Dossier La prise en charge des patients atteints de mucoviscidose L

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Dossier
La prise en charge
des patients atteints
de mucoviscidose
L’expérience du centre de formation
et de traitement à domicile de l’enfant
(CFTDE)
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Marlène Clairicia , Isabelle Sermet-Gaudelus, Maryse Levret,
Gérard Lenoir
Centre de formation et de traitement à domicile de l’enfant. Hôpital Necker-Enfants Malades,
Paris 75015
Résumé
Il est important de faciliter le maintien à domicile des patients atteints de
maladie chronique. Pour cela, depuis la fin des années cinquante, des structures
d’hospitalisation à domicile (HAD) ont été mises en place. C’est en 1992 que
leur création a été officialisée par décret. Pour le patient, c’est un véritable
avantage en termes de qualité de vie, cependant il reste toujours tributaire d’une
tierce personne. En 1986 a été créé à l’hôpital Necker Enfants malades le Centre
de formation au traitement à domicile de l’enfant (CFTDE). Il a pour but
l’éducation thérapeutique du patient et de sa famille. Au terme de la formation,
le patient ou sa famille sont capables de pratiquer de façon autonome les soins
nécessaires pour sa pathologie, en toute sécurité. Le patient et sa famille
deviennent de véritables partenaires de soins. La sécurité est garantie par un
suivi régulier de l’équipe médicale, qui supervise l’évolution des acquis aux
différentes étapes de la maladie.
Mots clés : soins à domicile, mucoviscidose, éducation thérapeutique
L
mtp
Tirés à part : M. Clairicia
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orsque l’on est atteint d’une maladie chronique, le fait de venir à
l’hôpital rappelle inéluctablement son
statut de malade. La vie est rythmée
par les visites, et la vie sociale est plus
ou moins tronquée, mise entre parenthèses, le temps de l’hospitalisation.
Ceci induit des carences affectives,
une désocialisation du fait des coupures du milieu familial et de l’absentéisme scolaire répété lors des hospitalisations fréquentes ou de longue
durée, et un haut risque d’échec scolaire. Ainsi, ces enfants se trouvent
plus ou moins isolés ou ont essentiellement des relations avec des enfants
malades ou des personnes dans l’envi-
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ronnement hospitalier. Rester dans
son cadre familial, dans son environnement, avec ses proches, est à l’évidence bénéfique à l’enfant ainsi qu’à
la famille. Permettre aux patients de
poursuivre leur traitement à domicile,
surtout lorsqu’ils nécessitent des traitements répétés est souvent vécu
comme un soulagement.
Différents moyens permettent la
prise en charge des soins à domicile.
Le retour à domicile peut se faire soit
grâce à une hospitalisation à domicile,
soit dans le cadre de soins à domicile
par un cabinet de soins ou une infirmière libérale.
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C’est en octobre 1992 qu’un décret est promulgué,
définissant l’hospitalisation à domicile comme alternative
à l’hospitalisation traditionnelle. L’hospitalisation à domicile (HAD) est une structure qui met à disposition des
patients toutes les infrastructures pour la réalisation des
soins à domicile : matériel, produits, personnel médical et
paramédical formé aux soins pris en charge. La particularité de l’HAD est de coordonner au chevet du malade les
interventions de plusieurs professionnels, relevant de spécialités ou disciplines différentes et de prendre en charge
des actes complexes et fréquents, comme la chimiothérapie ambulatoire, les perfusions, la nutrition entérale ou
parentérale... De plus, la plupart des structures d’HAD
garantissent la permanence des soins. L’HAD assure des
prestations communément hospitalières ; on dit souvent
que c’est l’hôpital sans murs ou, plus justement, dont les
murs sont ceux du domicile du patient. De manière générale, des conventions sont passées avec les hôpitaux locaux. L’admission en hospitalisation à domicile se fait sur
prescription médicale, hospitalière ou émane d’un professionnel libéral. En 2002, on comptait 108 structures
d’HAD en France. Cependant, 33 départements ne comptaient aucune place d’hospitalisation à domicile. Deux
grosses structures d’HAD existantes en région parisienne
ont été créées à la fin des années 50 : 1957 pour l’HAD
AP-HP et 1958 pour Santé Service.
Les soins à domicile peuvent être aussi pris en charge
par des cabinets de soins libéraux ou un(e) infirmièr(e)
libéral(e). Certains cabinets de soins sont couplés avec des
services d’aides-soignantes à domicile, ce qui permet le
maintien à domicile de patients nécessitant « une prise en
charge rapprochée ». Les soins infirmiers sont tributaires
d’une prescription médicale, et répondent à une nomenclature des soins élaborée par le ministère de la Santé. Le
patient est toujours pris dans son environnement habituel.
