CHAPITRE 7 La colonisation européenne (vers 1850-1939) 1848 abolition de l’esclavage dans les colonies françaises 1850 1898 crise de Fachoda 1860 1870 1880 1890 Colon isation fr ançaise Algérie Sénégal Cochinchine Colon isation ang l aise 1910 1920 Première Guerre mondiale 1930 1940 1930 agitation dans les colonies françaises et anglaises Seconde Guerre mondiale AP OGÉE DE L’I M PÉR IALISM E ET DE L A COLON ISATION Inde, Canada, Australie La colonisation européenne qui remonte au XVIe s., connaît à partir du milieu du XIXe s. une nette accélération : les empires britannique et français s’agrandissent, de nouvelles puissances entreprennent des conquêtes coloniales et de vastes territoires, sans être colonisés, sont placés sous le contrôle économique de l’Europe. Cette situation, maintenue inchangée jusqu’en 1939, donne le sentiment que l’Europe domine le monde, même si cette domination commence à être contestée, en particulier à partir de 1919. 1900 ESSOR DE L A COLON ISATION 1884-1885 conférence de Berlin 1936 conquête de l’Éthiopie 1905 et 1911 crises marocaines 1918 Président Wilson opposé à la colonisation ➤ Comment expliquer une expansion coloniale aussi rapide ? Comment et par qui est-elle contestée ? Groenland Islande DANEMARK EMPIRE RUSSE océan FRANCE Saint-PierrePORTUGAL ESPAGNE et-Miquelon Açores Algérie Bermudes EMPIRE OTTOMAN Madère Jamaïque Obock Atlantique Pacifique Ceylan Colonie du Cap équateur Bornéo Mayotte océan Mozambique Java Timor Jamaïque équateur Marquises NouvelleCalédonie Maurice Réunion Indien Natal Honduras britannique Cochinchine Singapour es océan Philippines Pondichéry Seychelles Angola Tahiti Aden Guinée esp. Gabon océan Sainte-Hélène Hawaï (É-U) Inde JAPON CHINE Syrie Pacifique AlgérieTunisie Palestine IRAK Maroc Koweit Canaries Formose Bahamas Libye ÉGYPTE Wake Mariannes Empire Rio de Oro Afrique Guadeloupe des Indes occidentale Afrique Soudan Hong Kong Marshall Goa Macao française équatoriale Martinique Érythrée Aden Pondichéry Indochine Gambie française Philippines Somalie Guyanes Carolines Nigéria Singapour Éthiopie Sierra Leone Ceylan Gilbert NouvelleCôte de l’Or Kenya Guinée Salomon Congo Seychelles belge Tanganyika né er lan Comores Angola d aise s Madagascar océan Nouvelles- Fidji océan Sainte-Hélène Maurice Hébrides Namibie R Réunion Australie Atlantique NouvelleMozambique AFRIQUE Indien Calédonie DU SUD Ind Côte de l’Or Pacifique Saint-PierreAçores et-Miquelon Bermudes Madère Australie Établissements français d’Océanie Tahiti Pitcairn océan sie Honduras britannique Canaries Bahamas Porto Rico Guadeloupe Sénégal Martinique Gambie Guinée port. Guyanes Sierra Leone océan Mandchoukouo É TAT S - U N I S dé Cuba Canada Aléoutiennes (É-U) ho PAYS-BAS ROYAUMEUNI Canada Groenland Alaska (É-U) Alaska Pacifique Falkland NouvelleZélande Falkland (Malouines) NouvelleZélande Tasmanie Bounty Antipodes 4 000 km Pays colonisateurs et leurs colonies Puissances coloniales et leurs colonies Royaume-Uni Espagne Pays-Bas Empire ottoman France Portugal Danemark Russie 1 D’une domination coloniale encore partielle… Les colonies européennes vers 1860. 130 4 000 km Royaume-Uni et Commonwealth États indépendants liés au Royaume-Uni France Pays-Bas Danemark Italie Japon Portugal Espagne Belgique Afrique du Sud occupation japonaise en Chine 2 … à une domination mondiale. Les empires coloniaux en 1939. 131 1 Les causes de la colonisation Europe Asie Afrique Amérique Nord Sud Total % Europe 1850 1870 1900 266 310 400 671 700 860 100 115 130 } } 40 60 20 85 60 25 1 097 1 210 24 % 25,6 % ■ La domination européenne obéit aussi à des motifs stratégiques. Certaines puissances (Royaume-Uni, France) cherchent à contrôler les routes maritimes vers leurs possessions d’outre-mer : la « route des Indes » (Gibraltar, Malte, canal de Suez, Aden) est ainsi vitale pour le Royaume-Uni. Il est donc nécessaire d’installer sur les côtes ou dans des îles des points de ravitaillement (eau, vivres, charbon surtout avec le développement de la marine à vapeur) pour les navires. Ces escales sur les côtes servent ensuite de points de départ pour l’exploration ou la conquête de l’intérieur. ■ Enfin, le développement économique de l’Europe pousse les industriels et les États à rechercher des débouchés extérieurs. Les colonies fournissent ainsi des matières premières et des produits tropicaux pour les pays européens.Elles sont également des débouchés pour les produits fabriqués en métropole et offrent des possibilités de placements pour les capitaux européens. La colonisation européenne aboutit ainsi au développement de l’impérialisme européen. Tombouctou Khartoum Yoa lac Tchad lac Victoria lac Tanganyika St-Paulde-Loanda océan Atlantique e bèz Za m Kuruman 3 Investissements à l’étranger. 1870 1900 Royaume-Uni 300 7 850 France 100 3 300 - 2 000 Pays-Bas 300 1 000 Ensemble de l’Europe 900 16 500 États-Unis océan Indien 26 % 1. Expliquer « Jette tes fils dans l’exil » et « races sauvages et agitées ». 2. Selon Kipling, la colonisation est-elle acceptée ? Qui s’y oppose ? Au nom de quoi ? Allemagne lac Malawi Chitambo 1 534 Rudyard Kipling, 1899. (en millions de dollars courants). El Facher Congo Le Cap Monde 132 Bardai } Ô Blanc, reprends ton lourd fardeau : Envoie au loin ta plus forte race, Jette tes fils dans l’exil Pour servir les besoins de tes captifs ; Pour – lourdement équipé – veiller Sur les races sauvages et agitées, Sur vos peuples récemment conquis, Mi-diables, mi-enfants. […] Blanc, reprends ton lourd fardeau ; Tes récompenses sont dérisoires : Le blâme de celui qui veut ton cadeau, La haine de ceux-là que tu surveilles. La foule des grondements funèbres Que tu guides vers la lumière : « Pourquoi dissiper nos ténèbres, Nous offrir la liberté ? » - 400 900 17 000 5 Livingstone dans le bassin du Zambèze Ni 106 144 38 Au milieu du XIXe s., des parties importantes de l’Asie et de l’Afrique restent encore inconnues des Européens. Des sociétés de géographie encouragent l’exploration des territoires inconnus en Afrique, en Asie et en Océanie. L’Afrique et l’Asie sont ainsi presque entièrement découvertes, les pôles atteints dans les premières années du XXe s. Le monde en 1914 est un monde presque