Marketing interne : Objectifs de communication et liens avec l’implication organisationnelle, le point de vue des cadres Charlotte RANCHOUX Doctorante Contractuelle Chargée d’Enseignement Centre de Recherche en Management (EAC – CNRS) – Département Marketing IAE – Université Toulouse 1 Capitole [email protected] * L’auteur remercie le Professeur Jean-Marc Décaudin pour son aide et sa contribution à cette recherche. Marketing interne : Objectifs de communication et liens avec l’implication organisationnelle, le point de vue des cadres Résumé : Cette recherche s’inscrit dans le cadre du marketing interne. Elle propose (1) de repérer les objectifs principaux de la communication interne et (2) d’étudier les liens existants entre communication interne et implication organisationnelle. A cette fin, une étude qualitative a été réalisée auprès de dix cadres, invités à s’exprimer sur les outils utilisés en interne dans leur entreprise. Les résultats montrent que les objectifs de la communication interne sont avant tout managériaux, humanistes et culturels. De plus, ils conduisent à l’émergence d’une relation « hiérarchique » entre les dimensions affective, calculée et normative de l’implication. Mots clés : Marketing interne, implication organisationnelle, communication interne, étude qualitative, outils de communication. Internal marketing: Communication’s objectives and links with organizational commitment, the executives’ point of view Abstract: This research is in line with the internal marketing framework. It aims at (1) assessing the main objectives of internal communication and (2) considering the links between internal communication and organizational commitment. To this end, a qualitative study was carried out among ten executives, who expressed themselves about communication tools used within their firm. The results show that internal communication objectives are mostly of managerial, humanist and cultural natures. Moreover, these results highlight the emergence of a “hierarchical” relation between affective, continuance and normative dimensions of the implication. Key words: Internal marketing, organizational commitment, internal communication, qualitative study, communication tools. Marketing interne : Objectifs de communication et liens avec l’implication organisationnelle, le point de vue des cadres Introduction Si les modifications du contexte économique peuvent parfois être favorables aux entreprises sur certains aspects, en termes de recrutement ou de fixation des salaires par exemple, la fidélisation des salariés n’en reste pas moins un défi majeur et constant à relever pour les dirigeants. En effet, le personnel est non seulement acteur à part entière de la mise en place de la politique d’une entreprise mais il est aussi le premier vecteur d’image de celle-ci (DemontLugol & al., 2006). Les salariés représentent l’actif le plus important des entreprises (Vasconcelos, 2008) et il est primordial pour celles-ci de savoir sélectionner puis conserver les meilleurs. Concept central dans cette recherche, l’implication organisationnelle est « une notion qui traduit et explicite la relation entre la personne et l’entreprise » (Thévenet, 1992). Hors, comme l’indique l’auteur, « l’entreprise ne peut augmenter l’implication de ses salariés de façon directe, elle ne peut que créer les conditions nécessaires (mais non suffisantes) de l’implication ». La communication interne, spécialement destinée aux salariés, est un élément déterminant dans la relation entre l’entreprise et ses employés. Elle doit être réfléchie en fonction du public visé, et entrer dans la politique globale de communication de l’entreprise de façon à être cohérente avec la communication externe, destinée aux consommateurs, ou clients de l’entreprise. La communication interne fait ainsi l’objet d’un grand intérêt tant de la part des dirigeants et des managers que des chercheurs. L’étude qualitative menée dans cette recherche permet donc d’étudier comment l’entreprise, à travers sa politique de communication interne, 1 peut agir sur l’implication des salariés et la favoriser. Plus précisément, les questions soulevées sont les suivantes : Selon les salariés, quels sont les objectifs principaux de la communication interne ? Existe-t-il des liens entre la communication interne et les trois dimensions de l’implication organisationnelle ? Enfin, cette recherche est cohérente avec le contexte actuel, de plus en plus sensible à la Responsabilité Sociale des Entreprises et notamment à la prise en compte des attentes des salariés dans l’organisation. 