V – Bilan et conséquences de la « Grande Guerre » 1) Une Europe épuisée et en deuil Les pertes des principaux belligérants En milliers Allemagne Population Mobilisés Morts et Blessés totale disparus Autriche-Hongrie 67 800 52 600 13 200 9 000 2 400 1 460 4 200 3 620 France 39 000 8 100 1 330 4 267 Colonies françaises 52 700 449 78 - Royaume-Uni 46 100 6 100 750 Colonies britanniques Russie Etats-Unis 342 200 2 800 180 164 000 98 800 15 800 4 750 1 800 117 2 100 4 950 234 Le phénomène des classes creuses Des « gueules cassées » La délégation des « gueules cassées » à Versailles, le 28 juin 1919 Mutilés et amputés, Coblence (Allemagne),Décembre 1918 Solda t aveugle en rééducation, Paris, 18 décembre 1915 Syllabaire pour aveugle, 1918 Soldats français et allemands blessés, dans un poste de secours de l’arrière, 1915 Loi instituant en France le titre de pupille de la nation (juillet 1917) « Article premier – La France adopte les orphelins dont le père, la mère ou le soutien de famille a péri, au cours de la guerre de 1914, victime militaire ou civile de l’ennemi. (<) Les enfants ainsi adoptés ont droit à la protection, au soutien matériel et moral de l'État pour leur éducation dans les conditions et limites prévues par la présente loi, et ce jusqu'à l'accomplissement de leur majorité. » La « Grande guerre » fut une catastrophe démographique : de 10 à 11 millions d’hommes ont été tués, plus de 6 millions sont devenus invalides (dont les « gueules cassées »). La séparation des couples a fait chuter la natalité et provoqué des classes creuses. Des familles ont été brisées (veuves et orphelins). Des classes creuses sont des classes d’âges dont l’effectif est faible en raison de la baisse des naissances. Des paysages ravagés Les restes de l’ambassade britannique après le bombardement de Belgrade, 28 août 1914 Edifice bombardé par les Allemands en Pologne, 1915 La cathédrale de Malines après le bombardement, 1914 Ruines du beffroi d’Arras, octobre 1914 Intérieur de la cathédrale de Soissons, partiellement détruite, 1917 Ferme incendiée à Nogeon, au cours de la bataille de l’Ourcq, 1915 Une école primaire détruite à Tracy-le-Val, entre 1515-1516 Dans le nord de la France, 289 000 maisons sont détruites, 422 000 sévèrement endommagées ; 11 000 édifices publics – mairies, écoles, églises… – sont à reconstruire ; trois millions d’hectares de terres arables sont inutilisables. Déblaiement des ruines de l’église d’Ambleny, 1919 La maison de Madame Bazin à Nouvron, 1919 Petit village situé sur la ligne de front de 1914 à 1917 Maison dont il ne reste que les murs Village en ruine Camion Ford du Comité américain pour les régions dévastées (C.A.R.D.) Une famille réinstallée dans un abri militaire, Chavigny (Aisne), 1919 Une famille dont la maison a été détruite par les bombardements Vivre dans des ruines, sans le moindre confort, dans des conditions d’hygiène et de salubrité extrêmement précaires Excavation produite par une bombe lancée d’un zeppelin sur l’usine Chausson dans la nuit du 21 mars 1915 à Asnières Les dettes interalliées (en millions de livres sterling) Avancés par les Etats-Unis Avancés par le RoyaumeUni Royaume-Uni 800 - - 800 France 485 390 - 875 Italie 275 390 35 700 Belgique 56 90 90 236 Russie 38 520 160 718 Serbie 4 20 30 54 Roumanie 2 16 35 53 Grèce 8 15 15 38 Portugal - 10 - 10 TOTAL 1 668 1 451 365 3 484 Prêts à Avancés par la TOTAL France En 1918, les zones de combat étaient en ruines. Il fallut reconstruire et reconvertir l’industrie des dix départements de la zone de front. Mais, pour reconstruire, les Etats européens durent s’endetter comme ils l’avaient fait pendant la guerre, surtout auprès des Etats-Unis, qui devinrent alors la première puissance économique mondiale. Des populations endeuillées Enfants fleurissant des tombes à Verdun, 1932 Une veuve à Verdun, 1919 Cérémonie du souvenir à Verdun, 1932 Monument aux morts d’Evry-Petit Bourg, Essonne Monument aux morts de Guéméné-sur-Scorff , Bretagne Veuve et orphelin en costume traditionnel Monument aux morts de Campbell Town, Adelaïde (Australie) Tombe collective, cimetière