La colonisation européenne (vers 1850-1939) - Hachette

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CHAPITRE
7
La colonisation européenne
(vers 1850-1939)
1848 abolition de l’esclavage
dans les colonies françaises
1850
1898
crise de Fachoda
1860
1870
1880
1890
Colon isation fr ançaise
Algérie
Sénégal
Cochinchine
Colon isation ang l aise
1910
1920
Première
Guerre
mondiale
1930
1940
1930
agitation dans les colonies
françaises et anglaises
Seconde
Guerre
mondiale
AP OGÉE DE L’I M PÉR IALISM E ET DE L A COLON ISATION
Inde, Canada, Australie
La colonisation européenne qui remonte au XVIe s., connaît à partir du milieu du XIXe s.
une nette accélération : les empires britannique et français s’agrandissent, de nouvelles
puissances entreprennent des conquêtes coloniales et de vastes territoires, sans être
colonisés, sont placés sous le contrôle économique de l’Europe. Cette situation,
maintenue inchangée jusqu’en 1939, donne le sentiment que l’Europe domine le monde,
même si cette domination commence à être contestée, en particulier à partir de 1919.
1900
ESSOR DE
L A COLON ISATION
1884-1885
conférence
de Berlin
1936
conquête de l’Éthiopie
1905 et 1911
crises marocaines
1918
Président Wilson
opposé à la colonisation
➤ Comment expliquer une expansion coloniale aussi rapide ?
Comment et par qui est-elle contestée ?
Groenland
Islande DANEMARK
EMPIRE RUSSE
océan
FRANCE
Saint-PierrePORTUGAL
ESPAGNE
et-Miquelon Açores
Algérie
Bermudes
EMPIRE OTTOMAN
Madère
Jamaïque
Obock
Atlantique
Pacifique
Ceylan
Colonie
du Cap
équateur
Bornéo
Mayotte
océan
Mozambique
Java
Timor
Jamaïque
équateur
Marquises
NouvelleCalédonie
Maurice
Réunion
Indien
Natal
Honduras
britannique
Cochinchine
Singapour
es
océan
Philippines
Pondichéry
Seychelles
Angola
Tahiti
Aden
Guinée esp.
Gabon
océan
Sainte-Hélène
Hawaï
(É-U)
Inde
JAPON
CHINE
Syrie
Pacifique
AlgérieTunisie
Palestine IRAK
Maroc
Koweit
Canaries
Formose
Bahamas
Libye ÉGYPTE
Wake
Mariannes
Empire
Rio de Oro
Afrique
Guadeloupe
des Indes
occidentale Afrique Soudan
Hong Kong
Marshall
Goa
Macao
française équatoriale
Martinique
Érythrée Aden
Pondichéry Indochine
Gambie
française
Philippines
Somalie
Guyanes
Carolines
Nigéria
Singapour
Éthiopie
Sierra Leone
Ceylan
Gilbert
NouvelleCôte de l’Or
Kenya
Guinée Salomon
Congo
Seychelles
belge Tanganyika
né
er
lan
Comores
Angola
d aise s
Madagascar
océan
Nouvelles- Fidji
océan
Sainte-Hélène
Maurice
Hébrides
Namibie R
Réunion
Australie
Atlantique
NouvelleMozambique
AFRIQUE
Indien
Calédonie
DU SUD
Ind
Côte de l’Or
Pacifique
Saint-PierreAçores
et-Miquelon
Bermudes
Madère
Australie
Établissements français
d’Océanie
Tahiti
Pitcairn
océan
sie
Honduras
britannique
Canaries
Bahamas
Porto Rico
Guadeloupe
Sénégal
Martinique
Gambie Guinée port.
Guyanes
Sierra Leone
océan
Mandchoukouo
É TAT S - U N I S
dé
Cuba
Canada
Aléoutiennes
(É-U)
ho
PAYS-BAS
ROYAUMEUNI
Canada
Groenland
Alaska
(É-U)
Alaska
Pacifique
Falkland
NouvelleZélande
Falkland
(Malouines)
NouvelleZélande
Tasmanie
Bounty
Antipodes
4 000 km
Pays colonisateurs et leurs colonies
Puissances coloniales et leurs colonies
Royaume-Uni
Espagne
Pays-Bas
Empire ottoman
France
Portugal
Danemark
Russie
1 D’une domination coloniale encore partielle…
Les colonies européennes vers 1860.
130
4 000 km
Royaume-Uni
et Commonwealth
États indépendants
liés au Royaume-Uni
France
Pays-Bas
Danemark
Italie
Japon
Portugal
Espagne
Belgique
Afrique
du Sud
occupation japonaise
en Chine
2 … à une domination mondiale.
Les empires coloniaux en 1939.
131
1
Les causes de la colonisation
Europe
Asie
Afrique
Amérique
Nord
Sud
Total
% Europe
1850
1870
1900
266
310
400
671
700
860
100
115
130
}
}
40
60
20
85
60
25
1 097
1 210
24 %
25,6 %
■
La domination européenne obéit aussi à des motifs stratégiques. Certaines puissances (Royaume-Uni, France) cherchent à contrôler les routes maritimes vers leurs
possessions d’outre-mer : la « route des Indes » (Gibraltar, Malte, canal de Suez, Aden)
est ainsi vitale pour le Royaume-Uni. Il est donc nécessaire d’installer sur les côtes ou
dans des îles des points de ravitaillement (eau, vivres, charbon surtout avec le développement de la marine à vapeur) pour les navires. Ces escales sur les côtes servent
ensuite de points de départ pour l’exploration ou la conquête de l’intérieur.
■ Enfin, le développement économique de l’Europe pousse les industriels et les États
à rechercher des débouchés extérieurs. Les colonies fournissent ainsi des matières
premières et des produits tropicaux pour les pays européens.Elles sont également des
débouchés pour les produits fabriqués en métropole et offrent des possibilités de
placements pour les capitaux européens. La colonisation européenne aboutit ainsi au
développement de l’impérialisme européen.
Tombouctou
Khartoum
Yoa
lac
Tchad
lac
Victoria
lac Tanganyika
St-Paulde-Loanda
océan
Atlantique
e
bèz
Za m
Kuruman
3 Investissements à l’étranger.
1870
1900
Royaume-Uni
300
7 850
France
100
3 300
-
2 000
Pays-Bas
300
1 000
Ensemble de l’Europe
900
16 500
États-Unis
océan
Indien
26 %
1. Expliquer « Jette tes fils dans l’exil » et
« races sauvages et agitées ».
2. Selon Kipling, la colonisation est-elle
acceptée ? Qui s’y oppose ? Au nom
de quoi ?
Allemagne
lac Malawi
Chitambo
1 534
Rudyard Kipling, 1899.
(en millions de dollars
courants).
