L S1 introdhist 04

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L’EGYPTE 1
La chronologie égyptienne
La chronologie des époques les plus reculées de l'histoire égyptienne est mal connue. Chaque fois que
cela a été possible, on a adopté ici les dates données par Jaromir Malek et John Baines dans leur Atlas de
l'Égypte ancienne (Fernand Nathan, 1981). Les auteurs justifient ainsi leurs propres choix :
Les dates sont comptées d'après les listes anciennes, et en particulier d'après le papyrus de Turin ,
ainsi que différentes autres sources, y compris certaines pièces se référant à des données astronomiques. La
marge d'erreur atteint environ une dizaine d'années pour le Nouvel Empire et la troisième période intermédiaire,
mais 150 ans pour le début de la Ire dynastie. La plupart des dates de la XIIe dynastie sont déterminées avec
précision, et certaines de la XVIIIe et de la XIXe dynastie doivent être en relation avec une alternative
astronomique sur trois; nous avons eu recours ici à une combinaison des plus faibles et des moyennes. Toutes les
dates à partir de 664 av. J.-C. sont précises.
On a repris par ailleurs la périodisation habituelle de l'histoire égyptienne. Elle est commode, même si
les limites données pour chaque période ont évidemment une part importante d'arbitraire. Suivant les auteurs
mentionnés ci-dessus on adoptera ainsi les divisions suivantes :
2290 av. J.-C - début de la période pharaonique (première dynastie).
2575 - 2465 - Ancien Empire.
2134 - 2040 - Première période intermédiaire.
2040-1640 - Moyen Empire.
1640-1532 - Deuxième période intermédiaire.
1550 - 1070 - Nouvel Empire.
1070 - 712 - Troisième période intermédiaire.
712 - 332 - Basse époque.
332 av. J.-C. - 395 ap. J.-C. - Période gréco-romaine.
INTRODUCTION
Le pharaon et l’Etat
L'État égyptien était une théocratie dont le monarque, chef absolu, tirait, à l'origine, sa puissance d'une
doctrine politique : le roi était un Horus vivant sur terre, dieu lui-même à l'égal des divinités du ciel ou de l'autre
monde. Cette croyance, absolue sous les rois de l'Ancien Empire, qui la faisaient enseigner d'autorité aux enfants
de leurs fonctionnaires, se nuança sous le Nouvel Empire, après l'épreuve des malheurs de la monarchie : le roi,
toujours reconnu de sang divin et par conséquent dieu à ce titre, fut toutefois considéré comme le vicaire
d'Amon, souverain suprême régnant dans les cieux, de qui il accomplissait les gestes ici-bas. C'est par le sang, en
effet, que se transmettait la descendance divine : plus d'une fois dans le cours de l'histoire, Amon fut censé
intervenir en personne pour rétablir une légitimité insuffisante ou douteuse : pour ce motif, un des titres
essentiels du protocole royal, la devise « Fils du Soleil », précédait le nom de naissance. Le nom royal, à dater du
jour de l'intronisation, s'inscrivait dans un cartouche.
Même lorsque le pays était unifié, les titres du souverain conservaient la marque des Deux Royaumes
dont était issue l'Egypte. Le roi portait ainsi notamment les titres de souten khab (= roi de la Haute et de la
Basse-Égypte), de Nesout-bit (= celui qui appartient au roseau et à l'abeille ; le roseau symbolise le Sud,
l'abeille le Nord, et le tout exprimant donc que le roi est le symbole de l'unité du pays ) ou bien de Nebti (= celui
qui appartient au deux déesses, avec une signification analogue). Le roi était aussi appelé se Râ, fils du Soleil, ou
encore le dieu bon et la Grande Demeure (= Per-aâ). Cette dernière dénomination, devenue pharo dans la
transcription grecque de la Bible
a donné naissance au terme de pharaon par lequel on désigne
habituellement, dans les langues modernes, les rois d'Égypte.
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Site Imago mundi internet, Les traverses du temps. Auteurs divers, dont Georges Bénédite
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Sous l'Ancien Empire et pendant une partie du Moyen Empire, les rois se bâtissaient, de préférence à
toute autre résidence, une ville qui leur fût propre, à proximité du tombeau qu'ils se faisaient édifier sur les
limites du désert. Cette cité éphémère, hâtivement construite en matériaux légers, groupait autour du palais royal
le logis des courtisans et des fonctionnaires de l'administration centrale. La famille du roi se composait de la
reine - seule épouse légitime et participant à la dignité royale -, da la troupe des concubines du harem et des
enfants du roi. A la Cour se pressaient les parents, les amis et une foule de chambellans.
L'administration royale avait à sa tête le vizir, substitut du roi et gouverneur de la ville royale : audessous de lui, deux chanceliers, l'un pour le Midi et l'autre pour le Nord, centralisaient les différents services
qui, de la capitale, se ramifiaient jusque dans les bourgades les plus perdues au fond de la province. Les bureaux,
dans un pays où la monnaie fut toujours inconnue, où tout s'évaluait et s'échangeait en nature, étaient doublés de
magasins : on y entreposait les denrées que l'administration royale percevait comme impôts ou tenait en réserve
pour le traitement de ses salariés. Une armée de scribes et de manoeuvres, savamment hiérarchisés, assurait le
service des bureaux et des magasins.
La doctrine traditionnelle voulait que le roi fût avant tout ici-bas le gardien de la justice, sur laquelle
était fondé le monde, et les fonctionnaires n'étaient que ses délégués dans l'accomplissement de cette mission. «
Faire chaque jour la justice qu'aime le roi-», tel est le programme que, sur leurs stèles funéraires, les
fonctionnaires, à la fois administrateurs et juges, se vantent d'avoir rempli. Il est vraisemblable que la « volonté-»
du roi s'exprimait, dès l'Ancien Empire, par des instructions écrites, dont rien pourtant n'a été retrouvé jusqu'à
présent. Le Nouvel Empire a conservé, dans ce genre, des « Instructions au vizir », envoyées par le roi à son
dignitaire lors de l'entrée en charge. Ce sont les dispositions de pareils documents, émanés du souverain, et sans
cesse renouvelés par lui, que vise très vraisemblablement le mot « loi », qui apparaît à cette époque; l'Égypte n'a
jamais connu de constitution délimitant et assurant définitivement, au-dessus de la volonté royale, la condition
des institutions et des individus.
Le Pharaon
Le terme de pharaon, n'est appliqué en propre aux souverains d'Égypte qu'à partir de la XXIIIe dynastie
(Nouvel Empire, vers 1400 av. J. C.), mais existe cependant dès l'Ancien Empire et est attesté à partir de la Ve
dynastie. Le mot égyptien est en fait Per-aâ (d'où les transcriptions Per-ô en hébreu et Pharao en grec). Il
signifie, on l'a dit, « Grande demeure », et désigne initialement le palais du roi. Il désigne ensuite par métonymie
ceux qu'il abrite. Le pharaon, c'est donc au départ le cercle de personnes qui entourent immédiatement le
souverain - la cour, si l'on veut -, et l'emploi du mot est assez similaire celui que l'on fait par exemple
aujourd'hui d'Élysée ou de Vatican, pour signifier un personnel décisionnaire bien délimité, et en dernière
instance le président ou le pape eux-mêmes.
Que ce soit au temps où il était Nebti, ou à celui où il sera proprement Pharaon, le souverain est vénéré
comme un dieu, comme un Soleil
se levant sur l'Égypte, un Horus . Il est appelé le maître de la double
terre qu'il illumine de son double rayonnement méridional et septentrional. Cet être surhumain était
l'intermédiaire obligé entre les dieux, ses frères, et les humains qui le chargeaient de faire parvenir leurs prières à
destination et qui ne l'abordaient que la face contre terre, « flairant le sol ».
En réalité, ce dieu terrestre, ainsi que l'a fait remarquer Erman (Aegypten, p. 84 et suiv.), était loin d'être
indépendant. Même à l'époque où il était à lui seul le Pharaon, il n'absorbait pas complètement tous les pouvoirs
de la Grande demeure. Près de lui se tenaient les anciens conseillers de son père auxquels obéissait l'armée des
scribes et des fonctionnaires; près de lui se tenaient les généraux avec leurs troupes dociles, les prêtres qui
exerçaient un pouvoir sans limites sur les masses. Dans les petites villes habitaient de riches familles de nobles
qui avaient sur la population une action plus directe que le monarque habitant une capitale éloignée. Ce dernier
ne voulait se mettre à dos aucune de ces puissances; il lui fallait ménager la susceptibilité des ministres, ouvrir la
voie à l'ambition des seigneurs terriens, veiller à ce que ses fonctionnaires n'empiétassent pas sur les nobles et
surtout se mettre bien avec le clergé; puis enfin donner ses soins à un vaste empire.
Chaque minute de sa vie était épiée par ses pires ennemis, ses parents. L'exercice de la royauté n'était
pas une sinécure. L'existence du souverain était absorbée non seulement par ses devoirs religieux (et l'on sait
du culte), mais par les multiples soucis de l'administration du
combien étaient compliquées les cérémonies
pays : il avait à lire d'innombrables requêtes et rapports de fonctionnaires, et à rendre des décrets sur toutes sortes
de questions dont la solution dépendait de lui seul. Aussi la Grande maison, Per-aâ, qu'il habitait était comme le
coeur de l'Égypte en même temps que la résidence d'un dieu, son horizon, ainsi que disent les textes.
Le cartouche royal.
Le principal emblème de la royauté était un cartouche, sorte de limbe dans lequel on inscrivait le nom
royal. Dès la Ve dynastie, les rois firent précéder leur nom de famille d'un nom d'intronisation. L'ensemble de ces
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noms, joints à une devise inscrite sur une sorte de pavois, constitue ce que les égyptologues appellent le
protocole. Le protocole royal s'écrivait intégralement de cette manière :
1° le pavois portant la devise et surmonté de l'épervier d'Horus ;
2° une phrase exaltant les vertus ou la puissance du souverain et commençant par l'expression maître
du vautour et de l'uraeus (autrement dit de la Haute et de la Basse-Egypte)
3° le titre de souten khab, suivi du premier cartouche (nom d'intronisation);
4° le titre de fils du Solei l, suivi du deuxième cartouche (nom de famille);
5° l'épithète divine par excellence : vivificateur éternel.
Le protocole ne pouvait manquer d'exercer la sagacité des égyptologues. Ils se sont appliqués à
démontrer que ces titres avaient une signification qui dépassait la portée d'une simple hyperbole et l'ont cherchée
dans la conception qu'on se faisait en Égypte des rapports du roi avec les dieux ( Religion égyptienne ). C'est
ainsi que Maspéro, reprenant et développant la distinction établie par Erman entre les titres solaires et les titres
ou d'épervier et appliquant les uns à la personne même du roi, et les autres à son double a pu poser
d'Horus
l'équation suivante :
1° l'épervier sur le pavois représentant l'âme du Soleil sur la tombe = nom du double royal survivant
dans l'autre monde, c.-à-d. du pharaon complètement divinisé;
2° l'épervier sur le collier d'or = nom du double royal, émanation directe de la divinité, incarné dans la
personne royale dès sa naissance;
3° le premier cartouche précédé du titre de souten khab = nom que prenait le roi en montant sur le trône,
c.-à-d. en recevant l'investiture du dieu;
4° le deuxième cartouche précédé du titre de fils du Soleil = nom de famille du roi, le seul qu'il aurait
porté, moins le cartouche et le titre, s'il n'était pas arrivé au trône.
De sorte que, si l'on retourne la progression, on a dans l'ordre même où se présentent les noms royaux le
cursus honorum résumé d'un pharaon depuis sa naissance jusqu'à sa plus complète divination.
Il s'en faut que les pharaons aient toujours pu transmettre intacte à leurs successeurs la double royauté
fondée sur le droit divin. La fin de chaque dynastie et souvent toute la durée d'une dynastie étaient marquées par
la rupture du lien de vassalité des États les plus éloignés du pouvoir central. Les chefs héréditaires (hiquo ou
ropatou) de ces principautés révoltées usurpaient alors le cartouche. Quand ils étaient assez puissants pour
soumettre les autres principautés, ils devenaient les véritables rois de l'Égypte, prenaient le titre de souten et
érigeaient leur ville en capitale du royaume.
Les fonctionnaires
Les biens de la double couronne prirent une telle extension, qu'on ne pouvait les administrer sans un
véritable peuple de fonctionnaires, les uns purement locaux sous les ordres du préfet, les autres rattachés au
pouvoir central et chargés de l'inspection et du contrôle. Ces nombreux fonctionnaires formaient avec le
sacerdoce et les chefs militaires une vaste caste, celle des scribes. Elle comportait une importante hiérarchie; car
il y avait loin du scribe modeste qui enregistrait les résultats d'une pesée ou le fret d'une barque au grand scribe
de la double Maison blanche; qui était, en quelque sorte, le ministre des finances. Elle absorbait ainsi tout
l'élément cultivé de la société égyptienne; au delà de son degré le plus humble, commençaient les corporations
ouvrières, elles-mêmes dotées d'une organisation hiérarchique. Le Fellah des villes et des champs occupe le
dernier degré de l'échelle. C'est lui qui, sous le bâton du contremaître, élève les digues, traîne les fardeaux et
travaille humblement à la prospérité et à la gloire de son souverain. Pendant longtemps c'est lui qui, refoulant les
Nubiens , les Libyens et les Asiatiques, a élargi les limites de la double terre. Plus tard, les pharaons
employèrent des mercenaires qui finirent par constituer en Égypte cette caste des guerriers dont parlent les
historiens grecs.
Au temps de leur plus grande puissance, les rois d'Égypte substituèrent aux princes héréditaires de
véritables fonctionnaires (mer nout djât) ou, pour reprendre la terminologie grecque, nomarques, choisis tantôt
parmi les courtisans, tantôt parmi les vieilles familles féodales. Ces préfets avaient les pouvoirs les plus étendus :
ils étaient les chefs civils et militaires de leurs circonscriptions; ils levaient les impôts pour le compte du roi et
dirigeaient, à sa réquisition, les opérations du recrutement, de l'armement et de l'instruction des troupes. Celles-ci
étaient commandées, en temps de guerre, par un état-major composé d'officiers des archers et d'officiers des
chars, placés directement sous les ordres du roi. Ces officiers étaient en temps de paix pourvus de fonctions
civiles et religieuses. Ils pouvaient recevoir, après une heureuse campagne, des dotations en terres, des biens de
toute sorte et la décoration du collier de la vaillance. L'impôt était prélevé en nature et d'après une estimation de
la richesse foncière établie par les scribes du cadastre. Il était emmagasiné dans de vastes greniers auxquels
étaient préposés des fonctionnaires spéciaux. Le bétail provenant de la dîme était dirigé sur les pâturages du roi.
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Dans une monarchie aussi absolue, le choix et l'avancement des fonctionnaires dépendaient uniquement
de la faveur royale : le plus humble pouvait accéder aux fonctions les plus hautes. En fait, cette monarchie aima
toujours confier au fils, initié dès l'enfance à ses devoirs, la charge du père : elle voyait là un élément de stabilité
pour l'État. Mais ce qui fut toujours un fait ne devint jamais un droit : à toutes les époques de l'histoire, les stèles
funéraires des particuliers commémorent des fortunes étonnantes, dues au seul mérite sanctionné par la faveur
royale. Si, dans le gouvernement des nomes, ou circonscriptions administratives, dont le nombre varia autour de
quarante-deux, des familles s'installèrent qui se transmirent héréditairement les charges de père en fils, ce fut
toujours en vertu d'une collation expressément renouvelée, pour chacun des cas, par Pharaon : il n'y eut de
féodalité véritable en Égypte qu'aux époques troublées, où, par carence du pouvoir central, les dynastes locaux
crurent pouvoir s'arroger quelques débris des prérogatives royales. La monarchie renaissante abolit toujours cette
féodalité contraire à la notion fondamentale de l'État.
Impôt des blés (Thèbes).
Le droit
Le droit égyptien nous est connu principalement par toute une série de contrats remontant jusqu'au
règne de Bocchoris ( Basse Époque) ce roi que Diodore de Sicile nous désigne comme l'auteur du code
égyptien des contrats. C'est un droit d'une physionomie toute particulière, qui, par beaucoup de points, se
rapproche infiniment plus de nos droits modernes que la plupart des autres droits de l'Antiquité, même très
postérieurs en date. Il serait impossible d'en donner en quelques lignes une idée complète. Bornons-nous à dire
seulement que la situation des femmes y était relativement avantageuse; que le père, au lieu d'être un despote,
comme le pater familias romain, n'y avait que les pouvoirs restreints d'un tuteur agissant dans l'intérêt de tous;
que de son côté le mari n'avait nul pouvoir sur son épouse; que l'esclave même y possédait encore - dans une
certaine limite - une personnalité civile, des liens de famille et un recours possible contre les abus trop criants du
pouvoir du maître.
Les contrats étaient entourés de toutes les garanties possibles d'authenticité. Pour les rendre encore plus
limpides, on leur donnait toujours la forme unilatérale d'une sorte de discours où l'on faisait parler celui ou ceux
qui s'obligeaient ou abandonnaient quelque droit ou se dessaisissaient de quelque bien en faveur d'une autre
personne. Cette forme unilatérale était obtenue, dans certains contrats pour le fond synallagmatiques, par des
procédés juridiques bien calculés et devenus les règles d'un droit très savant. Quand il s'agissait par exemple de
vendre un bien immobilier, il était de principe que le prix convenu fût toujours censé payé d'avance, de telle
sorte que l'acheteur n'avait aucune obligation à ce titre envers le vendeur, et que celui-ci seul, dans l'acte où il
cédait ainsi son bien, avait à fournir en même temps à l'acheteur toutes les garanties que la loi exigeait d'une
façon formelle. S'il arrivait que l'acheteur, dans la réalité des choses, n'eût pas eu en mains l'argent nécessaire
pour payer d'abord le prix de la vente, le vendeur qui lui faisait crédit était censé lui prêter la somme et on faisait
intervenir à cette occasion un acte de créance absolument distinct de l'acte de vente, mais qui pouvait comporter
sur le bien dont il s'agissait soit une hypothèque, soit même, pour tenir lieu de notre privilège actuel du vendeur,
une vente conditionnelle à terme, en sens contraire, pour le cas et la somme due ne serait pas payée à l'échéance.
Dans ces contrats, dressés par un notaire, pourvus de la signature de témoins très nombreux, enregistrés de
diverses manières suivant les époques et qui, en dernier lieu - outre les enregistrements relatifs au paiement des droits
de mutation, outre les indications prises sur les registres du cadastre tenus par les komogrammates - devaient, sous
peine de nullité, être reproduits en entier sur les registres de transcription au graphion (on dirait aujourd'hui au greffe),
on arrivait, par des moyens non moins juridiquement habiles et sous des formes beaucoup plus simples, à réaliser des
opérations non moins compliquées que celles qui se font dans nos contrats notariaux d'aujourd'hui.
Nous ne parlons en ce moment que de la période dite classique du droit égyptien. Mais dans les
périodes qui se succédèrent depuis Bocchoris jusqu'à la constitution définitive de ce droit classique sous les
dernières dynasties nationales, le droit égyptien, malgré les changements qu'y avaient apportés d'abord les rois
nubiens , puis Amasis (Basse Époque), etc., avait toujours conservé l'aspect si remarquablement original et si
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élevé de principes que dès la rédaction de son code Bocchoris lui avait donné. Aussi était-il très admiré par les
Anciens, qui avaient imaginé (à tort) que les plus grands législateurs grecs étaient allés chercher d'abord leurs
inspirations en Égypte.
Sa supériorité réelle, incontestable, le fit conserver sous toute une série de dominations étrangères. Le
papyrus grec Ier de Turin
nous le montre constituant encore la loi du pays sous les Lagides, moins de cent
vingt ans avant notre ère. Les contrats démotiques de l'époque romaine nous le font voir en vigueur encore sous
les césars, et on en retrouve certains principes fondamentaux, certaines applications traditionnelles passées en
coutumes, non seulement jusque dans les contrats grecs ou coptes de l'époque byzantine, mais jusque dans les
contrats coptes ou arabes de l'époque musulmane. (E. Revillout).
La société
On a longtemps répété, d'après les auteurs grecs, que la société égyptienne était divisée en castes, dont
les principales étaient celles des prêtres, des guerriers et des laboureurs.
Si cette formule définit une situation de fait, elle est loin d'exprimer un état de droit. Les documents
hiéroglyphiques de toutes les époques prouvent, au contraire, que tout homme libre, s'il s'en sentait capable,
pouvait en théorie aspirer à n'importe quelle carrière mais la coutume générale, inspirée à la fois par les
habitudes sociales et, on l'a vu, par une doctrine de gouvernement, voulait que le fils fût normalement placé dans
la situation de son père.
La distinction sociale fondamentale qui régnait en Égypte, comme dans tout le monde antique, était
celle de l'homme libre et de l'esclave. L'homme libre dépendait, dans la plupart des cas, de toute une hiérarchie
de seigneurs, et il était bon pour sa sécurité qu'il en fût ainsi, l'Égypte ayant toujours conçu un maître comme un
protecteur, mais il pouvait avoir recours à une juridiction pour faire valoir ses droits. L'esclave, lui, était la chose
de son propriétaire. Des razzias en pays étrangers, Nubie ou Syrie, ou des circonstances adverses qui forçaient
des Égyptiens d'origine à aliéner leur liberté, alimentaient le marché d'esclaves des deux sexes; ces malheureux
n'avaient aucun statut juridique, ils ne pouvaient compter que sur l'humanité de leur maître, d'ailleurs très réelle.
Ce fut seulement au début de la XVIIIe dynastie que la doctrine des « Confessions négatives » étendit jusqu'à eux
le bénéfice des devoirs de justice morale.
En fait, la monogamie était pratiquée en Égypte, non par soumission à une prescription de la loi ou de la
religion, mais uniquement parce qu'il était difficile à un homme peu fortuné de nourrir plusieurs femmes : le roi
et les grands seigneurs ne se faisaient pas faute d'entretenir des harems. Sans doute aussi, chez ce peuple ouvert
aux sentiments délicats, une notion plus affinée de l'amour et une conscience des droits de la femme plus
développée que chez les autres peuples orientaux poussaient invinciblement vers la monogamie.
La femme était mariée jeune, dès l'âge nubile, vers treize ou quatorze ans; elle était considérée comme
contractant d'égal à égal avec l'homme et devenait réellement, suivant l'expression égyptienne, sa « maîtresse de
maison ». Le mariage n'avait pas de caractère religieux il était précédé d'une sorte d'union à l'essai, qui durait un
an et dont le but était d'éprouver la fécondité de la femme. Si, à l'expiration de ce délai, le contrat de mariage
était dûment établi, il était normalement irrévocable et le mari ne pouvait, sans être frappé d'une amende
déterminée à l'avance dans le contrat, répudier son épouse.
I. L’ANCIEN EMPIRE
La vallée du Nil a été peuplée dès le Paléolithique, mais ce peuplement a été très variable selon
l'évolution des conditions climatiques, qui commande à des exodes aux périodes humides et de grandes crues (il
y a 30 000 ans et entre 16 000 et 8000 ans, principalement). Il y a 8000 ans (début du Néolithique), la vallée
commence à accueillir des populations de plus en plus sédentaires et les caractères de ce que sera plus tard
l'Égypte commencent à se mettre en place dès 5500 av. notre ère, avec un climat qui désormais se rapproche de
plus en plus de ce qu'il est aujourd'hui. Plusieurs centres politiques apparaissent, qui sont les ancêtres de ce que
beaucoup plus tard les Grecs appelleront des nomes (c'est-à-dire des régions politiques et administratives). Leur
diversité expliquera notamment la grande diversité des traditions religieuses observée plus tard.
Les historiens définissent, dans l'intervalle qui va de 5500 à 3000, une période dite pré-dynastique (ou
Nagada I (ou Amratien), jusqu'à 3500 av. J.-C), proto-dynastique (Nagada II (ou Gherzéen), de 3500 à 3200), et
archaïque (Nagada III, après 3200). L'époque archaïque est celle où commencent à apparaître les hiéroglyphes
et le processus d'unification est déjà en route depuis quelque temps. Deux grands royaumes sont déjà formés.