entièrement connu, grâce aux Européens. ■ Des sociétés missionnaires poussent également au développement des explorations. Ses membres veulent évangéliser les indigènes et lutter contre l’esclavage. La puissance économique de l’Europe donne aux Européens l’impression qu’ils ont le devoir d’éduquer les peuples des autres continents. C’est « le fardeau de l’homme blanc » dont parle le poète britannique Rudyard Kipling en 1899. ■ Ce complexe européen de supériorité repose parfois sur de bons sentiments et sur la certitude que la culture et les institutions politiques européennes (démocratie libérale, république dans le cas de la France) sont les meilleures du monde et qu’il faut en faire bénéficier les peuples des autres continents. C.Développer sa puissance économique et stratégique doc.3 et 6 Nord Le Caire 1 Le poids démographique de l’Europe. (en millions de personnes) 2 « Le fardeau de l’homme blanc » ■ Tripoli Kouka doc.2,4 et 5 B.La volonté de civiliser le monde Biskra r ge doc.1 La vitalité démographique de l’Europe fournit une première explication. Entre 1840 et 1914, près de 40 millions d’Européens quittent le continent pour s’établir aux États-Unis ou dans des colonies de peuplement. Ce mouvement s’accélère de 1880 à 1914 : entre 1900 et 1914, plus d’un million de personnes quittent l’Europe chaque année, surtout à destination des États-Unis. Malgré ces départs massifs, la population de l’Europe représente encore 24 % de la population mondiale en 1850, 26 % en 1900 et 25 % en 1914. Cette proportion, jamais atteinte auparavant, diminuera constamment par la suite. ■ À partir des années 1870, l’Europe connaît une crise économique, la Grande Dépression (1873-1896). Le départ outre-mer apparaît donc comme un moyen de régler les problèmes sociaux des pays européens. Partir pour les colonies, tout comme émigrer aux États-Unis, c’est, pour ceux qui acceptent de quitter leur pays, prendre un nouveau départ dans la vie. ■ Des États favorisent l’émigration outre-mer. C’est le cas du Royaume-Uni, dont les colons partent peupler le Canada et l’Australie ; c’est aussi le cas de la France, qui colonise l’Algérie. ■ impérialisme : voir Ne pas confondre p. 140. métropole : État européen possédant des colonies ; le mot est surtout utilisé dans les colonies. Alger Nil A.La domination humaine de l’Europe Tanger VOCABULAIRE Explorateurs : Livingstone (1849-1873), R.-U. Barth (1850-1855), Allemagne Nachtigal (1871-1873), Allemagne Stanley (1871-1877), R.-U. Savorgnan de Brazza (1875-1880), France Foureau - Lamy (1898-1900), France Port Elizabeth 2 000 km zones connues en 1849 zones explorées de 1850 à 1900 zones inconnues en 1900 4 Le rôle des grandes explorations : la découverte de l’Afrique. J’ai visité les chutes appelées Chongoué ou Mosi-oa-Tounya, dont on aperçoit les colonnes vaporeuses après vingt minutes de navigation à partir de Calaï. Le paysage est admirable. Je me fis débarquer dans une île qui est presque au milieu de la cascade et qui me permit de jouir du magnifique spectacle d’un fleuve large de mille mètres, s’engouffrant d’une seule masse dans un abîme qui n’a guère plus de vingt mètres de largeur. C’est le spectacle le plus saisissant que j’aie contemplé en Afrique. J’ai donné à ces chutes le nom de Victoria [...]. Notre expédition est la première qui ait vu la traite au lieu même de son origine, et l’ait suivie dans toutes ses phases. Je me sens moins disposé que jamais à laisser aux commerçants d’esclaves les régions que j’ai parcourues. Je me propose de pénétrer dans les terres, au nord des possessions portugaises, et d’y introduire le système qui a produit de si heureux effets sur la côte de la Guinée ; système dans lequel l’établissement d’un commerce licite et celui des missions chrétiennes se joignent aux efforts des croiseurs. David et Charles Livingstone, Explorations dans l’Afrique australe et dans le bassin du Zambèze, Hachette, 1885. 1. Quel rôle joue Livingstone dans l’exploration de l’Afrique ? 2. Quel aspect de la colonisation est ici mis en évidence ? 6 Pourquoi coloniser ? La colonisation est la force expansive d’un peuple, c’est sa puissance de reproduction, c’est sa dilatation et sa multiplication à travers les espaces ; c’est la soumission de l’univers ou d’une vaste partie à sa langue, à ses mœurs, à ses idées et à ses lois. Un peuple qui colonise, c’est un peuple qui jette les assises de sa grandeur dans l’avenir et de sa suprématie future. Toutes les forces vives de la nation colonisatrice sont accrues par ce débordement au-dehors de cette exubérante activité. Au point de vue matériel, le nombre des individus qui forment la race s’augmente dans une proportion sans limite ; la quantité des ressources nouvelles, des nouveaux produits, qui se trouvent solliciter l’industrie métropolitaine, est incommensurable ; le champ d’emploi des capitaux de la métropole et le domaine exploitable ouvert à l’activité de ses citoyens, sont infinis. Au point de vue moral et intellectuel, cet accroissement du nombre des forces et des intelligences humaines, ces conditions diverses où toutes ces intelligences et ces forces se trouvent placées, modifient et diversifient la production intellectuelle. Qui peut nier que la littérature, les arts, les sciences d’une race ainsi amplifiée n’acquièrent un ressort que l’on ne trouve pas chez les peuples d’une nature plus passive et sédentaire ? Il se produit aussi dans ce domaine intellectuel un phénomène analogue à celui que nous avons noté dans le domaine de l’industrie. […] À quelque point de vue que l’on se place, que l’on se renferme dans la considération de la prospérité et de la puissance matérielle, de l’autorité et de l’influence politique, ou que l’on s’élève à la contemplation de la grandeur intellectuelle, voici un mot d’une incontestable vérité : le peuple qui colonise le plus est le premier peuple ; s’il ne l’est pas aujourd’hui, il le sera demain. P. Leroy-Beaulieu, membre du parti radical, De la colonisation chez les peuples modernes, 1874. 1. Présenter le document. 2. Quels sont les arguments avancés en faveur de la colonisation ? 3. Selon l’auteur, quels avantages la colonisation apporte-t-elle ? 