Fin de vie d`un patient, émotions de soignants : Jusqu`à la mort

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GRILLON Isabelle
IFSI Roger Prévôt de Moisselles
Promotion Septembre 2009 – Juillet 2012
UE 5.6 S6
Mémoire de fin d’étude pour le diplôme d’Etat Infirmier.
Fin de vie d’un patient, émotions de soignants :
Jusqu’à la mort, accompagnons la vie.
Directeur de mémoire : Madame Céline COUDRAY.
Note aux lecteurs
« Il s’agit d’un travail personnel effectué dans le cadre d’une scolarité à l’Institut de
Formation Roger Prévôt et il ne peut faire l’objet d’une publication en tout ou partie sans
l’accord de son auteur et de l’IFSI. »
Remerciements
Je souhaiterais d’abord remercier mon directeur de mémoire, Madame Céline COUDRAY, qui m’a
aidé tout au long de mon travail par ses conseils et explications pour l’élaboration de mon travail.
Je remercie également les cinq soignants m’ayant accordé leur temps si précieux afin de répondre à
mon questionnaire me permettant ainsi d’élaborer une partie de mon travail.
Je remercie enfin ma famille et ami(e)s pour tout leur soutien durant ces trois années de formation.
SOMMAIRE
•
Introduction.
Page 1
•
Situation d’appel et question de départ.
Pages 2 à 4
•
Cadre de référence.
Pages 5 à 25
1. La fin de vie : un accompagnement plus humain.
1.1. Définitions.
1 .2.Soins palliatifs.
1.3. Le patient en fin de vie.
2. Le soignant et ses émotions.
2.1. Définitions
2.2. Les différentes émotions.
2.3. Les mécanismes de défenses des soignants.
2.4. Les étapes du deuil.
3. 3. Patient/soignant : une relation particulière.
3.1. Définition relation soignant/soigné.
3.2. Les différents concepts.
•
•
•
Méthodologie de l’enquête exploratoire.
•
Explication du choix de l’outil utilisé.
•
Présentation de l’outil.
•
Explication du déroulement de l’enquête.
Analyse et résultat de l’enquête.
•
Contexte des lieux d’enquête et des soignants.
•
Les ressentis des soignants sur la mort et la fin de vie.
•
La gestion des émotions des soignants
Problématique.
Pages 26 à 27
Pages 28 à 40
Pages 41 à 42
•
Conclusion.
•
Bibliographie.
•
Annexes.
•
Page 43
Introduction.
Dans le cadre de ma formation en soins infirmiers il m’a été demandé de réaliser un mémoire de fin
d’étude en vue de l’obtention du diplôme d’état infirmier.
Lors de deux stages effectués au sein du service oncologie d’un hôpital et dans un lieu de vie, j’ai
été confrontée à plusieurs situations mettant en jeu les émotions des soignants et l’attachement aux
personnes en fin de vie.
Les émotions des soignants appartiennent à la face cachée du travail infirmier. La maîtrise de leurs
émotions est une obligation implicite : « L’infirmière doit savoir retenir discrètement ses émotions,
ne pas laisser paraître la peur, l’angoisse, le dégoût, la pitié. »
Cachées et peu évoquée, les émotions sont pourtant indispensables dans la relation avec le patient et
sa prise en charge.
Un témoignage d’un patient montre comment il perçoit le rôle de l’infirmière dans sa prise en
charge : « ce serait presque les yeux dans les yeux avec l’infirmière, on y puise à la fois la force de
tenir le coup, le courage aussi. Toute l’énergie dont on a besoin, on la puise dans leur regard ».
Mais tout soignant est un être humain, être d’émotions qui ne peut parfois les contenir suffisamment
pour ne pas les dissimuler. J’ai donc souhaité évoquer ce sujet sur lequel je m’interroge beaucoup
par rapport à l’attitude à adopter en tant que soignant face à nos émotions.
•
Situation d’appel et question de départ.
Durant le stage en oncologie, j’ai rencontré une patiente âgée de 60 ans. L’annonce de son
diagnostic s’est fait en ma présence : elle avait un cancer du pancréas. Elle était désemparée et en
larmes ; ses propres mots ont été : « je suis foutue ». Elle s’est confiée au médecin, à l’infirmier et à
moi-même. Une fois le médecin parti, l’infirmier a pris le temps d’écouter la patiente et a tenté de la
rassurer. Il m’a expliqué que ce genre de situation était fréquente et qu’il ne fallait pas qu’il se
laisse submerger par ses émotions : nous nous trouvons dans un service très difficile où chaque
situation peut provoquer de fortes émotions. Les mécanismes de défense tels que le transfert sont,
selon lui, souvent la source de moments de fragilité chez les soignants. Après 35 ans d’expérience
infirmier et 20 ans dans le service actuel, il a su trouver la juste distance entre les patients et lui. Il
intériorise ses émotions et arrive à ne pas les laisser transparaître devant la patiente. Pour ma part,
ne connaissant la patiente que depuis quelques minutes, j’ai été bouleversée de la voir dans un tel
état et de ne pas trouver les mots pour lui remonter le moral dans cette situation d’annonce très
difficile à accepter et à vivre pour elle. Ce fut ma première confrontation à une patiente ayant une
pathologie chronique et considérée comme une patiente en fin de vie. Je n’ai pas pris en charge
cette patiente par la suite.
Durant cette même période de stage, j’ai pris en charge pendant huit semaines une autre patiente
alitée : Mme K., atteinte d’un cancer du pancréas qui s’est ensuite généralisé, âgée de 62 ans. Elle
était très angoissée. La généralisation de son cancer lui a été annoncée lors de la cinquième semaine
de mon stage. Elle a plutôt « bien » réagi à cette annonce malgré son anxiété toujours présente. Je
m’entendais très bien avec cette patiente et je passais beaucoup de temps avec elle. Certains
membres du personnel écourtaient leur temps de passage avec elle : ils passaient moins de temps sur
les soins relationnels depuis qu’elle était au stade de « soins palliatifs ». Je me suis alors interrogée
sur cet éloignement envers la patiente. Est-ce que le fait de savoir que cette patiente est en fin de vie
ferait que certains membres du personnel s’éloignent pour se protéger de leurs ressentis ? Est-ce une
attitude que l’on observe souvent ?
Par la suite, j’ai eu une discussion avec une infirmière du service, portant sur les situations de fin de
vie difficiles à vivre en tant que professionnel de santé : à certains moments, elle a pu se sentir
capable de venir en aide aux familles et aux patients vivant cette situation, mais parfois « même les
soignants ne se sentent pas à la hauteur et laissent la main à d’autres collègues, car leurs émotions
sont trop fortes ou l’attachement au patient fait qu’il devient difficile pour le soignant de gérer la
famille et leur douleur liées au décès ou bien aux derniers jours du patient ». Les soignants ne sont
pas des robots, ce sont des êtres humains qui ont des émotions et qui malgré leur métier
d’infirmier(e) ont parfois des moments de peine qui ne peuvent pas être montrés aux patients ou à
leurs familles.
Lors d’un autre stage, en lieu de vie, j’ai pris en charge une patiente âgée de 88 ans. Elle était en
soin palliatifs. Suite à une compression médullaire au niveau de la moelle épinière ; celle-ci est
devenue tétraplégique. Elle disposait d’une minerve autour du cou car sa tête et son cou devait
absolument rester dans l’axe tête-tronc : elle pouvait décéder à tout moment si cela n’était pas
respecté. Elle était alitée, dépendante pour les soins de confort, l’alimentation, les transferts
lit/fauteuil avec l’aide d’un lève-malade, l’élimination urinaire (elle disposait d’une sonde urinaire)
et fécale. Du fait de son alitement et malgré la présence d’un matelas anti-escarre, des escarres se
sont formées au niveau du sacrum. Ces pansement était réalisés tous les jours ainsi que lors des
changes quand ceux-ci était souillés. A chaque changement de positions, transferts ou soins de
confort, 3 ou 4 personnels étaient réquisitionnés pour éviter tout risque au niveau de son cou.
Beaucoup de membres du personnel ont été aux petits soins pour cette patiente.
Elle est décédée lors de ma sixième semaine de stage, elle avait été hospitalisée la semaine
précédente pour altération de l’état général, tachycardie et dyspnée. Il m’a été difficile de la voir
partir à l’hôpital tout en sachant qu’elle ne reviendrait sûrement pas. De plus elle m’avait beaucoup
remercié de tout ce que j’ai pu faire pour elle. Beaucoup d’émotions ressenties dans ces momentslà se mélangent et il n’est pas évident de les contrôler. Lorsque l’on m’a annoncé son décès et lors
de la lecture d’une lettre écrite par son fils pour nous remercier, des images et souvenirs de Mme M.
me sont revenues en mémoire. La gorge serrée, les larmes aux yeux il me fallait vite me reprendre
car une situation telle que celle-ci ne serait sûrement pas la dernière à se produire.
Malgré la distance qu’on instaure entre le soigné et le soignant, une relation de confiance s’installe
et un attachement au patient est présent qu’on le souhaite ou non. C’est pourquoi il est difficile de
ne pas ressentir des émotions et de ne pas satisfaire les besoins de la personne au maximum quand
celle-ci est en fin de vie.
Les membres du personnel ont eux-mêmes été émus d’apprendre son décès, mais selon leurs dires :
« selon l’âge du patient la fin de vie, le décès est plus ou moins acceptable, si la personne est âgée et
avait le désir de partir comme Mme M. pour ne pas continuer à souffrir et constater sa dépendance
totale et s’en vouloir continuellement d’être dans cette situation, il est mieux pour elle que ses
souffrances cessent. »
Parfois nous ne souhaitons pas nous attacher aux patients pris en charge, surtout quand le pronostic
vital est engagé, par peur justement de mal réagir par rapport à nos émotions quand la personne sera
partie. Mais malgré tout, c’est la relation que l’on a avec eux qui reste le plus important.
Certains soignants adoptent-ils des mécanismes de défenses pour ne pas se laisser submerger par les
émotions ? Quelle distance faut-il vraiment avoir dans la prise en charge d’une personne en fin de
vie ? Pourquoi faut-il cacher nos émotions en tant que soignant ? Ce sont plusieurs questions que je
me pose en tant que futur professionnel de santé et ayant déjà vécu de près ou de loin des situations
éprouvantes à vivre en tant que soignant. Je trouve important et intéressant d’y trouver des réponses
qui pourront permettre de mieux affronter ces situations même si les émotions sont difficilement
contrôlables.
Après avoir vécu ces trois situations, je me suis donc alors demandé comment les émotions
ressenties par l’infirmière peuvent-elles influencer la prise en charge d’un patient en fin de vie ?
•
Cadre de référence.
1. La fin de vie : un accompagnement plus humain.
1.1. Définition.
Dans les dictionnaires courants, la mort est définie comme « l’arrêt complet et définitif des
fonctions respiratoires et circulatoires, c'est-à-dire des fonctions vitales de l’homme ». Pour
l’anthropologie, une autre vision de la mort impose l’idée d’un processus commencé bien avant que
l’événement ne survienne. En l’occurrence la maladie ou bien un accident : « La vie est un équilibre
fragile entre la naissance et la mort des cellules du corps, un lent processus de vieillissement qui
aboutit inexorablement à la mort de l’individu ».
L’être humain est capable d’anticiper l’idée qu’il doit mourir un jour et peut en faire l’objet
de discussions avec autrui et de réflexion à travers des écrits, tout en se trouvant dans un état de
bien-être physique et psychologique.
