L’EGYPTE 1 La chronologie égyptienne La chronologie des époques les plus reculées de l'histoire égyptienne est mal connue. Chaque fois que cela a été possible, on a adopté ici les dates données par Jaromir Malek et John Baines dans leur Atlas de l'Égypte ancienne (Fernand Nathan, 1981). Les auteurs justifient ainsi leurs propres choix : Les dates sont comptées d'après les listes anciennes, et en particulier d'après le papyrus de Turin , ainsi que différentes autres sources, y compris certaines pièces se référant à des données astronomiques. La marge d'erreur atteint environ une dizaine d'années pour le Nouvel Empire et la troisième période intermédiaire, mais 150 ans pour le début de la Ire dynastie. La plupart des dates de la XIIe dynastie sont déterminées avec précision, et certaines de la XVIIIe et de la XIXe dynastie doivent être en relation avec une alternative astronomique sur trois; nous avons eu recours ici à une combinaison des plus faibles et des moyennes. Toutes les dates à partir de 664 av. J.-C. sont précises. On a repris par ailleurs la périodisation habituelle de l'histoire égyptienne. Elle est commode, même si les limites données pour chaque période ont évidemment une part importante d'arbitraire. Suivant les auteurs mentionnés ci-dessus on adoptera ainsi les divisions suivantes : 2290 av. J.-C - début de la période pharaonique (première dynastie). 2575 - 2465 - Ancien Empire. 2134 - 2040 - Première période intermédiaire. 2040-1640 - Moyen Empire. 1640-1532 - Deuxième période intermédiaire. 1550 - 1070 - Nouvel Empire. 1070 - 712 - Troisième période intermédiaire. 712 - 332 - Basse époque. 332 av. J.-C. - 395 ap. J.-C. - Période gréco-romaine. INTRODUCTION Le pharaon et l’Etat L'État égyptien était une théocratie dont le monarque, chef absolu, tirait, à l'origine, sa puissance d'une doctrine politique : le roi était un Horus vivant sur terre, dieu lui-même à l'égal des divinités du ciel ou de l'autre monde. Cette croyance, absolue sous les rois de l'Ancien Empire, qui la faisaient enseigner d'autorité aux enfants de leurs fonctionnaires, se nuança sous le Nouvel Empire, après l'épreuve des malheurs de la monarchie : le roi, toujours reconnu de sang divin et par conséquent dieu à ce titre, fut toutefois considéré comme le vicaire d'Amon, souverain suprême régnant dans les cieux, de qui il accomplissait les gestes ici-bas. C'est par le sang, en effet, que se transmettait la descendance divine : plus d'une fois dans le cours de l'histoire, Amon fut censé intervenir en personne pour rétablir une légitimité insuffisante ou douteuse : pour ce motif, un des titres essentiels du protocole royal, la devise « Fils du Soleil », précédait le nom de naissance. Le nom royal, à dater du jour de l'intronisation, s'inscrivait dans un cartouche. Même lorsque le pays était unifié, les titres du souverain conservaient la marque des Deux Royaumes dont était issue l'Egypte. Le roi portait ainsi notamment les titres de souten khab (= roi de la Haute et de la Basse-Égypte), de Nesout-bit (= celui qui appartient au roseau et à l'abeille ; le roseau symbolise le Sud, l'abeille le Nord, et le tout exprimant donc que le roi est le symbole de l'unité du pays ) ou bien de Nebti (= celui qui appartient au deux déesses, avec une signification analogue). Le roi était aussi appelé se Râ, fils du Soleil, ou encore le dieu bon et la Grande Demeure (= Per-aâ). Cette dernière dénomination, devenue pharo dans la transcription grecque de la Bible a donné naissance au terme de pharaon par lequel on désigne habituellement, dans les langues modernes, les rois d'Égypte. 1 Site Imago mundi internet, Les traverses du temps. Auteurs divers, dont Georges Bénédite L’Egypte antique 2 Sous l'Ancien Empire et pendant une partie du Moyen Empire, les rois se bâtissaient, de préférence à toute autre résidence, une ville qui leur fût propre, à proximité du tombeau qu'ils se faisaient édifier sur les limites du désert. Cette cité éphémère, hâtivement construite en matériaux légers, groupait autour du palais royal le logis des courtisans et des fonctionnaires de l'administration centrale. La famille du roi se composait de la reine - seule épouse légitime et participant à la dignité royale -, da la troupe des concubines du harem et des enfants du roi. A la Cour se pressaient les parents, les amis et une foule de chambellans. L'administration royale avait à sa tête le vizir, substitut du roi et gouverneur de la ville royale : audessous de lui, deux chanceliers, l'un pour le Midi et l'autre pour le Nord, centralisaient les différents services qui, de la capitale, se ramifiaient jusque dans les bourgades les plus perdues au fond de la province. Les bureaux, dans un pays où la monnaie fut toujours inconnue, où tout s'évaluait et s'échangeait en nature, étaient doublés de magasins : on y entreposait les denrées que l'administration royale percevait comme impôts ou tenait en réserve pour le traitement de ses salariés. Une armée de scribes et de manoeuvres, savamment hiérarchisés, assurait le service des bureaux et des magasins. La doctrine traditionnelle voulait que le roi fût avant tout ici-bas le gardien de la justice, sur laquelle était fondé le monde, et les fonctionnaires n'étaient que ses délégués dans l'accomplissement de cette mission. « Faire chaque jour la justice qu'aime le roi-», tel est le programme que, sur leurs stèles funéraires, les fonctionnaires, à la fois administrateurs et juges, se vantent d'avoir rempli. Il est vraisemblable que la « volonté-» du roi s'exprimait, dès l'Ancien Empire, par des instructions écrites, dont rien pourtant n'a été retrouvé jusqu'à présent. Le Nouvel Empire a conservé, dans ce genre, des « Instructions au vizir », envoyées par le roi à son dignitaire lors de l'entrée en charge. Ce sont les dispositions de pareils documents, émanés du souverain, et sans cesse renouvelés par lui, que vise très vraisemblablement le mot « loi », qui apparaît à cette époque; l'Égypte n'a jamais connu de constitution délimitant et assurant définitivement, au-dessus de la volonté royale, la condition des institutions et des individus. Le Pharaon Le terme de pharaon, n'est appliqué en propre aux souverains d'Égypte qu'à partir de la XXIIIe dynastie (Nouvel Empire, vers 1400 av. J. C.), mais existe cependant dès l'Ancien Empire et est attesté à partir de la Ve dynastie. Le mot égyptien est en fait Per-aâ (d'où les transcriptions Per-ô en hébreu et Pharao en grec). Il signifie, on l'a dit, « Grande demeure », et désigne initialement le palais du roi. Il désigne ensuite par métonymie ceux qu'il abrite. Le pharaon, c'est donc au départ le cercle de personnes qui entourent immédiatement le souverain - la cour, si l'on veut -, et l'emploi du mot est assez similaire celui que l'on fait par exemple aujourd'hui d'Élysée ou de Vatican, pour signifier un personnel décisionnaire bien délimité, et en dernière instance le président ou le pape eux-mêmes. Que ce soit au temps où il était Nebti, ou à celui où il sera proprement Pharaon, le souverain est vénéré comme un dieu, comme un Soleil se levant sur l'Égypte, un Horus . Il est appelé le maître de la double terre qu'il illumine de son double rayonnement méridional et septentrional. Cet être surhumain était l'intermédiaire obligé entre les dieux, ses frères, et les humains qui le chargeaient de faire parvenir leurs prières à destination et qui ne l'abordaient que la face contre terre, « flairant le sol ». En réalité, ce dieu terrestre, ainsi que l'a fait remarquer Erman (Aegypten, p. 84 et suiv.), était loin d'être indépendant. Même à l'époque où il était à lui seul le Pharaon, il n'absorbait pas complètement tous les pouvoirs de la Grande demeure. Près de lui se tenaient les anciens conseillers de son père auxquels obéissait l'armée des scribes et des fonctionnaires; près de lui se tenaient les généraux avec leurs troupes dociles, les prêtres qui exerçaient un pouvoir sans limites sur les masses. Dans les petites villes habitaient de riches familles de nobles qui avaient sur la population une action plus directe que le monarque habitant une capitale éloignée. Ce dernier ne voulait se mettre à dos aucune de ces puissances; il lui fallait ménager la susceptibilité des ministres, ouvrir la voie à l'ambition des seigneurs terriens, veiller à ce que ses fonctionnaires n'empiétassent pas sur les nobles et surtout se mettre bien avec le clergé; puis enfin donner ses soins à un vaste empire. Chaque minute de sa vie était épiée par ses pires ennemis, ses parents. L'exercice de la royauté n'était pas une sinécure. L'existence du souverain était absorbée non seulement par ses devoirs religieux (et l'on sait du culte), mais par les multiples soucis de l'administration du combien étaient compliquées les cérémonies pays : il avait à lire d'innombrables requêtes et rapports de fonctionnaires, et à rendre des décrets sur toutes sortes de questions dont la solution dépendait de lui seul. Aussi la Grande maison, Per-aâ, qu'il habitait était comme le coeur de l'Égypte en même temps que la résidence d'un dieu, son horizon, ainsi que disent les textes. Le cartouche royal. Le principal emblème de la royauté était un cartouche, sorte de limbe dans lequel on inscrivait le nom royal. Dès la Ve dynastie, les rois firent précéder leur nom de famille d'un nom d'intronisation. L'ensemble de ces L’Egypte antique 3 noms, joints à une devise inscrite sur une sorte de pavois, constitue ce que les égyptologues appellent le protocole. Le protocole royal s'écrivait intégralement de cette manière : 1° le pavois portant la devise et surmonté de l'épervier d'Horus ; 2° une phrase exaltant les vertus ou la puissance du souverain et commençant par l'expression maître du vautour et de l'uraeus (autrement dit de la Haute et de la Basse-Egypte) 3° le titre de souten khab, suivi du premier cartouche (nom d'intronisation); 4° le titre de fils du Solei l, suivi du deuxième cartouche (nom de famille); 5° l'épithète divine par excellence : vivificateur éternel. Le protocole ne pouvait manquer d'exercer la sagacité des égyptologues. Ils se sont appliqués à démontrer que ces titres avaient une signification qui dépassait la portée d'une simple hyperbole et l'ont cherchée dans la conception qu'on se faisait en Égypte des rapports du roi avec les dieux ( Religion égyptienne ). C'est ainsi que Maspéro, reprenant et développant la distinction établie par Erman entre les titres solaires et les titres ou d'épervier et appliquant les uns à la personne même du roi, et les autres à son double a pu poser d'Horus l'équation suivante : 1° l'épervier sur le pavois représentant l'âme du Soleil sur la tombe = nom du double royal survivant dans l'autre monde, c.-à-d. du pharaon complètement divinisé; 2° l'épervier sur le collier d'or = nom du double royal, émanation directe de la divinité, incarné dans la personne royale dès sa naissance; 3° le premier cartouche précédé du titre de souten khab = nom que prenait le roi en montant sur le trône, c.-à-d. en recevant l'investiture du dieu; 4° le deuxième cartouche précédé du titre de fils du Soleil = nom de famille du roi, le seul qu'il aurait porté, moins le cartouche et le titre, s'il n'était pas arrivé au trône. De sorte que, si l'on retourne la progression, on a dans l'ordre même où se présentent les noms royaux le cursus honorum résumé d'un pharaon depuis sa naissance jusqu'à sa plus complète divination. Il s'en faut que les pharaons aient toujours pu transmettre intacte à leurs successeurs la double royauté fondée sur le droit divin. La fin de chaque dynastie et souvent toute la durée d'une dynastie étaient marquées par la rupture du lien de vassalité des États les plus éloignés du pouvoir central. Les chefs héréditaires (hiquo ou ropatou) de ces principautés révoltées usurpaient alors le cartouche. Quand ils étaient assez puissants pour soumettre les autres principautés, ils devenaient les véritables rois de l'Égypte, prenaient le titre de souten et érigeaient leur ville en capitale du royaume. Les fonctionnaires Les biens de la double couronne prirent une telle extension, qu'on ne pouvait les administrer sans un véritable peuple de fonctionnaires, les uns purement locaux sous les ordres du préfet, les autres rattachés au pouvoir central et chargés de l'inspection et du contrôle. Ces nombreux fonctionnaires formaient avec le sacerdoce et les chefs militaires une vaste caste, celle des scribes. Elle comportait une importante hiérarchie; car il y avait loin du scribe modeste qui enregistrait les résultats d'une pesée ou le fret d'une barque au grand scribe de la double Maison blanche; qui était, en quelque sorte, le ministre des finances. Elle absorbait ainsi tout l'élément cultivé de la société égyptienne; au delà de son degré le plus humble, commençaient les corporations ouvrières, elles-mêmes dotées d'une organisation hiérarchique. Le Fellah des villes et des champs occupe le dernier degré de l'échelle. C'est lui qui, sous le bâton du contremaître, élève les digues, traîne les fardeaux et travaille humblement à la prospérité et à la gloire de son souverain. Pendant longtemps c'est lui qui, refoulant les Nubiens , les Libyens et les Asiatiques, a élargi les limites de la double terre. Plus tard, les pharaons employèrent des mercenaires qui finirent par constituer en Égypte cette caste des guerriers dont parlent les historiens grecs. Au temps de leur plus grande puissance, les rois d'Égypte substituèrent aux princes héréditaires de véritables fonctionnaires (mer nout djât) ou, pour reprendre la terminologie grecque, nomarques, choisis tantôt parmi les courtisans, tantôt parmi les vieilles familles féodales. Ces préfets avaient les pouvoirs les plus étendus : ils étaient les chefs civils et militaires de leurs circonscriptions; ils levaient les impôts pour le compte du roi et dirigeaient, à sa réquisition, les opérations du recrutement, de l'armement et de l'instruction des troupes. Celles-ci étaient commandées, en temps de guerre, par un état-major composé d'officiers des archers et d'officiers des chars, placés directement sous les ordres du roi. Ces officiers étaient en temps de paix pourvus de fonctions civiles et religieuses. Ils pouvaient recevoir, après une heureuse campagne, des dotations en terres, des biens de toute sorte et la décoration du collier de la vaillance. L'impôt était prélevé en nature et d'après une estimation de la richesse foncière établie par les scribes du cadastre. Il était emmagasiné dans de vastes greniers auxquels étaient préposés des fonctionnaires spéciaux. Le bétail provenant de la dîme était dirigé sur les pâturages du roi. L’Egypte antique 4 Dans une monarchie aussi absolue, le choix et l'avancement des fonctionnaires dépendaient uniquement de la faveur royale : le plus humble pouvait accéder aux fonctions les plus hautes. En fait, cette monarchie aima toujours confier au fils, initié dès l'enfance à ses devoirs, la charge du père : elle voyait là un élément de stabilité pour l'État. Mais ce qui fut toujours un fait ne devint jamais un droit : à toutes les époques de l'histoire, les stèles funéraires des particuliers commémorent des fortunes étonnantes, dues au seul mérite sanctionné par la faveur royale. Si, dans le gouvernement des nomes, ou circonscriptions administratives, dont le nombre varia autour de quarante-deux, des familles s'installèrent qui se transmirent héréditairement les charges de père en fils, ce fut toujours en vertu d'une collation expressément renouvelée, pour chacun des cas, par Pharaon : il n'y eut de féodalité véritable en Égypte qu'aux époques troublées, où, par carence du pouvoir central, les dynastes locaux crurent pouvoir s'arroger quelques débris des prérogatives royales. La monarchie renaissante abolit toujours cette féodalité contraire à la notion fondamentale de l'État. Impôt des blés (Thèbes). Le droit Le droit égyptien nous est connu principalement par toute une série de contrats remontant jusqu'au règne de Bocchoris ( Basse Époque) ce roi que Diodore de Sicile nous désigne comme l'auteur du code égyptien des contrats. C'est un droit d'une physionomie toute particulière, qui, par beaucoup de points, se rapproche infiniment plus de nos droits modernes que la plupart des autres droits de l'Antiquité, même très postérieurs en date. Il serait impossible d'en donner en quelques lignes une idée complète. Bornons-nous à dire seulement que la situation des femmes y était relativement avantageuse; que le père, au lieu d'être un despote, comme le pater familias romain, n'y avait que les pouvoirs restreints d'un tuteur agissant dans l'intérêt de tous; que de son côté le mari n'avait nul pouvoir sur son épouse; que l'esclave même y possédait encore - dans une certaine limite - une personnalité civile, des liens de famille et un recours possible contre les abus trop criants du pouvoir du maître. Les contrats étaient entourés de toutes les garanties possibles d'authenticité. Pour les rendre encore plus limpides, on leur donnait toujours la forme unilatérale d'une sorte de discours où l'on faisait parler celui ou ceux qui s'obligeaient ou abandonnaient quelque droit ou se dessaisissaient de quelque bien en faveur d'une autre personne. Cette forme unilatérale était obtenue, dans certains contrats pour le fond synallagmatiques, par des procédés juridiques bien calculés et devenus les règles d'un droit très savant. Quand il s'agissait par exemple de vendre un bien immobilier, il était de principe que le prix convenu fût toujours censé payé d'avance, de telle sorte que l'acheteur n'avait aucune obligation à ce titre envers le vendeur, et que celui-ci seul, dans l'acte où il cédait ainsi son bien, avait à fournir en même temps à l'acheteur toutes les garanties que la loi exigeait d'une façon formelle. S'il arrivait que l'acheteur, dans la réalité des choses, n'eût pas eu en mains l'argent nécessaire pour payer d'abord le prix de la vente, le vendeur qui lui faisait crédit était censé lui prêter la somme et on faisait intervenir à cette occasion un acte de créance absolument distinct de l'acte de vente, mais qui pouvait comporter sur le bien dont il s'agissait soit une hypothèque, soit même, pour tenir lieu de notre privilège actuel du vendeur, une vente conditionnelle à terme, en sens contraire, pour le cas et la somme due ne serait pas payée à l'échéance. Dans ces contrats, dressés par un notaire, pourvus de la signature de témoins très nombreux, enregistrés de diverses manières suivant les époques et qui, en dernier lieu - outre les enregistrements relatifs au paiement des droits de mutation, outre les indications prises sur les registres du cadastre tenus par les komogrammates - devaient, sous peine de nullité, être reproduits en entier sur les registres de transcription au graphion (on dirait aujourd'hui au greffe), on arrivait, par des moyens non moins juridiquement habiles et sous des formes beaucoup plus simples, à réaliser des opérations non moins compliquées que celles qui se font dans nos contrats notariaux d'aujourd'hui. Nous ne parlons en ce moment que de la période dite classique du droit égyptien. Mais dans les périodes qui se succédèrent depuis Bocchoris jusqu'à la constitution définitive de ce droit classique sous les dernières dynasties nationales, le droit égyptien, malgré les changements qu'y avaient apportés d'abord les rois nubiens , puis Amasis (Basse Époque), etc., avait toujours conservé l'aspect si remarquablement original et si L’Egypte antique 5 élevé de principes que dès la rédaction de son code Bocchoris lui avait donné. Aussi était-il très admiré par les Anciens, qui avaient imaginé (à tort) que les plus grands législateurs grecs étaient allés chercher d'abord leurs inspirations en Égypte. Sa supériorité réelle, incontestable, le fit conserver sous toute une série de dominations étrangères. Le papyrus grec Ier de Turin nous le montre constituant encore la loi du pays sous les Lagides, moins de cent vingt ans avant notre ère. Les contrats démotiques de l'époque romaine nous le font voir en vigueur encore sous les césars, et on en retrouve certains principes fondamentaux, certaines applications traditionnelles passées en coutumes, non seulement jusque dans les contrats grecs ou coptes de l'époque byzantine, mais jusque dans les contrats coptes ou arabes de l'époque musulmane. (E. Revillout). La société On a longtemps répété, d'après les auteurs grecs, que la société égyptienne était divisée en castes, dont les principales étaient celles des prêtres, des guerriers et des laboureurs. Si cette formule définit une situation de fait, elle est loin d'exprimer un état de droit. Les documents hiéroglyphiques de toutes les époques prouvent, au contraire, que tout homme libre, s'il s'en sentait capable, pouvait en théorie aspirer à n'importe quelle carrière mais la coutume générale, inspirée à la fois par les habitudes sociales et, on l'a vu, par une doctrine de gouvernement, voulait que le fils fût normalement placé dans la situation de son père. La distinction sociale fondamentale qui régnait en Égypte, comme dans tout le monde antique, était celle de l'homme libre et de l'esclave. L'homme libre dépendait, dans la plupart des cas, de toute une hiérarchie de seigneurs, et il était bon pour sa sécurité qu'il en fût ainsi, l'Égypte ayant toujours conçu un maître comme un protecteur, mais il pouvait avoir recours à une juridiction pour faire valoir ses droits. L'esclave, lui, était la chose de son propriétaire. Des razzias en pays étrangers, Nubie ou Syrie, ou des circonstances adverses qui forçaient des Égyptiens d'origine à aliéner leur liberté, alimentaient le marché d'esclaves des deux sexes; ces malheureux n'avaient aucun statut juridique, ils ne pouvaient compter que sur l'humanité de leur maître, d'ailleurs très réelle. Ce fut seulement au début de la XVIIIe dynastie que la doctrine des « Confessions négatives » étendit jusqu'à eux le bénéfice des devoirs de justice morale. En fait, la monogamie était pratiquée en Égypte, non par soumission à une prescription de la loi ou de la religion, mais uniquement parce qu'il était difficile à un homme peu fortuné de nourrir plusieurs femmes : le roi et les grands seigneurs ne se faisaient pas faute d'entretenir des harems. Sans doute aussi, chez ce peuple ouvert aux sentiments délicats, une notion plus affinée de l'amour et une conscience des droits de la femme plus développée que chez les autres peuples orientaux poussaient invinciblement vers la monogamie. La femme était mariée jeune, dès l'âge nubile, vers treize ou quatorze ans; elle était considérée comme contractant d'égal à égal avec l'homme et devenait réellement, suivant l'expression égyptienne, sa « maîtresse de maison ». Le mariage n'avait pas de caractère religieux il était précédé d'une sorte d'union à l'essai, qui durait un an et dont le but était d'éprouver la fécondité de la femme. Si, à l'expiration de ce délai, le contrat de mariage était dûment établi, il était normalement irrévocable et le mari ne pouvait, sans être frappé d'une amende déterminée à l'avance dans le contrat, répudier son épouse. I. L’ANCIEN EMPIRE La vallée du Nil a été peuplée dès le Paléolithique, mais ce peuplement a été très variable selon l'évolution des conditions climatiques, qui commande à des exodes aux périodes humides et de grandes crues (il y a 30 000 ans et entre 16 000 et 8000 ans, principalement). Il y a 8000 ans (début du Néolithique), la vallée commence à accueillir des populations de plus en plus sédentaires et les caractères de ce que sera plus tard l'Égypte commencent à se mettre en place dès 5500 av. notre ère, avec un climat qui désormais se rapproche de plus en plus de ce qu'il est aujourd'hui. Plusieurs centres politiques apparaissent, qui sont les ancêtres de ce que beaucoup plus tard les Grecs appelleront des nomes (c'est-à-dire des régions politiques et administratives). Leur diversité expliquera notamment la grande diversité des traditions religieuses observée plus tard. Les historiens définissent, dans l'intervalle qui va de 5500 à 3000, une période dite pré-dynastique (ou Nagada I (ou Amratien), jusqu'à 3500 av. J.