1. Marketing et communication internes Concept né a la fin des années 70 (Vasconcelos, 2008), le marketing interne désigne l’importation des fondements et des pratiques du marketing commercial dans le champ des organisations. Issu de la littérature sur le marketing des services, le marketing interne constitue « une tendance lourde du management actuel et envisage les divers protagonistes comme des partenaires à part entière » (Seignour, 1998). En effet, les employés sont considérés comme des consommateurs internes et les postes comme des produits internes (Berry, 1980 in Foreman et Money, 1995 ; Ewing et Caruana, 1999). Michon (1988) en donne la définition suivante : « Le marketing interne est une démarche de marketing à l’intérieur de l’entreprise permettant à celle-ci de concevoir et de promouvoir des idées, des projets ou des valeurs utiles à l’entreprise, de communiquer par le dialogue avec les salariés pour qu’ils puissent s’exprimer, choisir librement et en fin de compte, favoriser ainsi leur implication dans l’entreprise ». Cette définition souligne le lien entre le marketing interne et l’implication des salariés et met en avant le caractère essentiel du rôle joué par la communication interne. Outil ou concept clairement interdisciplinaire (Vasconcelos, 2008), le marketing interne est parfois « cyniquement considéré comme simple synonyme d’un bon management des 2 ressources humaines » (Foreman et Money, 1995). Ewing et Caruana (1999) apportent un soutien empirique à la distinction entre ces deux construits, posture adoptée dans cette recherche. Ils mettent en avant la nature et l’importance des liens existants entre ces derniers, considérant le marketing interne comme étant un antécédent à l’efficacité des ressources humaines, tant au niveau stratégiques qu’au niveau technique. Vasconcelos (2008) précise que les employés étant l’actif le plus important des entreprises, celles-ci devraient s’efforcer de leur fournir un environnement de travail captivant et satisfaisant, permettant de retenir les meilleurs éléments. Enfin, Michon (1988) illustre le système de marketing interne à travers l’exemple des plans de formation. Il montre que la démarche mise en œuvre au sein de l’entreprise est classique et reste similaire à celle mise en œuvre auprès des consommateurs externes. Elément majeur du marketing interne, la communication interne est la communication destinée aux salariés au sein de l’entreprise. Elle regroupe deux types de message, l’information opérationnelle et l’information motivante et relève tant des habitudes instaurées dans l’entreprise que des outils et moyens mis en place. La communication interne a pour objectif global de gérer de manière optimale la demande et l’offre d’informations au sein de l’organisation. Elle sert la stratégie et la culture de l’entreprise et accompagne le management. La communication interne existe sous différentes formes selon son sens de diffusion (communication descendante, ascendante ou interactive), ou selon ses finalités et le degré de participation des acteurs (communication collaborative, informative, normative ou participative). Détrie (1988) propose de classer les principales tendances de la communication interne en six composantes : managériale, commerciale, culturelle, humaniste, politique et institutionnelle. Cette classification, reprise et détaillée dans l’ouvrage de Détrie et Broyez (2001), a été 3 retenue pour l’étude qualitative menée dans cette recherche. Les auteurs précisent quels objectifs forment ces composantes (annexe 1). 