El Facher
Congo
Le Cap
Monde
132
Bardai
}
Ô Blanc, reprends ton lourd fardeau :
Envoie au loin ta plus forte race,
Jette tes fils dans l’exil
Pour servir les besoins de tes captifs ;
Pour – lourdement équipé – veiller
Sur les races sauvages et agitées,
Sur vos peuples récemment conquis,
Mi-diables, mi-enfants. […]
Blanc, reprends ton lourd fardeau ;
Tes récompenses sont dérisoires :
Le blâme de celui qui veut ton cadeau,
La haine de ceux-là que tu surveilles.
La foule des grondements funèbres
Que tu guides vers la lumière :
« Pourquoi dissiper nos ténèbres,
Nous offrir la liberté ? »
-
400
900
17 000
5 Livingstone dans le bassin du Zambèze
Ni
106
144
38
Au milieu du XIXe s., des parties importantes de l’Asie et de l’Afrique restent encore
inconnues des Européens. Des sociétés de géographie encouragent l’exploration des
territoires inconnus en Afrique, en Asie et en Océanie. L’Afrique et l’Asie sont
ainsi presque entièrement découvertes, les pôles atteints dans les premières années
du XXe s. Le monde en 1914 est un monde presque entièrement connu, grâce aux
Européens.
■ Des sociétés missionnaires poussent également au développement des explorations. Ses membres veulent évangéliser les indigènes et lutter contre l’esclavage.
La puissance économique de l’Europe donne aux Européens l’impression qu’ils ont le
devoir d’éduquer les peuples des autres continents. C’est « le fardeau de l’homme
blanc » dont parle le poète britannique Rudyard Kipling en 1899.
■ Ce complexe européen de supériorité repose parfois sur de bons sentiments et
sur la certitude que la culture et les institutions politiques européennes (démocratie
libérale, république dans le cas de la France) sont les meilleures du monde et qu’il faut
en faire bénéficier les peuples des autres continents.
C.Développer sa puissance économique et stratégique doc.3 et 6
Nord
Le Caire
1 Le poids démographique
de l’Europe. (en millions de personnes)
2 « Le fardeau de l’homme blanc »
■
Tripoli
Kouka
doc.2,4 et 5
B.La volonté de civiliser le monde
Biskra
r
ge
doc.1
La vitalité démographique de l’Europe fournit une première explication. Entre
1840 et 1914, près de 40 millions d’Européens quittent le continent pour s’établir aux
États-Unis ou dans des colonies de peuplement. Ce mouvement s’accélère de 1880
à 1914 : entre 1900 et 1914, plus d’un million de personnes quittent l’Europe chaque
année, surtout à destination des États-Unis. Malgré ces départs massifs, la population
de l’Europe représente encore 24 % de la population mondiale en 1850, 26 % en 1900
et 25 % en 1914. Cette proportion, jamais atteinte auparavant, diminuera constamment par la suite.
■ À partir des années 1870, l’Europe connaît une crise économique, la Grande
Dépression (1873-1896). Le départ outre-mer apparaît donc comme un moyen de régler les problèmes sociaux des pays européens. Partir pour les colonies, tout comme
émigrer aux États-Unis, c’est, pour ceux qui acceptent de quitter leur pays, prendre un
nouveau départ dans la vie.
■ Des États favorisent l’émigration outre-mer. C’est le cas du Royaume-Uni, dont
les colons partent peupler le Canada et l’Australie ; c’est aussi le cas de la France, qui
colonise l’Algérie.
■
impérialisme : voir Ne pas confondre p. 140.
métropole : État européen possédant des
colonies ; le mot est surtout utilisé dans les
colonies.
Alger
Nil
A.La domination humaine de l’Europe
Tanger
VOCABULAIRE
Explorateurs :
Livingstone
(1849-1873), R.-U.
Barth (1850-1855),
Allemagne
Nachtigal (1871-1873),
Allemagne
Stanley (1871-1877),
R.-U.
Savorgnan de Brazza
(1875-1880), France
Foureau - Lamy
(1898-1900), France
Port Elizabeth
2 000 km
zones connues
en 1849
zones explorées
de 1850 à 1900
zones inconnues
en 1900
4 Le rôle des grandes explorations : la découverte
de l’Afrique.
J’ai visité les chutes appelées Chongoué ou Mosi-oa-Tounya,
dont on aperçoit les colonnes vaporeuses après vingt minutes
de navigation à partir de Calaï. Le paysage est admirable. Je me
fis débarquer dans une île qui est presque au milieu de la cascade et qui me permit de jouir du magnifique spectacle d’un
fleuve large de mille mètres, s’engouffrant d’une seule masse
dans un abîme qui n’a guère plus de vingt mètres de largeur.
C’est le spectacle le plus saisissant que j’aie contemplé en
Afrique. J’ai donné à ces chutes le nom de Victoria [...].
Notre expédition est la première qui ait vu la traite au lieu
même de son origine, et l’ait suivie dans toutes ses phases.
Je me sens moins disposé que jamais à laisser aux commerçants d’esclaves les régions que j’ai parcourues.
Je me propose de pénétrer dans les terres, au nord des possessions portugaises, et d’y introduire le système qui a produit
de si heureux effets sur la côte de la Guinée ; système dans lequel l’établissement d’un commerce licite et celui des missions
chrétiennes se joignent aux efforts des croiseurs.
David et Charles Livingstone, Explorations dans l’Afrique australe
et dans le bassin du Zambèze, Hachette, 1885.
1. Quel rôle joue Livingstone dans l’exploration de l’Afrique ?
2. Quel aspect de la colonisation est ici mis en évidence ?
6 Pourquoi coloniser ?
La colonisation est la force expansive d’un peuple, c’est sa puissance de reproduction, c’est sa dilatation et sa multiplication à
travers les espaces ; c’est la soumission de l’univers ou d’une
vaste partie à sa langue, à ses mœurs, à ses idées et à ses lois.
Un peuple qui colonise, c’est un peuple qui jette les assises de
sa grandeur dans l’avenir et de sa suprématie future. Toutes les
forces vives de la nation colonisatrice sont accrues par ce débordement au-dehors de cette exubérante activité. Au point de
vue matériel, le nombre des individus qui forment la race s’augmente dans une proportion sans limite ; la quantité des ressources nouvelles, des nouveaux produits, qui se trouvent
solliciter l’industrie métropolitaine, est incommensurable ; le
champ d’emploi des capitaux de la métropole et le domaine exploitable ouvert à l’activité de ses citoyens, sont infinis. Au point
de vue moral et intellectuel, cet accroissement du nombre des
forces et des intelligences humaines, ces conditions diverses où
toutes ces intelligences et ces forces se trouvent placées, modifient et diversifient la production intellectuelle. Qui peut nier
que la littérature, les arts, les sciences d’une race ainsi amplifiée
n’acquièrent un ressort que l’on ne trouve pas chez les peuples
d’une nature plus passive et sédentaire ? Il se produit aussi dans
ce domaine intellectuel un phénomène analogue à celui que
nous avons noté dans le domaine de l’industrie. […]
À quelque point de vue que l’on se place, que l’on se renferme
dans la considération de la prospérité et de la puissance matérielle, de l’autorité et de l’influence politique, ou que l’on s’élève
à la contemplation de la grandeur intellectuelle, voici un mot
d’une incontestable vérité : le peuple qui colonise le plus est le
premier peuple ; s’il ne l’est pas aujourd’hui, il le sera demain.