-C), proto-dynastique (Nagada II (ou Gherzéen), de 3500 à 3200), et archaïque (Nagada III, après 3200). L'époque archaïque est celle où commencent à apparaître les hiéroglyphes et le processus d'unification est déjà en route depuis quelque temps. Deux grands royaumes sont déjà formés. L'un au Nord, dont la capitale est Bouto, dans le Delta, l'autre au Sud, avec pour capitale Hiéraconpolis (aujourd'hui Kôm el-Ahmar). Leur unification, attribuée au roi Ménès ou Narmer, inaugure la période dite L’Egypte antique 6 dynastique. Un qualificatif qui remonte à Manethon, un auteur de l'Antiquité qui a compilé la première liste (plus ou moins fiable) des rois qui se sont succédés en Égypte. Les trois premières dynasties correspondent à la période Thinite. C'est généralement à partir de la IVe dynastie, fondée par Snéfrou (2575-2551), que l'on fait commencer l'Ancien Empire, qui est l'époque des constructeurs de pyramides (notamment celles de Gizeh ). et de la prééminence de Memphis . Certains préfèrent faire débuter l'Ancien Empire dès la IIIe dynastie, inaugurée vers 2650 par Sanakht (Nebka), et dont le souverain le plus important sera Djoser (2630-2611); le promoteur de la pyramide à degrés de Saqqarah , construite par son ministre-architecte Imhotep (plus tard divinisé), et qui est le premier monument égyptien entièrement en pierre. Les premiers signes du déclin de l'Ancien empire commencent à se lire vers 2400, avec la VIe dynastie, où l'on assiste à l'importance croissante d'un haut fonctionnaire Ouni, qui préfigure l'affaiblissement du pouvoir du roi au profit d'une nouvelle classe notables. Les gouverneurs de provinces commencent à se sentir de plus en plus maîtres chez eux. L'empire perd sa consistance. Vers 2200, une nouvelle dynastie s'établit à Héracléopolis . C'est la première période intermédiaire, qui se termine avec la montée en puissance de Thèbes , qui à partir de 2134 (XIe dynastie) devient la capitale du Moyen Empire. Dates-clés : 2920 av. J.-C. - Première dynastie. 2575 - 2134 - Ancien Empire (IVe à VIIIe dynasties). 2575- 2464 - Constructions des grandes pyramides de Gizeh. ca. 2280 - Pépi Ier. 2134-2010 - Première période intermédiaire. La période thinite Vers 3000 av. J. C. à l'unification culturelle de l'Égypte déjà bien avancée, succède avec Narmer (Menès ou Mini) une première unification politique réussie. Ce roi, originaire de Haute-Égypte, dont l'histoire garde encore un pied dans la légende, réunit les deux royaumes du Sud et du Nord, par sa conquête du Delta, et installe sa capitale à la frontière de ses deux possessions, en fondant une place-forte, Anoubou-hadj (= Le Mur Blanc), qui deviendra plus tard Memphis . Les égyptologues ont longtemps placé la capitale des premiers souverains égyptiens à This (Thinis), parce qu'ils pensaient qu'ils se faisaient inhumer à Abydos , la nécropole de cette ville. On est revenu sur cette idée, mais on conserve le nom d'époque thinite, pour désigner la période des deux premières dynasties. Deux mille ans plus tard, les pharaons de Thèbes, honoreront en Narmer un ancêtre dont ils croyaient perpétuer la lignée, estimant que la monarchie ne pourrait durer qu'autant que durerait la descendance de celui qui l'avait fondée sur les ruines du pouvoir sacerdotal. La tradition populaire, de son côté, lui attribuait l'une des oeuvres les plus colossales accomplies en Égypte, la création de la grande digue de Kocheïchah qui assurait la fertilité du Fayoum en même temps qu'elle réglait l'irrigation du Delta, jusqu'alors noyé dans les marécages. On se plaisait pareillement à faire remonter au règne des Thinites l'établissement de certains cultes comme ceux d'Hapis , de Mnevis et du bouc mendésien (roi Kakeou [a]), la législation qui assurait le droit de succession aux femmes de sang royal (roi Binnoutri), jusqu'à des traités de médecine (roi Teta), etc. Une chose au moins est sûre, la période thinite est l'époque à laquelle les bases administratives (avec leur pesante bureaucratie) sur lesquelles va reposer pendant plusieurs millénaires l'Égypte se consolident véritablement. Au temps des Pyramides La IVe dynastie. Au règne de Nebmaat Snéfrou (Soris), qui fit construire les pyramides de rhomboïdale et septentrionale de Dachour et la pyramide de Meïdoum, se rapporte également un des plus anciens documents écrits en hiéroglyphes . Cet ancêtre des monuments historiques de l'Égypte consiste en un bas-relief gravé à l'entrée d'une galerie de mines dans le Ouadi Magharah (presqu'île du Sinaï). Il nous représente le souverain immolant au dieu Horus ( Religion égyptienne ) un prisonnier de guerre avec la légende : Le roi du Sud et du Nord, seigneur du Vautour et de l'Uraeus (uroeus), maître de la vérité, l'épervier d'or, Snéfrou, écrase les montagnards. L’Egypte antique 7 Les termes de cette formule qui ne diffèrent pas du protocole consacré en pareil cas dans les inscriptions analogues des époques postérieures; l'aspect du monument, son emplacement à l'entrée d'une mine de cuivre en plein désert, à sept ou huit jours de Memphis , s'ajoutent à toutes les indications qu'au temps des premières dynasties memphites, le pays se reconnaissait déjà dans les principaux éléments constitutifs de la civilisation égyptienne. Le règne de Khoufou ou Soufis (le Chéops ou Khéops des Grecs), de 2551 à 2528, suit immédiatement celui de son père Snéfrou, inhumé à Meïdoum. Viennent ensuite Didoufri (ou Djédéfrê), entre 2528 et 2520, puis Khafra (Khephren), de 2520 à 2494, Menkera (Mycerinus ou Mykerinos), de 2494 à 2472, et enfin Chepsekaf (2472-2467). Le nom de tous ses monarques est attaché à quelques faits militaires : depuis Djoser, on a quelques vues sur la Nubie , au Sud, en direction de laquelle un début d'expansion s'amorce, et on se soucie aussi de se prémunir contre les incursions des tribus libyennes à l'Ouest ou des tribus bédouines de l'Est, qui sont une menace pour les mines exploitées dans le Sinaï. Les frontières sont ainsi repoussées dans chacune de ses directions, pour constituer comme un glacis protecteur. C'est ainsi que l'on pourra constater, à l'intérieur, les caractères d'une civilisation brillante poursuivant son développement dans un climat essentiellement pacifique. « Des villes sont fondées, écrivait Mariette, de grandes fermes enrichissent les campagnes. On y élève des milliers de têtes de bétail. Des antilopes, des cigognes, des oies sauvages y sont gardées en domesticité. Des moissons abondantes et soignées couvrent le sol. Une architecture élégante embellit les habitations. Là, le maître de la maison vit aimé et respecté des siens; il cultive les fleurs; des jeux, des danses sont exécutées devant lui. Il chasse, il pêche dans les nombreux canaux dont la contrée est sillonnée. De grandes barques aux voiles carrées flottent pour lui sur le Nil, instruments d'un commerce sans doute très actif. Partout l'Égypte nous apparaît alors dans l'épanouissement d'une jeunesse vigoureuse et pleine de sève. » Cette peinture de l'Égypte sous les rois de la IVe dynastie n'a rien de conjectural; elle n'est pas l'oeuvre de l'historien moderne, mais des contemporains. Nous la voyons s'étaler encore avec une netteté incomparable sur les parois des tombes de Gizeh et de Saqqarah : « Ces tombes formaient à I'Ouest de Memphis, sur un vaste plateau de la chaîne libyque, une importante nécropole d'une superficie plus grande que celle de la ville des vivants. Au Nord de cette nécropole, un roi demeuré inconnu, mais qu'il faut peut être reporter aux temps antérieurs à Mini, avait fait tailler dans le roc un sphinx énorme, symbole d'Harmakhis , le Soleil levant. Plus tard un temple d'albâtre et de granit, le seul spécimen que nous possédions de l'architecture monumentale de l'ancien empire, fut construit à quelque distance de l'image du dieu; d'autres temples, aujourd'hui détruits, s'élevèrent çà et là et firent du plateau entier comme un vaste sanctuaire consacré aux divinités funéraires. » (Maspéro). C'est là, dans le voisinage du Sphinx , sur le rebord du plateau de Gizeh , que Khoufou, Khafra et Menkera bâtirent leurs pyramides . La tradition grecque nous représente les deux premiers comme des rois impies qui fermèrent les temples pendant toute la durée de leur règne, afin qu'aucune préoccupation, pas même celle des dieux , ne vint détourner le peuple de la corvée à laquelle il avait été astreint pour l'érection des deux colosses. Les historiens modernes ont fait justice de cette accusation assez étrange contre des rois de droit divin, qui se considéraient non seulement comme les ministres des volontés divines, mais même comme les propres fils des dieux. En fait, c'est à cette époque qu'émerge la religion solaire de Rê , une sorte de parachèvement de l'unification religieuse, qui devient effectif avec la Ve dynastie, avec la définition d'une religion d'État. Les pyramides de Gizeh. e La V dynastie. La Ve dynastie, également memphite (et non éléphantine comme l'a dit par confusion l'un des copistes de Manethon), se rattache sans secousse à la précédente dont elle n'est, à vrai dire, que la continuation. Elle est surtout marquée par la montée en puissance du clergé héliopolitain , qui consacre le titre de fils de Rê dont s'affuble désormais le souverain. Une montée en puissance de la religion solaire qui ne parviendra cependant jamais à effacer la diversité des cultes locaux, qui se sont déjà élaborés indépendamment dans chaque nome. De nombreux monuments d'un style aussi achevé que ceux de la IVe dynastie témoignent de la prospérité de l'Égypte, qui n'a guère à se défendre que contre les incursions de quelques tribus nomades. L'exploitation des mines du Ouadi Magharah continue de plus belle, ainsi que le prouvent des stèles au nom de L’Egypte antique 8 An Ousornirâ et de Tatkara. Citons pour cette dynastie les noms de souverains suivants : Ouserchérès, Sephrès, Nepherchérès, Siophès, Chérès, Rathourès, Mencherès, Tanchérès et Ounas. La pyramide d'Ounas (ou Onnos), se trouve à Saqqarah dans le groupe des pyramides de la VIe dynastie; elle a été ouverte par Maspéro, le 23 février 1884. La VIe dynastie. Teti (ou Othoès), successeur d'Ounas, inaugure, vers 2400, la VIe dynastie, originaire d'Eléphantine . Nous ne savons que peu de choses de ce roi, ainsi que d'un certain Ati, connu seulement par une inscription de sa première année et qu'on place soit avant soit après Teti. Il n'en est pas de même de Pepi Ier Merirâ, dont le règne de près de dix-huit ans marque une des grandes époques de la puissance égyptienne. A Tanis , à El Kab , dans la vallée d'Hammamat , à Assouan, au Sinaï, on trouve un peu partout les traces de sa prodigieuse activité. Secondé par son ministre Ouni, il étend sa puissance à l'Est jusqu'aux déserts de la Syrie méridionale, au Sud sur les tribus noires de la Haute-Nubie . Le document capital pour L'histoire de son règne est la longue inscription du tombeau d'Ouni, son ministre, découverte à Abydos par Mariette et transportée par lui au musée du Caire . Cet Ouni, qui avait eu accès aux honneurs sous le règne de Teti, devint sous Pepi une sorte de grand chancelier cumulant une foule de hauts emplois et dirigeant les affaires du royaume avec l'aide d'un seul assesseur. Il avait été chargé de l'insigne mission de choisir à Tourah le bloc de calcaire destiné à abriter la momie royale ( Religion égyptienne ), puis, à l'occasion d'une grande guerre soutenue contre les Syriens et les hommes du désert, investi du haut commandement. Son armée, recrutée parmi les tribus nubiennes , fit d'abord cinq campagnes contre les Herichaou; puis, les barbares s'étant de nouveau soulevés malgré leurs défaites, Ouni dut prendre la mer pour les poursuivre jusque dans les extrémités reculées de leur pays. Tant de victoires valurent à Ouni l'honneur suprême de conserver ses sandales dans le palais. Le roi Merenra, fils et successeur de Pepi, conféra à Ouni de nouvelles charges. Il l'envoya en outre, comme avait fait son père, à la recherche de son sarcophage et des matériaux nécessaires à l'érection de sa pyramide. Le règne de Merenra fut pacifique et vraisemblablement de courte durée. La momie de ce prince, recueillie en 1881 dans sa pyramide, porte encore la tresse des adolescents. Noferkara (Pépi II), second fils de la reine Mirira-Anchnas, succéda à son frère aîné. Si l'on en croit Manethon, son règne aurait été de cent ans. Après cette suite continue de quatre rois, les monuments se taisent, et c'est Hérodote et Manethon qui terminent l'histoire de la VIe dynastie par un Metesouphis et une Nitocris plus qu'à demi-légendaires, apparemment. Le nom de Nitaqrit a été retrouvé dans un fragment du papyrus de Turin . De plus, le remaniement constaté dans la pyramide de Menkera, où fut aussi trouvée une seconde chambre, confirme l'assertion de Manethon que cette reine y aurait été ensevelie. Les pyramides des rois de la VIe dynastie forment le groupe le plus important de la nécropole de Saqqarah . Attaqué par Mariette quelques mois avant sa mort, il a commencé à livrer ses secrets qu'à Maspéro qui a pu reconnaître et relever successivement les tombes de Merenra, de Pepi Ier, de Noferkara (Pepi Il), de Téti, ainsi que celle d'Ounas de la Ve dynastie. Les couloirs et les chambres de ces pyramides portent gravés de nombreux textes religieux. De ce que les mastabas ou tombes de simples particuliers et les pyramides de Gizeh ne contenaient aucune allusion à la vie de l'âme , on s'était trop pressé de conclure que les doctrines mystiques relatives à la vie d'outre-tombe, telles qu'on les connaissait par le Livre des Morts , étaient l'oeuvre de théologiens d'époques postérieures. Les pyramides de la Ve et de la VIe dynastie ont répondu à cette théorie. La première période intermédiaire Pour les quatre dynasties suivantes, la situation est assez confuse car il y a désaccord dans les sources. Le papyrus de Turin ne semble mentionner entre la VIe et la XIIe dynastie que 23 rois divisés en deux dynasties, tandis que Manethon en compte 4 (2 memphites et 2 héracléopolitaines). La VIIIe dynastie (memphite) n'aurait duré que 70 jours selon une des versions manéthoniennes et 75 ans selon l'autre; la VIIIe dynastie (memphite), 146 ans et 100 ans. Le désaccord n'est pas moins grand en ce qui concerne le nombre des rois qui, pour la VIIe dynastie, est tantôt de 70, tantôt de 5, et le singulier, c'est que les 70 rois appartiennent non à la version de 75 ans mais de 70 jours. Quant à la VIIIe dynastie, elle aurait été de 27 rois. Ces divergences montrent qu'aucune tradition n'était parfaitement établie, sans doute du fait des compétitions qui mirent plusieurs familles en présence, en sorte que la légitimité était partout et nulle part. Il en résulte en tous cas que la puissance memphite dut passer par une crise d'où elle sortit si affaiblie que la suzeraineté fut confisquée vers 2200 par Héracléopolis , un État vassal de la Moyenne-Égypte. Ainsi commence ce que l'on a coutume d'appeler la première période intermédiaire. L'histoire des deux dynasties héracléopolitaines (la IXe, fondée par Akhthoès Ier, puis la Xe), est mal connue. Longtemps considérée comme un simple problème de chronologie, dont la donnée d'ailleurs n'était L’Egypte antique 9 fournie que par les abréviateurs de Manethon et le chronographe Ératosthène, elle a été remise à l'ordre du jour à la fin du XIXe siècle par la découverte de nouveaux documents et surtout par l'étude d'anciens jusqu'alors attribués à d'autres époques. Il ressort de l'examen de tous ces fragments que la maison princière d'Heracléopolis (Hnès, aujourd'hui Henassieh ou Ehnasya) commença à prendre de l'importance pendant les règnes des derniers rois memphites et, à la faveur de guerres contre les principautés du Sud, arriva, par l'extension donnée à ses domaines, à supplanter définitivement les princes du Nord. Que cette souveraineté ait pu s'étendre pendant plusieurs siècles à toute l'Égypte, c'est plus difficile à dire; toujours est-il que, pendant cette période, les princes de Hnès étaient de beaucoup les plus puissants, qu'ils firent reconnaître leur suzeraineté à ceux d'Assiout , et étendirent leur sphère d'action jusqu'aux côtes de la mer Rouge. La puissance héracléopolitaine s'efface vers 2040. Elle est supplantée par celle de Thèbes. La XIe dynastie, fondée à Thèbes dès 2134 par Antef Ier (Entouf ou Sehertahoui) avait inauguré cette nouvelle époque, dont l'histoire appartient la la période suivante, celle du Moyen Empire. (Georges Bénédite / Paul Pierret). II. LE MOYEN EMPIRE Selon les auteurs, le Moyen Empire, né à Thèbes , commence, soit vers 2010 av. J.-C, c'est-à-dire à partir du dernier règne de la XIe dynastie, celui de roi Mentouhotep IV, réunificateur de l'Égypte, soit dès le début de la XIIe dynastie, vers 1991, avec Amenemhat Ier. Ce sera pour le pays une période de stabilité et d'une certaine prospérité. L'art s'affine, la littérature atteint sa maturité. D'un point de vue politique, il s'agit d'une époque de redéfinition du pouvoir du pharaon, qui en consolide le règne. Amenemhat Ier inaugure ainsi un nouveau mode successoral qui associe dans le cadre d'une sorte de co-régence, le fils du roi, appelé à prendre sa suite. Les règnes dès lors se chevauchent pendant quelques années. De la même façon que l'Ancien Empire avait signifié l'union du Sud et du Nord en choisissant Memphis , à la frontière des deux régions, comme capitale, la capitale du Moyen Empire est transportée à Itaoui (el-Lisht), non loin de Memphis. Thèbes , berceau de la dynastie, restant le grand sanctuaire, et son dieu Amon , le dieu désormais en passe de devenir le plus important ( La religion égyptienne ). Le successeur d'Amenemhat Ier, Sésostris Ier (1971-1926), inscrivit sa politique dans le prolongement de celle son père, et travailla à étendre l'empire (reconquête de la Nubie ). Son fils, Amenemhat II (1929 - 1892) affermit le pouvoir des nomarques (gouverneurs des provinces) et s'engagea dans une guerre au Levant. Sésostris II (1897-1878) et surtout le Sésostris III (1878 - 1841) récolteront les fruits de la politique de leurs prédécesseurs et c'est sous Sésostris III, à la politique extérieure agressive, que le Moyen Empire atteint le sommet de sa puissance. Suivent encore Amenemhat III (1844-1797) et IV (1799-1787). Mais la XIIe dynastie finit cependant par s'user et s'éteint à la fin du règne de la reine Sobekneferu (1787-1783). Les XXIIIe (1783- ca. 1640) et XIVe (?) dynasties, sont mal connues, mais correspondent d'évidence à une période de déclin. Cette véritable plaie de l'Égypte pharaonique qu'aura été sa bureaucratie envahissante et, au final, contre-productive, semble comme déjà au temps de l'Ancien Empire, avoir contribué au délitement de l'État. A partir de 1640, cette faiblesse est mise à profit des populations venues d'Asie, les Hyksos, présents déjà depuis quelque temps dans le Delta, mais qui désormais peuvent aspirer au contrôle politique du pays. Le Moyen Empire n'est plus. Deux dynasties hyksos se succèdent maintenant pendant plus d'un siècle (deuxième période intermédiaire). Ces "rois étrangers" ne seront chassés qu'en 1550, avec l'avènement de la XVIIIe dynastie (Nouvel Empire). Dates-clés : 2040 -1640 av. J.-C. - Moyen Empire. 1991 - Amenemhat Ier fonde la XIIe dynastie. 1878 - 1841 - Règne de Sésostris III. 1844-1797 - Amenhemat III. 1640 -1532 - Deuxième période intermédiaire (domination des Hyksos). Jusqu'à l'avènement des dynasties héracléopolitaines ( L'Ancien Empire), les nomes du Sud n'avaient joué qu'un rôle effacé; les inscriptions des tombeaux d'Assiout nous les montrent sortant de la tranquille obscurité où ils vivaient pour entrer en lutte avec leurs voisins du Nord et essayer de reprendre à leur compte l'hégémonie (qui avait sans doute reçu plus d'une atteinte) des princes de Hnès (Héracléopolis ) sur le reste de l'Égypte. Le plus ancien des princes connus de cette XIe dynastie qui posa les premières assises de la puissance thébaine, Entouf Ier, n'était qu'un ropa (seigneur héréditaire). Son fils Mentouhotep Ier et ses successeurs s'enhardirent à prendre le cartouche, sans pourtant s'imposer comme suzerains à la Basse-Égypte restée soumise à l'ancienne métropole. On s'accorde néanmoins à reconnaître qu'après dix règnes dont la durée est mal déterminée, un des rois de Thèbes , Nibkheroura Mentouhotep IV fut assez heureux pour justifier son titre de roi des deux L’Egypte antique 10 pays par une conquête effective la quatorzième année de son règne qui se borna vraisemblablement à l'Égypte proprement dite, car on ne trouve trace de la puissance thébaine à pareille époque ni au delà des rochers de la première cataracte, ni dans la presqu'île du Sinaï, dont les mines étaient abandonnées. En revanche, ces princes, à l'exemple des rois héracléopolitains, donnèrent leurs soins aux carrières de la vallée d'Hammamât et cherchèrent, peut être les premiers, par la fondation d'un port voisin de l'emplacement de la moderne Qocéir, un débouché sur la mer Rouge. La nécropole de la XIe dynastie est située au Nord de la grande nécropole thébaine (rive gauche), à Drah Abou'l Negah, c.