4. Montrer que, derrière ces arguments, pointe l’idée d’une supériorité de la civilisation européenne. CHAPITRE 7 • La colonisation européenne (vers 1850-1939) 133 2 L’expansion coloniale avant 1914 VOCABULAIRE A.Des empires longtemps modestes Les empires coloniaux, nés au XVIe s., ont d’abord été marqués par une économie de plantation, reposant sur la culture de produits tropicaux, comme le coton ou la canne à sucre. Au XIXe siècle, après l’abolition de l’esclavage, beaucoup d’Européens estiment alors la colonisation inutile. Les libéraux admettent qu’on crée des colonies de peuplement dans des territoires encore à peu près vides, comme l’Australie (encore que les émigrants se dirigent surtout vers les États-Unis). Mais ils jugent trop coûteux de conquérir et contrôler des territoires fortement peuplés pour en faire des colonies d’exploitation. Ils préfèrent y entretenir de simples relations commerciales par le biais de comptoirs. ■ Vers 1850, l’empire britannique s’étend sur 22 millions de km2 et compte 240 millions d’habitants. Il comprend notamment le Canada, l’Australie, la NouvelleZélande ainsi que des îles et des comptoirs, escales sur la « route des Indes ». Les colonies de la France, des Pays-Bas, de l’Espagne et du Portugal sont beaucoup moins étendues. L’Afrique demeure encore en grande partie inconnue des Européens. ■ B.La reprise de l’expansion coloniale économie de plantation : économie reposant sur la culture de plantes tropicales effectuée dans de grands domaines mis en valeur par des esclaves ou des ouvriers agricoles. colonie d’exploitation : colonie souvent située en zone chaude, où les Européens sont peu nombreux, et destinée à fournir à la métropole des produits tropicaux. comptoir : établissement commercial dirigé par un État (métropole) dans un territoire étranger. Le Caire Kitchener Dakar Djibouti Fachoda Marchand doc.2 ■ Après 1870, la colonisation européenne se développe rapidement. L’essor colonial tient surtout aux difficultés de la Grande Dépression qui pousse les États à s’assurer des marchés outre-mer : pour Jules Ferry, chef du gouvernement français, « une colonie, c’est d’abord un débouché ». ■ L’essor colonial, lié à l’impérialisme, conduit certains États à se doter de zones d’influence leur assurant un statut de grande puissance. Une telle politique concerne non seulement la France, le Royaume-Uni, la Russie mais aussi de jeunes États tels que l’Allemagne, la Belgique et l’Italie. ■ En Asie, le Royaume-Uni renforce sa domination en Inde, où l’autorité du gouvernement se substitue en 1858, au lendemain de la grave révolte des Cipayes, à celle de l’East India Company tandis que la France conquiert l’Indochine, entre 1859 et 1895 et que les Pays-Bas poursuivent la conquête du gigantesque archipel indonésien. Mais c’est en Afrique que les conquêtes européennes sont les plus importantes. Les conquêtes s’accélèrent après 1880 : Jules Ferry qualifie ces rivalités coloniales de « course au clocher ». Le Cap Nord 3 000 km colonies britanniques en 1898 colonies françaises en 1898 2 Les décisions de la conférence de Berlin Art.1 - Tous les pavillons sans distinction de nationalité, auront libre accès à tout le littoral des territoires énumérés ci-dessus, aux rivières qui s’y déversent dans la mer, à toutes les eaux du Congo et de ses affluents, y compris les lacs, à tous les ports situés au bord de ces eaux. […] Art. 6 - Toutes les puissances exerçant des droits de souveraineté ou une influence dans lesdits territoires s’engagent à veiller à la conservation des populations indigènes et à l’amélioration de leurs conditions morales et matérielles d’existence et à concourir à la suppression de l’esclavage et surtout la traite des noirs ; elles protégeront et favoriseront […] toutes les institutions et entreprises religieuses, scientifiques ou charitables, créées et organisées à ces fins, ou tendant à instruire les indigènes et à leur faire comprendre et apprécier les avantages de la civilisation. […] 13 - La navigation du Congo est et demeurera entièrement libre pour les navires marchands […] de toutes les nations, tant pour les marchandises que pour les voyageurs. […] 26 - La navigation du Niger est et demeurera entièrement libre pour les navires marchands […] de toutes les nations, tant pour les marchandises que pour les voyageurs. […] 34 - La puissance qui, dorénavant, prendra possession d’un territoire sur les côtes du continent africain, […] ou qui viendrait à en acquérir avertira les autres puissances signataires. […] 35 - Les puissances signataires […] reconnaissent l’obligation d’assurer, dans les territoires occupés par elles, l’existence d’une autorité suffisante pour faire respecter les droits acquis. États représentés : Allemagne, Autriche-Hongrie, Belgique, Danemark, Empire ottoman, Espagne, États-Unis, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Russie, Suède. 1. Quelles sont les décisions prises lors de cette conférence ? 2. Quels États européens sont engagés dans ces décisions ? 3. À quelle condition un État européen peut-il revendiquer une colonie ? Quelles garanties sont apportées aux populations indigènes ? 3 Exposition coloniale de Marseille, 1906. « verticale » anglaise « transversale » française rencontre MarchandKitchener à Fachoda (Soudan) 1 La crise de Fachoda. C.Le partage du monde ■ doc.1,3,4 et 5 Pour régler les rivalités qui ne cessent de surgir entre elles, les puissances européennes réunissent une conférence à Berlin en 1884-1885. On y définit les règles des conquêtes coloniales. Pour qu’une colonie appartienne à un pays européen, une occupation effective du territoire est nécessaire. Les conquêtes coloniales reposent désormais sur un accord international, accepté par tous les pays européens. Quasiment inconnue des Européens au XIXe siècle, l’Afrique est presque entièrement colonisée en 1914. ■ L’essor colonial engendre néanmoins des rivalités régionales entre pays européens : entre le Royaume-Uni et la Russie à propos de l’Afghanistan, aux confins de l’Inde anglaise et de l’Asie centrale russe ; entre le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne en Afrique. Il en résulte des crises internationales. Une des plus graves survient en 1898, entre Français et Britanniques, à Fachoda, à propos du Soudan. Deux autres crises éclatent entre la France et l’Allemagne à propos du Maroc, en 1905-1906 puis en 1911. À la suite d’un accord international, le Maroc revient à la France ; l’Allemagne reçoit en échange des territoires français en Afrique centrale. 