Revue Algérienne de Physique 04 (2010) 74 - 79 LE PROBLEME DE LA MESURE EN MECANIQUE QUANTIQUE Oldache M1 et Khiari C.E2 ENS-Kouba, Département de Physique, Laboratoire de Didactique des Sciences 1 [email protected] [email protected] Tel : 021 28 79 81 Fax : 021 28 20 67 ﻣﻠﺨﺺ ." وﻗﺪ ﺕ ّﻢ ﺕﻘﺮیﺒﻪ ﻟﻠﻔﻬﻢ ﺏﻔﻀﻞ ﻣﻔﺎرﻗﺔ "ﻗﻂ ﺵﺮودیﻨﺠﺮ1932 ﺳﻨﺔVon Neumann ﻈﺮﻩ ﻟﻠﻤﺮّة اﻷوﻟﻰ ﻓﺎن ﻧﻴﻮﻣﻦ ّ ن ﻣﺸﻜﻞ اﻟﻘﻴﺎس ﻓﻲ اﻟﻤﻴﻜﺎﻧﻴﻚ اﻟﻜﻮاﻧﺘﻲ ﻗﺪ ﻧ ّإ هﺪﻓﻨﺎ. وﻣﻊ ذﻟﻚ ﻟﻢ ﺕﺘﻤﻜﻦ اﻟﺘﺠﺮﺏﺔ ﻟﺤ ّﺪ اﻵن ﻣﻦ ﺕﺮﺝﻴﺢ إﺣﺪى اﻟﺤﻠﻮل اﻟﻤﻘﺘﺮﺣﺔ، ﻣﻔﺎرﻗﺘﻪSchrödinger اﻗﺘﺮﺣﺖ ﻋﺪة ﺣﻠﻮل ﻟﻬﺬا اﻟﻤﺸﻜﻞ ﻣﻨﺬ أن ﺻﺎغ ﺵﺮودیﻨﺠﺮ .ﺺ ﺕﻔﺴﻴﺮ هﺬﻩ اﻟﻨﻈﺮیﺔ ّ أي ﻟﻤﺎذا یﺸﻜﻞ اﻟﺤﺠﺮ اﻷﺳﺎس ﻓﻴﻤﺎ یﺨ،هﻨﺎ هﻮ أن ﻧﺒﻴّﻦ ﻟﻤﺎذا یﻌﺘﺒﺮ ﻣﺸﻜﻞ اﻟﻘﻴﺎس ﻣﺸﻜﻼ أﺳﺎﺳﻴﺎ ﻓﻲ اﻟﻤﻴﻜﺎﻧﻴﻚ اﻟﻜﻮاﻧﺘﻲ SUMMARY The problem of measurement in quantum mechanics was formalized for the first time by John Von Neumann in 1932 and was largely popularized by the paradox called “Schrödinger’s cat”. Even though a multitude of solutions was suggested, since the formulation of this paradox by Schrödinger in order to figure it out, experiments have not yet succeeded in choosing a particular solution among the different ones that were proposed. Our purpose here is to explain why the problem of measurement is a fundamental one in quantum mechanics and constitutes, as one might say, the cornerstone of the interpretation of this theory. RESUME Le problème de la mesure en mécanique quantique a été formalisé pour la première fois par John Von Neumann en 1932 et a été largement popularisé grâce au paradoxe du « chat de Schrödinger ». Une multitude de solutions ont été proposées, depuis la formulation de ce paradoxe par Schrödinger, pour résoudre le problème en question. L’expérience n’arrive toujours pas à trancher entre les différentes idées avancées. Notre but ici est d’expliquer pourquoi le problème de la mesure est un problème de fond en mécanique quantique et constitue, pour ainsi dire, la pierre angulaire de l’interprétation de cette théorie. Mots-clés : mécanique quantique, problème de la mesure, principe d’incertitude, interférences électroniques, dualité de la matière. 1- INTRODUCTION D’un point de vue didactique, l’initiation au problème de la mesure en Mécanique Quantique peut se faire à travers l’expérience de la polarisation de la lumière. L’avantage de cette approche est que tous les ingrédients du processus de la mesure sont présents : notions d’état quantique, de valeur propre, de réduction de l’état, de probabilité quantique, etc. Une autre expérience, celle des interférences des électrons, permet d’introduire la notion de superposition des états quantiques ainsi que le principe de complémentarité de Bohr. La notion de superposition des états quantiques constitue, selon Paul Dirac, la clé de voûte de la mécanique quantique. L’aspect ondulatoire de la matière repose entièrement sur cette notion. Quant au principe de complémentarité, bien qu’il semble être remis en question par l’expérience de Shahriar Afshar[1], il représente un ingrédient essentiel dans l’interprétation de Copenhague. Quoiqu’il en soit, l’expérience des interférences électroniques a été interprétée comme mettant en évidence la dualité de la matière. Celle-ci ne peut plus être regardée comme étant simplement un assemblage de particules. L’aspect ondulatoire est tout aussi essentiel que l’aspect corpusculaire pour interpréter les phénomènes physiques, chimiques et même biologiques se déroulant à l’échelle microscopique. 