-à-d. près du point où débouche le défilé de Bab et Molouk (Vallée des Rois). La XIIe dynastie. La XIIe dynastie, fondée à partir de 1991 av. J. C, par l'ancien vizir (principal ministre) de Mentouhotep IV, Amenemhat Ier (Amenhemet ou Amménémès ), originaire d'Eléphantine (ou de Thèbes?), inaugure le Moyen empire proprement dit. Cette dynastie, dont la capitale est dès son commencement transférée à Itiaoui, (probablement aujoud'hui el-Lisht, entre le Fayoum et le Nil), nous intéresse à plusieurs égards. Elle a d'abord l'inappréciable avantage d'être la mieux connue de toutes les dynasties égyptiennes. Ses huit souverains se font suite sans interruption. Sans doute, sa durée varie selon les diverses sources; mais il est à remarquer que le total des années de règne donné par les monuments (181 ans) est à peu près la moyenne entre le chiffre de Manéthon (160) et celui du Canon de Turin (213). Une des particularités de cette dynastie est la précaution, renouvelée presque à chaque règne, que prennent les pharaons (rois), après un exercice plus ou moins long du pouvoir, d'associer leurs successeurs au trône avec la jouissance de toutes les prérogatives royales. C'est ainsi qu'Amenemhat Ier partagea, après quarante-deux ans de règne, le pouvoir avec son fils Sésostris Ier (Ousirtasen ou Sénousret) (1971), lequel, après trente-deux ans de règne, rendit la pareille à son fils, Amenemhat II (1929). Amenemhat II ne fit pas autrement à l'égard de Sésostris II (1897) et, après interruption, Amenemhat III (18441797) reprit la coutume en faveur d'Amenemhat IV (1799-1787). Ce système de gouvernement n'avait pas seulement l'avantage de mettre le trône à l'abri des compétitions; il avait celui d'intéresser plus vivement chaque prince à l'oeuvre de son prédécesseur. Le bénéfice qu'en retira l'Égypte fut immense : à aucune autre époque, elle n'eut un gouvernement plus efficace, ni une plus réelle prospérité. Les pharaons de la XIIe dynastie furent des conquérants à la manière de Pepi Ier. Ils se préoccupèrent avant tout d'assurer à l'Égypte la protection de ses frontières de l'Est et de l'Ouest, sans cesse menacées par les Bédouins du Sinaï et de Libye . Ils reprirent l'exploitation de l'ancien district de Magharah, ouvrirent même de nouvelles mines sur le haut plateau de Sarbût et Khadem. Ils attachèrent surtout un grand prix à la possession complète du cours du Nil proprement dit et s'en rendirent maîtres après d'heureuses campagnes dirigées contre les tribus éthiopiennes et les tribus nubiennes . Sous le règne d'Amenemhat Ier , plusieurs campagnes furent conduites dans le Sud pour s'assurer la possession du pays jusqu'à la deuxième cataracte, qui fut effective sous Sésostris Ier. Leurs successeurs jugèrent prudent, néanmoins, de ne pas étendre trop au Sud leurs occupations et firent de Semneh, à une journée en avant de la deuxième cataracte, leur poste-frontière. On y voit encore les restes imposants de la forteresse élevée, pense-t-on, par le belliqueux Sésostris III, sous le règne duquel le Moyen Empire atteignit son apogée. Pectoral de Sesostris III. Les successeurs de Sésostris III hériteront donc d'un empire prospère, et qui va le demeurer encore quelque temps. Cependant des difficultés commencent à se faire jour dès le règne d'Amenemhat III. Il fallut notamment développer l'agriculture au Fayoum , pour espérer nourrir une population, que des crues insuffisantes du Nil, pendant plusieurs années avaient menacé de famine. La XIIe dynastie s'éteint avec les L’Egypte antique 11 règnes d'Amenemhat IV, puis de sa soeur, la reine Sobekneferu (Sébeknefrourê). Elle aura correspondu à l'une des plus remarquables périodes de l'histoire égyptienne. C'est surtout comme ingénieurs-agriculteurs que tous ces monarques de la XIIe dynastie auront laissé leur empreinte. Ils donnèrent en effet tous leurs soins à l'agriculture en multipliant les bassins et les canaux, en redressant les berges du fleuve, en appliquant, en un mot, les procédés les plus rationnels à l'irrigation, dont ils eurent une très haute conception. La construction supposée du grand réservoir ou lac Moeris , par Amenemhat III, aurait été (si le récit d'Hérodote ne reposait pas sur un malentendu) une oeuvre d'une ampleur inégalée, mais la légende qui s'y rattache semble au moins témoigner de la place qu'avaient alors les travaux consacrés à l'amélioration de l'agriculture. Le temple que ce même roi construisit à l'entrée de Fayoum et connu sous le nom de Labyrinthe faisait, dans l'Antiquité, l'étonnement des voyageurs. Hérodote le déclarait supérieur aux pyramides , dont une seule pourtant, disait-il, dépasse de beaucoup les plus grandes constructions grecques. « A côté de ces entreprises gigantesques, a écrit Maspéro, les travaux exécutés par Amenemhat III luimême n'offrent que peu d'intérêt. A Thèbes , Amenemhat et Sésostris Ier embellirent de leurs offrandes le grand temple d'Amon . Dans la ville sainte d'Abydos , Sésostris Ier restaura le temple d'Osiris . A Memphis , Amenemhat III édifia les propylées au Nord du temple de Ptah . A Tanis , Amenemhat Ier fonda, en l'honneur des divinités de Memphis, un temple que ses successeurs agrandirent à l'envi. Fakous, Héliopolis , Hakhninsou, Zorit, Edfou et d'autres localités moins importantes ne furent pas négligées.-» Aucun monument ne nous laisse une plus juste vue d'ensemble de l'état de l'Égypte à cette époque que les tombes de Beni Hassan . Elles nous font connaître les noms, l'histoire et la situation politique d'une famille de princes héréditaires, les princes de Mihi (Moudirieh actuelle de Minieh ), qui, si les circonstances s'y étaient prêtées, auraient pu devenir rois d'Égypte de la même manière que les princes de Héracléopolis ou de Thèbes . Ces nomarques durent se résigner à ne devenir que grands dignitaires de la cour et administrer leurs États comme préfets (pendant quelqu temps) héréditaires du pharaon. Ces mêmes tombeaux sont une mine très riche de renseignements sur la vie agricole et les industries de l'Égypte à cette époque. L'un d'entre eux (tombeau de Knoumhotep) nous montre également une famille d'émigrants asiatiques amenée devant le gouverneur de la province de Mihi. Ainsi, plus d'un siècle avant l'invasion des Hyksos, des familles venues de Palestine pouvaient non seulement, comme le raconte la légende d'Abraham , pénétrer librement en Égypte, dont la frontière n'était fermée qu'aux bandes agressives, mais remonter la vallée jusqu'à la province de Mihi . Le Papyrus de Berlin n° 1 nous apprend que les Égyptiens pouvaient trouver le même accueil auprès des tribus du désert. Le héros d'un conte populaire (Sinhoué ), dont la scène se passe au temps des deux premiers rois de la XIIe dynastie, obligé de prendre la fuite dans les vallées du Sinaï, rencontre un Bédouin qui l'amène, d'étape en étape, jusqu'au pays des Edomites. Le grand cheikh de la tribu le nomme commandant de ses troupes, etc. Ce joli conte n'est pas d'ailleurs le seul spécimen de la littérature égyptienne à l'époque la plus florissante du Moyen Empire. Les papyrus du British Museum nous ont conservé un Hymne au Nil souvent cité, le petit traité de morale rédigé par Amenemhat Ier à l'usage de son fils Sésostris, ainsi qu'une sorte de satire rythmée de tous les métiers manuels, censèment écrite par un vieux scribe à son fils étudiant au séminaire de Cilcilis. La XIIIe dynastie La XIIIe dynastie fait, par la connaissance incertaine qu'on en a, le plus grand contraste avec la XIIe. Manéthon lui attribue une durée de 453 ans et 60 rois, mais sans nous donner aucun nom. Il la fait suivre d'une dynastie de Xoïs (aujourd'hui Sakha, dans le Delta) avec 76 rois (sans autre désignation) pour une durée de 484 ans. Un important fragment du Papyrus de Turin place précisément après la XIIe une série de 130 à 150 prénoms ou surnoms d'intronisation dont quelques-uns seulement sont accompagnés de noms de famille. La moindre des difficultés que présente une pareille liste consiste à déterminer le point de séparation des deux dynasties. Le résultat le plus clair des plus ingénieuses tentatives a été d'attribuer à la XIIIe dynastie les cartouches de Sowekhotep et de Nowréhotep, mentionnés d'ailleurs sur de nombreux monuments figurés dont quelques-uns ont été d'un grand secours pour le classement. Le lieu où ils ont été trouvés n'a pas été moins significatif. Il a permis de réfuter l'assertion que l'invasion des Hyksos avait eu lieu sous la XIIIe dynastie. C'est en effet Avaris (à l'Est du Delta), la future capitale des Hyksos, l'île d'Argo, près de Dongola , Semneh, indépendamment de Thèbes et d'Abydos qui ont fourni la majeure partie de ces monuments. Comment concilier une activité dont le rayon s'étend de Tanis à Dongolah avec une invasion étrangère? La qualité des monuments n'y contredit pas moins. Ce sont, pour ne citer que les principaux : le colosse de Sowekhotep III, provenant des fouilles de Drovetti dans la Basse-Égypte (Louvre , A, 16); une statue demi- L’Egypte antique 12 grandeur du même en granit gris (id., A, 17); le sphinx de granit rose, portant indûment le cartouche de Ramsès II (id., A, 21); la statue de Sowekemsaw, provenant d'Abydos, ou le petit groupe de calcaire représentant le roi Menkaoura Nahit en adoration devant le dieu Mîn de Coptos . Les Hyksos et la Deuxième période intermédiaire C'est après cette longue et obscure dynastie xoïte, vers 1640, suivie d'une fantomatique XIVe dynastie (probablement contemporaine de la XIIIe, ce qui attesterait de la partition déjà effective du pays), que les abréviateurs de Manéthon placent l'invasion des Hyksos. Ils sont moins d'ailleurs des envahisseurs, qu'une population étrangère implantée depuis plusieurs générations dans le Delta. Ce sont des tribus principalement, semble-t-il, amorrites (population de langue sémitique), et dont le nom signifie quelque chose comme souverains des pays étrangers (et non rois pasteurs, comme une étymologie erronée qui remonte à Manéthon l'a longtemps fait croire). Grâce à l'aide de "collabos" égyptiens, ils s'emparent d'abord du Delta sans coup férir. Leur chef, Salatès ou Saïtès, inaugure la XVe dynastie, élit dans un premier temps Memphis pour capitale, et transforme Avaris , à la frontière orientale du Delta, en un vaste camp retranché. Salatès, dont le règne avait été de dixneuf ans, mourra cependant sans avoir jamais réussi à véritablement porter son emprise au-delà du Delta, et de fait Avaris sera la véritable capitale des Hyksos. Ses successeurs, Bnôn, Apachnas, Apophis et Iannas, ne sont pas plus heureux. Mais deux siècles de combats opiniâtres finissent pas user la résistance égyptienne, et les Hyksos deviennent enfin maîtres de toute l'Égypte, dont ils adopteront la civilisation. Cette victoire -plus politique que culturelle, donc - fut l'oeuvre d'Assès, successeur de Iannas, et avec qui prend fin la Ire dynastie étrangère. Elle avait duré environ deux siècles et demi. Il y eut une Ile dynastie hyksos (XVIe), et Manéthon en évoque encore une IIIe (?), avec de 43 rois pour 151 ans de règne, au terme desquels, dit-il, ils seront battus et refoulés dans Avaris par un prince thébain, fondateur de la XVIIIe dynastie, que Flavius Josèphe appelle Misphragmuthosis. Toujours selon cette tradition, son fils Thoutmosis les laissera après un long règne évacuer pacifiquement l'Égypte. Il existe une autre version non moins romanesque, mais de source indigène. Le Papyrus Sallier Ier, du British Museum met en présence Apopi et le roi thébain Sqenenrâ (Séqénenré) ler. Il s'agit de savoir lequel des deux adorera le dieu de l'autre; sera-ce Apopi qui se convertira à Amon-Râ ou Sqenenrà au dieu Soutekh? Tout dépendra d'une sorte d'énigme que le chef hyksos fait poser au chef thébain. Ce roman populaire insinue que la reprise de la guerre pour l'indépendance eut un motif religieux (ce qui n'est pas si clair que cela), et en tout cas qu'elle est à placer à l'époque de Sqenenrâ Ier. Quoi qu'il en soit, on admet que ce sont bien les princes de cette XVIIe dynastie thébaine qui délivrèrent l'Égypte. Leurs noms nous sont depuis longtemps connus par les monuments. La cachette de Déir el-Bahari a même livré le cercueil et la momie ( Religion égyptienne ) de l'un d'entre eux, Sqenenrâ III. Pour ce qui est des Hyksos, nous n'avons d'autre documents originaux que les monuments trouvés par Mariette à Sân elHagar (site de Tanis , proche de l'ancienne Avaris ), et portant le cartouche d'un Apopi. Mais le document plus important pour cette époque est l'inscription du tombeau d'Ahmos, fils d'Abna, à El Kab . Ce personnage, né sous Sqenenrâ III, nous raconte toutes ses campagnes et la part qu'il prit au siège d'Avaris et à sa chute. Il aurait même poursuivi la poursuite des Hyksos jusqu'en Asie (vers 1550). Cet Ahmos est-il Ahmosis Ier ou, comme on le pense généralement, un homonyme? Toujours est-il qu'à partir du départ des Hyksos, c'est Ahmosis Ier , fondateur de la XVIIIe dynastie, et début du Nouvel Empire, qui devient roi. (Georges Bénédite). III. LE NOUVEL EMPIRE Le Nouvel empire commence avec la XVIIIe dynastie. Il s'étend du XVIeau XIe siècle avant notre ère, et correspond à une nouvelle période de prospérité pour l'Égypte débarrassée de la main-mise des Hyksos ( Le Moyen Empire). Cette dynastie a été celle de la reine Hatshepsout, des Thoutmôsis et des Aménophis (Amenhotep). Aménophis IV, sous le nom d'Akhenaton, tente de contrer le pouvoir grandissant des prêtres d'Amon à Thèbes en promouvant une religion nouvelle ( La religion égyptienne ) toute à sa propre gloire. A sa mort le culte d'Amon est restauré, en, même temps que la puissance thébaine. Ramsès Ier inaugure la XIXe dynastie en 1307 av. J.-C, et est bientôt être confronté, ainsi que le seront ses successeurs immédiats, avec la menace des Hittites et des autres peuples d'Asie mineure contre lesquels Ramsès Ier, Séti Ier et Ramsès II (1290-1224) feront des guerres. Ce dernier roi, qui installe sa capitale à PiRamsès (Per-Ramses = la demeure de Ramsès), dans le Delta, étendit au loin ses conquêtes et porta la terreur de ses armes jusqu'aux confins de la Mésopotamie. Le péril extérieur ainsi écarté, la paix revint pendant plusieurs décennies. Ce fut un âge d'or pour l'art, l'architecture et la littérature. Mais les successeurs de Ramsès II dûrent L’Egypte antique 13 bientôt faire face à de nouvelles invasions, celles des «-Peuples de la mer », parmi lesquels figuraient les traditionnels ennemis asiatiques de l'Égypte, mais aussi des Grecs. La XIXe dynastie s'achève ainsi par des troubles et la XXe (1196-1070) qui lui succède ne fait que consacrer le déclin dans lequel est désormais entraîné le pays. Le temps de la grandeur sans partage des pharaons touche à sa fin. Et ce sera le clergé thébain, qui lui n'a cessé de renforcer pendant tous ces remous, qui écrira dans une large mesure l'histoire des siècles suivants. Dates-clés : 1550 -1070 av. J.-C. - Nouvel Empire. 1473 - 1458 - Règne de la reine Hatchepsout. 1391 - 1353 - Règne d'Aménophis III 1353-1335 - Aménophis IV / Akhenaton (période Amarnienne). 1290 -1224 - Règne de Ramsès II. L'âge d'or des bâtisseurs Énumérer les monuments construits par les rois du Nouvel Empire serait (à quelques temples près bâtis par les Ptolémées et les empereurs romains) passer en revue tous les temples de l'Égypte. Le Nouvel empire est, en effet, la période de construction par excellence, ou plus exactement de reconstruction. Les premiers souverains de la XVIIIe dynastie donnèrent le signal en restaurant les édifices qui avaient le plus souffert pendant la guerre de l'indépendance. A partir de Thoutmôsis Ier, les rois ne se contentent plus à si peu de frais : la vallée du Nil se transforme depuis la mer jusqu'au Djebel Barkal en un immense chantier où les bras sont comptés par milliers. Grâce, en effet, aux populations entières qui sont transportés de tous les pays vaincus en Égypte, des temples de proportions inusitées jusqu'alors s'élèvent et couvrent de règne en règne des espaces de plus en plus colossales se grands, chaque roi ajoutant à l'oeuvre de son prédécesseur; des obélisques , des statues dressent; des avenues de sphinx sillonnent de vastes plaines, si vastes que le voyageur émerveillé en retrouve encore les traces loin du périmètre des villes. A Napata , à Soleb, à Semneh, à Ouadi Halfa , à Abou Simbel , en plus de vingt villes, aujourd'hui bourgades de la Basse-Nubie , à Éléphantine , à Syène , à Ombos , à El Kab , à Esneh , à surtout, où l'activité ne se ralentit que sous Aménophis IV, et de Thèbes jusqu'à Hermonthis , à Thèbes Memphis , de Memphis jusqu'aux bouches du Nil, dès que la politique asiatique de Ramsès II eût rendu au Delta et même accru l'importance qu'il avait avec les rois memphites, l'Égypte se couvrit de temples, de forteresses, d'arsenaux, de magasins, pour recevoir l'impôt, de belles villas; les hautes falaises de calcaires qui bordent le Nil se creusèrent pour abriter trente générations de morts en luxueuses syringes où l'art le plus consommé nous révèle aujourd'hui comme par enchantement les merveilles de cette extraordinaire civilisation. La XVIIIe dynastie La XVIIIe dynastie a été fondée par Ahmos Ier (Amosis), le vainqueur des Hyksos ( Moyen Empire), elle marque sa place dans l'histoire par une série de conquêtes qui assurent, pour près de quatre siècles, la prépondérance des rois. L'inscription du tombeau d'Ahmos, fils d'Abna, commandant de la flottille, nous apprend que le roi, son homonyme, poursuivit les Hyksos jusqu'à Sharouhana (peut-être Sharouken de Siméon), leur infligea l'an VI de son règne une sanglante défaite, et qu'après la prise de Sharouhana, il tourna ses armes vers la frontière Sud. Sa campagne dans le Khontnefer (région de Nubie entre la première cataracte et Assouan) fit rentrer dans l'obéissance une partie des anciennes populations tributaires du haut Nil. Favorisé par ses victoires, Ahmos Ier s'appliqua à remettre en vigueur les traditions délaissées pendant de longs règnes : il partagea son activité entre la guerre qui lui fournit d'importantes ressources et l'embellissement de sa capitale qui les absorba. Il ne borna pas ses soins à Thèbes et au sanctuaire d'Ahmos : le temple de Ptah à Memphis en eut sa très grande part. Ahmos tenait ses droits au trône de Nofertari, sa femme, fille du roi Kamos (Kamès), dernier souverain de la XVIIe dynastie, et de la reine Aahhotep. Il en eut un fils, Amenhotep Ier (Amenophis), qui lui succéda. Amenhotep épousa sa soeur Aahhotep II, conformément à un usage qui se perpétua en Égypte jusqu'à l'introduction du christianisme . La mort de son père ne le mit pas en pleine possession du trône : il dut le partager avec la reine mère Nofertari qui incarnait à un trop haut degré la légitimité pour perdre ses droits par le veuvage. Au point de vue militaire, le règne d'Amenhotep fut fécond en beaux résultats. La Haute-Nubie , maintenue dans le devoir, devint une colonie si prospère qu'on ne distinguait plus entre les territoires au Nord et les territoires au Sud de la première cataracte. Les richesses agricoles du Dongola furent exploitées par des colons qui trouvèrent alors dans le pays de Koush une sécurité égale à celle des provinces de l'Égypte proprement dite. L’Egypte antique 14 Le siphon, une invention égyptienne. La plus ancienne représentation remonte au règne d'Aménophis II. Thoutmos (Thoutmôsis) ler, fils et successeur d'Amenotep, contribua à cette sécurité en se montrant sur le haut Nil comme son prédécesseur. Une inscription gravée sur les rochers de la troisième cataracte marque les traces de son passage. Thoutmos avait d'ailleurs mieux à faire qu'à batailler contre le Sud. Depuis le temps des Hyksos, l'Asie s'était affirmée comme la source des plus grands dangers que pouvait courir l'Égypte. Thoutmos prit les devants. A peine couronné, il envahit le pays des Canaanites, et fit pour la première fois sentir le poids des armes égyptiennes aux Rotenou, peuplade sémitique maîtresse des territoires compris entre le Liban et le désert de Syrie. Une stèle élevée sur les bords de l'Euphrate montre qu'à la défaite des Rotenou, il ajouta celle des tribus du Naharina (Mésopotamie euphrato-orontienne). Son fils et successeur, Thoutmosis II, ne paraît pas lui avoir longtemps survécu. Hatshepsout La mort de ce prince rendit le pouvoir à la reine Hatshepsout, sa soeur et épouse. Fille de la reine Ahmes, Hatchepsout avait, en effet, déjà fait l'apprentissage de la puissance royale du vivant d'Amenophis, qui l'avait associée au trône : à la mort de Thoutmosis II, elle l'assuma, en qualité de régente, c.-à-d. en attendant la majorité de Thoutmosis III, fils du roi précédent et de sa concubine Isis. Le nom de cette régente, dont la tradition classique n'a pas conservé le souvenir, est pourtant un des plus grands personnages de l'histoire d'Égypte; car, si jamais l'esprit d'entreprise s'est manifesté en ces temps lointains dans un but essentiellement pacifique, c'est seulement lors du gouvernement de la reine Hatshepsout. Non contente de reprendre l'exploitation des districts miniers du Sinaï délaissés depuis la XIIe dynastie ( Moyen Empire), elle expédia une flotte dans le To-Nouter (le pays des Somalis ) à la recherche des produits naturels que la renommée plaçait dans ces régions reculées. « Les Égyptiens, descendus à terre, dressèrent une tente dans laquelle ils entassèrent leurs pacotilles pour les échanger contre les produits du pays. Les indigènes appartenaient à la même race que les Koushites de l'Arabie méridionale et de la Nubie . Ils étaient grands, élancés, d'une couleur qui varie entre le rouge brique et le brun presque noir [...]. Les principales conditions du marché se réglèrent probablement dans un banquet, où l'on servit aux barbares toutes les délicatesses de la cuisine égyptienne. Les envoyés reçurent d'eux entre autres objets précieux trente-deux arbrisseaux à parfums, disposés dans des paniers avec des mottes de terre. Hatshepsou les fit planter par la suite dans ses jardins de Thèbes : c'est, je crois, le premier essai connu d'acclimatation.