Le trouble des conduites : de la prévention à la

publicité
Le trouble des conduites : de la
prévention à la prédictibilité ?
Dr Hélène DENIS, chef de clinique, MPEA Peyre Plantade,
CHU Montpellier
Pr Charles AUSSILLOUX, chef de service, MPEA Peyre
Plantade, CHU Montpellier
Barcelone, le 24 janvier 2007
1
Rapport INSERM sur les troubles des conduites
La Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) des travailleurs
indépendants a demandé à l’INSERM (Institut National de la Santé
et de la Recherche Médicale) une procédure d’expertise collective
sur le dépistage, la prise en charge et la prévention des troubles des
conduites chez l'enfant et l'adolescent.
Un groupe d’expert a donc analysé plus de 1000 articles ou données
scientifiques disponibles au premier trimestre 2005.
Barcelone, le 24 janvier 2007
2
Le trouble des conduites (TC) chez l'enfant et
l'adolescent:
•
atteinte aux droits d'autrui et aux normes sociales.
•
palette comportementale diverse (crises de colère,
désobéissances, agressions graves avec violence, vols)
Les psychiatres considéraient ce trouble comme extrêmement
difficile voire impossible à traiter.
Actuellement, les cliniciens peuvent envisager la prise en charge
dans un cadre mieux défini, surtout faisant appel à la
pluridisciplinarité.
Barcelone, le 24 janvier 2007
3
Tout acte antisocial ne peut être attribué au seul trouble des
conduites.
Le concept de trouble en santé mentale: ensemble de conditions
morbides caractérisant un dysfonctionnement comportemental,
relationnel et psychologique d'un individu en référence à des normes
attendues pour son âge, dans la répétition et la persistance.
L'expression du TC est fonction de l'âge de l'enfant. D’abord dans la
famille puis élargissement à l’école puis à tout l’environnement
social.
Le rapport de l’INSERM considère que l'évolution est différente
selon l'âge de survenue (avant ou après la dixième année). Le
pronostic serait plus péjoratif, le risque plus élevé d'évolution vers la
personnalité antisociale lorsque l'apparition est précoce.
Barcelone, le 24 janvier 2007
4
Un trouble déficit de l'attention/hyperactivité (THADA)
Trouble oppositionnel avec provocation (TOP)
Trouble des conduites (TC)
Sont souvent associés de façon comorbides.
Lien entre ces troubles? Facteurs de risque,
prédicteurs, …?
D'autres troubles mentaux peuvent être associés : troubles de
l'humeur, troubles anxieux, troubles des apprentissages,…
Barcelone, le 24 janvier 2007
5
Développement normal de l’enfant: comportements agressifs et
d’opposition
Persistance et aggravation de ces comportements chez certains
enfants?
Identifier les facteurs précurseurs et les facteurs de risque semble être
important afin de pouvoir faire de la prévention.
Rapport INSERM : projet d’un repérage et d’une intervention
précoce.
Les modèles actuels : des facteurs contextuels (familiaux et
psychosociaux) sont en interaction avec des facteurs individuels
(susceptibilité génétique, tempérament, personnalité). Les facteurs
environnementaux interviennent sur les processus cognitifs, le
fonctionnement neuroendocrinien et l’activité de diverses structures
cérébrales.
Barcelone, le 24 janvier 2007
6
Définition du trouble des conduites:
Comportement dans lequel sont transgressées les règles
sociales
Interface entre psychiatrie, domaine social et judiciaire.
Critères DSM IV
Distinction du trouble ayant débuté avant et après l’âge de 10 ans,
la différence étant dans la symptomatologie, l’évolution, la
répartition selon le sexe et les comorbidités.
Critères de CIM 10
Proposition de différents types :socialisé, non socialisé/
limité au milieu familial ou non
Barcelone, le 24 janvier 2007
7
Les différences en fonction du sexe :
Distinguer le statut pubertaire plutôt que l’âge de 10 ans.