134 En 1898, la France organise sous les ordres du capitaine Marchand, une expédition, en direction de la haute vallée du Nil, qu’elle atteint à Fachoda en juillet 1898. De leur côté, les Britanniques veulent contrôler le Soudan : remontant le Nil, le général Kitchener arrive en septembre 1898 à Fachoda. Les Britanniques somment les Français de rappeler Marchand. Après une vive tension diplomatique entre les deux pays, et devant le risque d’une guerre, le gouvernement français cède et rappelle Marchand (novembre 1898). Finalement, un accord (mars 1899) délimite la frontière entre les colonies des deux pays dans cette région et les Britanniques s’engagent à appuyer les Français dans leurs evendications ultérieures, en particulier au Maroc. 4 Plantation de café au Cameroun après 1920. 5 Les antagonismes entre France et Allemagne au Maroc. « La conférence du Maroc ». Caricature allemande du 8 janvier 1906 lors de la première crise marocaine (1905-1906). CHAPITRE 7 • La colonisation européenne (vers 1850-1939) 135 DOSSIER Pour ou contre la colonisation ? Vers 1850, les colonies sont encore peu nombreuses et seul le Royaume-Uni possède alors un empire colonial de grande taille. Les économistes libéraux sont peu favorables à la colonisation, que l’on accuse de coûter plus cher qu’elle ne rapporte. C’est surtout après 1870 que les puissances européennes se lancent dans la colonisation. Le redémarrage des conquêtes coloniales La conquête de la Tripolitaine par les Italiens vue par Le Petit Journal du 15 octobre 1911. entraîne un débat parmi les opinions publiques. Ces dernières se rallient majoritairement aux conquêtes coloniales à partir des années 1890. Des groupes de pression (en France, le « parti colonial ») rassemblent des députés de tous les partis, des industriels, des membres de l’Église pour appuyer le développement des empires coloniaux. 1 Les libéraux contre la colonisation 2 Jules Ferry justifie sa politique coloniale Les vraies colonies d’un peuple commerçant, ce sont les peuples indépendants de toutes les parties du monde. Tout peuple commerçant doit désirer qu’ils soient tous indépendants, pour qu’ils deviennent tous plus industrieux et plus riches ; car plus ils sont nombreux et productifs, et plus ils présentent d’occasions et de facilités pour les échanges. Ces peuples alors deviennent pour vous des amis utiles, et qui ne vous obligent pas de leur accorder des monopoles onéreux, ni d’entretenir à grands frais des administrations, une marine et des établissements militaires aux bornes du monde. Un temps viendra où l’on sera honteux de tant de sottises, et où les colonies n’auront plus d’autres défenseurs que ceux à qui elles offrent des places lucratives, le tout aux dépens des peuples. La concurrence, la loi de l’offre et de la demande, la liberté des échanges, l’influence des spéculations, tout cela rayonne dans un cercle qui s’étend jusqu’aux extrémités du monde. C’est là un problème extrêmement grave. Il est si grave […] que les gens les moins avisés sont condamnés à déjà prévoir l’époque où ce grand marché de l’Amérique du Sud nous sera disputé et peut-être enlevé par les produits de l’Amérique du Nord. […] Il faut chercher des débouchés… II y a un second point que je dois aborder […] : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question… Les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je dis qu’il y a pour elles un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. […] Il n’y a pas de compensation […] pour les désastres que nous avons subis [mais] est-ce que le recueillement qui s’impose aux nations éprouvées par de grands malheurs doit se résoudre en abdication ? […] Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique d’expansion coloniale, celle qui nous a fait aller, sous l’Empire, à Saigon, en Cochinchine, celle qui nous a conduits en Tunisie, celle qui nous a amenés à Madagascar, je dis que cette politique d’expansion coloniale s’est inspirée d’une vérité sur laquelle il faut pourtant appeler un instant votre attention : à savoir qu’une marine comme la nôtre ne peut pas se passer, sur la surface des mers, d’abris solides, de défenses, de centres de ravitaillement. […] Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, […] c’est abdiquer, et, dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c’est descendre du premier rang au troisième et au quatrième… J.-B. Say, Traité d’économie politique, 1825. 3 Clemenceau et la colonisation Races supérieures, races supérieures, c’est bientôt dit. Pour ma part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le Français est d’une race inférieure à l’Allemand. Depuis ce temps, je l’avoue, j’y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme ou race inférieures. […] C’est en augmentant incessamment les charges du budget que vous prétendez vous ouvrir des débouchés, alors qu’il y a d’autres nations à côté de nous qui, n’ayant pas fait la dépense de ces expéditions coloniales, entrent en lutte avec nous sur le terrain même que nous avons choisi. Comme elles ont des budgets qui ne sont pas grevés des frais de ces expéditions, elles nous font une concurrence redoutable et nous enlèvent le commerce jusque dans nos propres marchés. Nous faisons la police pour elles et nous montons la garde pour qu’elles puissent commercer en toute sécurité et gagner de l’argent à nos dépens. Lors donc que, pour vous créer des débouchés, vous allez guerroyer au bout du monde, lorsque vous dépensez des centaines de millions, lorsque vous faites tuer des milliers de Français pour ce résultat, vous allez directement contre votre but : autant d’hommes tués, autant de millions dépensés, autant de charges nouvelles pour le travail, autant de débouchés qui se ferment. Clemenceau discours à la chambre des députés, 31 juillet 1885. L’Angleterre a une double mission à remplir en Inde : l’une destructrice, l’autre régénératrice – l’annihilation de la vieille société asiatique et la pose des fondements matériels de la société occidentale en Asie. Arabes, Turcs, Tatares, Moghols, qui envahirent successivement l’Inde furent bien « hindouisés ». Les conquérants barbares étaient par une loi éternelle de l’histoire, conquis eux-mêmes par la civilisation supérieure de leurs sujets. Les Britanniques étaient les premiers conquérants supérieurs et par conséquent inaccessibles à la civilisation hindoue. Ils la détruisirent en détruisant les communautés indigènes, l’industrie indigène et en nivelant tout ce qui était grand et élevé dans la société indigène. […] L’unité politique de l’Inde, […] imposée par l’épée britannique va maintenant être affermie et perpétuée par le télégraphe électrique. L’armée indigène organisée et entraînée par le sergent-instructeur britannique était le sine qua non de l’Inde s’émancipant et de l’Inde cessant d’être la proie du premier intrus étranger. La presse libre, introduite pour la première fois dans la société asiatique, et gérée principalement par la commune progéniture d’Hindous et d’Européens, est un nouvel et puissant agent de reconstruction. Les natifs de l’Inde, éduqués, encore qu’avec mauvaise grâce et parcimonie, à Calcutta, sous la tutelle anglaise, sont en train dé former une classe nouvelle, douée des aptitudes requises au gouvernement et imbue de science européenne. […] Le jour n’est pas bien loin où, par une combinaison de chemins de fer et de bateaux à vapeur, la distance entre l’Angleterre et l’Inde, mesurée par le temps, sera réduite à huit jours, et où cette contrée jadis fabuleuse sera pratiquement annexée au monde occidental. K. Marx, « Les résultats éventuels de la domination britannique en Inde », article dans le New York Daily Tribune, 8 août 1853. 1880 1913 1938 22,540 0,728 0,421 0,420 0,188 - 32,325 9,707 2,066 0,334 0,822 2,95 2,35 2,0- 33,624 12,115 2,070 0,334 0,93 2,40 3,425 QUESTIONS A. Présenter les documents (nature, date, auteur) 4 La taille des empires coloniaux européens de 1880 à 1938. D’après Bouda Etemad, La possession du monde, Complexe, 2000. 136 6 Karl Marx et la colonisation de l’Inde J. Ferry, discours à la chambre des députés, 28 juillet 1885. en millions de km2 Royaume-Uni France Pays-Bas Espagne Portugal Allemagne Belgique Italie 5 7 Un argument souvent utilisé pour justifier la colonisation : la mission civilisatrice de l’Europe. B. Dégager des informations des documents 1. Quels sont les arguments des libéraux contre la colonisation ? (doc. 1) 2. Quels sont les arguments de Jules Ferry en faveur de la colonisation ? (doc. 2) 3. Quelles sont les critiques dirigées contre la politique de Jules Ferry en 1885 ? (doc. 3) 4. Quels sont les pays colonisateurs ? Comparer l’évolution de la taille des empires coloniaux aux trois dates. (doc. 4) 5. Comment sont présentés les Italiens et les indigènes ? Comment la colonisation de la Tripolitaine est-elle justifiée ? (doc. 5) 6. Quel est le point de vue de Karl Marx sur la colonisation de l’Inde par les Britanniques (doc. 6) C. Mettre en relation les documents 7. Montrer comment et pourquoi les opinions européennes se sont ralliées peu à peu à la colonisation. D. Synthèse 8. Quels arguments sont utilisés pour justifier la colonisation ? Sœurs missionnaires en Chine au début du XXe s. CHAPITRE 7 • La colonisation européenne (vers 1850-1939) 137 3 La puissance européenne contestée A.L’importance des colonies entre 1914 et 1939 doc.3 ■ Les colonies ont joué un rôle important lors de la guerre de 1914-1918, en fournissant aux puissances alliées des matières premières,des denrées alimentaires et surtout des hommes. 587 000 Nord-Africains et Noirs ont combattu dans l’armée française ; 950 000 Indiens, 600 000 Canadiens, 450 0000 Australiens et des NéoZélandais dans l’armée britannique. Des Indochinois sont venus travailler en France dans les usines d’armement. ■ En 1919, les anciennes colonies allemandes et les territoires non turcs de l’Empire ottoman sont répartis, sous le nom de mandats, entre les pays vainqueurs. La France reçoit donc le Togo et le Cameroun en Afrique, la Syrie et le Liban au Proche-Orient ; le Japon, les possessions allemandes du Pacifique ; le Royaume-Uni, la Palestine et l’Irak ainsi que les territoires allemands de l’Est africain. VOCABULAIRE mandat : voir Ne pas confondre p. 154. dominion : voir Ne pas confondre p. 154. Commonwealth : association du RoyaumeUni et de ses dominions, créée en 1931. U R S S CANADA Mandchourie JAPON ÉTATS-UNIS Hawaï ÉGYPTE MEXIQUE ■ doc.5 La situation est cependant nettement moins favorable pour l’Europe qu’avant 1914. Les États-Unis, le Canada, l’Argentine ont développé leur industrie et leur agriculture à la faveur de la guerre. En Extrême-Orient, le Japon a remplacé les pays européens dans le commerce avec la Chine et le Sud-Est asiatique. Cette concurrence des pays neufs devient préoccupante pour les États européens. ■ Si les empires coloniaux connaissent leur extension maximale dans les années 1930, l’heure de l’expansion est passée.Les dernières conquêtes (celle de la Mandchourie par le Japon en 1932, et celle de l’Éthiopie par l’Italie en 1936) sont condamnées par la SDN et considérées comme des agressions contre des pays indépendants. À ces contestations viennent s’ajouter les critiques des États-Unis et du Japon. Les premiers, qui n’oublient pas qu’ils ont été les premiers à se libérer du joug colonial, défendent l’ouverture des possessions européennes au commerce international. Le second exalte l’union des peuples jaunes contre la domination des Européens. C’est au moment où les empires coloniaux sont les plus étendus que cette domination européenne commence à montrer des signes de fragilité. 