Par contre, en ce qui concerne le matériel de soin, il
est soit amené par l’infirmière libérale, soit c’est le patient
qui se le procure chez son pharmacien de ville ou chez un
prestataire de service. Les produits médicamenteux sont
aussi récupérés par le patient chez son pharmacien de
ville, ou à la pharmacie hospitalière pour certains produits.
Au milieu des années 80, la prise en charge des soins
courants au domicile était habituellement effectuée par le
personnel libéral mais, dès lors qu’il s’agissait de soins de
haute technicité ou nécessitant un matériel spécifique, on
faisait appel à l’HAD. À cette époque, en région parisienne, il y avait peu de structures d’HAD capables de
prendre en charge des enfants à domicile. La raison principale était qu’il s’agissait d’enfants, et que les horaires des
perfusions étaient contraignants du fait des deux passages
de nuit, car l’HAD AP-HP ne prenait pas de soins entre
20 h 00 et 8 h 00 et faisait appel à des IDE libérales pour
les soins de nuit. De plus, les soins n’étaient pas rémunérés
à la hauteur de l’investissement que cela demandait.
Compte tenu de la lourdeur des soins, il n’était pas
évident de trouver un professionnel libéral qui pouvait
prendre en charge un patient dans les conditions optimales (horaires, temps de présence...). C’est pourquoi, a été
mise en place dès avril 1986 à l’hôpital Necker-Enfants
Malades une structure originale : le Centre de formation
au traitement à domicile de l’enfant (CFTDE). Ce service
est né de l’observation de plusieurs pédiatres qui avaient,
dans leur service, des enfants atteints de maladie chronique ou nécessitant des traitements au long cours. Le but
était que les soins soient réalisés par le patient ou sa
famille après une formation adaptée faite par une formatrice du CFTDE. Dans le souci de permettre aux enfants de
rester dans leur milieu familial, tout en assurant les soins
nécessaires à leur pathologie en toute sécurité, cette communauté de services s’est créée pour favoriser le retour à
domicile de ces enfants tout en permettant une certaine
autonomie de la famille par rapport à la maladie dont
souffre leur enfant, et aux soins nécessaires. Ainsi plusieurs pathologies, en plus de la mucoviscidose, sont
prises en charge au CFTDE : les maladies métaboliques,
les maladies du tube digestif nécessitant une nutrition
artificielle, le diabète, la nutrition entérale, les maladies de
l’hémoglobine, les déficits immunitaires primitifs, les hémophiles porteurs de chambre implantable, et plus récemment l’obésité.
Pourquoi proposer une telle prise
en charge dans la mucoviscidose ?
Pour chaque pathologie ou technique, il y a une formatrice chargée de l’éducation pour la prise en charge au
domicile de la maladie, et de ses traitements. Sept formatrices prennent en charge l’éducation du CFTDE : 2 diététiciennes pour les maladies métaboliques, 2 puéricultrices
pour le diabète, 1 infirmière pour la nutrition parentérale,
et 2 autres infirmières polyvalentes pour les autres pathologies.
Le but du CFTDE est en effet d’assurer l’éducation de la
famille pour une meilleure autonomie, ainsi qu’une formation concernant le traitement dont le patient aura besoin au domicile. Ainsi pour un retour serein à domicile, et
en toute sécurité, le patient et ou sa famille devient alors
un partenaire à part entière du soin. Permettre à ces
familles de poursuivre les soins à domicile, s’approprier la
connaissance de la maladie et savoir ce qu’il faut faire au
quotidien pour vivre avec, est fondamental. Le défi est
donc d’amener le patient et/ou sa famille à savoir réagir
face aux différents signes cliniques, pouvoir consulter au
moment adéquat, utiliser le système hospitalier à bon
escient, pratiquer les soins en toute sécurité, et, de ce fait,
ne pas se sentir toujours tributaire d’une tierce personne,
et pourvoir s’octroyer des déplacements même lors des
traitements.
Il est nécessaire de tenir compte des besoins des familles. Certaines familles ne se sentent pas capables de
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faire les soins et préfèrent l’intervention de professionnels.
Peu à peu, au fur à mesure des traitements, leurs craintes
s’estompent et elles formulent alors la demande d’une
formation.
En pédiatrie, l’interlocuteur privilégié est le parent. Les
besoins éducatifs sont tournés vers les besoins de l’enfant.
La formation réalisée au CFTDE est de deux types : une
formation initiale, puis un suivi de formation et de reprises
de formation. Dans un premier temps, on s’enquiert des
connaissances de la famille ou du patient sur la maladie et
ses mécanismes, ainsi que des questions que la famille et
ou l’enfant se pose sur ce sujet. On revoit avec la famille
les signes avant-coureurs d’une infection bronchique, ou
d’un trouble digestif, et quelle conduite à adopter devant
chaque situation. Les principaux soins où la participation
de la famille est requise sont l’aérosolthérapie et la nutrition entérale. Une formation des parents est systématiquement assurée sur plusieurs séances lors de l’initiation du
traitement. En ce qui concerne les perfusions, la formation
est réalisée, soit à la demande de la famille, soit sur
proposition de l’équipe soignante, de façon à assurer un
maximum de sécurité au domicile. À la fin de la formation,
l’intervenant doit être capable de faire le branchement et
le débranchement d’une perfusion sur chambre implantable et d’assurer le bon déroulement de la perfusion, et ceci
dans les règles d’une hygiène rigoureuse.
