Rôle de la femme juive dans la famille

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Rôle de la femme juive dans la famille
« La passion t’attirera vers ton époux, et lui te dominera » dit Dieu à la femme après le péché (Gn
3, 16).
Évidemment tous les couples n’ont pas respecté cette mise en garde divine.
Ce qui est sûr, c’est qu’Adam et Ève se sont trouvés automatiquement mariés et ont eu des
enfants, obéissant à un autre ordre du Seigneur : « Croissez et multipliez. »
La famille était née.
Cela concernait toute l’humanité, mais aucun autre peuple n’a autant pris cette injonction divine
au sérieux que les Juifs.
L’essentiel n’était pas le nombre d’enfants – souvent un seul suffisait pour fonder une famille mais
de s’assurer que pas un seul geste n’échappe à la surveillance des cousins, tantes, oncles, grandsparents... etc…
En contrepartie, on devait pouvoir compter sur la compassion de la parentèle manifestée en
grande partie par des paroles de catastrophes, parfois malveillantes, échangées discrètement.
L’essentiel de ce qui distingue la famille juive de toutes les autres est dans l’excès que les parents
déversent sur la tête innocente de leurs enfants, qui n’en demandent pas tant. Les enfants savent
qu’ils doivent rendre la pareille non seulement en amour mais aussi en réussite, scolaire d’abord,
professionnelle ensuite. Sans parler d’une vie privée qui ne doit pas les satisfaire eux-mêmes, mais
satisfaire ces parents qui se sont sacrifiés pour eux à chaque moment de leur existence, ce qu’ils
rappellent constamment.
Quel est le premier devoir de tout enfant juif qui veut faire plaisir à sa maman ?
Manger bien sûr.
Quelle est la différence entre une mère juive et une mère italienne ?
« Mange, mange, dit la mère italienne, sinon je TE tue.
Mange, mange, dit la mère juive, sinon je ME tue. »
La mère juive est le personnage le plus connu de l’humour juif, et ce pour son intransigeance, sa
tendresse et sa férocité à la fois, sa capacité à étouffer les autres.
Ah, la yiddish mamé…
On la traite d’obsédée si elle recherche la propreté.
D’autoritaire si elle veut être obéie.
D’inquisitrice si elle s’inquiète des activités et des relations de ses enfants.
De tyrannique si elle fronce les sourcils.
Aura-t-elle donc toujours tort cette mère juive qui se donne tant de mal ?
Nous étudierons la tentative de mise à l’écart de la femme juive dans la pratique religieuse.
Puis le mariage, la maternité et son rôle prédominant dans la transmission de la religion et enfin le
divorce.
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I- La place de la femme juive dans la religion :
Dans la tradition juive, les hommes récitent tous les matins : « Béni sois-tu de ne pas m’avoir fait
femme ».
La femme est-elle méprisée ou reléguée ?
Ce n’est qu’une apparence, car la satisfaction de l’homme n’est pas dans les avantages de la vie,
mais dans les charges que la religion lui impose, et dont la femme est dispensée : la femme juive
n’a pas l’obligation de prier tous les matins, de connaître la loi juive à fond, d’assurer le culte
public, et surtout de défendre la société.
Et ces affirmations proviennent des traditionalistes.
On trouve un exemple traditionnel d’une telle argumentation sous la plume du Grand Rabbin
Gugenheim (1916-1977) lorsqu’il écrit qu’à travers cette bénédiction, « l’homme exprime sa
gratitude d’être soumis à toutes les mitsvot (commandements), alors que les femmes sont
exemptées de certaines d’entre elles. »
L’homme se félicite donc chaque matin des commandements religieux qui lui incombent en tant
qu’homme, dont la femme est exemptée, comme le port des phylactères ou du châle de prière.
Le rabbin Gugenheim indique que « la femme n’en a pas réellement besoin. » Elle porte
« biologiquement, au plus profond de son être, une disponibilité à la sanctification. » Elle est
« dispensée de ces commandements, non pas parce qu’elle n’en serait pas digne, » mais « parce
qu’elle a une connaissance plus intuitive, plus directe de la divinité. »
Voici un renversement radical de l’interprétation première du texte, puisque cette analyse
exprime le caractère supérieur de l’essence féminine.
Les libéraux quant à eux ont supprimé cette phrase : « Béni sois-tu de ne pas m’avoir fait femme »
depuis longtemps des livres de prière.
L’historien israélien Élie Barnavi a dit : « les textes sacrés sont des auberges espagnoles où l’on
peut trouver ce qu’on veut. »
Le principal, c’est de savoir avec quelle intention on les lit.
L’interprétation des textes a toujours été au cœur du judaïsme, ce qui rend la religion vivante.
Madame le rabbin Delphine Horvilleur, affirme que : « la religion se doit d’être vivante, qu’elle a
quelque chose à nous enseigner à condition d’être toujours dans le dialogue avec le temps dans
lequel on vit, et les valeurs qui sont les nôtres.
Nous sommes donc les héritiers d’interprétations passées, et à la fois, nous avons la responsabilité
d’apporter un renouveau de sens. »
« Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, masculin et féminin il les créa » (Gn
1, 27).