P. Leroy-Beaulieu, membre du parti radical,
De la colonisation chez les peuples modernes, 1874.
1. Présenter le document.
2. Quels sont les arguments avancés en faveur de la colonisation ?
3. Selon l’auteur, quels avantages la colonisation apporte-t-elle ?
4. Montrer que, derrière ces arguments, pointe l’idée d’une supériorité de la civilisation européenne.
CHAPITRE 7 • La colonisation européenne (vers 1850-1939)
133
2
L’expansion coloniale
avant 1914
VOCABULAIRE
A.Des empires longtemps modestes
Les empires coloniaux, nés au XVIe s., ont d’abord été marqués par une économie
de plantation, reposant sur la culture de produits tropicaux, comme le coton ou la
canne à sucre. Au XIXe siècle, après l’abolition de l’esclavage, beaucoup d’Européens
estiment alors la colonisation inutile. Les libéraux admettent qu’on crée des colonies
de peuplement dans des territoires encore à peu près vides, comme l’Australie (encore que les émigrants se dirigent surtout vers les États-Unis). Mais ils jugent trop
coûteux de conquérir et contrôler des territoires fortement peuplés pour en
faire des colonies d’exploitation. Ils préfèrent y entretenir de simples relations
commerciales par le biais de comptoirs.
■ Vers 1850, l’empire britannique s’étend sur 22 millions de km2 et compte 240
millions d’habitants. Il comprend notamment le Canada, l’Australie, la NouvelleZélande ainsi que des îles et des comptoirs, escales sur la « route des Indes ». Les
colonies de la France, des Pays-Bas, de l’Espagne et du Portugal sont beaucoup moins
étendues. L’Afrique demeure encore en grande partie inconnue des Européens.
■
B.La reprise de l’expansion coloniale
économie de plantation : économie
reposant sur la culture de plantes tropicales
effectuée dans de grands domaines mis en
valeur par des esclaves ou des ouvriers
agricoles.
colonie d’exploitation : colonie souvent
située en zone chaude, où les Européens sont
peu nombreux, et destinée à fournir à
la métropole des produits tropicaux.
comptoir : établissement commercial dirigé
par un État (métropole) dans un territoire
étranger.
Le Caire
Kitchener
Dakar
Djibouti
Fachoda
Marchand
doc.2
■
Après 1870, la colonisation européenne se développe rapidement. L’essor colonial
tient surtout aux difficultés de la Grande Dépression qui pousse les États à s’assurer
des marchés outre-mer : pour Jules Ferry, chef du gouvernement français, « une colonie, c’est d’abord un débouché ».
■ L’essor colonial, lié à l’impérialisme, conduit certains États à se doter de zones d’influence leur assurant un statut de grande puissance. Une telle politique concerne non
seulement la France, le Royaume-Uni, la Russie mais aussi de jeunes États tels que
l’Allemagne, la Belgique et l’Italie.
■ En Asie, le Royaume-Uni renforce sa domination en Inde, où l’autorité du gouvernement se substitue en 1858, au lendemain de la grave révolte des Cipayes, à celle de
l’East India Company tandis que la France conquiert l’Indochine, entre 1859 et 1895
et que les Pays-Bas poursuivent la conquête du gigantesque archipel indonésien. Mais
c’est en Afrique que les conquêtes européennes sont les plus importantes. Les
conquêtes s’accélèrent après 1880 : Jules Ferry qualifie ces rivalités coloniales de
« course au clocher ».
Le Cap
Nord
3 000 km
colonies britanniques
en 1898
colonies françaises
en 1898
2 Les décisions de la conférence de Berlin
Art.1 - Tous les pavillons sans distinction de nationalité, auront
libre accès à tout le littoral des territoires énumérés ci-dessus,
aux rivières qui s’y déversent dans la mer, à toutes les eaux du
Congo et de ses affluents, y compris les lacs, à tous les ports situés au bord de ces eaux. […]
Art. 6 - Toutes les puissances exerçant des droits de souveraineté ou une influence dans lesdits territoires s’engagent à
veiller à la conservation des populations indigènes et à l’amélioration de leurs conditions morales et matérielles d’existence
et à concourir à la suppression de l’esclavage et surtout la traite
des noirs ; elles protégeront et favoriseront […] toutes les institutions et entreprises religieuses, scientifiques ou charitables,
créées et organisées à ces fins, ou tendant à instruire les indigènes et à leur faire comprendre et apprécier les avantages de
la civilisation. […]
13 - La navigation du Congo est et demeurera entièrement libre
pour les navires marchands […] de toutes les nations, tant pour
les marchandises que pour les voyageurs. […]
26 - La navigation du Niger est et demeurera entièrement libre
pour les navires marchands […] de toutes les nations, tant pour
les marchandises que pour les voyageurs. […]
34 - La puissance qui, dorénavant, prendra possession d’un territoire sur les côtes du continent africain, […] ou qui viendrait à
en acquérir avertira les autres puissances signataires. […]
35 - Les puissances signataires […] reconnaissent l’obligation
d’assurer, dans les territoires occupés par elles, l’existence
d’une autorité suffisante pour faire respecter les droits acquis.
États représentés : Allemagne, Autriche-Hongrie, Belgique,
Danemark, Empire ottoman, Espagne, États-Unis, France, Italie,
Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Russie, Suède.
1. Quelles sont les décisions prises lors de cette conférence ?
2. Quels États européens sont engagés dans ces décisions ?
3. À quelle condition un État européen peut-il revendiquer
une colonie ? Quelles garanties sont apportées aux populations
indigènes ?
3 Exposition coloniale de Marseille, 1906.
« verticale » anglaise
« transversale » française
rencontre MarchandKitchener à Fachoda
(Soudan)
1 La crise de Fachoda.
C.Le partage du monde
■
doc.1,3,4 et 5
Pour régler les rivalités qui ne cessent de surgir entre elles, les puissances européennes réunissent une conférence à Berlin en 1884-1885. On y définit les règles
des conquêtes coloniales. Pour qu’une colonie appartienne à un pays européen, une
occupation effective du territoire est nécessaire. Les conquêtes coloniales reposent
désormais sur un accord international, accepté par tous les pays européens.
