Présentation

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Histoire de
l’Afghanistan
contemporain :
Introduction
Introduction
1 – Géographie
2 – Démographie
3 – Société et culture
1- Géographie
1.1 – L’Afghanistan et sa région.
• L’Afghanistan actuel occupe 647 500 km2 et est situé au
milieu de la principale masse continentale de la planète.
• Jusqu’à l’arrivée des Européens, le territoire de
l’Afghanistan était sillonné par les marchands. La plus
célèbre des passes de la Route de la soie est d’ailleurs
située en Afghanistan.
• La géographie pèse au moins partiellement sur le type
d’organisation sociale des peuples qui y vivent. C’est
ainsi que l’Afghanistan avait jusqu’au XVIIe siècle une
économie basée sur le commerce.
• L’ouverture de la route maritime Europe-Asie a conduit
au déclin de la route de la soie, lequel a entraîné
l’isolement du pays.
L’Afghanistan et ses voisins
• Paradoxalement, ce déclin coïncide avec l’établissement
des premiers États afghans, puisque ce déclin a rendu
le territoire relativement moins convoité.
• S’agissant d’un État enclavé, les relations avec les
voisins revêtent une importance capitale.
• Ses voisins (Russie puis URSS, Royaume-Uni puis
États-Unis, Perse puis Iran, empire moghol puis
Pakistan) ont pesé de tout leur poids sur l’évolution
du pays et son territoire a toujours été convoité.
• Les causes de cet intérêt ne sont ni économiques, ni
démographiques, mais géostratégiques.
• L’Afghanistan partage des frontières avec six États
(Iran, Pakistan, Turkménistan, Tadjikistan et Kirghizstan
et Chine) dont l’importance régionale est variable et
qui furent longtemps sous la domination d’une puissance
lointaine.
• Bref, l’Afghanistan marque depuis deux cents ans les
lignes de partage de puissances rivales. Le pays offre
des possibilités de contrôle de la région très
intéressantes, d’où son rôle historique de zone
tampon.
1.2 – Géographie intérieure
1.2.1 – Caractéristiques générales
• Le cœur de l'Afghanistan est constitué par le massif de
l'Hindou-Kouch, prolongement occidental de l'Himalaya,
qui constitue une frontière culturelle majeure entre le
Turkestan et le monde irano-indien.
• Très large, mais pas très haut à l'ouest, il se rétrécit en
même temps que son altitude croît en direction de l'est.
C'est là que se localise le point culminant du pays
(Nowshak, 7 492 m).
• L'Hindou-Kouch constitue la réserve hydrique du pays.
Les cours d’eau du versant sud-est, appartenant au
bassin-versant de l'Indus, parviennent à la mer.
• Les autres se joignent aux cours d’eau de la région ou
aux grands réservoirs, comme l’était jadis la mer d’Aral,
par le biais de l’Amou-Daria et de ses affluents.
• Les précipitations sont rares et aléatoires,
concentrées pendant la saison froide. Les confins
afghano-pakistanais constituent une exception, où la
mousson d'été indienne à une certaine influence.
• C’est dans cette région qu’on trouve les seules forêts
du pays, occupées par des feuillus en basse altitude,
lesquels sont progressivement remplacés par des
conifères.
• La formation végétale dominante est la steppe,
laquelle se change au printemps en riches pâturages
1.2.2 – Les principales régions
• Politiquement, le territoire est aujourd’hui divisé en 34
provinces. Les plus importantes d’entre-elles sont la
province de Kaboul, celle de Kandahar, celle de Herat
et celle de Balkh. Ces quatre régions constituent en
outre les principales zones géographiques du pays.
• Chacune de ces zones est constituée de plaines, de
plateaux ou de vallées où coulent des rivières. D’où la
concentration de population qu’on y trouve.
• La région de Kaboul est le cœur de l’État afghan. À
l’époque médiévale, la région jouissait d’une position
stratégique sur la route de la soie, d’où son importance.
• La région est située en haute altitude : Kaboul est sise
à 1 500 mètres d’altitude et Gardez, à 3 200 mètres.
Les étés y sont relativement frais, et les hivers plutôt
froids.
Divisions administratives de
l’Afghanistan actuel
Kaboul – vue aérienne
Kaboul et l’Hindou Kouch
• L’agriculture y est difficile, mais l’étalement des
centres habités rend la région intéressante : dans les
zones médianes, on cultive des céréales et certains
arbres fruitiers, alors qu’au sud, on cultive le riz et les
agrumes.