de la Chipotte (Vosges), 2005-2006 Au cimetière franco-britanniquede Thiépval (Somme), les tombes françaises portent majoritairement la mention « Inconnu », 2008 Vitrail de l’église de Marbotte (Meuse) Tombe d’un soldat français des colonies, Dormans (Marne) Coquelicot des Flandres La mort violente de millions (poppy), fleur du souvenir d’hommes imposa, aux des pays du Commonwealth vainqueurs comme aux vaincus, l’expérience du deuil de masse, dans laquelle le souvenir des défunts était à la fois individuel et collectif, privé et officiel. Se construisit ainsi, dès 1919, une profonde mémoire de guerre, qui servit de support au nationalisme et au pacifisme des années 1920-1930. 2) Une Europe transformée par les traités Signature du Traité de paix par la délégation allemande le 28 juin 1919 dans la Galerie des Glaces, William Orpen, 1921 Les représentants des 4 forces alliées signataires du Traité de Versailles, 7 mai 1919 David Lloyd George Vittorio Orlando Georges Clemenceau Woodrow Wilson Les trois Grands signataires du Traité de Versailles, 1919 Les « 14 points » du président Wilson « Le programme de la paix du monde (<), le seul possible selon nous, est le suivant : (<) 2. Liberté absolue de la navigation sur mer, en dehors des eaux territoriales (<). 4. Échange de garanties suffisantes que les armements de chaque pays seront réduits au minimum (<). 5. Arrangement librement débattu de toutes les revendications coloniales (<). 6. Evacuation du territoire russe tout entier et règlement de toutes questions concernant la Russie... en vue de donner à la Russie toute latitude sans entrave ni obstacle, de décider, en pleine indépendance, de son propre développement politique et de son organisation nationale. 7. Il faut que la Belgique soit évacuée et restaurée. 8. Le territoire français tout entier devra être libéré, les régions envahies devront être restaurées. 9. Une rectification des frontières italiennes devra être opérée, conformément aux données clairement perceptibles du principe des nationalités. 10. Aux peuples d'Autriche-Hongrie, dont nous désirons voir sauvegarder et assurer la place parmi les nations, devra être accordée au plus tôt la possibilité d'un développement autonome. 11. La Roumanie, la Serbie et le Monténégro devront être évacués (<). 12. Aux régions turques de l'Empire ottoman actuel devront être garanties la souveraineté et la sécurité ; mais, aux autres nations qui sont maintenant sous la domination turque on devra garantir une sécurité absolue d'existence et la pleine possibilité de se développer d'une façon autonome (<). 13. Un État polonais indépendant devra être créé (<). 14. Il faut qu'une association générale des nations soit constituée... ayant pour objet d'offrir des garanties mutuelles d'indépendance politique et d'intégralité territoriale aux petits comme aux grands Etats. » Source : Woodrow Wilson, Message au Congrès, 8 janvier 1918. La conférence de la paix dominée par les 4 grands vainqueurs (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Italie) réorganisa l’Europe par plusieurs traités selon deux principes tirés des « 14 points » du président américain Wilson : • Principe des nationalités (une Nation = un Etat) • Une « association des nations » pour maintenir la paix : ce fut la Société Des Nations (SDN). La nouvelle carte de l’Europe en 1919 Le cas particulier de l’Allemagne Dantzig Allemagne en 1914 Retour à la France de L'Alsace et de la Lorraine Prusse Oriental e Rhénanie démilitarisée Allemagne Recréation d'une Pologne Avec un accès à la mer par le port de Dantzig Allemagne en 1945 Pologne FR L'ALLEMAGNE APRES LE TRAITE DE VERSAILLES.... - a son territoire coupé en deux et réduit - a une armée considérablement réduite - est considérée comme responsable de la guerre Vaincue et humiliée, elle a bien du mal à accepter ce que de nombreux allemands considèrent alors comme un « DIKTAT » (« une chose dictée ») « Versailles », caricature de Thomas Heine, parue dans le journal allemand Simplicissimus, 3 juin 1919 Woodrow Wilson Un Allemand Georges Clemenceau David Lloyd George