Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Les avocats pourront-il faire de la publicité à la radio et à la télévision ? le 16 novembre 2015 AVOCAT | Communication Le Conseil d’État a annulé l’interdiction faite aux avocats de diffuser de la publicité par voie de tracts, affiches, films, radio ou télévision. Les textos et l’utilisation d’un nom de domaine générique restent interdits. CE 9 nov. 2015, req. n° 386296 CE 9 nov. 2015, req. n° 384728 Les règles relatives à la communication des avocats, qui avaient déjà fait l’objet de plusieurs QPC, toutes rejetées, ont été contestées devant le juge administratif dans deux procédures distinctes. La première portait sur le décret du 28 octobre 2014 relatif aux modes de communication entre avocats, dont l’annulation pour excès de pouvoir était demandée et sur la compatibilité de la réglementation en matière de communication avec le droit de l’Union européenne. Dans une seconde procédure, l’abrogation des dispositions du règlement intérieur de la profession d’avocat (RIN) relatives aux noms de domaines et aux adresses de messagerie avait été demandée. L’interdiction de la publicité comparative ou dénigrante est justifiée Le requérant estimait que les règles relatives à la communication des avocats étaient contraires aux dispositions de l’article 24 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur. Selon le Conseil d’État, même si ces dispositions imposent que les règles concernant les communications commerciales faites par les professions réglementées ne soient pas discriminatoires, les États membres peuvent prévoir des restrictions tenant au contenu ou aux modalités de ces communications commerciales. Ces restrictions doivent toutefois être justifiées et proportionnées. Ce constat posé, le Conseil d’État a jugé que la restriction faite par les dispositions du 1er alinéa de l’article 15 du décret du 12 juillet 2005, qui interdit d’intégrer des éléments comparatifs ou dénigrants à l’occasion d’une publicité est justifiée par la nécessité d’assurer le respect des règles professionnelles qui garantissent l’indépendance, la dignité et l’intégrité de la profession d’avocat. Pas de publicité par « minimessages » Le Conseil d’État s’est également prononcé sur la compatibilité, avec les dispositions de la directive, de l’alinéa 3 de l’article 15 du décret du 12 juillet 2005, qui prohibe le recours à la sollicitation personnalisée au moyen de « messages textuels » reçus sur des téléphones portables. Selon la haute juridiction administrative, le « caractère intrusif » de ces « minimessages » s’apparente au démarchage téléphonique. Par ailleurs, le format court ne permet pas de respecter les obligations d’information posées par le RIN. Les dispositions réglementaires précitées ne sont donc pas, contrairement à ce que soutient le requérant, incompatibles avec les dispositions de la directive européenne précitée. Publicité par des moyens audiovisuels : des restrictions non justifiées Les juges administratifs ont cependant constaté que les dispositions du décret du 12 juillet 2005 renvoyaient à l’article 2 du décret du 25 août 1972, lequel encadre le contenu des communications commerciales et interdit la publicité par voie de tracts, affiches, films cinématographiques, émissions radiophoniques ou télévisées. Or, aucune raison d’intérêt général n’est invoquée pour justifier cette interdiction, formulée en caractère généraux. Le Conseil d’État estime que ces dispositions sont contraires à l’article 4 de la directive du 12 décembre 2006. Les dispositions du Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) décret de 2005, qui renvoient au décret du 25 août 1972, sont annulées en ce qu’elles n’excluent pas l’article 2 de ce texte. Le Conseil d’État avait déjà jugé que cette interdiction générale faite aux avocats de faire de la publicité par des moyens audiovisuels étaiel illégale (v. Dalloz actualité, 19 déc. 2013, obs. A. Portmann ). La persistance de la référence à l’article 2 du décret du 25 août 1975, qui figurait dans le décret de 2005, résultait manifestement d’une erreur. Dominique Piau, qui préside la commission « Règles et usages » du CNB, a indiqué que la difficulté avait été signalée à la Direction des affaires civiles et du sceau de la Chancellerie. « Ce n’est pas une surprise, c’est même une décision logique et attendue », a déclaré l’avocat parisien. Il a précisé que cette évolution avait déjà été prise par le RIN, dans la mesure où il n’est plus fait référence au supports de publicité utilisés, mais « pose les limites applicables a toutes publicités en posant des prohibitions - publicité mensongère ou trompeuse, comparative ou dénigrante, de nature à induire en erreur - ainsi que le nécessaire respect des principes essentiels à l’aune desquels s’appréciera la conformité de toute publicité ce compris audiovisuelle et notamment des principes de dignité, de délicatesse et de modération ». Noms de domaine et adresse de courrier : pas de remise en cause des dispositions du RIN À l’occasion d’une seconde instance, un avocat sollicitait également l’abrogation des alinéas 2 et 3 de l’article 10.6 du RIN qui interdisaient aux avocats d’utiliser pour leur site internet et leur adresse courriel des noms de domaines évoquant de façon générique le titre d’avocat ou un titre pouvant prêter à confusion, un domaine du droit ou une activité relevant de celles de l’avocat. Ces dispositions, qui ont été transférées à l’article 10.5 du RIN, qui n’ont pas fait l’objet d’un recours, imposent aux avocats de choisir un nom de domaine correspondant à leur nom ou à leur dénomination, éventuellement complété de l’intitulé de leur profession. Le requérant soutenait, comme dans l’autre instance, que ces restrictions étaient contraires à la directive du 12 décembre 2006. Mais les magistrats ont répondu que les règles encadrant la dénomination des sites internet des membres des professions réglementées ne constituaient pas une communication commerciale au sens de la directive et ne relevaient pas du champ d’application de celle-ci. Par ailleurs, cette restriction, qui assure le respect des exigences déontologiques de la profession ne portent pas d’atteinte disproportionnée au droit de propriété, à la liberté de communication ou à la liberté d’entreprendre. La requête a été rejetée. Le CNB a prévu d’éditer, début 2016, un vademecum de la communication qui précisera le cadre des dispositions issues de la réforme de 2014. par Anne Portmann Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017