Nous allons voir plusieurs définitions évocatrices de la mort permettant de les distinguer.
1.1.1 – la mort biologique.
En biologie, la mort d'un être vivant est « l'arrêt irréversible des fonctions vitales : assimilation de
nutriments, respiration, fonctionnement du système nerveux central. Elle est suivie de la
décomposition de l'organisme mort sous l'action de bactéries ou de nécrophages. »
1.1.2 – La mort clinique.
C'est « la constatation par un médecin des premiers signes d'apparition de la mort ». Il constate la
disparition du regard qui devient fixe ainsi que la dilatation des pupilles. On peut parler de « mort
respiratoire que le médecin cherchait aux siècles derniers en mettant un miroir sur la bouche du
patient pour voir s'il y avait ou non formation de buée ».
1.1.3 – la mort administrative.
Il existe une définition officielle de la mort en France. Il s’agit de la Circulaire Jeannenay n° 27 du
24/04/1968 : « c’est la constatation des quatre signes fondamentaux : 1. abolition contrôlée de la
respiration spontanée 2. Abolition de toute activité des nerfs crâniens 3. Perte totale de l'état de
conscience, à l'exception des réflexes du tronc et des membres 4. Un électroencéphalogramme plat
pendant trois minutes ».
1.1.4 – la belle mort.
La belle mort est décrite par Catherine MERCADIER comme une mort qui « raccourcit au
maximum la trajectoire du mourir et protège l’entourage du spectacle d’une lente agonie ». Elle est
énoncée comme la mort dite « idéale » à l’hôpital.
1.1.5 – La bonne mort.
La bonne mort, est décrite comme « une mort préparée ». Cette mort-là n’est décrite que par les
situations provenant des services de soins palliatifs. Les patients se préparent à leur mort de façon
« sereine » et ne subissent pas d’acharnement thérapeutique mais au contraire dispose de temps
pour leurs familles, pour tout ce qu’ils souhaitent entreprendre avant de mourir.
Les soignants appréhendent les situations de fin de vie et la mort de façon beaucoup plus
sereine quand ils peuvent réaliser un véritable accompagnement, et voir mourir la personne avec
dignité, apaisée et surtout sans aucun acharnement thérapeutique. « Belle mort » et « bonne mort »
relèvent « d’un nouveau savoir-mourir » qui affecte de façon moindre les soignants ».
Après avoir décrit la mort en général et les différentes façons de considérer la mort selon les
situations, il est important d’évoquer la maladie car celle-ci, parfois visible ou non peut souvent
annoncer la fin de vie du patient.
1.1.6 – La maladie.
Selon le dictionnaire, le petit Larousse de la médecine la maladie est définie comme une :
« Altération de la santé d’un être vivant. Toute maladie se définit par une cause, des symptômes,
des signes cliniques, une évolution, un pronostic et un traitement ».
La maladie crée une différence entre le malade et une personne en bonne santé : « La maladie
stigmatise l’individu en ce sens qu’elle vient modifier la relation entre la personne malade et les
autres, entre les soignants et les soignés ». De plus, la visibilité de la maladie sur le corps annonce
parfois la mort prochaine : « Le malade glisse progressivement du statut de malade à celui de
mourant puis de mort, parfois même avant l’heure ».
1 .2.Soins palliatifs.
Afin de mieux connaître les différents lieux de prise en charge de patients en fin de vie, je
vais vous parler des soins palliatifs d’hier à aujourd’hui :
1.2.1 – Historique. (Annexe I)
Les soins palliatifs se sont développés dans un contexte de prise en charge de patients cancéreux
lorsque les traitements destinés à guérir ou à stabiliser la maladie n’étaient plus efficaces. Dès le
Moyen-âge, les Hôtel-Dieu hébergeaient les patients en fin de vie.
En 1967, Cicely SAUNDERS, infirmière, assistante sociale, puis médecin fonde le SaintChristopher’s Hospice de Londres où elle vise à améliorer la prise en charge du malade cancéreux
en institution mais aussi au domicile.
En 1987 : Ouverture de la première Unité de Soins Palliatifs à l’Hôpital International de la Cité
Universitaire à Paris, inaugurée en présence de François MITTERAND, président de la République.
En 1990 : Le premier Congrès européen de soins palliatifs est organisé à Paris, suivi de la création
de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (S.F.A.P.)
Le 9 juin 1999 : vote à l’unanimité par l’Assemblée Nationale du texte de loi visant à garantir le
droit d’accès aux soins palliatifs qui fait de la prise en charge palliative une obligation
réglementaire.
En Février 2002, création de la circulaire relative à l’organisation des soins palliatifs en
complément de la loi de juin 1999. Elle fixe les missions des différentes structures de soins
palliatifs, y compris les réseaux ville hôpital, les équipes à domicile et les lits identifiés de soins
palliatifs.
En 2007, les objectifs nationaux sont fixés à, au moins, un réseau par département, puis pour 400
000 habitants, une EMSP pour 200 000 habitants et 5 lits identifiés pour 100 000 habitants, ainsi
qu’une USP par pôle régional de cancérologie.
1.2.2 – Définition.
L’accompagnement vers la fin de vie est devenu un des objectifs principaux de la santé. Les soins
palliatifs sont enfin inscrits dans la loi comme un droit pour chaque patient. Les soins palliatifs sont
des soins particuliers destinés aux personnes qui doivent faire face à une maladie chronique en
phase terminale. Le mot « palliatif » signifie : « un traitement ou un remède qui vise à diminuer les
symptômes pénibles d’une maladie, sans agir sur la maladie elle-même ».
« On sait quel fut le rôle irremplaçable des infirmières et infirmiers pour faire avancer les choses,
eux qui en permanence étaient au contact direct des malades douloureux, mesuraient et
ressentaient ce que leur souffrance avait d’insupportable. Aujourd’hui, une évolution des
mentalités s’impose encore dans notre pays pour faire admettre l’idée que la mort est un passage
inéluctable, et qu’elle doit être entourée de soins spécifiques comme le fut la naissance ; en effet,
d’un bout à l’autre du parcours, c’est du même être qu’il s’agit. Dans la chaîne des soins continus,
après les soins curatifs, les soins palliatifs demandent une approche particulière, où l’écoute, la
présence attentive, requièrent une forme de disponibilité qui ne saurait exclure la compassion.
C’est une tâche certainement difficile mais où la part retrouvée de l’Humain enrichit celle ou celui
qui l’apporte ».
La SFAP (Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs) propose une définition des
soins palliatifs :
"Les soins palliatifs sont des soins actifs dans une approche globale de la personne atteinte d'une
maladie grave évolutive ou terminale. Leur objectif est de soulager les douleurs physiques ainsi
que les autres symptômes et de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et
spirituelle. Les soins palliatifs et l'accompagnement sont interdisciplinaires. Ils s'adressent au
malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches, à domicile ou en institution. Les soins
palliatifs et l'accompagnement considèrent le malade comme un être vivant et la mort comme un
processus naturel. Ceux qui les dispensent cherchent à éviter les investigations et les traitements
déraisonnables. Ils se refusent à provoquer intentionnellement la mort. Ils s'efforcent de préserver
la meilleure qualité de vie possible jusqu'au décès et proposent un soutien aux proches en deuil ».
Trop longtemps associés à la phase terminale d’une maladie, les soins palliatifs sont dans bien des
esprits synonymes d’abandon médical, d’échec thérapeutique. Il est donc important de rappeler la
corrélation entre soins palliatifs et soins curatifs. Les soins palliatifs sont complémentaires avec les
soins curatifs. Les soins à visée palliative sont présents dès le diagnostic de la phase d’incurabilité
de la maladie.
Le Dr Thérèse VANIER a exprimé : « Les soins palliatifs, c’est tout ce qu’il reste à faire lorsqu’il
n’y a plus rien à faire pour le malade et son entourage, non pas pour guérir, empêcher la mort ou
prolonger la vie, mais pour permettre au malade de mieux vivre le temps qui lui reste à vivre, c’està-dire la période qui s’écoule entre l’annonce du diagnostic et le moment où le malade meurt ».
Les soins palliatifs permettent donc de pouvoir répondre à tous les besoins d’un patient pris en
charge de manière holistique, dans l’ultime but d’assurer au patient une prise en charge de qualité et
de respect envers lui. Il est également important que le personnel soignant prennent en charge la
famille du patient en fin de vie, pour faire face au mieux à la situation vécue : « C’est également
aider la famille, tout au long de la maladie mais aussi au moment et après le décès, dans un travail
d’accompagnement et de soutien de deuil ».
Il s’agit de répondre à la souffrance entière du patient sans renier la mort. Il s’agit également de
redonner du sens à l’engagement des soignants qui eux-mêmes sont des êtres pleins d’émotions et
de compassion : «Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours.»
1.2.3 – Les différentes structures de soins palliatifs.
Plusieurs structures ont été créées pour la prise en charge des patients en fin de vie, dans le domaine
du soin palliatif.
•
Les Unités de Soins Palliatifs (U.S.P.)
Ce sont « des unités intégrées au sein d’hôpitaux, accueillant des patients dans le cadre d’une
hospitalisation conventionnelle. Elles offrent une prise en charge pluridisciplinaire, de la personne
malade et de son entourage. Elles assurent la prise en charge des fins de vie particulièrement
difficiles et le contrôle des symptômes rebelles. »
En d’autres termes l’unité de soin palliatif est un lieu où l’on vient vivre les derniers moments de sa
vie. Cela peut aller d’un jour à plusieurs mois et dans le service tout est mis en œuvre pour que les
malades et leurs familles vivent ce temps douloureux dans les meilleures conditions.
•
Les soins palliatifs intégrés dans le service d’hospitalisation : les lits identifiés.
« Ils sont l’aboutissement d’une réflexion et d’une formation de toute une équipe médicale et
soignante qui désire faire évoluer les attitudes et les comportements face à la mort. Privilégier la
qualité de vie, c’est adhérer à une philosophie de soins globalement plus humains. Ces lits sont
appelés “ lits identifiés ”. Les personnes accueillies peuvent venir du domicile ou d’autres
structures de soins ».
•
Les Équipes Mobiles de Soins Palliatifs (E.M.S.P.)
« Ce sont des regroupements de professionnels qui interviennent dans les services hospitaliers
et/ou au domicile quand on les sollicite. Elles vont aider les équipes à évaluer leur difficulté dans la
prise en charge de patients en soins palliatifs. Elles ont un rôle d’aide technique et thérapeutique,
de transmission de connaissances sur la prise en charge d’un patient en fin de vie, de relais auprès
de la personne malade et de son entourage en termes de soutien relationnel et de soutien direct aux
équipes. Elles interviennent auprès de patients atteints de pathologies diverses, quel que soit le lieu
où le patient se trouve, et coopèrent avec nombre d’équipes intra et extrahospitalières... Les
équipes mobiles facilitent la continuité des soins. L’idée directrice des équipes mobiles est de
diffuser la philosophie, les approches et les méthodes des soins palliatifs et d’inviter chaque service
à soigner jusqu’au bout les malades incurables afin d’éviter une rupture dans les soins en leur
apportant avis, soutien, formation. »
•
Les soins palliatifs au domicile du patient
Certains patients peuvent selon leur choix et selon leur environnement, rester à leur domicile. Les
patients sont pris en charge par leur médecin traitant et du personnel soignant libéral. Quand la
charge de soins devient trop considérable, les équipes d’hospitalisation à domicile (l’HAD) ou bien
l’équipe mobile de soins palliatifs peuvent venir en aide pour faciliter le maintien à domicile de ces
patients.