L'un au Nord, dont la capitale est Bouto, dans le Delta, l'autre au Sud, avec pour capitale Hiéraconpolis
(aujourd'hui Kôm el-Ahmar). Leur unification, attribuée au roi Ménès ou Narmer, inaugure la période dite
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dynastique. Un qualificatif qui remonte à Manethon, un auteur de l'Antiquité qui a compilé la première liste
(plus ou moins fiable) des rois qui se sont succédés en Égypte.
Les trois premières dynasties correspondent à la période Thinite. C'est généralement à partir de la IVe
dynastie, fondée par Snéfrou (2575-2551), que l'on fait commencer l'Ancien Empire, qui est l'époque des
constructeurs de pyramides (notamment celles de Gizeh ). et de la prééminence de Memphis . Certains
préfèrent faire débuter l'Ancien Empire dès la IIIe dynastie, inaugurée vers 2650 par Sanakht (Nebka), et dont le
souverain le plus important sera Djoser (2630-2611); le promoteur de la pyramide à degrés de Saqqarah ,
construite par son ministre-architecte Imhotep (plus tard divinisé), et qui est le premier monument égyptien
entièrement en pierre.
Les premiers signes du déclin de l'Ancien empire commencent à se lire vers 2400, avec la VIe dynastie,
où l'on assiste à l'importance croissante d'un haut fonctionnaire Ouni, qui préfigure l'affaiblissement du pouvoir
du roi au profit d'une nouvelle classe notables. Les gouverneurs de provinces commencent à se sentir de plus en
plus maîtres chez eux. L'empire perd sa consistance. Vers 2200, une nouvelle dynastie s'établit à
Héracléopolis . C'est la première période intermédiaire, qui se termine avec la montée en puissance de
Thèbes , qui à partir de 2134 (XIe dynastie) devient la capitale du Moyen Empire.
Dates-clés :
2920 av. J.-C. - Première dynastie.
2575 - 2134 - Ancien Empire (IVe à VIIIe dynasties).
2575- 2464 - Constructions des grandes pyramides de Gizeh.
ca. 2280 - Pépi Ier.
2134-2010 - Première période intermédiaire.
La période thinite
Vers 3000 av. J. C. à l'unification culturelle de l'Égypte déjà bien avancée, succède avec Narmer
(Menès ou Mini) une première unification politique réussie. Ce roi, originaire de Haute-Égypte, dont l'histoire
garde encore un pied dans la légende, réunit les deux royaumes du Sud et du Nord, par sa conquête du Delta, et
installe sa capitale à la frontière de ses deux possessions, en fondant une place-forte, Anoubou-hadj (= Le Mur
Blanc), qui deviendra plus tard Memphis . Les égyptologues ont longtemps placé la capitale des premiers
souverains égyptiens à This (Thinis), parce qu'ils pensaient qu'ils se faisaient inhumer à Abydos , la nécropole
de cette ville. On est revenu sur cette idée, mais on conserve le nom d'époque thinite, pour désigner la période
des deux premières dynasties.
Deux mille ans plus tard, les pharaons de Thèbes, honoreront en Narmer un ancêtre dont ils croyaient
perpétuer la lignée, estimant que la monarchie ne pourrait durer qu'autant que durerait la descendance de celui
qui l'avait fondée sur les ruines du pouvoir sacerdotal. La tradition populaire, de son côté, lui attribuait l'une des
oeuvres les plus colossales accomplies en Égypte, la création de la grande digue de Kocheïchah qui assurait la
fertilité du Fayoum en même temps qu'elle réglait l'irrigation du Delta, jusqu'alors noyé dans les marécages.
On se plaisait pareillement à faire remonter au règne des Thinites l'établissement de certains cultes comme ceux
d'Hapis , de Mnevis
et du bouc mendésien (roi Kakeou [a]), la législation qui assurait le droit de
succession aux femmes de sang royal (roi Binnoutri), jusqu'à des traités de médecine (roi Teta), etc. Une chose
au moins est sûre, la période thinite est l'époque à laquelle les bases administratives (avec leur pesante
bureaucratie) sur lesquelles va reposer pendant plusieurs millénaires l'Égypte se consolident véritablement.
Au temps des Pyramides
La IVe dynastie.
Au règne de Nebmaat Snéfrou (Soris), qui fit construire les pyramides de rhomboïdale et septentrionale
de Dachour et la pyramide de Meïdoum, se rapporte également un des plus anciens documents écrits en
hiéroglyphes . Cet ancêtre des monuments historiques de l'Égypte consiste en un bas-relief gravé à l'entrée
d'une galerie de mines dans le Ouadi Magharah (presqu'île du Sinaï). Il nous représente le souverain immolant au
dieu Horus
( Religion égyptienne ) un prisonnier de guerre avec la légende :
Le roi du Sud et du Nord, seigneur du Vautour et de l'Uraeus (uroeus), maître de la vérité, l'épervier
d'or, Snéfrou, écrase les montagnards.
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Les termes de cette formule qui ne diffèrent pas du protocole consacré en pareil cas dans les inscriptions
analogues des époques postérieures; l'aspect du monument, son emplacement à l'entrée d'une mine de cuivre en plein
désert, à sept ou huit jours de Memphis , s'ajoutent à toutes les indications qu'au temps des premières dynasties
memphites, le pays se reconnaissait déjà dans les principaux éléments constitutifs de la civilisation égyptienne.
Le règne de Khoufou ou Soufis (le Chéops ou Khéops des Grecs), de 2551 à 2528, suit immédiatement celui
de son père Snéfrou, inhumé à Meïdoum. Viennent ensuite Didoufri (ou Djédéfrê), entre 2528 et 2520, puis Khafra
(Khephren), de 2520 à 2494, Menkera (Mycerinus ou Mykerinos), de 2494 à 2472, et enfin Chepsekaf (2472-2467).
Le nom de tous ses monarques est attaché à quelques faits militaires : depuis Djoser, on a quelques vues
sur la Nubie , au Sud, en direction de laquelle un début d'expansion s'amorce, et on se soucie aussi de se
prémunir contre les incursions des tribus libyennes à l'Ouest ou des tribus bédouines de l'Est, qui sont une
menace pour les mines exploitées dans le Sinaï. Les frontières sont ainsi repoussées dans chacune de ses
directions, pour constituer comme un glacis protecteur. C'est ainsi que l'on pourra constater, à l'intérieur, les
caractères d'une civilisation brillante poursuivant son développement dans un climat essentiellement pacifique.
« Des villes sont fondées, écrivait Mariette, de grandes fermes enrichissent les campagnes. On y élève
des milliers de têtes de bétail. Des antilopes, des cigognes, des oies sauvages y sont gardées en domesticité. Des
moissons abondantes et soignées couvrent le sol. Une architecture élégante embellit les habitations. Là, le maître
de la maison vit aimé et respecté des siens; il cultive les fleurs; des jeux, des danses sont exécutées devant lui. Il
chasse, il pêche dans les nombreux canaux dont la contrée est sillonnée. De grandes barques aux voiles carrées
flottent pour lui sur le Nil, instruments d'un commerce sans doute très actif. Partout l'Égypte nous apparaît alors
dans l'épanouissement d'une jeunesse vigoureuse et pleine de sève. »
Cette peinture de l'Égypte sous les rois de la IVe dynastie n'a rien de conjectural; elle n'est pas l'oeuvre
de l'historien moderne, mais des contemporains. Nous la voyons s'étaler encore avec une netteté incomparable
sur les parois des tombes de Gizeh et de Saqqarah :
« Ces tombes formaient à I'Ouest de Memphis, sur un vaste plateau de la chaîne libyque, une
importante nécropole d'une superficie plus grande que celle de la ville des vivants. Au Nord de cette nécropole,
un roi demeuré inconnu, mais qu'il faut peut être reporter aux temps antérieurs à Mini, avait fait tailler dans le
roc un sphinx énorme, symbole d'Harmakhis , le Soleil
levant. Plus tard un temple d'albâtre et de granit, le
seul spécimen que nous possédions de l'architecture monumentale de l'ancien empire, fut construit à quelque
distance de l'image du dieu; d'autres temples, aujourd'hui détruits, s'élevèrent çà et là et firent du plateau entier
comme un vaste sanctuaire consacré aux divinités funéraires. » (Maspéro).
C'est là, dans le voisinage du Sphinx , sur le rebord du plateau de Gizeh , que Khoufou, Khafra et
Menkera bâtirent leurs pyramides . La tradition grecque nous représente les deux premiers comme des rois
impies qui fermèrent les temples pendant toute la durée de leur règne, afin qu'aucune préoccupation, pas même
celle des dieux , ne vint détourner le peuple de la corvée à laquelle il avait été astreint pour l'érection des deux
colosses. Les historiens modernes ont fait justice de cette accusation assez étrange contre des rois de droit divin,
qui se considéraient non seulement comme les ministres des volontés divines, mais même comme les propres fils
des dieux. En fait, c'est à cette époque qu'émerge la religion solaire
de Rê , une sorte de parachèvement de
l'unification religieuse, qui devient effectif
avec la Ve dynastie, avec la définition
d'une religion d'État.
Les pyramides de Gizeh.
e
La V dynastie.
La Ve dynastie, également
memphite (et non éléphantine comme l'a
dit par confusion l'un des copistes de
Manethon), se rattache sans secousse à la
précédente dont elle n'est, à vrai dire, que
la continuation. Elle est surtout marquée par la montée en puissance du clergé héliopolitain , qui consacre le
titre de fils de Rê
dont s'affuble désormais le souverain. Une montée en puissance de la religion solaire qui ne
parviendra cependant jamais à effacer la diversité des cultes locaux, qui se sont déjà élaborés indépendamment
dans chaque nome. De nombreux monuments d'un style aussi achevé que ceux de la IVe dynastie témoignent de
la prospérité de l'Égypte, qui n'a guère à se défendre que contre les incursions de quelques tribus nomades.
L'exploitation des mines du Ouadi Magharah continue de plus belle, ainsi que le prouvent des stèles au nom de
L’Egypte antique
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An Ousornirâ et de Tatkara. Citons pour cette dynastie les noms de souverains suivants : Ouserchérès, Sephrès,
Nepherchérès, Siophès, Chérès, Rathourès, Mencherès, Tanchérès et Ounas. La pyramide d'Ounas (ou Onnos),
se trouve à Saqqarah dans le groupe des pyramides de la VIe dynastie; elle a été ouverte par Maspéro, le 23
février 1884.
La VIe dynastie.
Teti (ou Othoès), successeur d'Ounas, inaugure, vers 2400, la VIe dynastie, originaire d'Eléphantine .
Nous ne savons que peu de choses de ce roi, ainsi que d'un certain Ati, connu seulement par une inscription de sa
première année et qu'on place soit avant soit après Teti. Il n'en est pas de même de Pepi Ier Merirâ, dont le règne de
près de dix-huit ans marque une des grandes époques de la puissance égyptienne. A Tanis , à El Kab , dans la
vallée d'Hammamat , à Assouan,
au Sinaï, on trouve un peu partout les traces de sa prodigieuse activité.
Secondé par son ministre Ouni, il étend sa puissance à l'Est jusqu'aux déserts de la Syrie méridionale, au Sud sur les
tribus noires de la Haute-Nubie . Le document capital pour L'histoire de son règne est la longue inscription du
tombeau d'Ouni, son ministre, découverte à Abydos par Mariette et transportée par lui au musée du Caire .
Cet Ouni, qui avait eu accès aux honneurs sous le règne de Teti, devint sous Pepi une sorte de grand
chancelier cumulant une foule de hauts emplois et dirigeant les affaires du royaume avec l'aide d'un seul
assesseur. Il avait été chargé de l'insigne mission de choisir à Tourah le bloc de calcaire destiné à abriter la
momie
royale ( Religion égyptienne ), puis, à l'occasion d'une grande guerre soutenue contre les Syriens
et les hommes du désert, investi du haut commandement. Son armée, recrutée parmi les tribus nubiennes , fit
d'abord cinq campagnes contre les Herichaou; puis, les barbares s'étant de nouveau soulevés malgré leurs
défaites, Ouni dut prendre la mer pour les poursuivre jusque dans les extrémités reculées de leur pays. Tant de
victoires valurent à Ouni l'honneur suprême de conserver ses sandales dans le palais.
Le roi Merenra, fils et successeur de Pepi, conféra à Ouni de nouvelles charges. Il l'envoya en outre,
comme avait fait son père, à la recherche de son sarcophage et des matériaux nécessaires à l'érection de sa
pyramide. Le règne de Merenra fut pacifique et vraisemblablement de courte durée. La momie
de ce prince,
recueillie en 1881 dans sa pyramide, porte encore la tresse des adolescents. Noferkara (Pépi II), second fils de la
reine Mirira-Anchnas, succéda à son frère aîné. Si l'on en croit Manethon, son règne aurait été de cent ans. Après
cette suite continue de quatre rois, les monuments se taisent, et c'est Hérodote et Manethon qui terminent
l'histoire de la VIe dynastie par un Metesouphis et une Nitocris plus qu'à demi-légendaires, apparemment. Le
nom de Nitaqrit a été retrouvé dans un fragment du papyrus de Turin . De plus, le remaniement constaté dans
la pyramide de Menkera, où fut aussi trouvée une seconde chambre, confirme l'assertion de Manethon que cette
reine y aurait été ensevelie.
Les pyramides
des rois de la VIe dynastie forment le groupe le plus important de la nécropole de
Saqqarah . Attaqué par Mariette quelques mois avant sa mort, il a commencé à livrer ses secrets qu'à Maspéro qui
a pu reconnaître et relever successivement les tombes de Merenra, de Pepi Ier, de Noferkara (Pepi Il), de Téti, ainsi
que celle d'Ounas de la Ve dynastie. Les couloirs et les chambres de ces pyramides portent gravés de nombreux
textes religieux. De ce que les mastabas
ou tombes de simples particuliers et les pyramides de Gizeh
ne
contenaient aucune allusion à la vie de l'âme , on s'était trop pressé de conclure que les doctrines mystiques
relatives à la vie d'outre-tombe, telles qu'on les connaissait par le Livre des Morts , étaient l'oeuvre de théologiens
d'époques postérieures. Les pyramides de la Ve et de la VIe dynastie ont répondu à cette théorie.
La première période intermédiaire
Pour les quatre dynasties suivantes, la situation est assez confuse car il y a désaccord dans les sources.
Le papyrus de Turin ne semble mentionner entre la VIe et la XIIe dynastie que 23 rois divisés en deux dynasties,
tandis que Manethon en compte 4 (2 memphites et 2 héracléopolitaines). La VIIIe dynastie (memphite) n'aurait
duré que 70 jours selon une des versions manéthoniennes et 75 ans selon l'autre; la VIIIe dynastie (memphite),
146 ans et 100 ans. Le désaccord n'est pas moins grand en ce qui concerne le nombre des rois qui, pour la VIIe
dynastie, est tantôt de 70, tantôt de 5, et le singulier, c'est que les 70 rois appartiennent non à la version de 75 ans
mais de 70 jours. Quant à la VIIIe dynastie, elle aurait été de 27 rois. Ces divergences montrent qu'aucune
tradition n'était parfaitement établie, sans doute du fait des compétitions qui mirent plusieurs familles en
présence, en sorte que la légitimité était partout et nulle part. Il en résulte en tous cas que la puissance memphite
dut passer par une crise d'où elle sortit si affaiblie que la suzeraineté fut confisquée vers 2200 par
Héracléopolis , un État vassal de la Moyenne-Égypte. Ainsi commence ce que l'on a coutume d'appeler la
première période intermédiaire.
L'histoire des deux dynasties héracléopolitaines (la IXe, fondée par Akhthoès Ier, puis la Xe), est mal
connue. Longtemps considérée comme un simple problème de chronologie, dont la donnée d'ailleurs n'était
L’Egypte antique
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fournie que par les abréviateurs de Manethon et le chronographe Ératosthène, elle a été remise à l'ordre du jour à
la fin du XIXe siècle par la découverte de nouveaux documents et surtout par l'étude d'anciens jusqu'alors
attribués à d'autres époques. Il ressort de l'examen de tous ces fragments que la maison princière
d'Heracléopolis (Hnès, aujourd'hui Henassieh ou Ehnasya) commença à prendre de l'importance pendant les
règnes des derniers rois memphites et, à la faveur de guerres contre les principautés du Sud, arriva, par
l'extension donnée à ses domaines, à supplanter définitivement les princes du Nord. Que cette souveraineté ait pu
s'étendre pendant plusieurs siècles à toute l'Égypte, c'est plus difficile à dire; toujours est-il que, pendant cette
période, les princes de Hnès étaient de beaucoup les plus puissants, qu'ils firent reconnaître leur suzeraineté à
ceux d'Assiout , et étendirent leur sphère d'action jusqu'aux côtes de la mer Rouge.
La puissance héracléopolitaine s'efface vers 2040. Elle est supplantée par celle de Thèbes. La XIe dynastie,
fondée à Thèbes
dès 2134 par Antef Ier (Entouf ou Sehertahoui) avait inauguré cette nouvelle époque, dont
l'histoire appartient la la période suivante, celle du Moyen Empire. (Georges Bénédite / Paul Pierret).
II. LE MOYEN EMPIRE
Selon les auteurs, le Moyen Empire, né à Thèbes , commence, soit vers 2010 av. J.-C, c'est-à-dire à
partir du dernier règne de la XIe dynastie, celui de roi Mentouhotep IV, réunificateur de l'Égypte, soit dès le
début de la XIIe dynastie, vers 1991, avec Amenemhat Ier. Ce sera pour le pays une période de stabilité et d'une
certaine prospérité. L'art s'affine, la littérature atteint sa maturité. D'un point de vue politique, il s'agit d'une
époque de redéfinition du pouvoir du pharaon, qui en consolide le règne. Amenemhat Ier inaugure ainsi un
nouveau mode successoral qui associe dans le cadre d'une sorte de co-régence, le fils du roi, appelé à prendre sa
suite. Les règnes dès lors se chevauchent pendant quelques années.
De la même façon que l'Ancien Empire avait signifié l'union du Sud et du Nord en choisissant
Memphis , à la frontière des deux régions, comme capitale, la capitale du Moyen Empire est transportée à
Itaoui (el-Lisht), non loin de Memphis. Thèbes , berceau de la dynastie, restant le grand sanctuaire, et son dieu
Amon , le dieu désormais en passe de devenir le plus important ( La religion égyptienne ). Le successeur
d'Amenemhat Ier, Sésostris Ier (1971-1926), inscrivit sa politique dans le prolongement de celle son père, et
travailla à étendre l'empire (reconquête de la Nubie ). Son fils, Amenemhat II (1929 - 1892) affermit le pouvoir
des nomarques (gouverneurs des provinces) et s'engagea dans une guerre au Levant. Sésostris II (1897-1878) et
surtout le Sésostris III (1878 - 1841) récolteront les fruits de la politique de leurs prédécesseurs et c'est sous
Sésostris III, à la politique extérieure agressive, que le Moyen Empire atteint le sommet de sa puissance. Suivent
encore Amenemhat III (1844-1797) et IV (1799-1787). Mais la XIIe dynastie finit cependant par s'user et s'éteint
à la fin du règne de la reine Sobekneferu (1787-1783).
Les XXIIIe (1783- ca. 1640) et XIVe (?) dynasties, sont mal connues, mais correspondent d'évidence à une
période de déclin. Cette véritable plaie de l'Égypte pharaonique qu'aura été sa bureaucratie envahissante et, au final,
contre-productive, semble comme déjà au temps de l'Ancien Empire, avoir contribué au délitement de l'État. A partir
de 1640, cette faiblesse est mise à profit des populations venues d'Asie, les Hyksos, présents déjà depuis quelque
temps dans le Delta, mais qui désormais peuvent aspirer au contrôle politique du pays. Le Moyen Empire n'est plus.
Deux dynasties hyksos se succèdent maintenant pendant plus d'un siècle (deuxième période intermédiaire). Ces "rois
étrangers" ne seront chassés qu'en 1550, avec l'avènement de la XVIIIe dynastie (Nouvel Empire).
Dates-clés :
2040 -1640 av. J.-C. - Moyen Empire.
1991 - Amenemhat Ier fonde la XIIe dynastie.
1878 - 1841 - Règne de Sésostris III.
1844-1797 - Amenhemat III.
1640 -1532 - Deuxième période intermédiaire (domination des Hyksos).
Jusqu'à l'avènement des dynasties héracléopolitaines ( L'Ancien Empire), les nomes du Sud n'avaient
joué qu'un rôle effacé; les inscriptions des tombeaux d'Assiout
nous les montrent sortant de la tranquille
obscurité où ils vivaient pour entrer en lutte avec leurs voisins du Nord et essayer de reprendre à leur compte
l'hégémonie (qui avait sans doute reçu plus d'une atteinte) des princes de Hnès (Héracléopolis ) sur le reste de
l'Égypte. Le plus ancien des princes connus de cette XIe dynastie qui posa les premières assises de la puissance
thébaine, Entouf Ier, n'était qu'un ropa (seigneur héréditaire). Son fils Mentouhotep Ier et ses successeurs
s'enhardirent à prendre le cartouche, sans pourtant s'imposer comme suzerains à la Basse-Égypte restée soumise à
l'ancienne métropole. On s'accorde néanmoins à reconnaître qu'après dix règnes dont la durée est mal déterminée,
un des rois de Thèbes , Nibkheroura Mentouhotep IV fut assez heureux pour justifier son titre de roi des deux
L’Egypte antique
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pays par une conquête effective la quatorzième année de son règne qui se borna vraisemblablement à l'Égypte
proprement dite, car on ne trouve trace de la puissance thébaine à pareille époque ni au delà des rochers de la
première cataracte, ni dans la presqu'île du Sinaï, dont les mines étaient abandonnées. En revanche, ces princes, à
l'exemple des rois héracléopolitains, donnèrent leurs soins aux carrières de la vallée d'Hammamât et cherchèrent,
peut être les premiers, par la fondation d'un port voisin de l'emplacement de la moderne Qocéir, un débouché sur la
mer Rouge. La nécropole de la XIe dynastie est située au Nord de la grande nécropole thébaine (rive gauche), à
Drah Abou'l Negah, c.-à-d. près du point où débouche le défilé de Bab et Molouk (Vallée des Rois).
La XIIe dynastie.
La XIIe dynastie, fondée à partir de 1991 av. J. C, par l'ancien vizir (principal ministre) de
Mentouhotep IV, Amenemhat Ier (Amenhemet ou Amménémès ), originaire d'Eléphantine
(ou de Thèbes?),
inaugure le Moyen empire proprement dit. Cette dynastie, dont la capitale est dès son commencement transférée
à Itiaoui, (probablement aujoud'hui el-Lisht, entre le Fayoum et le Nil), nous intéresse à plusieurs égards. Elle
a d'abord l'inappréciable avantage d'être la mieux connue de toutes les dynasties égyptiennes. Ses huit souverains
se font suite sans interruption. Sans doute, sa durée varie selon les diverses sources; mais il est à remarquer que
le total des années de règne donné par les monuments (181 ans) est à peu près la moyenne entre le chiffre de
Manéthon (160) et celui du Canon de Turin (213). Une des particularités de cette dynastie est la précaution,
renouvelée presque à chaque règne, que prennent les pharaons (rois), après un exercice plus ou moins long du
pouvoir, d'associer leurs successeurs au trône avec la jouissance de toutes les prérogatives royales. C'est ainsi
qu'Amenemhat Ier partagea, après quarante-deux ans de règne, le pouvoir avec son fils Sésostris Ier (Ousirtasen
ou Sénousret) (1971), lequel, après trente-deux ans de règne, rendit la pareille à son fils, Amenemhat II (1929).
Amenemhat II ne fit pas autrement à l'égard de Sésostris II (1897) et, après interruption, Amenemhat III (18441797) reprit la coutume en faveur d'Amenemhat IV (1799-1787).
Ce système de gouvernement n'avait pas seulement l'avantage de mettre le trône à l'abri des
compétitions; il avait celui d'intéresser plus vivement chaque prince à l'oeuvre de son prédécesseur. Le bénéfice
qu'en retira l'Égypte fut immense : à aucune autre époque, elle n'eut un gouvernement plus efficace, ni une plus
réelle prospérité. Les pharaons de la XIIe dynastie furent des conquérants à la manière de Pepi Ier. Ils se
préoccupèrent avant tout d'assurer à l'Égypte la protection de ses frontières de l'Est et de l'Ouest, sans cesse
menacées par les Bédouins du Sinaï et de Libye . Ils reprirent l'exploitation de l'ancien district de Magharah,
ouvrirent même de nouvelles mines sur le haut plateau de Sarbût et Khadem. Ils attachèrent surtout un grand prix
à la possession complète du cours du Nil proprement dit et s'en rendirent maîtres après d'heureuses campagnes
dirigées contre les tribus
éthiopiennes
et les tribus
nubiennes . Sous le règne
d'Amenemhat Ier , plusieurs
campagnes furent conduites
dans le Sud pour s'assurer la
possession du pays jusqu'à la
deuxième cataracte, qui fut
effective sous Sésostris Ier.