Quasiment inconnue des Européens au XIXe siècle, l’Afrique est presque entièrement
colonisée en 1914.
■ L’essor colonial engendre néanmoins des rivalités régionales entre pays européens :
entre le Royaume-Uni et la Russie à propos de l’Afghanistan, aux confins de l’Inde anglaise et de l’Asie centrale russe ; entre le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne en
Afrique. Il en résulte des crises internationales. Une des plus graves survient en
1898, entre Français et Britanniques, à Fachoda, à propos du Soudan. Deux autres
crises éclatent entre la France et l’Allemagne à propos du Maroc, en 1905-1906 puis
en 1911. À la suite d’un accord international, le Maroc revient à la France ; l’Allemagne
reçoit en échange des territoires français en Afrique centrale.
134
En 1898, la France organise sous les ordres
du capitaine Marchand, une expédition,
en direction de la haute vallée du Nil, qu’elle
atteint à Fachoda en juillet 1898. De leur
côté, les Britanniques veulent contrôler
le Soudan : remontant le Nil, le général
Kitchener arrive en septembre 1898 à
Fachoda.
Les Britanniques somment les Français de
rappeler Marchand. Après une vive tension
diplomatique entre les deux pays, et devant
le risque d’une guerre, le gouvernement
français cède et rappelle Marchand
(novembre 1898). Finalement, un accord
(mars 1899) délimite la frontière entre
les colonies des deux pays dans cette région
et les Britanniques s’engagent à appuyer les
Français dans leurs evendications ultérieures,
en particulier au Maroc.
4 Plantation de café au Cameroun après 1920.
5 Les antagonismes entre France et Allemagne
au Maroc. « La conférence du Maroc ». Caricature allemande
du 8 janvier 1906 lors de la première crise marocaine (1905-1906).
CHAPITRE 7 • La colonisation européenne (vers 1850-1939)
135
DOSSIER
Pour ou contre la colonisation ?
Vers 1850, les colonies sont encore peu nombreuses et
seul le Royaume-Uni possède alors un empire colonial
de grande taille. Les économistes libéraux sont peu
favorables à la colonisation, que l’on accuse de coûter
plus cher qu’elle ne rapporte. C’est surtout après 1870
que les puissances européennes se lancent dans la
colonisation. Le redémarrage des conquêtes coloniales
La conquête de la Tripolitaine par les Italiens
vue par Le Petit Journal du 15 octobre 1911.
entraîne un débat parmi les opinions publiques.
Ces dernières se rallient majoritairement aux conquêtes
coloniales à partir des années 1890. Des groupes de
pression (en France, le « parti colonial ») rassemblent
des députés de tous les partis, des industriels, des
membres de l’Église pour appuyer le développement
des empires coloniaux.
1 Les libéraux contre la colonisation
2 Jules Ferry justifie sa politique coloniale
Les vraies colonies d’un peuple commerçant, ce sont les peuples indépendants de toutes les parties du monde. Tout peuple
commerçant doit désirer qu’ils soient tous indépendants, pour
qu’ils deviennent tous plus industrieux et plus riches ; car plus
ils sont nombreux et productifs, et plus ils présentent d’occasions et de facilités pour les échanges. Ces peuples alors deviennent pour vous des amis utiles, et qui ne vous obligent pas de
leur accorder des monopoles onéreux, ni d’entretenir à grands
frais des administrations, une marine et des établissements militaires aux bornes du monde. Un temps viendra où l’on sera
honteux de tant de sottises, et où les colonies n’auront plus
d’autres défenseurs que ceux à qui elles offrent des places
lucratives, le tout aux dépens des peuples.
La concurrence, la loi de l’offre et de la demande, la liberté des
échanges, l’influence des spéculations, tout cela rayonne dans
un cercle qui s’étend jusqu’aux extrémités du monde. C’est là
un problème extrêmement grave. Il est si grave […] que les
gens les moins avisés sont condamnés à déjà prévoir l’époque
où ce grand marché de l’Amérique du Sud nous sera disputé et
peut-être enlevé par les produits de l’Amérique du Nord. […] Il
faut chercher des débouchés…
II y a un second point que je dois aborder […] : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question… Les races supérieures
ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je dis qu’il y a pour
elles un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le
devoir de civiliser les races inférieures. […]
Il n’y a pas de compensation […] pour les désastres que nous
avons subis [mais] est-ce que le recueillement qui s’impose aux
nations éprouvées par de grands malheurs doit se résoudre en
abdication ? […]
Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique
d’expansion coloniale, celle qui nous a fait aller, sous l’Empire,
à Saigon, en Cochinchine, celle qui nous a conduits en Tunisie,
celle qui nous a amenés à Madagascar, je dis que cette politique d’expansion coloniale s’est inspirée d’une vérité sur laquelle il faut pourtant appeler un instant votre attention : à
savoir qu’une marine comme la nôtre ne peut pas se passer,
sur la surface des mers, d’abris solides, de défenses, de centres
de ravitaillement. […] Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, […] c’est abdiquer, et, dans un temps plus
court que vous ne pouvez le croire, c’est descendre du premier
rang au troisième et au quatrième…
J.-B. Say, Traité d’économie politique, 1825.
3 Clemenceau et la colonisation
Races supérieures, races supérieures, c’est bientôt dit. Pour ma
part, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savants
allemands démontrer scientifiquement que la France devait
être vaincue dans la guerre franco-allemande parce que le
Français est d’une race inférieure à l’Allemand. Depuis ce
temps, je l’avoue, j’y regarde à deux fois avant de me retourner
vers un homme et vers une civilisation et de prononcer :
homme ou race inférieures. […] C’est en augmentant incessamment les charges du budget que vous prétendez vous
ouvrir des débouchés, alors qu’il y a d’autres nations à côté de
nous qui, n’ayant pas fait la dépense de ces expéditions coloniales, entrent en lutte avec nous sur le terrain même que nous
avons choisi. Comme elles ont des budgets qui ne sont pas
grevés des frais de ces expéditions, elles nous font une concurrence redoutable et nous enlèvent le commerce jusque dans
nos propres marchés. Nous faisons la police pour elles et nous
montons la garde pour qu’elles puissent commercer en toute
sécurité et gagner de l’argent à nos dépens. Lors donc que,
pour vous créer des débouchés, vous allez guerroyer au bout
du monde, lorsque vous dépensez des centaines de millions,
lorsque vous faites tuer des milliers de Français pour ce
résultat, vous allez directement contre votre but : autant
d’hommes tués, autant de millions dépensés, autant de charges
nouvelles pour le travail, autant de débouchés qui se ferment.
Clemenceau discours à la chambre des députés, 31 juillet 1885.