1.2.4 – Législation : textes de lois en rapport avec les soins palliatifs.
Plusieurs textes de lois parlent des droits des patients en fin de vie :
1.2.4.1 – La charte des droits des Mourants.
La charte des droits des Mourants (Annexe II) a été créée en 1976, par le Conseil de
l’Europe. Le conseil de l’Europe a pour principe de respecter et protéger la dignité des
Hommes, et pour cette charte principalement des patients en fin de vie.
Cette charte regroupe plusieurs thèmes concernant leurs droits. Les principaux sont :
•
être respecté jusqu’à la fin de sa vie et même au-delà en étant accompagné avec dignité et
compassion.
•
être informé de l’évolution de sa maladie et des soins et ainsi pouvoir participer aux
décisions.
•
Pouvoir exprimer ses émotions et être écouté en toute liberté et de venir en aide aux patients
mais aussi aux familles des patients en fin de vie.
1.2.4.2 – Article R4311-2 du code de la santé publique relatif aux actes professionnels.
Article R4311-2 : « Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité
technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l’évolution
des sciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne, dans le
souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses
composantes physiologiques, psychologique, économique, sociale et culturelle :
5 – de participer à la prévention, à l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse
physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs, et
d’accompagner, en tant que de besoin, leur entourage. »
Cet article qui fait partie des actes professionnels du personnel infirmier met donc en évidence le
respect envers les patients en fin de vie, de prendre en charge la douleur de façon à ce que les
patients ne vivent pas leurs derniers jours dans la douleur et l’abandon. L’accompagnement doit être
la priorité dans ces situations.
1.2.4.3 – Le code de la santé publique.
Le Code de la Santé Publique modifié par la loi du 22 avril 2005 intitulée "Loi relative aux droits
des malades et à la fin de vie" (annexe III) précise les droits des patients de faire respecter leurs
volontés. Le code de la santé publique fut réajusté au fur et à mesure à partir de ces lois :
•
La loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs.
•
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
•
La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, intégrées au code de
la santé publique, ont conféré aux malades un certain nombre de droits.
•
Droit au respect de la dignité de la personne malade (article L. 1110-2)
1.3. Le patient en fin de vie.
1.3.1 – les étapes de la fin de vie : de l’annonce à la mort.
À l'annonce de la maladie grave : c’est un véritable choc. Il y a une confrontation à une réalité
difficile à intégrer. Il faut du temps pour que l'information soit reçue. Il ya tout d’abord une période
avec alternance d'espoir et de désespoir.
Ensuite vient la phase palliative avec l'échec des
traitements, qui amène à la prise de conscience de ce qui attend le patient avec ce que cela
représente : séparations et pertes.
Elisabeth Kübler-Ross a décrit cinq stades traversés par le malade depuis l’annonce du diagnostic
de sa maladie jusqu’à l’acceptation de celle-ci :
• La dénégation ;
• L'agressivité, la révolte, la colère ;
• Le marchandage ou la négociation ;
• La dépression ;
• L'acceptation.
1.3. 2 – les émotions du patient.
En fin de vie, les émotions sont des réponses d’adaptation de forte intensité. Ces émotions sont les
suivantes : la tristesse, la colère, la honte, la peur, l’anxiété, l’angoisse, le sentiment d’impuissance,
le sentiment de solitude.
Pour aider la personne en fin de vie à faire face à ses émotions et à sa situation, les soignants se
doivent de les prendre en compte. Ils doivent prendre en charge la douleur et ses symptômes décrit
par le patient ; être à l’écoute et empathique pour le patient mais aussi pour son entourage, le patient
doit se sentir prise en charge de façon holistique par toute l’équipe pluridisciplinaire s’occupant de
lui.
1.3.3 – les mécanismes de défenses des patients.
Nous allons voir dans les mécanismes de défenses chez le patient que nous retrouvons les étapes de
la fin de vie citées auparavant. Mais d’abord il est important de faire un rappel sur la signification et
le rôle des mécanismes de défenses.
La personne confrontée à la maladie va réagir parfois de façon brutale ou bien agir de façon neutre,
fuyant ainsi la réalité en montrant une relativité qui n’est pas sincère. En réalité la personne va
chercher « à se protéger en mettant en place des mécanismes de défenses. Ces mécanismes de
défense sont des phénomènes normaux et protecteurs de la continuité de la vie psychique ». Ils
permettent à la personne de faire face à une situation insoutenable pour elle. Ils sont nécessaires à la
personne pour lutter contre l’angoisse ou pour pouvoir l’éviter ou bien la supprimer.
E.Kübler-Ross décrit dans les derniers instants de la vie, des étapes réactionnelles à la prise de
conscience de l’issue fatale de la maladie :
•
Le refus :
La première réaction lors de l’issue fatale de leur maladie est de dire : « non, pas moi, ce ne peut
pas être vrai ». C’est pour se protéger que la personne va dans un premier temps mettre en place ce
mécanisme : la personne dénie totalement la réalité. Réagir par le refus dans un premier temps est
plutôt une réaction compréhensible. Elle va permettre d’amortir la violence du choc de l’annonce et
d’intégrer progressivement les multiples conséquences que la maladie entraîne pour la personne.
•
L’irritation
Si le déni nous met mal à l’aise, la réaction qui nous est le plus souvent difficile à voir en tant que
soignant est souvent celle de l’irritation, de la mauvaise humeur, voir de l’agressivité de certains
patients. E.Kübler-Ross dit que « l’étape de l’irritation est très difficile à assumer du point de vue
de la famille et du personnel soignant. La raison en est que cette irritation est projetée dans toutes
les directions, sur tout l’entourage, bien souvent au hasard. » Nous pouvons comprendre que le
patient souffre. Mais quand il nous fait mal, à nous qui cherchons à le soigner, quand il nous blesse
à notre tour, il est difficile de l’accepter. Parfois oubliant le risque de répondre à l’agression par
l’agression. Alors comment accueillir ces émotions et cette souffrance qui les déborde et nous
dépasse ? Comment respecter l’expression de l’angoisse et de la révolte, cette façon de montrer
leurs émotions dans une situation d’injustice tout en gérant nos propres émotions en tant que
soignant ?
Souvent c’est le partage de ces difficultés en équipe qui vont permettre d’orienter la prise en charge
du patient sur sa détresse masquée par ce mécanisme.
•
Le marchandage
Après avoir été en colère contre les gens et contre Dieu, ils arrivent parfois que les patients en
vienne à imaginer qu’il réagira peut être plus favorablement si on le lui demande gentiment. « Le
marchandage est en réalité une tentative de retarder les événements. Il doit inclure une prime
offerte pour bonne conduite et impose aussi une limite irrévocable et comporte la promesse
implicite que le malade ne demandera rien de plus si le délai requis est accordé. »
•
La dépression
Le patient après avoir pris conscience de sa maladie et de sa situation de fin de vie, va prendre
conscience de toutes les pertes et de tout l’effondrement de ses espoirs. La perte du statut social, la
perte du travail, le bouleversement des rôles familiaux, la perte de son environnement habituel, la
perte de ses proches, l’altération de son corps : « être soumis à un rythme de vie qui n’est pas le
sien ».
•
L’acceptation (ou la résignation)
Il ne s’agit pas forcément d’une étape heureuse. Mais le patient a trouvé une certaine paix. Il désire
être seul, ou moins dérangé. « C’est en quelque sorte le repos final avant le long voyage. » Tous les
patients ne traversent pas forcément cette étape. D’autres patients prennent appui sur l’épreuve qu’il
endure : Certains souhaitent créer une association d’entraide, d’autres se consacre à d’autres
malades plus démunis ou rédigent un livre sur leur propre histoire permettant de faire apparaître une
issue heureuse, celle d’exister à travers l’écrit. C’est finalement faire quelque chose de sa maladie
mais ce n’est pas forcément pour autant l’accepter totalement.
2. Le soignant et ses émotions.
2.1. Définitions.
2.1.1 – Le soignant.
Les soignants sont les témoins de souffrance des patients dûes à la maladie. Leurs actes et
leurs attitudes ont pour principal objectif d’atténuer le traumatisme suscité par l’annonce ou
l’évolution de la maladie. À l’approche de la mort, leur approche holistique et leur fonction
accompagnante devient utile et nécessaire. Leurs soins techniques sont aussi relationnels et
éducatifs permettant de soulager, protéger et maintenir le patient au mieux. De plus, les soins
d’hygiènes invitent à la relation de confiance et à la complicité entre le soignant et le soigné : « La
main soignante, ajustée par la compétence, est expression de la sensibilité émotionnelle et de
l’altruisme du soignant ».
2.1.2 – Les émotions.
Daniel GOLEMAN, dans son livre L’intelligence émotionnelle « désigne par émotion à la fois un
sentiment et les pensées, les états psychologiques et biologiques particuliers, ainsi que la gamme de
tendances à l’action qu’elle suscite. Il existe des centaines d’émotions, avec leurs combinaisons,
variantes. Leurs nuances sont en fait si nombreuses que nous n’avons pas assez de mots pour les
désigner ».
On peut alors dire qu’une émotion est l’expression d’un état psychologique d’un individu, à un
moment donné et dans une situation particulière.
2.2. Les différentes émotions.
2.2.1 – Les types émotions.
Mr Paul Ekman à déduit sept émotions universelles et les expressions du visage leur correspondant :
la joie, la peur, la tristesse, dégout, le mépris, la surprise, la colère.
Nos émotions nous permettent d’être à l’écoute de notre environnement et de nous y adapter mais
parfois elles peuvent nous causer certains ennuis lorsque nous avons des réactions émotionnelles
inappropriées. Par exemple, nous ressentons la bonne émotion mais nous ne l’exprimons pas : Etre
en colère mais ne rien dire, Etre triste mais tout faire pour ne pas le montrer. Nos émotions sont le
reflet de notre état d’esprit selon la situation ou le moment vécu, malgré les réactions diverses, les
émotions sont ressenties et parfois nous trahissent.
2.2.2 – La neutralité des émotions par les soignants.
La neutralité émotionnelle est préservée grâce à la façon dont les soignants évoquent leur vision des
situations vécues ainsi que leurs ressentis, affects : « ils utilisent un vocabulaire sage, proche de la
neutralité, comme s’ils prenaient les mots avec des pincettes ». Pour les soignants c’est une façon
de transmettre des informations tout en restant neutre, sans donner d’avis, de jugement ni montrer
des émotions pouvant déstabiliser.
Un soignant décrit une patiente en ces termes : « cette patiente avait des poches de colostomie,
elle était oedémaciée, elle avait une alopécie, elle avait trente ans. » Il aurait pu dire qu’elle que «
les excréments sortait sur son ventre, qu’elle était bouffie et chauve ». Seuls les mots employés pour
le décrire changent. La description du soignant est faite en termes cliniques, l’autre utilise un
vocabulaire cru. Cette deuxième manière de procéder à la description plonge brutalement le
lecteur ou l’auditeur dans la réalité, sans qu’il puisse faire l’économie d’une émotion spécifique ;
telle que le dégoût ou la peur, en se représentant mentalement la scène ; la première est une
description professionnelle qui éloigne toute dimension affectuelle. »
Les termes choisis contribuent à mettre une distance entre le patient et le corps malade de ce
patient. « Ainsi, les infirmières ne parlent pas de la plaie mais du pansement : « le pansement a
coulé », « le pansement n’a pas saigné ». Ce sont des expressions couramment utilisées. De même,
lorsqu’ils expriment leur vécu dans des différentes situations de soins, les soignants décrivent
toutes leurs sensations d’une manière feutrée. »
2.2.3– La gestion des émotions des soignants.
