Médicaments cardio-vasculaires et sport

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Médicaments cardio-vasculaires et sport
Professeur François CARRE
Service exploration fonctionnelle, Unité de biologie et médecine du sport, CHU
Pontchaillou, Rennes
En guise d’introduction, je rappellerai quelques notions sur les évolutions cardiovasculaires et
l’exercice.
La fréquence cardiaque augmente avec l’intensité de l’exercice pour atteindre une fréquence
cardiaque maximale, qui est globalement la même que l’on soit sédentaire ou entraîné. La
fréquence cardiaque augmente moins vite avec l’entraînement, mais la fréquence cardiaque
maximale n’est pas augmentée par l’entraînement. Elle est parfois un peu diminuée chez les
endurants. De nombreux médicaments interviennent sur ce paramètre en limitant
éventuellement la performance.
De même, le volume d’éjection systolique (VES) est fonction de l’intensité de l’exercice, avec
toutefois des profils différents entre le sédentaire et le sportif entraîné. Chez le sujet entraîné,
le VES peut augmenter jusqu’au maximum de l’effort.
La durée de l’exercice intervient également dans la mesure où la fréquence cardiaque
augmente fortement dans les trois premières minutes de l’exercice avant d’atteindre un
plateau, stade précédant une dérive de la fréquence cardiaque. Celle-ci cherche à compenser la
diminution du VES surtout liée à la déshydratation.
Enfin, au niveau des débits sanguins dans les différents organes, on observe une diminution
des perfusions du rein et de la circulation splanchnique entre le repos et l’exercice. Or ces
organes s’avèrent essentiels dans l’élimination ou l’absorption des médicaments utilisés.
A partir du moment où un sujet nécessite un traitement médicamenteux, il doit davantage être
considéré comme un patient que comme un sportif par le praticien.
Les pathologies les plus fréquemment représentées sont constituées par l’hypertension
artérielle (HTA), la maladie coronaire ainsi que les troubles du rythme. D’autres pathologies
peuvent accessoirement être amenées à devoir faire l’objet d’un traitement mais de façon
beaucoup plus occasionnelle.
ionnelle. Les pathologies valvulaires doivent néanmoins être citées pour
les anticoagulants.
Nous avons vu que l’extrapolation des données pharmacocinétiques des médicaments entre
les phases de repos et d’effort n’était pas pertinente. Les effets de l’exercice,
l’exe
aigus ou
chroniques, sur les médicaments restant largement méconnus. Se pose, de plus, le problème
de l’interaction entre médicaments et performance.La pharmacocinétique de ces drogues en
phase d’exercice se caractérise donc par le faible nombre des données publiées sur le sujet,
quelques éléments ayant trait à l’absorption, à la distribution, à la métabolisation et à
l’excrétion sont néanmoins connus.
Concernant l’absorption orale en aigu, très peu de modifications sont observées tant que le
sujet demeure en dessous du seuil ventilatoire. En injection ou en inhalation en revanche,
l’absorption est très significativement augmentée en cours d’exercice. En chronique, chez le
sportif entraîné, l’absorption semble augmenter du fait des adaptations fonctionnelles
foncti
au
niveau des différents organes et de différentes modifications corporelles.
Au sujet de la distribution, intervient en aigu le problème de la déshydratation. Le sujet va
voir une diminution de son volume de distribution entraînant une augmentation
augmentati
des
concentrations de médicaments. La fixation aux protéines va être augmentée provoquant
éventuellement un effet retard du médicament. La récupération s’avère néanmoins
relativement rapide. En chronique, la hausse du volume plasmatique, surtout en cas
d’entraînement en endurance, peut engendrer une diminution de la concentration de
médicaments chez les sujets très entraînés.
En matière de métabolisme, l’organe essentiel s’avère être le foie. Les médicaments
présentant un métabolisme hépatique, des modifications
modifications peuvent apparaître, tant en aigu
(diminution du flux sanguin hépatique réduisant l’efficacité du foie) qu’en chronique (la
clairance et la demi-vie
vie de ces médicaments pouvant être augmentées).
