L’actualité de la recherche au Muséum s5 23 , A6 . décembre 2012 2 ©I m ag )A 0 e tiré 1 0 e de Dehar veng et al. (2 & y m o n stro A ic s y h p o r st On a retrouvé la mère du Soleil ! 1 ©E SA / PACS & SPI RE Con rtia. o s n o sortium/HOBY C S Key Programme définition : le parsec (pc) est une unité de distance astronomique. Il est égal à 3,3 années lumière, c’est à dire 3,1 x 1016 mètres. 1 La nébuleuse de la Rosette photographiée par le téléscope spatial Herschel : un nuage de gaz tel que devait être la pouponnière du soleil… échelle : égal 10 pc 2 Image en infrarouge du gaz froid (en bleu) accumulé autour d’une étoile massive (masquée au centre de l’image) âgée de quelques millions d’années. Des étoiles de masse solaire vont se former dans la coquille de gaz froid d’environ 1000 masses solaires et située à 10 parsecs (300 000 milliards de kilomètres) de l’étoile centrale. C’est dans une telle coquille que serait né notre Soleil il y a 4,5 milliards, en même temps que quelques centaines d’autres étoiles. échelle : égal 10 pc 3 Les grains qui composent cette météorite ont été témoins de la naissance du Soleil ! échelle : égal 0,5 cm Depuis longtemps les astrophysiciens essaient de comprendre pourquoi les météorites contenaient au moment de leur formation un isotope radioactif très rare de l’aluminium. D’où peut-il bien venir ? C’est un chercheur du Muséum national d’Histoire naturelle, le professeur Matthieu Gounelle, associé au professeur Georges Meynet, de l’observatoire de Genève, qui vient de trouver une explication plausible : cet élément provient de la mère du Soleil ! Il y a 4,5 milliards d’années, une étoile très massive a accumulé autour d’elle une gigantesque quantité d’hydrogène. C’est là qu’une pouponnière d’étoiles s’est formée : lieu de naissance du Soleil et de ses centaines de frères et sœurs. Depuis la fratrie s’est dispersée sur des dizaines de milliers d’années lumière… Les chercheurs ont nommée la Maman Coatlicue. Ce nom désigne la mère du Soleil dans la cosmogonie aztèque ! Elle est née en même temps que 2 000 frères et sœurs et était la plus massive de sa fratrie. Elle n’a donnée naissance au soleil qu’à l’âge respectable de quelques millions d’années… Ce sont les vents générés par Caotlicue qui ont transporté le mystérieux isotope de l’aluminium dans la pouponnière d’étoiles. Les sédiments cosmiques qui composent les météorites ne mesurent que quelques dizièmes de millimètre. Ils sont pourtant les seuls témoins qui nous permettent de remonter le temps jusqu’à des milliards d’années et de voyager si loin dans l’espace, jusqu’à des milliers d’années lumière ! Article original — 3 Matthieu Gounelle & Georges Meynet. The Solar System Genealogy revealed by Meteorites. Astronomy & Astrophysics 545, A4 (2012) DOI: 10.1051/0004-6361/201219031 — Matthieu Gounelle est membre de l’UMR 7202 Laboratoire de Minéralogie et Cosmochimie du Muséum - au Département Histoire de la Terre du Muséum national d’Histoire naturelle. L’actualité de la recherche au Muséum décembre 2012 © Charlène Letenneur - MNHN 1 2 1 2 3 Reconstitution de Glyphea regleyana femelle (en haut) et mâle (en bas). Noter la différence de morphologie de la première paire de pattes. Les couleurs sont inspirées de l’espèce actuelle Neoglyphea inopinata. 3 En FrancheComté, des crustacés vieux de 160 millions d’années, exceptionnellement bien conservés ! Reconstitution d’Eryma ventrosa. Les couleurs sont librement inspirées de celles du homard actuel (Homarus gammarus). Mue de Glyphea regleyana dans un nodule siliceux. Collection MNHN Les collections de crustacés fossiles sont nombreuses mais les études morphologiques complètes sont très rares. Sylvain Charbonnier, Dimitri Pérès et Charlène Letenneur ont entrepris un travail complexe : étudier plusieurs collections de crustacés de l’Oxfordien (160 millions d’années) pour rassembler tous les détails anatomiques et comparer avec les spécimens actuels. Ils ont travaillé sur deux familles : les glyphées et les érymidés. On connaît 80 espèces de glyphées fossiles. Les chercheurs croyaient ce groupe éteint mais deux espèces actuelles