Toutes ces figures de corps malades suscitent chez les soignants des émotions diverses, mais
toujours intenses. Cependant le soignant maîtrise ses émotions afin de ne pas provoquer celles du
patient. Il les maîtrise pour lui-même dans le but de ne pas se laisser submerger par les émotions. «
L’infirmière domine ses réactions pour ne pas inquiéter le malade. »
Mais le soignant peut, malgré les efforts, montrer une expression de son visage qui peut trahir sa
maîtrise des émotions : « on ne peut pas toujours maîtriser une moue, un reniflement. »
« C’est aussi pour lui-même que le soignant cherche à se maîtriser. En maîtrisant ses
réactions, l’infirmière canalise la situation, ne la laisse pas prendre des proportions qui
entraîneraient un envahissement émotionnel débordant »
La gestion des émotions peut se faire par la parole que ce soit avec le patient « la parole a une
efficacité sur les deux membres de l’interaction : elle rassure et apaise à la fois l’infirmière et le
patient » mais aussi et surtout avec les collègues : « Quand parler avec le patient ne suffit pas à
éloigner l’émotion que sa vision et son contact suscitent, parler avec les collègues semble
beaucoup plus efficace » ; « Ces relations souvent intenses émotionnellement (é) puisent leur
énergie ; c’est pourquoi le besoin d’être soutenu au sein de l’équipe est plus important. »
2.3. Les mécanismes de défenses.
Tout comme les patients, les soignants ressentent des émotions. Les mécanismes de défenses
permettent pour eux de se protéger contre leurs émotions et les situations difficiles rencontrées. «
Toute situation d’angoisse, d’impuissance, de malaise, d’incapacité à répondre à ses propres
espérances ou à l’attente d’autrui, engendre en chacun de nous des mécanismes psychiques qui
s’instaurant à notre insu, nous préservent d’une réalité vécue comme intolérable parce que trop
douloureuse. Ces mécanismes de défense, fréquents, automatique et inconscients, ont pour but de
réduire les tensions et l’angoisse dans les situations de crise et d’appréhension extrême. »
Différentes réactions sont possibles de la part des soignants envers un patient en fin de vie.
(Des exemples de ces mécanismes de défenses sont visibles dans l’annexe IV.)
•
Le mensonge :
Il s’agit du mécanisme causant le plus de dommages. C’est dire qu’il s’agit d’un polype au lieu d’un
cancer du sein, d’une anémie au lieu d’une leucémie, d’une hépatite au lieu d’un cancer du foie.
Pourquoi ? Au départ pour protéger le malade, pour gagner du temps ou reporter l’angoisse. Le
problème est que cette réaction coupe tout dialogue autour de la maladie et rompt la relation de
confiance. Et donne des effets pervers d’un choc de la découverte de la réalité plus tard, parfois par
hasard et sans préparation.
•
La banalisation :
C’est prendre en charge la maladie avant le malade. Il permet une prise de distance en maintenant
l’action sur un domaine concret, connu et maîtrisé. Exemple : le patient qui sonne « sans raison »
puisqu’il n’a ni mal ni faim ni soif.
•
L’esquive :
Sans banaliser ni mentir, on peut parfois rester « hors sujet » pour éluder l’angoisse contenues dans
les perches tendues par le malade.
•
La fausse réassurance :
Ce mécanisme consiste à optimiser les résultats et entretenir chez le malade un espoir artificiel alors
que le malade n’y croit plus.
•
La rationalisation :
Ce mécanisme permet de donner toute la vérité, toutes les informations mais dans le langage
médical. Ceci permet souvent d’éviter ainsi de mettre de l’émotion dans le discours mais il ne
permet pas au patient de comprendre, ni d’intégrer les informations reçues. Ceci peut provoquer de
l’angoisse sans donner les moyens pour mieux l’affronter.
•
L’évitement :
C’est la fuite du patient (ne plus entrer dans la chambre) ou de la conversation avec lui (entrer,
regarder le dossier, parler aux infirmières en ce qui concerne le médecin ; parler au dessus du lit à la
collègue, distribuer les médicaments sans un regard pour les patients) c’est la fuite de la dimension
relationnelle.
•
La dérision :
Ce mécanisme consiste à minimiser, à prendre de la distance aux dépens du patient sur un mode
ironique. Ce mécanisme est souvent lié aux situations de lassitude, à une banalisation de la
souffrance quotidienne à laquelle est confronté le soignant.
•
L’identification projective.
C’est l’opposé de la banalisation. C’est la tentative du soignant de dissoudre la distance par une
prise en charge active et globale. Mais en réalité, le soignant attribue à l’autre certains traits de luimême, se substitue au malade, lui prête ses sentiments, ses pensées, ses émotions. C’est projeter nos
propres souhaits chez l’autre.
Si la maladie est liée à l’angoisse de la mort, les patients ne sont donc pas les seules à le
ressentir. Les soignants ressentent les émotions des patients et doivent faire face à leurs propres
émotions. Ces mécanismes de défenses sont « des filtres pour atténuer la violence et le
traumatisme de la réalité et pour neutraliser ainsi l’anxiété et le désarroi. »
Cependant les
processus défensifs utilisés pour chacun d’entre nous sont différents selon la personnalité de
chacun.
2.4. Les étapes du deuil.
Le deuil est le résultat de nombreuses émotions que l’on ressent lors de la perte d’un être cher ;
Sigmund Freud décrit le deuil comme « une réaction du à la perte d’une personne que l’on aime »
Le « travail de deuil » s’accomplit en plusieurs étapes, n’étant pas forcément dans l’ordre décrit,
plus ou moins intenses selon la personne.
La première étape est la phase de choc qui survient à la suite de l’annonce du décès. Elle est souvent
accompagnée de réactions somatiques mais aussi de cris, pleurs, colère.
La deuxième étape est la phase de déni : « je n’y crois pas, ce n’est pas possible, ce n’est pas vrai. »
La troisième étape est la phase de protestation : il faut trouver un responsable. Certaines personnes
culpabilisent durant cette phase « je n’aurais jamais dû…, c’est de ma faute s’il est mort. »
La quatrième étape est la phase dépressive, plus ou moins longue. Période de souffrance intense. Un
isolement, un manque d’appétit, une asthénie, un sentiment de dévalorisation et de culpabilité
s’installent. Parfois des idées suicidaires, trouble du sommeil peuvent apparaître. Le travail de deuil
« peut être long et difficile mais il est nécessaire. Il permet au vivant de se détacher
progressivement du mort, afin de revenir à la vie, de reprendre sa place au sein de la société ».
Les soignants ont aussi besoin de temps pour faire le deuil, et cela est lié à des situations
d’accompagnements des familles qui peuvent être très difficiles mais aussi à la multiplication des
décès dans certains services.
Les étapes du deuil sont donc les mêmes que ce soit pour les proches et les soignants, cependant, le
deuil se fait plus ou moins rapidement pour les soignants. La relation est différente entre le patient
et sa famille et le patient et le soignant, mais parfois le soignant ayant eu une relation de confiance
et un accompagnement proche du patient, peut être affecté de la même manière que la famille.
Certains auront besoin de se confier pour libérer le mal qui le touche, le fait de ressentir ses
émotions et d’être affecté alors que le statut de soignant, le fait de mettre la blouse blanche, nous
met en condition pour éviter d’être confronté à ses émotions et de se sentir dépassé face à ses
émotions.
3. Patient/soignant : une relation particulière.
3.1. Définition relation soignant/soigné.
Tout être humain a besoin d’attention, de tendresse. Surtout d’un regard, d’une émotion, d’une
parole, d’un sourire qui témoigne de l’attention portée à l’autre. Dans la relation soignant/soigné,
deux personnes se rencontrent, chacun avec sa propre histoire, sa personnalité, sa vie. « Lien
existant entre deux personnes de statut différent, la personne soignée et le professionnel de santé.
Cette relation nécessite : un engagement personnel de l’infirmière, le malade étant accepté sans
jugement de valeur, tel qu’il est, avec un autre mode de raisonnement, d’autres réactions et
d’autres sentiments et un minimum de disponibilité.»
3.2. Les différents concepts.
3.1.1 – Les relations.
Chacun de nous est conditionné dès l’enfance par nos relations avec nos parents, notre famille. Eric
BERNE, fondateur de l’analyse transactionnelle,
propose une grille de lecture de nos
fonctionnements psychiques appelée « les états du moi ». Ce modèle pratique d’analyse permet de
comprendre comment une personne perçoit la réalité, agit et entre en relation avec les autres. Pour
définir un état du moi c’est : « un ensemble cohérent de pensées, de comportements, d’émotions, de
sensations, de systèmes de défense (identification, projection), de croyances. »
Cette analyse identifie trois états du Moi : Parent, adulte, enfant. Dans une situation donnée un des
états du moi va « prendre le dessus » et agir en conséquence :
•
L’état du Moi parent est de l’ordre de l’appris : La personne emprunte ses pensées et ses
comportements à des sources externes à elle : parents ou personnes qui ont joué un rôle
important pour elle.
•
L’état du moi Adulte est du domaine du réfléchi : de la prise en compte de la réalité
intérieure (mes émotions, mes besoins, mes limites, mes compétences,…) et extérieures
(mon environnement, les autres avec leurs émotions, besoins, limites, compétences...) l’état
du moi adulte agit, prend des décisions après l’analyse la plus objective des informations
provenant de la réalité de l’environnement et des deux autres états du Moi.
•
L’état du moi Enfant est du domaine du ressenti : il est régi par ses émotions, ses sentiments,
ses besoins, il peut être créatif, imaginatif. Mais aussi, il peut agir, selon les circonstances,
soit sous l’impulsion de la rébellion, en s’opposant aux normes, en contestant, soit sous
l’élan de la soumission en consentant pour plaire et être aimé des autres.
Les relations depuis notre enfance nous influencent alors pour tout le restant de notre vie,
elles dictent nos actions, entraîneraient nos échecs et réussite. Cela implique donc que notre vie
personnelle et notre quotidien depuis le commencement de notre vie, influenceraient le relationnel
et les émotions face aux patients concernant les professionnels de santé.
3.1.2 – L’attachement.
Sentiment d’affection, de sympathie durable qui lie aux personnes. L’attachement est un lien
affectif entre un individu et une figure d’attachement. Il crée un sentiment de confiance et de
sécurité.
Dans le contexte soignant, c’est une relation qui favorise la confiance, l’aide et le respect. Il est
important de s’attacher mais tout en se préparant à une séparation entre les deux personnes facilitant
ainsi pour le soignant le processus de deuil.
3.1.4 – l’empathie.
L’empathie est une notion complexe désignant le mécanisme psychologique par lequel une
personne peut comprendre les sentiments et les émotions d’autrui sans les ressentir elle-même.
L’empathie est caractérisée par un effort de compréhension des ressentis de l’autre sans
emportement affectif personnel (sympathie, antipathie) et sans jugement moral. L’empathie
n’exclue pas pour autant les sentiments. Ce n’est pas une attitude froide et distante.
Nous pouvons alors dire que l’empathie est un concept qui est une qualité importante dans le
domaine du soin, elle permet de comprendre les émotions du patient, être capable de se mettre à la
place de l’autre. Cela permet de mettre en place une meilleure qualité de prise en charge et de
répondre au mieux aux besoins de la personne jusqu’à son dernier souffle.
