SYNOSTOSES DU TARSE

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SYNOSTOSES DU TARSE
A TANGUY. B.AUFAUVRE .O.CASTILLO
Service de Chirurgie Infantile, Hôtel-Dieu
Université d'Auvergne
Clermont-Ferrand
Devant tout pied plat rigide de l'enfant c'est à la synostose ou synchondrose du tarse qu'il
faut penser. Cette soudure congénitale anormale entre les os du tarse fixe la ou les
articulations impliquées. Ainsi lorsque l'enfant est examiné jambes pendantes, I'arche
plantaire ne se dessine pas et le bilan des amplitudes passives de mouvement objective
l'absence de mobilité entre les os du tarse concernés.
Il n'est pas rare de retrouver une histoire d'entorses à répétition ou de douleurs de cheville
et du pied. En effet, la rigidité sous-talienne reporte les contraintes sont sur la cheville et
les articulations talonaviculaire et calcanéonaviculaire, étirant capsule et ligaments. De
véritables contractures musculaires se développent parfois: sur les péroniers latéraux avant
tout, sur le tibial antérieur et/ou postérieur moins souvent.
Etiologie
Le tissu de liaison entre les os du tarse est soit complètement osseux (synostose) soit
cartilagineux (synchondrose) soit enfin fibreux (syndesmose ou synfibrose). Il s'agit d'un
défaut congénital de dit`férenciation et de segmentation du mésenchyme primitif destiné à
former les os du tarse ce qui induit le défaut de formation des espaces articulaires
correspondants
L'affection est génétique à transmission autosomique dominante. Bien que souvent isolée~
la synostose du tarse peut s'associer avec une synostose du carpe ou des phalanges ou avec
d'autres anomalies majeures des membres inférieurs telles que agénésie péronière ou
agénésies proximales du fémur. Elle est quelquefois partie intégrante d'un syndrome tel
que le syndrome de NIEVERGELT-PERLMAN, associant fusion du tarse, pied bot,
dysplasie des coudes avec synostoses radio-ulnaire et dysplasie fémorale et tibiale, ou le
syndrome d'APERT associant fusion des os du tarse, cranio-synostose, hypoplasie
médiofaciale, syndactylie des doigts et des orteils, et élargissement de la phalange distale
du pouce et du gros orteil.
Bien que la fusion massive des os du tarse a été rapportée, elle est rare. Les localisations
les plus fréquentes et cliniquement les plus importantes sont les soudures entre talus et
calcanéum et entre calcanéum et naviculaire. L'atteinte peut étre uni ou bilatérale: 60%
des fusions calcanéonaviculaires et 50% des fusions talocalcanéennes sont bilatérales.
Habituellement les deux pieds sont atteints dans les fusions talo-naviculaires
Présentation Clinique
La perte de mouvement entre les os du tarse passe habituellement inaperçue chez le
nourrisson et le petite enfant parce que la fusion étant fibreuse ou cartilagineuse elle fixe
moins les éléments du tarse. Elle est donc indolore et de plus, radiotransparente. Il est
important de savoir que chez l'adulte, la synostose peut être totalement asymptomatique et
constituer une découverte radiographique fortuite.
Les symptômes apparaissent quand l'ossification de la zone de soudure progresse et que
des contraintes plus importantes sont imposées avec la prise de poids, des activités
physiques plus intensives et les pratiques sportives. Habituellement les soudures calcanéonaviculaires deviennent symptomatiques entre 8 et 12 ans et les soudures calcanéoastragaliennes entre 12 et 14 ans. Les soudures talo-naviculaires sont normalement
silencieuses cliniquement; dans les rares cas symptomatiques, la douleur peut survenir dès
2 ans.
Examen Clinique
Le signe clinique essentiel de la soudure talocalcanéenne et calcanéonaviculaire est la
restriction voire la perte de mobilité des articulations sous-talienne ou calcanéonaviculaire.
