Décision publique et effets de trajectoire, les leçons des réponses

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Décision publique et effets de
trajectoire, les leçons des
réponses aux chocs pétroliers
Master EDDEE
Séance n°3
Jean-Charles HOURCADE
Décisions publiques et formation des anticipations :
l’expérience des réponses aux chocs pétroliers
• Convergence des prospectives, divergence des réponses: rappel du
tempo de l'échec du nucléaire, France et Japon exceptés
• Le rôle des conventions sociales pré-existantes (USA, Japon, RFA): le
nucléaire peut-il supporter le « market test »?
• Le choix nucléaire en France: émergence et persistance d'une
convention
–
–
–
–
quand la minimisation des coûts n'est pas le seul enjeu
Les raisons d’un compromis partagé
les jeux de l'hypnose de 1973 à 2000
la création d'une irréversibilité
• Un « sous dossier » intéressant: le surgénérateur: le jeu du
raisonnement marginal et de l’irréversibilité
ETAPES DU CHOIX NUCLEAIRE FRANÇAIS
• I. DU MILITAIRE AU CIVIL….LES PARADOXES AUTOUR DE
L’INDEPENDANCE
• 1954 : levée de l’embargo US sur les informations concernant le
nucléaire civil
• 1954 : Lancement de la « bombe A» française par Mendès France
« sous hypnose »
• 1956 : crise de SUEZ
• 1957 : lancement de Pierrelatte par Guy Mollet « sous hypnose »
pour faire la bombe H et alimenter le sous-marin français
• 1957 : création de l’Euratom, nécessité de profiter de l’avance US ;
les USA financent 40% d’Euratom
• 1958 : de Gaulle choisit la filière UNGG pour ne pas dépendre de
l’uranium enrichi
• 1958 : AEG (Allemagne) et General Electric ont un projet BWR
• 1962 : Explosion de la bombe française
• 1962 : de Gaulle échoue à ramener l’Euratom à la filière UNGG
• 1963 : début compétition Westinghouse (PWR), General Electric
(BWR) aux USA ; le jeu des intoxications réciproques
• 1964 : les Anglais abandonnent Magnox et passent à l’eau légère
LES CONFLITS D’ATTRIBUTION (1950-1966)
• 1956-58-59 Réacteurs expérimentaux G1, G2, G3 à Marcoule par
le CEA, couplage de centrales par EDF
• 1960-1966 : Projet Chinon1, premier prototype industriel sur
filière UNGG ; compétition équipes EDF-CEA sous contrôle de
Guillaumat (CEA) et Gaspard (EDF)
• Victoire EDF : Construction Chinon 1 et Chinon 2 ; frictions
EDF industrie, retards et déboires
• 1966 : Chinon 3 : 480MW, encore des difficultés, début de
Bugey et St Laurent
• 1966 : Rapport Chevrier qui tranche en faveur d’EDF pour les
centrales industrielles et donne Phénix au CEA
LA QUERELLE DES FILIERES
• 1966 : Rapport Cabanius (EDF) Horowitz (CEA)
• 1966 : Boiteux DG d’EDF
• 1967 : Débat du Fessenheim ; Babcox, Schneider, CGE font un prix
de 20% trop cher
• 1967 : EDF fait de l’UNGG à Fessenheim … mais du LWR avec les
Belges à Tihange (pour s’entraîner)
• 1967 : le CEA lance le PAT (prototype à terre) du réacteur eau
légère du sous-marin français
• 1967 : les finances font un prêt à l’Espagne pour Vandellos (UNGG)
• 1967 : Francis Perrin bloque le LWR auprès de Gaulle
• 1968 : la licence contre le mille pattes
• 1968 : les finances refusent un prêt à l’Argentine pour une UNGC
• 1969 : il met en compétition Schneider-Creusot-Loire (PWR) et CGE
(BWR)
• 1969 : Fessenheim PWR UNGG
• 1969 : départ de De Gaulle
• 1969 : la « gaffe » de Boiteux lors de l’inauguration de St Laurent
LE LANCEMENT
• 1970-1973 : un tournant tranquille (deux par an),
Lacoste versus les finances
• Septembre 1973 : qu’ont fait les experts ?