3.1.5 – l’accompagnement.
Philippe Bagros dans l’Abécédaire des sciences humaines en médecine, définit le terme : «
accompagner, c’est être le témoin solidaire du cheminement d’un autre ».
L’accompagnement est une notion importante que les infirmier(e)s privilégient dans leur métier.
« Tout est lié et tout se situe dans le soin au sens le plus large du terme. Et une partie du travail
réside dans la relation à l’autre que l’on soit soignant, soigné, apprenant soignant ».
•
Méthodologie enquête exploratoire.
•
Explication du choix de l’outil utilisé.
L’outil que j'ai prévu d'utiliser est le questionnaire. Cinq questionnaires destinés à trois infirmier(e)s
exerçant leur profession dans un service de soins palliatifs et deux infirmier(e)s en service
gériatrique. J'ai choisi ces deux services car ils sont fréquemment confrontés aux patients en fin de
vie. J’ai choisi le questionnaire car il permet de conserver entièrement l’anonymat des personnes
interrogées, qui pourront répondre plus aisément aux questions. De plus, celui-ci est entièrement
fiable puisqu'il n'y a pas de possibilité pour l'intervieweur d'influer sur les réponses de façon
intentionnelle ou non.
L'objectif de cette enquête sera d’analyser les émotions des soignants, leurs ressenti face à des
situations de fin de vie, comment ont-ils pu y faire face ? C’est également faire des comparatifs et
des liens avec le cadre de référence.
•
Présentation de l’outil.
Mon questionnaire comporte 16 questions de trois types : fermés, semi ouverte et ouverte dans le
but d’obtenir des ressentis et des informations propre à chaque personne interrogées, leur laissant
une plus grande liberté d’expression. Ces questions sont axées sur le parcours professionnel des
soignants questionnées, leur quotidien professionnel dans le service, les émotions et la gestion des
émotions par les soignants, leur vision de la mort, les situations de fin de vie vécues. J’ai classé les
questions en trois chapitres à traiter dans l’analyse :
•
le contexte sur le lieu enquêté (le parcours professionnel, le choix du service, etc.) ;
•
les ressentis des soignants sur la mort et la fin de vie ;
•
La gestion des émotions des soignants.
•
Explication du déroulement de l’enquête.
Quand on évoque la fin de vie, le domaine des soins palliatifs est principalement notre première
pensée. Pourtant, en tant que soignant, la fin de vie peut se rencontrer partout, dans tous les
services, les décès attendus ou brutaux sont possibles. J’ai voulu en plus d’un service de soins
palliatifs, et par rapport à mon vécu en tant que stagiaire, m’orienter dans un établissement de lieu
de vie gériatrique. J’ai donc pu prendre contact avec cinq infirmier(e)s qui souhaitaient m’aider
dans mon enquête exploratoire. J’ai fourni à chacun un exemplaire du questionnaire et j’ai pu leur
envoyer aussi par e-mail car certains préféraient me répondre par e-mail. Ayant pour la plupart un
emploi du temps très chargé je leur ai laissé du temps pour remplir le questionnaire. Tous ont
répondu clairement à mes attentes et j’ai pu constater dans leurs réponses : leur dévouement, leur
volonté et leur disponibilité qu’ils ont pu m’accorder à travers ce questionnaire. Pour mon analyse
de l’enquête exploratoire, j’ai choisi de la construire en trois parties suivant les questions de mon
outil :
•
Contexte des lieux d’enquête et des soignants.
•
Les ressentis des soignants sur la mort et la fin de vie.
•
La gestion des émotions des soignants.
•
Analyse et résultats de l’enquête.
•
Contexte des lieux d’enquête et des soignants.
Pour commencer cette analyse, il me semble important de présenter les soignants et leur situation
dans le service.
Cela permettra une meilleure interprétation des résultats et une meilleure
distinction entre les deux lieux d’enquête soins palliatifs et lieu de vie gériatrique.
C’est pour cela que j’ai posé aux soignants, les questions suivantes :
1) Depuis combien de temps êtes-vous infirmier(e) diplômé(e)?
2) Quel est votre parcours professionnel ?
3) Pourquoi avez-vous choisi ce service ?
La première question montre une hétérogénéité dans les profils interrogés. Sans faire la distinction
des services, deux infirmier(e)s exercent ce métier depuis une période de 0 à 5 ans, 2 autres depuis
20 à 30 ans et le dernier a entre 5 à 10 ans d’expérience.
Ces informations permettent de voir que leurs années d’expériences dans la profession pouvant
influer sur leur gestion des émotions.
Concernant la deuxième question, les deux infirmier(e)s diplômé(e)s entre 0 à 5 ans ont directement
intégré un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), après
l’obtention de leur diplôme. Un soignant a commencé dans la marine nationale pour faire la
formation. Il a débuté dans un service de pneumologie. Ce fut la confrontation à « la mort en vrai et
l’évitement de cette mort » ; ensuite il passa dans le service de cancérologie, ce service lui a permis
de devenir « le soignant intéressé par la prise en charge de la fin de vie » ; il a donc réussi à aller
dans un service de soins palliatifs où il se trouve actuellement. Les deux autres soignants interrogés
travaillent en soins palliatifs depuis 6 ans, avant ils étaient dans des services tel que la chirurgie,
médecine, réanimation, pneumologie, oncologie, neurologie.
On remarque beaucoup de diversité parmi ces soignants mais en définitive leur objectif est
commun : aider les personnes se dirigeant vers la fin de vie.
Concernant la troisième question, liée au choix du service, on retrouve encore des similitudes
surtout pour les soins relationnels que ce soit en soins palliatifs ou en gériatrie.
Certains montrent une passion pour le service de soins palliatif : « mon truc c’est la prise en
charge palliative », pour une prise en charge globale et multidisciplinaire.
Pour l’EHPAD, les trois principales raisons sont :
•
Pour le temps consacré aux patients : « beaucoup plus de temps à leur consacrer qu’à
l’hôpital » ;
•
Pour une prise en charge holistique ;
•
Pour le niveau de technicité moins important qu’à l’hôpital.
•
Les ressentis des soignants sur la mort et la fin de vie.
La confrontation répétitive à la fin de vie peut entraîner une souffrance professionnelle conduisant à
l’épuisement professionnel plus communément appelé le « burn out ». Les professionnels de santé
sont les plus confrontés sans pour autant y être préparé psychologiquement.
J’ai donc voulu connaître les ressentis des soignants sur la mort, la maladie et la fin de vie, j’ai posé
alors ces questions suivantes :
4) Vous arrive-t-il d’être démuni face à des décès de patient ?
5) Quel regard portez-vous sur le corps malade ?
6) Quel est votre ressenti sur la mort ?
7) Quels sont vos ressentis lors d’un décès ?
8) Pensez-vous que les émotions ont leur place dans le soin ?
9) Les situations de fin de vie personnelles influencent-elles les situations de fin de vie
professionnelles ?
10) Si vous n’avez jamais été confronté aux décès de patients, appréhendez-vous ce moment ?
Pour la quatrième question, la majorité des soignants (4/5) ont répondu être quelque fois démunis.
Démunis face à certains décès surtout lorsqu’il s’agit de décès brutaux et arrivant rapidement ou
bien si l’attachement avec certains est plus fort c’est plus difficile d’y faire face : « on s’attache
vite à certains et moins à d’autres. Le travail se fait de la même façon dans tout les cas mais la
relation est juste différente et la séparation différente ». Une personne interrogée dit se sentir
démunie lorsque « j’ai l’impression que l’on n’a pas réussi à soulager le patient, quand le patient
part en souffrance tout en étant conscient ». Un autre soignant exprime le fait d’être démuni par
rapport à la mort : « assister à la mort de l’autre ne peut être qu’une situation bouleversante. Cela
nous conduit à réfléchir à la sienne. »
La cinquième question concerne le regard sur le corps malade, tous ont un regard de compassion,
d’empathie. C’est un corps en demande de soins ou pour ces soignants il faut « éloigner la vision
du corps comme un objet de soin, il faut avant tout voir la personne et non le corps, prendre en
compte les souffrances » ; « une personne qui souffre je vois la déchéance et les changements
physiques entrainés pendant la maladie ».
Dans leurs réponses, on constate beaucoup de réflexion sur la mort et la vision du corps malade. Un
soignant dit : « la seule choses qui me sépare de mes patients, c’est l’absence de diagnostic
terminal. Je regarde la mort des autres avec un regard de vivant, seulement une réflexion sur la
fatalité de la mort et la fatalité du parcours du malade ».
La préservation de l’autonomie et la prise en charge de la douleur sont aussi des éléments qui
ressortent chez 3 soignants sur 5.
La 6e question concerne la vision des soignants et leur ressenti sur la mort :
Quatre sur cinq ont répondu qu’ils n’ont pas de crainte, c’est la continuité de la vie. Deux soignants
ont répondu avoir peur de la mort, cela étant quelque chose d’angoissant. Plusieurs réponses étant
possible, certains ont donc quelques craintes face à la mort mais pense que c’est la continuité de la
vie ; La mort étant à la fois angoissante et mystérieuse. Comme je l’ai dit dans le cadre de référence,
l’Homme est capable d’anticiper l’idée qu’il doit mourir un jour et peut en discuter avec autrui sans
difficulté mais la peur reste inévitable et l’inconnu est toujours angoissant. Pour certains le fait
d’accompagner les patients en fin de vie, les rapprochent de cette mort et peut permettre d’ôter
certaines angoisses par rapport à la mort. Pour d’autres (deux sur cinq) même s’ils accompagnent
les patients, la mort reste toujours angoissante.
La 7e question, traite des ressentis lors d’un décès, offre la possibilité de réponses multiples sur
quatre critères : deux en ressortent.
50% (trois sur cinq) ont répondu que les émotions sont difficilement contrôlables et 50% ont
répondu qu’ils pouvaient les contrôler. Ce qui distingue leur choix et qui pour certains les amène à
donner deux réponses est l’attachement plus fort pour certains patients que pour d’autres ainsi que
le contexte du décès : préparé ou inattendu. « Il y a des décès attendus, préparés, qui
m’occasionnent finalement moins d’émotions débordante que les décès brutaux auxquels on ne
s’attend pas » ; « les émotions sont toujours différentes d’une histoire à l’autre, de la manière dont
le décès est survenu, du vécu du patient et de l’entourage » ; « Avoir envie de pleurer auprès de
quelqu’un d’endeuillé est un réflexe archaïque. Aucune famille n’est venue se plaindre d’une telle
réaction, que peuvent-ils penser ? Qu’on avait seulement des sentiments pour leur proche, quoi de
mal à cela ? »
Un professionnel se définit par sa capacité à gérer de manière attendue une situation qu’il affronte
régulièrement comme je l’ai dit dans le cadre de référence ; Les soignants sont les témoins de
souffrances des patients dûs à la maladie. Un soignant dit « Une montée de larmes ne constitue
pas une perte de contrôle, elle traduit un vécu émotionnel autour d’un événement marquant : le
décès d’un être humain. »
Deux soignants pensent que le fait de montrer leurs émotions devant les patients ou leurs entourages
ne constituent pas un dommage, cela montre l’attachement lié au patient. Si les émotions
n’empiètent pas sur la prise en charge et le réconfort, l’écoute au patient ou de sa famille, pourquoi
alors ne pas s’autoriser à montrer nos émotions ? L’attachement au patient est le facteur le plus
influençable dans le comportement émotionnel des soignants. Certaines situations sont plus simples
à vivre pour le soignant du fait que la distance relationnelle « la juste distance » et l’attachement
soient toujours présents mais pas forcément intenses, font que les émotions soient contrôlables et la
neutralité émotionnelle évoquée dans le cadre de référence soit alors bien présente. D’autres
situations ou le soignant a eu un attachement et une relation de confiance très forte, aura beaucoup
plus de difficulté à gérer ses émotions. Cela fait également partie de notre personnalité comme je
l’ai évoqué dans le cadre de référence (partie 3.1.1 – les relations) : nos attitudes, nos actes et nos
émotions sont conditionnées dès l’enfance selon nos relations et notre personnalité.