Leurs successeurs jugèrent
prudent, néanmoins, de ne pas
étendre trop au Sud leurs
occupations et firent de
Semneh, à une journée en avant
de la deuxième cataracte, leur
poste-frontière. On y voit
encore les restes imposants de
la forteresse élevée, pense-t-on,
par le belliqueux Sésostris III,
sous le règne duquel le Moyen
Empire atteignit son apogée.
Pectoral de Sesostris III.
Les successeurs de Sésostris III hériteront donc d'un empire prospère, et qui va le demeurer encore
quelque temps. Cependant des difficultés commencent à se faire jour dès le règne d'Amenemhat III. Il fallut
notamment développer l'agriculture au Fayoum , pour espérer nourrir une population, que des crues
insuffisantes du Nil, pendant plusieurs années avaient menacé de famine. La XIIe dynastie s'éteint avec les
L’Egypte antique
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règnes d'Amenemhat IV, puis de sa soeur, la reine Sobekneferu (Sébeknefrourê). Elle aura correspondu à l'une
des plus remarquables périodes de l'histoire égyptienne.
C'est surtout comme ingénieurs-agriculteurs que tous ces monarques de la XIIe dynastie auront laissé
leur empreinte. Ils donnèrent en effet tous leurs soins à l'agriculture en multipliant les bassins et les canaux, en
redressant les berges du fleuve, en appliquant, en un mot, les procédés les plus rationnels à l'irrigation, dont ils
eurent une très haute conception. La construction supposée du grand réservoir ou lac Moeris , par Amenemhat
III, aurait été (si le récit d'Hérodote ne reposait pas sur un malentendu) une oeuvre d'une ampleur inégalée, mais
la légende qui s'y rattache semble au moins témoigner de la place qu'avaient alors les travaux consacrés à
l'amélioration de l'agriculture. Le temple que ce même roi construisit à l'entrée de Fayoum et connu sous le
nom de Labyrinthe faisait, dans l'Antiquité, l'étonnement des voyageurs. Hérodote le déclarait supérieur aux
pyramides , dont une seule pourtant, disait-il, dépasse de beaucoup les plus grandes constructions grecques.
« A côté de ces entreprises gigantesques, a écrit Maspéro, les travaux exécutés par Amenemhat III luimême n'offrent que peu d'intérêt. A Thèbes , Amenemhat et Sésostris Ier embellirent de leurs offrandes le
grand temple d'Amon . Dans la ville sainte d'Abydos , Sésostris Ier restaura le temple d'Osiris . A
Memphis , Amenemhat III édifia les propylées au Nord du temple de Ptah . A Tanis , Amenemhat Ier
fonda, en l'honneur des divinités de Memphis, un temple que ses successeurs agrandirent à l'envi. Fakous,
Héliopolis , Hakhninsou, Zorit, Edfou et d'autres localités moins importantes ne furent pas négligées.-»
Aucun monument ne nous laisse une plus juste vue d'ensemble de l'état de l'Égypte à cette époque que
les tombes de Beni Hassan . Elles nous font connaître les noms, l'histoire et la situation politique d'une famille
de princes héréditaires, les princes de Mihi (Moudirieh actuelle de Minieh ), qui, si les circonstances s'y étaient
prêtées, auraient pu devenir rois d'Égypte de la même manière que les princes de Héracléopolis
ou de
Thèbes . Ces nomarques durent se résigner à ne devenir que grands dignitaires de la cour et administrer leurs
États comme préfets (pendant quelqu temps) héréditaires du pharaon. Ces mêmes tombeaux sont une mine très
riche de renseignements sur la vie agricole et les industries de l'Égypte à cette époque. L'un d'entre eux (tombeau
de Knoumhotep) nous montre également une famille d'émigrants asiatiques amenée devant le gouverneur de la
province de Mihi.
Ainsi, plus d'un siècle avant l'invasion des Hyksos, des familles venues de Palestine pouvaient non
seulement, comme le raconte la légende d'Abraham , pénétrer librement en Égypte, dont la frontière n'était
fermée qu'aux bandes agressives, mais remonter la vallée jusqu'à la province de Mihi . Le Papyrus de Berlin
n° 1 nous apprend que les Égyptiens pouvaient trouver le même accueil auprès des tribus du désert. Le héros
d'un conte populaire (Sinhoué ), dont la scène se passe au temps des deux premiers rois de la XIIe dynastie,
obligé de prendre la fuite dans les vallées du Sinaï, rencontre un Bédouin qui l'amène, d'étape en étape, jusqu'au
pays des Edomites. Le grand cheikh de la tribu le nomme commandant de ses troupes, etc. Ce joli conte n'est pas
d'ailleurs le seul spécimen de la littérature égyptienne à l'époque la plus florissante du Moyen Empire. Les
papyrus du British Museum nous ont conservé un Hymne
au Nil souvent cité, le petit traité de morale
rédigé par Amenemhat Ier à l'usage de son fils Sésostris, ainsi qu'une sorte de satire rythmée de tous les métiers
manuels, censèment écrite par un vieux scribe à son fils étudiant au séminaire de Cilcilis.
La XIIIe dynastie
La XIIIe dynastie fait, par la connaissance incertaine qu'on en a, le plus grand contraste avec la XIIe.
Manéthon lui attribue une durée de 453 ans et 60 rois, mais sans nous donner aucun nom. Il la fait suivre d'une
dynastie de Xoïs (aujourd'hui Sakha, dans le Delta) avec 76 rois (sans autre désignation) pour une durée de 484
ans. Un important fragment du Papyrus de Turin place précisément après la XIIe une série de 130 à 150 prénoms
ou surnoms d'intronisation dont quelques-uns seulement sont accompagnés de noms de famille. La moindre des
difficultés que présente une pareille liste consiste à déterminer le point de séparation des deux dynasties. Le
résultat le plus clair des plus ingénieuses tentatives a été d'attribuer à la XIIIe dynastie les cartouches de
Sowekhotep et de Nowréhotep, mentionnés d'ailleurs sur de nombreux monuments figurés dont quelques-uns ont
été d'un grand secours pour le classement. Le lieu où ils ont été trouvés n'a pas été moins significatif. Il a permis
de réfuter l'assertion que l'invasion des Hyksos avait eu lieu sous la XIIIe dynastie.
C'est en effet Avaris (à l'Est du Delta), la future capitale des Hyksos, l'île d'Argo, près de Dongola ,
Semneh, indépendamment de Thèbes
et d'Abydos
qui ont fourni la majeure partie de ces monuments.
Comment concilier une activité dont le rayon s'étend de Tanis à Dongolah avec une invasion étrangère? La
qualité des monuments n'y contredit pas moins. Ce sont, pour ne citer que les principaux : le colosse de
Sowekhotep III, provenant des fouilles de Drovetti dans la Basse-Égypte (Louvre , A, 16); une statue demi-
L’Egypte antique
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grandeur du même en granit gris (id., A, 17); le sphinx
de granit rose, portant indûment le cartouche de
Ramsès II (id., A, 21); la statue de Sowekemsaw, provenant d'Abydos, ou le petit groupe de calcaire représentant
le roi Menkaoura Nahit en adoration devant le dieu Mîn
de Coptos .
Les Hyksos et la Deuxième période intermédiaire
C'est après cette longue et obscure dynastie xoïte, vers 1640, suivie d'une fantomatique XIVe dynastie
(probablement contemporaine de la XIIIe, ce qui attesterait de la partition déjà effective du pays), que les
abréviateurs de Manéthon placent l'invasion des Hyksos. Ils sont moins d'ailleurs des envahisseurs, qu'une
population étrangère implantée depuis plusieurs générations dans le Delta. Ce sont des tribus principalement,
semble-t-il, amorrites (population de langue sémitique), et dont le nom signifie quelque chose comme souverains
des pays étrangers (et non rois pasteurs, comme une étymologie erronée qui remonte à Manéthon l'a longtemps
fait croire). Grâce à l'aide de "collabos" égyptiens, ils s'emparent d'abord du Delta sans coup férir. Leur chef,
Salatès ou Saïtès, inaugure la XVe dynastie, élit dans un premier temps Memphis pour capitale, et transforme
Avaris , à la frontière orientale du Delta, en un vaste camp retranché. Salatès, dont le règne avait été de dixneuf ans, mourra cependant sans avoir jamais réussi à véritablement porter son emprise au-delà du Delta, et de
fait Avaris sera la véritable capitale des Hyksos. Ses successeurs, Bnôn, Apachnas, Apophis et Iannas, ne sont
pas plus heureux. Mais deux siècles de combats opiniâtres finissent pas user la résistance égyptienne, et les
Hyksos deviennent enfin maîtres de toute l'Égypte, dont ils adopteront la civilisation. Cette victoire -plus
politique que culturelle, donc - fut l'oeuvre d'Assès, successeur de Iannas, et avec qui prend fin la Ire dynastie
étrangère. Elle avait duré environ deux siècles et demi.
Il y eut une Ile dynastie hyksos (XVIe), et Manéthon en évoque encore une IIIe (?), avec de 43 rois pour
151 ans de règne, au terme desquels, dit-il, ils seront battus et refoulés dans Avaris
par un prince thébain,
fondateur de la XVIIIe dynastie, que Flavius Josèphe appelle Misphragmuthosis. Toujours selon cette tradition,
son fils Thoutmosis les laissera après un long règne évacuer pacifiquement l'Égypte. Il existe une autre version
non moins romanesque, mais de source indigène. Le Papyrus Sallier Ier, du British Museum met en présence
Apopi et le roi thébain Sqenenrâ (Séqénenré) ler. Il s'agit de savoir lequel des deux adorera le dieu de l'autre;
sera-ce Apopi qui se convertira à Amon-Râ
ou Sqenenrà au dieu Soutekh? Tout dépendra d'une sorte
d'énigme que le chef hyksos fait poser au chef thébain. Ce roman populaire insinue que la reprise de la guerre
pour l'indépendance eut un motif religieux (ce qui n'est pas si clair que cela), et en tout cas qu'elle est à placer à
l'époque de Sqenenrâ Ier.
Quoi qu'il en soit, on admet que ce sont bien les princes de cette XVIIe dynastie thébaine qui délivrèrent
l'Égypte. Leurs noms nous sont depuis longtemps connus par les monuments. La cachette de Déir el-Bahari a
même livré le cercueil et la momie
( Religion égyptienne ) de l'un d'entre eux, Sqenenrâ III. Pour ce qui
est des Hyksos, nous n'avons d'autre documents originaux que les monuments trouvés par Mariette à Sân elHagar (site de Tanis , proche de l'ancienne Avaris ), et portant le cartouche d'un Apopi. Mais le document
plus important pour cette époque est l'inscription du tombeau d'Ahmos, fils d'Abna, à El Kab . Ce personnage,
né sous Sqenenrâ III, nous raconte toutes ses campagnes et la part qu'il prit au siège d'Avaris et à sa chute. Il
aurait même poursuivi la poursuite des Hyksos jusqu'en Asie (vers 1550). Cet Ahmos est-il Ahmosis Ier ou,
comme on le pense généralement, un homonyme? Toujours est-il qu'à partir du départ des Hyksos, c'est Ahmosis
Ier , fondateur de la XVIIIe dynastie, et début du Nouvel Empire, qui devient roi. (Georges Bénédite).
III. LE NOUVEL EMPIRE
Le Nouvel empire commence avec la XVIIIe dynastie. Il s'étend du XVIeau XIe siècle avant notre ère,
et correspond à une nouvelle période de prospérité pour l'Égypte débarrassée de la main-mise des Hyksos ( Le
Moyen Empire). Cette dynastie a été celle de la reine Hatshepsout, des Thoutmôsis et des Aménophis (Amenhotep). Aménophis IV, sous le nom d'Akhenaton, tente de contrer le pouvoir grandissant des prêtres d'Amon à
Thèbes en promouvant une religion nouvelle ( La religion égyptienne ) toute à sa propre gloire. A sa mort
le culte d'Amon
est restauré, en, même temps que la puissance thébaine.
Ramsès Ier inaugure la XIXe dynastie en 1307 av. J.-C, et est bientôt être confronté, ainsi que le seront
ses successeurs immédiats, avec la menace des Hittites et des autres peuples d'Asie mineure contre lesquels
Ramsès Ier, Séti Ier et Ramsès II (1290-1224) feront des guerres. Ce dernier roi, qui installe sa capitale à PiRamsès (Per-Ramses = la demeure de Ramsès), dans le Delta, étendit au loin ses conquêtes et porta la terreur de
ses armes jusqu'aux confins de la Mésopotamie. Le péril extérieur ainsi écarté, la paix revint pendant plusieurs
décennies. Ce fut un âge d'or pour l'art, l'architecture et la littérature. Mais les successeurs de Ramsès II dûrent
L’Egypte antique
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bientôt faire face à de nouvelles invasions, celles des «-Peuples de la mer », parmi lesquels figuraient les
traditionnels ennemis asiatiques de l'Égypte, mais aussi des Grecs.
La XIXe dynastie s'achève ainsi par des troubles et la XXe (1196-1070) qui lui succède ne fait que
consacrer le déclin dans lequel est désormais entraîné le pays. Le temps de la grandeur sans partage des pharaons
touche à sa fin. Et ce sera le clergé thébain, qui lui n'a cessé de renforcer pendant tous ces remous, qui écrira
dans une large mesure l'histoire des siècles suivants.
Dates-clés :
1550 -1070 av. J.-C. - Nouvel Empire.
1473 - 1458 - Règne de la reine Hatchepsout.
1391 - 1353 - Règne d'Aménophis III
1353-1335 - Aménophis IV / Akhenaton (période Amarnienne).
1290 -1224 - Règne de Ramsès II.
L'âge d'or des bâtisseurs
Énumérer les monuments construits par les rois du Nouvel Empire serait (à quelques temples près bâtis
par les Ptolémées et les empereurs romains) passer en revue tous les temples de l'Égypte. Le Nouvel empire est,
en effet, la période de construction par excellence, ou plus exactement de reconstruction. Les premiers
souverains de la XVIIIe dynastie donnèrent le signal en restaurant les édifices qui avaient le plus souffert
pendant la guerre de l'indépendance. A partir de Thoutmôsis Ier, les rois ne se contentent plus à si peu de frais :
la vallée du Nil se transforme depuis la mer jusqu'au Djebel Barkal en un immense chantier où les bras sont
comptés par milliers.
Grâce, en effet, aux populations entières qui sont transportés de tous les pays vaincus en Égypte, des
temples de proportions inusitées jusqu'alors s'élèvent et couvrent de règne en règne des espaces de plus en plus
colossales se
grands, chaque roi ajoutant à l'oeuvre de son prédécesseur; des obélisques , des statues
dressent; des avenues de sphinx sillonnent de vastes plaines, si vastes que le voyageur émerveillé en retrouve
encore les traces loin du périmètre des villes.
A Napata , à Soleb, à Semneh, à Ouadi Halfa , à Abou Simbel , en plus de vingt villes,
aujourd'hui bourgades de la Basse-Nubie , à Éléphantine , à Syène , à Ombos , à El Kab , à Esneh , à
surtout, où l'activité ne se ralentit que sous Aménophis IV, et de Thèbes jusqu'à
Hermonthis , à Thèbes
Memphis , de Memphis jusqu'aux bouches du Nil, dès que la politique asiatique de Ramsès II eût rendu au
Delta et même accru l'importance qu'il avait avec les rois memphites, l'Égypte se couvrit de temples, de
forteresses, d'arsenaux, de magasins, pour recevoir l'impôt, de belles villas; les hautes falaises de calcaires qui
bordent le Nil se creusèrent pour abriter trente générations de morts en luxueuses syringes où l'art le plus
consommé nous révèle aujourd'hui comme par enchantement les merveilles de cette extraordinaire civilisation.
La XVIIIe dynastie
La XVIIIe dynastie a été fondée par Ahmos Ier (Amosis), le vainqueur des Hyksos ( Moyen Empire), elle
marque sa place dans l'histoire par une série de conquêtes qui assurent, pour près de quatre siècles, la
prépondérance des rois. L'inscription du tombeau d'Ahmos, fils d'Abna, commandant de la flottille, nous apprend
que le roi, son homonyme, poursuivit les Hyksos jusqu'à Sharouhana (peut-être Sharouken de Siméon), leur infligea
l'an VI de son règne une sanglante défaite, et qu'après la prise de Sharouhana, il tourna ses armes vers la frontière
Sud. Sa campagne dans le Khontnefer (région de Nubie entre la première cataracte et Assouan) fit rentrer dans
l'obéissance une partie des anciennes populations tributaires du haut Nil. Favorisé par ses victoires, Ahmos Ier
s'appliqua à remettre en vigueur les traditions délaissées pendant de longs règnes : il partagea son activité entre la
guerre qui lui fournit d'importantes ressources et l'embellissement de sa capitale qui les absorba. Il ne borna pas ses
soins à Thèbes et au sanctuaire d'Ahmos : le temple de Ptah
à Memphis en eut sa très grande part. Ahmos
tenait ses droits au trône de Nofertari, sa femme, fille du roi Kamos (Kamès), dernier souverain de la XVIIe
dynastie, et de la reine Aahhotep. Il en eut un fils, Amenhotep Ier (Amenophis), qui lui succéda.
Amenhotep épousa sa soeur Aahhotep II, conformément à un usage qui se perpétua en Égypte jusqu'à
l'introduction du christianisme . La mort de son père ne le mit pas en pleine possession du trône : il dut le partager
avec la reine mère Nofertari qui incarnait à un trop haut degré la légitimité pour perdre ses droits par le veuvage. Au
point de vue militaire, le règne d'Amenhotep fut fécond en beaux résultats. La Haute-Nubie , maintenue dans le
devoir, devint une colonie si prospère qu'on ne distinguait plus entre les territoires au Nord et les territoires au Sud de
la première cataracte. Les richesses agricoles du Dongola furent exploitées par des colons qui trouvèrent alors dans
le pays de Koush une sécurité égale à celle des provinces de l'Égypte proprement dite.
L’Egypte antique
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Le siphon, une invention égyptienne. La plus
ancienne représentation remonte au règne
d'Aménophis II.
Thoutmos (Thoutmôsis) ler, fils et
successeur d'Amenotep, contribua à cette
sécurité en se montrant sur le haut Nil
comme son prédécesseur. Une inscription
gravée sur les rochers de la troisième
cataracte marque les traces de son passage.
Thoutmos avait d'ailleurs mieux à faire qu'à
batailler contre le Sud. Depuis le temps des
Hyksos, l'Asie s'était affirmée comme la
source des plus grands dangers que pouvait
courir l'Égypte. Thoutmos prit les devants.
A peine couronné, il envahit le pays des
Canaanites, et fit pour la première fois
sentir le poids des armes égyptiennes aux
Rotenou, peuplade sémitique maîtresse des territoires compris entre le Liban et le désert de Syrie. Une stèle élevée
sur les bords de l'Euphrate montre qu'à la défaite des Rotenou, il ajouta celle des tribus du Naharina (Mésopotamie
euphrato-orontienne). Son fils et successeur, Thoutmosis II, ne paraît pas lui avoir longtemps survécu.
Hatshepsout
La mort de ce prince rendit le pouvoir à la reine Hatshepsout, sa soeur et épouse. Fille de la reine Ahmes,
Hatchepsout avait, en effet, déjà fait l'apprentissage de la puissance royale du vivant d'Amenophis, qui l'avait
associée au trône : à la mort de Thoutmosis II, elle l'assuma, en qualité de régente, c.-à-d. en attendant la
majorité de Thoutmosis III, fils du roi précédent et de sa concubine Isis.
Le nom de cette régente, dont la tradition classique n'a pas conservé le souvenir, est pourtant un des
plus grands personnages de l'histoire d'Égypte; car, si jamais l'esprit d'entreprise s'est manifesté en ces temps
lointains dans un but essentiellement pacifique, c'est seulement lors du gouvernement de la reine Hatshepsout.
Non contente de reprendre l'exploitation des districts miniers du Sinaï délaissés depuis la XIIe dynastie ( Moyen
Empire), elle expédia une flotte dans le To-Nouter (le pays des Somalis ) à la recherche des produits naturels
que la renommée plaçait dans ces régions reculées.
« Les Égyptiens, descendus à terre, dressèrent une tente dans laquelle ils entassèrent leurs pacotilles
pour les échanger contre les produits du pays. Les indigènes appartenaient à la même race que les Koushites de
l'Arabie méridionale et de la Nubie . Ils étaient grands, élancés, d'une couleur qui varie entre le rouge brique et
le brun presque noir [...]. Les principales conditions du marché se réglèrent probablement dans un banquet, où
l'on servit aux barbares toutes les délicatesses de la cuisine égyptienne. Les envoyés reçurent d'eux entre autres
objets précieux trente-deux arbrisseaux à parfums, disposés dans des paniers avec des mottes de terre.
Hatshepsou les fit planter par la suite dans ses jardins de Thèbes : c'est, je crois, le premier essai connu
d'acclimatation.-» (Maspéro.)
Thoutmôsis III
Hatshepsout paraît avoir exercé le pouvoir jusqu'en l'an XX du règne officiel de Thoutmôsis lll; toujours
est-il que dès l'an XXI, ce dernier règne seul. A peine débarrassé de cette longue tutelle, il s'efforça d'abolir les
traces d'un passé humiliant pour son orgueil, en s'acharnant avec une rage iconoclastique contre la mémoire de la
reine. Ce tempérament d'une énergie brutale le prédestinait à devenir, dans le domaine de la guerre, le personnage
capital de l'histoire d'Égypte. Les trente-cinq ans que dura son règne depuis la mort d'Hatshepsout furent marqués
par tant d'expéditions militaires qu'on pourrait se demander non combien d'années mais de mois l'Égypte put jouir
de la paix, si l'on ne savait par avance que la guerre, telle que la pratiquaient les chefs des grands empires orientaux,
n'était le plus souvent qu'une parade armée organisée à travers des pays dont la capitulation était assurée. Ces
expéditions, qui n'avaient d'autre but que d'ajouter aux revenus des pharaons l'énorme impôt que des voisins trop
faibles payaient pour acheter la paix, ne devaient guère durer qu'une saison et n'absorbaient pas de contingents assez
forts pour que l'agriculture s'en ressentit. Les moindres guerres civiles ou féodales au dedans exerçaient plus
lourdement leur action sur la vie régulière que trente ans de campagnes au dehors, qui accumulaient dans la nation
victorieuse un butin énorme d'esclaves et de denrées de toute sorte. De l'an XXIV à l'an XXVIII, Thoutmos
parcourt quatre fois la Syrie et la Phénicie. La défaite des Rotenou à Mageddo (an XXIII) après une bataille
insignifiante, lui donna immédiatement la mesure de sa supériorité. Dès lors rien ne l'arrêta. L'an XXIX, il pousse
L’Egypte antique
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jusqu'à l'Euphrate, pille Tounipou et Karkemish. Il revenait chargé de butin de cette expédition lointaine, lorsque la
richesse du pays de Djahi (la Phénicie septentrionale) le détourna de l'Égypte.
« L'abondance fut si grande au camp du vainqueur, que les soldats purent se gorger d'huile d'olive
chaque jour, luxe qu'ils ne se donnaient en Égypte qu'aux jours de fête. » (Maspéro).
Les campagnes de l'an XXX et XXXI mirent à la merci de l'Égypte Qadesh, Symira, Arad, Arrotou,
celle de l'an XXIIII ramena Thoutmôsis devant les Khiti du Naharina; c'est au retour de cette expédition qu'il
s'empara de Nii, ville de la Syrie septentrionale qu'on a confondue avec Ninive . D'autres noms de villes ou de
peuples de la même région ont été ainsi identifiés à plaisir avec des villes ou des peuples reculés, et l'on a
longtemps cru pouvoir dire avec Mariette que l'empire s'étendait alors depuis l'Abyssinie et le Soudan jusqu'à
l'Irak Arabi, le Kurdistan et l'Arménie. En réalité, toutes les guerres de Thoutmôsis, depuis la campagne de l'an
XXII jusqu'à celle de l'an XLII, ont eu pour théâtre, en Asie occidentale, la région comprise entre le Taurus,
l'Euphrate et la lisière du désert de Syrie; sur mer, les îles les plus voisines de l'Égypte, Chypre
et la
Crète . Au Sud, il dut, à l'exemple de ses prédécesseurs, pousser beaucoup plus loin et asseoir sa puissance sur
la plus grande partie du bassin du Nil.
