Bernard GOLSE Pédopsychiatre-Psychanalyste (Association psychanalytique de France) Chef du service de pédopsychiatrie de l’Hôpital Necker-Enfants Malades (Paris) Professeur de Psychiatrie à l’Université Paris Descartes (Paris 5) Président de l’Association Européenne de Psychopathologie de l’Enfant et de l’Adolescent (AEPEA) Cet intervenant : n’a pas déclaré ses liens d’intérêt Tous les orateurs ont reçu une déclaration de liens d’intérêt. Journées Parisiennes de Pédiatrie Paris, 8 octobre 2016 Le concept de dyspraxie L’histoire d’une longue histoire Définition actuelle de la dyspraxie Un trouble de plus en plus précis Il s’agit d’un dysfonctionnement perturbant l’action motrice d’un geste intentionnel, sans atteinte lésionnelle neurologique avérée, et ne pouvant être expliqué ni par un retard mental, ni par un déficit sensoriel ni par un trouble du développement psychoaffectif Un trouble longtemps flou, à l’interface du développement, de la neuropédiatrie et de la pédopsychiatrie. La dyspraxie, est un trouble de la coordination motrice, dont la définition est longtemps restée imprécise mais qui se trouve désormais de plus en plus circonscrit Trouble endogène ou exogène ? Un trouble endogène : retard maturatif ou déficit lésionnel ? Un trouble exogène : symptôme d’une étiologie psychogène ou conséquence psychologique du trouble psychomoteur ? Un trouble neurodéveloppemental (au bon sens du terme) à l’interface du dedans (facteurs endogènes) et du dehors (facteurs exogènes) : concept de psychopathologie développementale ? Histoire de la terminologie (1) Une évolution séquentielle Une première période parquée par une vision constitutionnelle (E. Dupré, 1927) Une deuxième période marquée par une vision psychogène de type psychanalytique (J. Bergès, 1985) Une troisième période, actuelle, marquée par une vision plus neuro-développementale (les enfants « Dys ») Histoire de la terminologie (2) Dénominations successives Les termes les plus souvent utilisés ont été : maladresse, difficultés d’intégration sensorielle, difficultés d’apprentissage moteur, problèmes de coordination motrice, coordination pauvre, difficultés perceptivo-motrices ... Plus récemment a été introduit le terme de trouble de l’acquisition de la coordination (TAC), ou DCD (Developmental Coordination Disorders) pour les Anglo-Saxons (APA, 1994) Depuis la troisième édition (1987) du DSM (Diagnostic and Statistical Manual of mental disorders), le terme de TAC apparaît dans le cadre des troubles des habiletés motrices. Le TAC reconnaît trois formes principales : la dyspraxie visuoconstructive, la dyspraxie idéo-motrice et la dyspraxie mixte (L. Vaivre-Douret) Dans la CIM-10 (OMS, 1994), il existe une rubrique intitulée « troubles spécifiques du développement moteur ». Histoire de la terminologie (3) Un trouble global de la coordination ? Perturbation motrice (B. Collier, 1900) Débilité motrice ou « maladresse de la motilité volontaire » (E. Dupré, 1911) H. Wallon et G. Denjean (1958) : le trouble praxique concerne « la préfiguration de l’acte dans son déroulement temporel et spatial » W.R. Brain (1961) : introduction du terme de dyspraxie F.R. Ford (1966) : la maladresse motrice J. Piaget : les praxies sont des enchaînements complexes de séquences gestuelles conçues selon une intention ou un résultat B. Gibello : de la dysharmonie cognitive (dysgnosie, dyschronie et dyspraxie) à la dysharmonie évolutive (R. Misès) : hétérochronies des lignes de développement (A. Freud, 1965) Le retard mixte du développement (F.83 dans la CIM-10) Histoire de la terminologie (4) Un trouble plus spécifique et spécialisé de la coordination ? Dyspraxie de l’enfant en référence à l’apraxie constructive des adultes (J. de Ajuriaguerra et M. Stambak, 1969) Apraxie développementale puis dyspraxie développementale (A.J. Ayres, 1972 et S.S. Gubbay, 1979) Dyspraxie développementale pour évoquer les enfants « maladroits » (A. Lesny, 1980 - M. Denckla, 1984 - S. Cermak, 1985) Troubles de l’Acquisition de la Coordination (TAC) ou Developmental Coordination Disorder (DCD), plus récemment, mais groupe en fait encore hétérogène (fourre-tout) car rassemblant les enfants maladroits (congenital clumsiness) et ceux atteints de dyspraxie développementale spécifique (DSM3, 1987, DSM4-R, 2000 et DSM5, 2015) Les 4 expertises collectives INSERM Troubles mentaux : dépistage et prévention chez l’enfant et l’adolescent (2002) = disqualification de la clinique Psychothérapie – Trois approches évaluées (2004) = disqualification du soin Trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent (2005) = médicalisation des troubles du comportement Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, – Bilan des données scientifiques (2007) = neurologisation des troubles des apprentissages Aspect finalement trompeur du terme de « Dys » (+++)