Lorsque l'on teste l'amplitude de mouvement sous-talienne, la cheville doit être en
dorsiflexion neutre et non pas en flexion plantaire. Quand le pied est en position neutre, le
talus est verrouillé dans la mortaise et aucun mouvement ne prend place dans l'articulation
de la cheville lors de l'éversion-inversion de l'arrère-pied. Si l'on ne prend garde à ce point
et que l'on laisse le pied en équin, le talus n'est pas verrouillé dans la mortaise, sa mobilité
dans la cheville peut prêter à confusion avec une mobilité de l'articulation sous-talienne
En position assise et relâchée, la cheville et le pied étant en position neutre, on demande à
l'enfant d'inverser et éverser le pied; en présence d'une synostose talocalcanéenne et
calcanéonaviculaire avec perte de mobilité de la sous-talienne, cela lui est impossible. On
constate la même chose lors de l'évaluation des mobilités passives en éversion-inversion
sur un pied en position neutre avec la perte des 15° d'inversion et 10 à 15° d'éversion du
pied nonmal.
Lorsqu'on demande à un enfant de se tenir sur la pointe des pieds, normalement les talons
se portent en inversion d'une quinzaine de degrés; en présence d'une soudure des os du
tarse, soit l'amplitude est limitée, soit il n'y a pas de modification de position des talons.
Comme nous avons déjà pu l'indiquer, en équin, le talus n'est pas verrouillé dans la
mortaise, pennettant quelques degrés d'inversion-éversion dans la cheville à ne pas
confondre avec une mobilité dans la sous-talienne.
Autre test, si l'on demande à l'enfant de se tenir sur le bord exteme des pieds, normalement
les rotules restent parfaitement orientées dans le plan frontal; en cas de synostose, les
hanches se mettent en rotation extenne pour compenser la perte de mobilité sous-talienne
et les rotules regardent alors en dehors.
Il est important de vérifier le positionnement du pied qui peut être plat avec un talon
neutre ou éversé. De même il convient d'examiner les muscles péroniers latéraux, leurs
tendons sont souvent tendus et très saillants et le pied plat péronier "spastique" classique
des soudures du tarse accompagne ce spasme musculaire. Les tendons péroniers sont
courts, mais la vraie spasticité est absente. En inversion passive, on exagère la tension des
tendons. Quelquefois ce sont les muscles tibial antérieur et/ou postérieur qui sont spasmés,
verrouillant médio-pied et avant-pied en varus.
La marche sera bien sûr altérée puisque les rotations tibiales aux divers temps de la
marche sont transmises au talus puis par les articulations sous-taliennes au calcanéum. La
perte de mouvement de la sous-talienne fait donc disparaître l'éversion-inversion du
calcanéum dans le cycle de la marche.
La palpation peut déceler une sensibilité douloureuse de l'articulation talonaviculaire ou de
l'articulation de la cheville sur le ligament deltoïde ou les ligaments calcaneo-fibulaires.
L'absence d' épaississement synovial, d'épanchement ou d'augmentation de chaleur au
niveau de l'articulation sous-talienne éloignent le diagnostic d'arthrite chronique juvénile.
De la même façon, l'absence de zone douloureuse sur le corps du talus ou sur le calcanéum
éliminent de possibles lésions telles que 1' ostéome ostéoïde, une infection ou une
ostéomyélite.
Imagerie
Quand on suspecte une soudure du tarse, les clichés radiographiques de débrouillage
doivent comporter des incidences face profil et 45° oblique réalisé en charge sur le film
avec une projection du rayon de dehors en dedans et une incidence axiale à 45' (HARRIS)
du calcanéum pour montrer l'articulation sous-talienne.
Les soudures calcanéo-naviculaires sont visualisées sur l'incidence oblique à 45° du pied.
Quand la soudure est osseuse elle est évidente. Quand elle est cartilagineuse ou fibreuse,
sa détection n'est pas aussi simple. On doit suspecter une telle synchondrose ou
syndesmose quand la partie antérieure du calcanéum et le naviculaire viennent au contact
l'un de l'autre, avec aplatissement des surfaces corticales qui se font face. Sur le profil, une
prolongation tubulaire antérieure "en nez de fourmilier" à la partie supérieure du
calcanéum approchant (ou se superposant sur) la portion moyenne du naviculaire est
évocatrice. Si les données cliniques le justifiaient, I'IRM montrerait la soudure
cartilagineuse entre le calcanéum et le naviculaire.