138 ARABIE INDE océan BRÉSIL océan INDOCHINE océan Indes néerlandaises BOLIVIE PARAGUAY MADAGASCAR Atlantique CHILI ARGENTINE ■ C.Vers le crépuscule des empires coloniaux ? IRAK Iles Carolines (Japon) doc.1,2 et 4 Cependant, la domination coloniale a évolué. Déjà avant 1914, le Royaume-Uni avait tissé de nouveaux liens avec ses colonies à fort peuplement blanc. Entre 1867 et 1910, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud étaient devenus des dominions et avaient bénéficié d’un gouvernement autonome. Dès les années 1880 se développent les premières manifestations nationalistes, notamment en Inde et en Indochine. ■ Après 1918, ces mouvements prennent une certaine ampleur : en Inde, Gandhi (1869-1948) fait usage de la non-violence pour obtenir l’autonomie de son pays. D’autres mouvements indigènes naissent en Tunisie, en Algérie, en Indochine. En Égypte, un mouvement islamiste est créé, les Frères musulmans, qui veulent créer un État islamique et rejettent les valeurs de l’Occident. Des révoltes éclatent, au Maroc dans les années 1920 (guerre du Rif) et en Indochine en 1930, à l’initiative du parti communiste indochinois créé par Hô Chi Minh. En Europe, des voix de plus en plus nombreuses dénoncent la domination coloniale. C’est le cas notamment des dirigeants communistes, d’intellectuels (Albert Einstein, Romain Rolland,André Gide), ou de l’Église. ■ Des évolutions se font jour peu à peu : l’Égypte devient indépendante en 1922 et l’Irak en 1932 ; le Royaume-Uni crée le Commonwealth en 1931. En 1939, le Royaume-Uni et la France font encore illusion et apparaissent comme des grandes puissances, en raison notamment de l’importance de leurs empires coloniaux. CHINE équateur Pacifique B.L’évolution de la domination coloniale SYRIE guerre du Rif au Maroc Indien AFRIQUE DU SUD AUSTRALIE NOUVELLEZÉLANDE 4 000 km Europe colonisatrice colonies et dépendances des États européens en 1939 territoires devenus indépendants mouvements anti-colonialistes pays neufs rivalités entre intérêts économiques européens et américains expansion des nouveaux pays impérialistes 3 La contestation de la suprématie européenne entre 1919 et 1939. 1 Affiche du Parti communiste français (1930). 1. D’après cette affiche, quel est le sort des indigènes ? 2. Que dénonce cette affiche ? 2 Les socialistes et les colonies au temps du Front populaire Une politique coloniale socialiste aura d’autant plus de chances d’être constructive et durablement féconde qu’elle se préoccupera moins de communiquer d’une manière directe l’idéologie socialiste aux indigènes… Il faut prendre garde au déchaînement de forces incontrôlables […] qui pourraient sortir d’une action où des notions mal digérées de lutte des classes, certains fanatismes religieux, la nature émotive des Africains, la dissimulation islamique et asiatique et toutes sortes d’influences souterraines se rencontreraient en des réactions complexes et imprévisibles. Déclaration de Marius Moutet, ministre socialiste des Colonies du Front populaire, au Conseil supérieur des colonies, mars 1938. 4 Les colonies, la guerre et la révolution 5 La foi en la colonisation La guerre prouve en ce moment la solidité de l’édifice colonial français, semblable en cela à l’anglais. Non seulement il n’a pas cédé à la violence des événements, mais les peuples divers qui le constituent nous ont manifesté avec une égale fermeté leur loyalisme. Ils se sont refusés à écouter les fauteurs de troubles que nos ennemis avaient envoyés chez certains d’entre eux, et c’est sans compter qu’ils nous ont apporté leur concours. Pendant douze années, sous les tropiques comme en France, gouverneur général ou ministre, j’ai longuement médité sur la colonisation, sa légitimité, ses conséquences morales. […] Dans l’action coloniale ainsi comprise, il n’y a plus comme au début, « droit du plus fort », mais bien « droit du fort à aider le faible », ce qui paraît vraiment le droit le plus noble et le plus haut de tous. L’opération n’est plus unilatérale ; elle n’évince pas un possédant au profit d’un spoliateur ; elle peut, plus justement que celle qui la précéda, réclamer le titre de « pacte colonial », car elle est conçue pour l’avantage des deux ayants droit, liés par une politique d’association. La possession lointaine ne sera plus à présent un simple comptoir, un dépôt de richesses, un débouché où le « conquérant » vient rafler les épices et écouler sa marchandise en pressurant une race indigène taillable et corvéable à merci. Les colonies cessent de n’être que des marchés ; ce sont des entités vivantes, des créations d’humanité, des parties solidaires de l’État français dont on va, par le progrès scientifique, moral, économique et politique, favoriser l’accès à de plus hauts destins, au même titre que les autres parties du territoire national. Bulletin de la Section d’information du grand quartier général, 7 mars 1918. La dernière guerre, qui n’était pas faite dans l’intérêt des colonies, fut cependant conduite avec l’aide des colonies. Les populations coloniales furent mêlées à la guerre européenne à un degré encore jamais atteint. […] Pourquoi ? Pour avoir le droit de rester les esclaves de la France et de l’Angleterre ! […] L’émancipation des colonies est possible seulement en liaison avec l’émancipation de la classe laborieuse métropolitaine. Les ouvriers et les paysans d’Annam, d’Algérie et du Bengale, mais aussi de Perse, obtiendront la possibilité d’avoir une existence indépendante seulement lorsque les ouvriers français et anglais auront […] placé dans leurs propres mains le pouvoir de l’État. Esclaves coloniaux d’Afrique et d’Asie, l’heure de la dictature prolétarienne en Europe sera aussi l’heure de votre libération ! Léon Trotski au premier congrès de la IIIe Internationale, 1919. 1. Que semblait-on craindre dans l’empire français durant la guerrre ? De quoi se félicite l’auteur du texte ? 2. Chercher qui est Trotski. Que propose-t-il aux peuples colonisés ? 3. Montrer que ces deux textes s’opposent en tous points. Albert Sarraut, gouverneur de l’Indochine (1911-1914 et 1916-1919) et ministre des Colonies (1920-1924 et 1932-1933), Grandeurs et servitudes coloniales, 1931. 1. Montrer l’évolution de la pensée coloniale en France entre le XIXe s. et 1931. 