Chez la fille, les comportements à risque sont plus souvent des
relations sexuelles non protégées, des grossesses précoces, une
humeur dépressive. Elles ont moins d’attitudes agressives et plus de
comportement de manipulation.
Prévalence :
Chez garçons de 15 ans est de 5 à 9%.
Augmente jusqu’à 15 ans puis reste stable chez les garçons alors
qu’elle diminue chez les filles.
Forte stabilité du diagnostic : 2/3 des sujets l’ayant pendant
l’enfance, l’ont toujours à l’adolescence.
Barcelone, le 24 janvier 2007
8
Milieu délinquant chez garçons: prévalence de 30 à 60% de TC
Chez les filles, situation équivalente.
Population carcérale : TC à début tardif apparaît plus sévère chez
les filles que chez les garçons.
La très grande majorité des adultes présentant un trouble de la
personnalité antisociale a présenté un TC plus jeune.
La moitié des jeunes avec un TC présente une personnalité
antisociale à l’âge adulte, avec un risque plus élevé quand il y a
consommation de substances psychoactives.
Barcelone, le 24 janvier 2007
9
Association à d’autres troubles mentaux.
•
THADA : diagnostic le plus souvent associé (continuité
entre THADA chez l’enfant et TC à l’adolescence?)
THADA serait d’autant plus prédictif qu’il est associé à un TOP.
•
Épisode dépressif : apparition et maintien l’un de l’autre
Risque suicidaire important. Question du trouble bipolaire.Risque
accru de dépendance à l’alcool et autres toxiques.
•
Troubles anxieux : rôle modérateur
•
PTSD : risque majeur surtout chez les filles
•
Consommation de toxiques : dépend de la précocité et
sévérité du TC.Influence bidirectionnelle pour garçons, avec
dépression chez la fille.
Barcelone, le 24 janvier 2007
10
Trajectoires développementale :
Nécessité d’études longitudinales
Développement normal : agressions physiques (se bagarrer, faire
preuve de cruauté, brutaliser, menacer, intimider) jusqu’à 4 ans.
La fréquence de ces comportements diminue dans la très grande
majorité des cas.
Les enfants qui maintiennent un niveau élevé d’agression
physique sont les TC à début précoce. Chez ces sujets, la
fréquence des agressions physiques tend à augmenter de nouveau
à l’adolescence avec des conséquences plus importantes.
A l’âge adulte, cette fréquence diminue.
Barcelone, le 24 janvier 2007
11
Les études explorant l’agression physique montrent :
Les facteurs de risque sont semblables à ceux pour TC,
comportements antisociaux et délinquance
Antécédents de comportements antisociaux des parents pendant
leur adolescence
jeune âge de la mère à la naissance de son premier enfant
faible niveau de scolarité de la mère
consommation de tabac pendant la grossesse
discorde parentale, pauvreté
comportements coercitifs des parents à l’égard de l’enfant.
Barcelone, le 24 janvier 2007
12
Héritabilité génétique :
Le taux d’héritabilité génétique du TC est proche de 50%.
Pathologie multifactorielle : notion de susceptibilité génétique
Part de susceptibilité génétique et environnementale spécifique en
différenciant la part de chacun des troubles entre TC, TOP et
THADA:
Forte agrégation familiale du THADA
Fait d’être apparenté à un enfant THADA augmente le
risque de présenter un TC et un TOP (co-ségrégation familiale
THADA et TC : seules les formes de THADA comorbides au TC augmente le
risque familial de TC )
Barcelone, le 24 janvier 2007
13
Scores d’héritabilité génétique :
40-70% pour le THADA
50% TC et TOP
Les conduites d’agression physique sont les plus héritables (80%).
Les autres symptômes dépendent principalement des facteurs
d’environnement.
Difficile d’identifier des gènes
Les facteurs génétiques semblent varier dans leur fréquence en
fonction de la rencontre avec les facteurs environnementaux
(protecteurs, aggravants)
Barcelone, le 24 janvier 2007
14
La personnalité et le tempérament :
Longtemps, éléments négligés au profit des facteurs sociologiques dans
la compréhension du TC.
