Etats infectieux sévères Dr DESTREM Anne – Laure Service SMIT CHU Pointe à Pitre Objectifs Définitions Epidémiologie Physiopathologie Signes cliniques Signes biologiques Signes en imagerie Définition (1) Etat infectieux « sévère »…… Tout état pouvant potentiellement mettre en jeu le pronostic vital Le plus souvent à la phase initiale de l’épisode infectieux Mais pas que…. Parfois complications secondaires Certaines pathologies sont plus pourvoyeuses d’état infectieux sévères que d’autres : étiologie bactérienne ++++ ◦ Méningite ◦ Endocardite ◦ ….. Mais toute infection peut devenir « sévère » Donc le plus important : rester vigilant Cas cliniques (1) Mr A, 40 ans Fièvre à 38,5° TA 70/40 mmHg, FC 120 bpm, sat 90% AA Réponds à vos questions mais dit se sentir très faible et gêné par la lumière Mr B, 75 ans Fièvre à 40,5° avec frissons TA 140/70 mmHg, FC 75 bpm, sat 98% AA Réponds à vos questions de façon parfaitement orientée mais vous dit qu’il a froid Mme C, 65 ans, Fièvre à 39°, TA 95/75 mmHg, FC 105 bpm, sat 92% AA Respire vite mais dort profondément et ne semble pas vouloir se réveiller car elle gémit quand on la stimule Ces patients ont ils selon vous des critères d’état infectieux sévère, et si oui lesquels ? Recherche des critères de gravité Parfois, un « feeling »….. Mais surtout : rechercher des critères OBJECTIFS qui répondent à des définitions précises (cf Diapo n°7) Réponse cas clinique (1) : signes cliniques Hypotension + tachycardie : défaillance hémodynamique grave Désaturation : compliqué d’une défaillance pulmonaire Gêne de la lumière = photophobie : composante du syndrome méningé Donc : - Critères de gravité francs - Prévenir le médecin en urgence - Débuter remplissage dans le service puis transfert en réanimation Fièvre : signe de réponse inflammatoire systémique mais le chiffre de température n’est pas corrélé à la gravité de l’infection Frissons : signe de « décharge bactériémique » : Hémocs ++++ Rechercher des critères de gravité chez un patient qui frissonne mais frissons ≠ gravité Donc : - pas de critères de gravité immédiats chez ce patient - prélever hémocultures et surveiller attentivement après avoir prévenu le médecin Hypotension et tachycardie : défaillance hémodynamique a minima Polypnée avec désaturation : compliqué de défaillance pulmonaire Etat de conscience altéré (score de Glasgow ++) : défaillance neurologique Donc : - Tableau « trompeur » - Mais critères de gravité + - Prévenir le médecin en urgence Définitions (2) SRIS (syndrome de réponse inflammatoire systémique) : ◦ ◦ ◦ ◦ T°>38,3° ou <36° FC > 90 bpm FR > 20 cycles par minute GB > 12000/mm3 Sepsis : SRIS + infection documentée Sepsis grave : SRIS + hypotension ou signes d’hypoperfusion ou défaillance d’organe Choc septique : SRIS + hypotension persistante malgré remplissage vasculaire Définitions (3) Nouvelles définitions du sepsis Critères simplifiés du SOFA Score Permet d’identifier rapidement les patients ayant un mauvais pronostic nécessitant une surveillance rapprochée Sepsis : Quick Sofa => 2 critères parmi : ◦ PA systolique < 100 mmHg ◦ FR > 22 cycles/minutes ◦ Confusion Choc septique : ◦ Sepsis ◦ Besoin de drogues vasopressives pour maintenir une PAM > 65 mmHg ◦ Lactates > 2 mmol/L Définitions (4) : Pièges Causes non infectieuses de SRIS : Lésionnel ◦ Infarctus tissulaire ◦ traumatisme Endocrinien ◦ Insuffisance surrénale aigue Inflammatoire ◦ Poussée de maladie auto-immune (ex : LED) Iatrogène ◦ Réaction à un produit dérivé du sang ◦ Syndrome malin des neuroleptiques Tumoral ◦ Cancers ◦ Hémopathie Suite Cas clinique (2) Vous arrivez en courant dans la chambre de Mr A, vous débutez le remplissage avec du sérum physiologique, et en soulevant le drap pour lui poser une sonde urinaire,(demandé par le médecin), vous constatez ceci… A votre passage, Mr B a une température à 38,5°, il vous dit qu’il a toujours froid, la