2. Quelles perspectives propose Albert Sarraut pour l’empire colonial français ? CHAPITRE 7 • La colonisation européenne (vers 1850-1939) 139 Composition (4/8) FICHE DE RÉVISION DATES À RETENIR BILAN DU CHAPITRE 쑺 1.Les causes de l’expansion coloniale années 1880 : essor de la colonisation européenne 쑺 1884-1885 : Conférence de Berlin 쑺 1898 : crise de Fachoda entre la France et le Royaume-Uni 쑺 1905-1906 et 1911 : crises marocaines entre la France et l’Allemagne 쑺 années 1920-1930 : premières révoltes contre la colonisation (Maroc, Madagascar, Indochine) et essor du mouvement non-violent de Gandhi (Inde) Sujet : Quels sont les acteurs et les modalités de la colonisation (1850-1939) ? ➤ Les empires coloniaux sont encore peu développés vers 1850. Ensuite, forte expansion coloniale entre 1880 et 1914. • raisons démographiques (émigration de la population européenne) ; • raisons économiques (recherche de ressources et de débouchés), politiques (rivalités internationales) ; • raisons stratégiques (contrôler les routes maritimes) et par sentiment de supériorité des Européens (« civiliser les races inférieures »). ➤ Essor de l’impérialisme européen. Méthode ➤ 1. Aide générale II.L’expansion coloniale avant 1914 A. Lire le sujet • Les termes employés : – les acteurs : par qui est effectuée la colonisation (des particuliers ? des États ?) ; – la colonisation : ne pas oublier de définir ses différents aspects. ➤ Vers 1850, le seul empire colonial important est l’empire britannique. ➤ La colonisation reprend après 1850 et surtout 1880 : B.Analyser le sujet • fixation de règles entre les pays colonisateurs à la conférence de Berlin (1884-1885) ; •les grandes puissances européennes (Royaume-Uni, France surtout, mais aussi Portugal, Espagne, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Italie) étendent leurs possessions sur tous les continents. • L’ampleur du sujet et ses limites : – les limites chronologiques : définir les débuts de la période (quelle est la situation à cette date ?) et la fin (la situation estelle la même ?) – les limites géographiques : indiquer où se passe la colonisation. Le sujet a une ampleur mondiale. 1. Les thèmes : Définir la notion de colonisation : – comment se passe-t-elle ? Définir les acteurs : – qui sont-ils (les hommes sur le terrain) ? – qui sont les décideurs ? – comment agissent-ils ? III.L’expansion coloniale avant 1914 LIRE • A. GIRARDET, L’idée coloniale en France de 1871 à 1962, Hachette, Pluriel, 1972. • B. BLANCHARD et N. BANCEL, De l’indigène à l’immigré, Gallimard, coll. « Découvertes », n° 345. • A. HUGON, L’Afrique des explorateurs.Vers les sources du Nil, Gallimard, coll. « Découvertes », n° 117. • A. HUGON, L’Afrique des explorateurs.Vers Tombouctou, Gallimard, coll. « Découvertes » n° 216. • C. CLÉMENT, Gandhi, athlète de la liberté, Gallimard, coll. « Découvertes », n° 50. • « Le temps de l’Algérie française. De la prise d’Alger à l’indépendance », n° spécial de L’Histoire, n° 140, janvier 1991. « Le temps des colonies », Les collections de l’Histoire, n° 11, 2001. VISITER • Le musée de l’Homme • Le musée de la Marine • Le musée des Arts Premiers ➤ L’Europe sort affaiblie de la Grande Guerre ➤ Sa domination coloniale commence à être contestée : • à cause du rôle important des colonies dans la guerre ; • à cause de la révolution russe : les communistes s’opposent à la colonisation ; • à cause de l’évolution interne des empires : création du Commonwealth britannique, mais développement des mouvements opposés à la colonisation (Gandhi en Inde, Frères musulmans en Égypte) et premières révoltes coloniales (Maroc, Madagascar, Indochine) ; • à cause de la contestation de la puissance européenne par les États-Unis et le Japon. NE PAS CONFONDRE Impérialisme et colonisation • L’impérialisme (du latin imperium : domination) est la domination d’un État sur d’autres États. L’impérialisme peut être d’ordre économique, financier ou culturel. L’impérialisme ne remet pas nécessairement en cause l’indépendance politique des pays qu’il domine ; ces derniers peuvent conserver leur gouvernement. • La colonisation est une forme d’impérialisme dans laquelle la puissance colonisatrice,la métropole, s’assure le contrôle politique de la colonie. Dans ce cas, c’est le gouvernement de la métropole qui dirige la colonie dans tous les domaines. LIRE BIOGRAPHIES Jules Ferry (1832-1893), président du Conseil (1880-1881 et 1883-1885), instigateur de la politique coloniale française. (Voir biographie complète p. 284) 140 Gandhi (1869-1948), principal dirigeant du mouvement pour l’indépendance de l’Inde. (Voir biographie complète p. 284) 2. La zone géographique : – elle n’est pas indiquée – la retrouver en notant quels sont les pays colonisateurs et les régions colonisées. 3. Les dates permettent de limiter le sujet : – pourquoi 1850 ? – pourquoi 1939 ? C. Dégager la problématique • Comment expliquer qu’en 1850 les empires coloniaux sont peu importants et que la colonisation se développe fortement à partir des années 1880 ? ➤ 2. Proposition de plan détaillé II. Quelles sont les étapes de la colonisation ? 1. La situation vers 1850 2. La grande période des conquêtes coloniales : 1880-1914 – la formation des empires coloniaux ; – les rivalités entre les puissances européennes. 3. En apparence : l’apogée de la colonisation – les empires entre 1920 et 1939 ; – les dernières conquêtes coloniales ; – les premières remises en cause de la colonisation. III. Comment expliquer cet essor colonial ? 1. Le sentiment de supériorité des Européens 2. Des raisons économiques 3. Des raisons politiques et stratégiques Conclusion Après la période des explorations, les grands États européens s’entendent pour développer leurs conquêtes coloniales. Les acteurs et les motivations sont diverses. Le résultat est l’apparition en une trentaine d’années, dans les années 1880-1910, de grands empires coloniaux, spécialement en Afrique. Introduction Vers 1850, l’idée coloniale est en perte de vitesse et les empires coloniaux sont peu développés. En 1939, ceux-ci sont au contraire très importants, en particulier les empires coloniaux britanniques et français. Qui sont les acteurs de l’expansion coloniale européenne ? Quelles sont les grandes étapes de la colonisation ? I. Qui sont les acteurs de la colonisation ? 1. Des particuliers… – les explorateurs et missionnaires ; – les militaires ; – les colons. 2. … agissant à l’instigation de groupes divers – des sociétés de géographie ; – des Églises désireuses d’évangéliser les populations ; – des États voulant étendre leur domination sur des terres inconnues. 