2- FORMALISME DE LA MECANIQUE QUANTIQUE Le formalisme de la mécanique quantique, élaboré par John Von Neumann [2], peut être résumé en six postulats : -Le postulat 1 définit l’état quantique : L’état quantique d’un système est complètement décrit par un vecteur généralisé (appelé ket), appartenant à l’espace des états E. Cet espace a la structure d’un espace de Hilbert. -Le postulat 2 définit l’observable : A toute variable dynamique du système quantique est associé un Publication de l'Association Algérienne de Physique (2010) Oldache M1 et Khiari C.E2 opérateur linéaire hermitien, appelé observable, agissant sur les vecteurs de l’espace E. -Le postulat 3 spécifie les résultats possibles d’une mesure : Une mesure effectuée sur une observable A ne peut donner qu’une des valeurs propres de cette observable. -Le postulat 4 permet l’estimation des probabilités d’occurrence des différents résultats de la mesure. Il est basé sur le principe de la décomposition spectrale. -Le postulat 5 est celui de la réduction (ou collapsing) de la fonction d’onde : Si le système se trouvait juste avant la mesure dans un état quelconque et si le résultat de la mesure est an, alors l’état du système juste après la mesure appartient au sous-espace des kets propres associés à la valeur propre an. -Le postulat 6 définit spécifie l’évolution dans le temps de l’état quantique : Tant qu’on n’effectue pas de mesure sur le système, son état évolue suivant l’équation de Schrödinger : H Ψ (t ) = i h ∂ Ψ (t ) ∂t (1) 3-DES INTERPRETATIONS DIVERGENTES 3.1- L’Ecole de Copenhague Basée essentiellement sur le principe de complémentarité de Bohr et le principe d’indétermination de Heisenberg, cette Ecole a pour principaux représentants N.Bohr, W. Heisenberg, M. Born et P.Dirac. Selon elle, la fonction d’onde n’est pas une entité physique mais représente seulement une amplitude de probabilité. Born [3] a interprété le carré de l’amplitude de la fonction d’onde comme étant une densité de probabilité du comportement d’un ensemble d’évènements similaires. Heisenberg [4], lui, a interprété la fonction d’onde comme étant une entité mathématique porteuse de la connaissance sur le système. Selon lui, il est inutile de discuter sur le « sens » ou la « réalité » mais il faut se concentrer uniquement sur les « observables ». Cette interprétation de la mécanique quantique n’a pas été acceptée par les physiciens dits « réalistes » tels que Schrödinger et Einstein, par exemple. Ce dernier a imaginé plusieurs gedanken experimenten (expériences de pensée) dans le but de trouver des lacunes dans la théorie. Quant au premier, il a formulé le paradoxe du chat dans le même but. Mais, en dépit de ces critiques, l’Ecole de Copenhague, qui s’est imposée dès le cinquième Congrès de Solvay (1927), est restée le courant de pensée dominant pendant longtemps. Cela n’a pas empêché l’éclosion de nombreux courants de pensée concurrents. En effet, plusieurs auteurs, 75 emboitant le pas à Einstein et Schrödinger, ont critiqué l’interprétation de Copenhague. Les principaux problèmes soulevés, suscitant une reformulation de la théorie ou du moins une nouvelle interprétation, sont les suivants : -Problème 1 : Comment se fait-il que le résultat de la mesure est foncièrement indéterministe (postulats 4 et 5) alors que l’évolution du vecteur d’état est parfaitement causale (postulat 6) ? -Problème 2 : Selon le postulat 6, l’évolution du vecteur d’état est linéaire et unitaire (conservation de la norme). Comment se fait-il alors que, lorsqu’on effectue une mesure, la superposition des états disparaît (postulat 5) ? -Problème 3 : Comment peut-on savoir quand il faut utiliser le postulat 5 plutôt que le postulat 6 ou inversement, autrement dit, sur quels critères on peut juger que tel phénomène quantique est une mesure ? -Problème 4 : Qu’est-ce qui provoque le collapsing du vecteur d’état : l’instrument de mesure, la conscience de l’observateur ou le milieu ? Les tentatives de réponse à ces questions (autrement dit, les interprétations de la Mécanique Quantique) sont très diverses et il serait fastidieux de les énumérer toutes. Nous nous contentons d’énumérer ici quelques unes de ces réponses, qui sont, à notre avis, assez représentatives. Signalons tout d’abord que les représentants de l’Ecole de Copenhague, bien qu’étant d’accord sur les grandes lignes de son interprétations, avaient des attitudes différentes quant au problème de collapsing de la fonction d’onde [5,6,7] (problème 4). Pour Dirac, la