Son fils Amémophis II et son petit-fils Thoutmôsis IV suivirent son exemple et tinrent en haleine les
bataillons de l'Égypte par des expéditions répétées. Sous Aménophis III, la suzeraineté de l'Égypte sur les petits
États asiatiques se trouvait tellement consolidée, qu'il n'y eut guère plus de résistance de la part des princes
vassaux. Les relations pacifiques se multiplièrent, provoquant l'action d'influences diverses et favorisant, par le
voyage, le commerce, la diffusion des langues, le développement des deux civilisations.
Aménophis IV (Akhénaton)
Le règne d'Aménophis IV (Amenhotep IV, Khounaton ou Akhenaton) nous offre le curieux spectacle des
plus anciennes luttes du sacerdoce et de l'empire : un roi provoquant un schisme pour anéantir la puissance du grand
prêtre d'Amon . Le dieu de Thèbes , Amon, avait profité de la fortune de la maison royale; de simple divinité
locale, il était parvenu à la suprématie de l'Olympe
égyptien ( La religion égyptienne ). Son grand prêtre
n'avait pas eu la plus maigre part à cet avancement, qui se traduisait non seulement par un grand accroissement
d'influence religieuse, mais surtout par l'extension d'une sorte de pouvoir temporel qui s'exerçait dans
l'administration des domaines du temple. Amon n'avait pu s'affirmer comme le principal dieu sans devenir en même
temps le principal propriétaire foncier de l'Égypte. Parmi les antiques sanctuaires qui perdirent le plus au triomphe
de ce parvenu, celui d'Héliopolis , qui avait doté l'Égypte de son système religieux, était au premier rang. L'égo
d'Aménophis IV l'associa assez ingénieusement à sa rancune. Il lui emprunta, comme machine de guerre, une forme
secondaire de son dieu soleil , opposa cette divinité jusqu'alors assez effacée, Aton (le disque), au dieu de
Thèbes, lui constitua d'importants domaines dans la Moyenne-Égypte et fit de sa métropole, Khounaton ou
Akhetaton (actuellement Tell el-Amarna ), la capitale de l'empire. Aménophis IV, auto-proclamé Aton terrestre,
seul dieu qu'il fût désormais pêrmis de vénérer, légitima ainsi sa main basse sur tout ce qui jusqu'alors avait échappé
aux roi d'Égypte, malgré leur supposée toute-puissance. Le signe de cette concentration du pouvoir peut aussi se lire
dans l'évolution qu'il donne au sens du mot pharaon. Ce n'est plus la Maison royale ( Ancien Empire); désormais
le Pharaon, c'est lui, et lui seul. Mais la puissance d'Amon
était trop solidement assise pour être ébranlée par un
dieu secondaire, et Aton ne survécut pas longtemps à son champion.
Toutankhamon et la réaction thébaine
Le successeur d'Akhenaton, Toutankhamon occupe peu de place dans l'histoire de l'Égypte, et est
surtout connu parce que sa tombe, découverte en 1922 dans la vallée des Rois ( Thèbes ) est la seule connue à
n'avoir pas été pillée. Il semble qu'il ait été le plus jeune frère ou demi-frère d'Akhenaton. Il n'a régné que neuf
ans (entre 1333 et 1323) et apparaît surtout comme le témoin de retour au culte d'Amon, qui est est piloté par
celui qui lui succèdera bientôt, Aï. Gendre d'Aménophis IV, Aï avait jugé prudent de rentrer dans les bonnes
grâces du dieu thébain, sans pourtant tout à fait abandonner son rival. Mais mais, après une période de troubles
persistants, son successeur Harembebi (Horemheb), allié au sacerdoce thébain, se fit l'instrument de la réaction et
assura la solidité du trône en exerçant contre Aton les représailles d'Amon . Il ne fut pas seul à recueillir le
fruit de son habileté. La suprématie resta à Thèbes pour près de trois siècles.
La XIXe dynastie
Sous la XIXe dynastie, inaugurée en 1307 par le règne de Menpehtirê (Ramsès Ier) , l'Égypte, sans rien
perdre de sa force vitale, ne fut plus comme par le passé l'arbitre du sort de ses voisins d'Asie. Une puissance
rivale, celle des Khiti ou Hittim, qui jusqu'alors n'avait songé qu'à se défendre contre les invasions des
conquérants de la XVIIIe dynastie, avait profité de l'affaiblissement momentané de l'Égypte après la mort
L’Egypte antique
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d'Aménophis IV pour secouer le joug des pharaons et substituer sa propre suzeraineté sur les États syrophéniciens à celle de l'Égypte.
L'histoire des guerres égypto-hittites est le fait le plus saillant de cette nouvelle période. Une première
campagne se termina par un traité conclu entre Sapaloul et Ramsès Ier. Une seconde campagne mit aux prises
leurs successeurs Morousar et Séti Ier (Sethi). Mais Seti (Mériamon), qui était très facilement venu à bout des
Shasou, des Libnanou et autres populations de la Syrie méridionale, rencontra de la part des Hittites une
résistance tout à fait imprévue. C'est qu'il n'avait plus affaires aux Khiti qu'avaient battus et razziés Thoutmôsis
IV, mais à une nation puissante faisant non seulement la loi chez elle, c.-à-d. dans le Naharina, mais encore dans
la plus grande partie de l'Asie Mineure, la Cilicie , la Lycie, la Mysie . Ilion ( Troie ) et Pedasos étaient
ses tributaires et formaient avec elle une sorte de fédération militaire assez forte pour se faire respecter, et même
en mesure de s'organiser pour la conquête. Seti Ier jugea prudent de mettre fin à des victoires incertaines par un
bon traité qui fixait à l'Oronte la démarcation des deux zones d'influence.
« Restreinte à la Syrie du Sud et à la Phénicie, l'autorité des pharaons, dit Maspero, gagna en solidité ce
qu'elle perdait en extension. Il semble que Seti Ier, au lieu d'exiger simplement le tribut, imposa à chacun des
peuples vaincus des gouverneurs d'origine égyptienne et mit des garnisons permanentes dans quelques places,
comme Gaza et Magidi. »
Ce n'est pas de là que devait venir le danger. Les peuples de l'Asie Mineure qui savaient par leurs relations
avec les Khiti quelle riche proie devait être l'Égypte, tentèrent une invasion par mer favorisée par les Libyens ,
mais ils furent battus par Ramsès II (Ousimarê), que son père Seti avait, sur ses vieux jours, associé à l'empire. Au
nombre de ces peuplades se trouvaient des Shardanes ou Sardinens, ses prisonniers, qu'il incorpora dans sa garde.
Jusqu'alors l'armée égyptienne n'avait emprunté son élément étranger qu'aux populations du Haut-Nil; Ramsès
préluda ainsi à l'organisation des troupes mercenaires qui supplanta, dans la suite, l'armée nationale.
Ramsès II
Toutes ces guerres de Ramsès II s'effacent devant sa fameuse campagne de l'an V, célébrée par une
sorte d'épopée
qu'un poète aux gages du roi, Pentaour, composa pour la circonstance. Cette longue pièce,
gravée en entier et en abrégé sur plusieurs temples, nous est également parvenue par des copies manuscrites.
Motour, fils de Morousar, avait été fidèle aux engagements pris par son père, mais son frère et successeur,
Khitisar, n'imita pas son exemple. Les peuples de l'Asie Mineure ne demandaient qu'à marcher contre l'Égypte; il
se mit à la tête de la coalition, et
« l'on vit des bandes troyennes traverser la péninsule dans toute sa longueur et venir camper en pleine
vallée de l'Oronte, à trois cents lieues de leur patrie. »
L'armée égyptienne n'offrait pas un moins singulier mélange :
« Elle renfermait, remarquait Maspéro, à côté des Égyptiens, des Libyens, des Mashouasha de Libye,
des Maziou, des Shardana, débris de l'invasion repoussée victorieusement quelques années auparavant. »
Ce fut à Shabtouna, petite bourgade syrienne, située un peu au Sud-Ouest de Qadesh, que les deux
armées se rejoignirent. Celle de Ramsès y fut surprise par l'ennemi, qui avait mis les Bédouins de l'endroit dans
son jeu. Deux de ces Bédouins vinrent faire un faux rapport au pharaon et l'attirèrent, lui et toute son escorte,
dans un guet-apens dont il ne se tira que par des prodiges de valeur. La victoire lui resta finalement et Khitisar
demanda la paix. Mais la guerre ainsi rallumée en pays cananéen ne prit pas fin de sitôt. Fomentée par le roi de
Khiti, elle dura jusqu'à ce, que les deux puissances également fatiguées éprouvèrent spontanément le besoin
d'une paix définitive. Elle fut signée l'an XXI du règne de Ramsès. Le texte du traité nous a été fort
heureusement conservé, grâce à la coutume épigraphique d'alors, qui faisait des murailles des temples de
véritables archives. L'alliance qui garantissait les nombreuses clauses de cet acte fut quelque temps après
consolidée par un mariage politique. Ramsès épousa la fille aînée de Khitisar et entretint des rapports d'amitié
avec son beau-père qui se décida à faire le voyage d'Égypte. Une stèle commémorative fut gravée en l'honneur
de cet heureux événement qui fait le plus singulier contraste avec les épithètes injurieuses que les princes de pays
étrangers ne manquaient alors jamais de se décerner dans les actes de chancellerie.
Les « Peuples de la mer »
Les quarante-six années de paix qui s'écoulèrent entre la fin des hostilités et la mort de Ramsès furent
suivies d'une période de troubles qui fit perdre à l'Égypte le fruit de ses dernières conquêtes. Un des résultats du
long règne de Ramsès II avait été d'user de son vivant toute une série d'héritiers présomptifs et d'élever au trône
un prince déjà vieux, Merenptah (Menephtah), son treizième fils. L'an V de son règne, le Delta eut à subir une
nouvelle invasion des peuples de l'Asie Mineure, connus sous le nom de «-Peuples de la mer ». Aux
Tyrrhéniens, aux Shardanes et aux Syriens que Ramsès avait déjà défaits s'étaient joints des tribus nouvelles, les
L’Egypte antique
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Akaiousha (Achéens) et les Shakalousha (Sicules). Ils avaient débarqué chez leurs alliés de Libye et s'étaient
avancés jusqu'à Prosopis. La vaillance des troupes de Merenptah qu'un songe empêcha d'assister à la bataille
conjura le danger.
Les « Peuples de la mer » furent battus et l'Égypte délivrée d'une invasion qui, si elle s'était produite
vingt ans plus tard, auraient pu singulièrement changer la face des choses. Le peu de monuments de toute nature
qui nous sont parvenus de cette époque nous montrent en effet l'Égypte gouvernée par des princes sans autorité
qui laissent usurper presque toute l'étendue de leurs pouvoirs par des vice-rois ou des ministres. Des collatéraux,
au mépris de la règles successorales, s'intercalent entre le règne d'un père (Mereptah) et de son fils (Seti II).
L'autorité éphémère de ces princes s'étendait-elle au moins sur toute l'Égypte? C'est fort douteux. En tous cas, la
Syrie, délivrée par ses garnisons égyptiennes, rappelées en toute hâte par Mereptah, s'est affranchie du tribut.
L'usurpation d'un chef syrien, «Arisou qui fut chef parmi les princes des nomes et força le pays entier à
prêter hommage devant lui », mit fin à la XIXe dynastie.
La XXe dynastie
La XXe dynastie, qui commence avec le bref règne de Sethnakht ou Nekthseti (1196-1194), et se
poursuit par la série ininterrompue des Ramsès numérotés de III à XI (Ramessides), va nous faire assister à la
ruine de la puissance thébaine. Sans doute Ramsès III, fils de Nekthseti, qui avait renversé l'usurpateur Arisou et
rétabli avec la légitimité la paix en Égypte, eut-il un règne au bilan relativement positif. A l'exemple des grands
souverains de la XVIIIe et de la XIXe dynastie, et surtout de Ramsès II, qu'il s'était donné comme modèle, il avait
fait plus que conjurer les dangers dont le Delta fut menacé du fait des Libyens et des confédérés d'Asie Mineure.
Après avoir repoussé une première invasion des Shasou du désert arabique, deux invasions libyennes et, dans
l'intervalle, une troisième attaque des Tyrrhéniens, des Shakalash et des Danaens, ralliés au prince du Khiti,
venus par terre et par mer jusqu'à Raphia, il avait restauré la suzeraineté des pharaons sur la Syrie, concédé des
territoires aux Masbouasha à l'Ouest et aux Pelishti à l'Est de la frontière égyptienne, et intéressé ainsi à la
prospérité du pays des tribus turbulentes qui, dès lors, combattirent dans les rangs de ses légions; il avait repris
l'exploitation des mines du Sinaï, et, comme la reine Hatchepsout, envoyé ses flottes jusqu'aux rives lointaines
du Pount et du To-Nouter. Mais, victorieux au dehors, il n'avait pu faire disparaître au dedans les germes de
décomposition qui, depuis plus d'un siècle, travaillaient profondément l'Égypte.
Au milieu du désarroi général, résultat de plusieurs siècles de guerres qui avaient modifié les caractères
et les moeurs, une seule puissance était restée debout et, à la faveur des circonstances, en était venue
d'empiétements en empiétements à balancer l'autorité royale; c'était le haut clergé de Thèbes . Déjà le premier
prophète d'Amon , Nekhtou, s'était élevé à une sorte de souveraineté spirituelle à côté de Ramsès IV et de ses
successeurs éphémères; son fils Amenhotep n'en laissa rien perdre. Quand le dernier des Ramsessides mourut, en
1070, le grand prêtre Hrihor, successeur d'Amenhotep qui s'était, du vivant du roi, fait décerner le titre princier
de vice-roi de Nubie , prétendit à la royauté, et, fort de son union avec la reine Nodjemit, usurpa le cartouche,
tout en conservant comme nom d'intronisation le titre sacerdotal. Le roi-prêtre Hrihor-Siamon ne semble pas
avoir joui longtemps de la pleine souveraineté sur toute l'Égypte. Le Delta qu'il avait favorisé lui-même, à
l'exemple des rois de la XIXe dynastie, lui suscita un concurrent, Nsibindid ou Smendès (le Mendès de
Manéthon) qui l'emporta et installa sur le trône de Tanis , élevée au rang de capitale, la XXIe dynastie. Ainsi
commence, selon la terminologie habituelle, la troisième période intermédiaire, qui sépare dans l'histoire
égyptienne le Nouvel Empire de la Basse Époque. (Georges Bénédite).
IV. LA BASSE EPOQUE
La troisième période intermédiaire
La XXIe dynastie.
A partir de 1070 av. J.-C, il s'opère un grand changement une Égypte nouvelle s'élève sur les ruines de
la vieille Égypte des rois thébains.
« Le centre de gravité, observe Maspéro, qui, après la chute du premier empire, était descendu au Sud,
vers Thèbes , par la conquête de la Nubie et le développement de la puissance égyptienne dans le Soudan,
remonta peu à peu vers le Nord et oscilla quelque temps entre les différentes villes du Delta. Tanis , Bubaste
, Saïs
se disputèrent le pouvoir avec des chances à peu près égales et l'exercèrent tour à tour, sans jamais
approcher de la splendeur de Thèbes ni produire aucune dynastie comparable aux dynasties des rois thébains. »
jugèrent prudent de ne pas contester la suzeraineté des rois tanites
Les grands prêtres d'Amon
moyennant une reconnaissance de leurs droits. C'est ainsi qu'ils restèrent en possession du grand fief de Thèbes,
L’Egypte antique
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comprenant alors toute la Haute et une partie de la Moyenne-Égypte. De même ils recherchèrent la main des
princesses de la nouvelle maison royale, mêlant ainsi par des unions calculées en vue de leur prestige le sang des
parvenus de Tanis au sang des Ramsès déchus ( Nouvel Empire). On vit le grand prêtre Pinedjem Ier (10131009) petit-fils d'Hrihor et de la reine Nodjemit (ancienne maison royale de Thèbes ), épouser la princesse
Makarâ, fille de Psioukhannout Ier de Tanis (Psousennès), et son petit-fils Pinedjem II s'enorgueillir du titre de
fils de Psioukhannout bien que, d'un autre lit, il n'eût pas une seule goutte de sang tanite. On vit pareillement
Pinodjem Ier joindre à son titre sacerdotal le titre consenti de roi, et le roi Psioukhannout, son beau-frère et son
suzerain, s'intituler comme lui premier prophète d'Amon. Tout cela ne dénote-t-il pas une parfaite entente entre
les deux familles qui s'étaient élevées sur les débris de l'antique maison des Ramessides? Pendant les cent
cinquante ans environ que régnèrent les sept rois tanites, l'Égypte conserva une apparence de force.
Les temps étaient trop récents où ses armées conquérantes parcouraient les chemins de l'Asie. Le roi
d'Israël, Salomon , et le roi des Iduméens, Hadad, se ménageaient l'amitié du pharaon - peut-être
Psioukhannout ll (959-945) - en épousant ses filles. Le Delta devenait de plus le grand marché où
s'approvisionnaient par l'entremise des Phéniciens les peuples de l'Asie occidentale et de l'archipel. Une certaine
activité régnait sur les chantiers de constructions : pendant que les grands prêtres d'Amon faisaient des efforts
pour arrêter leur vieille capitale sur la rapide pente de la décadence, les rois de Tanis concentraient les leurs sur
la nouvelle et mettaient la dernière main à l'exécution des plans de Ramsès II.
En ce renouvelant, l'Égypte des rois du Nord restait pourtant plus que jamais ce qu'elle avait toujours
été, c'est-à-dire un pays politiquement travaillé par des forces contraires s'équilibrant plus ou moins et se
remplaçant l'une par l'autre dans un rapide jeu de bascule. Une famille est à peine usée qu'une autre est toute
prête à recueillir sa succession. Quelle circonstance provoqua la chute des Tanites? Nous l'ignorons. Toujours
est-il qu'une famille libyenne , fixée depuis plus d'un siècle à Bubastis après avoir vu grandir de génération
en génération son influence avec l'importance chaque jour croissante des colonies libyennes, se trouva prête à
recueillir l'héritage des Tanites. Déjà, du vivant de Psousennès Il. Sheshonq (Chéchanq), alors généralissime,
préparait les voies à son ambition en plaçant son fils Aoupouti sur le siège pontifical d'Amon . C'était faire
preuve d'une grande prévoyance. Les pharaons de sa famille l'imitèrent et purent maintenir intacte leur
hégémonie au Sud de l'Égypte en déléguant un de leurs fils à la suprême dignité sacerdotale jusqu'alors
héréditaire. Ils ne firent guère en cela que revenir à la coutume royale qui donnait en apanage au prince héritier le
gouvernement du pays de Koush. Au reste, à l'époque où nous sommes, le pays de Koush relevait directement du
gouvernement sacerdotal de Thèbes. Les Bubastites étaient trop préoccupés d'atténuer le souvenir de leur origine
étrangère pour dédaigner la formalité du mariage avec des princesses de sang ramsesside.
La XXIIe dynastie.
Comme tous les fondateurs de dynasties, Sheshonq Ier (945-924)déploya la plus grande activité. Il
intervint dans les affaires de Judée, pilla Jérusalem et envahit le royaume du Nord.
« La comparaison de sa liste (gravée à Karnak ) avec celle de Thoutmôsis III, notait Maspéro, montre
combien était profond l'affaiblissement de l'Égypte, même victorieuse, sous la XXIIe dynastie. Il n'est plus
question ni de Gargamish, ni de Qodshou (Qadesh), ni de Damas, ni des villes du Naharanna. Magidi est le point
le plus septentrional où Sheshonq soit parvenu. »
Sa suzeraineté sur la Palestine ne dura qu'autant que lui. Ses successeurs eurent trop à faire à l'intérieur pour
se donner le luxe d'envoyer des armées au dehors. Une féodalité nouvelle avait progressivement remplacé l'ancienne.
Quoique issue de la famille royale, qui s'était égrenée sur tout le pays, absorbant les petits gouvernements comme elle
avait absorbé le grand, cette féodalité n'était ni moins ambitieuse n moins turbulente que la première, et l'Égypte n'eut
pendant tout le règne des Bubastites qu'une ombre de stabilité. Du moins ces princes en profitèrent-ils pour laisser par
des monuments le souvenir de leur règne. Bubastis , Tanis et Memphis en eurent la meilleure part; Thèbes
ne fut pas complètement oubliée. Une cour immense ornée d'un double portique
vint s'ajouter en avant des
constructions grandioses de Seti Ier et de Ramsès II ( Nouvel Empire).
C'est au temps des Bubastites que fut prise la singulière précaution à laquelle nous sommes redevables
de l'importante trouvaille de Deir el-Bahari. Le danger que courant alors les momies
royales ( Religion
égyptienne ) exposées, dans le relâchement général de l'autorité, aux convoitises du petit personnel des
nécropoles, inspira la pensée de les retirer de leurs tombes et de les déposer dans une chapelle attenante à la
tombe d'Aménophis Ier où l'on pouvait concentrer la surveillance. Pour plus de commodité, le grand prêtre
Aoupouti les fit, après un certain temps, transporter dans son tombeau de famille, où Maspero les a retrouvées en
1881, entassées pêle-mêle avec celles des grands prêtres. Au nombre de ces momies se trouvaient celles du roi
L’Egypte antique
19
Sqenenrâ III de la XVIIedynastie (Deuxième période intermédiaire Moyen Empire); des rois Ahmosis ler,
Aménophis Ier, Thoutmôsis II, Thoutmôsis III, Seti Ier, Ramsès Ier, Ramsès II, Ramsès III, des reines Nofertari,
Aahhotep ( Nouvel Empire), Nodjemit, Makarâ et Isimkheb, les grands prêtres Hrihor et Pinedjem III
(Troisième période intermédiaire).
Les XXIIIe et XXIVe dynasties.
A la faveur des désordres qui troublèrent les règnes des derniers Bubastites, une maison de Tanis était
arrivée àprendre assez d'importance pour imposer, à la mort de Sheshonq IV, sa suzeraineté sur les petites
principautés, suzeraineté (qui correspond à la XXIIIe dynastie (827-712)) d'ailleurs précaire et qui ne paraît pas
avoir duré plus d'un demi-siècle.
La XXIVe dynastie, qui vient ensuite, n'eut pas une plus brillante fortune. Ce n'était, à vrai dire, qu'une
première tentative des princes saïtes qui n'aspiraient qu'à avoir leur siècle de puissance et de grandeur comme les
Tanites et les Bubastites. Mais l'audace sans frein de Tafnekht compromit en partie le succès de son entreprise.
Après s'être emparé par la force de toute la région occidentale du Delta, il remontait le cours du Nil, quand il se
heurta, au Nord d'Abydos , à la flotte du roi nubien Piankhi-Miamoun, venu au secours des petits souverains
locaux. L'assistance de Piankhi n'était pas absolument désintéressée. On se rappelle que les Bubastites avaient
dépossédé les grands prêtres d'Amon
pour constituer un apanage à l'un de leurs fils. Exilés de Thèbes , les
descendants des Hrihor et des Pinedjem s'étaient retirés dans la partie la plus méridionale de leur ancien
royaume, entre la deuxième et la quatrième cataracte où la civilisation égyptienne n'avait cessé de pénétrer
depuis les rois de la XIIe dynastie (Moyen Empire). C'est ainsi que le roi-prêtre Piankhi attendait depuis près de
vingt ans dans Napata , sa capitale, une occasion d'intervenir en Égypte et de reconquérir le domaine de ses
pères. L'appel des princes le trouva prêt. De victoires en victoires Piankhi (futur fondateur de ce qui allait être la
XXVe dynastie) arriva jusqu'à Memphis , dont il s'empara par surprise, se fit reconnaître roi - son épouse
Amnéritis, devenant vice-reine et bientôt régente, - par les prêtres d'Héliopolis , les princes de Bubastis
disposés à tout accepter par la crainte des représailles, enfin par tous les petits souverains du Delta. Tafnekht
capitula comme les autres et dut s'estimer très heureux de conserver sa petite principauté saïte; mais son fils et
successeur Bocchoris (717-712) expia bien plus cruellement les erreurs de son ambition.