L’Angleterre a une double mission à remplir en Inde : l’une
destructrice, l’autre régénératrice – l’annihilation de la vieille
société asiatique et la pose des fondements matériels de la société occidentale en Asie.
Arabes, Turcs, Tatares, Moghols, qui envahirent successivement l’Inde furent bien « hindouisés ». Les conquérants barbares étaient par une loi éternelle de l’histoire, conquis
eux-mêmes par la civilisation supérieure de leurs sujets. Les
Britanniques étaient les premiers conquérants supérieurs et
par conséquent inaccessibles à la civilisation hindoue. Ils la détruisirent en détruisant les communautés indigènes, l’industrie
indigène et en nivelant tout ce qui était grand et élevé dans la
société indigène. […]
L’unité politique de l’Inde, […] imposée par l’épée britannique
va maintenant être affermie et perpétuée par le télégraphe
électrique. L’armée indigène organisée et entraînée par le sergent-instructeur britannique était le sine qua non de l’Inde s’émancipant et de l’Inde cessant d’être la proie du premier intrus
étranger. La presse libre, introduite pour la première fois dans
la société asiatique, et gérée principalement par la commune
progéniture d’Hindous et d’Européens, est un nouvel et puissant agent de reconstruction. Les natifs de l’Inde, éduqués, encore qu’avec mauvaise grâce et parcimonie, à Calcutta, sous la
tutelle anglaise, sont en train dé former une classe nouvelle,
douée des aptitudes requises au gouvernement et imbue de
science européenne. […] Le jour n’est pas bien loin où, par une
combinaison de chemins de fer et de bateaux à vapeur, la distance entre l’Angleterre et l’Inde, mesurée par le temps, sera
réduite à huit jours, et où cette contrée jadis fabuleuse sera pratiquement annexée au monde occidental.
K. Marx, « Les résultats éventuels de la domination britannique en Inde »,
article dans le New York Daily Tribune, 8 août 1853.
1880
1913
1938
22,540
0,728
0,421
0,420
0,188
-
32,325
9,707
2,066
0,334
0,822
2,95
2,35
2,0-
33,624
12,115
2,070
0,334
0,93
2,40
3,425
QUESTIONS
A. Présenter les documents (nature, date, auteur)
4 La taille des empires coloniaux européens
de 1880 à 1938.
D’après Bouda Etemad, La possession du monde, Complexe, 2000.
136
6 Karl Marx et la colonisation de l’Inde
J. Ferry, discours à la chambre des députés, 28 juillet 1885.
en millions de km2
Royaume-Uni
France
Pays-Bas
Espagne
Portugal
Allemagne
Belgique
Italie
5
7 Un argument souvent utilisé pour justifier
la colonisation : la mission civilisatrice de l’Europe.
B. Dégager des informations des documents
1. Quels sont les arguments des libéraux contre la
colonisation ? (doc. 1)
2. Quels sont les arguments de Jules Ferry en faveur
de la colonisation ? (doc. 2)
3. Quelles sont les critiques dirigées contre la politique
de Jules Ferry en 1885 ? (doc. 3)
4. Quels sont les pays colonisateurs ? Comparer l’évolution
de la taille des empires coloniaux aux trois dates. (doc. 4)
5. Comment sont présentés les Italiens et les indigènes ?
Comment la colonisation de la Tripolitaine est-elle justifiée ?
(doc. 5)
6. Quel est le point de vue de Karl Marx sur la colonisation
de l’Inde par les Britanniques (doc. 6)
C. Mettre en relation les documents
7. Montrer comment et pourquoi les opinions européennes
se sont ralliées peu à peu à la colonisation.
D. Synthèse
8. Quels arguments sont utilisés pour justifier
la colonisation ?
Sœurs missionnaires en Chine au début du XXe s.
CHAPITRE 7 • La colonisation européenne (vers 1850-1939)
137
3
La puissance européenne contestée
A.L’importance des colonies entre 1914 et 1939
doc.3
■
Les colonies ont joué un rôle important lors de la guerre de 1914-1918, en fournissant aux puissances alliées des matières premières,des denrées alimentaires et
surtout des hommes. 587 000 Nord-Africains et Noirs ont combattu dans l’armée
française ; 950 000 Indiens, 600 000 Canadiens, 450 0000 Australiens et des NéoZélandais dans l’armée britannique. Des Indochinois sont venus travailler en France
dans les usines d’armement.
■ En 1919, les anciennes colonies allemandes et les territoires non turcs de
l’Empire ottoman sont répartis, sous le nom de mandats, entre les pays vainqueurs.
La France reçoit donc le Togo et le Cameroun en Afrique, la Syrie et le Liban au
Proche-Orient ; le Japon, les possessions allemandes du Pacifique ; le Royaume-Uni, la
Palestine et l’Irak ainsi que les territoires allemands de l’Est africain.
VOCABULAIRE
mandat : voir Ne pas confondre p. 154.
dominion : voir Ne pas confondre p. 154.
Commonwealth : association du RoyaumeUni et de ses dominions, créée en 1931.
U R S S
CANADA
Mandchourie
JAPON
ÉTATS-UNIS
Hawaï
ÉGYPTE
MEXIQUE
■
doc.5
La situation est cependant nettement moins favorable pour l’Europe qu’avant 1914.
Les États-Unis, le Canada, l’Argentine ont développé leur industrie et leur agriculture à
la faveur de la guerre. En Extrême-Orient, le Japon a remplacé les pays européens dans
le commerce avec la Chine et le Sud-Est asiatique. Cette concurrence des pays
neufs devient préoccupante pour les États européens.
■ Si les empires coloniaux connaissent leur extension maximale dans les années 1930,
l’heure de l’expansion est passée.Les dernières conquêtes (celle de la Mandchourie
par le Japon en 1932, et celle de l’Éthiopie par l’Italie en 1936) sont condamnées par la
SDN et considérées comme des agressions contre des pays indépendants. À ces
contestations viennent s’ajouter les critiques des États-Unis et du Japon. Les premiers, qui n’oublient pas qu’ils ont été les premiers à se libérer du joug colonial, défendent l’ouverture des possessions européennes au commerce international. Le second
exalte l’union des peuples jaunes contre la domination des Européens. C’est au moment où les empires coloniaux sont les plus étendus que cette domination européenne
commence à montrer des signes de fragilité.
138
ARABIE
INDE
océan
BRÉSIL
océan
INDOCHINE
océan
Indes néerlandaises
BOLIVIE
PARAGUAY
MADAGASCAR
Atlantique
CHILI
ARGENTINE
■
C.Vers le crépuscule des empires coloniaux ?
