Dossier La prise en charge des patients atteints de mucoviscidose L’expérience du centre de formation et de traitement à domicile de l’enfant (CFTDE) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Marlène Clairicia , Isabelle Sermet-Gaudelus, Maryse Levret, Gérard Lenoir Centre de formation et de traitement à domicile de l’enfant. Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris 75015 Résumé Il est important de faciliter le maintien à domicile des patients atteints de maladie chronique. Pour cela, depuis la fin des années cinquante, des structures d’hospitalisation à domicile (HAD) ont été mises en place. C’est en 1992 que leur création a été officialisée par décret. Pour le patient, c’est un véritable avantage en termes de qualité de vie, cependant il reste toujours tributaire d’une tierce personne. En 1986 a été créé à l’hôpital Necker Enfants malades le Centre de formation au traitement à domicile de l’enfant (CFTDE). Il a pour but l’éducation thérapeutique du patient et de sa famille. Au terme de la formation, le patient ou sa famille sont capables de pratiquer de façon autonome les soins nécessaires pour sa pathologie, en toute sécurité. Le patient et sa famille deviennent de véritables partenaires de soins. La sécurité est garantie par un suivi régulier de l’équipe médicale, qui supervise l’évolution des acquis aux différentes étapes de la maladie. Mots clés : soins à domicile, mucoviscidose, éducation thérapeutique L mtp Tirés à part : M. Clairicia 236 orsque l’on est atteint d’une maladie chronique, le fait de venir à l’hôpital rappelle inéluctablement son statut de malade. La vie est rythmée par les visites, et la vie sociale est plus ou moins tronquée, mise entre parenthèses, le temps de l’hospitalisation. Ceci induit des carences affectives, une désocialisation du fait des coupures du milieu familial et de l’absentéisme scolaire répété lors des hospitalisations fréquentes ou de longue durée, et un haut risque d’échec scolaire. Ainsi, ces enfants se trouvent plus ou moins isolés ou ont essentiellement des relations avec des enfants malades ou des personnes dans l’envi- mt pédiatrie, vol. 8, n° 3, mai-juin 2005 ronnement hospitalier. Rester dans son cadre familial, dans son environnement, avec ses proches, est à l’évidence bénéfique à l’enfant ainsi qu’à la famille. Permettre aux patients de poursuivre leur traitement à domicile, surtout lorsqu’ils nécessitent des traitements répétés est souvent vécu comme un soulagement. Différents moyens permettent la prise en charge des soins à domicile. Le retour à domicile peut se faire soit grâce à une hospitalisation à domicile, soit dans le cadre de soins à domicile par un cabinet de soins ou une infirmière libérale. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. C’est en octobre 1992 qu’un décret est promulgué, définissant l’hospitalisation à domicile comme alternative à l’hospitalisation traditionnelle. L’hospitalisation à domicile (HAD) est une structure qui met à disposition des patients toutes les infrastructures pour la réalisation des soins à domicile : matériel, produits, personnel médical et paramédical formé aux soins pris en charge. La particularité de l’HAD est de coordonner au chevet du malade les interventions de plusieurs professionnels, relevant de spécialités ou disciplines différentes et de prendre en charge des actes complexes et fréquents, comme la chimiothérapie ambulatoire, les perfusions, la nutrition entérale ou parentérale... De plus, la plupart des structures d’HAD garantissent la permanence des soins. L’HAD assure des prestations communément hospitalières ; on dit souvent que c’est l’hôpital sans murs ou, plus justement, dont les murs sont ceux du domicile du patient. De manière générale, des conventions sont passées avec les hôpitaux locaux. L’admission en hospitalisation à domicile se fait sur prescription médicale, hospitalière ou émane d’un professionnel libéral. En 2002, on comptait 108 structures d’HAD en France. Cependant, 33 départements ne comptaient aucune place d’hospitalisation à domicile. Deux grosses structures d’HAD existantes en région parisienne ont été créées à la fin des années 50 : 1957 pour l’HAD AP-HP et 1958 pour Santé Service. Les soins à domicile peuvent être aussi pris en charge par des cabinets de soins libéraux ou un(e) infirmièr(e) libéral(e). Certains cabinets de soins sont couplés avec des services d’aides-soignantes à domicile, ce qui permet le maintien à domicile de patients nécessitant « une prise en charge rapprochée ». Les soins infirmiers sont tributaires d’une prescription médicale, et répondent à une nomenclature des soins élaborée par le ministère de la Santé. Le patient est toujours pris dans son environnement habituel. Par contre, en ce qui concerne le matériel de soin, il est soit amené par l’infirmière libérale, soit c’est le patient qui se le procure chez son pharmacien de ville ou chez un prestataire de service. Les produits médicamenteux sont aussi