La 8e question concerne la place des émotions :
La majorité des soignants interrogés (quatre sur cinq) ont répondu que les émotions avaient leur
place dans le soin. Lors d’une prise en charge où une relation de confiance s’instaure un soignant dit
que « l’on rentre dans une relation de soin qui impose des émotions ». Pour deux autres soignants,
on prend en charge des êtres humains fragilisés et il faut « recevoir l’autre comme une personne et
non comme un objet de soin » ; « on n’est pas des machines et on ne s’occupe pas de machines non
plus, si demain on m’annonce que je vais mourir je préfère que ce soit fait par quelqu’un de sincère
que par quelqu’un qui à l’air de penser à ce qu’il va faire à manger ce soir ».
Un des soignants, au contraire, pense qu’il ne faut pas que les émotions aient leur place dans le soin
car il faut toujours avoir une distance relationnelle tout en restant empathique.
La question 9 concerne l’influence des fins de vie vécues personnellement et professionnellement :
Deux soignants sur cinq disent que le vécu personnel influence car « on se projette toujours et dans
le domaine professionnel on a tendance à s’investir beaucoup comme si la personne faisait partie
de notre famille », pour un autre soignant, sa vie professionnelle lui a permis de se préparer à une
situation de fin de vie dans sa vie personnelle : « heureusement que j’étais un professionnel
d’accompagnement car j’ai réussi à comprendre ce qui se passait et à gérer au mieux tout seul
avec les miens ». Ce que l’on peut alors constater, que ce soit vécue professionnellement ou
personnellement, les situations de fin de vie influencent la gestion des émotions des soignants et
peuvent parfois dans la vie personnelle amener à mieux se préparer à la fin de vie d’un proche car
l’approche en tant que professionnel de santé est tout autant présente que l’approche personnelle.
La question 10 parle de la confrontation à la mort et l’appréhension de cette confrontation : tous les
soignants disent avoir déjà été confronté à la mort, deux parmi les cinq appréhendent toujours cette
situation.
L’appréhension est liée principalement au relationnel instauré entre le soignant et le soigné, le
contexte du décès peut parfois faire ressentir un sentiment d’échec de la part du soignant : « et si
on avait fait ça et si… » ; « Souvent j’ai investi des relations cordiales voire sympathique avec
certains résidents et ça me fait bizarre qu’elle meure et soit aussitôt remplacée par une autre
personne même si c’est la continuité de la vie. »
D’autres soignant ont déjà été confronté mais n’appréhendent pas si un décès est « préparé » : « si
toute l’équipe, la famille et le patient est au clair. A partir du moment où le diagnostic de fin de vie
est posé, on reste centré uniquement sur les soins de confort et le soulagement de la douleur avec
un soutien psychologique si nécessaire. »
•
La gestion des émotions des soignants
Pour parvenir à recueillir des informations concernant la gestion des émotions des soignants, j’ai
posé plusieurs questions ouvertes et fermées. J’ai consacré six questions à ce thème qui rejoint la
seconde partie de cette analyse, car il s’agit du cœur de ma question de départ.
Voici les questions posées :
11) Avez-vous déjà identifié chez vous ou chez vos collègues des mécanismes de défense ?
12) Parmi cette liste, lequel retrouvez-vous le plus souvent ?
13) Les années d’expériences facilitent-elles l’acceptation de la mort ?
14) Comment gérez-vous vos émotions ?
15) En cas d’émotions fortes, discutez-vous avec vos collègues ou autres professionnels du service/
de l’établissement ?
16) Vos émotions dues aux situations professionnelles sont-elles mises de côté quand on revient
dans sa vie personnelle ?
La 11e et la 12e question parlent donc des mécanismes de défense : Tous les soignants ayant
répondu au questionnaire, affirment qu’ils ont déjà identifié chez eux ou chez leurs collègues des
mécanismes de défense.
Les mécanismes de défense les plus cités sont : la banalisation, la projection. Ensuite on retrouve
l’agressivité et le mensonge. 3 soignants ont cité d’autres mécanismes de défenses comme
l’humour, la fuite, le scinisme, l’évitement, la délégation.
Comme je l’annonce dans le cadre de référence, les soignants peuvent ressentir des émotions
pouvant les submerger. Les mécanismes de défenses leurs permettent de se protéger contre leurs
propre ressentis. Cependant différentes réactions sont possibles et peuvent être mal perçues et avoir
un effet négatif par rapport à la situation.
La 13e question évoque les années d’expérience dans la profession face à l’acceptation de la mort
des patients :
Deux soignants sur cinq déclarent que les années d’expérience ne font jamais accepter ces
situations, un soignant sur les cinq pense le contraire.
Tous, ont donné d’autres réponses comme par un exemple un soignant dit que « les sentiments
peuvent nous submerger par projection (même âge qu’un membre de notre famille, même
profession, même ressemblance, etc.) malgré les années d’expériences la projection reste parfois
inévitable » c’est un mécanisme de défense qui ne peut se contrôler et peut avoir des effets positifs
comme négatif sur les émotions du soignant.
Un soignant évoque le fait que les années d’expériences peuvent permettent un travail personnel sur
ses propres ressentis, son vécu et ses émotions mais cela n’aide systématiquement à accepter la mort
et à gérer les émotions.
Une autre personne interrogée pense que « l’expérience n’aide pas à accepter la mort mais on la
vit différemment ». La plupart des soignants trouve qu’il est plus dur d’accepter la mort d’un
nourrisson ou enfant voir d’un adulte que la mort d’une personne âgée, car la mort n’est pas censée
arrivée si tôt. C’est souvent pour cette principale raison que le soignant peut avoir des difficultés
pour se remettre de la mort d’un de ces patients. Cela ne fait pas partie de l’ordre des choses de la
vie. Ce discours est souvent entendu.
Lors de mes expériences de stage, j’ai souvent pu entendre ce discours que j’évoque également dans
ma situation d ‘appel.
La 14e question montre par quels moyens mis en place, les soignants interrogés gèrent leur
émotions.
Majoritairement, la discussion et l’écoute entre collègues les aide à faire face à leurs émotions et à
mieux réussir à les contrôler devant les patients pour leur apporter une aide, un soutien du mieux
possible.
Deux soignants sur cinq pensent que la gestion des émotions est une compétence personnelle que
l’on développe grâce à notre métier « tu donnes l’impression de vivre cette situation et néanmoins
ce que tu vis est différent de ta vie privée. Ce n’est pas du mensonge mais seulement une technique
de dissociation de ce que tu vis et de ce que tu affiches. » Cela signifie alors que, pour eux, même
si les émotions sont présentes, elles peuvent être gérées de façon à s’adapter aux situations. Les
émotions dans la vie professionnelle sont différent de celles pouvant être ressenti dans la vie
personnelle : « je me suis déjà vu quitter une chambre flute de champagne à la main pour arroser
une bonne nouvelle pour répondre à une demande de la famille d’un patient qui est en train de
mourir. Et tu dois passer de la bonne humeur d’une chambre à la tristesse d’une autre. Par
empathie, tu vire ton joli sourire pour marquer ton inquiétude du deuil à venir ou ta tristesse du
décès qui vient de se produire ».
Le sport comme le yoga, le tai-chi ou autres sont des ressources utilisées pour faire face aux
situations et gérer les émotions. Cela permet de faire le vide lors des jours de congé et aussi éviter
au maximum le risque de burn out. Les activités en dehors du travail permettent de se détendre et de
penser aux problèmes rencontrés émotionnellement ou non.
La possibilité de discussion avec un psychologue est aussi évoquée. Cependant elle ne fait pas
l’unanimité.
La discussion entre collègue reste donc le meilleur moyen pour gérer leurs émotions. Un soignant
interrogé le confirme « moi je préfère en parler avec mes collègues car on est dans le même
bateau. On se comprend plus facilement, cela m’arrive parfois de verser quelques larmes, mais je
ne m’en cache pas la vie continue et il faut continuer à assurer le service quoi qu’il arrive ».
Apparaît alors la corrélation avec la partie de la gestion des émotions des soignants du cadre de
référence où j’ai noté que le besoin d’être soutenu au sein de l’équipe est très important lors de la
prise en charge difficile ou « ces relations souvent intenses émotionnellement (é) puisent leur
énergie. »
La 15e question, rejoint la 14e question mais elle est principalement axée sur la gestion des émotions
lorsqu’elles surviennent immédiatement, et comment gérer ses émotions au travail, quand il ne faut
pas s’arrêter de travailler et s’occuper des autres patients sans rien laisser transparaître.
Les cinq soignants ont répondu favorablement sur le fait qu’ils pouvaient en parler aux collègues ou
à d’autres professionnels de l’établissement / du service. Deux soignants sur cinq ont répondu qu’en
plus de leurs collègues, ils pouvaient parler avec la psychologue et certains moments tels que des
groupes de paroles entre infirmier(e)s et psychologues sont programmés surtout en service de soins
palliatifs.
Deux autres soignants, au contraire, déclarent qu’aucun soutien spécifique n’est mis en place dans
le service. Je peux alors constater que selon les établissements/services de soins s’occupant de
patient en fin de vie, les émotions des soignants sont plus ou moins prises en considération, pour
ainsi éviter aux soignants, l’épuisement professionnel. L’état émotionnel des soignants devrait être
considéré comme primordial. Celui-ci devrait être pris en compte dans un souci de préservation et
du mieux-être du personnel. Ainsi cela permettrai d’aider au mieux, les patients jusqu’à la fin de
leur vie à se sentir bien et respecté.
Si les émotions ne sont pas prises en compte, celles-ci peuvent modifier les comportements des
soignants, leur présence également (arrêt de travail, démissions, retard,…) et ainsi constituer un
frein dans la prise en charge des patients qui demandent aide et soutien.
La 16e et dernière question évoque la place des émotions vécues dans les situations
professionnelles, quand on revient dans la vie personnelle :
La majorité des soignants (trois sur cinq) disent réussir à faire le vide et revenir à la vie personnelle
sans avoir à penser au travail ou aux difficultés émotionnelles. Deux soignants sur les cinq se
forcent à faire le vide pour éviter tout risque d’épuisement professionnel : « il est important de ne
pas ramener les émotions ressenties à la maison sinon ça te détruit. Lorsque je quitte ma blouse,
j’oublie ou je mets cela dans un coin de ma tête et on n’en parle plus. »
Un autre soignant parle d’un sablier de transfert qui le conditionne pour passer de sa vie
professionnelle à sa vie personnelle et vice-versa : « j’ai un sablier de transfert qui est ma voiture,
elle me permet de basculer de mon monde professionnel à ma vie privée en une vingtaine de
minutes matin et soir ».