2. Implication organisationnelle L’implication résulte du processus d’identification d’un individu dans ses activités de consommation et de travail. Initialement, ce concept est né en psychologie sociale avec les travaux de Sherif et Cantril (1947), pour expliquer la réceptivité des individus aux communications (Sabadie, 1999). En marketing, il se développe continuellement depuis les années 70 et est considéré comme un des domaines principaux dans l’étude du comportement du consommateur (Valette-Florence, 1989). Dans ce domaine, on s’accorde à penser que l’implication pour un objet est la relation qui existe entre cet objet et le système central de valeurs de l’individu (Sabadie, 1999) et un consensus semble exister autour de la définition donnée par Rothschild en 1984 : « Un état non observable de motivation, d’excitation et d’intérêt. Elle est crée par des variables externes (la situation, le produit, la communication) et internes (le moi, les valeurs). Elle entraîne des comportements : certaines formes de recherche de produit, de traitement de l’information et de prise de décision ». Si le concept est central dans le champ du comportement du consommateur, l’approche qui nous intéresse est celle de l’implication telle qu’elle est étudiée dans le cadre du marketing interne, qui s’attache à la relation existante entre les individus et les organisations. Dans ce cadre, plusieurs formes d’implication sont définies selon l’orientation principale de l’implication (Morrow, 1983 ; Morrow et McElroy, 1986). Celle retenue est l’orientation sur l’organisation, ou implication organisationnelle, définie par Thévenet (1992) comme « une notion qui traduit et explicite la relation entre la personne et l’entreprise ». Elle est identifiée comme une variable importante dans la compréhension du comportement des salariés (Mowday, Steers et Porter, 1979). 4 Les différentes composantes de l’implication organisationnelle, ou types d’implication, sont l’implication affective, l’implication cognitive et l’implication normative. La première est associée à l’identification et à l’attachement affectif et émotionnel du salarié vis-à-vis de l’organisation. Elle se traduit comme le partage, l’identification ou l’internalisation des valeurs de l’organisation. Cette approche est la plus répandue dans la littérature comme le précisent Allen et Meyer (1990). L’implication cognitive, quant à elle, est une évaluation de la valeur instrumentale du maintien de la relation avec l’organisation. Selon cette approche, l’individu « calcule » son lien avec l’organisation. Moins répandue dans la littérature, l’implication normative repose sur l’idée que se fait une personne du regard que portent les autres sur elle. Dans ce cas, l’implication est la conséquence de l’influence de l’environnement social sur l’attitude individuelle. Cette approche reste controversée (Sabadie, 1999). Il existe de nombreuses approches de l’implication. Celle retenue pour ce travail de recherche est celle d’Allen et Meyer (1990, 1991) qui conçoivent une typologie tridimensionnelle de l’implication et qui permet donc d’avoir une approche complète du concept. Les auteurs considèrent en effet les composantes affective, cognitive et normative comme des dimensions de l’implication plutôt que comme des types d’implication indépendants. Ainsi, ils proposent de les regrouper dans un même construit multidimensionnel, considérant que les individus peuvent ressentir simultanément les trois dimensions de l’implication, à des degrés différents (Meyer et Allen, 1991). Les dimensions affective, cognitive et normative du concept font respectivement référence à une volonté, un besoin et une obligation. C’est dans cette approche holistique que les auteurs ont construit une échelle de mesure à trois dimensions largement utilisée dans la littérature. 