IRAK
Iles Carolines
(Japon)
doc.1,2 et 4
Cependant, la domination coloniale a évolué. Déjà avant 1914, le Royaume-Uni avait
tissé de nouveaux liens avec ses colonies à fort peuplement blanc. Entre 1867 et 1910,
le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud étaient devenus des dominions et avaient bénéficié d’un gouvernement autonome. Dès les années 1880 se
développent les premières manifestations nationalistes, notamment en Inde et en
Indochine.
■ Après 1918, ces mouvements prennent une certaine ampleur : en Inde, Gandhi
(1869-1948) fait usage de la non-violence pour obtenir l’autonomie de son pays.
D’autres mouvements indigènes naissent en Tunisie, en Algérie, en Indochine. En
Égypte, un mouvement islamiste est créé, les Frères musulmans, qui veulent créer un
État islamique et rejettent les valeurs de l’Occident. Des révoltes éclatent, au Maroc
dans les années 1920 (guerre du Rif) et en Indochine en 1930, à l’initiative du parti
communiste indochinois créé par Hô Chi Minh. En Europe, des voix de plus en plus
nombreuses dénoncent la domination coloniale. C’est le cas notamment des dirigeants communistes, d’intellectuels (Albert Einstein, Romain Rolland,André Gide), ou
de l’Église.
■ Des évolutions se font jour peu à peu : l’Égypte devient indépendante en 1922 et
l’Irak en 1932 ; le Royaume-Uni crée le Commonwealth en 1931. En 1939, le
Royaume-Uni et la France font encore illusion et apparaissent comme des grandes
puissances, en raison notamment de l’importance de leurs empires coloniaux.
CHINE
équateur
Pacifique
B.L’évolution de la domination coloniale
SYRIE
guerre du Rif
au Maroc
Indien
AFRIQUE
DU SUD
AUSTRALIE
NOUVELLEZÉLANDE
4 000 km
Europe colonisatrice
colonies et dépendances
des États européens en 1939
territoires devenus indépendants
mouvements anti-colonialistes
pays neufs
rivalités entre intérêts économiques
européens et américains
expansion des nouveaux
pays impérialistes
3 La contestation de la suprématie européenne entre 1919 et 1939.
1 Affiche du Parti communiste
français (1930).
1. D’après cette affiche, quel est le sort
des indigènes ?
2. Que dénonce cette affiche ?
2 Les socialistes et les colonies
au temps du Front populaire
Une politique coloniale socialiste aura
d’autant plus de chances d’être constructive et durablement féconde qu’elle
se préoccupera moins de communiquer d’une manière directe l’idéologie
socialiste aux indigènes… Il faut
prendre garde au déchaînement de
forces incontrôlables […] qui pourraient sortir d’une action où des notions mal digérées de lutte des classes,
certains fanatismes religieux, la nature
émotive des Africains, la dissimulation
islamique et asiatique et toutes sortes
d’influences souterraines se rencontreraient en des réactions complexes et
imprévisibles.
Déclaration de Marius Moutet, ministre socialiste
des Colonies du Front populaire, au Conseil
supérieur des colonies, mars 1938.
4 Les colonies, la guerre et la révolution
5 La foi en la colonisation
La guerre prouve en ce moment la solidité de l’édifice colonial
français, semblable en cela à l’anglais. Non seulement il n’a pas
cédé à la violence des événements, mais les peuples divers qui
le constituent nous ont manifesté avec une égale fermeté leur
loyalisme. Ils se sont refusés à écouter les fauteurs de troubles
que nos ennemis avaient envoyés chez certains d’entre eux, et
c’est sans compter qu’ils nous ont apporté leur concours.
Pendant douze années, sous les tropiques comme en France,
gouverneur général ou ministre, j’ai longuement médité sur la
colonisation, sa légitimité, ses conséquences morales. […]
Dans l’action coloniale ainsi comprise, il n’y a plus comme au
début, « droit du plus fort », mais bien « droit du fort à aider le
faible », ce qui paraît vraiment le droit le plus noble et le plus
haut de tous.
L’opération n’est plus unilatérale ; elle n’évince pas un possédant au profit d’un spoliateur ; elle peut, plus justement que
celle qui la précéda, réclamer le titre de « pacte colonial », car
elle est conçue pour l’avantage des deux ayants droit, liés par
une politique d’association.
La possession lointaine ne sera plus à présent un simple comptoir, un dépôt de richesses, un débouché où le
« conquérant » vient rafler les épices et écouler sa marchandise
en pressurant une race indigène taillable et corvéable à merci.
Les colonies cessent de n’être que des marchés ; ce sont des
entités vivantes, des créations d’humanité, des parties solidaires de l’État français dont on va, par le progrès scientifique,
moral, économique et politique, favoriser l’accès à de plus
hauts destins, au même titre que les autres parties du territoire
national.
Bulletin de la Section d’information du grand quartier général,
7 mars 1918.
La dernière guerre, qui n’était pas faite dans l’intérêt des colonies, fut cependant conduite avec l’aide des colonies. Les populations coloniales furent mêlées à la guerre européenne à un
degré encore jamais atteint. […] Pourquoi ? Pour avoir le droit
de rester les esclaves de la France et de l’Angleterre ! […]
L’émancipation des colonies est possible seulement en liaison
avec l’émancipation de la classe laborieuse métropolitaine. Les
ouvriers et les paysans d’Annam, d’Algérie et du Bengale, mais
aussi de Perse, obtiendront la possibilité d’avoir une existence
indépendante seulement lorsque les ouvriers français et anglais auront […] placé dans leurs propres mains le pouvoir de
l’État. Esclaves coloniaux d’Afrique et d’Asie, l’heure de la dictature prolétarienne en Europe sera aussi l’heure de votre libération !
Léon Trotski au premier congrès de la IIIe Internationale, 1919.
1. Que semblait-on craindre dans l’empire français durant
la guerrre ? De quoi se félicite l’auteur du texte ?
2. Chercher qui est Trotski. Que propose-t-il aux peuples
colonisés ?
3. Montrer que ces deux textes s’opposent en tous points.
Albert Sarraut, gouverneur de l’Indochine (1911-1914 et 1916-1919)
et ministre des Colonies (1920-1924 et 1932-1933),
Grandeurs et servitudes coloniales, 1931.
1. Montrer l’évolution de la pensée coloniale en France
entre le XIXe s. et 1931.
2. Quelles perspectives propose Albert Sarraut pour l’empire
colonial français ?
CHAPITRE 7 • La colonisation européenne (vers 1850-1939)
139
Composition (4/8)
FICHE DE RÉVISION
DATES À RETENIR
BILAN DU CHAPITRE
쑺
1.Les causes de l’expansion coloniale
années 1880 : essor de la colonisation
européenne
쑺 1884-1885 : Conférence de Berlin
쑺 1898 : crise de Fachoda entre la France
et le Royaume-Uni
쑺 1905-1906 et 1911 : crises marocaines
entre la France et l’Allemagne
쑺 années 1920-1930 : premières révoltes
contre la colonisation (Maroc,
Madagascar, Indochine) et essor
du mouvement non-violent
de Gandhi (Inde)
Sujet : Quels sont les acteurs et les modalités de la colonisation (1850-1939) ?