Le fait également d’avoir des activités à côté permet pour certains soignants de les aider à faire le
vide quand ils sont en repos : « je cherche tout simplement à donner un sens à ma vie privée en
faisant en sorte que celle-ci soit riche en rencontre passionnante (bénévolat, informatique) et
surtout vie de famille sans laquelle je ne pourrais avoir autant d’énergie pour le reste. » Un des
soignants dit quand même avoir beaucoup de mal à ne pas y penser en rentrant, sans développer sa
réponse.
Cette dernière question ainsi que la plupart des questions précédentes apportent tout de même une
conclusion assez positive sur la capacité des soignants à faire face à leurs émotions et la capacité à
faire abstraction du côté professionnel pour faire des activités ou gérer sa vie personnelle au mieux
sans penser tout le temps aux situations à vivre en tant que soignant où parfois les mots pour les
décrire ne suffisent pas à se sentir soulagé.
•
Problématique.
Il est fréquent d’entendre « face à un malade en fin de vie ou à l’annonce d’un mauvais diagnostic,
il faut rester professionnel ». Cela signifie qu’il ne faut montrer aucune émotion, être impassible. En
théorie, l’idéal dans les professions de la santé serait que les soignants ne montrent pas leurs
émotions et qu’il ne se laisse pas submerger par celles-ci.
Dans la pratique, l’infirmier(e) ressent quelque fois des émotions si intenses que pour ne pas les
montrer, il/elle les ignore. Certains préfèrent sembler être indifférent plutôt que de montrer leurs
émotions : tristesse, larmes aux yeux, voix tremblotante, difficulté à s’exprimer,…
D’autres soignants font le choix de quitter la chambre d’un patient en prétextant une excuse ou autre
chose pour éviter de montrer les émotions.
En attendant d’être capable de ressentir ses émotions sans les montrer tout en étant empathique, le
fait de rester simple, soi-même et authentique permet une prise en charge de qualité pour les
patients. Les patients préfèrent généralement un professionnel qui montre son trouble émotionnel
plutôt qu’un professionnel froid et distant. Les soignants, avec le temps, leur personnalité construite
depuis leur enfance réussissent à mieux maîtriser leurs émotions, à les ressentir sans qu’elles les
débordent. Plus le soignant lutte contre ses émotions, plus il va y penser. Refuser ses émotions est
une façon d’être en conflit avec soi-même et de garder l’émotion en soi. Il faut alors réussir à
ressentir ses émotions sans les extérioriser pour ne pas déstabiliser le patient qui se voit à travers le
soignant : Par notre regard, nos mimiques, nos gestes, nos soins.
Ce questionnaire m’a permis de constater que les émotions varient selon l’attachement au patient,
selon la relation soignant/soigné. Si un lien d’attachement fort c’est créer, la difficulté à gérer ses
émotions en tant que soignant sera beaucoup plus présente, le fait de montrer ses ressentis au patient
ou sa famille ne sera pas forcément mal interprété, cela montre le sentiment d’affection pour le
patient. Les émotions de la part des soignants n’ont donc pas forcément de mauvaise influence sur
la prise en charge des patients, si ces émotions n’engendrent pas de « dégât émotionnel » ou un
malaise pour le patient ou le soignant lui-même, lutter contre ses émotions peut aussi parfois avoir
certains effets négatifs comme principalement le burn out.
Les avis sont toutefois partagés entre certains soignants qui refusent de montrer leurs émotions en
pensant montrer leur faiblesse étant contradictoire avec leur métier où l’on doit être fort et soutenir
les patients. Dans mes recherches ainsi que dans certains réponses du questionnaire, j’ai pu lire que
les émotions ne devaient pas apparaître dans la prise en charge des patients : un exemple expliqué
dans le livre de Catherine Mercadier, le travail émotionnel des soignants à l’hôpital, montre une
situation d’une infirmière en pleurs après un décès :
Edith, qui pleurait à la suite du décès d’un
patient dont elle s’était occupée, s’est entendu reprocher ses larmes par la surveillante du service :
« la surveillante m’a dit qu’une infirmière ne devait pas pleurer, elle devait garder une distance
avec le malade, un malade ce n’est pas un ami . Il y’a une distinction entre cette infirmière et la
surveillante à propos des émotions. Ceci amène à la question suivante : Quels sentiments les
soignants peuvent éprouver et exprimer vis-à-vis des malades dont ils s’occupent ? Pour la
surveillante, il est interdit de pleurer tandis que pour l’infirmière, c’est inévitable, mais nécessaire
pour effectuer son travail correctement. »
Durant la rédaction de mon mémoire, j’ai effectué mon dernier stage aux urgences, où j’ai
malheureusement vécu un autre décès. La patiente était présente depuis deux jours et attendait son
transfert en cardiologie. Du fait que ce ne soit pas une prise en charge au long cours, je n’ai pas eu
le temps de créer un fort attachement pour cette patiente, malgré tout, son décès fut inattendu et
donc déroutant, mais les émotions que j’ai ressenti n’ont pas été aussi fort et déstabilisant que celles
décrites dans ma situation d’appel.
La façon de gérer ses émotions est donc différente d’une personne à l’autre, d’un soignant à un
autre, la personnalité de chacun et l’attachement aux patients peut amener des émotions différentes
dans chaque situation de fin de vie.
L’ensemble de mon travail m’a alors dirigé vers la problématique suivante constituant ma question
de recherche qui est :
En quoi accompagner une personne en fin de vie tout en gérant ses émotions sans rien laissé
apparaître face à elle, est-ce bien la prendre en charge ?
•
Conclusion.
Pour conclure ce travail, dans des services de fin de vie, le soignant est confronté à la vie mais aussi
à la mort : Il doit aider à vivre mais aussi à mourir.
Pouvoir exprimer ses émotions mais aussi que d’autres soignants les partagent et nous écoutent est
un moyen de libérer les tensions cumulées lors de l’accompagnement des patient en fin de vie.
Mon travail a permis de mettre en évidence que malgré leur statut de soignant, certains ressentent
le besoin d’être soutenu par rapport à leur vécu de la mort.
Dans la formation en soins infirmiers, on ne nous apprend pas à être confronté à la mort pourtant se
retrouver dans des situations tel que la fin de vie nécessite une préparation que l’on pourrait
acquérir lors des stages. Malheureusement, le manque de temps lié à la surcharge du travail, ne
permet pas aux soignants d’en discuter et ainsi de partager leur retour d’expérience avec les futurs
soignants.
Le contrôle des émotions se fait donc pour la plupart du temps seul comme s’il ne fallait pas
l’évoquer. La mort reste un sujet tabou qui dans le métier d’infirmier(e) amène les émotions à l’être
également.
Je considère que ce travail a été très enrichissant car grâce aux recherches effectuées, grâce aux
soignants interrogés, il m’a permis de constater que les émotions n’ont pas de connotation négative
dans la profession et qu’il ne faut pas les négliger mais surtout être authentique et sincère. Malgré
des situations difficiles, les émotions permettent de vivre des relations particulières et vraies avec
les patients. « Assumons la responsabilité de notre vie et portons un regard neuf sur les choses en
développant le calme mental et la force du cœur. »
•
Bibliographie.
•
ouvrage :
•
Etre un soignant heureux : le défi (fluidifier les relations et apprivoiser les émotions) de
Claudine Carillo. Edition Masson, décembre 2009. 198 pages.
•
Le travail émotionnel des soignants à l’hôpital (le corps au cœur de l’interaction soignantsoigné) de Catherine MERCADIER – collection Perspective soignante, édition Seli Arslam.
4e tirage (2006). 276 pages.
•
L’Abécédaire des sciences humaines en médecine par Philippe BAGROS édité le 27 juin
2009. 272 pages.
•
Introduction à l’anthropologie de la mort - soins palliatifs en équipe : le rôle infirmier.
Edition 2006 par l’Institut UPSA de la douleur.
•
les expériences de Mort imminente et l’après-vie par Marc-Alain DESCAMPS. Edition
Dangles, 2008.
•
Dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers de Marguerite POTIER. Edition Lamarre,
2002
•
Le petit Larousse de la médecine, page 593. Edition Larousse 2010.
•
Site internet :
•
Photo en 1ère de couverture du mémoire provenant d’un article sur le burn out : un
infirmier sur trois veut rapidement trouver un autre emploi. Edité le samedi 24 mars2012 à
09h03. [En ligne] consulté le 26 mai 2012, Disponibilité et accès sur :
www.levif.be/info/actualité/belgique/un-infirmier-sur-trois-veut-rapidement-trouver-unautre-emploi/article-4000071893809.HTM#
•
les mécanismes de défenses - Staff des Jeudis du RESPEL – [en ligne] édité le 4 mai 2006.
Consulté le 18 avril 2012. Disponibilité et accès sur :
http://www.respel.org/fileadmin/telechargements/m_canismes_de_defense.pdf
•
Cet article est extrait de l’ouvrage De l’accompagnement du Soigné au Soignant, Losange,
2011. Il actualise un premier article publié le 28 juin 2010 : Accompagner, un concept
fondamental pour le soigné et le soignant ! [en ligne] consulté le 20 avril 2012,
disponibilité et accès sur http://www.infirmiers.com/ressourcesinfirmieres/documentation/accompagner-un-concept-fondamental-pour-le-soigne-et-lesoignant.html crée le 28.06.2010 Mise à jour le 17.05.2011.
•
Conférence - l'accompagnement des personnes en fin de vies et de leurs proches, Mercredi
14 et jeudi 15 janvier 2004 à la Faculté Xavier-BICHAT – PARIS : [en ligne ] consulté le 20
mai 2012, disponibilité et accès sur : http://www.reseauspes.com/pdf/guides_et_recommandations/accompagnement_en_fin_de_vie_anaes.pdf
•
Comment gérer ses émotions dans la relation d'aide ? De Renaud PERRONNET :
http://www.evolute.fr/relation-aide/gerer-emotions-relation-aide
•
Prendre soin des malades en fin de vie, une approche éthique de la fragilité - Emmanuel
HIRSC. [En ligne] publication le 20 mai 2009. Consulté le 12 mars 2012 et le 18 mai
2012.disponibilité et accès sur : http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf/20090520_hirsch.pdf ,
•
Définition des soins palliatifs. Date de parution non indiquée. Consultée le 15 mars et le 18
avril 2012.Disponibilité et accès sur : http://www.sfap.org/content/d%C3%A9finition-des-
soins-palliatifs-et-de-laccompagnement.
•
Charte des droits des mourants. Date de publication non disponible [en ligne] consulté le
15 mars 2012, disponibilité et accès sur :
http://www.master4215.dauphine.fr/ie/Documentation/doc_pa2b3_ie.htm
•
Article R4311-2 du code de la santé publique, sur le site de légifrance.gouv.fr, consulté le 12
mars 2012. Date d’édition non connue. Disponibilité et accès sur :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?
idArticle=LEGIARTI00000691388
9
&
cidTexte=LEGITEXT00000607266
5&dateTexte=20080310&fastPos=1&fastReqId=1038277619&oldAction=rechCodeArticle.
•
Annexes.
Annexe I : Historique des soins palliatifs.
Les soins palliatifs se sont développés dans le contexte de la prise en charge des patients cancéreux
lorsque les traitements curatifs destinés à guérir ou à contrôler la maladie ne sont plus efficaces.
Les malades sont souvent isolés dans leur souffrance, qu’elle soit physique ou morale, et au fur et
à mesure que la maladie progresse, l’angoisse de mort se fait plus présente. Dès le Moyen-âge, les
Hôtel-Dieu hébergent les pauvres mourants
Qu’ils confient aux soins des religieuses soignantes. C’est à partir du XVIIe siècle que l’hôpital
général ouvre des services d’incurables destinés plus spécifiquement aux malades que l’on ne peut
pas guérir.
