Cas cliniqueC Christine Do Cao, Fanny Mouton* Cas clinique n° 1 Mme T. est âgée de 50 ans. Adressée par le service d’hématologie au service d’endocrinologie, elle se présente en raison de la découverte d’une fixation thyroïdienne focalisée sur le lobe G en TEP-FDG (images 1 et 2). Il a été diagnostiqué huit mois auparavant un lymphome non hodgkinien diffus à petites cellules qui a été traité par combinaison rituximab et chimiothérapie du type CHOP. Une rémission complète a été constatée, mais l’hématologue est intrigué par cette fixation thyroïdienne isolée sur le bilan d’évaluation de fin de traitement. Mme T. n’a pas d’antécédents thyroïdiens familiaux ou personnels. La palpation cervicale est rigoureusement normale. La glande thyroïde paraît de consistance homogène et de volume normal. L’échographie thyroïdienne montre la présence d’un nodule unique de 6 mm du lobe G hypoéchogène, de contours réguliers, peu vascularisé. Le balayage de la sonde d’échographie le long des axes jugulo-carotidiens D et G ne relève pas d’adénopathies suspectes. La topographie du foyer de fixation scintigraphique peut correspondre au nodule thyroïdien identifié en échographie. Le dosage de TSH est normal à 2,5 mUI/l (N : 0,4-3,6). La recherche des anticorps antithyroperoxydase et antithyroglobuline est demandée dans ce contexte de maladie lymphomateuse : anticorps antithyroperoxydase < 60 U/ml et anticorps antithyroglobuline < 2,2 U/ml. Une ponction du nodule pour analyse cytologique est réalisée sous contrôle échographique : le geste est délicat de par la proximité immédiate de l’artère carotide. À l’examen microscopique des lames d’étalement cellulaire, on note la présence de rares amas de cellules épithéliales présentant quelques irrégularités cytonucléaires, les noyaux étant légèrement anguleux et parfois rainurés. Il n’est pas observé d’inclusion intranucléaire. Une thyroïdectomie totale avec curage ganglionnaire du compartiment central et une adénectomie jugulo-carotidienne G est effectuée. Les suites de l’intervention sont simples. L’analyse anatomopathologique montre que le nodule G correspond à un foyer de carcinome papillaire de 5 mm de forme vésiculaire. Il s’agit d’un foyer tumoral unique. Il n’y a pas de métastases ganglionnaires. Le traitement complémentaire par iode 131 n’est pas retenu en raison de la petite taille de la lésion et de son caractère unifocal. * Clinique Marc-Linquette, service d’endocrinologie et diabétologie, CHRU de Lille. as clinique Nodules thyroïdiens fixant en TEP-FDG Image 1. Image 2. Cas clinique n° 2 Mme G., 62 ans, est suivie depuis plusieurs années pour un petit goitre dystrophique prédominant à D, révélé par une hématocèle lobaire D de 3 cm. Deux ponctions ont déjà été effectuées sur le nodule dominant responsable de la symptomatologie cervicale. La première, réalisée deux semaines après l’apparition de la tuméfaction cervicale D, a permis d’évacuer 4 ml de liquide brunâtre. Après centrifugation, la lecture cytologique évoque un aspect d’hématocèle thyroïdienne devant un culot comportant des éléments figurés du sang, macrophages et polynucléaires, ainsi que des cellules lysées. La seconde ponction est pratiquée après 6 mois de traitement par lévothyroxine sous contrôle échographique pour obtenir un prélèvement sur la portion solide du nodule. Le prélèvement comporte Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), n° 6, novembre-décembre 2008 219 Cas clinique Cas clinique 220 suffisamment d’amas cellulaires pour être interprété : les cellules épithéliales thyroïdiennes présentent des noyaux arrondis, réguliers, dépourvus d’atypies. On note des dépôts colloïdes. En raison d’une progression nodulaire s’accompagnant d’une gêne cervicale qui s’accentue en dépit du traitement frénateur, une prise en charge chirurgicale thyroïdienne est décidée. La date de l’intervention est programmée, puis annulée par la patiente qui est perdue de vue. Elle revient