Le pape Benoît XVI et le grand Rabbin Bernheim rappellent que c’est la différence sexuée de
l’homme et de la femme qui constitue le fondement de la rencontre avec autrui, l’altérité sacrée
en socle de la transmission, et il est démontré ainsi la complémentarité ontologique des deux
sexes.
Les Proverbes dépeignent la femme comme une « biche d’amour, et une gazelle pleine de
tendresse ».
Elle est aussi la bien-aimée décrite avec éloquence dans le Cantique des Cantiques, où la femme
apparaît comme un symbole, comme allégorie.
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Elle apparaît aussi comme l’assise fondamentale de la famille – C’est sur elle que tout repose.
Elle se retrouve tout au long de la Bible, depuis Ève jusqu’à Esther.
Les hommes, eux, agissent à visage découvert, mais derrière leurs actes se cachent des femmes
intervenant en secret, qui dominent, déterminent la face des événements, sans être vraiment des
personnages publics.
« La femme qui craint Dieu est elle seule digne de louanges. »
II- Le mariage
Le mariage constitue la finalité de la création divine.
Il est dit dans le talmud que depuis que le monde est achevé, Dieu consacre son temps à former
des couples.
Dans la Bible, l’amour conjugal incarne la perfection sacrée, et il sert de métaphore à l’union entre
Dieu et son peuple, entre Israël et la Torah.
L’institution du mariage prend de plus en plus en compte les droits des femmes : on est passé du
droit des femmes-esclaves dans le livre de l’Exode, où le régime matrimonial leur assurait la
nourriture, l’amour et le couvert, à quinze siècles plus tard où la ketouba – le contrat de mariage –
garantit la sécurité aux femmes, en donnant des obligations au mari : pourvoir à la subsistance de
sa femme, la vêtir, la loger, la soigner, prévoir sa vie après lui…
La femme juive a un privilège remarquable : c’est elle qui assure la transmission de la religion.
Le judaïsme orthodoxe affirme qu’un Juif est l’enfant d’une mère juive.
Le judaïsme est donc « matrilinéaire », c’est-à-dire qu’il est transmis par une lignée maternelle.
On chante ainsi les louanges du féminin dans la tradition juive : les femmes définissent l’identité
de la descendance.
« Mater certa – pater incertus » proverbe latin qui indique que la paternité serait toujours
incertaine, contrairement à la maternité qui crée un lien indubitable entre la mère et l’enfant.
La mère est l’être le plus personnel que nous possédions, c’est un lien inaltérable, et c’est la
première résidence avec un bail exclusif de 9 mois !!!
III- Le divorce religieux, le guett
Lorsqu’un homme épouse une femme, et qu’ils décident de divorcer, les textes sacrés énoncent
que l’homme devra délivrer à la femme un acte de divorce, le guett.
À l’époque de la Torah, un mari avait la possibilité de divorcer de façon unilatérale, mais
aujourd’hui ce n’est plus possible : il y a une égalité totale entre les époux.
Cependant, le mari peut refuser de donner le guett après le divorce civil.
Une jurisprudence est aujourd’hui bien établie par la Cour de Cassation : le refus du mari de
délivrer le guett constitue un abus de droit qui peut être sanctionné par les tribunaux par le
versement d’indemnités pour préjudice moral.
Les Juifs libéraux considèrent que le contrat de mariage est devenu totalement réciproque par
l’engagement de chacun vis-à-vis de l’autre, et que le refus du guett est devenu impossible dans le
monde libéral, mais que ce problème est spécifique à l’orthodoxie.
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Madame le Rabbin Horvilleur a raison de souligner le caractère vivant de la religion juive, et son
adaptation constante à nos valeurs actuelles et à notre mode de vie.
Tradition et modernité sont donc les piliers de la religion, la tradition permettant de conserver les
valeurs universelles de notre croyance, et la modernité permettant une adaptation nécessaires à
sa survie.
En conclusion, je reprends un paragraphe de Charles Samuel COHEN, qui fut un membre assidu de
l’AJC, paragraphe écrit dans son analyse de « La femme et la prière dans le judaïsme ».
« Dans la préface de son livre sur le Talmud, A. Cohen, docteur en philosophie de l’Université de
Londres et Rabbin de la Synagogue de Birmingham, écrit :
« Pendant les deux mille ans qui nous précèdent, l’influence que les rabbins ont exercé sur le
judaïsme a été décisive. Au cours de plus de quarante générations, d’innombrables multitudes
d’hommes et de femmes ont trouvé en eux des inspirateurs dont l’enseignement fit ses preuves
pour éclairer l’intelligence et féconder toute la vie spirituelle. Ils ne méritent donc, aucunement, de
se voir écarter à la légère ou dédaigneusement ignorer.
Toutefois, il importe à ce propos de faire entendre un avertissement.
On s’égarerait si on les appréciait d’après le critère des normes modernes. Il faut les adapter au
temps qui les a vus vivre. Leurs thèses fondamentales doivent être comprises et leurs buts
appréciés avant de pouvoir soumettre le système de leur pensée à une estimation équitable… »
C’est la question cruciale qui se pose aujourd’hui.