3. Méthodologie de la recherche 5 Une étude qualitative a été menée afin de recueillir le point de vue de dix salariés (tableau 1) à travers des entretiens semi-directifs. Le nombre d’entretiens a été déterminé à partir du principe de saturation sémantique préconisé par Glaser et Strauss (1967). Pour des raisons d’homogénéité et d’accès à la cible, les entretiens ont été menés uniquement auprès de cadres d’entreprises. Genre Taille entreprise Ancienneté Répondant n° Durée M X 1 < 249 249 et + salariés salariés F < 5 ans X 5 ans et + en mn X 69’ X 38’ 2 X X 3 X X 4 X X 5 X 6 X X 7 X X X 45’ 8 X X X 26’ 9 X X 10 X X X 47’ X X 50’ X 88’ 47’ X 28’ X X 48’ Tableau 1 : caractéristiques des répondants Le guide d’entretien (annexe 2) a été construit autour des deux thèmes centraux de la recherche : les outils de communication interne et leur utilité ; l’influence de la communication interne sur l’implication. Des fiches-supports ont été présentées lors des entretiens afin de faciliter le discours (annexe 3). Les entretiens ont été enregistrés. 6 Le corpus obtenu a été retranscrit, codé, puis traité manuellement à l’aide d’une grille d’analyse réalisée a priori construite à partir des éléments retenus dans la littérature : les objectifs de la communication interne (Détrie et Broyez, 2001) et les trois dimensions de l’implication organisationnelle (Meyer, Allen et Smith, 1993). Les deux phases de l’analyse des corpus (Giannelloni et Vernette, 2001) ont été respectées. Cependant, l’analyse verticale des entretiens apporte peu d’information et présente un intérêt limité. Ainsi, seule l’analyse horizontale des entretiens, dont les résultats sont cohérents avec les objectifs de cette recherche, est présentée. L’analyse a été réalisée en deux étapes, qui sont exposées dans la présentation des résultats. Celles-ci ont été effectuées à l’aide de tableaux d’analyses intermédiaires dont des extraits sont présentés en annexes 4. Les résultats de la première étape ont été confirmés par une analyse confirmatoire effectuée à l’aide du logiciel Sphinx Lexica. 4. Résultats de la recherche Afin de répondre aux questionnements soulevés dans cette recherche, les objectifs de la communication interne cités par les répondants sont tout d’abord étudiés, puis, les liens entre communication interne et implication organisationnelle, tels qu’ils ont été évoqués, sont traités. 4.1. Etude des objectifs de la communication interne Dans cette première phase de l’analyse, nous avons relevé les objectifs de la communication interne cités par les répondants pour ensuite faire le rapprochement avec les objectifs proposés par Détrie et Broyez (2001). Par la suite, ces objectifs ont été classés en fonction des six composantes proposées par les auteurs (annexe 1) et les fréquences de citation ont été comptées. Lors de l’analyse des verbatim, une nouvelle composante a émergé, il s’agit d’une 7 composante négative, pouvant être considérée comme les contre-objectifs de la communication interne. Cette composante a donc été ajoutée à la grille d’analyse. Les interviewés ont cité en moyenne 15,5 objectifs (sur 28), ceux-ci répartis dans une moyenne de 5,3 composantes (sur 7) et avec une fréquence totale moyenne de 46,8 citations par personne. Dans la totalité du discours recueilli, chaque objectif a été cité au moins une fois. La fréquence de citation des objectifs a d’abord été calculée par composante (tableau 2). Les trois premières composantes citées (managériale, humaniste et culturelle) représentent plus de 80% du discours. Nature de la composante % % cumulé Composante managériale 41,38 % 41,38 % Composante humaniste 24,97 % 66,35 % Composante culturelle 18,13 % 84,48 % Composante négative 6,94 % 91,42 % Composante institutionnelle 6,31 % 97,73 % Composante politique 2,07 % 99,08 % Composante commerciale 0,19 % 99,99 % Tableau 2 : Résultats de l’analyse manuelle, poids des composantes. Cependant, chaque composante ne regroupant pas le même nombre d’objectifs, il a paru intéressant de faire cette même analyse au niveau des objectifs, indépendamment des composantes, afin de déterminer quels étaient ceux qui étaient le plus cités (tableau 3). Chaque objectif ayant été cité en moyenne 