réduction de la fonction d’onde est « un choix de la nature ». Selon Heisenberg, la réduction est provoquée soit par l’observateur, soit par l’acte d’observation. Pour Bohr, enfin, la réduction est purement physique et n’a rien à voir avec l’observateur. Une tentative de résolution du problème de la mesure (avancée par l’Ecole de Copenhague) consiste à inclure l’instrument de mesure dans le système. Supposons, pour fixer les idées, que le système physique soit décrit par une combinaison de deux états : Ψ = C0 0 + C1 1 (2) Si l’instrument de mesure se trouve à l’instant initial dans l’état Φ i , alors le grand système formé par le système physique et l’instrument de mesure sera décrit au même instant par le produit tensoriel des états précédents, soit : Ψ ' = (C0 0 + C1 1 ) Φ i (3) 76 Le problème de la mesure en mécanique ....... Mais l’évolution dans le temps de ce dernier état mène à un état entremêlé qui ne manifeste aucun saut acausal. On aboutit d’ailleurs à la même conclusion si on inclut aussi l’observateur, formant ainsi un « très grand système ». Ainsi, le fait d’inclure l’appareil de mesure et l’observateur dans le système ne permet pas d’expliquer la réduction du vecteur d’état. 3.2- L’interprétation de Bohm Cette interprétation, basée sur le réalisme de la fonction d’onde, consiste à reformuler complètement la Mécanique Quantique. Elle a pour point de départ le concept d’onde-pilote, introduit par Louis de Broglie[8], et a été développée par David Bohm[9] à partir de 1952. Selon cette approche, la fonction d’onde est une véritable onde physique, accompagnant et guidant la particule dans son mouvement. Dans une version plus élaborée, dite la « double-solution », il existe deux ondes, l’une étant une onde physique en phase avec la particule et l’autre représentant une amplitude de probabilité. Selon cette approche, l’indéterminisme de la Mécanique Quantique n’est qu’apparent car il existerait des variables cachées qui, si on les connaissait, restaureraient le déterminisme. Ainsi, la théorie quantique de Bohm est une théorie réaliste dans laquelle les particules ont des trajectoires bien définies. Soit un système de N particules dont on décrit le mouvement à l’aide des coordonnées généralisées qi et soit Qi la position de la ième particule. La loi du mouvement s’écrit pour celle-ci : r Ψ *i ( t ) ∇i Ψ *i ( t ) dQi h (4) = Im * Q t ( ) * dt mi Ψ i ( t ) Ψ i ( t ) ( Où Q ( t ) = Q1 ( t ) , Q2 ( t ) ,..., QN ( t ) configuration aléatoire avec la ) est une distribution Ψ ( t ) à chaque instant t et Ψ ( t ) est une 2 fonction d’onde Schrödinger : satisfaisant l’équation ∂Ψ ( t ) h2 −∑ ∆ i Ψ ( t ) + V Ψ ( t ) = ih ∂t i =1 2mi de N (5) Dans des développements plus récents, D.Bohm[10,11] postula l’existence d’une fonction d’onde universelle qui expliquerait la non-localité (mise en évidence par l’expérience d’Aspect) et entrainerait la non-séparabilité de l’univers. Celuici serait une sorte d’hologramme dont chaque partie contient le tout. 3.3-La théorie des multi-univers Cette théorie a été développée par Hugh Everett [12], David Deutsch, John Wheeler, de Witt et Graham [13]. Elle consiste à évacuer le postulat 5 (i.e. il ne se produit pas de réduction de la fonction d’onde) et résout ainsi les problèmes ci-dessus en supposant qu’à chaque mesure, tous les résultats possibles se réalisent mais chacun dans une branche de l’univers. Soit à mesurer une variable dynamique A l’équation aux valeurs propres s’écrit : A Φ n i = λn Φ n i dont , i = 1, 2, ..., g n (6) Où g n est l’ordre de dégénérescence de la valeur propre λ n . Si le système se trouve, avant la mesure, dans l’état Ψ , il sera, juste après la mesure, dans l’état : ∞ Ψ ' = ∑ Pn Χ n Ψ (7) n =1 Où Pn , Χ n sont respectivement le projecteur sur le sous-espace propre de la valeur propre λn et l’état de la conscience correspondant à celle-ci : gn Pn = ∑ Φ n i Φ n i i =1 Cela signifie qu’à chaque mesure, l’observateur et l’univers se scindent en autant d’états qu’il existe de résultats de mesure. Mais les différentes branches de l’univers ne peuvent communiquer entre eux, si bien que l’observateur n’a conscience que d’un seul résultat de mesure. 