• Décembre 1973 : Jean Couture à Boiteux …. Pour
midi combien de tranches ?
• 6 mars 1974 : Programme Messmer …. Ou la
« dernière hypnose » ?
La réponse aux chocs pétroliers en France: la
mobilisation d’une convention préexistante
6 centrales/an garanties
Industrie privée
Accord
EDF
Chauffage électrique
Pouvoirs publics
Légitimité et
crédibilité
CEA (surgénérateur)
consommateur
passif
Consensus des grands partis
Efficacité d’une convention crédible; coûts de
sa non adaptabilité
• Standardisation et mobilisation industrielle; les bénéfices
de la bataille de l’attribution
• Extension du marché: électrification des logements neufs
à 85%
• Appel réussi aux capitaux étrangers (Barre 79) malgré un
pic d’endettement à 2.3 fois le CA
• Effet d’irréversibilité: la contestation écologique contenue
• 1981: deuxième effet d’hypnose et marche à la
surcapacité
D’autres réponses, d’autres conventions: USA,
Japon, Allemagne
• USA: le nucléaire défait par le « market test »
– Déficit de coordination industrielle
– Force des pouvoirs locaux et coûts de transaction
– Squeeze entre autorités de régulation et taux d’intérêts
• Japon: les priorités du MITI en 1970
– industries lourdes -> industries de l’information
– sécurité par guerre de mouvement
– nucléaire de substitution et non d’électrification
• Allemagne: le poids du charbon et du fédéralisme
–
–
–
–
Kölhenpfennige
Structures fédérales et coûts de transaction
Moindre concentration du secteur électrique
Course de vitesse gagnée par le réflexe anti-nucléaire
France : une réussite technique
Source : Hourcade et Kostopoulou, 1994 : ‘Quelles politiques face aux chocs énergétiques’ in Futuribles n°189.
France : un résultat macro plus mitigé
Source : Hourcade et Kostopoulou, 1994 : ‘Quelles politiques face aux chocs énergétiques’ in Futuribles n°189.
Source : Hourcade et Kostopoulou, 1994 : ‘Quelles politiques face aux chocs énergétiques’ in Futuribles n°189.
Source : Hourcade et Kostopoulou, 1994 : ‘Quelles politiques face aux chocs énergétiques’ in Futuribles n°189.
Un effet d’éviction énergie --> industrie
Source : Hourcade et Kostopoulou, 1994 : ‘Quelles politiques face aux chocs énergétiques’ in Futuribles n°189.
Effet d’éviction sur une courte durée
Source : Hourcade et Kostopoulou, 1994 : ‘Quelles politiques face aux chocs énergétiques’ in Futuribles n°189.
RFA : un
contournement
via la force du DM
JAPON : une guerre
de mouvement
industrielle
ITALIE ; une
adaptation sans
stratégie ?
L’ambiguïté économique d’un succès
technique reconnu: fin de l’optimum sectoriel
• Un effet volume sur les importations moins brillant qu’il
n’apparaît
– Un artefact comptable: énergie primaire énergie finale
– Une durée d’utilisation des centrales nucléaires revue à la baisse
– Un courbe de charge plus « pointue »
• L’effet « économie d’importation » de la restructuration
industrielle au Japon
• Le poids des paramètres macro-économiques et monétaires
• Un succès payé d’un effet d’éviction sur le progrès industriel?
– Effet durable d’une éviction financière temporaire? La réalité du
progrès technique induit
– Les obstacles institutionnels d’une allocation différente des efforts
Le modèle « calcul économique » en question?