3,27 fois, seuls ceux ayant une fréquence de citation supérieure à ce chiffre ont été conservés, soit 14 objectifs. Parmi ces 14 objectifs les plus cités, 6 font partie de la composante managériale (sur 10 objectifs pour cette 8 composante), 4 de la composante humaniste (sur 5), 2 de la composante culturelle (sur 2), 1 de la composante institutionnelle (sur 3) et 1 de la composante négative (sur 4). Les 6 premiers objectifs, appartenant aux composantes managériale, humaniste et culturelle, représentent plus de 50% du discours. Il apparaît donc que, du point de vue des personnes interrogées, les objectifs de la communication interne sont avant tout d’ordres managériaux, humanistes et culturels. Libellé % % cum. composante Créer une identité d'entreprise, une culture commune 12,67% 12,67% culturelle Faire circuler l’information 11,77% 24,44% managériale Permettre à chacun de s’exprimer 8,37% 32,82% humaniste Aider le management à animer son équipe 7,82% 40,64% managériale Renforcer la considération et le respect mutuels 6,50% 47,13% humaniste Construire un esprit d’équipe, renforcer la cohésion 5,46% 52,59% culturelle Répondre au besoin d’information des gens 4,73% 57,32% institutionnelle Mauvaise utilisation des supports 4,72% 62,04% négative Situer la contribution de chacun au fonctionnement de l’entreprise 4,64% 66,68% humaniste Aider la hiérarchie à faire descendre et remonter l’information 4,23% 70,90% managériale Décloisonner 4,23% 75,14% managériale Etablir un climat de confiance 4,09% 79,23% humaniste Mobiliser les énergies de chacun, dynamiser 3,81% 83,04% managériale Expliquer l’entreprise et ses finalités 3,34% 86,38% managériale Tableau 3 : Résultats de l’analyse manuelle, poids des objectifs. 4.2. Etude des liens entre communication interne et implication 9 Dans cette deuxième phase, les liens, tels qu’ils ont été décrits par les répondants, ont été associés aux composantes des objectifs de communication interne spontanément abordées. Pour la totalité des répondants, il existe effectivement un lien entre la communication interne et l’implication affective. Les liens exprimés par les répondants sont tous associés aux trois composantes de la communication interne soulignées dans la première phase de l’analyse, soit les composantes culturelle, humaniste et managériale : « La notion de famille, c'est primordial, cette notion de proximité avec le management, de connexion entre la base et le sommet… » (Répondant n° 2) ; « … ça veut dire que je m'identifie, je suis invité, je suis valorisé, je suis écouté, je suis entendu, donc je fais partie de la famille » (Répondant n° 8). Concernant l’implication calculée, 3 personnes ont affirmé qu’aucun lien n’existait entre la communication interne et cette dimension de l’implication. Les 7 autres répondants lui ont accordé un lien indirect, dont la dimension affective de l’implication serait intermédiaire. Les résultats concernant l’implication normative sont proches de ceux concernant l’implication calculée. En effet, la majorité des répondants pense que le lien existant entre la communication interne et l’implication normative est dépendant de l’implication affective : « C'est le sentiment d'appartenance qui fait qu'on a davantage envie d'être loyal et moins envie de partir. » (Répondant n°10). De plus, huit répondants ont spontanément souligné l’existence d’un lien de nature hiérarchique entre les différentes dimensions de l’implication. Dans deux cas, les répondants ont souligné un lien hiérarchique existant entre les trois dimensions de l’implication de la façon suivante : Affective > Normative > Calculée : « Pour moi, tu fais partie, de la famille, donc tu es loyal, et du coup, tu pars pas comme ça. » (Répondant n°1). Cependant, dans la majorité des cas, les liens soulignés sont les suivants : Affective > Normative ; Affective > Calculée : « La loyauté et avoir des difficultés à partir, c'est des conséquences de se sentir bien dans le groupe. » (Répondant n°10). L’implication affective paraît donc comme étant 10 intermédiaire