LES RHINO-SINUSITES CHRONIQUES Docteur Romain Guldmann, Service d’ORL et de Chirurgie cervico-faciale, Hôpital de Hautepierre OBJECTIFS Savoir poser le diagnostic de rhino-sinusite chronique et connaître ses différents types de présentation Connaître le bilan étiologique et son traitement médical de première intension Connaître les indications chirurgicales La rhinosinusite chronique est une entité clinique complexe regroupant les rhinosinusites allergiques saisonnières ou perannuelles, et les rhinosinusites non allergiques perannuelles. Les symptômes décrits par le patient sont les mêmes mais il est important de définir le terrain allergique afin de mieux cibler le bilan étiologique et le traitement. Ces rhinosinusites peuvent également masquer des pathologies de système ou plus simplement un asthme ou des infections dentaires qu’il convient de rechercher. La prise en charge est pluridisciplinaire et peut faire intervenir ORL, allergologue, pneumologue voire médecin interniste en fonction du tableau clinique. DIAGNOSTIC CLINIQUE Les signes physiques et fonctionnels qui vont être cités peuvent s’associer de manière variable, mais c’est surtout leur persistance au moins trois mois par an avec la persistance d’une gêne entre des épisodes de poussées aigues qui permettra de poser le diagnostic. La topographie, le rythme et les facteurs d’apparition et de disparition des symptômes permettront ensuite de guider le diagnostic étiologique. Rhinorrhée : antérieure ou postérieure (jetage postérieur), ces écoulement peuvent être aqueux ou franchement purulents. Obstruction nasale : inconstante, elle gêne souvent le sommeil et l’effort physique Douleur : céphalées ou pesanteur en regard des reliefs sinusiens, il est important de noter leur caractère uni- ou bilatéral et leur topographie. Troubles de l’odorat : dysosmie pouvant aller de l’hyposmie ou de la cacosmie à l’anosmie. Symptômes atopiques : prurit nasal ou oculaire, éternuements. Symptômes pharyngés : toux irritative, gène ou prurit pharyngé. L’examen clinique Il permet ensuite d’objectiver les plaintes du patient. L’appui des reliefs sinusiens permet un diagnostic topographie précis. La rhinoscopie antérieure éventuellement suivie d’une fibroscopie nasale permet d’observer un écoulement plus ou moins purulent issu d’un des méats sinusiens, d’observer une polypose avancée. Elle permet aussi de réaliser un bilan des malformations anatomiques nasales, comme une déviation ou une perforation septale. L’examen buccal permet d’objectiver un jetage postérieur ou une pharyngite associée. EXAMENS COMPLÉMENTAIRES Hormis le scanner sinusien, ils ne s’envisagent pas de manière systématique, mais guidés par l’interrogatoire et la suspicion étiologique. Imagerie Seul examen faisant partie intégrante de toutes les démarches étiologiques, le scanner sinusien est actuellement le gold standard. Il ne faut pour autant pas oublier les autres examens pouvant soit permettre une orientation rapide, soit permettre une recherche étiologique particulière. TDM sinusien ou Cone Beam sinusien Gold standard et à demander seul en première intension. Il n’est pas injecté, s’examine dans les 3 axes, en coupes millimétriques. Il permet d’objectiver la congestion des muqueuses rhino-sinusiennes, d’apprécier le comblement total ou partiel des différents sinus, de mettre en évidence une truffe aspergillaire, et permet un diagnostic des éventuelles malformations nasales associées. Il permet aussi d’observer une éventuelle étiologie dentaire (communication bucco-sinusienne, granulome apico-dentaire). Le développement actuel du Cone Beam permet d’obtenir dans les cabinets équipés des images équivalentes au scanner pour une exposition aux rayons X proche de celle d’une radiographie classique. Radiographie Des sinus : incidence de Blondeau : actuellement peu utilisé dans un cadre chronique, il peut tout de même permettre un diagnostic de surinfection et de corps étranger sinusien. Panoramique dentaire : en cas de symptômes localisés et d’antécédents de soins de racines, il peut être utile si l’accès au scanner est difficile. Bilan immuno-allergologique Particulièrement indiqué