LA SOUFFRANCE DES SOIGNANTS • Quelles sont les souffrances que peuvent rencontrer les soignants dans l’accompagnement de fin de vie ? Quelles sont les difficultés d’un tel accompagnement ? • La souffrance des soignants naît décalage entre les attentes et la réalité. • 2 facteurs en jeu : - Les pressions extérieures - Les exigences intérieures du LES PRESSIONS EXTERIEURES 1. La société : 75 % des malades meurent à l’hôpital Illusion de la toute puissance scientifique, de la médecine miraculeuse Devoir de guérir et faire reculer les frontières de la mort Fantasme inconscient d’immortalité Hôpital = mise en scène de la puissance du pouvoir médical sur la maladie et sur la mort → sentiment d’échec, déception, culpabilité Illusion d’une mort douce, apprivoisée à l’hôpital → sentiment d’insatisfaction et d’impuissance LES PRESSIONS EXTERIEURES (suite) 2. L’institution : Investissement dans des moyens techniques et thérapeutiques de plus en plus sophistiqués Objectifs économiques à respecter (rentabilité, efficacité, réussite) → Restriction des moyens humains, des lieux, des temps → frustrations au quotidien, sentiments d’insatisfaction, d’autodépréciation, désinvestissement, syndrome de burn out LES EXIGENCES INTERIEURES 1. Les motivations professionnelles : Pourquoi décide t-on de travailler auprès de personnes malades, souffrantes ou mourantes ? On n’est pas soignant par hasard Désir inconscient de se protéger contre la mort LES EXIGENCES INTERIEURES (suite) 2. Les limites personnelles : Apprendre que soigner ne veut pas dire guérir L’accompagnement de fin de vie confronte le soignant à des sentiments d’échec et d’impuissance → remise en question du sens de son rôle et reconsidération de la notion de soins Réactivation des angoisses de perte, séparation, peur du manque, de deuils… de notre propre angoisse de mort LES EXIGENCES INTERIEURES (suite) Reconnaître et accepter ses limites affectives, émotionnelles, personnelles Partager ses angoisses, difficultés et émotions en équipe Reconnaître ses limites professionnelles à vouloir à tout prix guérir, à vouloir tout porter LES MECANISMES D’ADAPTATION DES SOIGNANTS = mécanismes psychiques mis en place, de façon automatique et inconsciente, pour se protéger et s’adapter à une situation trop douloureuse Mécanismes de défense à respecter Réponses actuelles pour colmater ses propres blessures Parvenir à une meilleure relation avec le malade et ne plus fuir devant une situation difficile Admettre de cheminer avec ses forces et ses failles S’ouvrir sur soi-même pour s’ouvrir à l’autre Mieux reconnaître celles du patient LE MENSONGE Travestir la vérité, en donnant sciemment de fausses informations sur la nature ou la gravité de la maladie Tout dialogue, tout questionnement, toute réplique est impossible En repoussant le temps de la vérité encombrante, le soignant retarde son angoisse, à son propre temps d’adaptation Différer l’apparition d’une nécessaire angoisse = pare-excitation (côté adaptatif) ≠ mensonge par omission = révélation graduelle de la vérité LA BANALISATION Reconnaissance d’une certaine vérité mais celle-ci, partielle et tronquée, se focalisera sur une seule partie du sujet en souffrance Ceci revient à traiter une maladie avant de traiter le malade Le soignant s’enferme dans un registre essentiellement concret (sur les besoins vitaux) Méconnaissance de ce qui peut être vécu audelà de la douleur et de la plainte L’ESQUIVE Le soignant ne peut pas aborder le sujet ni faire face au malade (est démuni, impuissant) Il sera toujours hors sujet, hors de la réalité environnante Il dévie la conversation en parlant d’autre chose, en n’apportant jamais des réponses appropriées décalage qui évite de s’exposer à l’affrontement Patient désemparé, incapable de s’exprimer autour de ses craintes et de se décharger émotionnellement LA FAUSSE REASSURANCE Le patient commence à soupçonner la réalité Le soignant optimise les résultats et entretient chez le patient une sorte d’espoir alors même que le malade n’y croit plus Le soignant tente de conserver ce savoir sur lequel lui seul a encore prise LA RATIONALISATION Le soignant se retranche derrière son savoir et ses compétences (langage technique, spécialisé, incompréhensible) pour éviter les questions embarrassantes et les réponses Le patient ne sait toujours rien ni des symptômes à venir, ni de la nature du traitement. Pas d’espoir Le soignant annihile toute capacité d’intégration chez le patient = augmentation de l’angoisse L’EVITEMENT Comportement de fuite. Relation privée de toute communication (informations indirectes et techniques) Réduction des moments d’interaction et de contact Patient considéré uniquement comme objet de soins LA DERISION Comportement de fuite et d’évitement qui désoriente le patient et le réduit au silence Le soignant banalise les propos inquiets, angoissés du malade concernant symptômes et ressentis en ayant recours à l’humour et la dérision LA FUITE EN AVANT Angoisse trop lourde à porter pour le soignant, incapable de soutenir sa souffrance : se décharge en disant tout et tout de suite maintient un équilibre dans les souffrances Parfois, les soignants devancent les questions, révèlent tout d’un coup, du diagnostic aux traitements longs et douloureux ; des possibles rechutes au pronostic létal Les patients ne réussissent plus à envisager ce temps à vivre privé de cette lueur d’espoir (sidération) L’IDENTIFICATION PROJECTIVE Au lieu d’instaurer une distance suffisante, le soignant s’investit entièrement dans la prise en soin du patient Le soignant se substitue au malade et lui attribue certains traits de soi-même, certains aspects de sa personnalité ainsi que ses propres sentiments et réactions, ses propres pensées et émotions Conviction que nous seuls savons ce qui convient au malade FACE A UNE DEMANDE D’EUTHANASIE « L’acte d’un tiers qui met délibérément fin à la vie d’une personne dans l’intention de mettre un terme à une situation jugée insupportable » (CCNE, Avis n°63 Janvier 2000) Souhait de mourir # Demande d’un geste d’euthanasie Prendre de la distance par rapport à la violence de la demande Recours à des intervenants extérieurs qualifiés EUTHANASIE : DEMANDES EMANANT DE LA FAMILLE Révélation de quelque chose d’insupportable à vivre Attitudes de culpabilité Réactions de deuil anticipé Comprendre et expliquer l’importance de la culpabilité après une telle conduite Expliquer l’utilisation et l’intention des traitements antalgiques Proposer un soutien EUTHANASIE : DEMANDES EMANANT DES SOIGNANTS Lassitude devant des évolutions prolongées Répétition de certaines situations Sentiment d’échec thérapeutique Impression de ne plus trouver de sens aux soins Repérer la compréhension du projet de soins, sens des traitements et la prise en soins instaurés, la communication dans l’équipe, l’absence ou non d’interdisciplinarité FACE A UNE DEMANDE D’EUTHANASIE : DEMARCHE CLINIQUE 1. 2. 3. 4. 5. 6. Écoute de la demande Évaluation des différents facteurs potentiellement en cause dans la demande Discussion en équipe pluridisciplinaire Ajustement du projet de soin et décision Réévaluation fréquente de la situation Réflexion d’équipe à distance