dans la relation existante entre la communication interne et les dimensions calculée et normative de l’implication (Figure 1). Enfin, trois thèmes sont ressortis lors de cette phase de l’étude : la réciprocité de la loyauté, l’impact d’une mauvaise communication et l’attitude de la hiérarchie. Communication Interne Implication Affective Implication Calculée Implication Normative Figure 1 : Hiérarchisation émergente des dimensions de l’implication organisationnelle Discussion et conclusion Selon les résultats de cette étude, les objectifs de la communication interne sont avant tout managériaux, humanistes et culturels. Par ailleurs, l’existence de liens entre la communication interne et la composante affective de l’implication a été mise en avant par les répondants. Ces liens font référence aux composantes managériale, culturelle et humaniste des objectifs de la communication interne. Il ne semble pas y avoir de lien direct entre la communication interne et les dimensions calculée et normative de l’implication. Cependant, l’existence d’une hiérarchie entre les dimensions de l’implication a émergé. Ces résultats sont cohérents avec la littérature à plusieurs niveaux : - L’existence d’un lien entre la communication interne et l’implication des salariés (Michon, 1988 ; Thévenet, 1992) ; - Le fait que les individus puissent ressentir simultanément les trois dimensions de l’implication, à des degrés différents (Meyer et Allen, 1991) ; - La supériorité de la dimension affective sur les autres dimensions du concept, communément admise dans la littérature, « l’implication affective traduisant une relation plus profonde entre le salarié et l’entreprise » (Commeiras, 1994) ; - L’existence de « contre-objectifs » de la communication interne (Westphalen et Libaert, 2009). 11 S’ajoutent à ces résultats trois thèmes, que l’on retrouve également dans la littérature, ayant émergé spontanément du discours des répondants : - La réciprocité de la loyauté : les salariés doivent ressentir de la loyauté de la part de leurs dirigeants (Thévenet, 1992) ; - L’impact d’une mauvaise communication : si une bonne communication ne peut retenir les salariés, une mauvaise communication peut être à l’origine de leur départ (Thévenet, 1992) ; - L’attitude de la hiérarchie : selon Grönroos (1990) le marketing interne revêt deux dimensions : « l’attitude et la communication managériale » (in Seignour, 1998). L’apport principal de cette recherche est d’ordre théorique. En effet, l’analyse qualitative révèle l’émergence d’une éventuelle relation « hiérarchique » entre les dimensions de l’implication, la dimension affective étant intermédiaire dans les liens existants entre la communication interne et les autres dimensions de l’implication (calculée et normative). La principale limite réside dans le fait que cette étude ne reflète pas le point de vue des salariés opérationnels, qui représentent souvent la population la plus difficile à convaincre. Par conséquent, il semble intéressant d’étendre la recherche en menant une étude qualitative complémentaire auprès de cette population afin de pouvoir généraliser ces résultats à l’ensemble des salariés (cadres et opérationnels). Une autre voie de recherche possible serait de recueillir le point de vue des dirigeants à ce sujet afin d’étudier la cohérence entre les objectifs des dirigeants et les attentes des salariés en termes de communication interne. Enfin, les trois thèmes émergents abordés plus tôt sont autant de sujets à aborder afin d’enrichir les futures études sur ce sujet. Bibliographie : Allen N.J. et Meyer J.P. (1990), The measurement and antecedents of affective, continuance and normative commitment to the organization, Journal of Occupational Psychology, 63, 1-18. 