preuve, ses doigts sont tout bleus. … Lorsque vous prenez en charge Mme C, elle semble confuse et a retiré ses draps, ce qui vous permet de voir ses membres inférieurs et vous constatez cette fois ceci… Quelles sont les anomalies cutanées constatées et que cela vous évoque t’il ? Réponse cas clinique (2) : signes cliniques TOUJOURS REGARDER LES EXTREMITES Pour la recherche de signes d’hypoperfusion Pour éviterCyanose de mauvaises surprises…. Purpura vasculaire digitale : (découverte de plaie tardive, ischémie de Marbrures cutanées des membres inférieurs Mesurer le temps de membre, etc….) recoloration cutanée ++ Pathologique si TRC > 3 secondes 1ère étiologie à évoquer : Purpura Fulminans : URGENCE ABSOLUE Signes d’HYPOPERFUSION PERIPHERIQUE Physiopathologie (1) Activation de la coagulation Activation de la phagocytose Activation de l’immunité innée Réponse inflammatoire Activation de la production de cytokines inflammatoires Activation du système du complément Physiopathologie (2) Si réponse inflammatoire disséminée dans l’organisme Vasoplégie Vasoconstriction réactionnelle des territoires rénaux splanchniques et cutanés Préservation des territoires vitaux : - Cœur - Cerveau Défaillance multi viscérale Diminution des apports en oxygène Insuffisance rénale Ischémie digestive Troubles de coagulation Marbrures cutanées Défaillance hépatique Décès Question Bonus Pourquoi le médecin vous a-t-il demandé de sonder Mr A ?? ◦ Surveillance de la diurèse +++ ◦ Si anurie : critère de gravité de l’insuffisance rénale et discussion de dialyse Va-t-il vous demander de sonder Mme C aussi ??? ◦ OUI !!! Suite cas clinique (3) Vous recevez les résultats de la prise de sang réalisée en urgence pour Mr A, tandis que la TA reste basse malgré le litre de sérum physiologique qui vient de passer. - Plaquettes : 20 G/L - Créatinine : 350 µmol/L - Hb :10g/L - Lactatémie : 6 mmol/L - TP : 50% Entre temps, Mr B vous a signalé qu’il avait beaucoup de mal à respirer, vous lui avez mis 5L d’oxygène au masque haute concentration, et réalisé des gaz du sang. Voici les résultats des gazs et de la biologie : - PaO2 50 mmHg - PCO2 60 mmHg - PH 7,25 - Cytolyse hépatique à 4N - CRP 460 mg/L De son côté, Mme C est de plus en plus difficilement réveillable. La sonde que vous lui avez posée ramène 50cc d’urines. La TA se maintient à 90/60 mmHg avec l’hydratation qui passe. Le laboratoire vous appelle pour vous signaler une troponine à 1,9g/L et une Hb à 6 g/L. Parmi les résultats ci-dessous, lesquels vous font suspecter une ou des défaillances chez ces patients et lesquelles ? Réponse cas clinique (3) : signes biologiques Insuffisance rénale : - Créatinine : 350 µmol/L Troubles de la coagulation : - Plaquettes : 20 G/L - TP : 50% Troubles métaboliques - Lactatémie : 6 mmol/L Défaillance respiratoire - PO2 50 mmHg - PCO2 60 mmHg Troubles métaboliques : - PH 7,25 : acidose Défaillance hépatique : - Cytolyse hépatique à 4N - CRP 460 mg/L : pas un critère de gravité Défaillance cardiaque : - troponine à 1,9g/L - Anémie à 6 g/L : soit complication hémorragique soit autre phénomène (ex hémolyse) Transfusion en urgence pour ne pas aggraver l’hypoperfusion tissulaire Synthèse des signes de gravité biologique Défaillance cardiovasculaire : ◦ Bilirubine > 34 µmol/L ◦ Cytolyse 1,5N ◦ Elévation troponine +/BNP Défaillance respiratoire : Défaillance rénale : ◦ Créatinine > 177 µmol/L ou élévation de 2N Troubles de coagulation : ◦ Thrombopénie < 100000/mm3 ◦ TP < 50% ◦ SaO2 < 60 mmHg Défaillance hépatique : Troubles métaboliques : ◦ Lactates > 2 mmol/L ◦ PH< 7,35 Donc toujours faire biologie complète et gaz du sang + lactates en cas de sepsis sévère Suite cas clinique (4) ETT : Radio de thorax : Pas d’examen complémentaire encore réalisé car trop instable sur le plan hémodynamique - image vibratile de 1,5 cm, avec fuite paraprothétique - Hypokinésie globale - TDM TAP et cérébral : plages d’ischémie frontale G et hépatospléniques Quelles sont vos hypothèses diagnostiques ? Réponse cas clinique (4) : signes en imagerie Méningite à méningocoque avec Purpura Fulminans Pneumopathie franche lobaire aigue du lobe moyen droit Endocardite infectieuse avec localisations septiques secondaires multiples Synthèse des signes en imagerie Imagerie à réaliser lorsque le patient est stabilisé Adaptée à la clinique selon le point d’appel suspecté ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ Pulmonaire : radio de thorax Urinaire : échographie rénale Digestif : TDM abdominal Cardiaque : ETT Etc… Si absence de point d’appel : TDP TAP injecté à la recherche d’un foyer infectieux profond Question bonus Le diagnostic a bien avancé concernant vos 3 patients… mais y’a-t-il un élément fondamental de la prise en charge qui aurait été oublié ?? Les ANTIBIOTIQUES !!!! ◦ Non systématique en cas de fièvre ◦ Mais INDISPENSABLES en cas de critères de gravité ◦ A introduire le plus rapidement possible à partir du moment où la décision a été prise (gain sur la mortalité si introduction précoce +++) ◦ Après réalisation de tous les prélèvements microbiologiques (hémocs, ECBU, coproculture etc…) Suite cas clinique (5) La ponction lombaire a finalement pu être réalisée après transfusion de plaquettes et correction du TP. Voici les résultats : Liquide trouble GB 200/mm3 90% PNN 10% lymphocytose Examen direct : cocci gram négatif évoquant méningocoque Les hémocultures et l’antigène urinaire pneumocoque reviennent positif pour Mr B. Toutes les hémocultures de Mme C sont positives à Staphylocoque Aureus. Ces résultats vous paraissent-ils cohérents ? Suite à l’appel du laboratoire pour vous donner ce résultat, quelle est votre attitude en priorité ? Réponse cas clinique (5) : arguments microbiologiques Oui, ces résultats sont cohérents dans les 3 cas. Vous devez impérativement prévenirPneumocoque le médecin : le /résultat d’une hémoculture est toujours une urgence (permet adaptation de l’antibiothérapie) Méningocoque / Neisseria Meningitidis Portage pharyngé Transmission directe interhumaine par voie aérienne => isolement respiratoire Streptococcus Pneumoniae Commensal des voies aériennes supérieures Transmission de type gouttelettes Staphylococcus Aureus Portage cutané Transmission manuportée Facteurs de virulence Infections liées aux soins (complication KT ++) Critères d’orientation diagnostique Céphalées/ Troubles de la vigilance Douleurs lombaires + SFU Dyspnée Douleurs abdominales Erythrodermie de membre Péritonite Pyélonephrite / Prostatite Pneumopathie Méningite ou Méningoencephalite Dermohypodermite Synthèse conduite à tenir en situation de sepsis sévère Surveillance RÉGULIÈRE des paramètres vitaux ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ TA FC FR Saturation Glycémie capillaire Température Prélever hémocultures +++++ à répéter +/- biologie complète et gaz du sang si non déjà fait ECBU ECG Pose d’une VVP et préparation d’un soluté de réhydratation à poser après accord du médecin Prévenir le médecin en urgence Si purpura : préparer une injection de CEFTRIAXONE 2g à faire après accord du médecin Les pathologies très pourvoyeuses d’état infectieux sévère - Méningite - Endocardite - Méningo-encéphalite herpétique - Infections invasives à Candida Parfois paludisme Parfois leptospirose Toutes les infections….. - Méningite (1) Définition : réaction inflammatoire de l’espace méningé (≠ méningo-encéphalite) Pas toujours d’origine infectieuse Anatomie ◦ Méninges : « enveloppe non osseuse du SNC » Méninges Barrière hémato-encéphalique : défense contre les pathogènes MAIS pénétration plus difficile des antibiotiques Mauvaise tolérance de l’inflammation du SNC => risque d’HTIC : URGENCE Méningites (2) Physiopathologie : ◦ Soit bactériémie ◦ Soit inoculation directe (acte chirurgical) => méningite