-» (Maspéro.) Thoutmôsis III Hatshepsout paraît avoir exercé le pouvoir jusqu'en l'an XX du règne officiel de Thoutmôsis lll; toujours est-il que dès l'an XXI, ce dernier règne seul. A peine débarrassé de cette longue tutelle, il s'efforça d'abolir les traces d'un passé humiliant pour son orgueil, en s'acharnant avec une rage iconoclastique contre la mémoire de la reine. Ce tempérament d'une énergie brutale le prédestinait à devenir, dans le domaine de la guerre, le personnage capital de l'histoire d'Égypte. Les trente-cinq ans que dura son règne depuis la mort d'Hatshepsout furent marqués par tant d'expéditions militaires qu'on pourrait se demander non combien d'années mais de mois l'Égypte put jouir de la paix, si l'on ne savait par avance que la guerre, telle que la pratiquaient les chefs des grands empires orientaux, n'était le plus souvent qu'une parade armée organisée à travers des pays dont la capitulation était assurée. Ces expéditions, qui n'avaient d'autre but que d'ajouter aux revenus des pharaons l'énorme impôt que des voisins trop faibles payaient pour acheter la paix, ne devaient guère durer qu'une saison et n'absorbaient pas de contingents assez forts pour que l'agriculture s'en ressentit. Les moindres guerres civiles ou féodales au dedans exerçaient plus lourdement leur action sur la vie régulière que trente ans de campagnes au dehors, qui accumulaient dans la nation victorieuse un butin énorme d'esclaves et de denrées de toute sorte. De l'an XXIV à l'an XXVIII, Thoutmos parcourt quatre fois la Syrie et la Phénicie. La défaite des Rotenou à Mageddo (an XXIII) après une bataille insignifiante, lui donna immédiatement la mesure de sa supériorité. Dès lors rien ne l'arrêta. L'an XXIX, il pousse L’Egypte antique 15 jusqu'à l'Euphrate, pille Tounipou et Karkemish. Il revenait chargé de butin de cette expédition lointaine, lorsque la richesse du pays de Djahi (la Phénicie septentrionale) le détourna de l'Égypte. « L'abondance fut si grande au camp du vainqueur, que les soldats purent se gorger d'huile d'olive chaque jour, luxe qu'ils ne se donnaient en Égypte qu'aux jours de fête. » (Maspéro). Les campagnes de l'an XXX et XXXI mirent à la merci de l'Égypte Qadesh, Symira, Arad, Arrotou, celle de l'an XXIIII ramena Thoutmôsis devant les Khiti du Naharina; c'est au retour de cette expédition qu'il s'empara de Nii, ville de la Syrie septentrionale qu'on a confondue avec Ninive . D'autres noms de villes ou de peuples de la même région ont été ainsi identifiés à plaisir avec des villes ou des peuples reculés, et l'on a longtemps cru pouvoir dire avec Mariette que l'empire s'étendait alors depuis l'Abyssinie et le Soudan jusqu'à l'Irak Arabi, le Kurdistan et l'Arménie. En réalité, toutes les guerres de Thoutmôsis, depuis la campagne de l'an XXII jusqu'à celle de l'an XLII, ont eu pour théâtre, en Asie occidentale, la région comprise entre le Taurus, l'Euphrate et la lisière du désert de Syrie; sur mer, les îles les plus voisines de l'Égypte, Chypre et la Crète . Au Sud, il dut, à l'exemple de ses prédécesseurs, pousser beaucoup plus loin et asseoir sa puissance sur la plus grande partie du bassin du Nil. Son fils Amémophis II et son petit-fils Thoutmôsis IV suivirent son exemple et tinrent en haleine les bataillons de l'Égypte par des expéditions répétées. Sous Aménophis III, la suzeraineté de l'Égypte sur les petits États asiatiques se trouvait tellement consolidée, qu'il n'y eut guère plus de résistance de la part des princes vassaux. Les relations pacifiques se multiplièrent, provoquant l'action d'influences diverses et favorisant, par le voyage, le commerce, la diffusion des langues, le développement des deux civilisations. Aménophis IV (Akhénaton) Le règne d'Aménophis IV (Amenhotep IV, Khounaton ou Akhenaton) nous offre le curieux spectacle des plus anciennes luttes du sacerdoce et de l'empire : un roi provoquant un schisme pour anéantir la puissance du grand prêtre d'Amon . Le dieu de Thèbes , Amon, avait profité de la fortune de la maison royale; de simple divinité locale, il était parvenu à la suprématie de l'Olympe égyptien ( La religion égyptienne ). Son grand prêtre n'avait pas eu la plus maigre part à cet avancement, qui se traduisait non seulement par un grand accroissement d'influence religieuse, mais surtout par l'extension d'une sorte de pouvoir temporel qui s'exerçait dans l'administration des domaines du temple. Amon n'avait pu s'affirmer comme le principal dieu sans devenir en même temps le principal propriétaire foncier de l'Égypte. Parmi les antiques sanctuaires qui perdirent le plus au triomphe de ce parvenu, celui d'Héliopolis , qui avait doté l'Égypte de son système religieux, était au premier rang. L'égo d'Aménophis IV l'associa assez ingénieusement à sa rancune. Il lui emprunta, comme machine de guerre, une forme secondaire de son dieu soleil , opposa cette divinité jusqu'alors assez effacée, Aton (le disque), au dieu de Thèbes, lui constitua d'importants domaines dans la Moyenne-Égypte et fit de sa métropole, Khounaton ou Akhetaton (actuellement Tell el-Amarna ), la capitale de l'empire. Aménophis IV, auto-proclamé Aton terrestre, seul dieu qu'il fût désormais pêrmis de vénérer, légitima ainsi sa main basse sur tout ce qui jusqu'alors avait échappé aux roi d'Égypte, malgré leur supposée toute-puissance. Le signe de cette concentration du pouvoir peut aussi se lire dans l'évolution qu'il donne au sens du mot pharaon. Ce n'est plus la Maison royale ( Ancien Empire); désormais le Pharaon, c'est lui, et lui seul. Mais la puissance d'Amon était trop solidement assise pour être ébranlée par un dieu secondaire, et Aton ne survécut pas longtemps à son champion. Toutankhamon et la réaction thébaine Le successeur d'Akhenaton, Toutankhamon occupe peu de place dans l'histoire de l'Égypte, et est surtout connu parce que sa tombe, découverte en 1922 dans la vallée des Rois ( Thèbes ) est la seule connue à n'avoir pas été pillée. Il semble qu'il ait été le plus jeune frère ou demi-frère d'Akhenaton. Il n'a régné que neuf ans (entre 1333 et 1323) et apparaît surtout comme le témoin de retour au culte d'Amon, qui est est piloté par celui qui lui succèdera bientôt, Aï. Gendre d'Aménophis IV, Aï avait jugé prudent de rentrer dans les bonnes grâces du dieu thébain, sans pourtant tout à fait abandonner son rival. Mais mais, après une période de troubles persistants, son successeur Harembebi (Horemheb), allié au sacerdoce thébain, se fit l'instrument de la réaction et assura la solidité du trône en exerçant contre Aton les représailles d'Amon . Il ne fut pas seul à recueillir le fruit de son habileté. La suprématie resta à Thèbes pour près de trois siècles. La XIXe dynastie Sous la XIXe dynastie, inaugurée en 1307 par le règne de Menpehtirê (Ramsès Ier) , l'Égypte, sans rien perdre de sa force vitale, ne fut plus comme par le passé l'arbitre du sort de ses voisins d'Asie. Une puissance rivale, celle des Khiti ou Hittim, qui jusqu'alors n'avait songé qu'à se défendre contre les invasions des conquérants de la XVIIIe dynastie, avait profité de l'affaiblissement momentané de l'Égypte après la mort L’Egypte antique 16 d'Aménophis IV pour secouer le joug des pharaons et substituer sa propre suzeraineté sur les États syrophéniciens à celle de l'Égypte. L'histoire des guerres égypto-hittites est le fait le plus saillant de cette nouvelle période. Une première campagne se termina par un traité conclu entre Sapaloul et Ramsès Ier. Une seconde campagne mit aux prises leurs successeurs Morousar et Séti Ier (Sethi). Mais Seti (Mériamon), qui était très facilement venu à bout des Shasou, des Libnanou et autres populations de la Syrie méridionale, rencontra de la part des Hittites une résistance tout à fait imprévue. C'est qu'il n'avait plus affaires aux Khiti qu'avaient battus et razziés Thoutmôsis IV, mais à une nation puissante faisant non seulement la loi chez elle, c.-à-d. dans le Naharina, mais encore dans la plus grande partie de l'Asie Mineure, la Cilicie , la Lycie, la Mysie . Ilion ( Troie ) et Pedasos étaient ses tributaires et formaient avec elle une sorte de fédération militaire assez forte pour se faire respecter, et même en mesure de s'organiser pour la conquête. Seti Ier jugea prudent de mettre fin à des victoires incertaines par un bon traité qui fixait à l'Oronte la démarcation des deux zones d'influence. « Restreinte à la Syrie du Sud et à la Phénicie, l'autorité des pharaons, dit Maspero, gagna en solidité ce qu'elle perdait en extension. Il semble que Seti Ier, au lieu d'exiger simplement le tribut, imposa à chacun des peuples vaincus des gouverneurs d'origine égyptienne et mit des garnisons permanentes dans quelques places, comme Gaza et Magidi. » Ce n'est pas de là que devait venir le danger. Les peuples de l'Asie Mineure qui savaient par leurs relations avec les Khiti quelle riche proie devait être l'Égypte, tentèrent une invasion par mer favorisée par les Libyens , mais ils furent battus par Ramsès II (Ousimarê), que son père Seti avait, sur ses vieux jours, associé à l'empire. Au nombre de ces peuplades se trouvaient des Shardanes ou Sardinens, ses prisonniers, qu'il incorpora dans sa garde. Jusqu'alors l'armée égyptienne n'avait emprunté son élément étranger qu'aux populations du Haut-Nil; Ramsès préluda ainsi à l'organisation des troupes mercenaires qui supplanta, dans la suite, l'armée nationale. Ramsès II Toutes ces guerres de Ramsès II s'effacent devant sa fameuse campagne de l'an V, célébrée par une sorte d'épopée qu'un poète aux gages du roi, Pentaour, composa pour la circonstance. Cette longue pièce, gravée en entier et en abrégé sur plusieurs temples, nous est également parvenue par des copies manuscrites. Motour, fils de Morousar, avait été fidèle aux engagements pris par son père, mais son frère et successeur, Khitisar, n'imita pas son exemple. Les peuples de l'Asie Mineure ne demandaient qu'à marcher contre l'Égypte; il se mit à la tête de la coalition, et « l'on vit des bandes troyennes traverser la péninsule dans toute sa longueur et venir camper en pleine vallée de l'Oronte, à trois cents lieues de leur patrie. » L'armée égyptienne n'offrait pas un moins singulier mélange : « Elle renfermait, remarquait Maspéro, à côté des Égyptiens, des Libyens, des Mashouasha de Libye, des Maziou, des Shardana, débris de l'invasion repoussée victorieusement quelques années auparavant. » Ce fut à Shabtouna, petite bourgade syrienne, située un peu au Sud-Ouest de Qadesh, que les deux armées se rejoignirent. Celle de Ramsès y fut surprise par l'ennemi, qui avait mis les Bédouins de l'endroit dans son jeu. Deux de ces Bédouins vinrent faire un faux rapport au pharaon et l'attirèrent, lui et toute son escorte, dans un guet-apens dont il ne se tira que par des prodiges de valeur. La victoire lui resta finalement et Khitisar demanda la paix. Mais la guerre ainsi rallumée en pays cananéen ne prit pas fin de sitôt. Fomentée par le roi de Khiti, elle dura jusqu'à ce, que les deux puissances également fatiguées éprouvèrent spontanément le besoin d'une paix définitive. Elle fut signée l'an XXI du règne de Ramsès. Le texte du traité nous a été fort heureusement conservé, grâce à la coutume épigraphique d'alors, qui faisait des murailles des temples de véritables archives. L'alliance qui garantissait les nombreuses clauses de cet acte fut quelque temps après consolidée par un mariage politique. Ramsès épousa la fille aînée de Khitisar et entretint des rapports d'amitié avec son beau-père qui se décida à faire le voyage d'Égypte. Une stèle commémorative fut gravée en l'honneur de cet heureux événement qui fait le plus singulier contraste avec les épithètes injurieuses que les princes de pays étrangers ne manquaient alors jamais de se décerner dans les actes de chancellerie. Les « Peuples de la mer » Les quarante-six années de paix qui s'écoulèrent entre la fin des hostilités et la mort de Ramsès furent suivies d'une période de troubles qui fit perdre à l'Égypte le fruit de ses dernières conquêtes. Un des résultats du long règne de Ramsès II avait été d'user de son vivant toute une série d'héritiers présomptifs et d'élever au trône un prince déjà vieux, Merenptah (Menephtah), son treizième fils. L'an V de son règne, le Delta eut à subir une nouvelle invasion des peuples de l'Asie Mineure, connus sous le nom de «-Peuples de la mer ». Aux Tyrrhéniens, aux Shardanes et aux Syriens que Ramsès avait déjà défaits s'étaient joints des tribus nouvelles, les L’Egypte antique 17 Akaiousha (Achéens) et les Shakalousha (Sicules). Ils avaient débarqué chez leurs alliés de Libye et s'étaient avancés jusqu'à Prosopis. La vaillance des troupes de Merenptah qu'un songe empêcha d'assister à la bataille conjura le danger. Les « Peuples de la mer » furent battus et l'Égypte délivrée d'une invasion qui, si elle s'était produite vingt ans plus tard, auraient pu singulièrement changer la face des choses. Le peu de monuments de toute nature qui nous sont parvenus de cette époque nous montrent en effet l'Égypte gouvernée par des princes sans autorité qui laissent usurper presque toute l'étendue de leurs pouvoirs par des vice-rois ou des ministres. Des collatéraux, au mépris de la règles successorales, s'intercalent entre le règne d'un père (Mereptah) et de son fils (Seti II). L'autorité éphémère de ces princes s'étendait-elle au moins sur toute l'Égypte? C'est fort douteux. En tous cas, la Syrie, délivrée par ses garnisons égyptiennes, rappelées en toute hâte par Mereptah, s'est affranchie du tribut. L'usurpation d'un chef syrien, «Arisou qui fut chef parmi les princes des nomes et força le pays entier à prêter hommage devant lui », mit fin à la XIXe dynastie. La XXe dynastie La XXe dynastie, qui commence avec le bref règne de Sethnakht ou Nekthseti (1196-1194), et se poursuit par la série ininterrompue des Ramsès numérotés de III à XI (Ramessides), va nous faire assister à la ruine de la puissance thébaine. Sans doute Ramsès III, fils de Nekthseti, qui avait renversé l'usurpateur Arisou et rétabli avec la légitimité la paix en Égypte, eut-il un règne au bilan relativement positif. A l'exemple des grands souverains de la XVIIIe et de la XIXe dynastie, et surtout de Ramsès II, qu'il s'était donné comme modèle, il avait fait plus que conjurer les dangers dont le Delta fut menacé du fait des Libyens et des confédérés d'Asie Mineure. Après avoir repoussé une première invasion des Shasou du désert arabique, deux invasions libyennes et, dans l'intervalle, une troisième attaque des Tyrrhéniens, des Shakalash et des Danaens, ralliés au prince du Khiti, venus par terre et par mer jusqu'à Raphia, il avait restauré la suzeraineté des pharaons sur la Syrie, concédé des territoires aux Masbouasha à l'Ouest et aux Pelishti à l'Est de la frontière égyptienne, et intéressé ainsi à la prospérité du pays des tribus turbulentes qui, dès lors, combattirent dans les rangs de ses légions; il avait repris l'exploitation des mines du Sinaï, et, comme la reine Hatchepsout, envoyé ses flottes jusqu'aux rives lointaines du Pount et du To-Nouter. Mais, victorieux au dehors, il n'avait pu faire disparaître au dedans les germes de décomposition qui, depuis plus d'un siècle, travaillaient profondément l'Égypte. Au milieu du désarroi général, résultat de plusieurs siècles de guerres qui avaient modifié les caractères et les moeurs, une seule puissance était restée debout et, à la faveur des circonstances, en était venue d'empiétements en empiétements à balancer l'autorité royale; c'était le haut clergé de Thèbes . Déjà le premier prophète d'Amon , Nekhtou, s'était élevé à une sorte de souveraineté spirituelle à côté de Ramsès IV et de ses successeurs éphémères; son fils Amenhotep n'en laissa rien perdre. Quand le dernier des Ramsessides mourut, en 1070, le grand prêtre Hrihor, successeur d'Amenhotep qui s'était, du vivant du roi, fait décerner le titre princier de vice-roi de Nubie , prétendit à la royauté, et, fort de son union avec la reine Nodjemit, usurpa le cartouche, tout en conservant comme nom d'intronisation le titre sacerdotal. Le roi-prêtre Hrihor-Siamon ne semble pas avoir joui longtemps de la pleine souveraineté sur toute l'Égypte. Le Delta qu'il avait favorisé lui-même, à l'exemple des rois de la XIXe dynastie, lui suscita un concurrent, Nsibindid ou Smendès (le Mendès de Manéthon) qui l'emporta et installa sur le trône de Tanis , élevée au rang de capitale, la XXIe dynastie. Ainsi commence, selon la terminologie habituelle, la troisième période intermédiaire, qui sépare dans l'histoire égyptienne le Nouvel Empire de la Basse Époque. (Georges Bénédite). IV. LA BASSE EPOQUE La troisième période intermédiaire La XXIe dynastie. A partir de 1070 av. J.-C, il s'opère un grand changement une Égypte nouvelle s'élève sur les ruines de la vieille Égypte des rois thébains. « Le centre de gravité, observe Maspéro, qui, après la chute du premier empire, était descendu au Sud, vers Thèbes , par la conquête de la Nubie et le développement de la puissance égyptienne dans le Soudan, remonta peu à peu vers le Nord et oscilla quelque temps entre les différentes villes du Delta. Tanis , Bubaste , Saïs se disputèrent le pouvoir avec des chances à peu près égales et l'exercèrent tour à tour, sans jamais approcher de la splendeur de Thèbes ni produire aucune dynastie comparable aux dynasties des rois thébains. » jugèrent prudent de ne pas contester la suzeraineté des rois tanites Les grands prêtres d'Amon moyennant une reconnaissance de leurs droits. C'est ainsi qu'ils restèrent en possession du grand fief de Thèbes, L’Egypte antique 18 comprenant alors toute la Haute et une partie de la Moyenne-Égypte. De même ils recherchèrent la main des princesses de la nouvelle maison royale, mêlant ainsi par des unions calculées en vue de leur prestige le sang des parvenus de Tanis au sang des Ramsès déchus ( Nouvel Empire). On vit le grand prêtre Pinedjem Ier (10131009) petit-fils d'Hrihor et de la reine Nodjemit (ancienne maison royale de Thèbes ), épouser la princesse Makarâ, fille de Psioukhannout Ier de Tanis (Psousennès), et son petit-fils Pinedjem II s'enorgueillir du titre de fils de Psioukhannout bien que, d'un autre lit, il n'eût pas une seule goutte de sang tanite. On vit pareillement Pinodjem Ier joindre à son titre sacerdotal le titre consenti de roi, et le roi Psioukhannout, son beau-frère et son suzerain, s'intituler comme lui premier prophète d'Amon. Tout cela ne dénote-t-il pas une parfaite entente entre les deux familles qui s'étaient élevées sur les débris de l'antique maison des Ramessides? Pendant les cent cinquante ans environ que régnèrent les sept rois tanites, l'Égypte conserva une apparence de force. Les temps étaient trop récents où ses armées conquérantes parcouraient les chemins de l'Asie. Le roi d'Israël, Salomon , et le roi des Iduméens, Hadad, se ménageaient l'amitié du pharaon - peut-être Psioukhannout ll (959-945) - en épousant ses filles. Le Delta devenait de plus le grand marché où s'approvisionnaient par l'entremise des Phéniciens les peuples de l'Asie occidentale et de l'archipel. Une certaine activité régnait sur les chantiers de constructions : pendant que les grands prêtres d'Amon faisaient des efforts pour arrêter leur vieille capitale sur la rapide pente de la décadence, les rois de Tanis concentraient les leurs sur la nouvelle et mettaient la dernière main à l'exécution des plans de Ramsès II. En ce renouvelant, l'Égypte des rois du Nord restait pourtant plus que jamais ce qu'elle avait toujours été, c'est-à-dire un pays politiquement travaillé par des forces contraires s'équilibrant plus ou moins et se remplaçant l'une par l'autre dans un rapide jeu de bascule. Une famille est à peine usée qu'une autre est toute prête à recueillir sa succession. Quelle circonstance provoqua la chute des Tanites? Nous l'ignorons. Toujours est-il qu'une famille libyenne , fixée depuis plus d'un siècle à Bubastis après avoir vu grandir de génération en génération son influence avec l'importance chaque jour croissante des colonies libyennes, se trouva prête à recueillir l'héritage des Tanites. Déjà, du vivant de Psousennès Il. Sheshonq (Chéchanq), alors généralissime, préparait les voies à son ambition en plaçant son fils Aoupouti sur le siège pontifical d'Amon . C'était faire preuve d'une grande prévoyance. Les pharaons de sa famille l'imitèrent et purent maintenir intacte leur hégémonie au Sud de l'Égypte en déléguant un de leurs fils à la suprême dignité sacerdotale jusqu'alors héréditaire. Ils ne firent guère en cela que revenir à la coutume royale qui donnait en apanage au prince héritier le gouvernement du pays de Koush. Au reste, à l'époque où nous sommes, le pays de Koush relevait directement du gouvernement sacerdotal de Thèbes. Les Bubastites étaient trop préoccupés d'atténuer le souvenir de leur origine étrangère pour dédaigner la formalité du mariage avec des princesses de sang ramsesside. La XXIIe dynastie. Comme tous les fondateurs de dynasties, Sheshonq Ier (945-924)déploya la plus grande activité. Il intervint dans les affaires de Judée, pilla Jérusalem et envahit le royaume du Nord. « La comparaison de sa liste (gravée à Karnak ) avec celle de Thoutmôsis III, notait Maspéro, montre combien était profond l'affaiblissement de l'Égypte, même victorieuse, sous la XXIIe dynastie. Il n'est plus question ni de Gargamish, ni de Qodshou (Qadesh), ni de Damas, ni des villes du Naharanna. Magidi est le point le plus septentrional où Sheshonq soit parvenu. » Sa suzeraineté sur la Palestine ne dura qu'autant que lui. Ses successeurs eurent trop à faire à l'intérieur pour se donner le luxe d'envoyer des armées au dehors. Une féodalité nouvelle avait progressivement remplacé l'ancienne. Quoique issue de la famille royale, qui s'était égrenée sur tout le pays, absorbant les petits gouvernements comme elle avait absorbé le grand, cette féodalité n'était ni moins ambitieuse n moins turbulente que la première, et l'Égypte n'eut pendant tout le règne des Bubastites qu'une ombre de stabilité. Du moins ces princes en profitèrent-ils pour laisser par des monuments le souvenir de leur règne. Bubastis , Tanis et Memphis en eurent la meilleure part; Thèbes ne fut pas complètement oubliée. Une cour immense ornée d'un double portique vint s'ajouter en avant des constructions grandioses de Seti Ier et de Ramsès II ( Nouvel Empire). C'est au temps des Bubastites que fut prise la singulière précaution à laquelle nous sommes redevables de l'importante trouvaille de Deir el-Bahari. Le danger que courant alors les momies royales ( Religion égyptienne ) exposées, dans le relâchement général de l'autorité, aux convoitises du petit personnel des nécropoles, inspira la pensée de les retirer de leurs tombes et de les déposer dans une chapelle attenante à la tombe d'Aménophis Ier où l'on pouvait concentrer la surveillance. Pour plus de commodité, le grand prêtre Aoupouti les fit, après un certain temps, transporter dans son tombeau de famille, où Maspero les a retrouvées en 1881, entassées pêle-mêle avec celles des grands prêtres. Au nombre de ces momies se trouvaient celles du roi L’Egypte antique 19 Sqenenrâ III de la XVIIedynastie (Deuxième période intermédiaire Moyen Empire); des rois Ahmosis ler, Aménophis Ier, Thoutmôsis II, Thoutmôsis III, Seti Ier, Ramsès Ier, Ramsès II, Ramsès III, des reines Nofertari, Aahhotep ( Nouvel Empire), Nodjemit, Makarâ et Isimkheb, les grands prêtres Hrihor et Pinedjem III (Troisième période intermédiaire). Les XXIIIe et XXIVe dynasties. A la faveur des désordres qui troublèrent les règnes des derniers Bubastites, une maison de Tanis était arrivée àprendre assez d'importance pour imposer, à la mort de Sheshonq IV, sa suzeraineté sur les petites principautés, suzeraineté (qui correspond à la XXIIIe dynastie (827-712)) d'ailleurs précaire et qui ne paraît pas avoir duré plus d'un demi-siècle. La XXIVe dynastie, qui vient ensuite, n'eut pas une plus brillante fortune. Ce n'était, à vrai dire, qu'une première tentative des princes saïtes qui n'aspiraient qu'à avoir leur siècle de puissance et de grandeur comme les Tanites et les Bubastites. Mais l'audace sans frein de Tafnekht compromit en partie le succès de son entreprise. Après s'être emparé par la force de toute la région occidentale du Delta, il remontait le cours du Nil, quand il se heurta, au Nord d'Abydos , à la flotte du roi nubien Piankhi-Miamoun, venu au secours des petits souverains locaux. L'assistance de Piankhi n'était pas absolument désintéressée. On se rappelle que les Bubastites avaient dépossédé les grands prêtres d'Amon pour constituer un apanage à l'un de leurs fils. Exilés de Thèbes , les descendants des Hrihor et des Pinedjem s'étaient retirés dans la partie la plus méridionale de leur ancien royaume, entre la deuxième et la quatrième cataracte où la civilisation égyptienne n'avait cessé de