12 Commeiras N. (1994), L’intéressement, facteur d’implication organisationnelle : une étude empirique, Thèse de doctorat en sciences de gestion, Université de Montpellier II. D’Almeida N. et Libaert T. (2002), La communication interne de l’entreprise, Paris, Dunod. Détrie P. et Broyez C. (2001), La communication interne au service du mangement, 2ème édition, Paris, Liaisons. Demont-Lugol L., Kempf A., Rapidel M. et Scibetta C. (2006), Communication des entreprises, stratégies et pratiques, 2ème édition, Paris, Armand Colin. Détrie P. (1988), Communication interne : où en sont les entreprises françaises ?, Revue Française du Marketing, 120, 5, 77-83. Ewing M.T. et Caruana A. (1999), An internal marketing approach to public sector management: the marketing and human resources interface, The International Journal of Public Sector Management, 12, 1, 17-29. Foreman S.K. et Money A.H. (1995), Internal marketing: concepts, measurement and application, Journal of Marketing Management, 11, 755-768. Giannelloni J.L. et Vernette E. (2001), Etude de marché, 2ème édition, Paris, Vuibert. Glaser B.G. et Strauss A.L. (1967), The discovery of grounded theory: strategies for qualitative research, New-York, Aldine de Gruyter. Meyer J.P. et Allen N.J (1991), A three-component conceptualization of organizational commitment, Human Resource Management Review, 1, 1, 61-89. Meyer J.P., Allen N.J. et Smith C. 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Créer une identité d’entreprise, une culture commune, 3. Répondre au besoin d’information des gens, 4. Sensibiliser le personnel aux enjeux de l’entreprise, 5. Informer le personnel avant l’extérieur, 6. Aider la hiérarchie à faire descendre et remonter l’information, 7. Construire un esprit d’équipe, renforcer la cohésion, 8. Faire circuler l’information, 9. Aider le management à animer son équipe, 10. Etablir un climat de confiance, 11. Préparer les salariés à des changements d’organisation, 12. Mobiliser les énergies de chacun, dynamiser, 13. Décloisonner, 14. Accompagner la mise en place d’un projet transversal, 15. Favoriser les coopérations, 16. Renforcer la considération et le respect mutuels, 17. « Vendre» l’entreprise aux salariés, 18. Situer la contribution de chacun au fonctionnement de l’entreprise, 19. Informer plus rapidement que les partenaires sociaux, 20. Prévenir les conflits collectifs, 21. Permettre à chacun de s’exprimer, 22. Former le personnel à la communication, 15 23. Favoriser l’initiative et l’autonomie, 24. Eviter la circulation de rumeurs. Ces objectifs sont regroupés en différentes composantes : - La composante managériale : expliquer et impliquer (1, 4, 6, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 23), - La composante commerciale : vendre et valoriser (17), - La composante culturelle : intégrer et fidéliser (2, 7), - La composante humaniste : considérer et épanouir (10, 16, 18, 21, 22), - La composante politique : dialoguer et prévenir les conflits (19, 20, 24), - La composante institutionnelle : rendre majeur et citoyen (3, 5, 15). 16 Annexe 2 : Guide d’entretien. Introduction : Remerciements. Ce projet est réalisé dans le cadre d’une recherche concernant les outils utilisés en communication interne (destinée aux salariés). Cet entretien est anonyme, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, j’aimerais l’enregistrer afin de pouvoir revenir sur certains points par la suite. Mon objectif à travers cet entretien est de connaître votre point de vue sur le sujet. Pour commencer, parlez-moi des outils de communication interne (destinée aux salariés) que vous connaissez (par exemple ceux utilisés dans votre entreprise). Présenter les fiches « outils » en complément des outils cités : Que pensez-vous de ces outils ? Centrage du sujet : A votre avis, à quoi sert la communication interne dans une entreprise ? - quel intérêt pour l’entreprise ? - quel intérêt pour les salariés ? Approfondissement : 17 Selon vous, les outils de communication interne peuvent-ils avoir une influence sur (présenter fiches) : - le fait de se sentir comme « faisant partie de la famille » dans l’entreprise ? - le fait d’avoir des difficultés à quitter l’entreprise ? - le fait de ressentir de la loyauté vis-à-vis de l’entreprise ? Imaginez : Vous êtes responsable de la communication interne de votre entreprise, rattaché à la DG. Vous avez pour mission d’élaborer un plan de communication pour lequel vous avez la liberté de choisir les outils qui vous paraissent les plus appropriés. Que faites-vous ? (Possibilité d’utiliser les fiches comme support). Expliquez-moi pourquoi vous avez choisis ces outils… Conclusion : Récapitulatif des idées. Voulez vous ajouter quelque chose ? Remerciements. 