➤ Les empires coloniaux sont encore peu développés vers 1850. Ensuite, forte expansion coloniale entre 1880 et 1914.
• raisons démographiques (émigration de la population européenne) ;
• raisons économiques (recherche de ressources et de débouchés), politiques (rivalités internationales) ;
• raisons stratégiques (contrôler les routes maritimes) et par sentiment de supériorité des
Européens (« civiliser les races inférieures »).
➤ Essor de l’impérialisme européen.
Méthode
➤ 1. Aide générale
II.L’expansion coloniale avant 1914
A. Lire le sujet
• Les termes employés :
– les acteurs : par qui est effectuée la colonisation (des particuliers ? des États ?) ;
– la colonisation : ne pas oublier de définir ses différents
aspects.
➤ Vers 1850, le seul empire colonial important est l’empire britannique.
➤ La colonisation reprend après 1850 et surtout 1880 :
B.Analyser le sujet
• fixation de règles entre les pays colonisateurs à la conférence de Berlin (1884-1885) ;
•les grandes puissances européennes (Royaume-Uni, France surtout, mais aussi Portugal,
Espagne, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Italie) étendent leurs possessions sur tous les
continents.
• L’ampleur du sujet et ses limites :
– les limites chronologiques : définir les débuts de la période
(quelle est la situation à cette date ?) et la fin (la situation estelle la même ?)
– les limites géographiques : indiquer où se passe la colonisation. Le sujet a une ampleur mondiale.
1. Les thèmes :
Définir la notion de colonisation :
– comment se passe-t-elle ?
Définir les acteurs :
– qui sont-ils (les hommes sur le terrain) ?
– qui sont les décideurs ?
– comment agissent-ils ?
III.L’expansion coloniale avant 1914
LIRE
• A. GIRARDET, L’idée coloniale en France de 1871 à
1962, Hachette, Pluriel, 1972.
• B. BLANCHARD et N. BANCEL, De l’indigène
à l’immigré, Gallimard, coll. « Découvertes »,
n° 345.
• A. HUGON, L’Afrique des explorateurs.Vers les
sources du Nil, Gallimard, coll. « Découvertes »,
n° 117.
• A. HUGON, L’Afrique des explorateurs.Vers
Tombouctou, Gallimard, coll. « Découvertes »
n° 216.
• C. CLÉMENT, Gandhi, athlète de la liberté,
Gallimard, coll. « Découvertes », n° 50.
• « Le temps de l’Algérie française. De la prise
d’Alger à l’indépendance », n° spécial de
L’Histoire, n° 140, janvier 1991.
« Le temps des colonies », Les collections
de l’Histoire, n° 11, 2001.
VISITER
• Le musée de l’Homme
• Le musée de la Marine
• Le musée des Arts Premiers
➤ L’Europe sort affaiblie de la Grande Guerre
➤ Sa domination coloniale commence à être contestée :
• à cause du rôle important des colonies dans la guerre ;
• à cause de la révolution russe : les communistes s’opposent à la colonisation ;
• à cause de l’évolution interne des empires : création du Commonwealth britannique,
mais développement des mouvements opposés à la colonisation (Gandhi en Inde, Frères
musulmans en Égypte) et premières révoltes coloniales (Maroc, Madagascar, Indochine) ;
• à cause de la contestation de la puissance européenne par les États-Unis et le Japon.
NE PAS CONFONDRE
Impérialisme et colonisation
• L’impérialisme (du latin imperium : domination) est la domination d’un État sur d’autres
États. L’impérialisme peut être d’ordre économique, financier ou culturel. L’impérialisme ne
remet pas nécessairement en cause l’indépendance politique des pays qu’il domine ; ces derniers peuvent conserver leur gouvernement.
• La colonisation est une forme d’impérialisme dans laquelle la puissance colonisatrice,la métropole, s’assure le contrôle politique de la colonie. Dans ce cas, c’est le gouvernement de la
métropole qui dirige la colonie dans tous les domaines.
LIRE
BIOGRAPHIES
Jules Ferry
(1832-1893),
président du Conseil (1880-1881
et 1883-1885), instigateur de
la politique coloniale française.
(Voir biographie complète p. 284)
140
Gandhi (1869-1948),
principal dirigeant du mouvement
pour l’indépendance de l’Inde.
(Voir biographie complète p. 284)
2. La zone géographique :
– elle n’est pas indiquée
– la retrouver en notant quels sont les pays
colonisateurs et les régions colonisées.
3. Les dates permettent de limiter le sujet :
– pourquoi 1850 ?
– pourquoi 1939 ?
C. Dégager la problématique
• Comment expliquer qu’en 1850 les empires coloniaux sont
peu importants et que la colonisation se développe fortement à
partir des années 1880 ?
➤ 2. Proposition de plan détaillé
II. Quelles sont les étapes de la colonisation ?
1. La situation vers 1850
2. La grande période des conquêtes coloniales : 1880-1914
– la formation des empires coloniaux ;
– les rivalités entre les puissances européennes.
3. En apparence : l’apogée de la colonisation
– les empires entre 1920 et 1939 ;
– les dernières conquêtes coloniales ;
– les premières remises en cause de la colonisation.
III. Comment expliquer cet essor colonial ?
1. Le sentiment de supériorité des Européens
2. Des raisons économiques
3. Des raisons politiques et stratégiques
Conclusion
Après la période des explorations, les grands États européens s’entendent pour développer leurs conquêtes coloniales. Les acteurs et les motivations sont diverses. Le
résultat est l’apparition en une trentaine d’années, dans les
années 1880-1910, de grands empires coloniaux, spécialement en Afrique.
Introduction
Vers 1850, l’idée coloniale est en perte de vitesse et les empires coloniaux sont peu développés. En 1939, ceux-ci sont au
contraire très importants, en particulier les empires coloniaux britanniques et français. Qui sont les acteurs de l’expansion coloniale européenne ? Quelles sont les grandes
étapes de la colonisation ?
I. Qui sont les acteurs de la colonisation ?
1. Des particuliers…
– les explorateurs et missionnaires ;
– les militaires ;
– les colons.
2. … agissant à l’instigation de groupes divers
– des sociétés de géographie ;
– des Églises désireuses d’évangéliser les populations ;
– des États voulant étendre leur domination sur des terres inconnues.
3. Les moyens utilisés
CHAPITRE 7 • La colonisation européenne (vers 1850-1939)
141
PRÉPA BAC
• J.-J. ANNAUD, La victoire en chantan, 1976.
• R. ATTENBOROUGH, Gandhi, 1983.