Pour l’excrétion, celle-ci
ci s’effectue essentiellement dans la sueur, l’air expiré et surtout dans
les urines. Le Professeur Poortmans a mis en évidence que le débit sanguin rénal diminuait
avec l’intensité de l’exercice mais qu’à l’inverse, la fixation glomérulaire restait stable. Ce qui
revient à dire que lee rein ne modifie guère son excrétion jusqu’à 60 ou 70 % du VO2 max
alors qu’au-delà,
delà, intervient un ralentissement du phénomène d’excrétion des médicaments.
Une nouvelle fois, la possibilité d’effets secondaires majorés doit être mentionnée, effets
secondaires
ires qui disparaissent après une phase de récupération d’environ 30 minutes.
Les médicaments suivants doivent ainsi faire l’objet de prescriptions modulées en fonction
des sujets et des circonstances : les bradycardisants, les anti-hypertenseurs, les antiarythmiques, les hypolipémiants et les anticoagulants.
Au sujet des bêta-bloquants, il convient d’oublier un certain nombre d’idées reçues fort
répandues : les bêta-bloquants peuvent certes diminuer la performance en endurance comme
l’illustre un certain nombre de travaux. Cette limitation est multifactorielle et résulte d’une
baisse de la ventilation maximale et d’un processus similaire pour le débit cardiaque maximal
et la vasodilatation périphérique associés à des altérations de la glycogénolyse et de la
lipolyse.
Cela étant, si la première génération de bêta-bloquants n’avait aucune sélectivité, la seconde
présente une cardiosélectivité variable selon les molécules tandis que les produits de la
troisième génération sont cardio-sélectifs et ont une action vasodilatatrice de mécanisme
variable. Les effets sur la performance physique sont donc largement fonction de la
génération de bêta-bloquants utilisée. Ainsi, les médicaments de troisième génération
paraissent moins limitants. Ces molécules sont sans effet sur les efforts explosifs. Ils peuvent
même améliorer la performance en cas de composante psychologique majeure (cas du tir où
une amélioration des résultats de 10 à 15 % a été constatée). Ils sont donc considérés par
certaines Fédérations comme des produits dopants.
Je souhaite m’attarder un instant sur le canal IF (comme « funny ») qui au niveau cardiaque se
trouve exclusivement sur les cellules du nœud sinusal. Une nouvelle molécule, l’ivabradine,
bloque ce canal lorsqu’il est en configuration ouverte.
L’une des singularités de l’ivabradine réside dans le fait qu’elle agit surtout en cas de rythme
cardiaque accéléré. En outre, l’injection d’ivabradine à des sujets sains n’altère en rien la
performance aérobie maximale, à l’inverse
l’in
des bêta-bloquants.
bloquants. L’ivabradine a en effet une
action bradycardisante pure. On peut ainsi s’interroger sur la possible utilisation de cette
molécule afin de ralentir la fréquence cardiaque sans restreindre pour autant la performance,
en particulier lors d’exercices de très longue durée.
Effets de l’ivabradine sur la performance aérobie maximale de sujets sains
Concernant, les calciums bloqueurs il en existe également deux générations sachant qu’il est
préférable d’opter pour des drogues vasculo-sélectives
vasculo sélectives avec le moins d’effets bradycardisants
possibles. D’éventuels effets secondaires comme des insuffisances veineuses
vei
peuvent
toutefois apparaître.
Calcium bloqueurs
L’un des débats actuels porte sur l’utilisation éventuelle de bloqueurs du système rénine
angiotensine comme produits dopants potentiels. De fait, l’inhibition de l’enzyme de
conversion à un sujet en phase d’exercice témoigne de l’effet bloquant de la quantité
d’angiotensine générée.
L’administration d’un tel médicament pourrait ainsi permettre d’influencer la capacité
d’endurance. Reste que si cet effet a été démontré dans le cas de l’amélioration de certaines
pathologies, aucun effet positif n’a encore été révélé chez le sportif sain.