ont été découvertes très récemment, au large des Philippines et de la Nouvelle Calédonie. Les érymidés comptent une centaine d’espèces fossiles et aucune actuelle. Cette étude a porté sur de très nombreuses mues fossilisées. Ces observations détaillées de l’anatomie ont permis de reconstituer les spécimens et de montrer un dimorphisme sexuel, très rarement observé chez les fossiles. L’exceptionnelle qualité de préservation de ces crustacés s’explique par des concrétions siliceuses : les chailles. Ce sont probablement des microorganismes qui génèrent cette minéralisation autour des restes des animaux, peu de temps après leur mort. Plus résistants que le sédiment encaissant, les chailles ont protégé les fossiles des habituelles déformations. Grâce à ce travail, et à la comparaison avec le mode de vie des espèces actuelles, on connaît maintenant avec plus de précision le milieu de vie de ces crustacés il y a 160 millions d’années dans la région de l’actuelle Franche-Comté ; il s’agissait d’une mer peu profonde : 100 à 150 mètres, où l’intensité lumineuse était encore sensible au fond. Article original — S. Charbonnier, D. Pérès & C. Letenneur (2012) Exceptionally preserved crustaceans from the Oxfordian of eastern France (Terrain à Chailles Formation, Haute-Saône). Geodiversitas 34 (3) : 531-568 — Sylvain Charbonnier et Charlène Letenneur sont membres de l’UMR 7207 - Paléobiodiversité et paléoenvironnements - Département Histoire de la Terre - Muséum national d’Histoire naturelle. L’actualité de la recherche au Muséum décembre 2012 C’est la question que s’est posée une équipe scientifique internationale. Pour cela les auteurs ont analysé l’évolution sur 30 ans de 60 zones protégées dans les principales régions forestières tropicales du monde entier, africaines, américaines et asiatiques. Cette étude est une première d’une telle ampleur. Les auteurs ont interrogé des chercheurs et les responsables de terrain spécialistes de ces réserves, tous très expérimentés. Le questionnaire portait sur l’abondance de 31 animaux et plantes clés ainsi que sur 21 facteurs environnementaux dans les réserves et leurs abords. L a réponse est al armante : près de la moitié des réserves souffrent d’une érosion de la biodiversité. Les petites réserves sont les plus vulnérables car les régions situées en bordure, qui servent normalement de “zone tampon”, se décalent progressivement vers l’intérieur des parcelles protégées, jusqu’à en affecter la quasi-totalité. © Charlène Letenneur - MNHN Une réserve forestière est-elle une protection absolue pour la biodiversité ? Les dégradations environnementales affectent la biodiversité en augmentant l’isolement des réserves, la réduction de leur surface et les effets de bordure, ce qui entraine une grave déstabilisation de l’équilibre forestier : la diversité des plantes est tronquée en faveur des espèces à graines de petites tailles ou dispersées par le vent ; les lianes se développent et envahissent les lieux. Les espèces animales les plus fragilisées sont les grands vertébrés, les primates, les chauves-souris, les amphibiens, les lézards, serpents, grands reptiles et les poissons d’eau douce. Pour les végétaux, ce sont les arbres à croissance lente et les épiphytes qui souffrent le plus. On déplore aussi le déclin rapide des oiseaux insectivores, frugivores, migrateurs ou qui s’abritent dans les arbres creux… Ces forêts sont pourtant officiellement protégées ! Elles ont besoin d’être mieux contrôlées car ce sont les dernières zones de très grande diversité biologique. Il n’y a pas de planète de rechange ! Le déboisement, les feux, la chasse, les mines illégales et l’exploitation des produits forestiers sont parmi les pires fléaux. Article original — William F. Laurance, […] P.-M. Forget, […] F. Feer, […] et al. Averting biodiversity collapse in tropical forest protected areas. Nature, 489, 13 september 2012, p. 290-294. — Pierre-Michel Forget et François Feer sont membres de l’UMR 7179 Mécanismes Adaptatifs : des Organismes aux Communautés – au département Ecologie et Gestion de la Biodiversité du Muséum national d’Histoire naturelle.