La magnétorésistance géante et son application aux disques durs R. Lardé Maître de Conférences Groupe de Physique des Matériaux UMR CNRS 6634 Université de Rouen [email protected] PLAN DE L’EXPOSÉ I- Histoire de l’enregistrement magnétique II- La magnétorésistance géante A. Fert III- Magnétorésistance et disques durs P. Grünberg I – Histoire de l’enregistrement magnétique I HISTOIRE DE L’ENREGISTREMENT MAGNETIQUE I – Histoire de l’enregistrement magnétique 1880: Oberlin Smith Principes théoriques de l’enregistrement magnétique 1898 : Poulsen (1869-1942) Le télégraphone Electro-aimant Fils d’acier (corde à piano) =1mm Enregistrement magnétique de la voix I – Histoire de l’enregistrement magnétique 1928 : La bande magnétique : une bande de papier "Kraft" revêtue d'une mince couche de fer. 1935 - 40: Le magnétophone à lampe amplificatrice (conception allemande) Magnétophone à bande Magnétophone à fil Jusqu’à 1950, l’enregistrement magnétique est dédié à l’enregistrement du son I – Histoire de l’enregistrement magnétique 1956 : Le 1er disque dur IBM : Le RAMAC 305 50 disques en aluminium recouverts d’une couche magnétique (= 61 cm) 1200 tours par minute Capacité : 5 Mo Taux de transfert : 8Ko/s I – Histoire de l’enregistrement magnétique Tête de lecture/écriture - Un seul bras de tête pour 50 plateaux - Tête pressurisée (distance disque-tête : 20 m) Pas de frottements I – Histoire de l’enregistrement magnétique L’ordinateur de bureau est un peu encombrant….. I – Histoire de l’enregistrement magnétique I – Histoire de l’enregistrement magnétique 1962 : Le RAMAC 1301 Disques en aluminium recouverts d’une couche magnétique (= 61 cm) 1800 tours par minute Capacité : 28 Mo Taux de transfert : 80Ko/s Distance disques-têtes : 6 m Bras de têtes (peigne) - Chaque plateau possède un bras - Technologie des têtes volantes réduction des temps d’accès I – Histoire de l’enregistrement magnétique Le premier disque dur amovible (1962) I – Histoire de l’enregistrement magnétique 1973 : Le Winchester 3303 (IBM) Ancêtre direct des disques durs modernes Boîtier compact contenant les plateaux, les têtes et l’électronique. Capacité 30Mo I – Histoire de l’enregistrement magnétique 2007 - Le prix Nobel de Physique A. Fert (1938) P. Grünberg (1939) Découverte de la magnétorésistance géante en 1988 Naissance de l’électronique de spin I – Histoire de l’enregistrement magnétique Effet de magnétorésistance géante Application quasi-immédiate : Têtes de lecture ultra sensibles pour disques durs Augmention spectaculaire de la densité de stockage et réduction de la taille des systèmes II– La magnétorésistance géante II LA MAGNETORESISTANCE GEANTE II– La magnétorésistance géante Magnétorésistance : Variation de la résistance électrique d’un matériau provoquée par l’application d’un champ magnétique. Le champ magnétique perturbe la diffusion des électrons au sein du matériau Augmentation ou diminution de la résistance électrique Perturbations de natures différentes 4 types de magnétorésistances Ordinaire Force de Lorentz Anisotrope couplage spin orbite Géante Tunnel Diffusion dépendante du spin Forte diminution de R quand H augmente II– La magnétorésistance géante Conduction électrique dans les métaux Courant électrique dans un matériau conducteur Circulation des électrons spin +1/2 "up" e2 types d’électrons espin -1/2 "down" Constitution d’un atome II– La magnétorésistance géante Matériaux conducteurs Courant électrique dans un matériau conducteur Circulation des électrons électrons Atomes I I Matériau conducteur (ex: Cu,Ag, Cr…) Trajectoires électroniques Vibrations des atomes Perturbation de la trajectoire des électrons (diffusion) (agitation thermique) Résistance électrique II– La magnétorésistance géante Matériaux conducteurs ferromagnétiques électrons I atomes I Matériau ferromagnétique (ex: Fe, Co, Ni) Moment magnétique N S Atome (ex :Fe, Co, Ni) Aimant Vibrations des atomes + Interaction magnétique (agitation thermique) (diffusion dépendante du spin électronique) Résistance électrique II– La magnétorésistance géante Découverte de la magnétorésistance géante dans un matériau multicouches Fe/Cr: empilement de couches magnétiques de Fe et de couches non magnétiques de Cr H R(H) R (0) -50% Cr N S R Fe 3 nm Cr Fe S N Cr 0,9 nm I I Résistance électrique en fonction du champ magnétique Baibich et al, Phys. Rev. Lett. 61 (1988) Diminution de R quand H augmente II– La magnétorésistance géante Multicouches magnétorésistives : mécanisme de diffusion dépendante du spin Modèle de Mott : modèle à 2 courants Conduction par deux canaux indépendants d’électrons e- spin up e- spin down II– La magnétorésistance géante En champ magnétique nul (H=0): configuration antiparallèle (résistance élevée) Cr Fe Cr Fe Cr e- spin up N S I R R R R I I S N e- spin down ( 1) R eq Couplage antiferromagnétique, H=0 = (R + R 2 ) II– La magnétorésistance géante En champ magnétique non nul (H0): configuration parallèle (résistance faible) Cr Fe Cr Fe e- spin up N N Cr H I R R R R I S S e- spin down R (eq2) = 2 R R (R + R ) I II– La magnétorésistance géante Applications Têtes de lecture de disques durs Vanne de spin Courant de lecture Couche anti-ferromagnétique Couche piégée Cu Couche libre B III – Magnétorésistance et disques durs III Magnétorésistance et disques durs III – Magnétorésistance et disques durs Constitution d’un disque dur III – Magnétorésistance et disques durs Comment coder et stocker de l’information sur les plateaux ? Les informations vont être stockées sous forme de séquences de bits "0" et de "1". Ecriture des séquences 01001101… sur des pistes. Codage des bits 0 et 1: N S S N Plateau Pistes N S ou S N Transition S-N ou N-S S “0” N N S S N ou N S “1” Transition N-N ou S-S Enregistrement longitudinal III – Magnétorésistance et disques durs Principe de lecture des données La lecture des données va se faire par détection de champ magnétique. Pour une transition N-N ou S-S B S N N S N S S N B Au niveau de la transition, proche de la surface champ magnétique de fuite perpendiculaire important Facilement détectable Bit "1" III – Magnétorésistance et disques durs Pour une transition N-S ou S-N N S N S S N S N Au niveau de la transition, champ de fuite perpendiculaire nul Pas de détection Un "0" est en fait une absence de "1" Bit "0" III – Magnétorésistance et disques durs Lecture des données par détection du champ magnétique de fuite. Tête de lecture = Détecteur de champ magnétique B N S S N S N S BN N S Piste magnétique 1 0 0 1 Lignes de champ magnétique t4 t3 t2 t1 Horloge commande l’ouverture de la fenêtre de mesure à intervalles de temps réguliers La tête de lecture a fait 4 mesures aux temps t1, t2, t3 et t4 et a détecté une séquence "1 0 0 1" III – Magnétorésistance et disques durs Constitution des plateaux Il faut que les plateaux contiennent des petits aimants ! Couche magnétique Couche protectrice Support CoCrPt Al ou verre 30-50 nm III – Magnétorésistance et disques durs Structure de la couche magnétique Elaboration par dépôt de couches minces. Enregistrement longitudinal = Aimantations dans le plan du disque Epitaxie 10 nm Grains magnétiques séparés par du Cr III – Magnétorésistance et disques durs Grains magnétiques séparés pas du Cr Aimantation globale d’un grain (1 domaine magnétique) Cr Réduire le couplage magnétique entre grains III – Magnétorésistance et disques durs Principe d’écriture des données Courant d’écriture Longueur B Bobine Largeur W Entrefer B 1 bit = N grains cristallographiques Tête d’écriture = tête inductive Plateau de l’aimantation (couches magnétique) Orientation aléatoire Transition Tête d’écriture S Courant d’écriture Mr I<0 N Mr N S I>0 III – Magnétorésistance et disques durs Organisation en pistes pistes 1 Espace inter-pistes 1 1 1 1 Pistes W < 0,5 m III – Magnétorésistance et disques durs Observation des bits de données en microscopie à force magnétique pistes Zones brillante = "1" Zones sombres = “0" III – Magnétorésistance et disques durs Les têtes de lecture/écriture Bras Têtes Bras Contacts électriques Rail Slider Slider = Support de tête Forme aérodynamique du slider Epaisseur du rail 400 m Les têtes vont voler au dessus de la surface des plateaux (v ~ 120 km/h) Détermine la hauteur de vol (distance têtes-plateaux ~ 10 nm ) III – Magnétorésistance et disques durs Technologie de têtes volantes (Air Bearing System) Plateau têtes slider "Tapis d’air " Plateau au repos Plateau en rotation Plateau Bras Tête Zone de décollage Pistes (tracks) III – Magnétorésistance et disques durs Lorsque les têtes s’écrasent III – Magnétorésistance et disques durs Courant de lecture slider Courant d’écriture Bobine Bouclier magnétique Entrefer B Tête de lecture Tête d’écriture ~ 5 m III – Magnétorésistance et disques durs Observation de têtes au microscope électronique Entrefer Tête de lecture 200 nm E. Cadel (GPM) Bouclier magnétique E. Cadel (GPM) III – Magnétorésistance et disques durs Disque dur en action Transfert de données d’un Cd-Rom vers le disque dur (R. Lardé, GPM UMR CNRS 6634) III – Magnétorésistance et disques durs Augmentation de la densité de stockage Densité de stockage = Nombre de bits par unité de surface En 1956 : 2000 bits/Inch2 (~ 300 bits/cm2) En 2003 : 100 Gbits/Inch2 (~ 15 Gbits/cm2) Prévisions : 50 Tbits/Inch2 (~ 750 Gbits/cm2) Diminution de la taille des bits III – Magnétorésistance et disques durs Comment faire pour diminuer la taille des bits Longueur l3 Longueur l1 Largeur W1 1 bit = N1 grains cristallographiques Largeur W3 1 Diminution de la taille du bit par réduction du diamètre des grains 1 bit = N1 grains cristallographiques 2 2 Diminution de la taille du bit RSB(rapport signal sur bruit) Si N N RSB Longueur l2 Largeur W2 RSB par réduction du nombre de grains 1 bit = N2 grains cristallographiques III – Magnétorésistance et disques durs On ne peut se contenter de la seule réduction de taille des bits ! Réduction de la taille des bits = diminution de l’intensité des champs de fuite détectables têtes faible gradient de champ B B S N N S m S N H : hauteur de vol N S m m m Diminution de la taille des bits têtes gradient de champ important H : hauteur de vol B B S N N S S N B B N S S N N S S N N S Augmentation du bruit de fond Il faut donc réduire la hauteur de vol et augmenter la sensibilité des têtes de lecture. III – Magnétorésistance et disques durs Des têtes de lecture plus sensibles En 1988 : Albert Fert découvre la magnétorésistance géante (MRG) Apparition des vannes de spin Courant de lecture Couche anti-ferromagnétique Cu Couche anti-ferromagnétique Couche magnétique libre Couche piégée Cu Couche libre I B Couche piégée Un champ magnétique très faible provoque une forte variation de la résistance électrique On détecte les champs de fuite par variation de la résistance électrique. III – Magnétorésistance et disques durs Détection des champ de fuites ( détection des bits "1“) Lignes de champ magnétique Vanne de spin Variation de la résistance électrique III – Magnétorésistance et disques durs III – Magnétorésistance et disques durs Autres technologies utilisées pour augmenter la densité de stockage : L’enregistrement perpendiculaire Les aimantations ne sont plus dans le plan des plateaux mais perpendiculaires aux plateaux. Enregistrement longitudinal Enregistrement perpendiculaire III – Magnétorésistance et disques durs Densité de stockage (Gb/inch²) Evolution de la densité de stockage Années Les disques durs 1952 - 2008 RAMAC 1311 (1962) Les disques durs Fin III – Magnétorésistance et disques durs Diminution de la taille des bits : la limite physique du super-paramagnétisme ! Dans une nanoparticule magnétique l’orientation de l’aimantation est déterminée par l’axe d’anisotropie Axe d’anisotropie Etat instable La barrière d’énergie V m Aimantation stable pour K.V >> k.T Etat stable Etat stable Si V trop faible K.V ~ kT Fluctuation de l’aimantation par agitation thermique m m Kv Perte de l’information stockée -1 0 1 2 E = K.V.sin()2 3 4 III – Magnétorésistance et disques durs Vaincre le super-paramagnétisme ! Diminuer la température (disques à azote liquide) impensable !! Maintenir l’aimantation stable par un couplage magnétique (piégeage) AFC media (IBM 2001) CoCrPt Ru Augmentation de l’anisotropie Utilisation de matériaux magnétiquement durs (anisotropie plus forte) Problème: Champ d’écriture nécessaire beaucoup plus élevé Ecriture assistée par LASER Solutions retenues III – Magnétorésistance et disques durs Enregistrement assisté par LASER Le champ d’écriture seul n’est plus suffisant pour orienter les aimantations. Le LASER apporte de l’énergie thermique. k.T + B LASER Retournement de l’aimantation Courant d’écriture Bobine Entrefer B Grains magnétiques à forte anisotropie III – Magnétorésistance et disques durs Autres technologies utilisées pour augmenter la densité de stockage : Les " patterned media" aimantation Plots magnétiques Substrat Organisation de plots FePt (forte anisotropie) sur la surface du disque Un seul grain (plot) par bits 50 TBits/inch2 I-1.4. LE MÉCANISME : la diffusion dépendante du spin Métaux de transition (Cu, Fe, Co…) 2 canaux indépendants 4s+ (spin up) et 4s- (spin down) les électrons 4s véhiculent le courant électrique Modèle de Mott (1936) Couche de Fe Couche Cr M Cu 3dEF M I+ R 3d+ R I4s Evénements de diffusion : 4s Diffusion 4s+ 4s+ pour les spin up Diffusion 4s- 3d- pour les spin down I-1.4. LE MÉCANISME : la diffusion dépendante du spin Retournement d’aimantation Couche Cr Couche de Fe M 3dEF Cu IR 3d+ R I+ 4s 4s M La diffusion des électrons dépend de l’orientation du spin par rapport à l’aimantation I-1.4. LE MÉCANISME : la diffusion dépendante du spin Champ magnétique nul Champ magnétique élevé Distribution aléatoire des moments magnétiques I Moments magnétiques alignés avec le champ I R R R R R Les 2 canaux subissent le même nombre de diffusions 4s 3d ( 1) R eq = (R + R R ) 2 Résistance élevée R R Seul le canal de spin down subit la diffusion 4s 3d R (eq2) = 2 R R (R + R ) Résistance faible H