en consultation trois ans plus tard et explique qu’elle s’est soustraite à la chirurgie thyroïdienne en raison de la découverte d’un cancer du sein qui a nécessité une prise en charge oncologique lourde. En effet, une chimiothérapie néo-adjuvante à base d’anthracyclines et de docétaxel ainsi qu’une irradiation externe ont été réalisées, encadrant la tumorectomie mammaire et le curage axillaire. À l’issue de ces traitements, une évaluation morphologique et scintigraphique complète a mis en évidence un foyer de captation du FDG en TEP au niveau du lobe D de la thyroïde (images 3 et 4), ce qui justifie cette nouvelle consultation. À l’examen clinique, on palpe une hypertrophie thyroïdienne lobaire D très nette. Le nodule lobaire D mesure cliniquement 4 cm et paraît ferme et sensible. Les aires ganglionnaires jugulo-carotidiennes D et G sont libres. Le médecin traitant a prescrit des nouveaux examens thyroïdiens : TSHus : 2,7 mUI/l, calcitonine < 3 pg/ml, échographie thyroïdienne : lobe droit mesurant 60 x 34 x 31 mm, lobe G mesurant 52 x 28 x 23 ; échostructure hétérogène des deux lobes, nodule dominant lobaire D ovalaire de 37 x 31 x 25, isoéchogène, de contours réguliers, halo vasculaire périphérique. Une ponction clinique du nodule dominant D est effectuée au cours de la consultation et montre un profil cytologique rassurant : pas d’anomalies cyto-nucléaires, ni d’aspect hypercellulaire, et, par conséquent, pas d’argument pour une métastase du cancer du sein. Une thyroïdectomie totale est donc pratiquée. L’analyse histologique de la pièce de thyroïdectomie qui a été incluse en totalité montre que le nodule lobaire D correspond à un volumineux nodule colloïde bénin. Au sein du lobe G, on identifie un foyer de microcarcinome papillaire à forme vésiculaire de 7 mm, méconnu par l’échographie et la TEP-FDG. Il n’est pas retenu d’indication pour une totalisation isotopique par l’iode 131. Un traitement hormonal substitutif par lévothyroxine ciblant une valeur de TSH à 1-2 mUI/l est proposé avec une surveillance clinique. Image 3. Image 4. Discussion Ces deux observations illustrent le problème des incidentalomes thyroïdiens en TEP-FDG. Dans le premier cas clinique, un diagnostic cytologique est indispensable pour éliminer une localisation thyroïdienne du lymphome. Il s’agit d’un cas particulier où une ponction pour analyse cytologique est demandée sur un nodule infracentimétrique. L’examen est confié à un radiologue entraîné aux ponctions échoguidées. Les caractéristiques échographiques du nodule sont rassurantes, car le critère “hypoéchogène” n’est pas ici en soi inquiétant étant donné que les petits nodules dystrophiques sont très souvent peu échogènes. L’aspect cytologique évoque la malignité par carcinome papillaire en raison des anomalies nucléaires typiques. Le foyer de captation du FDG correspond bien au microcarcinome papillaire, qui mesure seulement 5 mm à l’étude histopathologique finale. Dans le deuxième cas clinique, plusieurs ponctions ont été réalisées sur le nodule fixant, mais sans argument de malignité cytologique. Le résultat permet tout de même d’écarter une métastase thyroïdienne du cancer du sein. Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XII), n° 6, novembre-décembre 2008 Cas cliniqueC Hashimoto mais n’exclut pas qu’une lésion maligne de type papillaire puisse coexister. Ces circonstances sont néanmoins très rares (5, 6). En cas de fixation focalisée sur un nodule, la plupart des études ne retrouvent pas de seuil de SUV discriminant pour départager les nodules malins des bénins, même si la question n’est pas encore tranchée (1, 6, 7). Les publications sur la prévalence des cancers thyroïdiens en cas d’incidentalome thyroïdien en TEP-FDG sont encore peu nombreuses et correspondent à des séries rétrospectives qui concernent une population sélectionnée soumise à une surveillance oncologique. Certains auteurs se sont intéressés à la proportion des