez
l’homme (les plus fréquentes). S.P. Harris et al. (Madison, 142)
ont présenté les premiers résultats obtenus avec ces animaux génétiquement modifiés. Les animaux MyBPc-/- présentent un phénotype d’hypertrophie concentrique marqué ainsi qu’une fonction diastolique et systolique affectée par rapport aux animaux
MyBPc-/+. L’étude ultérieure de ce modèle génétique expérimental de CMH devrait pouvoir éclairer les mécanismes de la
pathogenèse liée aux mutations du gène MyBPc.
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Par transfert de gène dans des cellules fœtales cardiaques de rats
en culture, Y. Muecke et al. (Bad Nauheim, 788) montrent que
la MyBPc tronquée de sa partie terminale (mutation non-sens)
est absente de la cellule, alors que l’expérience équivalente avec
le gène non muté permet d’identifier la protéine dans les cellules.
La mutation testée par Y. Muecke et al. semble donc agir par un
mécanisme du type haplo-insuffisance (le phénotype résulte d’un
déficit quantitatif en protéine du à l’inactivation du produit d’une
des deux copies du gène) plutôt que selon un mécanisme du type
“protéine-poison”, dans lequel la protéine tronquée présente dans
la cellule induit le phénotype par elle-même. N. Vigner et al.
(Paris, 5) présentent des résultats qui vont également dans ce sens
par l’étude de biopsies cardiaques de deux patients CMH portant
des mutations non-sens, la protéine tronquée ne pouvant pas être
mise en évidence dans ces tissus.
Syndrome de Wolff-Parkinson-White
Cette année, un gène responsable du syndrome de Wolff-Parkinson-White associé à une CMH a été identifié par M. Gollob et
al. (N Engl J Med 2001 ; 344 : 1823-31) comme étant le gène
PRKAG2 codant la sous-unité γ2 de l’AMPK (AMP-activated
protein kinase) au locus chromosomique 7q3. Il s’agit d’un nouveau gène qui n’avait jamais été associé à la CMH et qui est impliqué dans diverses phosphorylations cellulaires en relation avec
le métabolisme énergétique de la cellule. E. Blair et al. (Oxford,
97), partant de l’observation que 30 % des cas familiaux de CMH
ne sont pas la conséquence de mutations des protéines connues
du sarcomère, aboutissent au même résultat après avoir formulé
l’hypothèse qu’une altération du métabolisme énergétique de la
cellule cardiaque constitue une des causes majeures de la CMH.
Ils identifient ainsi deux nouvelles mutations de ce gène dans
deux familles différentes, une insertion d’une leucine (Leu110)
et une substitution His142Arg, à l’origine de la maladie. M. Arad
et al. (Boston, 96) confirment également l’importance de ce gène
dans le syndrome de Wolff-Parkinson-White. Les auteurs identifient des mutations du gène PRKAG2 (Arg302Gln ; Asn488Ile ;
Thr400Asn) pour six familles WPW sur 16 étudiées, toutes présentant des troubles de conduction et cinq d’entre elles une CMH,
et en concluent à l’association préférentielle des phénotypes dans
les cas de mutation de ce gène.
FACTEURS DE PRÉDISPOSITION AUX CARDIOMYOPATHIES
Les cardiomyopathies sont des affections multifactorielles ayant
pour origine des facteurs à la fois génétiques et environnementaux. Il existe également des gènes de prédisposition ou des gènes
dits modificateurs, en ce sens qu’ils influencent le phénotype et
la pénétrance de la maladie.
Pour illustrer cela, lors de la Memorial Lecture, en session d’ouverture du congrès, R.S. Sanders a présenté une diapositive dont
la figure 1 est largement inspirée et qui schématise à la fois l’interaction gène-environnement et la notion de pénétrance incomplète généralement observée dans les cardiomyopathies.
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Génotype
Phénotype
Envt 1
malade
Envt 2
sain
Gène Amuté
Figure 1. Influence de l’environnement (Envt) sur la pénétrance d’une
mutation morbide (Gène Amuté).
Génotype
Phénotype
Gène B
malade
Gène b
sain
Gène Amuté
Figure 2. Influence d’un gène modificateur (Gène B/b) sur la pénétrance
d’une mutation morbide (Gène Amuté).
Un excellent exemple d’interaction gène-environnement a été présenté par D. Diong et al. (La Jolla, 395). Les auteurs ont étudié
la CMD familiale liée au chromosome X due à des mutations du
gène de la dystrophine et son interaction avec une cause de CMD
acquise, l’infection cardiaque par le virus de Coxsackie B (CVB).
Ils montrent que des souris déficientes en dystrophine (souris mdx)
et sensibles à l’infection par le CVB (souris CVBs) sont nettement
plus sensibles à l’infection que des souris CVBs possédant le gène
intact de la dystrophine. Ces résultats suggèrent que l’infection
par le CVB est favorisée par l’altération de la structure de la membrane cellulaire des cardiomyocytes en l’absence de dystrophine,
conduisant à un cycle infectieux facilité du CVB, et soulignent
l’importance que peuvent avoir les facteurs environnementaux
dans la pathogenèse des cardiomyopathies héréditaires.
Cependant, une pénétrance incomplète peut également être le
résultat de l’effet d’autres gènes que le gène morbide, tels que
des gènes modificateurs (figure 2). Allant dans ce sens, C. Seidman a présenté, lors d’une session intitulée “Familial cardiomyopathy :Why does penetrance vary ?”, un travail démontrant
l’existence de gènes modificateurs du phénotype dans un modèle
murin de CMH. Des souris hétérozygotes pour l’équivalent murin
de la mutation dominante Arg403Gln de la ß-MHC humaine (souris αMHC403/+) sont croisées avec une autre lignée de façon à pouvoir comparer l’influence du fonds génétique propre à chacune
des lignées en interaction avec la mutation morbide Arg403Gln.
Les résultats indiquent que les souris αMHC403/+ sur l’un des fonds
génétiques présentent toutes une hypertrophie ventriculaire, alors
que seulement 50 % des animaux du second groupe, possédant
le second fonds génétique, sont hypertrophiés. Ces résultats montrent que la pénétrance d’une mutation dominante morbide responsable d’une CMH est dépendante de gène(s) modificateur(s),
et suggèrent que des mécanismes semblables existent chez
l’homme.
■
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