dans les rhinosinusites chroniques à forme œdémateuse, avec ou sans polypose, il comprend au minimum la réalisation de tests cutanés allergologiques, éventuellement complétés par le dosage des IgE spécifiques. Les tests de dépistage peuvent être indiqués en première intention. Souvent mise en avant, l’allergie est en fait rarement retrouvée. Bilan dentaire Une infection dentaire apicale doit être recherchée, surtout dans les formes unilatérales. La proximité des apex dentaires des cavités sinusiennes explique la fréquence relative de l’origine dentaire dans les rhinosinusites chroniques suppurées. Parfois, le passage de produit d’obturation dentaire dans la cavité sinusienne pérennise le phénomène et favorise les surinfections mycosiques. Autre De manière plus rare, on peut parfois être amené à réaliser : des prélèvements bactériologiques : en cas de sinusites suppuratives sans autres point d’appel étiologique. un bilan inflammatoire à la recherche de certaines maladies auto-immunes. Un bilan bronchique à la recherche d’hyperréactivité bronchique ou d’asthme. FORMES CLINIQUES TYPIQUES ET STRATÉGIES DE PRISE EN CHARGE Pansinusite chronique allergique L’allergène pouvant être saisonnier, domestique… Un bon interrogatoire suivi d’explorations immuno-allergiques adaptées doit permettre la définition de mesures d’évictions efficaces si une désensibilisation est impossible. Un antihistaminique pourra être rajouté au traitement classique. Le traitement est alors médical en première intension, et est à considérer à long terme, souvent à vie. Le traitement chirurgical peut s’envisager en cas de gêne importante malgré un traitement médical bien conduit. Sinusite chronique localisée La plupart du temps maxillaire, sa principale étiologie est dentaire, avec ou sans corps étranger sinusien, et avec ou sans présence d’aspergillose sinusienne. La rhinorrhée est en général purulente et le patient se plaint de cacosmie. L’imagerie puis le bilan dentaire et un traitement d’un éventuel granulome apical pourra permettre la résolution des symptômes s’il n’y a pas d’aspergillose sinusienne associée. En cas d’aspergillose sinusienne, un traitement chirurgical est indiqué. Dans tous ces cas, le traitement étiologique permet la résolution des symptômes. Sinusites chroniques infectieuses Se développant sur des terrains débilités, comme des déficits immunitaires, une mucovicidose ou une dyskinésie ciliaire, elles sont de traitement difficile et souvent décevant. Un prélèvement bactériologique peut être réalisé en vue d’antibiothérapies longues. Sinusites chroniques non allergiques et polypose Elles peuvent provenir d’intolérance médicamenteuse ou alimentaire, ou provoquées par des changements hormonaux (hypothyroïdie, grossesse par exemples). Il peut également s’agir d’une rhinite non allergique à éosinophiles (NARES). Représentant 15% des rhinites chroniques, la NARES atteint souvent des sujets jeunes, avec des symptômes bruyants et des surinfections fréquentes. Le scanner retrouvera une pansinusite dite oedémateuse, et un frottis de la muqueuse nasale retrouverait une hyperéosinophilie. On considère la NARES comme le stade débutant de la polypose nasosinusienne, pour laquelle la même prise en charge est proposée. Leur traitement est médical en première intension, et peut être chirurgical en cas d’échec d’un traitement local bien conduit associé à une corticothérapie per os. Rhino-sinusite vaso-motrice Diagnostic d’élimination après bilan étiologique complet, elles sont dues à une hyperréactivité sympathique ou parasympathiques. Elles sont de traitement difficile. Cas rares Une rhino-sinusite chronique peut cacher une maladie générale, en particulier une vascularite (maladie de Wegener), le symptôme principal étant alors la présence de croutes. Le diagnostic se pose par biopsie faite par l’ORL et la prise en charge et le traitement par le médecin interniste. TRAITEMENTS La philosophie de prise en charge des rhinosinusites chronique tient en deux points : toujours un traitement médical avant d’envisager un traitement chirurgical le but du traitement médical est de diminuer les phénomènes inflammatoires des