La XXVe dynastie (dynastie nubienne).
Après une guerre malheureuse, Bocchoris tomba aux mains de Shabaka (Sabacon), roi de Nubie , et
fut brûlé vif dans Saïs , sa capitale. Sa défaite et sa mort livrèrent l'Égypte entière aux Nubiens. Que Sabacon
(712-698) ait réalisé le type du bon souverain oriental; qu'il ait été, comme le veut la tradition, le législateur
modèle, cela n'a rien d'invraisemblable; toujours est-il que c'est de son règne qu'il faut dater l'événement le plus
fécond en conséquences néfastes pour l'Égypte, l'entrée de ce pays dans la ligue des États de la Palestine et de la
Syrie contre les Assyriens. Battu à Raphia par le roi Sargon, Sabacon, qui n'avait dû son salut qu'à la fuite, trouva
sans doute, en rentrant sur les bords du Nil, que sa malheureuse intervention avait singulièrement compromis ses
droits suzerains. Un prêtre saïte, Stephinatès, s'était proclamé roi des deux pays : mais il fut à son tour dépossédé
par Taharqa, roi de Nubie, qui reprit à son compte le duel avec l'Assyrie. Taharqa (690-664) joua de malheur.
Battu par Assaraddon, il s'enfuit jusqu'à Napata , abandonnant Memphis et Thèbes , qui furent pillés par
l'ennemi. C'est ici que les chronologistes font commencer d'ordinaire la Basse Époque proprement dite.
La période Saïte
Ce que perdaient les Nubiens devait profiter aux Saïtes, leurs adversaires. Neko Ier, (Nechao), le
second successeur de Stephinatès, fut investi en 672 chef de la ligne des princes par Assaraddon qui l'appuya
d'un corps d'occupation. Trois ans après, Taharqa, à la fausse nouvelle de la mort du roi de Ninive , leva une
armée et reprit Memphis
sur les garnisaires d'Assaraddon; mais, battu et poursuivi par Assurbanipal, son
successeur, il dut s'enfuir de Thèbes , son refuge, et provoqua ainsi la seconde entrée des soldats assyriens dans
la ville d'Amon . La troisième campagne de Taharqa fut favorisée par les petits princes, y compris Neko de
Saïs , qui avait finit par reconnattre que le Nubien était pour le moins aussi dangereux que le Ninivïte.
Assurbanipal eut le bon esprit de ne pas s'en formaliser. Après une nouvelle victoire, il remit en liberté ses otages
et replaça généreusement Neko sur son trône .
Neko ne devait pas en jouir longtemps. En 664, Ourdamani, beau-fils et successeur de Taharqa,
s'empara de lui et le mit à mort, mais il fut défait à son tour par l'armée d'Assurbanipal, mis en fuite et poursuivi
jusqu'à Thèbes qui vit, pour la troisième fois, les bataillons ninivites. Assurbanipal rétablit les princes avec le
corps d'occupation mais donna cette fois la préséance à Paqrour, prince de Pisoupti. Après une nouvelle et
conduite par l'ultime représentant de la dynastie nubienne,Tonouatamon,
dernière invasion nubienne
successeur d'Ourdamani, et qui bouleversa l'organisation d'Assurbanipal, le Saïte Psammétique I (664-610), fils
L’Egypte antique
20
de Neko (Néchao I), entre en scène et achève ce que le Nubien avait commencé. Aidé de bandes ioniennes et
cariennes , il bat les princes confédérés à Momemphis et dépouille Paqrour de ses droits suzerains. Son
mariage avec la princesse Shapenap, mère de Sabacon, vint donner à son usurpation le vernis de la légitimité
auxquels les Égyptiens étaient si attachés.
Sous cette XXVIe dynastie inaugurée par Neko (Néchao) et portée au faîte par ses successeurs, le déclin
de l'Égypte s'illumina d'un magnifique rayonnement. Animés d'un grand sens politique, les princes de Saïs ,
qu'une énergie patiente et tenace avait enfin rendus maîtres de toute l'Égypte rendirent aux travaux publics une
impulsion qu'on ne peut comparer qu'à celle des grands pharaons thébains. Ils réparèrent et agrandirent les
temples, patronnèrent les arts, firent éclore notamment cette brillante école de sculpteurs sur roche dure et de
fondeurs qui prirent pour modèles les oeuvres des vieux artistes memphites, et parfois les imitèrent si bien que
les modernes s'y sont trompés. Ils ne se préoccupèrent pas moins des grands travaux utilitaires (reprise de
l'exploitation des carrières de Tourah, de la vallée d'Hammâmat et d'Assouan ; réfection du canal des deux
mers, ensablé depuis près de trois siècles) et rompirent avec l'orgueilleux traditionnsme sacerdotal pour étendre
expérimentalement leurs connaissances.
Une politique hellénophile
Rien de plus caractéristique à ce point de vue que ce plausible périple complet de l'Afrique exécuté par
les matelots phéniciens de la flotte par ordre de Neko II vers 600 avant notre ère ( La découverte de l'Afrique).
Mais, à coup sûr, l'acte le plus hardi de la politique suite fut de rompre avec le préjugé national contre les
étrangers. Sans doute, depuis les guerres du Nouvel Empire, ce préjugé s'était singulièrement atténué envers les
populations de l'Asie, mais, comme l'observe Maspero, il était resté entier à l'égard des Grecs. Ce sont
précisément les Grecs, et les Grecs de toute origine, de l'Asie Mineure et des îles, de l'Hellade ou de Cyrène ,
qui furent non seulement l'objet de la plus grande tolérance, mais purent encore se vanter d'avoir joui d'un
meilleur traitement que les indigènes eux-mêmes.
Pour se faire une petite idée de la situation des Grecs en Égypte au temps des Saïtes, il suffit de se
représenter celle des colons français sous le règne de Méhémet-Ali. Psammétique II (595-589) leur accorda une
première concession sur les territoires riverains du bras pélusiaque (Ioniens et Cariens) et du bras bolbitique
(Milésiens) et les incorpora avec la haute paye dans sa garde du corps, ce qui provoqua la fameuse sécession des 40
000 automoles. Nechao II (610-595) et Apriès (Ouahabrâ) (589-570) leur confirmèrent ces différents privilèges.
Enfin, Amasis (570-526), qui avait été porté au pouvoir par le parti nationaliste, ne tut pas plus tôt roi, qu'il
renchérit sur la politique hellénophile de ses prédécesseurs. Il épousa une femme grecque de Cyrène , Ladiké.
Aucune cité grecque ne fit en vain appel à sa générosité. Il transféra dans la capitale de l'empire, à Memphis , la
colonie des riverains de la Pélusiagae; puis, comme de nouveaux colons, attirés par le bon renom de son hospitalité,
affluaient de divers points de la Grèce, il leur concéda sur les bords de la Canopique ( Canope ) un territoire où
ils bâtirent la ville entièrement grecque de Naucratis (actuellement En-Nabireh). Sous son règne, les Grecs, qui
jouissaient d'un régime analogue à celui des Capitulations, ne tardèrent pas à se sentir les coudées franches. Malgré
le préjugé populaire des indigènes, ils voyageaient dans tout le pays et fondèrent de nouveaux établissements dans
quelques villes (par ex. Abydos ) et dans la grande oasis d'Ammon .
Les guerres extérieures
Les Saïtes étaient trop ambitieux pour ne pas prendre part aux guerres qui suivirent l'effondrement de
Ninive
et qui provoquèrent celui de Babylone . Psammétique II s'était borné à conquérir le pays des
Philistins; Neko II, plus hardi, poussa jusqu'à l'Euphrate et fier de sa facile victoire sur le roi de Judée, Josias,
envoya pompeusement sa cuirasse au temple d'Apollon
Didyméen. Mais, trois ans plus tard, il éprouva
l'inconstance de la fortune quand, battu par Nabuchodonosor sur le théâtre de son ancienne victoire et poursuivi
jusqu'à Péluse, il dut se soumettre pour arrêter le Babylonien à sa frontière. Il ne fut vengé que trente ans après.
La flotte d'Apriès, montée par des équipages grecs, battit les galères phéniciennes de Nabuchodonosor devant
Sidon , victoire qui valut à l'Égypte la possession de la Syrie. Sous Amasis, Babylone passe du rôle
d'adversaire à celui d'alliée. C'est qu'il s'agit de se défendre contre Cyrus, l'ennemi commun. La défaite
désastreuse de Crésus se produisit assez tôt pour arrêter Amasis dans ses projets aventureux (546). Mais vingt
ans plus tard, son successeur, Psammétique III (526-525) ne put arrêter Cambyse II victorieux, qui le déposa et le
remplaça par le satrape Aryandès (525).
V. LA FIN DE L'ÉGYPTE PHARAONIQUE
La première domination perse (XXVIIe dynastie).
L’Egypte antique
21
La politique de Cambyse II (525-522), assez conciliante au début, ne tarda pas à tourner à la plus
terrible des persécutions. Son successeur, Darius Ier (521-486), s'efforça vainement d'en atténuer le souvenir. Il
eut beau se faire le continuateur de l'oeuvre des rois saïtes, reprendre leur vaste programme en vue de développer
la prospérité industrielle et commerciale de l'Égypte devenue le principal entrepôt du trafic de la mer Rouge et de
l'Océan Indien avec la Méditerranée, il ne réussit pas à étouffer chez elle les regrets de son indépendance.
Pendant les quatre-vingts ans que dura la domination perse jusqu'à la victoire en 404 d'Amyrtée, (représentant
unique de ce que Manéthon appelle la XXVIIIe dynastie), les satrapes de Darius, de Xerxès (486-466) et
d'Artaxerxès (465-424) s'épuisèrent à réprimer d'incessantes révoltes que soutenaient les armes et les vaisseaux
d'Athènes . Le Saïte Kabbisha et le libyen Inaros furent, avec Amyrtée, les héros de ces luttes où la fortune de
l'Égypte passa par des alternatives de victoire (Papremis, Memphis) et de défaite (Prosopitis).
La XXIXe et la XXXe dynasties
Des mains d'Amyrtée, le sceptre de la pays délivré passa à celles de Noferit ou Néphéritès Ier (399-393)
de Mendès , fondateur de la XXIXe dynastie. Sparte venait de sortir victorieuse et puissante de la guerre du
Peloponnèse; Noferit rechercha son alliance, mais la plus sûre garantie que l'Égypte ait eu de sa liberté, sous les
rois mendésiens, ce furent les difficultés que créa au grand roi la révolte de la province d'Asie Mineure et de
Chypre
. On le vit bien quand, après la paix d'Antalcidas, Artaxerxès envoya contre la Syrie et l'Égypte
Pharnabaze à la tête d'une armée formidable.
A la faveur des troubles suscités par les compétitions des petits princes héréditaires, une famille de
Sebennytos s'était emparée du pouvoir, inaugurant la XXXe dynastie; Nectanèbo Ier (380-343) et l'un de ses
successeurs, Taho ou Teos (365-360), se préparèrent à recevoir le choc. Bien mieux, Taho résolut d'ouvrir les
hostilités en marchant sur la Syrie au-devant de l'armée perse . Il avait avec lui les meilleurs généraux de la
Grèce, Chabrias d'Athènes , et le vieux capitaine spartiate Agésilas. Mais toutes les combinaisons qu'il adopta
pour assurer ses chances se retournèrent contre lui. En prenant le commandement supérieur des troupes, il dut
laisser à Memphis un régent qui, bien loin de lui conserver son trône, le lui fit perdre à la première occasion
au profit de son propre fils, Nectanebo II. En rentrant de Syrie, où il combattait sous Taho, le nouveau pharaon
eut d'abord à réprimer une révolte fomentée par un prince de Mendès . II triompha de ce premier obstacle. La
fortune lui sourit aussi dans la première rencontre qu'il eut aux portes de l'Égypte avec l'armée d'Artaxerxès III
Okhos. Mais il fut moins heureux dans la seconde.
La seconde domination perse (343-332)
Les mercenaires du grand roi vinrent, cette fois, à bout de ses mercenaires. Lacratès s'empara de
Péluse , Mentor de Bubaste , et Nectanebo Il (360-343), éperdu, prit, comme tous les rois fugitifs, le chemin
de la Nubie . Il fut le dernier véritable pharaon. Sans doute d'autres après lui prendront ce titre, y compris
Alexandre. Mais avec lui prit fin l'indépendance de l'Égypte. (Georges Bénédite).
Le Nouvel Empire s'est terminé avec le dernier des Ramessides et débouche sur une nouvelle partition.
Les possessions d'Asie échappent à l'Égypte, et comme chaque fois que l'unité du pays est perdue, l'opposition
traditionnelle de la Basse et de la Haute-Égypte domine la logique de la partition : Au Nord Smendès fonde à
Tanis , dans le Delta, la XXIe dynastie vers 1070, et un peu plus tard, vers 724, Tefnakht fondera à Saïs une
XXIVe dynastie; dans l'intervalle, au Sud, les grands prêtres d'Amon
auront aussi installé le pouvoir du clergé
thébain sur la Haute-Égypte (XXIIIe dynastie, de 828 à 712, avec des allégeances plus formelles que réelles à
des souverains du Nord). Le canevas confus ainsi dessiné sert surtout le renforcement des pouvoirs locaux des
nomarques qui instituent des sortes de féodalités, rappelant celles qu'on observait entre la fin de l'Ancien Empire
et le début du Moyen Empire. Cette nouvelle "période intermédiaire" (c'est la troisième) se marque aussi par la
mise en place de dynasties étrangères. A partir de la XXVe dynastie (vers 770), en particulier, les Nubiens de
Napata contrôlent le pays dans une large mesure, et l'Égypte s'achemine vers une nouvelle réunification. Une
période appelée la Basse Époque.
La Basse Époque commence vers 712 avec le règne de Sabacon (Chabaka), troublé et affaibli par la
puissance d'une douzaine de dynasties locales. L'invasion des troupes assyriennes d'Assurbanipal, mettra fin au
pouvoir nubien en Égypte, et, en 672 avant J. -C. (première date assurée de la chronologie égyptienne), le
pouvoir échoit finalement à un Égyptien, le seigneur de la ville de Saïs , Neko Ier, (Nechao), fondateur de la
XXVe dynastie. Son histoire et celle de ses successeurs (Amasis, les Psammétique, Néchao II...) est principalement
dominée par le souci de se débarrasser définitivement de la tutelle assyrienne, ce qui a pour corollaire une politique
de rapprochement avec la Grande Grèce . L'époque de cette dynastie saïte est aussi celle de la pénétration de
l'hellénisme en Égypte. Mais désormais, le vrai danger est perse . En 525, le pays tombe maintenant entre les
mains de Cambyse II. De 404 à 343, trois dernières dynasties égyptiennes existeront encore. Une seconde et brève
L’Egypte antique
22
domination perse, en terminera cependant, et définitivement cette fois, avec le régime des pharaons. En 332 la
conquête du pays par Alexandre le Grand met fin à la Basse Époque. Une nouvelle ère s'annonce pour l'Égypte, elle
sera hellénistique d'abord, avec les Ptolémées, puis romaine, chrétienne, arabe...
Dates-clés :
1070- 712 av. J.-C. - Troisième période intermédiaire.
1013-1009 - Règne de Pinedjem.
725-712 - période saïte (Bocchoris).
712 - 332 - Basse époque.
664 - 525 - Règne de Néchao Ier (début de la chronologie sûre).
525-404 - Dynastie perse (de Cambyse II à Darius II).
360-343 - Nectanebo II (dernier pharaon).
343-332 - Deuxième domination perse.
332 av. J.-C. - Conquête de l'Égypte par les armées d'Alexandre.
VI. LA PERIODE PTOLEMAÏQUE
Redevenue province de l'empire des Achéménides, l'Égypte ( La Basse Époque) partagea sa destinée
et passa, après la bataille d'lssos , sous la domination d'Alexandre le Grand (332). Précédé par sa renommée,
Alexandre fut accueilli en Égypte comme un libérateur. Les fâcheux souvenirs laissés par les cruautés de
Cambyse et d'Ochos lui dictaient en quelque sorte sa ligne de conduite : il montra autant de respect que les
Perses avaient montré de mépris pour les croyances et les coutumes du pays. II se posa en protecteur de la
religion ( Religion égyptienne ), et le parti sacerdotal se déclara hautement pour lui. Il apporta même la plus
grande affectation à prendre l'avis des oracles
et alla consulter en grande pompe celui de l'oasis d'Ammon .
Il ne montra pas moins de clairvoyance en comprenant le rôle central que l'Égypte était appelée à jouer par suite
de l'agrandissement de la carte commerciale du monde et fonda la belle et puissante cité maritime à laquelle il
donna son nom ( Alexandrie ).
Après la mort d'Alexandre son empire fut dirigé par Philippe Arrhidée (323-316), Alexandre IV Aegos
(316-304) (dynastie macédonienne), puis, en 304, lorsque l'empire se fractionna en entités autonomes, l'Égypte
échut en partage à l'un des généraux d'Alexandre, Ptolémée, fils de Lagos. Il prit le titre de roi, et sa postérité,
connue sous le nom de dynastie des Lagides, ou des Ptolémées, régna jusqu'à ce que Rome s'empare du pays.
Les guerres de palais et les assassinats se succèdent en permanence pendant cette période bien peu glorieuse sur
le plan politique. En revanche, sur le plan intellectuel, l'Égypte ptolémaïque, qui profite de déclin progressif
d'Athènes, va briller de tous feux et Alexandrie devient à cette époque la capitale culturelle du monde
méditerranéen : en mathématiques, en astronomie, en médecine, l'Antiquité connaît son apogée; seule la
philosophie, égarée par les démons du mysticisme , semble s'acheminer sur une voie sans issue ( Les Écoles
d'Alexandrie). La prééminence d'Alexandrie durera encore au premiers siècles de l'ère chrétienne, après donc
qu'Octave (le futur Auguste), vainqueur d'Antoine et de Cléopâtre, eut réduit l'Égypte en province romaine, en
l'an 30 av. J.-C.
Dates-clés :
332 av. J.-C. - Conquête de l'Égypte par les armées d'Alexandre.
304 - 30 av. J.-C. - Dynastie de Lagides (période ptolémaïque).
304-284 - Règne de Ptolémée IerSoter.
55-30 - Cléopâtre VII.
30 av. J.-C. - Conquête romaine (Octave Auguste).
L'État lagide
Le rôle de pharaon que leur prêtait l'imagination populaire, les Ptolémées le jouèrent, il faut bien le dire,
avec un art consommé. Ils en prirent le costume parce qu'il symbolisait la toute-puissance royale, et, comme le roi
d'Égypte devait être dieu, ils se firent du même coup adorer; ne se refusant pas d'ailleurs à prendre part eux-mêmes
au culte rendu aux dieux et aux anciens rois du pays, en leur qualité de chefs de la religion ( Religion
égyptienne ). Est-il besoin de dire qu'ils conservèrent scrupuleusement toutes les cérémonies
et tous les
usages relatifs à la royauté : panégyries annuelles, association du prince héritier au trône paternel, mariages entre
frères et soeurs, pratique funéraire de l'embaumement, etc. Mais ils ne s'en tinrent pas à ce formalisme. Leur
politique extérieure fut celle des pharaons. Sans doute, ils laissèrent subsister en toute indépendance le royaume de
Nubie dont les pharaons, depuis Pepi (Ancien Empire) jusqu'à Ramsès III (Nouvel Empire), s'étaient efforcés de
faire une province égyptienne; mais c'est qu'avec les migrations successives, le royaume de Napata s'était civilisé
L’Egypte antique
23
à l'égal de l'Égypte, et, s'il ne pouvait plus prétendre renouveler les exploits des Piankhi, des Sabacon, et de Taharqa
(Basse Époque), il avait au moins la prétention de n'être pas traité en quantité négligeable.
La constitution et l'administration de l'Égypte sous les Ptolémées furent un très habile compromis entre
l'organisation indigène primitive et la conception cosmopolite que pouvait se faire d'un État monarchique une lignée
de princes profondément imbue des idées d'Alexandre. Autour du roi se trouvait groupée une hiérarchie nobiliaire, à
la fois égyptienne, persane et macédonienne : les parents du roi, les gardes du corps, les amis, les envoyés, et les
parents catèques. A ces titres nobiliaires, qui étaient à l'origine les désignations de véritables fonctions, s'ajoutaient
certains titres militaires devenus purement honorifiques. C'était dans cette noblesse que se recrutaient les hauts
fonctionnaires de palais, l'épitrope, ou régent, personnage dont l'autorité balançait quelquefois la puissance royale,
le garde du sceau qui était aussi directeur du musée et, en sa qualité de prêtre d'Alexandre et des Lagides, le chef du
clergé grec et indigène; les archypérètes ou payeurs généraux des troupes macédoniennes, l'archicynège ou grand
veneur, l'archedeatre ou principal majordome. Au point de vue administratif, l'Égypte restait, à l'exception des
communautés grecques d'Alexandrie , de Ptolémaïs et de Naucratis , divisée en nomes qui se subdivisaient
en cités (kômai) et territoires cultivés (topoi). Le nome était administré par un nomarque ou stratège (charge
devenue civile de militaire qu'elle était à l'origine) qui avait en sous-ordre un épistate du nome, autorité
essentiellement judiciaire; la cité par l'épistate de la cité, sorte de gouverneur juge, et les territoires cultivés par un
toparque assisté d'un épimélite. Le stratège avait sous ses ordres un interprète, un agoranome ou intendant des
marchés, des ingénieurs chargés du service technique de l'irrigation et des autres travaux publics, des laocrites ou
juges de paix, et enfin les nombreux cheikhs de tous les villages du nome (presbyteroi).
Postérieurement, l'administration provinciale de l'Égypte fut divisée en trois épistratégies ou viceroyautés : la Basse-Égypte, l'Heptanomide ou Moyenne-Égypte, et la Haute-Égypte avec Héliopolis ,
et Ptolémaïs
pour chefs-lieux, mais sans préjudice des nomes, passés au degré de subdivision.
Memphis
Cette complication du rouage administratif porta aussi sur les nomes qui se subdivisèrent en toparchies.
Alexandrie, capitale de l'Égypte en même temps que cité grecque, c. -à-d. divisée en phyles et en dèmes, avait le
privilège de posséder une administration centrale et une administration locale. En tant que municipalité, elle
avait une Boulè ou conseil élu. Elle était le siège d'un exégète, d'un hypomnématographe, d'un archidicaste ou
président de la cour d'appel (les 30 juges royaux : 10 pour Memphis , 10 pour Thèbes , 10 pour Héliopolis
), d'un stratège de nuit, d'un alabarque ou directeur des contributions, du dioecète ou ministre des finances, de
l'hypodioecète et des autres hauts fonctionnaires de l'administration des finances, l'économe et le
basilicogrammate desquels dépendaient tous les comogrammates et topogrammates de l'Égypte.
Ptolémaïs , fondée par Sôter sur l'emplacement de Psoï (aujourd'hui Menschieh) venait par rang
d'importance après Alexandrie
: son organisation était entièrement grecque. Naucratis , l'ancienne colonie
divisent les temples
milésienne, avait des timouques et un hellenion. Les décrets de Rosette et de Canope
de l'Égypte en trois classes selon leur importance. Chaque temple était desservi par une corporation de prêtres
composée de plusieurs phylai, dirigée par des phylarques. Chaque temple avait un conseil de vingt à vingt-cinq
prêtres renouvelable chaque année et chargé de régler toutes les affaires intérieures et extérieures du temple. La
hiérarchie sacerdotale, telle qu'elle nous est donnée par les mêmes décrets, comprenait les grands prêtres qui
pouvaient être grecs, les prophètes, les hiérotolistes, les ptérophores et les hiérogrammates. L'organisation militaire
des Lagides présente le même caractère de complexité qui se retrouve alors dans toutes les institutions de l'Égypte.
Elle comprend les diadoques, troupe d'élite macédonienne casernée autour du palais, les catèques ou territoriaux qui
composaient les colonies militaires. On donnait souvent le nom d'épigones
aux catèques nés dans le pays, c.-à-d.
fils des premiers colons, vétérans qui s'établirent après les conquêtes. Ces colons étaient de toutes origines. L'armée
active se composait de mercenaires (xenoi et mistophoroi) et de troupes indigènes.