3.4-La décohérence La décohérence est un phénomène qui prétend expliquer pourquoi les lois de la Mécanique Quantique ne s’appliquent pas à l’échelle macroscopique et, plus précisément, pourquoi les objets quantiques admettent des états superposés tandis que les objets classiques se trouvent toujours dans un état unique [14]. Ce phénomène, vérifié par plusieurs expériences, apporte une réponse claire au chat de Schrödinger. Selon les théories basées sur la décohérence, la réduction de la fonction d’onde se produit suite aux interactions du système avec le milieu. Le collapsing se traduit mathématiquement par le fait que la matrice densité du système devient très rapidement diagonale. Oldache M1 et Khiari C.E2 Soit un système pouvant se trouver dans les deux états possibles (supposés orthogonaux) Φ 1 et Φ 2 . Ψ = C1 Φ 1 + C 2 Φ 2 (8) Où C1 et C 2 sont deux coefficients complexes. La matrice densité du système dans la base des états { Φ }, i = 1, 2 s’écrit à l’instant initial : i C1C2* 2 C2 (9) Du fait des interactions du système avec le milieu, l’état de ce dernier évolue et la matrice densité devient : C1 2 ρ (0) = C *C e −α t 1 2 C1C2*e −α t 2 C2 (10) Lorsque t augmente, la matrice densité évolue rapidement vers la forme asymptotique : C1 2 ρ∞ = 0 0 2 C 2 (11) Ainsi, l’état obtenu par le processus de la décohérence n’est pas unique mais un ensemble d’états sans corrélation. Autrement dit, la décohérence n’explique pas pourquoi on obtient un seul état après la mesure. 3.5-Les histoires consistantes Dans cette interprétation, introduite par Robert B.Griffith [15] et développée par Roland Omnès [16] et Murray Gell-Mann [17], l’évolution d’un système quantique est jalonnée par des évènements se produisant à des instants t1 , t 2 , t 3 ,...t n . On associe à chacun de ces instants t i une observable Oi dont la décomposition spectrale s’écrit : Oi = ∑ Φ n i Φ n i λ n = ∑ Pn λ n n, i Φ n i sont les kets propres correspondant à la valeur propre L’état quantique du système s’écrit à l’instant initial: C1 2 ρ ( 0) = C *C 1 2 Où les n (12) 77 λn et où Pn est le projecteur sur le sous-espace propre formé par ces états. A chaque instant t i , l’observable Oi subdivise l’histoire en un nombre n de ramifications et le système quantique aura le choix de suivre une « trajectoire » parmi toutes celles possibles. Mais parmi toutes ces trajectoires (ou « histoires »), certaines sont dites « consistantes » et ce sont celles correspondants à des états ne présentant pas d’interférences quantiques. Les « histoires consistantes » sont les seules qu’on prend en compte dans les calculs. L’approche des histoires consistantes est en accord avec la règle de calcul des probabilités d’occurrence des résultats de mesure donnée dans le postulat 4. Elle a aussi l’avantage de résoudre le problème 2. 3.6- Théorie basée sur la conscience de l’observateur Des auteurs, parmi lesquels John von Neumann, Eugene Wigner [18], Fritz London et Edmond Bauer [19], ont tenté de résoudre le problème de collapsing de la fonction d’onde en attribuant un rôle particulier et décisif à la conscience de l’observateur. Selon cette approche, la fonction d’onde est une vraie entité physique et sa réduction est provoquée par la conscience de l’observateur suite à des phénomènes se déroulant dans certaines parties du cerveau. La question qui se pose est : à quel moment se produit la réduction de la fonction d’onde ? Est-ce qu’elle se produit lorsque l’évènement est détecté par l’instrument de mesure ou lorsque l’observateur prend connaissance du résultat de la mesure ? Selon Von Neumann, la distinction entre l’instrument de mesure et la conscience de l’observateur n’est pas essentielle. Selon Bauer et London, par contre, le processus de mesure n’est complet que lorsque la conscience de l’observateur intervient. Wigner a formulé le paradoxe connu sous le nom « l’ami de Wigner » pour appuyer cette thèse. Selon Penrose [20], la réduction de la fonction d’onde intervient dans les micros tubules du cytosquelette des neurones. 