Quels sont les acteurs et les modalités de la colonisation (1850-1939) ?
DOCUMENT 3 Quelques décisions de la conférence
de Berlin (1885)
Sujet : Comment l’Afrique a-t-elle été partagée et conquise entre 1870 et 1914 ?
Questions
Première partie
1. Présenter les documents (auteur, nature du document).
2. Quelles sont les raisons de la colonisation de l’Afrique (doc. 1, 3 et 4) ? Expliquer « Prenez-la, non par le canon,
mais par la charrue » et « changez vos prolétaires en propriétaires » (doc. 4).
3. Qui colonise l’Afrique ?
4. Quels moyens sont employés par les Européens pour coloniser l’Afrique ?
5. Quelles sont les conséquences de la colonisation de l’Afrique ?
Deuxième partie : Rédiger une synthèse permettant de répondre à la question posée par le sujet.
Canaries
Égypte
Rio de Oro
Sénégal
Cap-Vert
Aden
Nigeria
Cameroun
LIBERIA
Côte de l’Or Togo
Congo
océan
Djibouti
ÉTHIOPIE
Congo
belge
Somalie
britannique
Afrique
orientale
allemande
Tripolitaine
Égypte
Afrique
occidentale
Sénégal française
Soudan
angloégyptien
Afrique
équatoriale
Nigeria française
Cameroun
LIBERIA
Togo
Côte de l’Or
Congo
Congo
belge
Gambie
Guinée
Sierra Leone
Comores
Angola
océan
Angola
Atlantique
Madagascar
Mozambique
TRANSVAAL
océan
Sud-Ouest
africain
allemand
Érythrée
Djibouti
Afrique
orientale
allemande
1885
colonie du Cap
Indien
Union Sud-africaine
Comores
Indien
2 000 km
colonies
Royaume-Uni
France
axe des ambitions :
Allemagne
Espagne
Portugal
Belgique
Italie
britanniques
portugaises
françaises
italiennes
Méthode
A. Question 1
• Classer les documents dans l’ordre chronologique peut aider
à les présenter.
B. Question 2
• Qu’évoque la charrue ? Pourquoi Victor Hugo évoque-t-il
les « questions sociales » ?
Classer les différentes raisons apparaissant dans les documents. Ces raisons sont-elles toutes économiques ?
C. Question 3
• Une conquête met aux prises des conquérants et des peuples
conquis. Sur quels documents les premiers apparaissent-ils ?
De quelle façon sont-ils représentés ?
• Se servir de la carte 1 : tous les États européens ont-ils participé à la conquête ? Y a-t-il des rivalités entre États ? Quelle
évolution constate-t-on entre 1885 et 1914 ?
D. Question 4
• Étudier les documents et classer les différents moyens employés par les Européens.
• Faire la critique des documents : a-t-on le point de vue des
colonisés ?
• Évoquer d’autres accords entre deux États européens, entre
la France et l’Allemagne, par exemple.
océan
1914
Victor Hugo, discours prononcé lors d’un banquet commémorant
l’abolition de l’esclavage, le 18 mai 1879.
de la première partie
Somalie
italienne
Madagascar
ORANGE
Le moment est venu de faire remarquer à l’Europe qu’elle a à
côté d’elle l’Afrique.
La Méditerranée est un lac de civilisation ; ce n’est certes pas
pour rien que la Méditerranée a sur l’un de ses bords le vieil
univers et sur l’autre l’univers ignoré, c’est-à-dire d’un côté
toute la civilisation et de l’autre toute la barbarie. Le moment
est venu de dire à ce groupe illustre de nations : unissez-vous !
Allez au Sud. Il est là devant vous, ce bloc de sable et de
cendre, ce monceau inerte et passif qui, depuis six mille ans,
fait obstacle à la marche universelle.
Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la. Prenez-la, non pour
le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour
le commerce ; non pour la bataille mais pour la fraternité.
Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup,
résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en
propriétaires. Allez, faites ! Faites des routes, faites des ports,
faites des villes, croissez, cultivez, colonisez, multipliez.
➤ 1. Comment répondre aux questions
Somalie
Afrique
orientale
anglaise
DOCUMENT 4 Dieu offre l’Afrique à l’Europe
Extraits de l’Acte final de la conférence de Berlin, 26 février 1885.
ÉTHIOPIE britannique
Rhodésie
Atlantique
Sud-Ouest
africain
Rio
de
Oro
zam
Gambie
Guinée
Sierra Leone
Algérie Tunisie
ue
Canaries
Cap-Vert
Maroc
Madère
Algérie
Art. 6 : Toutes les puissances exerçant des droits de souveraineté ou une influence dans lesdits territoires s’engagent à
veiller à la conservation des populations indigènes et à l’amélioration de leurs conditions morales et matérielles d’existence
et à concourir à la suppression de l’esclavage et surtout de la
traite des noirs ; elles protégeront et favoriseront […] toutes
les institutions et entreprises religieuses, scientifiques ou charitables, créées et organisées à ces fins, ou tendant à instruire
les indigènes et à leur faire comprendre et apprécier les avantages de la civilisation. […]
Art.26 : La navigation du Niger, sans exception d’aucun des embranchements ni issues de ce fleuve, est et demeurera entièrement libre pour les navires marchands […] de toutes les nations,
tant pour les marchandises que pour les voyageurs. […]
Art. 34 : La puissance qui prendra possession d’un territoire
sur les côtes du continent africain situé en dehors de ses possessions actuelles […] ou qui viendrait à en acquérir avertira
les autres puissances signataires.
Art. 35 : Les puissances signataires du présent Acte reconnaissent l’obligation d’assurer, dans les territoires occupés par
elles sur les côtes du continent africain, l’existence d’une autorité suffisante pour faire respecter les droits acquis et […] la
liberté du commerce.
biq
Tunisie
Madère
Mo
PRÉPA BAC
Étude d’un ensemble documentaire (6/11)
DOCUMENT 1 La conquête de l’Afrique.
DOCUMENT 2
La conquête
de l’Afrique
orientale par
les Allemands.
➤ 2. Aide à la réponse à la question
de la deuxième partie
DOCUMENT 5 Soumission de chefs indigènes
aux Français en Côte d’Ivoire. Petit journal, 1893.
• La synthèse peut s’organiser autour de trois thèmes : les raisons (pourquoi la conquête de l’Afrique ?), les acteurs et les
moyens (comment ?) et les conséquences (quelle est l’évolution de l’Afrique à la suite des conquêtes ? Quelles sont les
conséquences en Afrique et dans les relations entre pays européens ?).
CHAPITRE 7 • La colonisation européenne (vers 1850-1939)
143
PRÉPA BAC
Troupes
coloniales
allemandes
affrontant
des Herreros,
9 avril 1904.
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