S’agissant des statines, celles-ci sont la cause de douleurs musculaires, en rapport avec des
lésions au niveau des fonctions mitochondriales et de l’homéostasie calcique, pouvant aller
jusqu'à une limitation de l’exercice. Il semble que cela soit plus net chez les sportifs de haut
niveau.
Enfin, au sujet des interactions anticoagulantes et activité sportive, peu de données sont
disponibles, la pratique intensive entraînant néanmoins une baisse de l’INR. Des contrôles
répétés et plus fréquent chez le sportif sont donc nécessaires.
Que retenir de tout ceci ?
Aujourd’hui, peu de certitudes existent. Il faut cependant se méfier d’une « fausse sécurité »,
un médicament efficace au repos ne l’est pas forcément autant à l’effort. Il faut donc faire
appel au « bon sens » de chacun dans le choix des molécules tout en sachant multiplier les
contrôles. Il convient également d’éduquer le sportif sur la prise médicamenteuse.
Questions –réponses avec l’amphithéâtre
Docteur Helena MACHET
S’agissant de l’utilisation de l’ivabradine en tir sportif, cette molécule devrait-elle faire l’objet
d’une interdiction et d’un dépistage systématique ? Quelle est la position de l’AMA ?
Professeur François CARRE
Cette molécule n’a pas encore été répertoriée par l’AMA. Je ne suis cependant pas certain que
les effets soient similaires à ceux des bêtabloquants, qui jouent sur le tremblement
intentionnel. Cela mériterait sans doute de plus amples investigations du fait des risques
d’utilisation.
Docteur Martine PREVOST
Comment prendre en compte les dispenses temporaires préconisées sur certains médicaments,
en cas d’activité physique régulière ?
Professeur François CARRE
Mon expérience m’incite à proscrire l’administration de certains traitements comme les anti
hypertenseurs le jour de la compétition, surtout s’il s’agit d’une activité d’endurance type
marathon. Dans le cas de certaines disciplines comme le tennis, il me semble que l’effet
vasodilatateur n’est pas le même à l’issue de l’effort, sauf en cas de fortes chaleurs. On peut
donc conseiller aux sportifs de tester à l’entraînement la survenue d’éventuels effets
secondaires. On peut également préconiser de décaler les prises de médicaments, ces
molécules ayant une efficacité de 24 heures.
Professeur André-Xavier BIGARD
Pourrais-tu un peu approfondir ta présentation sur les IEC ?
Par ailleurs, et contrairement aux propos du Professeur Montgomery, les études transversales
réalisées sur la relation entre le génotype et la performance n’ont pas fait ressurgir de liens de
causalité directs. Certains pensent cependant que les IEC pourraient améliorer la réponse à
l’entraînement.
Professeur François CARRE
Il est vrai que le papier de Montgomery avait été un peu provocateur. Je partage ton opinion :
un seul gène ne saurait suffire à expliquer la performance de l’endurance. Suite aux résultats
que tu évoques, il est possible que l’administration d’IEC à très faibles doses soit proposée à
des sportifs.
Docteur Bruno TRIBOUT
Plus que la fixation en protéines, l’apport alimentaire en vitamines K ne doit-il pas être perçu
comme l’hypothèse la plus plausible s’agissant des interactions « exercice physique-AVK » ?
Il me paraît préférable de stabiliser les apports alimentaires en vitamines K chez tout patient
sous AVK.
Professeur François CARRE
C’est possible. Les modifications alimentaires peuvent effectivement jouer dans une certaine
mesure. Toutefois, les sportifs augmentent-ils leurs apports en vitamines K en cas
d’entraînement redoublé ?
Professeur Jean-Yves PETIT
Avez-vous des références sur les bloqueurs des récepteurs à l’angiotensine ?
Professeur François CARRE
Ce sont aussi des bloqueurs du système rénine –angiotensine qui agissent à un autre niveau
que les IEC. Je n’ai pas vu de travaux spécifiques sur leurs effets au cours de l’effort chez des
sujets entraînés.
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