A la longue, des modifications secondaires apparaissent. Normalement, durant l'éversion,
le talus se déplace en avant sur le calcanéum et durant l'inversion il se déplace en arrière.
Quand le naviculaire est soudé au calcanéum, ce mouvement est bloqué et le talus ne peut
se déplacer en avant. Il plonge alors en plantaire, tirant sur la capsule, ce qui provoque à la
longue la formation d'un bec de traction sur la tête du talus. Ceci ne doit pas être interprété
comme une arthrose de l'articulation talonaviculaire d'autant qu' il n'existe aucun
pincement articulaire à ce niveau. A côté de ce bec on peut noter l'élargissement de la
partie latérale du talus et un pincement articulaire sous-talien postérieur en cas de
dégénérescence arthrosique à ce niveau.
La soudure talo-calcanéenne est difficile à visualiser sur des radiographies standard. Sa
présence doit être suspectée quand il existe une mauvaise définition de l'articulation soustalienne sur le profil. Afin d'obtenir la meilleure visualisation de l'interligne sur l'incidence
de HARRIS, il vaut mieux déterminer préalablement l'angle du sustentaculum tali sur le
profil. Il faut bien admettre toutefois qu'en l'état actuel la meilleure façon de faire le
diagnostic est de réaliser des coupes tomodensitométriques. Il est ainsi possible de savoir
si la soudure est partielle, médiale ou complète.En cas de soudure cartilagineuse
suspectée, c'est 1' IRM qui sera la plus performante.
Les soudures talo-naviculaires et calcanéocuboidienne sont clairement visualisées sur les
radiographies de face et de profil . La radiographie de la cheville de face et en projection
oblique doit toujours être réalisée pour éliminer une articulation de cheville de type rotule
ou, sur une cheville douloureuse, une ostéochondrite disséquante du dôme du talus.
Histoire Naturelle
La Bataille d'Angleterre à Londres a foumi à BRADDOCK l'opportunité d'étudier
l'histoire naturelle des synostoses du tarse dont le traitement était passé au second plan des
préoccupations.
Il détermina que l'épisode aigu avait duré 18 mois.
Pour les barres calcanéo-naviculaires, la moitié était asymptomatique, l'autre moitié l'était
modérément, aucune n'avait de signes d'arthrose et un tiers avait une bonne amplitude
d'inversion.
Pour les barres talo-calcanéennes 20% étaient asymptomatiques, 60% modérément
symptomatiques et 20% sévèrement symptomatiques; 90% étaient raides et 20% avaient
une arthrose.
Traitement
La présence d'une barre n'est pas nécessairement une indication à son excision
chirurgicale. Si une barre est identifiée de façon accidentelle chez un patient
asymptomatique, I'abstention thérapeutique doit rester la règle car elle peut tout à fait
rester asymptomatique.
Par contre la douleur et la défonnation commandent toujours ce traitement.
Ainsi, le mode de présentation habituel du pied plat péronier "spastique" douloureux et
d'installation récente à la suite d' activités physiques intenses amène à discuter entre
attitude conservatrice et excision d'emblée de la barre.
L'attitude conservatrice consiste à immobiliser ce pied dans une botte plâtrée pendatlt 3 à
4 semaines.
La persistance des symptômes malgré le traitement conservateur ou/et l'indication à
améliorer l'amplitude de mouvement amènent à envisager l'excision de la barre.
En général, I'excision de la barre calcanco-naviculaire avec interposition graisseuse pour
prévenir la reconstitution du pont osseux marche très bien et doit être recommandée
Le traitement de la soudure talo-calcanéenne doit être individualisé. Lorsqu'il s'agit de la
soudure symptomatique de la facette médiale, on peut tout à fait recommander la résection
avec interposition graisseuse qui donne des résultats satisfaisants dans à peu près 80% des
cas. Par contre, les tentatives d'exérèse des barres talo-calcanéennes complètes sont vouées
à l'échec.
Les échecs ou impossibilité de résection sur des pieds qui restent douloureux justifient le
recours à l'arthrodèse. Elle corrige la déformation et soulage les symptomes. Il appartient
au chirurgien d'évaluer l'état de l'articulation de la cheville et d'éliminer une instabilité par
des radiographies en position forcée.
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