EN COUVERTURE Irak 6 000 ans d’Histoire Bagdad, fondée aux alentours de 760 par le calife Mansour, dans toute sa splendeur. Lithographie anonyme de 1900 ■ golfe Arabo-Persique s’enfonce alors d’une centaine de kilomètres au-delà de sa configuration actuelle, la cité d’Ourouk, où naquirent à la fois Gilgamesh et la première forme d’écriture, là où s’élaborèrent aussi les premier mythes connus de l’origine du monde. N’est-ce pas entre Tigre et Euphrate qu’est localisé l’Eden, ce premier jardin qui se rencontre dans la plupart des cultures sémitiques ? ’acte de naissance de l’Irak est, en apparence, aisé à extraire. Le pays doit son nom à la conquête arabe*, opérée par le deuxième calife, Omar, dans les années 637 à 642, de ce qui s’appelait encore la Mésopotamie. Il prend de la consistance, et exerce un rayonnement, lorsque Bagdad est fondée, à peu près de toutes pièces, entre 758 et 765 par un autre calife, Mansour, et que la cité devient la métropole de l’Islam, succédant ainsi à Damas. Même s’il attendra très longtemps avant d’être un Etat, l’Irak serait ainsi plus que millénaire, ce qui déjà n’est pas rien. Sauf que les bâtisseurs de Bagdad, pour se fournir en pierres, piochèrent dans les ruines voisines de Ctésiphon, qui, cent trente ans plus tôt, était la capitale du royaume perse des Sassanides, après avoir été parthe, et grecque encore auparavant, tout comme Séleucie, elle aussi toute proche au bord du Tigre, où s’était installé Séleucos, devenu prince de Babylonie lors du partage de l’empire d’Alexandre. C’est que Babylone non plus n’est pas loin, moins de 100 kilomètres au sud, là où le Tigre se rapproche le plus de l’Euphrate avant de le rejoindre, là où mourut le conquérant macédonien, où Cyrus le Grand, roi des Perses, en 539 avant notre ère, mit fin au royaume fondé dix-huit siècles plus tôt par Sargon Ier, illustré par Hammourabi le législateur et renouvelé par Nabuchodonosor, qui, en – 587, avait pris Jérusalem. Plus haut encore dans le temps, à la fin du IVe millénaire, aux confins de l’histoire et de la légende, voici, au pays de Sumer dans lequel le L Ecriture L’origine du mouvement chiite D’Our, en Chaldée, au sud, à Ninive, la grande ville d’Assyrie, au nord, où régnèrent Sennachérib et Assurbanipal, la Mésopotamie, lorsqu’elle devient l’Irak, est gorgée de mémoire fabuleuse, de noms fameux transmis dans le monde méditerranéen principalement par la Bible et les historiens grecs. La basse Mésopotamie, même s’il n’est pas sûr qu’elle ait été évangélisée par les apôtres Thomas et Barthélemy, compte très tôt de nombreuses communautés chrétiennes, que les conciles successifs comme les traditions locales vont souvent diviser en Eglises séparées. Ce n’est certes pas le glorieux passé mésopotamien qui conduisit Ali, gendre de Mahomet et quatrième calife, à transférer sa résidence de Médine à Kufa, tout près de Babylone désormais engloutie. Son assassinat dans cette ville en 661 donna définitivement naissance au mouvement chiite. C’est là, pour l’Irak musulman, le premier grand souvenir identitaire. Le deuxième est la mort à Kerbala de son fils Hussein, en octobre 680, sous les coups des soldats Sargon -3000 -2450 SUMÉRIENS Sennachérib Sargon II Hammourabi -2500 -3100 envoyés contre lui par le calife omeyyade de Damas. Pour les chiites, ce tragique anniversaire continue d’être l’objet d’une grande fête funèbre. L’Irak et la famille du Prophète eurent leur revanche lorsque le sunnite Aboul Abbas, qui sut se concilier les chiites, fut proclamé calife à Kufa en 750, arborant un étendard noir contre l’étendard vert des Omeyyades désormais déchus. Sous le nouveau califat, le centre de gravité de l’Islam se déplace vers l’est, où l’influence persane est prédominante. De fait, le nom de la capitale fondée par le deuxième calife abbasside est d’origine iranienne et signifie « donnée par Dieu ». A la fin du VIIIe siècle, sous le règne du petit-fils de Mansour, Haroun al-Rachid, le calife des « Mille et une nuits » et correspondant de Charlemagne, Bagdad, avec peut-être 1 million d’habitants, est la plus grande ville du monde. En dépit de nombreux soubresauts, son rayonnement demeure incomparable durant quatre siècles, grâce à ses activités commerciales florissantes, grâce aussi au brassage des idées, des croyances et des savoirs dont elle est le creuset : tandis que le calife Al-Mamoun, au début du IX e siècle, fonde un observatoire où les calculs ÿ -2000 -2250 AKKADIENS akg De Sumer à l’Irak moderne en passant par Babylone et les califes abbassides, l’ancienne Mésopotamie est l’un des berceaux de la civilisation. par laurent theis -1500 -1894 ROYAUMES BABYLONIENS (Ourouk, Our, Eridou, Lagash) Nabuchodonosor II Cyrus Alexandre -1000 -500 -1255 -612 ASSYRIENS (Ninive) Al-Mansour Chute de Ninive -539 0 -331 PERSES -129 GRECS 500 226 PARTHES Haroun al-Rachid Saladin 1000 632 SASSANIDES 1500 1258 ARABES Mandat britannique Soliman 2000 1534 MONGOLS / TURCS 1920 1932 EMPIRE OTTOMAN Les Sumériens Les Akkadiens Les Babyloniens Les Assyriens Les Parthes Les Arabes Les Mongols et les Turcs En 3500 av. J.-C., des populations non sémitiques arrivent sur les rives du Tigre et de l’Euphrate et donnent naissance à de petits Etats urbains indépendants. On leur doit l’écriture. La puissance d’Akkad commence vers 2450 av. J.-C. avec Sargon l’Ancien. Ils vont dominer la Babylonie et Sumer (métallurgie, bronze, commerce avec la vallée de l’Indus). Apogée sous Hammourabi (17921750 av. J.-C.). Babylone sera conquise par le Perse Cyrus (en 539 av. J.-C), puis par Alexandre le Grand, qui renverse les Perses et y meurt en 323 av. J.-C. Ils fondèrent un immense empire qui, à son apogée, sous Sargon II, comportait plus de 70 provinces. La splendeur de Ninive date de Sennachérib (705681 av. J. -C.). Peuple semi-nomade d’origine iranienne installé au sud-ouest de la mer Caspienne. Avec Mithridate Ier, leur puissance s’étend jusqu’en Babylonie. Ils seront renversés par les Sassanides en 226. En 750, le califat abbasside est établi en Irak. En 762, Al-Mansour décide de construire une nouvelle capitale, Bagdad. En 1258, les hordes mongoles de Houlagou prennent Bagdad. Elles seront chassées par les Turcs ottomans de Soliman le Magnifique. 88 | 21 mars 2003 | le point 1592 INDÉPENDANCE le point 1592 | 21 mars 2003 | 89