Nombreuses études ont montré leur rôle dans l’apparition, le maintien
et la sévérité du trouble.
Dimensions émotionnelles: absence de sentiment de culpabilité, peu
d’empathie, moins de reconnaissance des émotions, index de moralité
affective plus bas
Liens entre le tempérament de l’enfant et les attitudes parentales Rôle
central de l’ajustement réciproque entre parents et enfants.
Le TC serait la conséquence d’une incompatibilité trop importante
entre le tempérament de l’enfant (impulsivité, faibles capacités
d’inhibition) et les exigences de son entourage (style éducatif
permissif).
Barcelone, le 24 janvier 2007
15
La période périnatale :
Des évènements sont susceptibles de contribuer à la survenue d’un
TC mais peu spécifiques :
Usage de substances psychoactives pendant la grossesse
Tabagisme maternel, consommation d’alcool, de cannabis, de cocaïne
pendant la grossesse
La prématurité et un faible poids de naissance sont incriminés
La maternité précoce
La survenue du trauma cérébral pendant la petite enfance
Barcelone, le 24 janvier 2007
16
Influence des facteurs familiaux et environnementaux :
Les conditions environnementales défavorables chroniques et
associées à d’autres facteurs de risque.
Personnalité antisociale du père, de la mère, consommation
d’alcool chez les parents
Insécurité et désorganisation de l’attachement
Conflit parentaux
Attitudes parentales délétères et les pratiques éducatives
inadaptées
Rôle de la fratrie
Absentéisme scolaire, situations d’échec scolaire
Exposition à la violence par les médias
Barcelone, le 24 janvier 2007
17
Les déficits neuro-cognitifs :
Deux types semblent impliqués dans le TC
-
déficit des habiletés verbales
-
déficit du système d’inhibition exécutive de l’action.
Influence régulatrice du langage dans les processus de contrôle du
comportement humain, expression des émotions et décoder celles
des autres (empathie)
Barcelone, le 24 janvier 2007
18
Évaluation :
Le diagnostic de TC nécessite une évaluation rigoureuse
plurimodale :
Du fait de l’hétérogénéité des tableaux et des comorbidités, il est
important d’avoir plusieurs sources d’information et une équipe
pluridisciplinaire prenant en compte l’histoire et le mode de
fonctionnement familial.
Barcelone, le 24 janvier 2007
19
Prévention :
Pas de programme de prévention mais plutôt pour la délinquance ou
la violence, sauf dans les pays anglo-saxons mais pas tous validés.
Pour la petite enfance (0 à 3 ans) : action sur les parents et les
enfants en stimulant leurs capacités d’auto-régulation de leur
comportement (visite à domicile, éducation et soutien parental), en
crèche et maternelle, développer les compétences sociales,
cognitives et émotionnelles des enfants.
Pour les 3 à 16 ans : développer les compétences sociales,
cognitives et émotionnelles par des technique de résolution de
problème, d’auto-gestion des émotions, de compréhension des
émotions,… Les parents sont également pris en charge pour
développer leurs stratégies de communication, de régulation
émotionnelle.
Barcelone, le 24 janvier 2007
20
Prise en charge psychothérapique :
Il est important de combiner plusieurs modalités de traitement :
développer un système de soutien et d’étayage social pour
l’ensemble de la famille
 favoriser les contacts de l’enfant présentant un TC avec des
pairs « prosociaux »
limiter les contacts de l’enfant présentant un TC avec des pairs
« antisociaux »
 augmenter le soutien scolaire et les interactions avec les
enseignants
Prise en charge de la famille dans sa globalité
Intérêt de l’association à une prise en charge en individuelle
Barcelone, le 24 janvier 2007
21
Traitement pharmacologique : seulement en deuxième intention
Dans une stratégie globale sauf en cas d’urgence.
Pas de traitement spécifique.
A visée anti-agressive, ils vont agir en général sur les système
dopaminergique, sérotoninergique et GABAergique
Très peu d’études avec les enfants et adolescents.