pénétrer depuis les rois de la XIIe dynastie (Moyen Empire). C'est ainsi que le roi-prêtre Piankhi attendait depuis près de vingt ans dans Napata , sa capitale, une occasion d'intervenir en Égypte et de reconquérir le domaine de ses pères. L'appel des princes le trouva prêt. De victoires en victoires Piankhi (futur fondateur de ce qui allait être la XXVe dynastie) arriva jusqu'à Memphis , dont il s'empara par surprise, se fit reconnaître roi - son épouse Amnéritis, devenant vice-reine et bientôt régente, - par les prêtres d'Héliopolis , les princes de Bubastis disposés à tout accepter par la crainte des représailles, enfin par tous les petits souverains du Delta. Tafnekht capitula comme les autres et dut s'estimer très heureux de conserver sa petite principauté saïte; mais son fils et successeur Bocchoris (717-712) expia bien plus cruellement les erreurs de son ambition. La XXVe dynastie (dynastie nubienne). Après une guerre malheureuse, Bocchoris tomba aux mains de Shabaka (Sabacon), roi de Nubie , et fut brûlé vif dans Saïs , sa capitale. Sa défaite et sa mort livrèrent l'Égypte entière aux Nubiens. Que Sabacon (712-698) ait réalisé le type du bon souverain oriental; qu'il ait été, comme le veut la tradition, le législateur modèle, cela n'a rien d'invraisemblable; toujours est-il que c'est de son règne qu'il faut dater l'événement le plus fécond en conséquences néfastes pour l'Égypte, l'entrée de ce pays dans la ligue des États de la Palestine et de la Syrie contre les Assyriens. Battu à Raphia par le roi Sargon, Sabacon, qui n'avait dû son salut qu'à la fuite, trouva sans doute, en rentrant sur les bords du Nil, que sa malheureuse intervention avait singulièrement compromis ses droits suzerains. Un prêtre saïte, Stephinatès, s'était proclamé roi des deux pays : mais il fut à son tour dépossédé par Taharqa, roi de Nubie, qui reprit à son compte le duel avec l'Assyrie. Taharqa (690-664) joua de malheur. Battu par Assaraddon, il s'enfuit jusqu'à Napata , abandonnant Memphis et Thèbes , qui furent pillés par l'ennemi. C'est ici que les chronologistes font commencer d'ordinaire la Basse Époque proprement dite. La période Saïte Ce que perdaient les Nubiens devait profiter aux Saïtes, leurs adversaires. Neko Ier, (Nechao), le second successeur de Stephinatès, fut investi en 672 chef de la ligne des princes par Assaraddon qui l'appuya d'un corps d'occupation. Trois ans après, Taharqa, à la fausse nouvelle de la mort du roi de Ninive , leva une armée et reprit Memphis sur les garnisaires d'Assaraddon; mais, battu et poursuivi par Assurbanipal, son successeur, il dut s'enfuir de Thèbes , son refuge, et provoqua ainsi la seconde entrée des soldats assyriens dans la ville d'Amon . La troisième campagne de Taharqa fut favorisée par les petits princes, y compris Neko de Saïs , qui avait finit par reconnattre que le Nubien était pour le moins aussi dangereux que le Ninivïte. Assurbanipal eut le bon esprit de ne pas s'en formaliser. Après une nouvelle victoire, il remit en liberté ses otages et replaça généreusement Neko sur son trône . Neko ne devait pas en jouir longtemps. En 664, Ourdamani, beau-fils et successeur de Taharqa, s'empara de lui et le mit à mort, mais il fut défait à son tour par l'armée d'Assurbanipal, mis en fuite et poursuivi jusqu'à Thèbes qui vit, pour la troisième fois, les bataillons ninivites. Assurbanipal rétablit les princes avec le corps d'occupation mais donna cette fois la préséance à Paqrour, prince de Pisoupti. Après une nouvelle et conduite par l'ultime représentant de la dynastie nubienne,Tonouatamon, dernière invasion nubienne successeur d'Ourdamani, et qui bouleversa l'organisation d'Assurbanipal, le Saïte Psammétique I (664-610), fils L’Egypte antique 20 de Neko (Néchao I), entre en scène et achève ce que le Nubien avait commencé. Aidé de bandes ioniennes et cariennes , il bat les princes confédérés à Momemphis et dépouille Paqrour de ses droits suzerains. Son mariage avec la princesse Shapenap, mère de Sabacon, vint donner à son usurpation le vernis de la légitimité auxquels les Égyptiens étaient si attachés. Sous cette XXVIe dynastie inaugurée par Neko (Néchao) et portée au faîte par ses successeurs, le déclin de l'Égypte s'illumina d'un magnifique rayonnement. Animés d'un grand sens politique, les princes de Saïs , qu'une énergie patiente et tenace avait enfin rendus maîtres de toute l'Égypte rendirent aux travaux publics une impulsion qu'on ne peut comparer qu'à celle des grands pharaons thébains. Ils réparèrent et agrandirent les temples, patronnèrent les arts, firent éclore notamment cette brillante école de sculpteurs sur roche dure et de fondeurs qui prirent pour modèles les oeuvres des vieux artistes memphites, et parfois les imitèrent si bien que les modernes s'y sont trompés. Ils ne se préoccupèrent pas moins des grands travaux utilitaires (reprise de l'exploitation des carrières de Tourah, de la vallée d'Hammâmat et d'Assouan ; réfection du canal des deux mers, ensablé depuis près de trois siècles) et rompirent avec l'orgueilleux traditionnsme sacerdotal pour étendre expérimentalement leurs connaissances. Une politique hellénophile Rien de plus caractéristique à ce point de vue que ce plausible périple complet de l'Afrique exécuté par les matelots phéniciens de la flotte par ordre de Neko II vers 600 avant notre ère ( La découverte de l'Afrique). Mais, à coup sûr, l'acte le plus hardi de la politique suite fut de rompre avec le préjugé national contre les étrangers. Sans doute, depuis les guerres du Nouvel Empire, ce préjugé s'était singulièrement atténué envers les populations de l'Asie, mais, comme l'observe Maspero, il était resté entier à l'égard des Grecs. Ce sont précisément les Grecs, et les Grecs de toute origine, de l'Asie Mineure et des îles, de l'Hellade ou de Cyrène , qui furent non seulement l'objet de la plus grande tolérance, mais purent encore se vanter d'avoir joui d'un meilleur traitement que les indigènes eux-mêmes. Pour se faire une petite idée de la situation des Grecs en Égypte au temps des Saïtes, il suffit de se représenter celle des colons français sous le règne de Méhémet-Ali. Psammétique II (595-589) leur accorda une première concession sur les territoires riverains du bras pélusiaque (Ioniens et Cariens) et du bras bolbitique (Milésiens) et les incorpora avec la haute paye dans sa garde du corps, ce qui provoqua la fameuse sécession des 40 000 automoles. Nechao II (610-595) et Apriès (Ouahabrâ) (589-570) leur confirmèrent ces différents privilèges. Enfin, Amasis (570-526), qui avait été porté au pouvoir par le parti nationaliste, ne tut pas plus tôt roi, qu'il renchérit sur la politique hellénophile de ses prédécesseurs. Il épousa une femme grecque de Cyrène , Ladiké. Aucune cité grecque ne fit en vain appel à sa générosité. Il transféra dans la capitale de l'empire, à Memphis , la colonie des riverains de la Pélusiagae; puis, comme de nouveaux colons, attirés par le bon renom de son hospitalité, affluaient de divers points de la Grèce, il leur concéda sur les bords de la Canopique ( Canope ) un territoire où ils bâtirent la ville entièrement grecque de Naucratis (actuellement En-Nabireh). Sous son règne, les Grecs, qui jouissaient d'un régime analogue à celui des Capitulations, ne tardèrent pas à se sentir les coudées franches. Malgré le préjugé populaire des indigènes, ils voyageaient dans tout le pays et fondèrent de nouveaux établissements dans quelques villes (par ex. Abydos ) et dans la grande oasis d'Ammon . Les guerres extérieures Les Saïtes étaient trop ambitieux pour ne pas prendre part aux guerres qui suivirent l'effondrement de Ninive et qui provoquèrent celui de Babylone . Psammétique II s'était borné à conquérir le pays des Philistins; Neko II, plus hardi, poussa jusqu'à l'Euphrate et fier de sa facile victoire sur le roi de Judée, Josias, envoya pompeusement sa cuirasse au temple d'Apollon Didyméen. Mais, trois ans plus tard, il éprouva l'inconstance de la fortune quand, battu par Nabuchodonosor sur le théâtre de son ancienne victoire et poursuivi jusqu'à Péluse, il dut se soumettre pour arrêter le Babylonien à sa frontière. Il ne fut vengé que trente ans après. La flotte d'Apriès, montée par des équipages grecs, battit les galères phéniciennes de Nabuchodonosor devant Sidon , victoire qui valut à l'Égypte la possession de la Syrie. Sous Amasis, Babylone passe du rôle d'adversaire à celui d'alliée. C'est qu'il s'agit de se défendre contre Cyrus, l'ennemi commun. La défaite désastreuse de Crésus se produisit assez tôt pour arrêter Amasis dans ses projets aventureux (546). Mais vingt ans plus tard, son successeur, Psammétique III (526-525) ne put arrêter Cambyse II victorieux, qui le déposa et le remplaça par le satrape Aryandès (525). V. LA FIN DE L'ÉGYPTE PHARAONIQUE La première domination perse (XXVIIe dynastie). L’Egypte antique 21 La politique de Cambyse II (525-522), assez conciliante au début, ne tarda pas à tourner à la plus terrible des persécutions. Son successeur, Darius Ier (521-486), s'efforça vainement d'en atténuer le souvenir. Il eut beau se faire le continuateur de l'oeuvre des rois saïtes, reprendre leur vaste programme en vue de développer la prospérité industrielle et commerciale de l'Égypte devenue le principal entrepôt du trafic de la mer Rouge et de l'Océan Indien avec la Méditerranée, il ne réussit pas à étouffer chez elle les regrets de son indépendance. Pendant les quatre-vingts ans que dura la domination perse jusqu'à la victoire en 404 d'Amyrtée, (représentant unique de ce que Manéthon appelle la XXVIIIe dynastie), les satrapes de Darius, de Xerxès (486-466) et d'Artaxerxès (465-424) s'épuisèrent à réprimer d'incessantes révoltes que soutenaient les armes et les vaisseaux d'Athènes . Le Saïte Kabbisha et le libyen Inaros furent, avec Amyrtée, les héros de ces luttes où la fortune de l'Égypte passa par des alternatives de victoire (Papremis, Memphis) et de défaite (Prosopitis). La XXIXe et la XXXe dynasties Des mains d'Amyrtée, le sceptre de la pays délivré passa à celles de Noferit ou Néphéritès Ier (399-393) de Mendès , fondateur de la XXIXe dynastie. Sparte venait de sortir victorieuse et puissante de la guerre du Peloponnèse; Noferit rechercha son alliance, mais la plus sûre garantie que l'Égypte ait eu de sa liberté, sous les rois mendésiens, ce furent les difficultés que créa au grand roi la révolte de la province d'Asie Mineure et de Chypre . On le vit bien quand, après la paix d'Antalcidas, Artaxerxès envoya contre la Syrie et l'Égypte Pharnabaze à la tête d'une armée formidable. A la faveur des troubles suscités par les compétitions des petits princes héréditaires, une famille de Sebennytos s'était emparée du pouvoir, inaugurant la XXXe dynastie; Nectanèbo Ier (380-343) et l'un de ses successeurs, Taho ou Teos (365-360), se préparèrent à recevoir le choc. Bien mieux, Taho résolut d'ouvrir les hostilités en marchant sur la Syrie au-devant de l'armée perse . Il avait avec lui les meilleurs généraux de la Grèce, Chabrias d'Athènes , et le vieux capitaine spartiate Agésilas. Mais toutes les combinaisons qu'il adopta pour assurer ses chances se retournèrent contre lui. En prenant le commandement supérieur des troupes, il dut laisser à Memphis un régent qui, bien loin de lui conserver son trône, le lui fit perdre à la première occasion au profit de son propre fils, Nectanebo II. En rentrant de Syrie, où il combattait sous Taho, le nouveau pharaon eut d'abord à réprimer une révolte fomentée par un prince de Mendès . II triompha de ce premier obstacle. La fortune lui sourit aussi dans la première rencontre qu'il eut aux portes de l'Égypte avec l'armée d'Artaxerxès III Okhos. Mais il fut moins heureux dans la seconde. La seconde domination perse (343-332) Les mercenaires du grand roi vinrent, cette fois, à bout de ses mercenaires. Lacratès s'empara de Péluse , Mentor de Bubaste , et Nectanebo Il (360-343), éperdu, prit, comme tous les rois fugitifs, le chemin de la Nubie . Il fut le dernier véritable pharaon. Sans doute d'autres après lui prendront ce titre, y compris Alexandre. Mais avec lui prit fin l'indépendance de l'Égypte. (Georges Bénédite). Le Nouvel Empire s'est terminé avec le dernier des Ramessides et débouche sur une nouvelle partition. Les possessions d'Asie échappent à l'Égypte, et comme chaque fois que l'unité du pays est perdue, l'opposition traditionnelle de la Basse et de la Haute-Égypte domine la logique de la partition : Au Nord Smendès fonde à Tanis , dans le Delta, la XXIe dynastie vers 1070, et un peu plus tard, vers 724, Tefnakht fondera à Saïs une XXIVe dynastie; dans l'intervalle, au Sud, les grands prêtres d'Amon auront aussi installé le pouvoir du clergé thébain sur la Haute-Égypte (XXIIIe dynastie, de 828 à 712, avec des allégeances plus formelles que réelles à des souverains du Nord). Le canevas confus ainsi dessiné sert surtout le renforcement des pouvoirs locaux des nomarques qui instituent des sortes de féodalités, rappelant celles qu'on observait entre la fin de l'Ancien Empire et le début du Moyen Empire. Cette nouvelle "période intermédiaire" (c'est la troisième) se marque aussi par la mise en place de dynasties étrangères. A partir de la XXVe dynastie (vers 770), en particulier, les Nubiens de Napata contrôlent le pays dans une large mesure, et l'Égypte s'achemine vers une nouvelle réunification. Une période appelée la Basse Époque. La Basse Époque commence vers 712 avec le règne de Sabacon (Chabaka), troublé et affaibli par la puissance d'une douzaine de dynasties locales. L'invasion des troupes assyriennes d'Assurbanipal, mettra fin au pouvoir nubien en Égypte, et, en 672 avant J. -C. (première date assurée de la chronologie égyptienne), le pouvoir échoit finalement à un Égyptien, le seigneur de la ville de Saïs , Neko Ier, (Nechao), fondateur de la XXVe dynastie. Son histoire et celle de ses successeurs (Amasis, les Psammétique, Néchao II...) est principalement dominée par le souci de se débarrasser définitivement de la tutelle assyrienne, ce qui a pour corollaire une politique de rapprochement avec la Grande Grèce . L'époque de cette dynastie saïte est aussi celle de la pénétration de l'hellénisme en Égypte. Mais désormais, le vrai danger est perse . En 525, le pays tombe maintenant entre les mains de Cambyse II. De 404 à 343, trois dernières dynasties égyptiennes existeront encore. Une seconde et brève L’Egypte antique 22 domination perse, en terminera cependant, et définitivement cette fois, avec le régime des pharaons. En 332 la conquête du pays par Alexandre le Grand met fin à la Basse Époque. Une nouvelle ère s'annonce pour l'Égypte, elle sera hellénistique d'abord, avec les Ptolémées, puis romaine, chrétienne, arabe... Dates-clés : 1070- 712 av. J.-C. - Troisième période intermédiaire. 1013-1009 - Règne de Pinedjem. 725-712 - période saïte (Bocchoris). 712 - 332 - Basse époque. 664 - 525 - Règne de Néchao Ier (début de la chronologie sûre). 525-404 - Dynastie perse (de Cambyse II à Darius II). 360-343 - Nectanebo II (dernier pharaon). 343-332 - Deuxième domination perse. 332 av. J.-C. - Conquête de l'Égypte par les armées d'Alexandre. VI. LA PERIODE PTOLEMAÏQUE Redevenue province de l'empire des Achéménides, l'Égypte ( La Basse Époque) partagea sa destinée et passa, après la bataille d'lssos , sous la domination d'Alexandre le Grand (332). Précédé par sa renommée, Alexandre fut accueilli en Égypte comme un libérateur. Les fâcheux souvenirs laissés par les cruautés de Cambyse et d'Ochos lui dictaient en quelque sorte sa ligne de conduite : il montra autant de respect que les Perses avaient montré de mépris pour les croyances et les coutumes du pays. II se posa en protecteur de la religion ( Religion égyptienne ), et le parti sacerdotal se déclara hautement pour lui. Il apporta même la plus grande affectation à prendre l'avis des oracles et alla consulter en grande pompe celui de l'oasis d'Ammon . Il ne montra pas moins de clairvoyance en comprenant le rôle central que l'Égypte était appelée à jouer par suite de l'agrandissement de la carte commerciale du monde et fonda la belle et puissante cité maritime à laquelle il donna son nom ( Alexandrie ). Après la mort d'Alexandre son empire fut dirigé par Philippe Arrhidée (323-316), Alexandre IV Aegos (316-304) (dynastie macédonienne), puis, en 304, lorsque l'empire se fractionna en entités autonomes, l'Égypte échut en partage à l'un des généraux d'Alexandre, Ptolémée, fils de Lagos. Il prit le titre de roi, et sa postérité, connue sous le nom de dynastie des Lagides, ou des Ptolémées, régna jusqu'à ce que Rome s'empare du pays. Les guerres de palais et les assassinats se succèdent en permanence pendant cette période bien peu glorieuse sur le plan politique. En revanche, sur le plan intellectuel, l'Égypte ptolémaïque, qui profite de déclin progressif d'Athènes, va briller de tous feux et Alexandrie devient à cette époque la capitale culturelle du monde méditerranéen : en mathématiques, en astronomie, en médecine, l'Antiquité connaît son apogée; seule la philosophie, égarée par les démons du mysticisme , semble s'acheminer sur une voie sans issue ( Les Écoles d'Alexandrie). La prééminence d'Alexandrie durera encore au premiers siècles de l'ère chrétienne, après donc qu'Octave (le futur Auguste), vainqueur d'Antoine et de Cléopâtre, eut réduit l'Égypte en province romaine, en l'an 30 av. J.-C. Dates-clés : 332 av. J.-C. - Conquête de l'Égypte par les armées d'Alexandre. 304 - 30 av. J.-C. - Dynastie de Lagides (période ptolémaïque). 304-284 - Règne de Ptolémée IerSoter. 55-30 - Cléopâtre VII. 30 av. J.-C. - Conquête romaine (Octave Auguste). L'État lagide Le rôle de pharaon que leur prêtait l'imagination populaire, les Ptolémées le jouèrent, il faut bien le dire, avec un art consommé. Ils en prirent le costume parce qu'il symbolisait la toute-puissance royale, et, comme le roi d'Égypte devait être dieu, ils se firent du même coup adorer; ne se refusant pas d'ailleurs à prendre part eux-mêmes au culte rendu aux dieux et aux anciens rois du pays, en leur qualité de chefs de la religion ( Religion égyptienne ). Est-il besoin de dire qu'ils conservèrent scrupuleusement toutes les cérémonies et tous les usages relatifs à la royauté : panégyries annuelles, association du prince héritier au trône paternel, mariages entre frères et soeurs, pratique funéraire de l'embaumement, etc. Mais ils ne s'en tinrent pas à ce formalisme. Leur politique extérieure fut celle des pharaons. Sans doute, ils laissèrent subsister en toute indépendance le royaume de Nubie dont les pharaons, depuis Pepi (Ancien Empire) jusqu'à Ramsès III (Nouvel Empire), s'étaient efforcés de faire une province égyptienne; mais c'est qu'avec les migrations successives, le royaume de Napata s'était civilisé L’Egypte antique 23 à l'égal de l'Égypte, et, s'il ne pouvait plus prétendre renouveler les exploits des Piankhi, des Sabacon, et de Taharqa (Basse Époque), il avait au moins la prétention de n'être pas traité en quantité négligeable. La constitution et l'administration de l'Égypte sous les Ptolémées furent un très habile compromis entre l'organisation indigène primitive et la conception cosmopolite que pouvait se faire d'un État monarchique une lignée de princes profondément imbue des idées d'Alexandre. Autour du roi se trouvait groupée une hiérarchie nobiliaire, à la fois égyptienne, persane et macédonienne : les parents du roi, les gardes du corps, les amis, les envoyés, et les parents catèques. A ces titres nobiliaires, qui étaient à l'origine les désignations de véritables fonctions, s'ajoutaient certains titres militaires devenus purement honorifiques. C'était dans cette noblesse que se recrutaient les hauts fonctionnaires de palais, l'épitrope, ou régent, personnage dont l'autorité balançait quelquefois la puissance royale, le garde du sceau qui était aussi directeur du musée et, en sa qualité de prêtre d'Alexandre et des Lagides, le chef du clergé grec et indigène; les archypérètes ou payeurs généraux des troupes macédoniennes, l'archicynège ou grand veneur, l'archedeatre ou principal majordome. Au point de vue administratif, l'Égypte restait, à l'exception des communautés grecques d'Alexandrie , de Ptolémaïs et de Naucratis , divisée en nomes qui se subdivisaient en cités (kômai) et territoires cultivés (topoi). Le nome était administré par un nomarque ou stratège (charge devenue civile de militaire qu'elle était à l'origine) qui avait en sous-ordre un épistate du nome, autorité essentiellement judiciaire; la cité par l'épistate de la cité, sorte de gouverneur juge, et les territoires cultivés par un toparque assisté d'un épimélite. Le stratège avait sous ses ordres un interprète, un agoranome ou intendant des marchés, des ingénieurs chargés du service technique de l'irrigation et des autres travaux publics, des laocrites ou juges de paix, et enfin les nombreux cheikhs de tous les villages du nome (presbyteroi). Postérieurement, l'administration provinciale de l'Égypte fut divisée en trois épistratégies ou viceroyautés : la Basse-Égypte, l'Heptanomide ou Moyenne-Égypte, et la Haute-Égypte avec Héliopolis , et Ptolémaïs pour chefs-lieux, mais sans préjudice des nomes, passés au degré de subdivision. Memphis Cette complication du rouage administratif porta aussi sur les nomes qui se subdivisèrent en toparchies. Alexandrie, capitale de l'Égypte en même temps que cité grecque, c. -à-d. divisée en phyles et en dèmes, avait le privilège de posséder une administration centrale et une administration locale. En tant que municipalité, elle avait une Boulè ou conseil élu. Elle était le siège d'un exégète, d'un hypomnématographe, d'un archidicaste ou président de la cour d'appel (les 30 juges royaux : 10 pour Memphis , 10 pour Thèbes , 10 pour Héliopolis ), d'un stratège de nuit, d'un alabarque ou directeur des contributions, du dioecète ou ministre des finances, de l'hypodioecète et des autres hauts fonctionnaires de l'administration des finances, l'économe et le basilicogrammate desquels dépendaient tous les comogrammates et topogrammates de l'Égypte. Ptolémaïs , fondée par Sôter sur l'emplacement de Psoï (aujourd'hui Menschieh) venait par rang d'importance après Alexandrie : son organisation était entièrement grecque. Naucratis , l'ancienne colonie divisent les temples milésienne, avait des timouques et un hellenion. Les décrets de Rosette et de Canope de l'Égypte en trois classes selon leur importance. Chaque temple était desservi par une corporation de prêtres composée de plusieurs phylai, dirigée par des phylarques. Chaque temple avait un conseil de vingt à vingt-cinq prêtres renouvelable chaque année et chargé de régler toutes les affaires intérieures et extérieures du temple. La hiérarchie sacerdotale, telle qu'elle nous est donnée par les mêmes décrets, comprenait les grands prêtres qui pouvaient être grecs, les prophètes, les hiérotolistes, les ptérophores et les hiérogrammates. L'organisation militaire des Lagides présente le même caractère de complexité qui se retrouve alors dans toutes les institutions de l'Égypte. Elle comprend les diadoques, troupe d'élite macédonienne casernée autour du palais, les catèques ou territoriaux qui composaient les colonies militaires. On donnait souvent le nom d'épigones aux catèques nés dans le pays, c.