Le respect inconditionnel des règles telles qu’elles ont été précisées par des générations de
rabbins ont-elles assuré la survie du judaïsme en dépit de toutes les persécutions que son peuple a
subies ?
D’une manière générale on répond à cette question par l’affirmative.
OUI ! le judaïsme a survécu grâce aux règles inflexibles dictées par les rabbins, aussi bien pendant
l’exil à Babylone que pendant les époques postérieures du retour à Jérusalem, malgré les
Assyriens, les Grecs et les Romains, pendant tout le Moyen-Âge malgré l’Inquisition chrétienne,
pendant toutes les périodes plus récentes : malgré l’antisémitisme et malgré la Shoah.
Mais cette survivance a été payée d’un prix très lourd.
Le peuple juif s’est trouvé très sévèrement amputé, par les exterminations, les conversions forcées
ou volontaires à d’autres religions, les mariages mixtes non acceptés en raison notamment de la
matrilinéarité, l’extrême difficulté des conversions au judaïsme…
Combien compte-t-on, aujourd’hui dans le monde, de juifs qui se reconnaissent comme tels ?
Une poignée ! Douze millions à peine ! ou peut-être un peu plus !1
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Selon les estimations de 2015 les juifs sont a entre 14 et 16 millions, cf.
http://www.lefigaro.fr/international/2015/07/01/01003-20150701ARTFIG00138-la-population-juiveretrouve-un-niveau-proche-de-celui-avant-l-holocauste.php
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À côté d’un milliard de chrétiens2, d’un milliard et demi de musulmans !
Avec la multiplication des mariages mixtes, le développement actuel de l’antisémitisme, les
obstacles rencontrés par ceux qui veulent se convertir au judaïsme, certains ont été conduits à
affirmer que la fin du judaïsme n’était plus très éloignée.
Alors ne serait-il pas temps de se montrer plus ouvert, de s’adapter à notre époque ainsi que l’ont
fait nos ancêtres quand cela s’avéra nécessaire ?
Sans rien renier de ce qui est fondamental !
Aragon a affirmé que la femme était l’avenir de l’homme.
N’est-elle pas aussi l’avenir du judaïsme, pourvu que celui-ci lui donne sa véritable place ? »
Deux histoires extraites de « la Bible de l’humour juif » de Marc Alain Ouaknin
Par une calme soirée d’hiver, une mère juive attentionnée et son fils d’une quarantaine d’années
devisent dans leur salon.
- Man fils, dis-moi, je voudrais te poser une question.
- Bien sûr, m’man.
- Man fils, si un jour tu rencontres une jeune fille, si elle te plaît et que tu l’épouses, tu continueras
à venir me voir ?
- Bien sûr m’man !
- Et si ta femme, elle ne m’aime pas, est-ce que tu continueras à venir me voir ?
- Bien sûr m’man…
- Et si ta femme, elle t’interdit de me rendre visite, tu continueras quand même à venir me voir ?
- Mais oui, m’man…
- Et si ta femme, elle veut me faire du mal, parce qu’elle est jalouse de moi, tu continueras à venir
me voir ?
- Oui, m’man…
- Man fils, je peux te poser encore une dernière question ?
- Bien sûr, m ‘man…
- Pourquoi veux-tu épouser une fille qui, sans même me connaître, me déteste déjà autant,
pourquoi ? Pourquoi ?
Un garçon est parti en Afrique parachever une enquête pour son doctorat d’anthropologie. Avant
de rentrer chez lui, il téléphone à sa mère.
- Ah ! Mon fils, comment vas-tu ? Comment ça va ? Tu vas bien ? Pourquoi tu m’appelles pas ?
- Ça va, maman. Je vais rentrer.
- D’accord, mon fils, bienvenue à la maison. Quand ça ?
- Maman, je me suis marié.
- Mazal tov, mon fils, j’en suis très heureuse ! Tu aurais pu me prévenir, je serais venue
t’embrasser, je t’aurais fait une fête, un mariage, c’est important quand même !
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Selon les estimations de 2013 les chrétiens sont environ 2, 355 milliards et les musulmans environ 1, 6
milliards cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Religion
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- Elle est noire, maman.
- Et alors, elle est noire ? On n’est pas raciste, nous, il ne manquerait plus que ça ! Bienvenue à ta
femme ! tu l’as choisie, c’est l’essentiel.
- Maman, elle a quatre enfants.
- C’est super, quatre enfants, c’est la vie, les enfants, ça veut dire qu’elle est féconde, tu auras des
garçons, mon fils, qui porteront ton nom ! Alors quand tu viens ?
- La semaine prochaine. On ira à l’hôtel pour ne pas vous déranger.
- Comment ! Me déranger ! On n’a pas une maison pour t’accueillir ? Toi et ta femme dans notre
lit, papa sur le canapé du salon, les enfants dans la chambre de ton frère qui est parti en vacances.
- Mais maman, et toi ? Tu as trouvé de la place pour tout le monde, sauf pour toi.
- Moi, mon fils ? Je raccroche et je meurs !
Colette Amselem – Mimran
24 mai 2016
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