microcarcinomes papillaires découverts incidemment et ne correspondant pas au foyer de captation du FDG. Dans un travail qui a pris en compte 15 711 examens TEP, le risque de malignité propre du nodule fixant (14 %) était plus faible que celui qui a été rapporté auparavant, tandis que le risque de malignité globale (32 %) se maintenait en raison des cas de diagnostic fortuit de microcarcinome papillaire sur la pièce de thyroïdectomie (3). ■ as clinique L’histoire clinique et l’aspect échographique sont ceux d’une dystrophie thyroïdienne banale. L’indication de thyroïdectomie a cependant été retenue en raison de la notion de progression nodulaire, du risque statistiquement augmenté de malignité en cas de fixation en TEP-FDG, et de la crainte de méconnaître par la seule analyse cytologique un carcinome folliculaire sur un nodule déjà volumineux. Finalement, le nodule captant le FDG est bénin. Le résultat histologique nous met dans une situation de diagnostic de microcarcinome papillaire occulte. À l’inverse du cas précédent, le foyer néoplasique de 7 mm ne capte pas le FDG alors que le nodule colloïde du lobe D fixait intensément ce traceur. Des nodules thyroïdiens sont présents chez la moitié des patients âgés de plus de 60 ans à l’examen échographique ou à l’étude histologique de leur thyroïde. L’examen en TEP-FDG n’est pas indiqué dans le bilan de malignité des nodules thyroïdiens mais peut s’avérer utile pour le suivi de certains patients porteurs de cancers thyroïdiens non guéris, en dédifférenciation tumorale (1). Dans 2 à 4 % des cas, une TEP-FDG réalisée dans le cadre de la surveillance ou du bilan d’extension d’un cancer non thyroïdien (mélanome, lymphome ; cancer du poumon, cancer du sein, etc.) peut mettre en évidence une hyperfixation thyroïdienne (2). Selon les données de la littérature de 2005 à 2007, les nodules thyroïdiens fixant en TEP sont malins dans environ 30 à 50 % des cas et doivent justifier d’une exploration cytologique. Le cancer papillaire demeure la principale cause de malignité (3). Cependant, les métastases thyroïdiennes de cancers solides ou des localisations thyroïdiennes de lymphome ne sont pas exceptionnelles lorsque le néoplasme primitif a atteint un stade évolué (4). L’interprétation de la fixation du FDG a été facilitée par la possibilité de coupler les images en TEP et en tomodensitométrie et par le calcul du SUV, coefficient qui permet de quantifier la captation du FDG par le tissu tumoral par rapport au tissu sain (2). Le FDG peut être capté par le parenchyme thyroïdien de manière diffuse ou focalisée. Le caractère diffus de la fixation du FDG évoque plutôt une situation bénigne telle qu’une thyroïdite de Références bibliographiques 1. Al-Nahhas A, Khan S, Gogbashian A, Banti E, Rampin L, Rubello D. Review. 18F-FDG PET in the diagnosis and follow-up of thyroid malignancy. In Vivo 2008;22(1):109-14. 2. Choi JY, Lee KS, Kim HJ et al. Focal thyroid lesions incidentally identified by integrated 18F-FDG PET/CT: clinical significance and improved characterization. J Nucl Med 2006;47(4):609-15. 3. King DL, Stack BC, Spring PM, Walker R, Bodenner DL. Incidence of thyroid carcinoma in fluorodeoxyglucose positron emission tomography-positive thyroid incidentalomas. Otolaryngol Head Neck Surg 2007;137(3):400-4. 4. Jackson RT, Sinha P, Conrad GR. Demonstration of thyroidal metastasis from lung cancer by F-18 FDG PET scan. Clin Nucl Med 2008;33(7):505-6. 5. Kurata S, Ishibashi M, Hiromatsu Y et al. Diffuse and diffuse-plus-focal uptake in the thyroid gland identified by using FDG-PET: prevalence of thyroid cancer and Hashimoto’s thyroiditis. Ann Nucl Med 2007;21(6):325-30. 6. Kim TY, Kim WB, Ryu JS, Gong G, Hong SJ, Shong YK. 18F-fluorodeoxyglucose uptake in thyroid from positron emission tomogram (PET) for evaluation in cancer patients: high prevalence of malignancy in thyroid PET incidentaloma. 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