-à-d. fils des premiers colons, vétérans qui s'établirent après les conquêtes. Ces colons étaient de toutes origines. L'armée active se composait de mercenaires (xenoi et mistophoroi) et de troupes indigènes. La dynastie des Ptolémées (Lagides) Ptolémée Ier Sôter Ptolémée prit le gouvernement à titre de satrape à l'exemple des autres généraux d'Alexandre. Il fut d'abord servi par la mauvaise fortune de son rival Perdiccas, qui échoua devant Péluse . La troisième année de son gouvernement il avait, par des campagnes heureuses, réuni à l'Égypte, Cyrène , la Syrie, la Coelésyrie et la Phénicie. L'éloignement de sa province aurait pu le tenir à l'écart des guerres qui divisèrent les diadoques; il n'en fut rien. C'est ainsi que, en 315, nous le voyons s'associer aux projets de Cassandre, de Lysimaque et de Séleucus contre l'ambition d'Antigone. L'année suivante, il réprime les velléités d'indépendance que manifestent Chypre et Cyrène et engage une nouvelle campagne en Syrie contre Démétrius, fils d'Antigone. II le bat à Gaza, puis, battu à son tour dans la personne de son sous-lieutenant Cellés qui n'avait pu empêcher la jonction d'Antigone et de Démétrius, il évacue la Syrie. Le pacte de désintéressement conclu en 311 entre les quatre L’Egypte antique 24 généraux ayant été rompu par la mauvaise foi d'Antigone, qui mettait des garnisons dans les villes grecques après avoir adhéré à la reconnaissance de leur liberté, la guerre éclate de nouveau, mettant aux prises les troupes des alliés et d'Antigone un peu partout, sur l'Hellespont, en Cilicie où Léonès, lieutenant de Ptolémée, fut vaincu, sur la côte occidentale de l'Asie Mineure, dans les Cyclades, en Grèce où la flotte de Ptolémée s'empare coup sur coup de Sicyone , de Corinthe et de Mégare . L'année 307 fut favorable aux armées d'Antigone. Après s'être emparé d'Athènes, Démétrius cingla vers Chypre, où il détruisit la flotte de Ptolémée, mais, l'année suivante, le père et le fils échouèrent dans leur attaque combinée contre Péluse. Antigone se tourna alors contre Rhodes qui résista grâce aux secours des trois confédérés. Mais Ptolémée, toujours habile, après l'avoir soutenue dans sa résistance, lui donna le conseil de traiter avec Antigone. Les Rhodiens se trouvèrent si bien de ses bons offices et de ses conseils qu'ils lui décernèrent les honneurs divins avez le titre de Sôter. Une nouvelle ligue se forma bientôt contre Antigone; aux trois confédérés se joignit Séleucus. La journée d'Ipsus , fatale à Antigone, ne mit pas fin aux rivalités. Le partage de ses dépouilles divisa les vainqueurs en deux camps et donna lieu à de nouvelles guerres, au cours desquelles Ptolémée fut assez heureux pour reprendre Chypre et Cyrène. Une légende assez consolante pour l'amour-propre du peuple vaincu faisait naître Alexandred'Olympias et du roi sorcier Nectanébo réfugié en Macédoine . Ptolémée Sôter étant considéré comme fils de Philippe, il en résultait que les Lagides avaient tous les droits possibles à la double couronne. De fait, Ptolémée Ier Sôter se montra en Égypte scrupuleux observateur de la légalité : les monuments portant les cartouches de Philippe Arrhidée et d'Alexandre Aegos en font foi. Ce n'est qu'en 304 qu'il se décida à prendre la couronne et les titres royaux et fit frapper monnaie en son nom, mais en datant ses années de règne d'après la durée totale de son gouvernement. L'an 39 de ce comput, il associa à son trône Ptolémée, le fils qu'il avait eu de Bérénice sa première femme. Son règne n'a pas laissé que des souvenirs militaires : c'est à Sôter, en effet, qu'il faut faire honneur des rapides procès que fit la nouvelle capitale. ll construisit le phare, dans l'île de Phares qu'il relia au port, fonda l'école et la bibliothèque d'Alexandrie , attira les plus illustres des savants et des artistes grecs. Le Museon, son palais, était une véritable académie. II se montra, en un mot, fidèle exécuteur des magnifiques projets d'Alexandre. Philadelphe Son fils et successeur, Philadelphe, né à Cos pendant l'expédition de 308 dans les Cyclades où Bérénice l'avait suivi, eut pour précepteurs Straten et Philètas. Le règne de ce prince s'en ressentit heureusement. Sans prendre à la lettre les louanges dithyrambiques de Théocrite, on peut dire néanmoins que, pendant les trente-huit ans de règne de Philadelphe, l'Égypte fut très prospère. Alexandrie , devenue de plus en plus la capitale intellectuelle du monde grec ( Les Écoles d'Alexandrie), redoubla d'éclat et de grandeur; le phare fut achevé, la bibliothèque transportée du Brachium dans le magnifique palais du Serapeum, la Version des Septante ( Bible ) commencée. D'autres traductions paraissent aussi avoir été entreprises à la même époque, notamment celle d'une histoire d'Égypte par Manéthon. L'intérêt porté aux questions économiques et commerciales ne fut pas moins grand. Pour créer de nombreux débouchés aux produits des industries locales, on explore la côte orientale et l'intérieur de l'Afrique (voyages de Timosthène et d'Aristocréon) ( La découverte et l'exploration de l'Afrique); le canal du Nil à la mer, repris par Neko ( Basse Époque) et par Darius, est continué; des flottes (non loin de Suez) dans la direction de la mer des Indes et du golfe Persique. Cette partent d'Arsinoé révolution opérée par les idées grecques ne porte néanmoins aucune atteinte à la religion de l'Égypte . A l'exemple des pharaons, Philadelphe affecte des revenus aux temples, contribue à leur embellissement et même les reconstruit (Isis de Philae ). Ses guerres avec son frère Magna, l'instigateur de la révolte de Cyrène et Antiochus se terminèrent à son avantage. Il engagea ce dernier à répudier Laodice pour épouser sa fille Bérénice. Evergète Ier Son fils Evergète lui succéda en 246. Le premier acte de ce prince fut l'expédition de Syrie qu'il entreprit pour venger sa soeur Bérénice, que Laodice venait de faire assassiner peu de temps après la mort d'Antiochus. Il parcourut en vainqueur toute l'étendue de l'empire séleucide, et rapporta triomphalement en Égypte les statues divines et les trésors des temples enlevés par Cambyse. Quelques années après (240), Séleucus II, roi de Syrie, se crut assez fort pour envahir l'Égypte. Une seconde expédition d'Evergète le contraignit à la fuite. Mais s'étant réconcilié avec son frère Antiochus Hierax, que le roi d'Égypte avait favorisé à ses dépens, celui-ci jugea expédient de conclure une trêve de dix ans. De nouveaux démêlés s'élevèrent entre les deux frères et favorisèrent les desseins d'Evergète, qui put se livrer en toute sécurité à l'administration intérieure de l'Égypte. Il éleva un temple à Canope , continua celui de Pselchis (Dakkeh) fondé par le roi de Nubie , Ergamène, ainsi que ceux de Philae et d'Esneh . Son nom ainsi que celui de sa femme et soeur, la reine Bérénice, se lisent également sur plusieurs monuments de Thèbes . Ce fut cette reine qui, pendant la campagne sa chevelure pour l'heureux retour de son époux. On sait que l'astronome Conon d'Asie, consacra à Aphrodite L’Egypte antique 25 de Samos , pour donner une explication flatteuse de sa disparition, publia qu'elle brillait au ciel sous la forme d'une constellation ( Chevelure de Bérénice ). Philopator Philopator, fils d'Evergète, souilla son règne du sang de son frère Magas, de sa mère Bérénice et de son hôte, Cléomène, le roi fugitif de Sparte , que son père avait accueilli. Il commit tous ces crimes à l'instigation de son ministre Sosibios, qui n'avait trouvé rien de mieux, pour conserver son ascendant, que de flatter ses plus bas penchants. Le surnom de Philopator, dont il jugea prudent de s'affubler, ne donna pas le change à l'opinion publique, qui s'obstina à le rendre responsable de la mort de son père. L'histoire militaire de son règne est remplie par ses guerres avec Antiochus le Grand. Après deux malheureuses campagnes, il défit à Raphia (216) son redoutable adversaire qui prit la fuite et se résigna à un traité onéreux. Philopator reprit possession des villes de Palestine et de Syrie conquises par ses prédécesseurs. II lui restait un crime à commettre : le meurtre de sa femme, Arsinoé. Peu de temps avant sa mort, il la sacrifia à sa passion pour Agathoclée. Ses forfaits ne le détournèrent pas, néanmoins, de la politique prudente des Ptolémées à l'égard du parti clérical : il le combla comme avaient fait ses pères et attacha son nom à de nombreuses constructions ou restaurations à Akhmîn , à Thèbes , à Edfou , à Philae , à Dakkeh, etc. Epiphane Son fils Epiphane n'avait que cinq ans quand il fut appelé à régner. Trois régents se succédèrent pendant sa minorité : Agathaclès, Tlepolemos et Aristomène. Le peuple, lassé du premier, se révolta et arracha au jeune roi sa condamnation; le second perdit également la vie en perdant le pouvoir. Les troubles qui éclatèrent en Égypte pendant la minorité d'Epiphane incitèrent Antiochus à reprendre les hostilités. Battus par Scopas, général de Ptolémée, il ne tarda pas à prendre sa revanche et fit rentrer sous sa domination les villes de Cilicie , de Lycie, de Syrie et de Palestine qui avaient des garnisons égyptiennes. Les affaires d'Europe le déterminèrent néanmoins à ne pas abuser de sa victoire et il scella la paix de la main de sa fille Cléopâtre, qu'Epiphane épousa. Cette princesse apporta comme dot la province de Syrie. Epiphane se montra par ses cruautés le digne fils de son père; il n'épargna ni les révoltés de Lycopolis (Assiout ) qu'il fit mettre à mort, ni Scopas, son général, qu'il abandonna à la rancune d'Aristomène, ni même ce dernier, dont la tutelle lui pesait et qu'il condamna à prendre la ciguë. II n'eut pas lui-même une meilleure fin : il mourut empoisonné pendant les préparatifs d'une expédition contre le successeur d'Antiochus, après vingt-quatre ans de règne. Thèbes , Esneh , Edfou , Ombos , Philae , eurent part à ses largesses. Ses cartouches se répètent sur leurs monuments. Ajoutons que c'est en l'honneur d'Epiphane que les prêtres réunis à que rendirent le fameux décret bilingue, trouvé à Rosette et qui a été la base du déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion. Philométor Philométor n'avait que cinq ans quand il succéda à son père. Pendant sa minorité, la régence fut d'abord exercée par sa mère, Cléopâtre, puis, simultanément, par Lénéos et Euléos. La possession de la Coelésyrie , de la Phénicie et de la Judée mit encore aux prises les armées lagide et séleucide. L'appui moral de Rome que sa guerre avec Persée empêchait d'agir plus efficacement, ne put empêcher Antiochus de reconquérir les provinces abandonnées par son grand-père. II entra en Égypte, surprit Philométor dans Memphis et marcha sur Alexandrie , où le jeune frère du roi venait d'être proclamé sous le nom d'Evergète II. Une révolte des Juifs l'obligea à lever le siège, mais, avant de quitter l'Égypte, il eut soin de remettre lui-même Memphis aux mains de Philométor, avec l'espoir que la revendication de son trône mettrait ce dernier en guerre avec son frère. Au contraire, la crainte qu'il leur inspirait les unit dans un commun effort. Mais il ne fallut pas moins d'une nouvelle intervention de l'ambassadeur romain, Popilius Lenas, pour l'obliger à évacuer l'Égypte qu'il avait de nouveau envahie (168). Toutefois, l'espoir d'Antiochus ne fut pas complètement déçu : le partage de l'empire mit aux prises les deux frères. Evergète ne voulait pas se contenter de Cyrène et de la Libye ; Philométor refusait de se rendre aux ordres du sénat romain, qui lui enjoignait d'y ajouter Chypre. Ils finirent par tomber d'accord au prix de la concession de quelques villes cypriotes, et la fin du règne de Philométor ne fut troublée par d'autres guerres que celle qu'il fit pour soutenir les prétentions d'Alexandre Bala contre Démétrius, puis celles de Démétrius contre Alexandre Bala. Heureux dans ses entreprises, il assura chaque fois le succès de son allié. Evergète II et Sôter II Evergète II (Physcon), qui n'attendait que sa mort pour prendre possession du trône d'Égypte, commença par faire exécuter son neveu Eupator, que Cléopâtre avait fait proclamer roi. II faut dire qu'il n'était arrivé à ses fins qu'en épousant la veuve de son frère et en s'attribuant la régence. Une insurrection, causée par la haine et le dégoût qu'il inspirait, l'obligea à se réfugier à Chypre avec sa seconde femme, Cléopâtre II, fille de la L’Egypte antique 26 première. Mais la victoire que remporta son parti lui rendit le pouvoir et Cléopâtre dut, à son tour, chercher refuge à la cour de Démétrius Nicator. Sôter II ou Lathyre fut en quelque sorte imposé par les Alexandrins. Sa mère, Cléopâtre II, qui favorisait son frère Alexandre, après des années d'hostilité sourde, le fit faussement convaincre de tentatives parricides et exiler en qualité de gouverneur à Chypre (106) et fit couronner son frère. Alexandre lui marqua quelques années plus tard sa reconnaissance en la faisant assassiner. Cet acte monstrueux et beaucoup d'autres, comme la violation du tombeau d'Alexandre le Grand, réussirent si bien à lui aliéner l'affection des Alexandrins qu'il dut fuir à son tour, chassé par une émeute, et abandonner le trône à l'exilé de Chypre. Le retour de Lathyre ne rencontra pas le même accueil dans toute l'Égypte : Thèbes refusa de le reconnaître. Il se mit en route contre l'ancienne capitale, s'en empara et la livra à toutes les horreurs de la guerre. Son règne s'acheva paisiblement en 81. L'ingérence de Rome Le meurtre de sa fille, Bérénice, par Alexandre II, fils de Ptolémée Alexandre Ier, et d'Alexandre II par le peuple indigné, amena eu pouvoir son fils naturel, Ptolémée Aulète. Aulète, qui avait tout à craindre des Romains, dont il remplaçait le protégé, par le libre choix du peuple d'Alexandrie , ne tarda pas à devenir à son tour leur client. Chassé d'Alexandrie par ce même peuple indigné de ce qu'il s'était laissé prendre l'île de Chypre, il dut se réfugier à Rome et y solliciter par toutes sortes de bassesses les secours nécessaires à la reprise de son pouvoir. Pompée, alors consul, lui donna des lettres pour Gabinius, gouverneur de Syrie, qu'il acheva de gagner avec des présents. C'est ainsi qu'il put rentrer en 55 à Alexandrie, accompagné d'une légion, et s'y maintenir avec une garde de soldats gaulois que lui laissa Gabinius. En vertu de son testament, dont Pompée avait été constitué dépositaire, Aulète eut pour successeurs son fils Ptolémée (Neos Dyonysios), âgé de treize ans, et sa fille Cléopâtre VII, qui en avait dix-sept. Les secours que cette dernière envoya à Pompée pendant sa guerre contre Jules César, la firent chasser d'Alexandrie ou elle ne rentra que rappelée par César après sa victoire. L'ingérence des Romains dans les affaires des Ptolémées ne tarda pas à blesser les Alexandrins, excités, d'ailleurs, par l'eunuque Pothin, Théodote et Achillas, ministres du jeune Ptolémée, qui l'entretenaient dans une perpétuelle aversion de sa soeur. Une armée de 22 000 hommes, commandée par Achillas, marcha sur Alexandrie . César s'enferma dans le Bruchion avec Cléopâtre qu'il refusa de livrer au peuple en délire et soutint un siège qui ne prit fin qu'à l'arrivée des renforts envoyés par Domitius Calvinus. Ptolémée s'était constitué son prisonnier. Victorieux, César consentit à le délivrer, estimant que le groupement de toutes les forces autour du roi, loin de lui créer de nouvelles difficultés, lui permettrait de s'emparer de l'Égypte par une victoire décisive. Et, en effet, à peine rendu à la liberté, Ptolémée prit le commandement de son armée, essuya une première défaite en essayant d'arrêter au passage Mithridate de Pergame qui se portait au secours de César, puis fut battu et perdit la vie dans une seconde rencontre avec les troupes de ce dernier (47). Fidèle exécuteur du testament d'Aulète, César n'usa pas de sa victoire pour s'emparer de l'Égypte, mais appela le jeune frère de Ptolémée à régner conjointement avec Cléopâtre. Celle-ci resta d'ailleurs après comme avant la véritable souveraine du pays. La mort de son second mari, empoisonné après un très court règne, ne changea donc rien à la situation. Elle se résigna à régner dans la dépendance de Rome, dont les légions restaient en permanence en Égypte. César assassiné, elle prit parti pour les triumvirs et obtint la reconnaissance de son fils Césarion comme roi. On sait comment elle s'empara de l'esprit d'Antoine qui l'avait mandée à Tarse pour s'expliquer sur son attitude pendant la guerre civile. Elle sut se servir habilement de lui pour étendre les possessions de l'Égypte : c'est ainsi quelle se fit donner toute la région orientale du bassin de la Méditerranée, la Phénicie, la Syrie, une partie de la Cilicie , Chypre, l'Arabie des Nabatéens, en somme, la plupart des pays en relations commerciales avec Alexandrie. Antoine ayant répudié, pour l'épouser, sa femme Octavie, soeur de son collègue Octave, celui-ci le fit accuser devant le Sénat d'avoir démembré l'Empire et destituer. La guerre fut déclarée à Cléopâtre. La bataille navale d'Actium , perdue par Antoine, suivie bientôt de l'invasion de l'Égypte par les légions d'Octave, mit à néant les desseins grandioses de Cléopâtre. Après la prise d'Alexandrie, leur dernier refuge, Antoine et Cléopâtre se donnèrent la mort, le premier pour ne pas tomber vivant aux mains de son rival, la dernière après avoir vainement essayé ses charmes sur Octave, et pour échapper à l'humiliation d'être exhibée vivante à son triomphe (30). L'Égypte fut réduite en province romaine. (Georges Bénédite). VII. PROVINCE ROMAINE Devenue romaine, l'Égypte fut intégrée par Auguste parmi les provinces impériales, et la fit administrer par un préfet. Mais lui et les empereurs romains qui lui succédèrent conservèrent en grande partie l'oeuvre des Ptolémées. L'Égypte resta jusqu'à l'époque de Dioclétien divisée en épistratégies, nomes, toparchies, etc ( L'Égypte ptolémaïque). L'épistratège était un fonctionnaire romain ayant des pouvoirs civils et militaires. Le L’Egypte antique 27 stratège ou nomarque demeura ce qu'en avaient fait les Ptolémées en lui enlevant ses attributions militaires, un magistrat doublé d'un percepteur; la charge était triennale et faisait partie de celles dont l'exercice était confié aux indigènes grecs ou égyptiens. Les villes grecques, indépendantes des épistratégies, gardèrent leur autonomie. Toutefois, dès l'époque d'Auguste le conseil élu d'Alexandrie avait été remplacé par une administration dont le chef portait le titre de ,juridicus Alexandriae. Ce juridicus ne dépendait que de l'empereur. Quant aux anciennes fonctions d'archidicaste, d'exégète, d'hypomnématographe et de stratège de nuit, elles furent respectées par la réforme romaine. Ajoutons enfin que les cultes nationaux ne reçurent aucune entrave ( La religion égyptienne ) . Ainsi organisée avec sa population quasi cosmopolite de 7 800 000 habitants, dont un million de Juifs ( La Diaspora juive), son administration à trois couches (égypto-gréco-romaine) qui se servait du grec comme langue officielle, son activité religieuse que le mouvement philosophique n'avait nullement contrariée ( Les Écoles d'Alexandrie ). En l'an 330 de notre ère, L'Égypte fut attribuée à l'empire d'Orient ( L'Empire byzantin), dont elle fit partie jusqu'à l'an 616. Entre-temps, elle sera devenue chrétienne ( L'Égypte chrétienne). Dates-clés : 30 av. J.-C. - Conquête romaine (Octave Auguste). Ier siècle ap. J.-C. - Introduction du christianisme. 330 - L'Égypte est rattachée à l'empire d'Orient. 395 - Début de la période Byzantine. La Province impériale d'Égypte Depuis Auguste, l'Égypte faisait partie de ce qu'on appelait les provinces impériales, c.-à-d. de celles qui avaient été affranchies du contrôle et de la juridiction du Sénat et qu'Auguste s'était réservées vu leur importance pour la sécurité elle stabilité de l'Empire. Elle forma même une catégorie à part dans la catégorie des provinces impériales et fut classée proprement comme bien privé de l'empereur. C'est ainsi que les domaines royaux devinrent domaines d'Auguste et les impôts ses revenus. II fut interdit aux sénateurs et aux équités illustres d'y pénétrer et inversement aux Égyptiens qui avaient reçu le droit de cité romaine d'exercer des fonctions pouvant donner accès au Sénat. Sous Caracalla, les citoyens d'Alexandrie purent être admis au Sénat; les Égyptiens des nomes ne le purent jamais. Le représentant de l'empereur était pris parmi les chevaliers. Il avait le titre de praefectus Aegypti ou augustalis, comme on l'appela plus tard, était vis-à-vis de l'empereur dans la condition d'un intendant (procurator) et vis-à-vis des Égyptiens dans celle d'un vice-roi. Muni des pleins pouvoirs civils et du haut commandement militaire, mais sans les faisceaux, il nommait à tous les emplois, sauf ceux que s'était réservés l'empereur; il percevait l'impôt, mais ne pouvait l'établir de lui-même. L'armée d'occupation se composa de trois légions sous Auguste, de deux sous Tibère, d'une, accompagnée de corps auxiliaires, à partir de Trajan. Le commandement en fut confié à des chevaliers (praefectus castorum). La réorganisation de Dioclétien plaça l'Égypte dans le diocèse d'Orient. Ce diocèse comprenait cinq provinces : 1° Aegyptus Jovia (la Basse-Égypte), à l'Ouest du Nil; 2° Aegyptus Herculia, plus tard Augustammica; 3° Thebaïs; 4° Libya inferior; 5° Libya superior (Cyrénaïque ). Plus tard, une sixième province fut ajoutée par une coupure de l'Augustammique à l'Arcadia (du nom d'Arcadius, le premier empereur d'Orient). D'Auguste aux derniers Antonins Nous ne pouvons donner ici qu'une chronologie très succincte des principaux faits historiques de l'Égypte romaine (an 30 av. J.-C. - 393 apr. J.