récupérés par le patient chez son pharmacien de ville, ou à la pharmacie hospitalière pour certains produits. Au milieu des années 80, la prise en charge des soins courants au domicile était habituellement effectuée par le personnel libéral mais, dès lors qu’il s’agissait de soins de haute technicité ou nécessitant un matériel spécifique, on faisait appel à l’HAD. À cette époque, en région parisienne, il y avait peu de structures d’HAD capables de prendre en charge des enfants à domicile. La raison principale était qu’il s’agissait d’enfants, et que les horaires des perfusions étaient contraignants du fait des deux passages de nuit, car l’HAD AP-HP ne prenait pas de soins entre 20 h 00 et 8 h 00 et faisait appel à des IDE libérales pour les soins de nuit. De plus, les soins n’étaient pas rémunérés à la hauteur de l’investissement que cela demandait. Compte tenu de la lourdeur des soins, il n’était pas évident de trouver un professionnel libéral qui pouvait prendre en charge un patient dans les conditions optimales (horaires, temps de présence...). C’est pourquoi, a été mise en place dès avril 1986 à l’hôpital Necker-Enfants Malades une structure originale : le Centre de formation au traitement à domicile de l’enfant (CFTDE). Ce service est né de l’observation de plusieurs pédiatres qui avaient, dans leur service, des enfants atteints de maladie chronique ou nécessitant des traitements au long cours. Le but était que les soins soient réalisés par le patient ou sa famille après une formation adaptée faite par une formatrice du CFTDE. Dans le souci de permettre aux enfants de rester dans leur milieu familial, tout en assurant les soins nécessaires à leur pathologie en toute sécurité, cette communauté de services s’est créée pour favoriser le retour à domicile de ces enfants tout en permettant une certaine autonomie de la famille par rapport à la maladie dont souffre leur enfant, et aux soins nécessaires. Ainsi plusieurs pathologies, en plus de la mucoviscidose, sont prises en charge au CFTDE : les maladies métaboliques, les maladies du tube digestif nécessitant une nutrition artificielle, le diabète, la nutrition entérale, les maladies de l’hémoglobine, les déficits immunitaires primitifs, les hémophiles porteurs de chambre implantable, et plus récemment l’obésité. Pourquoi proposer une telle prise en charge dans la mucoviscidose ? Pour chaque pathologie ou technique, il y a une formatrice chargée de l’éducation pour la prise en charge au domicile de la maladie, et de ses traitements. Sept formatrices prennent en charge l’éducation du CFTDE : 2 diététiciennes pour les maladies métaboliques, 2 puéricultrices pour le diabète, 1 infirmière pour la nutrition parentérale, et 2 autres infirmières polyvalentes pour les autres pathologies. Le but du CFTDE est en effet d’assurer l’éducation de la famille pour une meilleure autonomie, ainsi qu’une formation concernant le traitement dont le patient aura besoin au domicile. Ainsi pour un retour serein à domicile, et en toute sécurité, le patient et ou sa famille devient alors un partenaire à part entière du soin. Permettre à ces familles de poursuivre les soins à domicile, s’approprier la connaissance de la maladie et savoir ce qu’il faut faire au quotidien pour vivre avec, est fondamental. Le défi est donc d’amener le patient et/ou sa famille à savoir réagir face aux différents signes cliniques, pouvoir consulter au moment adéquat, utiliser le système hospitalier à bon escient, pratiquer les soins en toute sécurité, et, de ce fait, ne pas se sentir toujours tributaire d’une tierce personne, et pourvoir s’octroyer des déplacements même lors des traitements. Il est nécessaire de tenir compte des besoins des familles. Certaines familles ne se sentent pas capables de mt pédiatrie, vol. 8, n° 3, mai-juin 2005 237 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. La prise en charge des patients atteints de mucoviscidose 238 faire les soins et préfèrent l’intervention de professionnels. Peu à peu, au fur à mesure des traitements, leurs craintes s’estompent et elles formulent alors la demande d’une formation. En pédiatrie, l’interlocuteur privilégié est le parent. Les besoins éducatifs sont tournés vers les besoins de l’enfant. La formation réalisée au CFTDE est de deux types : une formation initiale, puis un suivi de formation et de reprises de formation. Dans un premier temps, on s’enquiert des connaissances de la famille ou du patient sur la maladie et ses mécanismes, ainsi que des questions que la famille et ou l’enfant se pose sur ce sujet. On revoit avec la famille les signes avant-coureurs d’une infection bronchique, ou d’un trouble digestif, et quelle conduite à adopter devant chaque situation. Les principaux soins où la participation de la famille est requise sont l’aérosolthérapie et la nutrition entérale. Une formation des parents est systématiquement assurée sur plusieurs séances lors de l’initiation du traitement. En ce qui concerne les perfusions, la