1842 : Madame Jeanne Garnier ouvre à Lyon une première maison accueillant des femmes atteintes
de tumeurs ulcérées que l’hôpital refuse de soigner par crainte de la contagion. Elle fonde avec
d’autres veuves l’œuvre des Dames du Calvaire qui ouvrira d’autres maisons à Paris, Marseille,
Bordeaux, Bruxelles et New York.
1942 : Les Sœurs Oblates de l’Eucharistie accueillent des personnes en fin de vie à RueilMalmaison et à Frelinghien.
1967 : Cicely Saunders, infirmière, assistante sociale, puis médecin fonde le Saint-Christopher’s
Hospice de Londres où elle s’emploie à améliorer la prise en charge du malade cancéreux en
institution (hospices) et au domicile. Elle s’intéresse au traitement de la douleur en recourant à des
prises orales de morphine plus connue sous le nom de “potion de Saint Christopher”. Elle introduit
le concept de “total pain” qui considère l’expérience douloureuse dans sa dimension physique mais
aussi psychoaffective, socio familiale et spirituelle.
1969 : Le Docteur Elisabeth Kübler Ross, psychiatre américaine, expose sa théorie sur les attitudes
devant la mort et l’agonie à partir de ce qu’elle observe dans l’accompagnement des personnes en
fin de vie.
1974 : Une première Unité de Soins Palliatifs s’ouvre à Montréal au Royal Victoria Hospital, sous
la responsabilité de Balfour Mount. En France, suite à la publication du livre Face à celui qui meurt
du Père Patrick Vespieren, un groupe de réflexion se constitue autour de Renée Sebag-Lanoë,
Michèle Salamagne et Robert Zittoun qui sera à l’origine de l’introduction des soins palliatifs.
1978 : Première consultation officielle de soins palliatifs, à l’Hôpital
De la Croix Saint - Simon sous la responsabilité du Dr Michèle Salamagne.
1983 : Création de la première association de bénévoles de soins palliatifs “Jusqu’À La Mort
Accompagner La Vie” (JALMALV) à Grenoble, par le Pr. René Schaerer. L’année suivante sera
créée l’ASP (Association pour le développement des Soins Palliatifs) par Jean Faveris.
1986 : Circulaire DGS3D du Ministère des Affaires Sociales et de l’Emploi du 26 août, relative à
l’organisation des soins et à l’accompagnement des malades en phase terminale, premier document
officiel rédigé par Geneviève Laroque, à la demande d’Edmond Hervé, secrétaire d’État à la Santé.
1987 : Ouverture de la première Unité de Soins Palliatifs à l’Hôpital International de la Cité
Universitaire à Paris, placée sous la responsabilité du Dr Maurice Abiven et inaugurée en présence
de François Mitterrand, président de la République.
1988 : Création de l’Association Européenne pour les Soins Palliatifs (E.A.P.C.).
1990 : Le premier Congrès européen de soins palliatifs est organisé à Paris, suivi de la création de la
Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (S.F.A.P.)
1992 : Création de l’Union Nationale des Associations de Soins Palliatifs (U.N.A.S.P.)
1993 : Parution du rapport Delbecque sur les soins palliatifs, à la demande du Ministère de la Santé.
Suite aux recommandations du rapport, on assiste durant la période 1988-1998 à un développement
timide des structures de soins palliatifs mais surtout en institution : les Unités de Soins Palliatifs
(USP) et les Équipes Mobiles de Soins Palliatifs (EMSP).
1998 : Le Secrétariat d’État à la Santé lance un programme de lutte contre la douleur et de
développement des soins palliatifs sur trois ans 1999-2001 (Dr Bernard Kouchner). Un groupe
d’étude de la Commission des Affaires Sociales du Sénat mène une réflexion sur les soins palliatifs
et entend différents acteurs concernés. Il rend publique une étude sur la législation des soins
palliatifs dans huit pays d’Europe (M. Lucien Neuwirth).
9 juin 1999: vote à l’unanimité par l’Assemblée Nationale du texte de loi visant à garantir le droit
d’accès aux soins palliatifs qui fait de la prise en charge palliative une obligation réglementaire.
L’impact se fera immédiatement sentir sur le développement des structures de soins palliatifs tant
en institution qu’à domicile.
1999-2001 : Premier Plan triennal qui a eu pour objectif de créer et de financer des USP et des
EMSP dans les établissements de santé.
Février 2002: Circulaire relative à l’organisation des soins palliatifs en complément de la loi de juin
1999. Elle fixe les missions des différentes structures de soins palliatifs, y compris les réseaux ville
hôpital, les équipes à domicile et les lits identifiés de soins palliatifs.
Mai 2002: Publication au JO du décret relatif aux conditions d’exercice des
professionnels
de
santé délivrant des soins palliatifs à domicile. Le décret permet la coordination au domicile des
intervenants libéraux dans le cadre d’une convention passée avec les caisses d’assurance-maladie.
Le texte représente une vraie avancée dans la reconnaissance de l’activité libérale.
2002-2005 : Programme national de développement des soins palliatifs qui a mis l’accent sur :
l’implication des soignants dans une démarche palliative participative (Circulaire du 9 juin 2004) ;
la reconnaissance de lits identifiés de soins palliatifs à travers une contractualisation avec l’Agence
Régionale d’Hospitalisation (ARH) permettant une mobilisation de ressources pour recruter du
personnel infirmier et aide-soignant formé spécifiquement en soins palliatifs (Circulaire du 25 juin
2004) ; la création de réseaux de soins palliatifs “établissements-domicile” grâce à une dotation
financière nationale cogérée par les ARH et les Unions Régionales des Caisses d’Assurance
Maladie (URCAM), en vue d’améliorer la coordination et les conditions de maintien à domicile.
2007 : les objectifs nationaux sont fixés à, au moins, un réseau par département, puis pour 400 000
habitants, une EMSP pour 200 000 habitants et 5 lits identifiés pour 100 000 habitants, ainsi qu’une
USP par pôle régional de cancérologie.
Annexe II : la charte du droit des Mourants.
1. J'ai le droit d'être traité comme un être humain vivant jusqu'à ma mort.
2. J'ai le droit de garder espoir, même si les raisons de mon espoir varient.
3. J'ai le droit d'être soigné par des gens qui peuvent m'aider à garder espoir, même si les raisons
de mon espoir varient.
4. J'ai le droit d'exprimer mes sentiments et mes émotions à ma manière concernant l'approche
de ma mort.
5. J'ai le droit de participer aux décisions à prendre concernant les soins à me donner.
6. J'ai le droit de recevoir l'attention de l'équipe médicale et de l'infirmière même s'il devient
évident que je ne guérirai pas.
7. J'ai le droit de ne pas mourir seul.
8. J'ai le droit de ne pas avoir mal.
9. J'ai le droit d'obtenir une réponse honnête à mes questions.
10. J'ai le droit de ne pas être trompé.
11. J'ai le droit d'obtenir de l'aide venant de ma famille ou de mes proches, afin de pouvoir
accepter ma mort, et ma famille et mes proches ont le droit de recevoir de l'aide afin de mieux
accepter ma mort.
12. J'ai le droit de mourir dans la paix et la dignité.
13. J'ai le droit de conserver mon individualité et de ne pas être jugé si mes décisions vont à
l'encontre des croyances de ceux qui me soignent.
14. J'ai le droit de discuter et partager mes expériences religieuses et spirituelles, même si elles
sont différentes de celles des autres.
15. J'ai le droit d'attendre que l'on respecte mon corps après ma mort.
16. J'ai le droit d'être soigné par des gens capables de compassion et de sensibilité, compétents
dans leur profession, qui s'efforceront de comprendre mes besoins et qui sauront trouver de la
satisfaction pour eux-mêmes dans le support qu'ils m'apporteront alors que je serai confronté à
ma mort.
17. J'ai le droit d'être accompagné par des soignants pour qui le fait de m'aider sera une
opportunité de croissance.
Annexe III : la loi Léonetti (22 avril 2005).
La loi Léonetti du 22 avril 2005 relative aux droits des patients en fin de vie, complétée par les
décrets du 6 février 2006 a recherché une solution éthique à l’encadrement juridique de la relation
médicale entre le médecin et le malade en fin de vie.
Cette loi apporte trois dispositions essentielles à la relation de soins et favorise l’expression de la
volonté, discussion en collégialité.
•
Interdiction de toute obstination déraisonnable ;
•
Droits du patient renforcés ;
•
Processus décisionnel en cas de patient inconscient ou arrêt des traitements reposant sur deux
mots clés : Collégialité et transparence de la décision.
Annexe IV : Exemples illustrant les mécanismes de défenses
•
Rationalisation :
•
« vous avez un cancer de l’utérus de neuf centimètre de diamètre qui envahit le petit bassin.
•
Un envahissement du bassin ??
•
Oui un envahissement du petit bassin.
•
C’est une atteinte osseuse ?
•
Non c’est un envahissement du petit bassin.
•
…
•
Je m’explique : il s’agit d’une infiltration des annexes par contigüité locorégionale, due à
une expansion du processus néoplasique aux organes voisins avec de probables
adénopathies pelviennes profondes.
•
Mais c’est guérissable ?
•
Pour cela, on verra. Il faut d’abord faire un traitement par chimiothérapie et radiothérapie.
•
…
•
Bon je vous laisse, nous commencerons dès demain. »
•
La fausse réassurance :
•
Je me sens plus faible, il faut que je sache où j’en suis par rapport à ma famille, je dois
prendre certaines dispositions…
•
Vous n’avez pas lieu de vous inquiéter autant : vous avez les meilleurs traitements, gardez le
moral, vous êtes découragé en ce moment, soyez tranquille, je reviendrai vous rendre visite
demain.
•
L’esquive :
Une jeune mère de famille avec un cancer du sein métastasé qui dit à son médecin :
•
Je me sens fatiguée et découragée, je n’y crois plus, j’ai le sentiment que ces traitements ne
sont plus efficaces. Docteur j’ai peur ; que vont devenir mes enfants ?
•
Vous avez bien une fille et un garçon n’est-ce pas ? c’est certainement eux que j’ai croisé
hier dans le couloir, ils sont superbes ! bien je vous laisse vous reposer, je reviendrais vous
voir demain matin.
•
La dérision :
•
Regardez l’œdème de mes jambes, y’a plein d’eau !$
•
Allons ce n’est tout de même pas la mer à boire !
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L’identification projective :
Au sujet de la prise en charge d’une personne de même sexe et de même âge, Mr Ruzsniewski
évoque le comportement le comportement actif et motivée d’une soignante :
« Sans se demander comment elle –même aurait vécue une situation à laquelle elle s’était
identifiée, elle éprouvait un sentiment de révolte, de refus et d’indignation. Convaincue qu’elle
devait l’aider à réagir et à se battre, elle la bousculait sans cesse, avec gentillesse mais fermeté.
Chaque jour, elle lui reprochait son manque d’autonomie, de la toilette aux repas, lui conseillant de
ne pas se laisser aller, de se faire belle pour ses proches, d’accueillir son mari avec le sourire, de
regarder la télé, de rester en relation avec ses collègues de travail. Elle ne lui reprochait son laxisme
envers son fils « qui n’en faisait qu’à sa tête » et l’exhortait à ne pas se plaindre, car les autres
n’aiment pas entendre gémir ni regarder la douleur en face. »
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