nosocomiale ◦ Soit infection de contiguïté en cas de brèche ostéo-méningée (foyer ORL ++) Méningite (3) Epidémiologie ◦ 1400 cas / an en France ◦ Incidence plus élevée chez les enfants entre 1 et 4 ans et après 64 ans ◦ Répartition microbiologique : < 3 mois : Streptocoque Agalactiae (Strepto B) – Infection Materno-fœtale 1- 5 ans : Streptococcus Pneumoniae / Haemophilus Influenzae / Neisseria Meningitidis Adulte < 24 ans : N. Meningitidis ++ Adulte > 24 ans : S.Pneumoniae, N. Meningitidis et Listeria Monocytogenes (surtout immunodéprimé) Méningite (4) Clinique : ◦ Syndrome méningé Douleur à la flexion de la nuque Céphalées Photo/phobie ◦ Fièvre Complications : ◦ Mortalité : 5 à 10 % ◦ Séquelles : 10 à 30 % (neuropsychologiques et auditives +++) Méningite (5) Réalisation de la ponction lombaire Examen clé du diagnostic Avant l’introduction des antibiotiques SAUF EN CAS DE PURPURA FULMINANS Contre-indiquée si troubles de coagulation ou traitement anticoagulant Technique : Assis, dos arrondi ou couché Piqûre à hauteur des épines iliaques Stérile +++ Endocardite (1) Définition ◦ « Infection bactérienne de l’endocarde » Anatomie Dissémination bactérienne dans l’organisme Endocardite (2) Physiopathologie Porte d’entrée : - Cutanée - Dentaire - Digestive - ….. Donc RECHERCHE SYSTEMATIQUE de la porte d’entrée et PEC de celle-ci !! Greffe bactérienne sur lésion de l’endocarde préexistante = VEGETATION Essaimage dans la circulation Destruction valvulaire Endocardite (3) Epidémiologie ◦ ◦ ◦ ◦ 2200 cas/an en France > 50 ans dans la plupart des cas 2/3 hommes EI du cœur gauche dans 90% des cas Streptocoques Entérocoque Staphylocoque Aureus Endocardite (4) Clinique ◦ ◦ ◦ ◦ Polymorphe +++ Apparition ou majoration d’un souffle cardiaque Fièvre constante Présentation aigue ou subaiguë Complications ◦ Mortalité : 20% ◦ Séquelles Insuffisance cardiaque Séquelles neurologiques (si AVC) Méningo-encéphalite herpétique (1) Définition ◦ Encéphalite aigue nécrosante à HSV ◦ Infection sévère mais virale (à la différence des pathologies sus-citées) Anatomie Encéphale (≠ méninges) Méningo-encéphalite herpétique (2) Clinique ◦ ◦ ◦ ◦ ◦ Evolution rapide Fièvre, céphalées Troubles du comportement +/- Crise convulsive +/- Coma Prise en charge en URGENCE avec introduction d’ACICLOVIR IV sans attendre les résultats de la PL Complications ◦ 40% de séquelles neuro-psychologiques Synthèse des principes de prise en charge d’un état infectieux sévère Objectifs : ◦ Traitement symptomatique Contrôle de l’hypovolémie Oxygénation optimale ◦ Traitement étiologique Contrôle du phénomène infectieux Donc : ◦ Remplissage vasculaire ◦ +/- amines vasopressives ◦ Antibiothérapie large spectre initialement à adapter dans un second temps aux résultats microbiologiques Take - Home messages (1) Toutes les infections peuvent devenir sévères ◦ quel que soit le stade de la prise en charge La plupart des infections sévères sont bactériennes : ◦ Endocardite ◦ Méningite ◦ Leptospirose Mais pas que : ◦ Paludisme ◦ Méningoencéphalite herpétique La surveillance répétée de l’état hémodynamique est la clé de la prise en charge (TA, FC, saturation, FR) Recherche des défaillances (neurologique, respiratoire, rénale avec surveillance de la diurèse) Take - Home messages (2) Répéter les hémocultures +++ Bilan biologique complet en urgence Attention aux présentations cliniques atypiques (ex : somnolence isolée…) Vérifier l’état cutané (purpura, marbrures, cyanose, TRC > 3 secondes) Prélèvements microbiologiques (HC et ECBU) AVANT antibiothérapie Antibiothérapie en URGENCE (gain sur la mortalité) Purpura Fulminans : URGENCE ABSOLUE – Préparer CEFTRIAXONE 2G Références bibliographiques E. Pilly Infos-antibio 06/16 (infectiologie.com) : Nouvelles définitions du sepsis Thomas L. et al., Infective endocarditis, 2016 Merci de votre attention. Pour toute question : [email protected]