Trois classes ont été évaluées : antipsychotiques,
psychostimulants, thymorégulateurs.
Barcelone, le 24 janvier 2007
22
Antipsychotiques : largement utilisés, plutôt bien tolérés, leur
efficacité sur l’agressivité est démontrée. Indication dans l’urgence,
efficacité immédiate sur l’agitation et l’agressivité.
Psychostimulants : stimulent les fonctions cognitives exécutives et
diminuent l’impulsivité en favorisant l’inhibition. Dans le THADA
qui est souvent comorbide. Certaine efficacité sur l’agressivité pour
les formes modérées.
Thymorégulateurs : (lithium) résultats mitigés en terme
d’efficacité. L’indication est première quand le TC est associé à un
trouble de l’humeur.
Antidépresseurs de type Inhibiteur de la Recapture de la
Sérotonine (ISRS) : encourageants
Barcelone, le 24 janvier 2007
23
Recommandations :
A partir de l’analyse de ces données scientifiques, l’équipe de
l’INSERM a rédigé des propositions d’action concernant le
repérage, le diagnostic, la prise en charge et la prévention de ces
troubles.
Prudence :
Regroupement TC, TOP et THADA dont les relations entre
eux ne sont pas exactement connues.
Il faut aussi pouvoir distinguer le comportement antisocial
persistant et celui qui se limite à la période de l’adolescence.
Barcelone, le 24 janvier 2007
24
Les principes des recommandations :
- former et informer les familles et professionnels de l’enfance et
adolescence à la reconnaissance des symptômes précoces du TC
- former les médecins et autres professionnels de santé à la
reconnaissance du TC
- sensibiliser le secteur judiciaire aux risques et conséquences
d’un TC
- développer des structures d’écoute et d’accueil pour enfants,
adolescents et parents
- dépister en population générale afin de mettre en place des
interventions de prévention ou de soins
- mettre en place un repérage et un suivi des enfants à risque dès
la période anté et périnatale
Barcelone, le 24 janvier 2007
25
- repérage et suivi régulier des adolescents à haut risque ou
présentant des signes d’appel
- diagnostiquer et traiter le TC. L’évaluation doit être
individuelle, familiale, sociale et scolaire
- adapter la thérapeutique à la sévérité du trouble. Traitement
individuel, familial et social. Il faut prévoir un travail avec les
enseignants également. L’éloignement des pairs déviants semble
important notamment en famille d’accueil spécialement formée et
soutenue. En seconde intention, un traitement médicamenteux peut
être associé.
- prévenir, favoriser des programmes de prévention de la
violence dès l’enfance
- développer des recherches épidémiologiques, sur les liens entre
facteurs individuels et environnementaux, évaluation des
interventions et des traitements
Barcelone, le 24 janvier 2007
26
Avis général :
Accueil mitigé car au delà de son caractère scientifique
irréprochable, les conclusions trop rapides et trop brutales pour les
recommandations ont résonné très négativement
Notion de « ségrégation » sur les familles défavorisées
Modèle de prévention de la délinquance sur un mode
répressif pour certains politique
Appel à la médicalisation et à la pharmacothérapie à outrance
Barcelone, le 24 janvier 2007
27
Notre point de vue
Bibliographie non exhaustive (articles scientifiques
médicaux)
Pas d’élément sur les variations interindividuelles.
Manque de prise en compte de l'environnement, de
l'évolution de la société (études cas uniques ou « single case design »)
Dépistage / facteurs de risque : brutal et culpabilisant.
Peu de place à des espoirs d’évolution positive
Barcelone, le 24 janvier 2007
28
Notre expérience :
Évolutions très différentes en fonction des cas individuels.
Le plus difficile, est l’approche de ces familles
Mise en place de l’alliance avec le patient et sa famille
Régularité dans le suivi
Motivation à changer
Manque de prédictibilité du Trouble des
conduites sur l’évolution à moyen terme de ces
adolescents.
Barcelone, le 24 janvier 2007
29
Téléchargement