3. Les moyens utilisés CHAPITRE 7 • La colonisation européenne (vers 1850-1939) 141 PRÉPA BAC • J.-J. ANNAUD, La victoire en chantan, 1976. • R. ATTENBOROUGH, Gandhi, 1983. Quels sont les acteurs et les modalités de la colonisation (1850-1939) ? DOCUMENT 3 Quelques décisions de la conférence de Berlin (1885) Sujet : Comment l’Afrique a-t-elle été partagée et conquise entre 1870 et 1914 ? Questions Première partie 1. Présenter les documents (auteur, nature du document). 2. Quelles sont les raisons de la colonisation de l’Afrique (doc. 1, 3 et 4) ? Expliquer « Prenez-la, non par le canon, mais par la charrue » et « changez vos prolétaires en propriétaires » (doc. 4). 3. Qui colonise l’Afrique ? 4. Quels moyens sont employés par les Européens pour coloniser l’Afrique ? 5. Quelles sont les conséquences de la colonisation de l’Afrique ? Deuxième partie : Rédiger une synthèse permettant de répondre à la question posée par le sujet. Canaries Égypte Rio de Oro Sénégal Cap-Vert Aden Nigeria Cameroun LIBERIA Côte de l’Or Togo Congo océan Djibouti ÉTHIOPIE Congo belge Somalie britannique Afrique orientale allemande Tripolitaine Égypte Afrique occidentale Sénégal française Soudan angloégyptien Afrique équatoriale Nigeria française Cameroun LIBERIA Togo Côte de l’Or Congo Congo belge Gambie Guinée Sierra Leone Comores Angola océan Angola Atlantique Madagascar Mozambique TRANSVAAL océan Sud-Ouest africain allemand Érythrée Djibouti Afrique orientale allemande 1885 colonie du Cap Indien Union Sud-africaine Comores Indien 2 000 km colonies Royaume-Uni France axe des ambitions : Allemagne Espagne Portugal Belgique Italie britanniques portugaises françaises italiennes Méthode A. Question 1 • Classer les documents dans l’ordre chronologique peut aider à les présenter. B. Question 2 • Qu’évoque la charrue ? Pourquoi Victor Hugo évoque-t-il les « questions sociales » ? Classer les différentes raisons apparaissant dans les documents. Ces raisons sont-elles toutes économiques ? C. Question 3 • Une conquête met aux prises des conquérants et des peuples conquis. Sur quels documents les premiers apparaissent-ils ? De quelle façon sont-ils représentés ? • Se servir de la carte 1 : tous les États européens ont-ils participé à la conquête ? Y a-t-il des rivalités entre États ? Quelle évolution constate-t-on entre 1885 et 1914 ? D. Question 4 • Étudier les documents et classer les différents moyens employés par les Européens. • Faire la critique des documents : a-t-on le point de vue des colonisés ? • Évoquer d’autres accords entre deux États européens, entre la France et l’Allemagne, par exemple. océan 1914 Victor Hugo, discours prononcé lors d’un banquet commémorant l’abolition de l’esclavage, le 18 mai 1879. de la première partie Somalie italienne Madagascar ORANGE Le moment est venu de faire remarquer à l’Europe qu’elle a à côté d’elle l’Afrique. La Méditerranée est un lac de civilisation ; ce n’est certes pas pour rien que la Méditerranée a sur l’un de ses bords le vieil univers et sur l’autre l’univers ignoré, c’est-à-dire d’un côté toute la civilisation et de l’autre toute la barbarie. Le moment est venu de dire à ce groupe illustre de nations : unissez-vous ! Allez au Sud. Il est là devant vous, ce bloc de sable et de cendre, ce monceau inerte et passif qui, depuis six mille ans, fait obstacle à la marche universelle. Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la. Prenez-la, non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille mais pour la fraternité. Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup, résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires. Allez, faites ! Faites des routes, faites des ports, faites des villes, croissez, cultivez, colonisez, multipliez. ➤ 1. Comment répondre aux questions Somalie Afrique orientale anglaise DOCUMENT 4 Dieu offre l’Afrique à l’Europe Extraits de l’Acte final de la conférence de Berlin, 26 février 1885. ÉTHIOPIE britannique Rhodésie Atlantique Sud-Ouest africain Rio de Oro zam Gambie Guinée Sierra Leone Algérie Tunisie ue Canaries Cap-Vert Maroc Madère Algérie Art. 6 : Toutes les puissances exerçant des droits de souveraineté ou une influence dans lesdits territoires s’engagent à veiller à la conservation des populations indigènes et à l’amélioration de leurs conditions morales et matérielles d’existence et à concourir à la suppression de l’esclavage et surtout de la traite des noirs ; elles protégeront et favoriseront […] toutes les institutions et entreprises religieuses, scientifiques ou charitables, créées et organisées à ces fins, ou tendant à instruire les indigènes et à leur faire comprendre et apprécier les avantages de la civilisation. […] Art.26 : La navigation du Niger, sans exception d’aucun des embranchements ni issues de ce fleuve, est et demeurera entièrement libre pour les navires marchands […] de toutes les nations, tant pour les marchandises que pour les voyageurs. […] Art. 34 : La puissance qui prendra possession d’un territoire sur les côtes du continent africain situé en dehors de ses possessions actuelles […] ou qui viendrait à en acquérir avertira les autres puissances signataires. Art. 35 : Les puissances signataires du présent Acte reconnaissent l’obligation d’assurer, dans les territoires occupés par elles sur les côtes du continent africain, l’existence d’une autorité suffisante pour faire respecter les droits acquis et […] la liberté du commerce. biq Tunisie Madère Mo PRÉPA BAC Étude d’un ensemble documentaire (6/11) DOCUMENT 1 La conquête de l’Afrique. DOCUMENT 2 La conquête de l’Afrique orientale par les Allemands. ➤ 2. Aide à la réponse à la question de la deuxième partie DOCUMENT 5 Soumission de chefs indigènes aux Français en Côte d’Ivoire. Petit journal, 1893. • La synthèse peut s’organiser autour de trois thèmes : les raisons (pourquoi la conquête de l’Afrique ?), les acteurs et les moyens (comment ?) et les conséquences (quelle est l’évolution de l’Afrique à la suite des conquêtes ? Quelles sont les conséquences en Afrique et dans les relations entre pays européens ?). CHAPITRE 7 • La colonisation européenne (vers 1850-1939) 143 PRÉPA BAC Troupes coloniales allemandes affrontant des Herreros, 9 avril 1904.