18 Annexe 3 : Fiches-support présentées lors des entretiens. Fiches « outils » : Manifestations sportives Séminaires et conférences Journées Portes Ouvertes Boîte à idées Formations originales Théâtre d’entreprise Intranet, forum et blog Groupes projets Cercle de qualité Groupe de concertation Cafétéria Entretiens individuels Journal d’entreprise Fiches « implication » : « Faire partie de la famille » « Avoir des difficultés à partir » « Ressentir de la loyauté » 19 Annexe 4 : Extraits des tableaux utilisés pour l’analyse des données. Entretien n° Obj. 1 Obj. 4 Obj. 6 Obj. 8 Obj. 9 Managériale Obj. 11 Obj. 12 Obj. 13 Obj. 14 Obj. 23 Nbre objectifs cités /10 7 2 1 2 4 1 2 0 0 0 0 6 Fréquence totale 12 Commerciale Obj. 17 Nbre objectifs cités /1 0 0 Fréquence totale 0 Obj. 2 Culuturelle Obj. 7 Nbre objectifs cités /2 7 3 2 Fréquence totale 10 6 4 5 1 2 1 1 6 1 0 4 3 0 0 7 18 3 1 3 8 4 0 2 7 1 0 8 29 0 0 1 5 7 0 3 0 0 0 4 16 2 10 4 9 5 3 7 5 0 0 8 45 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 3 2 2 5 5 2 2 7 7 2 2 9 7 10 2 17 Entretien n° Obj. 1 Obj. 4 Obj. 6 Obj. 8 Obj. 9 Managériale Obj. 11 Obj. 12 Obj. 13 Obj. 14 Obj. 23 4 6,67% 2,22% 6,67% 17,78% 8,89% 0,00% 4,44% 15,56% 2,22% 5 0,00% 0,00% 2,22% 11,11% 15,56% 0,00% 6,67% 0,00% 0,00% 1 2,08% 10,42% 4,17% 9,38% 5,21% 3,13% 7,29% 5,21% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 40,91% 64,44% 35,56% 46,88% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% Obj. 2 14,29% 6,82% 11,11% 15,56% 7,29% Obj. 7 6,12% 4,55% 4,44% 4,44% 10,42% 20,41% 11,36% 15,56% 20,00% 17,71% Obj. 17 Poids composante Culturelle 6 4,55% 2,27% 2,27% 13,64% 2,27% 0,00% 9,09% 6,82% 0,00% 24,49% Poids composante Commerciale 7 4,08% 2,04% 4,08% 8,16% 2,04% 4,08% 0,00% 0,00% 0,00% Poids composante Extrait 1 : Fréquence de citation des objectifs et Extrait 2 : Analyse de la fréquence de citation des objectifs et des composantes (en valeurs). des composantes (en pourcentages). 20 Entretien n° Implication affective "On s'identifie, on se projette..." (obj. 2, comp. culturelle). "La communication sert à chacun de se situer, savoir quel est son rôle" (obj. 18, comp. humaniste). 7 Implication calculée Implication normative "Je ne pense pas que la communication interne soit un facteur qui génère de la difficulté à partir". "Si on le lie avec le fait de faire partie de la famille, parce que qui dit famille, dit respect, loyauté, des liens particuliers autres qu'un simple lien d'employeur à employé" (obj. 16, comp. humaniste). → NON → OUI "On s'y sent bien, on est content d'aller travailler" . "faire partie de la famille, c'est la convivialité, j'ai "Oui, indirectement" toujours fait des sports d'équipe et c'est quelque chose qui compte" (obj. 10, comp. humaniste). "Savoir comment fonctionne l'entreprise permet de ne pas se sentir isolé, on se sent intégré, on se sent tenu à l'entreprise" (obj. 2, comp. culturelle). LIEN INDIRECT OUI 4 → → → LIEN INDIRECT "la loyauté, je le cantonnerai plus au niveau de l'équipe, on se sent soudés les uns les autres, chacun est loyal et ressent de la loyauté vis-à-vis de son manager" (obj. 7, comp. culturelle). → OUI, AU NIVEAU DE L'EQUIPE Extrait 3 : verbatim concernant les liens entre communication interne et les trois dimensions de l’implication. Entretien n° 7 Liens entre les 3 dimensions de l'implication « Peut-être en le liant avec faire partie de la famille, parce que qui dit famille, dit respect, dit loyauté.» affective → normative « On sent qu'on fait partie de la famille et du coup, on a pas envie de la quitter. » 4 affective → calculée Extrait 4 : Analyse des liens émergeants entre les dimensions de l’implication. 21