3.7- Théorie objective de la réduction de la fonction d’onde Cette approche, due à Ghirardi, Rimini et Weber [21] consiste à attribuer l’incompatibilité des postulats 5 et 6 à des phénomènes physiques qui font que l’équation de Schrödinger est perturbée périodiquement de manière aléatoire (la période des perturbations étant supposée très longue). Il faudra alors, selon cette théorie, ajouter à l’équation des termes non linéaires pour tenir compte des 78 Le problème de la mesure en mécanique ....... perturbations. Ainsi, la réduction de la fonction d’onde ne serait pas due à la conscience mais à des phénomènes physiques de nature inconnue (selon Penrose [22], ils seraient de nature gravitationnelle) qui auraient pour effet de multiplier la fonction d’onde par une gaussienne. Ces modifications sont telles que la réduction de la fonction d’onde est significative uniquement dans le cas des grands systèmes. Considérons un système de N particules dont la fonction d’onde r r r ψ ( r1 , r2 ,..., rn , t ) évolue conformément à une équation de Schrödinger modifiée. Cette fonction d’onde subit une réduction r d’étalement, par rapport à la coordonnée ri de chaque particule, jusqu’à une valeur de l’ordre de α (nouvelle −7 constante universelle valant 10 m ). Le taux de réduction de la fonction d’onde est choisi dépendant du nombre de particules : λ= N τ τ est un 16 est 10 s . Où temps caractéristique dont la valeur Les valeurs de α et τ ont été fixées de telle manière que les objets formés d’un grand nombre de particules soient localisés à 10−7 m près au bout −4 d’un temps de 10 s . Suite au processus de réduction affectant la particule n, la fonction d’onde initiale se transforme en une nouvelle fonction d’onde s’écrivant : r r r r r f ( x − rn )ψ ( r1, r2 ,..., rn , t ) rr r (13) ψ ' ( x, r2 ,..., rn , t ) = r Rn ( x ) r Où f ( x ) est une gaussienne : x2 r (14) f ( x ) = K exp − 2 2α r Et Rn ( x ) est une fonction de normalisation telle que : r 2 r r Rn ( x ) = ∫ d 3 r1...d 3 rn r r 2 f ( x − rn ) r r 2 Ψ ( r1 ,..., rn ) (15) r Le centre x (autour duquel sont distribuées les r valeurs de la position rn ) varie aléatoirement r suivant la probabilité Rn ( x ) . 2 Selon cette approche, la réduction de la fonction d’onde n’est pas provoquée par la conscience de l’observateur mais par un processus physique objectif. De plus, cette réduction n’intervient pas seulement lors du processus de mesure mais elle est permanente. 3.8-L’Interprétation Transactionnelle de la Mécanique Quantique (ITMQ) Cette interprétation, due à John Cramer [23], décrit les interactions quantiques à l’aide d’une onde stationnaire résultant de l’interférence d’une onde retardée et d’une onde avancée. Selon J. Cramer, cette interprétation évite d’attribuer à la conscience de l’observateur le pouvoir de réduire la fonction d’onde et permet de résoudre plusieurs paradoxes. Il utilisa pour cela la version relativiste de l’équation de Schrödinger (i.e. l’équation dite de Klein-Gordon) car la version non relativiste n’admet pas de solution avancée : r m c2 r Ψ ( r , t ) + 02 ψ ( r , t ) = 0 h (16) Où est le d’Alembertien. Dans le cas d’une particule de masse nulle (on suppose que c’est le cas pour le photon), cette équation devient : r 2 r 1 ∂ ψ (r ,t ) ∆Ψ ( r , t ) + 2 =0 c ∂t 2 (17) On réalise l’expérience des trous d’Young avec un source lumineuse en ajoutant deux détecteurs pour savoir par quel trou est passé le photon. La source émet une « onde de reconnaissance » qui se dirige vers l’un des détecteurs : rr Ψ1 ( t ) ≈ exp i k .r − ωt ( ) (18) Le détecteur répond alors par une « onde de confirmation » qui retourne à la source en remontant le temps : rr Ψ 2 ( t ) ≈ exp− i k .r − ωt ( ) (19) Les deux ondes interfèrent positivement dans l’intervalle situé entre l’instant de l’émission et l’instant de détection et interfèrent négativement (donnant une amplitude nulle) partout ailleurs. La probabilité que la particule atteindra un détecteur plutôt que l’autre dépend de l’interférence entre les deux ondes. Selon John Cramer, l’ITQM explique l’expérience de Marlan Scully[24], contrairement à l’interprétation de Copenhague. 