• Conventions, stabilisation des anticipations et prise
de risque
• Usage stratégique de l’incertitude
• Asymétrie d’expertise : ingénieurs vs politiques
• Progrès technique induit, irréversibilités et équilibres
multiples
• Ecart optimum sectoriel, optimum social: le rôle des
paramètres macroéconomiques
Critiques du monopole public: des critiques
hétérogènes mais convergentes
•
Capture du ‘régulateur’
–
–
•
Politisation des choix et arbitraire administratif;
–
–
•
inefficacité des gouvernements comme régulateur (sous-informé,
horizon temporel limité)
tentation interventionniste
Captation de rente au détriment du consommateur
-
•
•
Intervention verticale et non révélation des coûts
L’ingénieur impose impunément ses choix technologiques
au profit des lobbys syndicaux et des groupes d’influence internes
permettant du clientélisme politique via des subventions croisées
Et d’imposer des choix technologiques technocratiques (nucléaire)
Pas d’incitation à l’innovation
Biais en faveur des systèmes centralisés et de la
« grande taille »
Dérégulation des systèmes électriques et gaziers:
choix conscients, choix sous hypnose
• USA: Californie 1996: s’affranchir des contraintes de la loi
PURPA (hausse des prix de 25%)
• Royaume-Uni (198-) : monopole public inefficace qui
finance l’industrie charbonnière; poids syndical à casser
• UE: une pesanteur institutionnelle
- deal de 1992: l’énergie un domaine à prérogative nationale
- la Commission intervient sur le seul droit de la concurrence
- elle utilise ce droit avec l’accord tacite (ou la distraction)
- d’une partie des cadres dirigeants du secteur
(autonomie par rapport à l’Etat et aux syndicats)
- de la RFA (réduire le poids des charbonniers) et d’EDF
(profiter de son potentiel offensif)
- des petits pays avec production décentralisée (DN, ND)
- des mouvements écologistes
L’économie de la dérégulation
•
Théorie des marchés contestables (BaumolPanzar-Willing 1985), théorie des contrats
•
Notion de réseau comme service essentiel
•
Unbundling: élimination des barrières à l’entrée
et à la sortie due au réseau
•
Nécessité d’une autorité de régulation du réseau
•
Mettre sur le marché la production d’énergie en
amont du réseau et la vente de service
(distribution)
Les limites reconnues d’une théorie qui a largement
imprégné les esprits
• Nullité des coûts d’entrée (coûts d’information) qui
ne peut être réalisée que par la cession à bas coût
des actifs existants
• Des entrants qui ont tous les mêmes fonctions de
production
• Un raisonnement statique (fonctions de production
données)
• Pas de prise en considération des spécificités
techniques des secteurs (supposés matures)
Des principes d’économie pure confrontés aux
caractéristiques techniques de l’électricité
•
Extrême volatilité des prix
– Non stockabilité et inélasticité de la demande de CT
– Problèmes de stabilité du réseau (loi de Kirchoff)
•
Investissements à long délai de récupération
– 6 à 10 ans pour le nucléaire et le gros hydraulique
– 7 ans pour la transmission
•
Non coordination des investissements et cycles
de prix; problèmes de lisibilité
•
Risques de faillites et recherche de la taille
Une nouvelle affectation des prises de risque
•
Monopole régulé: pas de risque-prix ni de
risque-volumes; report des risques
technologiques sur les consommateurs (tarifs)
•
Système concurrentiel
– Incertitude régulatoire (risques politiques des hausses
de prix, pression des intérêts locaux, Nymby)
– Peu de Fi sur fonds propres et de corporate financing
– Du project financing et non du corporate financing
– Pas de contrats longs pour des achats de gros
– Pas de contrats d’option ou de futures > 2 ans
•
Question: quelle incitation à investir en
nouvelles capacités?
Le nucléaire, énergie d’avenir dans un système
dérégulé? Deux croyances contradictoires?