La dynastie des Ptolémées (Lagides)
Ptolémée Ier Sôter
Ptolémée prit le gouvernement à titre de satrape à l'exemple des autres généraux d'Alexandre. Il fut
d'abord servi par la mauvaise fortune de son rival Perdiccas, qui échoua devant Péluse . La troisième année de
son gouvernement il avait, par des campagnes heureuses, réuni à l'Égypte, Cyrène , la Syrie, la Coelésyrie et
la Phénicie. L'éloignement de sa province aurait pu le tenir à l'écart des guerres qui divisèrent les diadoques; il
n'en fut rien.
C'est ainsi que, en 315, nous le voyons s'associer aux projets de Cassandre, de Lysimaque et de
Séleucus contre l'ambition d'Antigone. L'année suivante, il réprime les velléités d'indépendance que manifestent
Chypre
et Cyrène et engage une nouvelle campagne en Syrie contre Démétrius, fils d'Antigone. II le bat
à Gaza, puis, battu à son tour dans la personne de son sous-lieutenant Cellés qui n'avait pu empêcher la jonction
d'Antigone et de Démétrius, il évacue la Syrie. Le pacte de désintéressement conclu en 311 entre les quatre
L’Egypte antique
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généraux ayant été rompu par la mauvaise foi d'Antigone, qui mettait des garnisons dans les villes grecques
après avoir adhéré à la reconnaissance de leur liberté, la guerre éclate de nouveau, mettant aux prises les troupes
des alliés et d'Antigone un peu partout, sur l'Hellespont, en Cilicie où Léonès, lieutenant de Ptolémée, fut
vaincu, sur la côte occidentale de l'Asie Mineure, dans les Cyclades, en Grèce où la flotte de Ptolémée s'empare
coup sur coup de Sicyone , de Corinthe et de Mégare . L'année 307 fut favorable aux armées d'Antigone.
Après s'être emparé d'Athènes, Démétrius cingla vers Chypre, où il détruisit la flotte de Ptolémée, mais, l'année
suivante, le père et le fils échouèrent dans leur attaque combinée contre Péluse. Antigone se tourna alors contre
Rhodes qui résista grâce aux secours des trois confédérés. Mais Ptolémée, toujours habile, après l'avoir
soutenue dans sa résistance, lui donna le conseil de traiter avec Antigone. Les Rhodiens se trouvèrent si bien de
ses bons offices et de ses conseils qu'ils lui décernèrent les honneurs divins avez le titre de Sôter. Une nouvelle
ligue se forma bientôt contre Antigone; aux trois confédérés se joignit Séleucus. La journée d'Ipsus , fatale à
Antigone, ne mit pas fin aux rivalités. Le partage de ses dépouilles divisa les vainqueurs en deux camps et donna
lieu à de nouvelles guerres, au cours desquelles Ptolémée fut assez heureux pour reprendre Chypre et Cyrène.
Une légende assez consolante pour l'amour-propre du peuple vaincu faisait naître Alexandred'Olympias et
du roi sorcier Nectanébo réfugié en Macédoine . Ptolémée Sôter étant considéré comme fils de Philippe, il en
résultait que les Lagides avaient tous les droits possibles à la double couronne. De fait, Ptolémée Ier Sôter se montra
en Égypte scrupuleux observateur de la légalité : les monuments portant les cartouches de Philippe Arrhidée et
d'Alexandre Aegos en font foi. Ce n'est qu'en 304 qu'il se décida à prendre la couronne et les titres royaux et fit
frapper monnaie en son nom, mais en datant ses années de règne d'après la durée totale de son gouvernement. L'an
39 de ce comput, il associa à son trône Ptolémée, le fils qu'il avait eu de Bérénice sa première femme. Son règne n'a
pas laissé que des souvenirs militaires : c'est à Sôter, en effet, qu'il faut faire honneur des rapides procès que fit la
nouvelle capitale. ll construisit le phare, dans l'île de Phares qu'il relia au port, fonda l'école et la bibliothèque
d'Alexandrie , attira les plus illustres des savants et des artistes grecs. Le Museon, son palais, était une véritable
académie. II se montra, en un mot, fidèle exécuteur des magnifiques projets d'Alexandre.
Philadelphe
Son fils et successeur, Philadelphe, né à Cos pendant l'expédition de 308 dans les Cyclades où Bérénice
l'avait suivi, eut pour précepteurs Straten et Philètas. Le règne de ce prince s'en ressentit heureusement. Sans
prendre à la lettre les louanges dithyrambiques de Théocrite, on peut dire néanmoins que, pendant les trente-huit
ans de règne de Philadelphe, l'Égypte fut très prospère. Alexandrie , devenue de plus en plus la capitale
intellectuelle du monde grec ( Les Écoles d'Alexandrie), redoubla d'éclat et de grandeur; le phare fut achevé, la
bibliothèque transportée du Brachium dans le magnifique palais du Serapeum, la Version des Septante (
Bible ) commencée. D'autres traductions paraissent aussi avoir été entreprises à la même époque, notamment
celle d'une histoire d'Égypte par Manéthon. L'intérêt porté aux questions économiques et commerciales ne fut
pas moins grand. Pour créer de nombreux débouchés aux produits des industries locales, on explore la côte
orientale et l'intérieur de l'Afrique (voyages de Timosthène et d'Aristocréon) ( La découverte et l'exploration de
l'Afrique); le canal du Nil à la mer, repris par Neko ( Basse Époque) et par Darius, est continué; des flottes
(non loin de Suez) dans la direction de la mer des Indes et du golfe Persique. Cette
partent d'Arsinoé
révolution opérée par les idées grecques ne porte néanmoins aucune atteinte à la religion de l'Égypte . A
l'exemple des pharaons, Philadelphe affecte des revenus aux temples, contribue à leur embellissement et même
les reconstruit (Isis
de Philae ). Ses guerres avec son frère Magna, l'instigateur de la révolte de Cyrène et
Antiochus se terminèrent à son avantage. Il engagea ce dernier à répudier Laodice pour épouser sa fille Bérénice.
Evergète Ier
Son fils Evergète lui succéda en 246. Le premier acte de ce prince fut l'expédition de Syrie qu'il
entreprit pour venger sa soeur Bérénice, que Laodice venait de faire assassiner peu de temps après la mort
d'Antiochus. Il parcourut en vainqueur toute l'étendue de l'empire séleucide, et rapporta triomphalement en
Égypte les statues
divines et les trésors des temples enlevés par Cambyse. Quelques années après (240),
Séleucus II, roi de Syrie, se crut assez fort pour envahir l'Égypte. Une seconde expédition d'Evergète le
contraignit à la fuite. Mais s'étant réconcilié avec son frère Antiochus Hierax, que le roi d'Égypte avait favorisé à
ses dépens, celui-ci jugea expédient de conclure une trêve de dix ans. De nouveaux démêlés s'élevèrent entre les
deux frères et favorisèrent les desseins d'Evergète, qui put se livrer en toute sécurité à l'administration intérieure
de l'Égypte. Il éleva un temple à Canope , continua celui de Pselchis (Dakkeh) fondé par le roi de Nubie ,
Ergamène, ainsi que ceux de Philae
et d'Esneh . Son nom ainsi que celui de sa femme et soeur, la reine
Bérénice, se lisent également sur plusieurs monuments de Thèbes . Ce fut cette reine qui, pendant la campagne
sa chevelure pour l'heureux retour de son époux. On sait que l'astronome Conon
d'Asie, consacra à Aphrodite
L’Egypte antique
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de Samos , pour donner une explication flatteuse de sa disparition, publia qu'elle brillait au ciel sous la forme
d'une constellation ( Chevelure de Bérénice ).
Philopator
Philopator, fils d'Evergète, souilla son règne du sang de son frère Magas, de sa mère Bérénice et de son
hôte, Cléomène, le roi fugitif de Sparte , que son père avait accueilli. Il commit tous ces crimes à l'instigation
de son ministre Sosibios, qui n'avait trouvé rien de mieux, pour conserver son ascendant, que de flatter ses plus
bas penchants. Le surnom de Philopator, dont il jugea prudent de s'affubler, ne donna pas le change à l'opinion
publique, qui s'obstina à le rendre responsable de la mort de son père. L'histoire militaire de son règne est
remplie par ses guerres avec Antiochus le Grand. Après deux malheureuses campagnes, il défit à Raphia (216)
son redoutable adversaire qui prit la fuite et se résigna à un traité onéreux.
Philopator reprit possession des villes de Palestine et de Syrie conquises par ses prédécesseurs. II lui
restait un crime à commettre : le meurtre de sa femme, Arsinoé. Peu de temps avant sa mort, il la sacrifia à sa
passion pour Agathoclée. Ses forfaits ne le détournèrent pas, néanmoins, de la politique prudente des Ptolémées
à l'égard du parti clérical : il le combla comme avaient fait ses pères et attacha son nom à de nombreuses
constructions ou restaurations à Akhmîn , à Thèbes , à Edfou , à Philae , à Dakkeh, etc.
Epiphane
Son fils Epiphane n'avait que cinq ans quand il fut appelé à régner. Trois régents se succédèrent pendant
sa minorité : Agathaclès, Tlepolemos et Aristomène. Le peuple, lassé du premier, se révolta et arracha au jeune
roi sa condamnation; le second perdit également la vie en perdant le pouvoir. Les troubles qui éclatèrent en
Égypte pendant la minorité d'Epiphane incitèrent Antiochus à reprendre les hostilités. Battus par Scopas, général
de Ptolémée, il ne tarda pas à prendre sa revanche et fit rentrer sous sa domination les villes de Cilicie , de
Lycie, de Syrie et de Palestine qui avaient des garnisons égyptiennes. Les affaires d'Europe le déterminèrent
néanmoins à ne pas abuser de sa victoire et il scella la paix de la main de sa fille Cléopâtre, qu'Epiphane épousa.
Cette princesse apporta comme dot la province de Syrie. Epiphane se montra par ses cruautés le digne fils de son
père; il n'épargna ni les révoltés de Lycopolis (Assiout ) qu'il fit mettre à mort, ni Scopas, son général, qu'il
abandonna à la rancune d'Aristomène, ni même ce dernier, dont la tutelle lui pesait et qu'il condamna à prendre
la ciguë. II n'eut pas lui-même une meilleure fin : il mourut empoisonné pendant les préparatifs d'une expédition
contre le successeur d'Antiochus, après vingt-quatre ans de règne. Thèbes , Esneh , Edfou , Ombos ,
Philae , eurent part à ses largesses. Ses cartouches se répètent sur leurs monuments. Ajoutons que c'est en
l'honneur d'Epiphane que les prêtres réunis à que rendirent le fameux décret bilingue, trouvé à Rosette et qui a
été la base du déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion.
Philométor
Philométor n'avait que cinq ans quand il succéda à son père. Pendant sa minorité, la régence fut d'abord
exercée par sa mère, Cléopâtre, puis, simultanément, par Lénéos et Euléos. La possession de la Coelésyrie , de
la Phénicie et de la Judée mit encore aux prises les armées lagide et séleucide. L'appui moral de Rome que sa
guerre avec Persée empêchait d'agir plus efficacement, ne put empêcher Antiochus de reconquérir les provinces
abandonnées par son grand-père. II entra en Égypte, surprit Philométor dans Memphis
et marcha sur
Alexandrie , où le jeune frère du roi venait d'être proclamé sous le nom d'Evergète II. Une révolte des Juifs
l'obligea à lever le siège, mais, avant de quitter l'Égypte, il eut soin de remettre lui-même Memphis aux mains de
Philométor, avec l'espoir que la revendication de son trône mettrait ce dernier en guerre avec son frère.
Au contraire, la crainte qu'il leur inspirait les unit dans un commun effort. Mais il ne fallut pas moins
d'une nouvelle intervention de l'ambassadeur romain, Popilius Lenas, pour l'obliger à évacuer l'Égypte qu'il avait
de nouveau envahie (168). Toutefois, l'espoir d'Antiochus ne fut pas complètement déçu : le partage de l'empire
mit aux prises les deux frères. Evergète ne voulait pas se contenter de Cyrène et de la Libye ; Philométor
refusait de se rendre aux ordres du sénat romain, qui lui enjoignait d'y ajouter Chypre. Ils finirent par tomber
d'accord au prix de la concession de quelques villes cypriotes, et la fin du règne de Philométor ne fut troublée par
d'autres guerres que celle qu'il fit pour soutenir les prétentions d'Alexandre Bala contre Démétrius, puis celles de
Démétrius contre Alexandre Bala. Heureux dans ses entreprises, il assura chaque fois le succès de son allié.
Evergète II et Sôter II
Evergète II (Physcon), qui n'attendait que sa mort pour prendre possession du trône d'Égypte,
commença par faire exécuter son neveu Eupator, que Cléopâtre avait fait proclamer roi. II faut dire qu'il n'était
arrivé à ses fins qu'en épousant la veuve de son frère et en s'attribuant la régence. Une insurrection, causée par la
haine et le dégoût qu'il inspirait, l'obligea à se réfugier à Chypre avec sa seconde femme, Cléopâtre II, fille de la
L’Egypte antique
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première. Mais la victoire que remporta son parti lui rendit le pouvoir et Cléopâtre dut, à son tour, chercher
refuge à la cour de Démétrius Nicator.
Sôter II ou Lathyre fut en quelque sorte imposé par les Alexandrins. Sa mère, Cléopâtre II, qui favorisait
son frère Alexandre, après des années d'hostilité sourde, le fit faussement convaincre de tentatives parricides et
exiler en qualité de gouverneur à Chypre (106) et fit couronner son frère. Alexandre lui marqua quelques années
plus tard sa reconnaissance en la faisant assassiner. Cet acte monstrueux et beaucoup d'autres, comme la violation
du tombeau d'Alexandre le Grand, réussirent si bien à lui aliéner l'affection des Alexandrins qu'il dut fuir à son tour,
chassé par une émeute, et abandonner le trône à l'exilé de Chypre. Le retour de Lathyre ne rencontra pas le même
accueil dans toute l'Égypte : Thèbes refusa de le reconnaître. Il se mit en route contre l'ancienne capitale, s'en
empara et la livra à toutes les horreurs de la guerre. Son règne s'acheva paisiblement en 81.
L'ingérence de Rome
Le meurtre de sa fille, Bérénice, par Alexandre II, fils de Ptolémée Alexandre Ier, et d'Alexandre II par
le peuple indigné, amena eu pouvoir son fils naturel, Ptolémée Aulète. Aulète, qui avait tout à craindre des
Romains, dont il remplaçait le protégé, par le libre choix du peuple d'Alexandrie , ne tarda pas à devenir à son
tour leur client. Chassé d'Alexandrie par ce même peuple indigné de ce qu'il s'était laissé prendre l'île de Chypre,
il dut se réfugier à Rome et y solliciter par toutes sortes de bassesses les secours nécessaires à la reprise de son
pouvoir. Pompée, alors consul, lui donna des lettres pour Gabinius, gouverneur de Syrie, qu'il acheva de gagner
avec des présents. C'est ainsi qu'il put rentrer en 55 à Alexandrie, accompagné d'une légion, et s'y maintenir avec
une garde de soldats gaulois que lui laissa Gabinius. En vertu de son testament, dont Pompée avait été constitué
dépositaire, Aulète eut pour successeurs son fils Ptolémée (Neos Dyonysios), âgé de treize ans, et sa fille
Cléopâtre VII, qui en avait dix-sept. Les secours que cette dernière envoya à Pompée pendant sa guerre contre
Jules César, la firent chasser d'Alexandrie ou elle ne rentra que rappelée par César après sa victoire.
L'ingérence des Romains dans les affaires des Ptolémées ne tarda pas à blesser les Alexandrins, excités,
d'ailleurs, par l'eunuque Pothin, Théodote et Achillas, ministres du jeune Ptolémée, qui l'entretenaient dans une
perpétuelle aversion de sa soeur. Une armée de 22 000 hommes, commandée par Achillas, marcha sur
Alexandrie . César s'enferma dans le Bruchion avec Cléopâtre qu'il refusa de livrer au peuple en délire et
soutint un siège qui ne prit fin qu'à l'arrivée des renforts envoyés par Domitius Calvinus. Ptolémée s'était
constitué son prisonnier. Victorieux, César consentit à le délivrer, estimant que le groupement de toutes les
forces autour du roi, loin de lui créer de nouvelles difficultés, lui permettrait de s'emparer de l'Égypte par une
victoire décisive. Et, en effet, à peine rendu à la liberté, Ptolémée prit le commandement de son armée, essuya
une première défaite en essayant d'arrêter au passage Mithridate de Pergame
qui se portait au secours de
César, puis fut battu et perdit la vie dans une seconde rencontre avec les troupes de ce dernier (47). Fidèle
exécuteur du testament d'Aulète, César n'usa pas de sa victoire pour s'emparer de l'Égypte, mais appela le jeune
frère de Ptolémée à régner conjointement avec Cléopâtre.
Celle-ci resta d'ailleurs après comme avant la véritable souveraine du pays. La mort de son second mari,
empoisonné après un très court règne, ne changea donc rien à la situation. Elle se résigna à régner dans la
dépendance de Rome, dont les légions restaient en permanence en Égypte. César assassiné, elle prit parti pour les
triumvirs et obtint la reconnaissance de son fils Césarion comme roi. On sait comment elle s'empara de l'esprit
d'Antoine qui l'avait mandée à Tarse pour s'expliquer sur son attitude pendant la guerre civile. Elle sut se servir
habilement de lui pour étendre les possessions de l'Égypte : c'est ainsi quelle se fit donner toute la région
orientale du bassin de la Méditerranée, la Phénicie, la Syrie, une partie de la Cilicie , Chypre, l'Arabie des
Nabatéens, en somme, la plupart des pays en relations commerciales avec Alexandrie. Antoine ayant répudié,
pour l'épouser, sa femme Octavie, soeur de son collègue Octave, celui-ci le fit accuser devant le Sénat d'avoir
démembré l'Empire et destituer. La guerre fut déclarée à Cléopâtre. La bataille navale d'Actium , perdue par
Antoine, suivie bientôt de l'invasion de l'Égypte par les légions d'Octave, mit à néant les desseins grandioses de
Cléopâtre. Après la prise d'Alexandrie, leur dernier refuge, Antoine et Cléopâtre se donnèrent la mort, le premier
pour ne pas tomber vivant aux mains de son rival, la dernière après avoir vainement essayé ses charmes sur
Octave, et pour échapper à l'humiliation d'être exhibée vivante à son triomphe (30). L'Égypte fut réduite en
province romaine. (Georges Bénédite).
VII. PROVINCE ROMAINE
Devenue romaine, l'Égypte fut intégrée par Auguste parmi les provinces impériales, et la fit administrer
par un préfet. Mais lui et les empereurs romains qui lui succédèrent conservèrent en grande partie l'oeuvre des
Ptolémées. L'Égypte resta jusqu'à l'époque de Dioclétien divisée en épistratégies, nomes, toparchies, etc (
L'Égypte ptolémaïque). L'épistratège était un fonctionnaire romain ayant des pouvoirs civils et militaires. Le
L’Egypte antique
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stratège ou nomarque demeura ce qu'en avaient fait les Ptolémées en lui enlevant ses attributions militaires, un
magistrat doublé d'un percepteur; la charge était triennale et faisait partie de celles dont l'exercice était confié
aux indigènes grecs ou égyptiens.
Les villes grecques, indépendantes des épistratégies, gardèrent leur autonomie. Toutefois, dès l'époque
d'Auguste le conseil élu d'Alexandrie avait été remplacé par une administration dont le chef portait le titre de
,juridicus Alexandriae. Ce juridicus ne dépendait que de l'empereur. Quant aux anciennes fonctions
d'archidicaste, d'exégète, d'hypomnématographe et de stratège de nuit, elles furent respectées par la réforme
romaine. Ajoutons enfin que les cultes nationaux ne reçurent aucune entrave ( La religion égyptienne ) .
Ainsi organisée avec sa population quasi cosmopolite de 7 800 000 habitants, dont un million de Juifs
( La Diaspora juive), son administration à trois couches (égypto-gréco-romaine) qui se servait du grec comme
langue officielle, son activité religieuse que le mouvement philosophique n'avait nullement contrariée ( Les
Écoles d'Alexandrie ).
En l'an 330 de notre ère, L'Égypte fut attribuée à l'empire d'Orient ( L'Empire byzantin), dont elle fit
partie jusqu'à l'an 616. Entre-temps, elle sera devenue chrétienne ( L'Égypte chrétienne).
Dates-clés :
30 av. J.-C. - Conquête romaine (Octave Auguste).
Ier siècle ap. J.-C. - Introduction du christianisme.
330 - L'Égypte est rattachée à l'empire d'Orient.
395 - Début de la période Byzantine.
La Province impériale d'Égypte
Depuis Auguste, l'Égypte faisait partie de ce qu'on appelait les provinces impériales, c.-à-d. de celles
qui avaient été affranchies du contrôle et de la juridiction du Sénat et qu'Auguste s'était réservées vu leur
importance pour la sécurité elle stabilité de l'Empire. Elle forma même une catégorie à part dans la catégorie des
provinces impériales et fut classée proprement comme bien privé de l'empereur. C'est ainsi que les domaines
royaux devinrent domaines d'Auguste et les impôts ses revenus. II fut interdit aux sénateurs et aux équités
illustres d'y pénétrer et inversement aux Égyptiens qui avaient reçu le droit de cité romaine d'exercer des
fonctions pouvant donner accès au Sénat. Sous Caracalla, les citoyens d'Alexandrie
purent être admis au
Sénat; les Égyptiens des nomes ne le purent jamais. Le représentant de l'empereur était pris parmi les chevaliers.
Il avait le titre de praefectus Aegypti ou augustalis, comme on l'appela plus tard, était vis-à-vis de l'empereur
dans la condition d'un intendant (procurator) et vis-à-vis des Égyptiens dans celle d'un vice-roi. Muni des pleins
pouvoirs civils et du haut commandement militaire, mais sans les faisceaux, il nommait à tous les emplois, sauf
ceux que s'était réservés l'empereur; il percevait l'impôt, mais ne pouvait l'établir de lui-même. L'armée
d'occupation se composa de trois légions sous Auguste, de deux sous Tibère, d'une, accompagnée de corps
auxiliaires, à partir de Trajan. Le commandement en fut confié à des chevaliers (praefectus castorum).
La réorganisation de Dioclétien plaça l'Égypte dans le diocèse d'Orient. Ce diocèse comprenait cinq
provinces :
1° Aegyptus Jovia (la Basse-Égypte), à l'Ouest du Nil;
2° Aegyptus Herculia, plus tard Augustammica;
3° Thebaïs;
4° Libya inferior;
5° Libya superior (Cyrénaïque ).
Plus tard, une sixième province fut ajoutée par une coupure de l'Augustammique à l'Arcadia (du nom
d'Arcadius, le premier empereur d'Orient).
D'Auguste aux derniers Antonins
Nous ne pouvons donner ici qu'une chronologie très succincte des principaux faits historiques de
l'Égypte romaine (an 30 av. J.-C. - 393 apr. J.-C.).
Signalons sous Auguste, la révolte de quelques villes de la Haute-Égypte, dont Thèbes , réprimée par
Cornelius Gallus, le premier préfet; révolte d'Alexandrie à cause de l'impôt, réprimée par Petronius, successeur de
C. Gallus; expédition en Arabie, d'Aelius Gallus, lieutenant de Petronius. La frontière méridionale ayant été dégarnie
par la mobilisation du corps de C. Gallus, la reine d'Éthiopie , Candace, en profita pour s'introduire en Égypte et
ravager la Thébaïde. Elle fut repoussée jusqu'à Napata , sa capitale, par Petronius, demanda à traiter et envoya des
ambassadeurs à Auguste, qui leur accorda l'exemption du tribut imposé par son préfet.
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Aucun fait d'importance sous Tibère; c'est lui qui écrivit au préfet d'Égypte, Aemilius Aulus, trop zélé
dans son rôle de procurator, qu'il voulait bien tondre les brebis, mais non les égorger. Sous Caligula, le préfet
sans merci La Diaspora juive).
Avetius Placcus, persécuta les Juifs
Sous Claude (41-54), ils attaquèrent les Alexandrins pour revendiquer les privilèges qui leur avaient été
enlevés, entre autres celui d'avoir à leur tête un ethnarque de leur nation. L'empereur leur donna raison.