Revanche ? « Vous aussi, vous avez un droit à l'autodétermination » « L’Allemagne et l’Entente », caricature sur le traité de Versailles, tirée du journal Kladderadatsch (Charivari), Hans Lindoff, 18 janvier 1920 Michel, enlève ta veste ! Ton pantalon, s’il-te-plaît ! Et ton chapeau. Et maintenant, vide tes poches. L’Allemagne privée de ses colonies, Affiche pour l’Union impériale des colons allemands, Gustav Löhr, 1919 « Rendez-nous nos colonies ! Sans colonies pas de matières premières ! Sans colonies pas de paix ! » Le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919, rendit l’Allemagne et ses alliés responsables de la guerre, la priva de son armée, de ses colonies et lui imposa de fortes réparations. Pour les Allemands, c’était un « Diktat », un « coup de poignard dans le dos ». 3) Une Europe secouée par une vague révolutionnaire Les révolutions russes de 1917 …………………… …………………….. Russie tsariste Révolution de février ………………………………. ………….. Le nouveau gouvernement russe et la guerre « Citoyens de l’État russe... Un grand événement a eu lieu. Par la puissante impulsion du peuple russe, l’ancien régime a été renversé. Une Russie libre et nouvelle est née. (<) Le gouvernement (<) fera tout pour pourvoir l’armée du nécessaire pour mener la guerre jusqu’à sa fin victorieuse. Le gouvernement considérera comme sacrées les alliances qui nous lient aux autres puissances et respectera à la lettre les accords conclus avec nos Alliés. » Source : Déclaration du Gouvernement provisoire, 6 mars 1917. Un meeting bolchévique au front, Anonyme, 1917 3 ans de guerre, 1,7 millions de morts, 10 millions de soldats assoiffés de paix Soldat prônant le pacifisme Armée russe démotivée, relâchement de la discipline 2 millions de désertions de mars à octobre La situation de l’armée russe à l’automne 1917 « Des petits groupes de soldats prennent directement contact avec les soldats ennemis et leur achètent des produits – du pain, du tabac et surtout de l’alcool. Les soldats ennemis ne manquent jamais une occasion de donner à nos soldats des proclamations en russe publiées par l’état-major allemand, mettant l’accent sur l’inutilité de continuer la guerre (<). Par ailleurs, les refus de combattre deviennent de plus en plus fréquents (<). On ne compte plus les cas où les soldats discutent et critiquent les ordres de combat (<). Les conclusions générales que l’on peut tirer des rapports qui nous parviennent sont les suivantes : l’armée se désintègre ; la discipline est inexistante ; le personnel d’encadrement ne jouit plus de la moindre considération ; la haine des soldats contre les officiers ne cesse de monter, parallèlement à l’idée que ces derniers tentent de prolonger la guerre à tout prix. L’aspiration à la paix et générale ce qui explique l’énorme succès des idées et des mots d’ordre bolcheviks parmi les soldats. » Source : Rapport du renseignement militaire, début octobre 1917. Séance du Soviet de Petrograd au palais de Tauride, 1917 Avec l’armistice (11 novembre 1918), la guerre était terminée. La paix ne revint pourtant pas en Europe. En Russie, l’abdication du tsar suite à la révolution de Février 1917, à Petrograd, ne suffit pas à ramener l’ordre dans le pays. La population s’organisa alors en soviets. Les bolcheviks de Lénine prirent le pouvoir par une seconde révolution en Octobre. Les décisions de Lénine • Décret sur la paix. « Le gouvernement ouvrier et paysan (<) propose (<) des pourparlers immédiats en vue d’une paix juste et démocratique. » • Décret sur les nationalités. « Aucune annexion sans l’accord des peuples concernés. » • Décret sur la terre. La propriété des propriétaires fonciers sur la terre est abolie immédiatement sans indemnités. » Source : Izvestia du Comité exécutif central, n° 209, 28 octobre 1917. Lénine pendant son discours lors du premier anniversaire de la Révolution d’Octobre, Place Rouge, 25 octobre 1918 Les révolutions russes de 1917 Révolution d’octobre Russie tsariste Révolution de février Armistice Photo de groupe de soldats russes et allemands sur le front-est après l’armistice du 15 décembre 1917, décembre 