Lors de l’installation du traitement à domicile, l’infirmière formatrice se rend au domicile pour évaluer l’éducation faite à la famille, rencontrer et former, si elle intervient, l’infirmière libérale au protocole et au matériel. Ce
contact avec le personnel libéral est important car il
permet d’instaurer une continuité dans la prise en charge,
de façon à ce que la famille ne soit pas perdue mais aussi
que l’infirmière à domicile connaisse son interlocuteur
hospitalier et sache à qui s’adresser en cas de problème au
domicile. La visite est réitérée en cas de changement de
traitement (perfusion, nutrition entérale...) ou en cas de
nécessité de reprise de formation. La visite est capitale
pour maintenir un lien dynamique entre le domicile et
l’hôpital. Le fait d’être sur place permet de conseiller la
famille de façon plus efficace et adaptée, et d’enseigner à
l’infirmière certaines manipulations. Cela diminue le
stress de la famille, et évite que des mauvaises habitudes
ne s’installent. À domicile, la formatrice est disponible
pour la famille à 100 % et pour son IDE. Le contexte du
domicile favorise une écoute différente par la formatrice.
Les familles sont plus disponibles, ont plus de temps de
poser les questions qui les tracassent. La formatrice peut
ainsi répondre aux questions qui relèvent de sa compétence, et dirige la famille vers l’interlocuteur adéquat.
Lorsque c’est la famille qui pratique les soins, la formatrice
est bien évidemment présente lors des premiers soins et
intervient régulièrement au domicile pour vérifier la
bonne pratique.
Les autres missions de la formatrice du CFTDE sont
aussi l’organisation de toute la logistique pour le domicile :
– Contacter une infirmière libérale lors d’un traitement
par perfusion antibiotique, assurer la formation de celle-ci
si nécessaire ; elle propose à l’infirmière libérale de venir
rencontrer l’enfant lors de l’hospitalisation lorsque cela est
possible. Celle-ci, sous la responsabilité de la formatrice,
peut préparer le traitement de l’enfant et faire le branchement et le débranchement de la perfusion. Le CFTDE
organise depuis plusieurs années et plusieurs fois par an,
sous la forme de 4 demi-journées ou d’un week-end ; des
formations sur la mucoviscidose pour les infirmières libérales.
– Contacter un prestataire pour organiser la livraison
du matériel nécessaire au soin au domicile du patient.
– Faxer les ordonnances à la pharmacie de ville du
patient afin de s’assurer de la disponibilité des produits et
des matériels lors de la sortie du patient d’hospitalisation
ou lors du début du traitement à domicile.
La formatrice peut également aider à la prise en charge
scolaire de l’enfant nécessitant une attention particulière
en milieu scolaire. Elle se rend à la demande des familles
dans l’établissement pour la mise en place d’un projet
d’accueil individualisé.
Dans le même esprit de répondre aux questions des
parents sur les problèmes posés par la maladie, l’équipe
médicale soignante du CRCM de Necker et le CFTDE
organisent régulièrement des rencontres parents/
professionnels. Ces réunions, qui regroupent les professionnels en charge de la prise en charge des enfants à tous
les niveaux, répondent à une demande croissante des
parents et des patients. À chaque étape de l’évolution de
l’enfant, les parents souhaitent souvent être guidés au
mieux pour permettre à leur enfant de grandir dans de
bonnes conditions.
Hormis la formation, l’infirmière formatrice assure le
suivi général de l’enfant, elle assiste aux consultations
médicales régulières, aux hôpitaux de jour, et intervient
lors d’hospitalisations traditionnelles. C’est l’occasion de
proposer son aide aux familles, de diminuer les tracasseries quotidiennes, de favoriser une meilleure qualité de
vie... À chaque consultation, des objectifs d’éducation
sont repris, notamment la pratique des aérosols est revue
sur place, à l’instar des inhalothérapeutes anglo-saxons.
La création des CRCM a permis d’instituer le rôle des
infirmières coordinatrices, dont les missions sont analogues à celles des infirmières du CFTDE. À cet égard, la
structure du CFTDE a donné la possibilité aux formatrices
de jouer un rôle pionnier et d’assurer la formation d’un
certain nombre d’infirmières qui sont maintenant coordinatrices... Désormais, outre son rôle d’organisation des
soins, l’infirmière coordinatrice doit centrer son action sur
l’éducation thérapeutique des familles, dans le but de
mieux intégrer la maladie dans le quotidien et de favoriser
au maximum un traitement préventif.
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