Le fait le plus saillant du règne de Néron (54-68) est l'expédition qu'il envoya à la découverte des
sources du Nil ( La découverte et l'exploration de l'Afrique); elle se perdit corps et biens dans les marais du
Sudd (sud-ouest de Malakal, Soudan). Le préfet Tibère Alexandre reconnut Galba et Othon; mais, pressentant
l'avènement de Vespasien, alors en Syrie, il n'en fit pas autant à l'égard de Vitellius.
Sous Vespasien, les querelles des Juifs avec les Grecs et la préfecture redoublèrent. L'empereur donna
l'ordre d'abattre le temple bâti par Onias. Il ne le fut complètement que deux ans après (73), lorsque tout moyen
de répression fut épuisé.
Les trois règnes suivants (Titus, Domitien, Nerva) sont muets sur le chapitre de la politique; mais c'est à
ce moment que se place un fait capital dans l'histoire du christianisme , la fondation de l'église d'Alexandrie
par saint Marc.
L'avant-dernière année du règne de Trajan (116), les Juifs de Cyrène se soulèvent contre les Grecs et
les Romains et mettent en fuite M. Rutilius Lupus, parti d'Alexandrie pour comprimer la révolte. L'empereur
envoie alors Martius Turbo pour lui porter secours et pacifier le Delta, où s'était propagée l'insurrection.
Le calme ne revint complètement que sous Hadrien (117-138). Il ne fut pas de longue durée. Les
perturbateurs furent cette fois des Égyptiens. La querelle fut vive : il s'agissait d'un Hapis . Hadrien visita
l'Égypte avec l'impératrice Sabine il fit restaurer la tombe de Pompé; il alla voir et entendre la statue
de
Memnon . Son favori Antinoüs s'étant noyé dans le Nil, il le plaça au rang des dieux et bâtit en son honneur la
ville d'Antinoë .
Sous les derniers Antonins se place la dévastation de l'Égypte par les bandes armées d'Isidore. Avidius
Cassius sauva Alexandrie et extermina les rebelles. Il était simple légat. Déçu dans son ambition lorsque MarcAurèle (161-180) confia la préfecture à Flavitius Calvities, il se révolta et se fit proclamer empereur par les
légions de Syrie. Son usurpation lui coûta la vie ainsi qu'à son fils.
Au temps du déclin de Rome
Les empereurs syriens se signalèrent par leurs persécutions contre les chrétiens. C'est au temps de
Septime Sévère (193-211) que vivait le célèbre Origène dont le père, Léonide, fut une des principales victimes
du préfet Loetus et qui remplit l'Égypte de ses controverses avec le patriarche Demétrius. Caracalla n'établit pas
de distinction religieuse dans ses cruautés: les chrétiens, les juifs, les païens eux-mêmes en eurent leur part. ll
livra Alexandrie aux fureurs de la soldatesque pour se venger des railleries des Alexandrins.
L'agitation religieuse et les sanglants désordres qui marquèrent les règnes précédents ainsi que ceux de
Macrin et d'Héliogabale firent place sous Alexandre Sévère (232-235) à une bienfaisante accalmie. L'Égypte put
respirer; les lettres elles arts se mirent à refleurir comme par enchantement.
Sous les règnes éphémères de Maximin et de ses six successeurs, les persécutions contre les chrétiens
continuèrent sans relâche; elles atteignirent leur comble sous l'empereur Decius (250). Son préfet Sabinus se
montra d'une telle cruauté qu'en quelques mois les déserts du Sinaï et de la Thébaïde se peuplèrent d'anachorètes.
La violence était alors tellement entrée dans les moeurs qu'une fois les persécutions arrêtées, les chrétiens livrés
à eux-mêmes s'abandonnèrent à toutes les fureurs des controverses théologiques
(hérésie de Sabellius). A ces
querelles succédèrent (car les Alexandrins ne pouvaient se passer de tumultes) les troubles causés par la rivalité
de Macrien et du préfet Émilien.
En 253, Émilien se fit proclamer empereur par la foule et la soldatesque; son exemple fut suivi par
d'autres ambitieux; on put même voir autant de candidats à l'Empire que de quartiers dans Alexandrie. Toutefois
Émilien l'emporta sur ses coprétendants. II put, grâce aux embarras où était l'empereur Gallien, jouir deux ans du
pouvoir; mais le légat Théodote, envoyé avec une armée, le défit en plusieurs rencontres et le fit étrangler dans
sa prison. Théodote fut à son tour expulsé par le parti de Macrien qui usurpa la pourpre. Il s'associa au trône ses
deux fils, Macrien et Quietus. Comme celle d'Émilien, son autorité ne dura que deux ans. II fut vaincu et tué
avec son fils Macrien en Illyrie , où il avait eu l'audace de marcher contre Gallien. Quant à Quietus, qui était
resté en Égypte, le prince arabe Odenat, époux de la fameuse Zénobie, se chargea de l'évincer.
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Ce ne fut pas Odenat, mort assassiné, mais la reine de Palmyre qui s'empara de l'Égypte alors lasse
du joug des Romains, mais incapable de défendre sa liberté. Aidée de l'Égyptien Timagène, elle triompha de
Zabdas qui commandait le parti des indépendants et entra dans Alexandrie, mais en fut chassée par Probatus qui
restaura la domination impériale. Timagène étant revenu à la charge avec des renforts, Probatus fut battu et
Zénobie reprit pour trois ans possession de l'Égypte. Ce fut Probus, général de l'empereur Aurélien (270-275),
qui l'en chassa. Il n'en avait pas fini avec les usurpateurs.
En 273, un négociant d'Alexandrie , enrichi dans le commerce des papyrus, Firmus, qui avait
appartenu au parti palmyrénien, se souleva à son tour et, aidé des Arabes et des Blemmyes avec lesquels il
entretenait des rapports commerciaux, devint maître de l'Égypte et prit la pourpre. Probus (276-282)) lui infligea
trois défaites, le fit prisonnier et le livra à ses licteurs. Après le règne court et insignifiant de Tacite et de Florien,
Probus lui-même arriva à l'Empire; l'usurpation de Saturninus, son préfet, qu'il croyait d'une fidélité éprouvée,
l'obligea à intervenir une troisième fois en Égypte. Coptos
et Ptolémaïs
avaient pris une grande part au
mouvement insurrectionnel; elles subirent de sévères représailles. La poursuite et l'expulsion des Blemmyes, qui
avaient envahi la Thébaïde ( Thèbes ) à la faveur de ces désordres, achevèrent de pacifier l'Égypte. Mais la
paix ne fut pas de longue durée.
Le coup d'État d'Achilleas exigea quelques années plus tard l'intervention de l'empereur Dioclétien
(284-304). L'histoire a conservé le souvenir des répressions terribles de cet empereur, qui s'était déjà signalé dès
le début de son règne comme un des plus fervents persécuteurs du christianisme . La plupart des villes qui
avaient tenu pour Achilleas furent livrées à toutes les horreurs de la guerre, Alexandrie en première ligne.
Dioclétien. avait donné l'ordre qu'on n'arrêtât le massacre que lorsque les flots de sang baigneraient les genoux
de son cheval. Après avoir reconquis l'Égypte sur son préfet révolté, Dioclétien en fut encore réduit le la
reconquérir sur les Blemmyes. Désireux de s'éviter une campagne pénible, il obtint l'évacuation des provinces
par leurs bandes en leur offrant un tribut avec un traité aux termes duquel ils s'engagèrent à faire la police du
haut Nil. Nous n'avons pas ici à nous occuper des dispositions que prit Dioclétien au sujet de l'Empire, du
partage qu'il en fit d'abord avec Maximien Hercule, puis avec Constance Chlore et Galère (293-311). A partir de
330, l'Égypte, devenue chrétienne, et entrée pour ainsi dire dans le Moyen Âge, fut une dépendance de l'Empire
Byzantin. (Georges Bénédite).
ÉGYPTE ANTIQUE
D’après Wikipédia etc.
Bien que l’Égypte antique se définisse au sens strict comme la période de l'histoire égyptienne allant
de l'invention de l'écriture hiéroglyphique à la fin de l'Antiquité, cette notion se rapporte plus particulièrement à
la civilisation exceptionnelle qui fleurit sur les bords du Nil durant plus de trois mille ans. Du rassemblement des
tribus primitives qui créèrent le premier royaume pharaonique jusqu'à sa disparition peu avant l'ère chrétienne,
l'Égypte antique a été le théâtre d'événements majeurs qui ont assurément influencé la culture et l'imaginaire des
peuples lui ayant succédé.
Histoire
Articles détaillés : Histoire de l'Égypte antique et Histoire chronologique de l'Égypte, aperçu historique.
Présentation
Au premier abord, les trois mille ans d'histoire de l'Égypte antique semblent receler autant de
changements que de constantes. Les périodes fastes alternent régulièrement avec des périodes d'instabilité plus
ou moins prononcées. Au fil du temps, la vie de l'État pharaonique paraît toutefois devenir plus chaotique. Aux
cinq siècles de prospérité du Nouvel Empire succèdent sept siècles de troubles. Changements de maîtres et
changements de frontières s'enchaînent jusqu'à l'avènement de la pax romana.
Pourtant le caractère le plus remarquable de l'Égypte ancienne est sa prodigieuse continuité. Car au-delà
des mutations territoriales et des bouleversements politiques, cette civilisation a perduré pendant plus de trois
millénaires, fait unique dans l'Histoire. Depuis leurs mises en place aux débuts de l’histoire écrite jusqu'à leurs
bannissements au triomphe du Christianisme, les grands principes de la culture égyptienne se sont maintenus et
L’Egypte antique
30
préservés. Durant cette période, le mode de vie au bord du fleuve Nil a très peu évolué, toujours rythmé par la
crue, les impôts et les dieux.
L'historien grec Hérodote disait que « l'Égypte est un don du Nil ». Il avait observé à juste titre que le
fleuve est indissociable de l'identité égyptienne antique, car sans lui l’Égypte n’existerait pas. Il était donc tout
naturel que les habitants de la Terre noire en fassent un dieu important de leur panthéon. D’autant plus important
que ce dieu pouvait se montrer capricieux : une mauvaise crue et les récoltes étaient perdues, entraînant la
famine. Avant la construction du barrage d'Assouan, les paysans ont toujours vécu dans cette crainte.
Afin de pallier à cette éventualité, une administration compétente s’est mise en place dès les origines.
Les surplus de grains étaient prélevés par l’impôt et stockés en prévision d’années moins favorables où le besoin
se ferait sentir. Une armée de scribes et d’intendants s’occupaient scrupuleusement du recouvrement. Ce corps
de fonctionnaires a constitué de tous temps le principal pilier du pouvoir royal, le socle de la richesse et de la
puissance du pays jusqu’aux débuts de l’industrialisation.
Au sommet de la hiérarchie, dirigeant l’ensemble, coordonnant les services, une seule autorité :
pharaon. Le roi tire directement son pouvoir des dieux. Il est à la fois leur descendant et premier serviteur, donc
ne saurait être mis en doute. L’institution pharaonique est surtout le symbole de l’unité nationale et une condition
essentielle de la stabilité du pays (donc de son exploitation). Les envahisseurs successifs ne s’y sont pas trompés
et ont constamment pris soin de sacrifier à la coutume. En se faisant couronner pharaons ils garantissaient la
continuité de l’État tout en gagnant une certaine légitimité auprès du peuple.
Car le destin de celui qui occupe la fonction royale est intimement lié à celui de l’Égypte elle-même.
Chaque affaiblissement du pouvoir central est potentiellement porteur de crise, alors que chaque fois qu’un
homme fort occupe le trône, la paix du royaume est assurée. Ceci pourrait expliquer la facilité avec laquelle les
Égyptiens ont accepté des rois étrangers, pourvu qu’ils respectent les traditions ancestrales.
Le système a prouvé sa force plus de temps que nécessaire. Les siècles ont finalement révélé ses limites
et ses faiblesses. Sa trop lente évolution et son incapacité à s’adapter à un environnement en mutation l’ont
conduit à se faire supplanter et dominer par ses voisins. Il lui fallut attendre de nombreux siècles pour briller à
nouveau d’un éclat réel mais différent, celui du monde arabe.
Résumé
C'est vers la fin du Néolithique que des tribus commencent à se rassembler dans la fertile vallée du Nil,
pour aboutir à la constitution de deux royaumes politiquement distincts mais étroitement liés par une culture
commune : la Haute-Égypte au sud, et la Basse-Égypte au nord (le Nil coule du sud vers le nord, d'où ces
appellations). La tradition attribue au royaume du sud mené par Narmer l'unification du pays et l'établissement
des premières institutions pharaoniques.
Le découpage de l'histoire de l'Égypte en grandes périodes et en trente et une dynasties est hérité du
prêtre-historien Manéthon qui vivait dans l'Égypte du IIIe siècle avant notre ère, alors sous domination
macédonienne. Les anciens Égyptiens ne faisaient pas cette distinction : pour eux la monarchie était continuelle.
•
Jusqu'au -XXXIe siècle : peuplement le long du Nil et période prédynastique. Progressivement se
constituent deux royaumes rivaux : le Nord (Basse-Égypte) et le Sud (Haute-Égypte).
•
D'environ -3100 à -2650 : période thinite. Les rois du sud envahissent le delta et unifient le pays. Ils
fondent la Ire dynastie et s'établissent à Thinis, près d'Abydos.
•
De -2650 à -2150 : l'Ancien Empire, « âge d'or » de l'Égypte. Période très longue (env. 500 ans) où sont
posées la bases de la civilisation égyptienne : arts, philosophie, religion, institutions politiques… C'est
l'époque où l'on met en œuvre des chantiers gigantesques pour bâtir les premières pyramides.
•
De -2150 à -2060 : première période intermédiaire ; contestation de l'autorité royale et soulèvement des
gouverneurs de province (nomarques). La crise politique aboutit à une guerre civile entre le nord et le
sud. Montouhotep II finit par imposer la dynastie thébaine du sud.
•
De -2060 à -1785 : durant le Moyen Empire le pays retrouve une certaine sérénité propice à de
nouveaux engagements militaires et à la floraison d'un art sobre et élégant. Règne des Senouseret
(Sésostris) dont s'inspirera le célèbre « conte de Sinouhé ».
•
De -1785 à -1580 : deuxième période intermédiaire ; peu à peu, un peuple d'envahisseurs venus de l'Est
s'installe dans le delta du Nil pour finalement fonder son propre État. Bénéficiant d'une certaine avance
technologique (ils introduisent les chevaux et le char de guerre), les Hyksôs occupent le nord, fondent
leur propre dynastie et soumettent les provinces du sud.
L’Egypte antique
31
D'après la Bible, les Israélites seraient arrivés en Égypte vers -1700 et l'auraient fui 450 ans plus tard
(voir l'Exode). Seule une stèle du pharaon Merenptah vers -1208 atteste de leur présence en Palestine.
•
De -1580 à -1085 : Nouvel Empire. Les efforts conjugués de trois rois thébains (Séqénenrê Taâ II,
Kamosé et Ahmôsis Ier) sont nécessaires pour chasser les Hyksôs hors d'Égypte. Le renouveau qui
s'ensuit donne lieu à l'apogée de la puissance égyptienne. Son influence s'étend et sa culture rayonne
jusqu'aux frontières de la Mésopotamie. Les arts deviennent extrêmement raffinés, les temples de
Karnak et Louxor sont agrandis ; naissent ainsi les somptueuses tombes de la vallée des rois, les
temples d'Abou Simbel… XVIIIe et XIXe dynasties : les Amenhotep (Aménophis), Thotmès
(Thoutmôsis), Ramsès (de I à IX), ainsi qu'Hatchepsout, Akhénaton et Toutânkhamon…
•
De -1080 à -332 : troisième période intermédiaire et basse époque. L'Égypte des pharaons amorce son
déclin. Affaibli par des menaces extérieures, le pouvoir est accaparé par quelques princes et prêtres qui
se proclament rois. Des Libyens puis des Éthiopiens réussissent temporairement à restaurer un semblant
d'ordre qui ne dure pas. Des guerres intestines constantes font plonger le pays dans une semi-anarchie.
Dynasties libyennes, koushites, de Saïs… Les Assyriens pillent Thèbes et ses grands temples. L'art,
sous influence étrangère, se fait grossier et dégénère. Les Perses occupent le pays. Après une révolte
difficile, Nectanébo II est le dernier pharaon autochtone.
•
De -332 à -30 : la période hellénistique (ou ptolémaïque) commence avec la libération du pays par
Alexandre le Grand. Celui-ci refoule les Perses, fonde une nouvelle capitale - Alexandrie - en -331 et
lance une série de chantiers. À sa mort, le général Ptolémée avec lequel il était très lié prend possession
de l'Égypte et crée la dynastie des Lagides. Les Macédoniens comprennent qu'ils gouvernent un peuple
aux traditions millénaires et en tirent parti : ils favorisent le culte d'Isis et de Sérapis dont la renommée
atteindra Rome. En -48, pour s'attirer les bonnes grâces de César dont la gloire ne cesse de croître, le roi
Ptolémée XIII fait assassiner son rival, le consul Pompée. Ce meurtre déshonorant produit l'effet
inverse : César occupe la capitale et devient l'amant de la sœur-épouse du roi, Cléopâtre VII Philopator,
qu'il installe sur le trône. À la mort du dictateur, la reine d'Égypte prend le parti de Marc Antoine contre
Octave pour le pouvoir à Rome. Elle est finalement vaincue à Actium en -30 et rentre à Alexandrie où
elle se donne la mort le 15 août.
•
-30 : Octave, neveu de César, est proclamé Empereur à Rome sous le nom d'Auguste. Il fait disparaître
le fils de Cléopâtre, Ptolémée XV Césarion, dernier héritier légitime du trône. Désormais l'Égypte ne
sera plus qu'une province du nouvel Empire romain.
La fin de l'histoire égyptienne antique varie en fonction du point de vue adopté. Elle s'achève :
•
d'un point de vue ethnologique, à la mort du dernier pharaon autochtone, Nectanébo II en -343 ;
•
d'un point de vue politique, à la mort du dernier souverain autonome, Ptolémée XV Césarion en -30 ;
•
d'un point de vue culturel, lors de la conversion du dernier temple égyptien en église copte, le temple
d'Isis à Philae en 535 (fermeture en 551).
Géographie
Article détaillé : Géographie de l'Égypte antique.
La géographie de l’Égypte antique, d’un point de vue environnemental, est assez proche de celle de
l’Égypte contemporaine. L’Égypte est un pays au climat semi-désertique dont seuls les bandes fertiles de part et
d’autre du Nil, le delta et quelques oasis, sont propres à l’implantation humaine. Le reste est recouvert par le
désert libyque à l’ouest, le désert égyptien à l’est et le Sinaï au nord-est.
Les frontières traditionnelles de l’Égypte antique sont assez semblables aux frontières de l’Égypte
moderne. Ainsi, dans l’Ancien Empire, le pays est délimité au nord par la Méditerranée, au sud par la première
cataracte du Nil, à l’ouest par le désert libyque et à l’est par la mer Rouge, le Sinaï et la région de Gaza.
Peuple
Article détaillé : Origine des anciens Égyptiens .
L'origine des premiers Égyptiens fait débat, de nombreuses théories ont été avancées à ce sujet
(orientale, sub-saharienne, etc.).
Agriculture
Article détaillé : Agriculture dans l'Égypte antique.
L’Egypte antique
32
Il existe un étonnant paradoxe entre l'image que les Égyptiens de l'Antiquité avaient de leur agriculture
et l'image qu'en avaient les visiteurs étrangers. Ainsi, alors que les scribes dépeignent le métier d'agriculteur
comme le plus harassant et ingrat des travaux manuels, les voyageurs grecs comme Hérodote et Diodore de
Sicile s'extasiaient devant cette terre où les plantes semblaient pousser sans grand effort.
Vie quotidienne
Article détaillé : Vie quotidienne dans l'Égypte antique.
La vie quotidienne des Égyptiens de l'Antiquité est relativement bien connue par rapport à celle des
autres civilisations antiques. La société égyptienne était très hiérarchisée et il existait de grandes disparités entre
la vie des paysans, représentant la grande majorité des Égyptiens et vivant dans un état proche du servage, et
celle de la noblesse et de la haute bourgeoisie. La vie des plus privilégiés nous est la mieux connue car c'est elle
qui a laissé le plus de témoignages.
Organisation politique
Article détaillé : Organisation politique de l'Égypte antique.
L'Égypte antique est une monarchie théocratique. Bien plus qu'un roi, le pharaon est à la fois
l'administrateur principal, le chef des armées, le premier magistrat et le prêtre suprême de l'Égypte. En effet,
Pharaon avait une mission à remplir : mettre en œuvre la règle de Maât sur Terre, c'est-à-dire assurer l'harmonie
entre les hommes et le ciel, être garant de la morale de son peuple, contribuant ainsi à assurer son éternité.
Le territoire égyptien était découpé en régions administratives, les nomes, qui étaient gouvernés au nom
de pharaon par des nomarques.
Art égyptien
Article détaillé : Art de l'Égypte antique.
L'Art de l'Égypte antique est caractérisé par une idée d'ordre : des lignes claires et simples, associées à
des formes pures et des aplats de couleur. Les artistes utilisaient des lignes perpendiculaires, verticales et
horizontales pour former un quadrillage et donner des proportions correctes à leurs travaux. L'art reflétait
l'importance sociale, religieuse et politique. La hauteur des personnages dépendait, par exemple, de leur rôle
dans la société ; les plus importants étaient les plus grands. Les Égyptiens ignoraient par ailleurs la perspective.
Le pharaon est ainsi toujours représenté comme le plus grand des hommes. De même les dieux sont plus ou
moins imposants selon qu'ils sont considérés comme plus ou moins puissants.
Voir aussi :
• Hiéroglyphe ;
• Papyrologie ;
• Textes de l'Égypte antique ;
• Architecture de l'Égypte antique.
Mythologie et religion égyptienne
Articles détaillés : Mythologie égyptienne et religion égyptienne .
Les Égyptiens de l'Antiquité ont cherché à interpréter tous les phénomènes qu'ils pouvaient observer par le
prisme de leur croyance séculaire. La notion la plus importante pour eux est celle de cycle :
• le cycle du jour avec le soleil renaissant chaque matin,
• le cycle des années avec l'inondation annuelle qui pouvait être source de joie comme de malheurs (en
cas de trop faible ou trop forte crue du Nil),
• le cycle de la vie avec les naissances qui succèdent aux morts.
Voir aussi :
•
•
Dieux égyptiens ;
Concepts égyptiens.
Science de l'Égypte antique
Article détaillé : Science de l'Égypte antique .
La science de l'Égypte antique jouissait d'un grand prestige dans les temps anciens. Elle tendait à montrer le haut
degré de développement de cette civilisation et l'ampleur de ses connaissances.
L’Egypte antique
33
L'Égypte antique dans les arts
Architecture
•
Maison égyptienne, place du Caire à Paris, construite en 1805 et dont la façade reprend une frise et des
têtes égyptiennes.
•
Egyptian Hall à Londres en 1812 1.
Notes
1.
↑ (en)Site sur l'Egyptian Hall [archive]
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
↑ [1] [archive]
↑ [2] [archive]
↑ Site sur Papyrus par Lucien de Gieter et Jean-Pol Schrauwen [archive]
↑ Synopsis de la BD [archive]] blakeetmortimer.com. URL accédée le 19 décembre 2008
↑ Synopsis de la BD [archive]
↑ Synopsis de la BD [archive] sur le site de l'éditeur
↑ Résumé [archive] coinbdcom. URL accédée le 19 décembre 2008
↑ Test du jeu "Egypte 1156 av. J.-C." [archive] jeuxvideopc.com. URL accédée le 19 décembre 2008.
↑ Test du jeu "Pharaon" [archive] jeuxvideo.com. URL accédée le 19 décembre 2008.
↑ Test du jeu "Egypte II" [archive] jeuxvideo.com. URL accédée le 19 décembre 2008.
↑ Test du jeu "Cléopâtre" [archive] jeuxvideo.com. URL accédée le 19 décembre 2008.
↑ Test du jeu "Immortal Cities : Les enfants du nil" [archive] jeuxvideo.com. URL accédée le 19 décembre
2008.
Pharaon.
Wikipedia.