1917 Les révolutions russes de 1917 Révolution d’octobre Traité de Brest-Litovsk Russie tsariste Révolution de février Armistice Signature du traité de paix à Brest-Litovsk, 3 mars 1918 Léon Trotski pendant la conférence de paix à Brest-Litovsk Les révolutions russes de 1917 Révolution d’octobre Russie tsariste Révolution de février Traité de Brest-Litovsk Guerre civile Armistice La guerre civile russe (19181921) Lénine s’adressant à des soldats, Moscou, 5 mai 1920 Lénine Léon Trotski Lev Kamenev Soldats russes partant sur le front polonais Léon Trotski en compagnie de soldats de l’Armée rouge, 1921 Une guerre de propagandes Affiche bolchévique, février 1920 L’Armée rouge a écrasé les parasites Youdénitch, Denikine, Koltchak. République socialiste fédérative soviétique de Russie. Prolétaires de tous les pays unissez-vous. « Le pou typhoïde, nouveau malheur, s’avance sur eux » « Camarades ! Luttez contre la contagion ! Éliminez le pou ! » Pou typhoïde = « Blancs » « La liberté bolchévique », affiche polonaise anti-bolchévique, 1920 Les promesses bolcheviques Nous vous donnons la paix, la liberté, la terre, le travail et le pain. Personnage « trotskien » Ils ont lâchement menti En déclenchant la guerre contre la Pologne. Au lieu de la liberté, l’oppression ; de la terre, la réquisition ; du travail, la misère ; du pain, la famine. Monticule de crânes La famine à Buzuluck (région de la Volga), 1921 La famine en Russie, 1920-1922 La famine fait 5 millions de morts et des millions d’orphelins errants. La guerre civile, elle, fait 2 millions de morts militaires et 8 millions de morts civils. Les bolcheviks mirent fin à la guerre et supprimèrent la grande propriété. Mais ils durent affronter les partisans du Tsar, soutenus par les Alliés : cette guerre civile entre « Rouges » (communistes) et « Blancs » (contre-révolutionnaires) se termina en 1921 par la victoire de l’Armée rouge, dans une Russie ravagée par la famine. Pour l’emporter, les bolcheviks mirent en place une dictature appuyée sur la police et l’armée. La diffusion du bolchévisme en Europe L’insurrection spartakiste est écrasée lors de la « semaine sanglante » (6-13 janvier 1919). Rosa Luxemburg Combats à Berlin pendant la révolution de la Ligue Spartakus, 1er janvier 1919 Les leaders de la République Proclamation de la République des des conseils en Hongrie conseils, Budapest, 21 mars 1919 Bela Kun Sigismund Kanh Joseph Pogany Ayant perdu son soutien populaire, ce régime inspiré de la révolution bolchévique est renversé après 133 jours par une intervention militaire roumaine. Carte postale de propagande fasciste, 1924 L’agitation révolutionnaire toucha plusieurs autres pays dont l’Allemagne, fragilisée par la défaite, la Hongrie et l’Italie. Mais les Spartakistes furent réprimés par l’armée à Berlin et les fascistes de Mussolini, soutenus par les grands propriétaires et les patrons, s’en prirent violemment aux communistes en Italie. En 1921, la révolution mondiale a échoué. 2e Congrès de la IIIe Internationale communiste, Viktor Bulla, 1920 Nicolas Boukharine Maxime Gorki M. N. Roy Zorine (Inde) Karl Radek Zinoviev Bombacci (Italie) Lénine Karakhane (Arménie) Maria Oulianova (sœur de Lénine) Affiche française anti-bolchévique, Anonyme, 1920 Fond : champs, usines, tour Eiffel. Symboles de la France éternelle. Place de l’écrit : très importante. Caractéristique de la première génération des affiches de masse du XXe siècle. Idée générale : la France est en état de siège. Un danger venu de l’extérieur menace les valeurs fondatrices de son identité, ainsi que les activités économiques à l’origine de sa prospérité. Creuset de forge (symbole de la production) Torche (ici symbole de ruine, non de liberté) Couteau Anarchiste russe Malgré cet échec, les Bolchéviks fondèrent la IIIe Internationale communiste (mars 1919) pour rallier dans tous les pays tous les partisans de la révolution prolétarienne. En France, les grèves se multiplièrent et, au congrès de Tours en 1920, les communistes se séparèrent des socialistes, pas assez révolutionnaires selon eux, pour rejoindre la IIIe IC .