muqueuses rhino-sinusiennes. Médicaux Désensibilisation Evidemment indiquée en cas d’étiologie allergique unique, elle se discute alors au cas par cas avec l’allergologue. Désinfection rhino-sinusiennes (solution saline par voie nasale) Pierre angulaire de tout traitement, son but principal est d’évacuer les croutes et autres sécrétions qui empêchent l’action des autres traitements. Son but secondaire est de diminuer l’obstruction nasale par son caractère hyper-osmotique. Les lavages sont à réaliser au moins trois fois par jour pendant au moins un mois. Ils ne sont pas remboursés et on retrouve la même efficacité avec une solution « maison » composée d’1L d’eau, d’1cc NaCl et 1cc HCO3-. Gluco-corticoïdes locaux intra-nasal Efficace sur l’obstruction nasale, pour diminuer l’inflammation et pour faire diminuer la taille d’éventuels polypes, ils sont indiqués dès le départ dans la plupart des traitements médicaux. Ils sont à envisager comme traitement au long court (au moins deux mois, parfois à vie), et il faut prévenir la patient qu’il ne ressentira un effet bénéfique du traitement qu’après un délai d’environ trois semaines. En fonction de la spécialité, ils sont à prendre une ou deux fois par jour, après la désinfection à la solution saline. Ils sont bien tolérés et ne présentent pas les effets généraux des corticothérapies prolongées. Gluco-corticoïdes systémiques Envisagés en cures courtes, ils sont indiqués pour démarrer un traitement lors de symptômes sévères, ou en cas de non efficacité d’un traitement local seul. Les doses recommandées sont alors de 50mg X 2 / jour pendant 14j en présence de polypes (avec mesures associées pour éviter des effets généraux), de 20mg X 2 / jour pendant 5 jours sans polypes. Ils sont administrés en association avec des antibiotiques. Antibiotiques Indiqués seulement en cas d’exacerbation aigue, en association aux corticoïdes, ou en préopératoire. Les traitements sont alors prolongés (minimum trois semaines) et les spécialités sont les mêmes qu’en cas de sinusite aigue. Le choix de la classe d’antibiotiques répond le plus souvent à une démarche probabiliste et doit se porter sur des molécules possédant un large spectre ainsi qu’une bonne diffusion locale. Les bêtalactamines (par exemple amoxicilline et acide clavulanique) ou la synergistine (pristinamycine) en cas d’allergie sont les plus couramment prescrites. De nouvelles molécules paraissent être des alternatives intéressantes (famille des kétolides et des nouvelles quinolones). Anti-histaminiques et/ou désensibilisation Indiqués en cas d’étiologie allergique. Les anti-histaminiques sont aussi à envisager au long court tant qu’il n’y a pas eu éviction de l’allergène. Crénothérapie Les cures thermales sont réellement bénéfiques en post-opératoire uniquement, et ne sont pas indiquées en dehors de ce cas. Les vasoconstricteurs locaux n’ont pas leur place dans le traitement de ces affections chroniques. Chirurgicaux En cas de sinusite chronique maxillaire unilatérale En cas d’origine dentaire sans sinusite aspergillaire associée, le traitement est dentaire avec l’avulsion de la ou des dents responsables des symptômes avec curetage d’un kyste apical. Un comblement d’une communication bucco-sinusienne accompagne le geste si besoin. En cas de sinusite aspergillaire avérée, une exérèse de la truffe aspergillaire doit être faite. Elle se réalise sous anesthésie générale, si possible par voie endonasale seule, l’intervention consistant en une large ouverture du sinus maxilaire dans la cavité nasale (méatotomie moyenne), avec lavage du sinus et ablation de la truffe. Si le geste ne peut être complet par cette voie, une ouverture du sinus sur sa face antérieure est réalisée pour compléter le geste, par abord buccal gingival (voie de Caldwell Luc). En cas de pansinusite chronique Une nasalisation complète des sinus maxillaires, ethmoïdaux et sphénoïdaux peut être réalisée par voie endonasale. Cette intervention s’appelle ethmoïdectomie totale. Elle est indiquée en cas de pansinusite chronique avec polypose naso-sinusienne et résistance à un traitement médical bien conduit avec une corticothérapie orale associée.