-C.). Signalons sous Auguste, la révolte de quelques villes de la Haute-Égypte, dont Thèbes , réprimée par Cornelius Gallus, le premier préfet; révolte d'Alexandrie à cause de l'impôt, réprimée par Petronius, successeur de C. Gallus; expédition en Arabie, d'Aelius Gallus, lieutenant de Petronius. La frontière méridionale ayant été dégarnie par la mobilisation du corps de C. Gallus, la reine d'Éthiopie , Candace, en profita pour s'introduire en Égypte et ravager la Thébaïde. Elle fut repoussée jusqu'à Napata , sa capitale, par Petronius, demanda à traiter et envoya des ambassadeurs à Auguste, qui leur accorda l'exemption du tribut imposé par son préfet. L’Egypte antique 28 Aucun fait d'importance sous Tibère; c'est lui qui écrivit au préfet d'Égypte, Aemilius Aulus, trop zélé dans son rôle de procurator, qu'il voulait bien tondre les brebis, mais non les égorger. Sous Caligula, le préfet sans merci La Diaspora juive). Avetius Placcus, persécuta les Juifs Sous Claude (41-54), ils attaquèrent les Alexandrins pour revendiquer les privilèges qui leur avaient été enlevés, entre autres celui d'avoir à leur tête un ethnarque de leur nation. L'empereur leur donna raison. Le fait le plus saillant du règne de Néron (54-68) est l'expédition qu'il envoya à la découverte des sources du Nil ( La découverte et l'exploration de l'Afrique); elle se perdit corps et biens dans les marais du Sudd (sud-ouest de Malakal, Soudan). Le préfet Tibère Alexandre reconnut Galba et Othon; mais, pressentant l'avènement de Vespasien, alors en Syrie, il n'en fit pas autant à l'égard de Vitellius. Sous Vespasien, les querelles des Juifs avec les Grecs et la préfecture redoublèrent. L'empereur donna l'ordre d'abattre le temple bâti par Onias. Il ne le fut complètement que deux ans après (73), lorsque tout moyen de répression fut épuisé. Les trois règnes suivants (Titus, Domitien, Nerva) sont muets sur le chapitre de la politique; mais c'est à ce moment que se place un fait capital dans l'histoire du christianisme , la fondation de l'église d'Alexandrie par saint Marc. L'avant-dernière année du règne de Trajan (116), les Juifs de Cyrène se soulèvent contre les Grecs et les Romains et mettent en fuite M. Rutilius Lupus, parti d'Alexandrie pour comprimer la révolte. L'empereur envoie alors Martius Turbo pour lui porter secours et pacifier le Delta, où s'était propagée l'insurrection. Le calme ne revint complètement que sous Hadrien (117-138). Il ne fut pas de longue durée. Les perturbateurs furent cette fois des Égyptiens. La querelle fut vive : il s'agissait d'un Hapis . Hadrien visita l'Égypte avec l'impératrice Sabine il fit restaurer la tombe de Pompé; il alla voir et entendre la statue de Memnon . Son favori Antinoüs s'étant noyé dans le Nil, il le plaça au rang des dieux et bâtit en son honneur la ville d'Antinoë . Sous les derniers Antonins se place la dévastation de l'Égypte par les bandes armées d'Isidore. Avidius Cassius sauva Alexandrie et extermina les rebelles. Il était simple légat. Déçu dans son ambition lorsque MarcAurèle (161-180) confia la préfecture à Flavitius Calvities, il se révolta et se fit proclamer empereur par les légions de Syrie. Son usurpation lui coûta la vie ainsi qu'à son fils. Au temps du déclin de Rome Les empereurs syriens se signalèrent par leurs persécutions contre les chrétiens. C'est au temps de Septime Sévère (193-211) que vivait le célèbre Origène dont le père, Léonide, fut une des principales victimes du préfet Loetus et qui remplit l'Égypte de ses controverses avec le patriarche Demétrius. Caracalla n'établit pas de distinction religieuse dans ses cruautés: les chrétiens, les juifs, les païens eux-mêmes en eurent leur part. ll livra Alexandrie aux fureurs de la soldatesque pour se venger des railleries des Alexandrins. L'agitation religieuse et les sanglants désordres qui marquèrent les règnes précédents ainsi que ceux de Macrin et d'Héliogabale firent place sous Alexandre Sévère (232-235) à une bienfaisante accalmie. L'Égypte put respirer; les lettres elles arts se mirent à refleurir comme par enchantement. Sous les règnes éphémères de Maximin et de ses six successeurs, les persécutions contre les chrétiens continuèrent sans relâche; elles atteignirent leur comble sous l'empereur Decius (250). Son préfet Sabinus se montra d'une telle cruauté qu'en quelques mois les déserts du Sinaï et de la Thébaïde se peuplèrent d'anachorètes. La violence était alors tellement entrée dans les moeurs qu'une fois les persécutions arrêtées, les chrétiens livrés à eux-mêmes s'abandonnèrent à toutes les fureurs des controverses théologiques (hérésie de Sabellius). A ces querelles succédèrent (car les Alexandrins ne pouvaient se passer de tumultes) les troubles causés par la rivalité de Macrien et du préfet Émilien. En 253, Émilien se fit proclamer empereur par la foule et la soldatesque; son exemple fut suivi par d'autres ambitieux; on put même voir autant de candidats à l'Empire que de quartiers dans Alexandrie. Toutefois Émilien l'emporta sur ses coprétendants. II put, grâce aux embarras où était l'empereur Gallien, jouir deux ans du pouvoir; mais le légat Théodote, envoyé avec une armée, le défit en plusieurs rencontres et le fit étrangler dans sa prison. Théodote fut à son tour expulsé par le parti de Macrien qui usurpa la pourpre. Il s'associa au trône ses deux fils, Macrien et Quietus. Comme celle d'Émilien, son autorité ne dura que deux ans. II fut vaincu et tué avec son fils Macrien en Illyrie , où il avait eu l'audace de marcher contre Gallien. Quant à Quietus, qui était resté en Égypte, le prince arabe Odenat, époux de la fameuse Zénobie, se chargea de l'évincer. L’Egypte antique 29 Ce ne fut pas Odenat, mort assassiné, mais la reine de Palmyre qui s'empara de l'Égypte alors lasse du joug des Romains, mais incapable de défendre sa liberté. Aidée de l'Égyptien Timagène, elle triompha de Zabdas qui commandait le parti des indépendants et entra dans Alexandrie, mais en fut chassée par Probatus qui restaura la domination impériale. Timagène étant revenu à la charge avec des renforts, Probatus fut battu et Zénobie reprit pour trois ans possession de l'Égypte. Ce fut Probus, général de l'empereur Aurélien (270-275), qui l'en chassa. Il n'en avait pas fini avec les usurpateurs. En 273, un négociant d'Alexandrie , enrichi dans le commerce des papyrus, Firmus, qui avait appartenu au parti palmyrénien, se souleva à son tour et, aidé des Arabes et des Blemmyes avec lesquels il entretenait des rapports commerciaux, devint maître de l'Égypte et prit la pourpre. Probus (276-282)) lui infligea trois défaites, le fit prisonnier et le livra à ses licteurs. Après le règne court et insignifiant de Tacite et de Florien, Probus lui-même arriva à l'Empire; l'usurpation de Saturninus, son préfet, qu'il croyait d'une fidélité éprouvée, l'obligea à intervenir une troisième fois en Égypte. Coptos et Ptolémaïs avaient pris une grande part au mouvement insurrectionnel; elles subirent de sévères représailles. La poursuite et l'expulsion des Blemmyes, qui avaient envahi la Thébaïde ( Thèbes ) à la faveur de ces désordres, achevèrent de pacifier l'Égypte. Mais la paix ne fut pas de longue durée. Le coup d'État d'Achilleas exigea quelques années plus tard l'intervention de l'empereur Dioclétien (284-304). L'histoire a conservé le souvenir des répressions terribles de cet empereur, qui s'était déjà signalé dès le début de son règne comme un des plus fervents persécuteurs du christianisme . La plupart des villes qui avaient tenu pour Achilleas furent livrées à toutes les horreurs de la guerre, Alexandrie en première ligne. Dioclétien. avait donné l'ordre qu'on n'arrêtât le massacre que lorsque les flots de sang baigneraient les genoux de son cheval. Après avoir reconquis l'Égypte sur son préfet révolté, Dioclétien en fut encore réduit le la reconquérir sur les Blemmyes. Désireux de s'éviter une campagne pénible, il obtint l'évacuation des provinces par leurs bandes en leur offrant un tribut avec un traité aux termes duquel ils s'engagèrent à faire la police du haut Nil. Nous n'avons pas ici à nous occuper des dispositions que prit Dioclétien au sujet de l'Empire, du partage qu'il en fit d'abord avec Maximien Hercule, puis avec Constance Chlore et Galère (293-311). A partir de 330, l'Égypte, devenue chrétienne, et entrée pour ainsi dire dans le Moyen Âge, fut une dépendance de l'Empire Byzantin. (Georges Bénédite). ÉGYPTE ANTIQUE D’après Wikipédia etc. Bien que l’Égypte antique se définisse au sens strict comme la période de l'histoire égyptienne allant de l'invention de l'écriture hiéroglyphique à la fin de l'Antiquité, cette notion se rapporte plus particulièrement à la civilisation exceptionnelle qui fleurit sur les bords du Nil durant plus de trois mille ans. Du rassemblement des tribus primitives qui créèrent le premier royaume pharaonique jusqu'à sa disparition peu avant l'ère chrétienne, l'Égypte antique a été le théâtre d'événements majeurs qui ont assurément influencé la culture et l'imaginaire des peuples lui ayant succédé. Histoire Articles détaillés : Histoire de l'Égypte antique et Histoire chronologique de l'Égypte, aperçu historique. Présentation Au premier abord, les trois mille ans d'histoire de l'Égypte antique semblent receler autant de changements que de constantes. Les périodes fastes alternent régulièrement avec des périodes d'instabilité plus ou moins prononcées. Au fil du temps, la vie de l'État pharaonique paraît toutefois devenir plus chaotique. Aux cinq siècles de prospérité du Nouvel Empire succèdent sept siècles de troubles. Changements de maîtres et changements de frontières s'enchaînent jusqu'à l'avènement de la pax romana. Pourtant le caractère le plus remarquable de l'Égypte ancienne est sa prodigieuse continuité. Car au-delà des mutations territoriales et des bouleversements politiques, cette civilisation a perduré pendant plus de trois millénaires, fait unique dans l'Histoire. Depuis leurs mises en place aux débuts de l’histoire écrite jusqu'à leurs bannissements au triomphe du Christianisme, les grands principes de la culture égyptienne se sont maintenus et L’Egypte antique 30 préservés. Durant cette période, le mode de vie au bord du fleuve Nil a très peu évolué, toujours rythmé par la crue, les impôts et les dieux. L'historien grec Hérodote disait que « l'Égypte est un don du Nil ». Il avait observé à juste titre que le fleuve est indissociable de l'identité égyptienne antique, car sans lui l’Égypte n’existerait pas. Il était donc tout naturel que les habitants de la Terre noire en fassent un dieu important de leur panthéon. D’autant plus important que ce dieu pouvait se montrer capricieux : une mauvaise crue et les récoltes étaient perdues, entraînant la famine. Avant la construction du barrage d'Assouan, les paysans ont toujours vécu dans cette crainte. Afin de pallier à cette éventualité, une administration compétente s’est mise en place dès les origines. Les surplus de grains étaient prélevés par l’impôt et stockés en prévision d’années moins favorables où le besoin se ferait sentir. Une armée de scribes et d’intendants s’occupaient scrupuleusement du recouvrement. Ce corps de fonctionnaires a constitué de tous temps le principal pilier du pouvoir royal, le socle de la richesse et de la puissance du pays jusqu’aux débuts de l’industrialisation. Au sommet de la hiérarchie, dirigeant l’ensemble, coordonnant les services, une seule autorité : pharaon. Le roi tire directement son pouvoir des dieux. Il est à la fois leur descendant et premier serviteur, donc ne saurait être mis en doute. L’institution pharaonique est surtout le symbole de l’unité nationale et une condition essentielle de la stabilité du pays (donc de son exploitation). Les envahisseurs successifs ne s’y sont pas trompés et ont constamment pris soin de sacrifier à la coutume. En se faisant couronner pharaons ils garantissaient la continuité de l’État tout en gagnant une certaine légitimité auprès du peuple. Car le destin de celui qui occupe la fonction royale est intimement lié à celui de l’Égypte elle-même. Chaque affaiblissement du pouvoir central est potentiellement porteur de crise, alors que chaque fois qu’un homme fort occupe le trône, la paix du royaume est assurée. Ceci pourrait expliquer la facilité avec laquelle les Égyptiens ont accepté des rois étrangers, pourvu qu’ils respectent les traditions ancestrales. Le système a prouvé sa force plus de temps que nécessaire. Les siècles ont finalement révélé ses limites et ses faiblesses. Sa trop lente évolution et son incapacité à s’adapter à un environnement en mutation l’ont conduit à se faire supplanter et dominer par ses voisins. Il lui fallut attendre de nombreux siècles pour briller à nouveau d’un éclat réel mais différent, celui du monde arabe. Résumé C'est vers la fin du Néolithique que des tribus commencent à se rassembler dans la fertile vallée du Nil, pour aboutir à la constitution de deux royaumes politiquement distincts mais étroitement liés par une culture commune : la Haute-Égypte au sud, et la Basse-Égypte au nord (le Nil coule du sud vers le nord, d'où ces appellations). La tradition attribue au royaume du sud mené par Narmer l'unification du pays et l'établissement des premières institutions pharaoniques. Le découpage de l'histoire de l'Égypte en grandes périodes et en trente et une dynasties est hérité du prêtre-historien Manéthon qui vivait dans l'Égypte du IIIe siècle avant notre ère, alors sous domination macédonienne. Les anciens Égyptiens ne faisaient pas cette distinction : pour eux la monarchie était continuelle. • Jusqu'au -XXXIe siècle : peuplement le long du Nil et période prédynastique. Progressivement se constituent deux royaumes rivaux : le Nord (Basse-Égypte) et le Sud (Haute-Égypte). • D'environ -3100 à -2650 : période thinite. Les rois du sud envahissent le delta et unifient le pays. Ils fondent la Ire dynastie et s'établissent à Thinis, près d'Abydos. • De -2650 à -2150 : l'Ancien Empire, « âge d'or » de l'Égypte. Période très longue (env. 500 ans) où sont posées la bases de la civilisation égyptienne : arts, philosophie, religion, institutions politiques… C'est l'époque où l'on met en œuvre des chantiers gigantesques pour bâtir les premières pyramides. • De -2150 à -2060 : première période intermédiaire ; contestation de l'autorité royale et soulèvement des gouverneurs de province (nomarques). La crise politique aboutit à une guerre civile entre le nord et le sud. Montouhotep II finit par imposer la dynastie thébaine du sud. • De -2060 à -1785 : durant le Moyen Empire le pays retrouve une certaine sérénité propice à de nouveaux engagements militaires et à la floraison d'un art sobre et élégant. Règne des Senouseret (Sésostris) dont s'inspirera le célèbre « conte de Sinouhé ». • De -1785 à -1580 : deuxième période intermédiaire ; peu à peu, un peuple d'envahisseurs venus de l'Est s'installe dans le delta du Nil pour finalement fonder son propre État. Bénéficiant d'une certaine avance technologique (ils introduisent les chevaux et le char de guerre), les Hyksôs occupent le nord, fondent leur propre dynastie et soumettent les provinces du sud. L’Egypte antique 31 D'après la Bible, les Israélites seraient arrivés en Égypte vers -1700 et l'auraient fui 450 ans plus tard (voir l'Exode). Seule une stèle du pharaon Merenptah vers -1208 atteste de leur présence en Palestine. • De -1580 à -1085 : Nouvel Empire. Les efforts conjugués de trois rois thébains (Séqénenrê Taâ II, Kamosé et Ahmôsis Ier) sont nécessaires pour chasser les Hyksôs hors d'Égypte. Le renouveau qui s'ensuit donne lieu à l'apogée de la puissance égyptienne. Son influence s'étend et sa culture rayonne jusqu'aux frontières de la Mésopotamie. Les arts deviennent extrêmement raffinés, les temples de Karnak et Louxor sont agrandis ; naissent ainsi les somptueuses tombes de la vallée des rois, les temples d'Abou Simbel… XVIIIe et XIXe dynasties : les Amenhotep (Aménophis), Thotmès (Thoutmôsis), Ramsès (de I à IX), ainsi qu'Hatchepsout, Akhénaton et Toutânkhamon… • De -1080 à -332 : troisième période intermédiaire et basse époque. L'Égypte des pharaons amorce son déclin. Affaibli par des menaces extérieures, le pouvoir est accaparé par quelques princes et prêtres qui se proclament rois. Des Libyens puis des Éthiopiens réussissent temporairement à restaurer un semblant d'ordre qui ne dure pas. Des guerres intestines constantes font plonger le pays dans une semi-anarchie. Dynasties libyennes, koushites, de Saïs… Les Assyriens pillent Thèbes et ses grands temples. L'art, sous influence étrangère, se fait grossier et dégénère. Les Perses occupent le pays. Après une révolte difficile, Nectanébo II est le dernier pharaon autochtone. • De -332 à -30 : la période hellénistique (ou ptolémaïque) commence avec la libération du pays par Alexandre le Grand. Celui-ci refoule les Perses, fonde une nouvelle capitale - Alexandrie - en -331 et lance une série de chantiers. À sa mort, le général Ptolémée avec lequel il était très lié prend possession de l'Égypte et crée la dynastie des Lagides. Les Macédoniens comprennent qu'ils gouvernent un peuple aux traditions millénaires et en tirent parti : ils favorisent le culte d'Isis et de Sérapis dont la renommée atteindra Rome. En -48, pour s'attirer les bonnes grâces de César dont la gloire ne cesse de croître, le roi Ptolémée XIII fait assassiner son rival, le consul Pompée. Ce meurtre déshonorant produit l'effet inverse : César occupe la capitale et devient l'amant de la sœur-épouse du roi, Cléopâtre VII Philopator, qu'il installe sur le trône. À la mort du dictateur, la reine d'Égypte prend le parti de Marc Antoine contre Octave pour le pouvoir à Rome. Elle est finalement vaincue à Actium en -30 et rentre à Alexandrie où elle se donne la mort le 15 août. • -30 : Octave, neveu de César, est proclamé Empereur à Rome sous le nom d'Auguste. Il fait disparaître le fils de Cléopâtre, Ptolémée XV Césarion, dernier héritier légitime du trône. Désormais l'Égypte ne sera plus qu'une province du nouvel Empire romain. La fin de l'histoire égyptienne antique varie en fonction du point de vue adopté. Elle s'achève : • d'un point de vue ethnologique, à la mort du dernier pharaon autochtone, Nectanébo II en -343 ; • d'un point de vue politique, à la mort du dernier souverain autonome, Ptolémée XV Césarion en -30 ; • d'un point de vue culturel, lors de la conversion du dernier temple égyptien en église copte, le temple d'Isis à Philae en 535 (fermeture en 551). Géographie Article détaillé : Géographie de l'Égypte antique. La géographie de l’Égypte antique, d’un point de vue environnemental, est assez proche de celle de l’Égypte contemporaine. L’Égypte est un pays au climat semi-désertique dont seuls les bandes fertiles de part et d’autre du Nil, le delta et quelques oasis, sont propres à l’implantation humaine. Le reste est recouvert par le désert libyque à l’ouest, le désert égyptien à l’est et le Sinaï au nord-est. Les frontières traditionnelles de l’Égypte antique sont assez semblables aux frontières de l’Égypte moderne. Ainsi, dans l’Ancien Empire, le pays est délimité au nord par la Méditerranée, au sud par la première cataracte du Nil, à l’ouest par le désert libyque et à l’est par la mer Rouge, le Sinaï et la région de Gaza. Peuple Article détaillé : Origine des anciens Égyptiens . L'origine des premiers Égyptiens fait débat, de nombreuses théories ont été avancées à ce sujet (orientale, sub-saharienne, etc.). Agriculture Article détaillé : Agriculture dans l'Égypte antique. L’Egypte antique 32 Il existe un étonnant paradoxe entre l'image que les Égyptiens de l'Antiquité avaient de leur agriculture et l'image qu'en avaient les visiteurs étrangers. Ainsi, alors que les scribes dépeignent le métier d'agriculteur comme le plus harassant et ingrat des travaux manuels, les voyageurs grecs comme Hérodote et Diodore de Sicile s'extasiaient devant cette terre où les plantes semblaient pousser sans grand effort. Vie quotidienne Article détaillé : Vie quotidienne dans l'Égypte antique. La vie quotidienne des Égyptiens de l'Antiquité est relativement bien connue par rapport à celle des autres civilisations antiques. La société égyptienne était très hiérarchisée et il existait de grandes disparités entre la vie des paysans, représentant la grande majorité des Égyptiens et vivant dans un état proche du servage, et celle de la noblesse et de la haute bourgeoisie. La vie des plus privilégiés nous est la mieux connue car c'est elle qui a laissé le plus de témoignages. Organisation politique Article détaillé : Organisation politique de l'Égypte antique. L'Égypte antique est une monarchie théocratique. Bien plus qu'un roi, le pharaon est à la fois l'administrateur principal, le chef des armées, le premier magistrat et le prêtre suprême de l'Égypte. En effet, Pharaon avait une mission à remplir : mettre en œuvre la règle de Maât sur Terre, c'est-à-dire assurer l'harmonie entre les hommes et le ciel, être garant de la morale de son peuple, contribuant ainsi à assurer son éternité. Le territoire égyptien était découpé en régions administratives, les nomes, qui étaient gouvernés au nom de pharaon par des nomarques. Art égyptien Article détaillé : Art de l'Égypte antique. L'Art de l'Égypte antique est caractérisé par une idée d'ordre : des lignes claires et simples, associées à des formes pures et des aplats de couleur. Les artistes utilisaient des lignes perpendiculaires, verticales et horizontales pour former un quadrillage et donner des proportions correctes à leurs travaux. L'art reflétait l'importance sociale, religieuse et politique. La hauteur des personnages dépendait, par exemple, de leur rôle dans la société ; les plus importants étaient les plus grands. Les Égyptiens ignoraient par ailleurs la perspective. Le pharaon est ainsi toujours représenté comme le plus grand des hommes. De même les dieux sont plus ou moins imposants selon qu'ils sont considérés comme plus ou moins puissants. Voir aussi : • Hiéroglyphe ; • Papyrologie ; • Textes de l'Égypte antique ; • Architecture de l'Égypte antique. Mythologie et religion égyptienne Articles détaillés : Mythologie égyptienne et religion égyptienne . Les Égyptiens de l'Antiquité ont cherché à interpréter tous les phénomènes qu'ils pouvaient observer par le prisme de leur croyance séculaire. La notion la plus importante pour eux est celle de cycle : • le cycle du jour avec le soleil renaissant chaque matin, • le cycle des années avec l'inondation annuelle qui pouvait être source de joie comme de malheurs (en cas de trop faible ou trop forte crue du Nil), • le cycle de la vie avec les naissances qui succèdent aux morts. Voir aussi : • • Dieux égyptiens ; Concepts égyptiens. Science de l'Égypte antique Article détaillé : Science de l'Égypte antique . La science de l'Égypte antique jouissait d'un grand prestige dans les temps anciens. Elle tendait à montrer le haut degré de développement de cette civilisation et l'ampleur de ses connaissances. L’Egypte antique 33 L'Égypte antique dans les arts Architecture • Maison égyptienne, place du Caire à Paris, construite en 1805 et dont la façade reprend une frise et des têtes égyptiennes. • Egyptian Hall à Londres en 1812 1. Notes 1. ↑ (en)Site sur l'Egyptian Hall [archive] 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. ↑ [1] [archive] ↑ [2] [archive] ↑ Site sur Papyrus par Lucien de Gieter et Jean-Pol Schrauwen [archive] ↑ Synopsis de la BD [archive]] blakeetmortimer.com. URL accédée le 19 décembre 2008 ↑ Synopsis de la BD [archive] ↑ Synopsis de la BD [archive] sur le site de l'éditeur ↑ Résumé [archive] coinbdcom. URL accédée le 19 décembre 2008 ↑ Test du jeu "Egypte 1156 av. J.