•
Temps de construction: 2 ans –> G; 6 -> N
•
Coût capitalistique (€/KW) : 500 -> G; 3000 ->N
•
Temps de retour: 12 à 15 ans -> N; 5 ans -> actionnaires
•
Divisibilité: 300 MW -> G; 2000/3000 MW – N
•
Le contrat AREVA – TVO: un exemple non répétable
•
Sortir le nucléaire du marché?
–
–
–
–
•
Appels d’offre et obligation d’achat?
Acceptation d’une concentration des industriels
Garantie publique des investissements
L’enjeu de la mobilisation des équipementiers
On n’a plus que 10 à 15 ans pour trancher
Quand le recours au marché n’empêche pas le
recours à « l’arbitraire »
•
Régulations (crédits verts, crédits blancs … en attendant une nuclear
obligation?) pour internaliser les objectifs ‘publics’
•
Influences ‘diverses’ sur les regroupements industriels: divisions intraeuropéenne et montée de la Russie sur le gaz
•
Jeux politiques spécifiques autour de la Commission
•
Régulations ‘fines’ sur les difficultés d’articulation entre marchés de
gros, marchés ‘day – ahead’ et bourse (Powernext),
•
Soutien (subvention implicite) pour l’investissement en pointe et sur les
règles ENR (40%)
•
Traitement politique de la levée des contraintes sur les réseaux de
transmission à longue distance
Quels outils intellectuels pour « encadrer » les marchés ?
•
La France va-t-elle récupérer son
investissement nucléaire ?
• 1 - la montée d’AREVA…et les raisons de son
insuccès…on ne
s’improvise pas ensemblier
- la raison de l’EPR (European Power Reactor)
- marchés externes
- savoir faire à préserver
. 2 - la réalité des marchés
- « regarder » une carte du monde
- la montée des solutions alternatives « simples » : CP 2000 en
Chine, N4 en Corée
. 3 - le retour du volontarisme politique
. FINLANDE 2005
. FLAMANVILLE 2007
. PANLY (avec Areva, EDF et Suez qui est de retour)
. 4 - Les cuves faites au Japon
Vers une nouvelle économie publique?
Calcul économique lié à la prospective?
- quand la prospective technologique est controversés
- quand les effets d’équilibre général sont significatifs
- un diagnostic partagé est nécessaire: du calcul prescriptif
au modèle comme outil de négociation entre intérêts et
croyances
Ou remise au marché? (théorie des contrats)
- maîtriser les asymétries d’information (principal – agent)
- révéler l’information et protéger le consommateur
- la revanche culturelle de Hayek sur Keynes
Un enjeu: maîtriser la déconnection CMCT et CMLT
- partage du surplus vs préparation du très long terme,
- volatilité des prix et risques d’investissements
Matériaux
• Marcel Boiteux, « Le calcul économique dans l’entreprise électrique »,
Revue de l’énergie, 390, 1987
• Apologue de Gabriel Dessus, in R.Boyer, B.Chavance, O.Godard, « Les
figures de l’irréversibilité en économie », Ed.EHESS, 1991
• Edmond Malinvaud, « La science économique et les décisions
d’économie globale », Revue de l’énergie, 390, 1987
• Jean-Charles Hourcade, « Calcul économique et construction sociale
des irréversibilités : leçons de l’histoire énergétique récente », in
R.Boyer, B.Chavance, O.Godard, « Les figures de l’irréversibilité en
économie », Ed. EHESS, 1991
• Dominique Finon, « Force et inertie de la politique nucléaire française.
Une coévolution de la technologie et des institutions. », in A.Beltran et
al. dir., Etat et Energie, XIX°-XX° siècle, Paris , La Documentation
Française (Comité pour l’histoire économique de la France), p.183-215.
• In a nutshell :
Principes de microéconomie
Grandeurs et servitudes de la tradition des ingénieurs économistes
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