Cas clinique Ophtalmologie pédiatrique Errance diagnostique devant une kératoconjonctivite vernale Misdiagnosis of a vernal keratoconjunctivitis E. Bui Quoc (Service d’ophtalmologie, hôpital Robert-Debré, Paris) Kératoconjonctivite vernale • Corticothérapie • Ciclosporine • Astigmatisme • Amblyopie. Vernal keratoconjunctivitis • Corticotherapy • Ciclosporine • Astigmatism • Amblyopia. I l s’agit d’un enfant de quatre ans et demi qui présente des antécédents de dermatite atopique, une rhinite chronique, une allergie aux pollens, aux acariens et aux chats. Il a un traitement au long cours par antihistaminique per os. Depuis l’âge de deux ans et demi environ, il présente une conjonctivite bilatérale récurrente (“les yeux grattent et coulent”, selon les parents), et il a reçu divers traitements locaux antibiotiques et antihistaminiques pour cette conjonctivite “allergique”. Il se présente aux urgences au printemps pour un larmoiement de l’œil droit depuis trois semaines avec photophobie, traité depuis deux semaines par rifampicine locale et collyre mouillant. Examen L’examen est très difficile : on allonge l’enfant et on réussit à le bloquer à trois personnes. En ouvrant les paupières à l’aide d’un blépharostat, on note “au vol” un infiltrat limbique bilatéral, un ulcère central droit. En retournant les paupières, on remarque la présence de papilles géantes prédominantes à droite. Diagnostic Il s’agit très simplement et très facilement d’une kératoconjonctivite vernale bilatérale prédominant à droite d’après les arguments suivants : terrain allergique (type I) ; garçon ; données de l’examen. ▶ Traitement local, dans l’attente du traitement spécifique sous anesthésie Traitement local bilatéral : lavage au sérum physiologique x 3, acide hyaluronique x 5, vitamine A x 3, antihistaminique local x 2, ciclosporine 2 % x 2. Traitement de l’œil droit : dexaméthasone x 3, tobramycine x 3. Traitement de l’œil gauche : rimexolone x 2. ▶ Examen sous anesthésie On note la plaque vernale droite (figure 1) avec ulcère et prise de fluorescéine (figure 2) et les papilles géantes (figure 3). À gauche, la cornée est claire, mais on remarque un infiltrat limbique (figure 4) et la présence de quelques papilles géantes (figure 5). ▶ Traitement sous anesthésie Débridement des berges de l’ulcère à la micro-éponge et lavage abondant à droite. Injection sous-conjonctivale de dexaméthasone 4 mg à droite et à gauche. ▶ Résultat un mois après : cicatrisation à droite, laissant une discrète opacité sous- épithéliale centrale (figure 6) ; le traitement par ciclosporine 2 % au long cours et par antihistaminique est poursuivi. ▶ Évolution : deux mois après l’épisode initial, on retrouve une réfraction objective sous cycloplégie montrant un astigmatisme droit : OD – 1,5 (115° + 2,5) Km + 1,37 85° ; OG plan (70° + 0,75) Km + 0,50 94°. 132 Images en Ophtalmologie • Vol. II • n° 4 • octobre-novembre-décembre 2008 Légendes Figure 1. Œil droit : plaque vernale ulcérée, infiltrat limbique. Figure 2. Œil droit : prise de fluorescéine de l’ulcère vernal. Figure 3. Œil droit : papilles géantes. Figure 4. Œil gauche : infiltrat limbique. Figure 5. Œil gauche : papilles géantes au bord de la paupière retournée. Figure 6. Guérison de l’ulcère droit laissant une opacité sous-épithéliale à droite. Cas clinique Ophtalmologie pédiatrique 1 2 3 4 5 6 Images en Ophtalmologie • Vol. II • n° 4 • octobre-novembre-décembre 2008 133 Cas clinique Ophtalmologie pédiatrique Il existe après correction une anisoacuité : OD 5/10 ; OG 8/10. La correction optique est prescrite, de même qu’une occlusion intermittente de l’œil gauche. Une récidive inflammatoire à 4 mois nécessite la réintroduction transitoire d’une corticothérapie locale. Ce cas montre que la relative difficulté d’examen de l’enfant ne doit pas empêcher le diagnostic facile et évident de kératoconjonctivite vernale, dont le traitement efficace – à prescrire sans hésitation – par corticothérapie locale devrait éviter les complications et les séquelles (1). Le traitement de l’ulcère vernal par débridement local est essentiel (2). La place de la ciclosporine à 2 % n’est pas parfaitement définie (3). Les problématiques de la réfraction, de la fonction visuelle et II de l’amblyopie ne doivent pas être oubliées. Références bibliographiques 1. Jun J, Bielory L, Raizman MB. Vernal conjunctivitis. Immunol Allergy Clin North Am 2008;28:59-82. 2. Pelegrin L, Gris O, Adán A, Plazas A. Superficial keratectomy and amniotic membrane patch in the treatment of corneal plaque of vernal keratoconjunctivitis. Eur J Ophthalmol 2008;18:131-3. 3. Kashani S, Mearza AA. Uses and safety profile of ciclosporin in ophthalmology. Expert Opin Drug Saf 2008;7:79-89. www.edimark.fr www.edimark.fr Retrouvez Images en Ophtalmologie en accès libre sur notre site Internet Pour consulter gratuitement les archives de la revue : 1. entrer le code IMG-OPH-1 dans “n° d’abonné” sur la page d’accueil du site ; 2 1 2. cliquer sur Publications > Images > En ophtalmologie. En ligne : articles et vidéos en version intégrale. 134 Images en Ophtalmologie • Vol. II • n° 4 • octobre-novembre-décembre 2008