-C." [archive] jeuxvideopc.com. URL accédée le 19 décembre 2008. ↑ Test du jeu "Pharaon" [archive] jeuxvideo.com. URL accédée le 19 décembre 2008. ↑ Test du jeu "Egypte II" [archive] jeuxvideo.com. URL accédée le 19 décembre 2008. ↑ Test du jeu "Cléopâtre" [archive] jeuxvideo.com. URL accédée le 19 décembre 2008. ↑ Test du jeu "Immortal Cities : Les enfants du nil" [archive] jeuxvideo.com. URL accédée le 19 décembre 2008. Pharaon. Wikipedia. Le terme pharaon désigne a posteriori les souverains d'Égypte durant l'antiquité égyptienne. Le pharaon était à la fois l'administrateur principal, le chef des armées, le premier magistrat et le prêtre suprême de l'Égypte antique. Il se dit fils d'Horus et favori d'Amon-Rê. Le mot, se basant sur une expression égyptienne, est un emprunt biblique et n'a jamais servi de titre pour désigner les rois d'Égypte à leur époque et ne se rencontre d'ailleurs pas dans le protocole des souverains égyptiens1. D'après l'historiographie égyptienne, la monarchie fut créée par le démiurge qui la transmit aux dieux ses successeurs, puis à des créatures divines, les suivants d'Horus qui, dans les listes royales, précèdent immédiatement les rois historiques. Donc, Pharaon avait une mission à remplir : mettre en œuvre la règle de Maât sur terre c'est-à-dire assurer l'harmonie entre les hommes et le ciel, être garant de la morale de son peuple, contribuant ainsi à assurer son éternité et la prospérité de l'Égypte. Maintenir l'ordre du monde (Maât) et combattre le Mal (Isfet) sous toutes ses formes, c'est satisfaire les divinités qui « vivent de Maât ». Aussi Pharaon se doit-il de bâtir, de restaurer et d'agrandir les temples, d’assurer le bien-être de ses sujets et de veiller à l’accomplissement correct des rites. Dans la pratique, il délègue l'exercice du culte au clergé qu'il supervise. Il revenait à Pharaon de choisir seul la politique à mener. Comme pour le culte, il déléguait l'exécution de ses décisions à une cohorte de scribes, de conseillers et de fonctionnaires : • • • • • au(x) vizir(s), sorte de premier ministre, de faire exécuter ses décisions et rendre la justice en son nom ; au général des armées d'organiser et de mener les campagnes militaires qu'il décide ; au grand prêtre de veiller aux rites et de gérer les biens du clergé ; aux scribes de répertorier les décrets, les transactions, les récoltes ; au simple prêtre de rendre hommage aux dieux en ses lieux et places. Étymologie Le mot français « pharaon » dérive du grec pharaô (Φαραώ), mot introduit dans cette langue par la traduction en grec de la Bible. Il dérive de l'ancien égyptien per-âa (pren transcription scientifique). Ce mot désignait à l'origine le palais royal (en tant qu'institution) et signifiait « la grande ( Sur le papyrus Westcar (5,2), on trouve La Bible et « Pharaon » ) maison (pr) ». L’Egypte antique 34 Dans la Bible, le mot "Pharaon" désigne plutôt l'institution qu'un monarque précis. Il y a deux Pharaons, ou roi d'Égypte, dans la Genèse : celui auquel Abraham à affaire4, quand il descend en Égypte avec son épouse, et celui que rencontrent Joseph et ses frères. On en trouve également deux dans l'Exode : celui de la naissance et du mariage de Moïse - qui meurt au verset 2, 23 5 - puis celui de la sortie d’Égypte emmenée par le même Moïse. Un Pharaon apparaît également dans les livres des Rois, du temps de Salomon, qui épouse sa fille. Flavius Josèphe, historien juif du Ier siècle, écrit à ce sujet : « D'aucuns se seront demandé pourquoi tous les rois égyptiens, depuis Minaeos (Ménès), le fondateur de Memphis, qui précéda de beaucoup d'années notre ancêtre Abram, jusqu'à Salomon, dans un intervalle de plus de treize cents ans, ont été appelés Pharaon (Pharaôthès); aussi ai-je jugé nécessaire, pour dissiper leur ignorance et éclaircir l'origine du nom, de dire ici que Pharaon chez les Égyptiens signifie roi. Je crois qu'à leur naissance ils recevaient d'autres noms, mais dès qu'ils devenaient rois, on leur donnait le titre qui désigne leur puissance dans la langue nationale. C'est ainsi que les rois d'Alexandrie, d'abord appelés d'autres noms, recevaient à leur avènement au trône le nom de Ptolémée, d'après celui du premier roi. De même, les empereurs romains, après avoir porté d'autres noms de naissance, sont appelés César, titre qu'ils tiennent de leur primauté et de leur rang, et abandonnent les noms que leur ont donnés leurs pères. Voilà pourquoi, je suppose, Hérodote d'Halicarnasse, quand il raconte qu'après Minœos, le fondateur de Memphis, il y eut trois cent trente rois d'Égypte, n'indique pas leurs noms, parce qu'ils s'appelaient du nom générique de Pharaon. » Dans le deuxième livre des rois (23, 29-35)6 et dans le livre de Jérémie (46, 2) 7, le "Pharaon Neco" est nommé. Il est identifié avec Nékao II. « Pharaon » avant Champollion Charles Rollin publia en 1730 Histoire ancienne, les souverains de l'Égypte y sont des rois. Pharaon est absent également dans l'œuvre monumentale des savants de Bonaparte, la Description de l'Égypte (1821). Pour L.-P. de Ségur, Histoire Universelle ancienne et moderne p.47 (1822), Pharaon est un roi égyptien qui donna sa fille en mariage à Salomon, roi d'Israël. Une recherche dans les livres publiés en France, avant le début du XVIIIe siècle, montre que pharaon a uniquement été utilisé dans des contextes d'inspiration biblique8. En langue française, pharaon était donc confiné aux textes inspirés de thèmes religieux. Dans tout autre texte le souverain de l'Égypte était un roi. Champollion et « Pharaon » Jean-François Champollion fut le premier à se servir du mot en dehors du contexte biblique. Depuis la publication en 1814 de Champollion L'Égypte sous les Pharaons, "Pharaon" est utilisé par les auteurs comme titre des rois d'Égypte. En 1822, dans la lettre à Monsieur Dacier c'est "roi" qui est utilisé. Il ne trouvera toutefois jamais l’équivalence entre per-aâ et pharaon, mais il reprend l'utilisation de pharaon après 1822. Champollion ne donna jamais d'explication pour l'emploi de ce barbarisme, pardonnable pour l'époque. Emploi de pharaon chez les Égyptiens de l'époque dynastique En 1856, Emmanuel de Rougé proposa une réponse satisfaisante où pharaon vient du mot égyptien pour désigner le palais gouvernemental (pr). À partir d'Akhénaton, Pharaon en écriture hiéroglyphique sert à désigner le roi. Ne manquant pas de titres et de désignations, pour quels motifs Akhénaton a-t-il utilisé Pharaon pour se désigner, cela demeure un mystère. Ce peut être par complaisance envers l'armée, la prêtrise et l'administration qui utilisaient déjà ce mot dans leurs propres titres ou bien a-t-il vu dans prle point de départ de son enseignement religieux, de son rayonnement. Les Égyptiens rapprochaient les mots ayant les mêmes consonnes, ils y voyaient là l'écho sonore de l'énergie essentielle qui suscita l'univers. Pharaon (pr) et Le Dieu Soleil (p r ) ont les mêmes consonnes, le mot soleil Ra se trouve au milieu de pr, c'est peut-être là que se trouve la réponse. Les lettres d'Amarna en témoignent, les vassaux d'Akhénaton l'appelaient « mon soleil ». Nous retrouvons là les propositions d'Ippolito Rosellini et d'Emmanuel de Rougé pour l'origine de pharaon. Pendant tout le Nouvel Empire la désignation Pharaon n'est jamais suivie du nom du souverain, c'est une alternative moins employée de majesté. Certains égyptologues, comme Christiane Desroches Noblecourt, font remonter la première attestation de per-aâ, au sens de « pharaon », à l'an XII du règne conjoint de la reine Hatchepsout-Maâtkaré et de son neveu, Thoutmôsis III-Menkhéperrê9. Elle est ensuite employée pour désigner Thoutmôsis seul. Pour d'autres égyptologues, cette attestation remonterait à l'époque de Ramsès II ou de Ramsès III[réf. nécessaire]. Pendant la IIIe période intermédiaire et la Basse Époque, les rois sont étrangers ou vassaux et certains ne parlent pas l'égyptien. À cette époque, pharaon est associé occasionnellement au nom de naissance du roi. Le premier L’Egypte antique 35 sera Siamon, suivit de Sheshonq Ier à titre posthume. L'écriture démotique prend naissance, Pharaon devient le mot pour dire « le roi » (beaucoup d'historiens préfèrent assimiler le titre de Pharaon à celui d'empereur ce qui, semble-t-il, correspond mieux à la réalité), le mot Pharaonne (le titre de grande épouse royale était plus utilisé que le terme Pharaonne) est inventé pour désigner la reine son épouse. Pendant la période des Ptolémées, le souverain est surtout un basileus. Ptolémée II voulait que ses tribunaux connaissent les lois régissant les différents groupes ethniques de son royaume, pour les juger selon leurs coutumes. À sa demande, les juifs d'Égypte traduisent en grec leurs lois et auraient introduit à cette époque le mot Pharao dans cette langue à partir de l'hébreu. C'est ce mot Pharao qui deviendra Pharaon en français en passant par le latin chrétien. Les souverains romains, à qui l'Égypte appartenait en propre, furent représentés par un préfet et de ce fait reçurent le nom de Pharaon dans leur titulature. Ce nom, déterminé par les prêtres égyptiens, était le plus approprié pour définir leur programme de règne qui était laissé à l'initiative de l'institution impériale locale, dont le responsable changeait souvent et résidait au palais gouvernemental. Développé au IIIe siècle de notre ère, le copte est la dernière forme de l'écriture égyptienne. Le mot pour roi y est (p)rro, le mot pour pharaon est pharaw ; l'utilisation de ces deux mots dans un même texte démontre que les Égyptiens n'en connaissaient plus l'origine commune. Emploi de « Pharaon » chez les Égyptiens de l'époque moderne En langue arabe, c'est surtout le Coran qui utilise Pharaon. La nécropole thébaine s'appelle Biban-el-Molouk que nous traduisons par « la vallée des rois ». Au XVIIIe siècle, Pharaon était signalé par le consul de Louis XIV en Égypte comme étant un terme injurieux. H. Fischer rapporte que c'est encore un terme méprisant pour les Égyptiens de notre époque, un équivalent de « diable ». Le mot est utilisé depuis au moins le XVIe siècle dans le surnom de l'ichneumon : rat de Pharaon. Dans le livre de Frédéric Cailliaud de 1821 Voyage à l'oasis de Thèbes, un type de coquillage trouvé sur la mer Rouge est appelé « coquille de Pharaon ». Dans ce livre l'auteur n'emploie jamais le mot pharaon, mais il est vrai que le récit ne s'y prête pas ; comme tout le monde il parle de vallée des rois. Dans ses livres suivants, Voyage à Méroé publiés en 1826-1827, il emploi le titre Pharaon devant un nom de roi. Entre les deux publications, le monde chrétien savait que la clé de l'écriture égyptienne était trouvée. Titulature Les pharaons portaient une titulature composée de cinq noms, titulature complexe apparue au cours de l'Ancien Empire. Pour les anciens Égyptiens, le nom (ren) est ce qui donne vie à la chose qu'il désigne. On comprend donc aisément l'importance qu'attachaient les pharaons aux noms qui les désignaient et l'acharnement avec lequel ils firent marteler ceux d'un prédécesseur honni. Aux premiers temps de l'institution pharaonique, alors que la titulature royale ne comportait qu'un seul élément, le nom d'Horus, celui-ci était inscrit à l'intérieur d'un serekh représentant le palais du roi et pouvant être interprété comme un symbole de protection magique. Par la suite, avec l'apparition de la titulature complète, les deux derniers noms royaux étaient protégés par le cartouche, ovale magique qui représentait à l'origine une corde nouée à l'une des extrémités10, le serekh étant réservé au nom d’Horus dans les grandes inscriptions dédicatoires arrangées en colonnes. Par ailleurs, le roi était encore appelé « Sa Majesté » (Hemef) : Le Fils de Rê Sésostris doué de toute vie, tout pouvoir, toute stabilité et toute santé, vivant éternellement. Histoire Il est bien difficile de dater avec précision les débuts de l'histoire pharaonique, tant les témoignages de cette période sont peu nombreux et se confondent avec l'aube de l'Histoire (et donc de l'écriture). La tradition égyptienne faisait de Ménès (Narmer en grec) l'unificateur du pays (alors divisé en deux royaumes) et le premier des pharaons humains après le règne des suivants de Horus. Des témoignages archéologiques, comme la palette de Narmer, semblent confirmer l'unification du pays aux alentours de -3200, mais les égyptologues pensent que l'institution pharaonique pourrait lui être antérieure. Le dernier pharaon autochtone est Nectanébo II (-358/-341) de la XXXe dynastie. Les empereurs romains s’affirmeront les successeurs légitimes des pharaons, mais on s'accorde à dire que l'ultime représentant de l'institution pharaonique proprement dite est le dernier Lagide, Césarion (Ptolémée XV), le fils de César et Cléopâtre. Chronologie L’Egypte antique 36 La plus ancienne chronologie complète disponible fut établie par un prêtre égyptien hellénisé, Manéthon, à qui Ptolémée II (-282/-246) avait demandé de rédiger en grec une histoire de l'Égypte. Son oeuvre suppose que les Égyptiens conservaient dans les archives des temples des listes royales remontant aux origines de la monarchie égyptienne. Il en subsiste des abrégés fournissant une liste de rois classés en trente et une dynasties, regroupées de la période thinite à la Basse Époque. Les critères de la classification de Manéthon ne nous sont pas connus, mais qu'en tout état de cause il a compulsé des sources égyptiennes, encore que le concept de dynastie qu'il utilise ne corresponde pas à celui que nous pratiquons en Occident. En effet, les dynasties de Manéthon n'ont aucun rapport avec le lien du sang mais avec la ville dont est originaire le pharaon fondateur de la dynastie et qui sert, dans la majorité des cas de capitale dynastique. On trouve donc principalement, tout au long de l'histoire égyptienne des dynasties memphites (Ancien Empire), hérakléopolitaines (Première période intermédiaire), thébaines (Moyen et Nouvel Empire), originaires d'Avaris (période Hyksôs pendant les XVe et XVIe dynasties), tanites (Nouvel Empire et Troisième Période Intermédiaire). Il existe aussi quelques chronologies contemporaines de l'Égypte pharaonique comme le papyrus de Turin, la pierre de Palerme ou encore la liste de règne du temple d'Abydos datant de Séthi Ier. Cependant ces documents sont a utiliser avec précaution car on ne connait pas les critères de choix ni de classement qui en sont à l'origine. On remarque ainsi, que certains pharaons sont absent de la liste d'Abydos (Hatchepsout, Akhénaton et Toutânkhamon notamment). Dans les livres consacrés à l'Égypte ancienne, on peut trouver quelques différences dans les dates de règnes, dues essentiellement à la méthode de datation utilisée par les anciens Égyptiens. Les Égyptiens divisaient l’année en trois saisons : Inondation (Akhet), Germination (Peret) et Chaleur (Shemou), suivies de cinq jours supplémentaires ou épagomènes. Chaque saison comptait quatre mois de trente jours chacun. À l’origine, le début de l’Akhet coïncidait avec le lever héliaque de Sothis qui a lieu, d’après le calendrier julien, le 19 juillet. Toutefois, étant donné que l’année solaire compte 365 jours et six heures – et non 365 jours -, cette différence de six heures entraîna un décalage croissant entre l’année civile et l’année solaire : de telle sorte que la saison Akhet débuta à plusieurs reprises en hiver. Il s'y ajoute que les Égyptiens n’employaient pas de datation absolue. Les événements étaient datés d’après les années de règne de pharaon, p. ex. an 2, 3e mois de l’Akhet, 2e jour sous la Majesté du roi Untel. Heureusement pour nous, tous les 1460 ans, le début de l’année civile égyptienne (le 19 juillet dans le calendrier julien) coïncide avec le lever héliaque de Sothis, c’est-à-dire l’apparition de l’étoile au lever du soleil. Cette coïncidence frappa les Égyptiens, qui la consignèrent, notamment en 139 de notre ère. Cette dernière date sert de repère et permet ainsi une datation absolue des règnes : en l’an 9 d’Amenhotep Ier par exemple, il y eut aussi coïncidence du début de l’année civile et du lever héliaque de Sothis ; l’an 7 correspondrait donc à -1545. Il n’empêche que l’établissement d’une datation absolue constitue un vrai casse-tête pour les égyptologues : non seulement, pour être exact, il faudra connaître le lieu de l'observation du lever héliaque de Sothis, mais encore, au Moyen Empire, l'an 1 d'un roi correspondait au début l’année civile qui suivait son avènement ; au Nouvel Empire l'an 2 du règne commençait 365 jours après le jour de l'avènement ; et enfin, à la Basse Époque, il commençait le jour du lever héliaque de Sothis suivant l'avènement, l'an 1 du règne pouvant être ainsi réduit à quelques jours. Obs. : - L'orthographe des noms est différente selon que l'on translittère les hiéroglyphes ou que l'on utilise le nom donné par les Grecs. Par exemple, le pharaon Amenhotep (nom transcrit de l'égyptien ancien) est identique à Aménophis (nom grec). De plus, dans certains noms, il y a une antéposition honorifique du nom du dieu, mais l'habitude fait que l'on conserve également le nom sans antéposition tel que connu des premiers égyptologues ; ainsi, Raneb et Nebrê sont le même personnage, un roi de la IIe dynastie. Liste des pharaons Il est impossible de dresser une liste exacte des rois qui se sont succédé sur le trône d'Égypte durant 3000 ans, tant les informations qui nous sont parvenues sont fragmentaires. De plus, il existe des différences chronologiques entre les sources égyptiennes, ce qui explique pourquoi, dans les listes des souverains établies par les égyptologues, certains règnes se chevauchent au lieu de se suivre. Pour finir, certaines périodes troubles de l'histoire ont laissé des lacunes dans la chronologie, parfois volontaires, les Égyptiens ayant eu une conception de l’historiographie différente de la nôtre. Malgré cela, la plupart des pharaons, et, semble-t-il, les plus importants dans l'histoire pharaonique, nous sont assez bien connus. Les listes suivantes sont basées sur les Aegyptiaca de Manéthon, mises à jour par les découvertes récentes : L’Egypte antique • les pharaons par ordre chronologique ; • les pharaons par ordre alphabétique. 37 Légitimité du pharaon Rê, le soleil de l'univers et des hommes sur terre, s'est retiré vers le ciel en laissant aux dieux la direction du monde, puis à des rois semi-divins, et enfin à des monarques humains, les pharaons qui sont ses fils et représentants sur terre. Ce qui fonde la légitimité du pharaon, c'est l'ascendance divine. Selon la mythologie égyptienne, dans le corps du pharaon coulerait un sang divin provenant de son ancêtre, le dieu Horus. La fonction pharaonique est donc de droit divin, et elle se transmet par le sang. C’est pourquoi l’héritier de la couronne doit être né de la Grande épouse royale. Étant elle-même d’ascendance divine, elle permet au futur pharaon d’être, de par sa mère et de par son père, d’origine divine. S’il est issu d’une concubine, il épouse sa demi-sœur née de la Grande épouse royale. La mythologie fournit d’ailleurs des exemples d’inceste, avec Geb et Nout, ou encore Osiris et Isis. Dans le même ordre d’idées, on signalera certains mariages consanguins entre pharaon et sa fille ou ses filles. De telles unions sont attestées notamment pour Akhénaton et Ramsès II. C’est donc à la fois le souci d’assurer la légitimité de l’héritier du trône et la volonté de souligner la nature divine de pharaon qui explique la prérogative royale de l’inceste, car c’est bien d’une prérogative qu’il s’agit. En effet, il semblerait que les mariages entre frère et sœur soient rarement pratiqués par le commun des mortels, bien que ces unions ne fassent l'objet d'aucune interdiction légale et que, dans la société civile, les termes «frère» et «sœur», lorsqu’il s’agit d’une union, doivent être perçus au second degré, dans la majorité des cas, comme termes d’affection. Faute d'héritier mâle, ou quand le nouveau roi est encore un tout jeune enfant (Thoutmôsis III), la fonction peut échoir à une femme de sang divin (Nitokris, Hatchepsout, Taousert) plutôt qu'à un homme qui ne le soit pas ; elle en est donc dépositaire jusqu'à la transmission à son époux, ce qui ne signifie pas que la légitimité monarchique repose uniquement sur le mariage avec une fille de sang. Les lignées pharaoniques ne réussirent jamais à perdurer; elles furent régulièrement interrompues par des envahisseurs ou par des coups d'État. Tel pharaon dont la légitimité était douteuse ou contestée pouvait légitimer sa prise du pouvoir en faisant valoir qu'elle avait été voulue par la divinité. Le dieu marquait son choix par un signe, une naissance prodigieuse (les rois de la Ve dynastie, Hatchepsout de la XVIIIe dynastie), un rêve de l'heureux élu (Thoutmôsis IV) au pied du Grand Sphinx, ou un oracle (Horemheb, Alexandre le Grand). Après trente années de règne, le pharaon fêtait son premier jubilé, la Fête-Sed, pour régénérer ses forces et montrer au peuple qu'il était encore capable de gouverner le pays. La naissance d'un pharaon Représentée sur des hauts-reliefs du temple de Deir el-Bahari, la naissance divine de la future reine Hatchepsout (XVIIIe dynastie) correspond à une théologie de la royauté fort importante qu'on retrouve plus tard pour Amenhotep III (XVIIIe dynastie) et Ramsès II (XIXe dynastie). Quand Amon désire engendrer son futur héritier terrestre, il s'adresse à Thot, le dieu de la connaissance, et en fait son éclaireur pour s'assurer que la reine Ahmosis, épouse de Thoutmôsis Ier, soit digne de porter en son sein le futur pharaon. Puis Amon prend les traits de l'actuel roi : « Alors Amon, ce dieu magnifique, maître des trônes du Double Pays, se transforma et prit l'apparence de Sa Majesté, le roi de Haute et de Basse-Égypte Âakhéperkarê (Thoutmosis Ier), époux de la reine. Il la trouva comme elle dormait dans la beauté de son palais. » L'accouplement divin intervient alors : « Après qu'il l'eut approchée étroitement et qu'elle s'extasiait à contempler sa splendeur (nfrw=f) divine, voici que l'amour d'Amon pénétra son corps. Le palais était inondé du parfum du dieu dont toutes les senteurs étaient celles de Pount. (...) Paroles dites par Amon, maître des trônes du Double Pays : (...) Certes, Khene-met-imenHatchepsout (Rejeton d’Amon, Première des Nobles Dames) sera le nom de cette fille que j’ai placée dans ton corps. Elle exercera cette bienfaisante royauté dans ce pays tout entier. » Puis Amon donne à Khnoum, le potier divin, l'ordre de modeler l'enfant et son ka. Lorsque l'épouse royale accouche de la future reine, elle est entourée d’une ennéade de divinités, disposées en trois rangées de trois. L’enfant est présentée à Amon qui lui promet la royauté terrestre ; il en confie l'allaitement à Hathor, la nourrice divine. Notes L’Egypte antique 1. ↑ Jacques Briend, Les pharaons dans la Bible. Pouvoir du roi, autorité de Dieu, in Le Monde de la Bible, hors série automne 2006, p. 47 2. ↑ H. W. Helck, bande 2 3. ↑ K. Sethe, p. 33 : als Ganzes determiniert mit dem Zeichen des Hauses. 4. ↑ Genèse 12, Gn 12 5. ↑ Exode 2, Ex 2 6. ↑ 2 Rois 23, 2R 23 7. ↑ Jérémie 46, Jr 46 8. ↑ F. de Chantelouve, Tragédie de Pharaon (1574) ; Pierre de Ronsard, Sonnet pour Hélène (1578) ; Théodore Agrippa d'Aubigné, Les Tragiques (1616) ; Jacques Bénigne Bossuet, Histoire Universelle (1681) ; Ch. De Brosses, Du Culte des dieux fétiches (1760) 9. ↑ D’après Ch. Desroches Noblecourt, La reine mystérieuse, p. 134. 10. ↑ A. H. Gardiner, Egyptian Grammar, p. 74. 38