Le terme pharaon désigne a posteriori les souverains d'Égypte durant l'antiquité égyptienne. Le pharaon était à
la fois l'administrateur principal, le chef des armées, le premier magistrat et le prêtre suprême de l'Égypte
antique. Il se dit fils d'Horus et favori d'Amon-Rê. Le mot, se basant sur une expression égyptienne, est un
emprunt biblique et n'a jamais servi de titre pour désigner les rois d'Égypte à leur époque et ne se rencontre
d'ailleurs pas dans le protocole des souverains égyptiens1.
D'après l'historiographie égyptienne, la monarchie fut créée par le démiurge qui la transmit aux dieux ses
successeurs, puis à des créatures divines, les suivants d'Horus qui, dans les listes royales, précèdent
immédiatement les rois historiques. Donc, Pharaon avait une mission à remplir : mettre en œuvre la règle de
Maât sur terre c'est-à-dire assurer l'harmonie entre les hommes et le ciel, être garant de la morale de son peuple,
contribuant ainsi à assurer son éternité et la prospérité de l'Égypte. Maintenir l'ordre du monde (Maât) et
combattre le Mal (Isfet) sous toutes ses formes, c'est satisfaire les divinités qui « vivent de Maât ». Aussi
Pharaon se doit-il de bâtir, de restaurer et d'agrandir les temples, d’assurer le bien-être de ses sujets et de veiller à
l’accomplissement correct des rites. Dans la pratique, il délègue l'exercice du culte au clergé qu'il supervise.
Il revenait à Pharaon de choisir seul la politique à mener. Comme pour le culte, il déléguait l'exécution de ses
décisions à une cohorte de scribes, de conseillers et de fonctionnaires :
•
•
•
•
•
au(x) vizir(s), sorte de premier ministre, de faire exécuter ses décisions et rendre la justice en son nom ;
au général des armées d'organiser et de mener les campagnes militaires qu'il décide ;
au grand prêtre de veiller aux rites et de gérer les biens du clergé ;
aux scribes de répertorier les décrets, les transactions, les récoltes ;
au simple prêtre de rendre hommage aux dieux en ses lieux et places.
Étymologie
Le mot français « pharaon » dérive du grec pharaô (Φαραώ), mot introduit dans cette langue par la traduction en
grec de la Bible. Il dérive de l'ancien égyptien per-âa (pren transcription scientifique).
Ce mot désignait à l'origine le palais royal (en tant qu'institution) et signifiait « la grande (
Sur le papyrus Westcar (5,2), on trouve
La Bible et « Pharaon »
) maison (pr) ».
L’Egypte antique
34
Dans la Bible, le mot "Pharaon" désigne plutôt l'institution qu'un monarque précis. Il y a deux Pharaons, ou roi
d'Égypte, dans la Genèse : celui auquel Abraham à affaire4, quand il descend en Égypte avec son épouse, et celui
que rencontrent Joseph et ses frères. On en trouve également deux dans l'Exode : celui de la naissance et du
mariage de Moïse - qui meurt au verset 2, 23 5 - puis celui de la sortie d’Égypte emmenée par le même Moïse.
Un Pharaon apparaît également dans les livres des Rois, du temps de Salomon, qui épouse sa fille.
Flavius Josèphe, historien juif du Ier siècle, écrit à ce sujet :
« D'aucuns se seront demandé pourquoi tous les rois égyptiens, depuis Minaeos (Ménès), le fondateur de
Memphis, qui précéda de beaucoup d'années notre ancêtre Abram, jusqu'à Salomon, dans un intervalle de plus
de treize cents ans, ont été appelés Pharaon (Pharaôthès); aussi ai-je jugé nécessaire, pour dissiper leur
ignorance et éclaircir l'origine du nom, de dire ici que Pharaon chez les Égyptiens signifie roi. Je crois qu'à leur
naissance ils recevaient d'autres noms, mais dès qu'ils devenaient rois, on leur donnait le titre qui désigne leur
puissance dans la langue nationale. C'est ainsi que les rois d'Alexandrie, d'abord appelés d'autres noms,
recevaient à leur avènement au trône le nom de Ptolémée, d'après celui du premier roi. De même, les empereurs
romains, après avoir porté d'autres noms de naissance, sont appelés César, titre qu'ils tiennent de leur primauté
et de leur rang, et abandonnent les noms que leur ont donnés leurs pères. Voilà pourquoi, je suppose, Hérodote
d'Halicarnasse, quand il raconte qu'après Minœos, le fondateur de Memphis, il y eut trois cent trente rois
d'Égypte, n'indique pas leurs noms, parce qu'ils s'appelaient du nom générique de Pharaon. »
Dans le deuxième livre des rois (23, 29-35)6 et dans le livre de Jérémie (46, 2) 7, le "Pharaon Neco" est nommé.
Il est identifié avec Nékao II.
« Pharaon » avant Champollion
Charles Rollin publia en 1730 Histoire ancienne, les souverains de l'Égypte y sont des rois. Pharaon est absent
également dans l'œuvre monumentale des savants de Bonaparte, la Description de l'Égypte (1821). Pour L.-P. de
Ségur, Histoire Universelle ancienne et moderne p.47 (1822), Pharaon est un roi égyptien qui donna sa fille en
mariage à Salomon, roi d'Israël.
Une recherche dans les livres publiés en France, avant le début du XVIIIe siècle, montre que pharaon a
uniquement été utilisé dans des contextes d'inspiration biblique8. En langue française, pharaon était donc confiné
aux textes inspirés de thèmes religieux. Dans tout autre texte le souverain de l'Égypte était un roi.
Champollion et « Pharaon »
Jean-François Champollion fut le premier à se servir du mot en dehors du contexte biblique. Depuis la
publication en 1814 de Champollion L'Égypte sous les Pharaons, "Pharaon" est utilisé par les auteurs comme
titre des rois d'Égypte. En 1822, dans la lettre à Monsieur Dacier c'est "roi" qui est utilisé. Il ne trouvera toutefois
jamais l’équivalence entre per-aâ et pharaon, mais il reprend l'utilisation de pharaon après 1822. Champollion ne
donna jamais d'explication pour l'emploi de ce barbarisme, pardonnable pour l'époque.
Emploi de pharaon chez les Égyptiens de l'époque dynastique
En 1856, Emmanuel de Rougé proposa une réponse satisfaisante où pharaon vient du mot égyptien pour désigner
le palais gouvernemental (pr). À partir d'Akhénaton, Pharaon en écriture hiéroglyphique sert à désigner le
roi. Ne manquant pas de titres et de désignations, pour quels motifs Akhénaton a-t-il utilisé Pharaon pour se
désigner, cela demeure un mystère. Ce peut être par complaisance envers l'armée, la prêtrise et l'administration
qui utilisaient déjà ce mot dans leurs propres titres ou bien a-t-il vu dans prle point de départ de son
enseignement religieux, de son rayonnement.
Les Égyptiens rapprochaient les mots ayant les mêmes consonnes, ils y voyaient là l'écho sonore de l'énergie
essentielle qui suscita l'univers. Pharaon (pr) et Le Dieu Soleil (p r ) ont les mêmes consonnes, le mot
soleil Ra se trouve au milieu de pr, c'est peut-être là que se trouve la réponse. Les lettres d'Amarna en
témoignent, les vassaux d'Akhénaton l'appelaient « mon soleil ». Nous retrouvons là les propositions d'Ippolito
Rosellini et d'Emmanuel de Rougé pour l'origine de pharaon.
Pendant tout le Nouvel Empire la désignation Pharaon n'est jamais suivie du nom du souverain, c'est une
alternative moins employée de majesté.
Certains égyptologues, comme Christiane Desroches Noblecourt, font remonter la première attestation de per-aâ,
au sens de « pharaon », à l'an XII du règne conjoint de la reine Hatchepsout-Maâtkaré et de son neveu,
Thoutmôsis III-Menkhéperrê9. Elle est ensuite employée pour désigner Thoutmôsis seul. Pour d'autres
égyptologues, cette attestation remonterait à l'époque de Ramsès II ou de Ramsès III[réf. nécessaire].
Pendant la IIIe période intermédiaire et la Basse Époque, les rois sont étrangers ou vassaux et certains ne parlent
pas l'égyptien. À cette époque, pharaon est associé occasionnellement au nom de naissance du roi. Le premier
L’Egypte antique
35
sera Siamon, suivit de Sheshonq Ier à titre posthume. L'écriture démotique prend naissance, Pharaon devient le
mot pour dire « le roi » (beaucoup d'historiens préfèrent assimiler le titre de Pharaon à celui d'empereur ce qui,
semble-t-il, correspond mieux à la réalité), le mot Pharaonne (le titre de grande épouse royale était plus utilisé
que le terme Pharaonne) est inventé pour désigner la reine son épouse.
Pendant la période des Ptolémées, le souverain est surtout un basileus. Ptolémée II voulait que ses tribunaux
connaissent les lois régissant les différents groupes ethniques de son royaume, pour les juger selon leurs
coutumes. À sa demande, les juifs d'Égypte traduisent en grec leurs lois et auraient introduit à cette époque le
mot Pharao dans cette langue à partir de l'hébreu. C'est ce mot Pharao qui deviendra Pharaon en français en
passant par le latin chrétien.
Les souverains romains, à qui l'Égypte appartenait en propre, furent représentés par un préfet et de ce fait
reçurent le nom de Pharaon dans leur titulature. Ce nom, déterminé par les prêtres égyptiens, était le plus
approprié pour définir leur programme de règne qui était laissé à l'initiative de l'institution impériale locale, dont
le responsable changeait souvent et résidait au palais gouvernemental.
Développé au IIIe siècle de notre ère, le copte est la dernière forme de l'écriture égyptienne. Le mot pour roi y est
(p)rro, le mot pour pharaon est pharaw ; l'utilisation de ces deux mots dans un même texte démontre que les
Égyptiens n'en connaissaient plus l'origine commune.
Emploi de « Pharaon » chez les Égyptiens de l'époque moderne
En langue arabe, c'est surtout le Coran qui utilise Pharaon. La nécropole thébaine s'appelle Biban-el-Molouk que
nous traduisons par « la vallée des rois ».
Au XVIIIe siècle, Pharaon était signalé par le consul de Louis XIV en Égypte comme étant un terme injurieux.
H. Fischer rapporte que c'est encore un terme méprisant pour les Égyptiens de notre époque, un équivalent de
« diable ». Le mot est utilisé depuis au moins le XVIe siècle dans le surnom de l'ichneumon : rat de Pharaon.
Dans le livre de Frédéric Cailliaud de 1821 Voyage à l'oasis de Thèbes, un type de coquillage trouvé sur la mer
Rouge est appelé « coquille de Pharaon ». Dans ce livre l'auteur n'emploie jamais le mot pharaon, mais il est vrai
que le récit ne s'y prête pas ; comme tout le monde il parle de vallée des rois. Dans ses livres suivants, Voyage à
Méroé publiés en 1826-1827, il emploi le titre Pharaon devant un nom de roi. Entre les deux publications, le
monde chrétien savait que la clé de l'écriture égyptienne était trouvée.
Titulature
Les pharaons portaient une titulature composée de cinq noms, titulature complexe apparue au cours de l'Ancien
Empire.
Pour les anciens Égyptiens, le nom (ren) est ce qui donne vie à la chose qu'il désigne. On comprend donc
aisément l'importance qu'attachaient les pharaons aux noms qui les désignaient et l'acharnement avec lequel ils
firent marteler ceux d'un prédécesseur honni. Aux premiers temps de l'institution pharaonique, alors que la
titulature royale ne comportait qu'un seul élément, le nom d'Horus, celui-ci était inscrit à l'intérieur d'un serekh
représentant le palais du roi et pouvant être interprété comme un symbole de protection magique. Par la suite,
avec l'apparition de la titulature complète, les deux derniers noms royaux étaient protégés par le cartouche, ovale
magique qui représentait à l'origine une corde nouée à l'une des extrémités10, le serekh étant réservé au nom
d’Horus dans les grandes inscriptions dédicatoires arrangées en colonnes.
Par ailleurs, le roi était encore appelé « Sa Majesté » (Hemef) :
Le Fils de Rê Sésostris doué de toute vie, tout pouvoir, toute stabilité et toute santé, vivant éternellement.
Histoire
Il est bien difficile de dater avec précision les débuts de l'histoire pharaonique, tant les témoignages de cette
période sont peu nombreux et se confondent avec l'aube de l'Histoire (et donc de l'écriture). La tradition
égyptienne faisait de Ménès (Narmer en grec) l'unificateur du pays (alors divisé en deux royaumes) et le premier
des pharaons humains après le règne des suivants de Horus. Des témoignages archéologiques, comme la palette
de Narmer, semblent confirmer l'unification du pays aux alentours de -3200, mais les égyptologues pensent que
l'institution pharaonique pourrait lui être antérieure.
Le dernier pharaon autochtone est Nectanébo II (-358/-341) de la XXXe dynastie. Les empereurs romains
s’affirmeront les successeurs légitimes des pharaons, mais on s'accorde à dire que l'ultime représentant de
l'institution pharaonique proprement dite est le dernier Lagide, Césarion (Ptolémée XV), le fils de César et
Cléopâtre.
Chronologie
L’Egypte antique
36
La plus ancienne chronologie complète disponible fut établie par un prêtre égyptien hellénisé, Manéthon, à qui
Ptolémée II (-282/-246) avait demandé de rédiger en grec une histoire de l'Égypte. Son oeuvre suppose que les
Égyptiens conservaient dans les archives des temples des listes royales remontant aux origines de la monarchie
égyptienne.
Il en subsiste des abrégés fournissant une liste de rois classés en trente et une dynasties, regroupées de la période
thinite à la Basse Époque. Les critères de la classification de Manéthon ne nous sont pas connus, mais qu'en tout
état de cause il a compulsé des sources égyptiennes, encore que le concept de dynastie qu'il utilise ne
corresponde pas à celui que nous pratiquons en Occident. En effet, les dynasties de Manéthon n'ont aucun
rapport avec le lien du sang mais avec la ville dont est originaire le pharaon fondateur de la dynastie et qui sert,
dans la majorité des cas de capitale dynastique. On trouve donc principalement, tout au long de l'histoire
égyptienne des dynasties memphites (Ancien Empire), hérakléopolitaines (Première période intermédiaire),
thébaines (Moyen et Nouvel Empire), originaires d'Avaris (période Hyksôs pendant les XVe et XVIe dynasties),
tanites (Nouvel Empire et Troisième Période Intermédiaire).
Il existe aussi quelques chronologies contemporaines de l'Égypte pharaonique comme le papyrus de Turin, la
pierre de Palerme ou encore la liste de règne du temple d'Abydos datant de Séthi Ier. Cependant ces documents
sont a utiliser avec précaution car on ne connait pas les critères de choix ni de classement qui en sont à l'origine.
On remarque ainsi, que certains pharaons sont absent de la liste d'Abydos (Hatchepsout, Akhénaton et
Toutânkhamon notamment).
Dans les livres consacrés à l'Égypte ancienne, on peut trouver quelques différences dans les dates de règnes, dues
essentiellement à la méthode de datation utilisée par les anciens Égyptiens.
Les Égyptiens divisaient l’année en trois saisons : Inondation (Akhet), Germination (Peret) et Chaleur (Shemou),
suivies de cinq jours supplémentaires ou épagomènes. Chaque saison comptait quatre mois de trente jours
chacun. À l’origine, le début de l’Akhet coïncidait avec le lever héliaque de Sothis qui a lieu, d’après le
calendrier julien, le 19 juillet. Toutefois, étant donné que l’année solaire compte 365 jours et six heures – et non
365 jours -, cette différence de six heures entraîna un décalage croissant entre l’année civile et l’année solaire :
de telle sorte que la saison Akhet débuta à plusieurs reprises en hiver. Il s'y ajoute que les Égyptiens
n’employaient pas de datation absolue. Les événements étaient datés d’après les années de règne de pharaon, p.
ex. an 2, 3e mois de l’Akhet, 2e jour sous la Majesté du roi Untel.
Heureusement pour nous, tous les 1460 ans, le début de l’année civile égyptienne (le 19 juillet dans le calendrier
julien) coïncide avec le lever héliaque de Sothis, c’est-à-dire l’apparition de l’étoile au lever du soleil. Cette
coïncidence frappa les Égyptiens, qui la consignèrent, notamment en 139 de notre ère. Cette dernière date sert de
repère et permet ainsi une datation absolue des règnes : en l’an 9 d’Amenhotep Ier par exemple, il y eut aussi
coïncidence du début de l’année civile et du lever héliaque de Sothis ; l’an 7 correspondrait donc à -1545.
Il n’empêche que l’établissement d’une datation absolue constitue un vrai casse-tête pour les égyptologues : non
seulement, pour être exact, il faudra connaître le lieu de l'observation du lever héliaque de Sothis, mais encore,
au Moyen Empire, l'an 1 d'un roi correspondait au début l’année civile qui suivait son avènement ; au Nouvel
Empire l'an 2 du règne commençait 365 jours après le jour de l'avènement ; et enfin, à la Basse Époque, il
commençait le jour du lever héliaque de Sothis suivant l'avènement, l'an 1 du règne pouvant être ainsi réduit à
quelques jours.
Obs. : - L'orthographe des noms est différente selon que l'on translittère les hiéroglyphes ou que l'on utilise le
nom donné par les Grecs. Par exemple, le pharaon Amenhotep (nom transcrit de l'égyptien ancien) est identique
à Aménophis (nom grec). De plus, dans certains noms, il y a une antéposition honorifique du nom du dieu, mais
l'habitude fait que l'on conserve également le nom sans antéposition tel que connu des premiers égyptologues ;
ainsi, Raneb et Nebrê sont le même personnage, un roi de la IIe dynastie.
Liste des pharaons
Il est impossible de dresser une liste exacte des rois qui se sont succédé sur le trône d'Égypte durant 3000 ans,
tant les informations qui nous sont parvenues sont fragmentaires. De plus, il existe des différences
chronologiques entre les sources égyptiennes, ce qui explique pourquoi, dans les listes des souverains établies
par les égyptologues, certains règnes se chevauchent au lieu de se suivre. Pour finir, certaines périodes troubles
de l'histoire ont laissé des lacunes dans la chronologie, parfois volontaires, les Égyptiens ayant eu une conception
de l’historiographie différente de la nôtre.
Malgré cela, la plupart des pharaons, et, semble-t-il, les plus importants dans l'histoire pharaonique, nous sont
assez bien connus.
Les listes suivantes sont basées sur les Aegyptiaca de Manéthon, mises à jour par les découvertes récentes :
L’Egypte antique
•
les pharaons par ordre chronologique ;
•
les pharaons par ordre alphabétique.
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Légitimité du pharaon
Rê, le soleil de l'univers et des hommes sur terre, s'est retiré vers le ciel en laissant aux dieux la direction du
monde, puis à des rois semi-divins, et enfin à des monarques humains, les pharaons qui sont ses fils et
représentants sur terre.
Ce qui fonde la légitimité du pharaon, c'est l'ascendance divine. Selon la mythologie égyptienne, dans le corps du
pharaon coulerait un sang divin provenant de son ancêtre, le dieu Horus. La fonction pharaonique est donc de
droit divin, et elle se transmet par le sang.
C’est pourquoi l’héritier de la couronne doit être né de la Grande épouse royale. Étant elle-même d’ascendance
divine, elle permet au futur pharaon d’être, de par sa mère et de par son père, d’origine divine. S’il est issu d’une
concubine, il épouse sa demi-sœur née de la Grande épouse royale. La mythologie fournit d’ailleurs des
exemples d’inceste, avec Geb et Nout, ou encore Osiris et Isis. Dans le même ordre d’idées, on signalera certains
mariages consanguins entre pharaon et sa fille ou ses filles. De telles unions sont attestées notamment pour
Akhénaton et Ramsès II. C’est donc à la fois le souci d’assurer la légitimité de l’héritier du trône et la volonté de
souligner la nature divine de pharaon qui explique la prérogative royale de l’inceste, car c’est bien d’une
prérogative qu’il s’agit. En effet, il semblerait que les mariages entre frère et sœur soient rarement pratiqués par
le commun des mortels, bien que ces unions ne fassent l'objet d'aucune interdiction légale et que, dans la société
civile, les termes «frère» et «sœur», lorsqu’il s’agit d’une union, doivent être perçus au second degré, dans la
majorité des cas, comme termes d’affection.
Faute d'héritier mâle, ou quand le nouveau roi est encore un tout jeune enfant (Thoutmôsis III), la fonction peut
échoir à une femme de sang divin (Nitokris, Hatchepsout, Taousert) plutôt qu'à un homme qui ne le soit pas ; elle
en est donc dépositaire jusqu'à la transmission à son époux, ce qui ne signifie pas que la légitimité monarchique
repose uniquement sur le mariage avec une fille de sang.
Les lignées pharaoniques ne réussirent jamais à perdurer; elles furent régulièrement interrompues par des
envahisseurs ou par des coups d'État. Tel pharaon dont la légitimité était douteuse ou contestée pouvait légitimer
sa prise du pouvoir en faisant valoir qu'elle avait été voulue par la divinité. Le dieu marquait son choix par un
signe, une naissance prodigieuse (les rois de la Ve dynastie, Hatchepsout de la XVIIIe dynastie), un rêve de
l'heureux élu (Thoutmôsis IV) au pied du Grand Sphinx, ou un oracle (Horemheb, Alexandre le Grand).
Après trente années de règne, le pharaon fêtait son premier jubilé, la Fête-Sed, pour régénérer ses forces et
montrer au peuple qu'il était encore capable de gouverner le pays.
La naissance d'un pharaon
Représentée sur des hauts-reliefs du temple de Deir el-Bahari, la naissance divine de la future reine Hatchepsout
(XVIIIe dynastie) correspond à une théologie de la royauté fort importante qu'on retrouve plus tard pour
Amenhotep III (XVIIIe dynastie) et Ramsès II (XIXe dynastie). Quand Amon désire engendrer son futur héritier
terrestre, il s'adresse à Thot, le dieu de la connaissance, et en fait son éclaireur pour s'assurer que la reine
Ahmosis, épouse de Thoutmôsis Ier, soit digne de porter en son sein le futur pharaon. Puis Amon prend les traits
de l'actuel roi :
« Alors Amon, ce dieu magnifique, maître des trônes du Double Pays, se transforma et prit l'apparence de Sa
Majesté, le roi de Haute et de Basse-Égypte Âakhéperkarê (Thoutmosis Ier), époux de la reine. Il la trouva
comme elle dormait dans la beauté de son palais. »
L'accouplement divin intervient alors :
« Après qu'il l'eut approchée étroitement et qu'elle s'extasiait à contempler sa splendeur (nfrw=f) divine, voici
que l'amour d'Amon pénétra son corps. Le palais était inondé du parfum du dieu dont toutes les senteurs étaient
celles de Pount. (...) Paroles dites par Amon, maître des trônes du Double Pays : (...) Certes, Khene-met-imenHatchepsout (Rejeton d’Amon, Première des Nobles Dames) sera le nom de cette fille que j’ai placée dans ton
corps. Elle exercera cette bienfaisante royauté dans ce pays tout entier. »
Puis Amon donne à Khnoum, le potier divin, l'ordre de modeler l'enfant et son ka. Lorsque l'épouse royale
accouche de la future reine, elle est entourée d’une ennéade de divinités, disposées en trois rangées de trois.
L’enfant est présentée à Amon qui lui promet la royauté terrestre ; il en confie l'allaitement à Hathor, la nourrice
divine.
Notes
L’Egypte antique
1.
↑ Jacques Briend, Les pharaons dans la Bible. Pouvoir du roi, autorité de Dieu, in Le Monde de la
Bible, hors série automne 2006, p. 47
2. ↑ H. W. Helck, bande 2
3. ↑ K. Sethe, p. 33 : als Ganzes determiniert mit dem Zeichen des Hauses.
4. ↑ Genèse 12, Gn 12
5. ↑ Exode 2, Ex 2
6. ↑ 2 Rois 23, 2R 23
7. ↑ Jérémie 46, Jr 46
8. ↑ F. de Chantelouve, Tragédie de Pharaon (1574) ; Pierre de Ronsard, Sonnet pour Hélène (1578) ;
Théodore Agrippa d'Aubigné, Les Tragiques (1616) ; Jacques Bénigne Bossuet, Histoire Universelle
(1681) ; Ch. De Brosses, Du Culte des dieux fétiches (1760)
9. ↑ D’après Ch. Desroches Noblecourt, La reine mystérieuse, p. 134.
10. ↑ A. H. Gardiner, Egyptian Grammar, p. 74.
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