3.9- La Mécanique Quantique Relationnelle Selon cette interprétation, due à Carlo Rovelli[25], la manière dont les systèmes physiques influent les uns sur les autres quand ils interagissent représente toute l’information qu’on peut tirer du monde physique. Celui-ci est donc vu comme un ensemble de systèmes en interaction. Cela n’a aucun sens de Oldache M1 et Khiari C.E2 parler d’un « système isolé ». Tout système est décrit dans cette théorie par le réseau de connexions qu’il entretient avec son environnement (i.e. les systèmes les plus proches). En conséquence, la description du monde par un observateur donné est toujours incomplète puisque, selon Zurek[26] : « Parler de propriétés d’un système quantique n’a pas un sens absolu. Ces propriétés doivent plutôt être caractérisées par rapport aux autres systèmes physiques ». Mais cela n’exclut pas l’existence d’une relation entre les points de vue des différents observateurs puisque, selon Rivoli : « Il est possible de comparer des points de vue différents mais le processus de comparaison est toujours une interaction physique (de nature quantique) ». Rovelli est parti d’une analogie avec la relativité. Tout comme cette théorie a rejeté les concepts d’espace et de temps indépendant de l’observateur, Rovelli rejette les concepts d’état et de grandeur physique indépendants de l’observateur. Il utilisa, pour développer sa théorie, le concept d’information au sens de Shannon et considéra que l’information est une mesure du nombre d’états dans lesquels un système physique peut se trouver. Il postula aussi que si des observateurs différents donnent des descriptions différentes d’une même séquence d’évènements quantiques, alors la description du système physique n’est pas absolue mais est relative à un observateur donné. La description quantique de l’état d’un système physique S, selon Rovelli, n’existe que si un observateur O décrit le système ou, plus précisément, il interagit avec lui. Précisons que, pour cet auteur, le mot « observateur » ne signifie pas forcément « être humain » mais désigne simplement un système parmi d’autres. 4-CONCLUSION Bien que le problème de l’interprétation de la mécanique reste ouvert, il ne se pose pas exactement dans les mêmes termes qu’auparavant. La question centrale est le problème de la mesure et celui de la nature de la fonction d’onde. En l’absence d’expériences capables de départager les diverses interprétations, toutes sont en principes recevables et ce, en dépit du fait qu’elles heurtent le sens commun. Les expériences menées jusqu’ici semblent confirmer des notions quantiques telles que : la non-séparabilité, la rétroaction, la coexistence des aspects corpusculaire et ondulatoire, la contrafactualité… Il faut souligner que la recherche dans ce domaine n’obéit pas uniquement à une quête épistémologique puisque des perspectives technologiques commencent à se dessiner dans des thèmes tels que la cryptographie quantique, la téléportation, l’information quantique, les signaux supra lumineux… Notre avis est que la Mécanique Quantique n’est ni une théorie complète ni une théorie ultime. Le mérite des interprétations alternatives à l’Ecole de Copenhague est qu’elles avancent des idées nouvelles amplement d’être explorées. 79 qui méritent 5. REFERENCES [1] Sh. Afshar, Foundations of Physics, vol. 37, Nb. 2, (Feb. 2007). [2] J. Von Neumann, Mathematische Grunlagen der Quantenmechanics, Springer-Verlag (1932), Berlin. 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