formation est réalisée, soit à la demande de la famille, soit sur proposition de l’équipe soignante, de façon à assurer un maximum de sécurité au domicile. À la fin de la formation, l’intervenant doit être capable de faire le branchement et le débranchement d’une perfusion sur chambre implantable et d’assurer le bon déroulement de la perfusion, et ceci dans les règles d’une hygiène rigoureuse. Lors de l’installation du traitement à domicile, l’infirmière formatrice se rend au domicile pour évaluer l’éducation faite à la famille, rencontrer et former, si elle intervient, l’infirmière libérale au protocole et au matériel. Ce contact avec le personnel libéral est important car il permet d’instaurer une continuité dans la prise en charge, de façon à ce que la famille ne soit pas perdue mais aussi que l’infirmière à domicile connaisse son interlocuteur hospitalier et sache à qui s’adresser en cas de problème au domicile. La visite est réitérée en cas de changement de traitement (perfusion, nutrition entérale...) ou en cas de nécessité de reprise de formation. La visite est capitale pour maintenir un lien dynamique entre le domicile et l’hôpital. Le fait d’être sur place permet de conseiller la famille de façon plus efficace et adaptée, et d’enseigner à l’infirmière certaines manipulations. Cela diminue le stress de la famille, et évite que des mauvaises habitudes ne s’installent. À domicile, la formatrice est disponible pour la famille à 100 % et pour son IDE. Le contexte du domicile favorise une écoute différente par la formatrice. Les familles sont plus disponibles, ont plus de temps de poser les questions qui les tracassent. La formatrice peut ainsi répondre aux questions qui relèvent de sa compétence, et dirige la famille vers l’interlocuteur adéquat. Lorsque c’est la famille qui pratique les soins, la formatrice est bien évidemment présente lors des premiers soins et intervient régulièrement au domicile pour vérifier la bonne pratique. Les autres missions de la formatrice du CFTDE sont aussi l’organisation de toute la logistique pour le domicile : – Contacter une infirmière libérale lors d’un traitement par perfusion antibiotique, assurer la formation de celle-ci si nécessaire ; elle propose à l’infirmière libérale de venir rencontrer l’enfant lors de l’hospitalisation lorsque cela est possible. Celle-ci, sous la responsabilité de la formatrice, peut préparer le traitement de l’enfant et faire le branchement et le débranchement de la perfusion. Le CFTDE organise depuis plusieurs années et plusieurs fois par an, sous la forme de 4 demi-journées ou d’un week-end ; des formations sur la mucoviscidose pour les infirmières libérales. – Contacter un prestataire pour organiser la livraison du matériel nécessaire au soin au domicile du patient. – Faxer les ordonnances à la pharmacie de ville du patient afin de s’assurer de la disponibilité des produits et des matériels lors de la sortie du patient d’hospitalisation ou lors du début du traitement à domicile. La formatrice peut également aider à la prise en charge scolaire de l’enfant nécessitant une attention particulière en milieu scolaire. Elle se rend à la demande des familles dans l’établissement pour la mise en place d’un projet d’accueil individualisé. Dans le même esprit de répondre aux questions des parents sur les problèmes posés par la maladie, l’équipe médicale soignante du CRCM de Necker et le CFTDE organisent régulièrement des rencontres parents/ professionnels. Ces réunions, qui regroupent les professionnels en charge de la prise en charge des enfants à tous les niveaux, répondent à une demande croissante des parents et des patients. À chaque étape de l’évolution de l’enfant, les parents souhaitent souvent être guidés au mieux pour permettre à leur enfant de grandir dans de bonnes conditions. Hormis la formation, l’infirmière formatrice assure le suivi général de l’enfant, elle assiste aux consultations médicales régulières, aux hôpitaux de jour, et intervient lors d’hospitalisations traditionnelles. C’est l’occasion de proposer son aide aux familles, de diminuer les tracasseries quotidiennes, de favoriser une meilleure qualité de vie... À chaque consultation, des objectifs d’éducation sont repris, notamment la pratique des aérosols est revue sur place, à l’instar des inhalothérapeutes anglo-saxons. La création des CRCM a permis d’instituer le rôle des infirmières coordinatrices, dont les missions sont analogues à celles des infirmières du CFTDE. À cet égard, la structure du CFTDE a donné la possibilité aux formatrices de jouer un rôle pionnier et d’assurer la formation d’un certain nombre d’infirmières qui sont maintenant coordinatrices... Désormais, outre son rôle d’organisation des soins, l’infirmière coordinatrice doit centrer son action sur l’éducation thérapeutique des familles, dans le but de mieux intégrer la maladie dans le quotidien et de favoriser au maximum un traitement préventif. mt pédiatrie, vol. 8, n° 3, mai-juin 2005