• La zone de la capitale est très diverse ethniquement et
densément peuplée: Elle représente à elle seule 30 %
de la population totale du pays, Kaboul comptant ellemême, environ 4 millions d’habitants.
• Située sur une zone de fracture ethnique entre Tadjiks et
Pachtounes, la zone attire des représentants de toutes
les grandes familles ethniques du pays.
• Au sud du pays, Kandahar est le principal centre
urbain. Le sud est aride, mais, irriguées par la rivière
Helmand, Kandahar et sa proximité immédiate forment
une oasis fertile, où l’on cultive des céréales, mais
aussi des fruits. Le coton y est également cultivé, de
même que, plus récemment, l’opium.
Kandahar – vue aérienne
Une mosquée à Kandahar
• C’est la région la plus faiblement peuplée, mais sa
situation géographique, sur la route de la soie, en a fait
une zone disputée entre les empires iranien et
indien.
• Région peu diversifiée ethniquement, l’élément
pachtoune domine, surtout le clan Durrani. Kandahar fut
la première capitale de l’État au XVIIIe siècle.
• C’est aujourd’hui une zone dangereuse, et c’est de là
que provient le mouvement des Taleban.
• À l’ouest se trouve la ville de Herat. Ville oasis entourée
d’une zone aride, elle fut la capitale de la province
d’Areia de l’empire perse. Son nom lui vient de
l’Harirud, la rivière qui l’irrigue.
• Herat à longtemps été associé au voisin iranien. Sa
puissance lui vient de sa richesse agricole, mais aussi
de sa situation géographique, sur le passage des
routes commerciales entre la Chine et la Perse d’une
part, et entre l’Asie centrale et l’Inde, d’autre part.
Herat
Une citadelle à Herat
• Détruite par les Mongols en 1222, Herat se releva
rapidement pour devenir un centre culturel et religieux
et devint à son tour capitale en 1522, sous Tamerlan.
• Herat a toujours eu une population à dominante perse,
où se mélangent sunnisme et chiisme. Sa richesse et sa
diversité ont fait de la région l’un des pivots des
premiers États afghans, alors que le gouverneur de la
ville était toujours un membre influent de la famille
royale.
• Au nord se trouve la « mère de toutes les cités », Balkh,
aux cotés du centre régional, la ville de Mazâr-e charif.
L’un des plus vieux centres de peuplement du
monde, Balkh fut la capitale de l’empire gréco-bactrien
et selon la légende, la ville d’origine de Zoroastre.
• Situé à une faible altitude entre l’Hindou-Kouch et
l’Amou Daria, son climat est semi-aride. La région est
richement irriguée et de nombreuses rivières
saisonnières y coulent .
La grande Mosquée de
Mazar-ê-Sharif
La citadelle de Balkh
• C’est une zone agricole prospère, où poussent
céréales diverses (dont du riz), melons et coton. Ses
pâturages en font aussi l’une des principales zones de
production de viande du pays.
• Son histoire fait de la région de Balkh la plus rebelle
des régions face à la domination de Kaboul. La zone
est riche et elle est la première à se détacher de
l’ensemble afghan lorsque le pouvoir central
s’affaiblit.
• De plus, l’élément pachtoune est plus faible que
partout ailleurs, et les principaux groupes ethniques
sont davantage apparentés aux voisins du nord :
Ouzbeks et Kirghizes, mais surtout Tadjiks et
Hazaras.
• La zone nord-est comprend la vallée du Panjshir fief
du commandant Shah Massoud, qui lutta avec
acharnement contre les Taleban jusqu’à sa mort.
• Enfin, il convient de mentionner brièvement la région de
Peshawar, qui ne fait pas partie de l’Afghanistan, mais
bien du Pakistan, car la zone est essentiellement
peuplée de Pachtoune et jusqu’en 1834, était contrôlée
par ceux-ci, avant de passer entre les mains des
Sikhs, puis des Britanniques, puis d’Islamabad dans la
foulée de l’indépendance du Pakistan.
• Capitale des « territoires tribaux », Peshawar
continue de peser sur l’Afghanistan, car c’est d’ici que
partent les armes qui alimentent la guérilla actuelle.
2 - Démographie
2.1 – Notions générales
• Zone de passage des caravanes et des marchands,
l’Afghanistan constitue une mosaïque démographique
complexe.
• Selon les statistiques dont nous disposons aujourd’hui
(peu fiables), le pays compterait aujourd’hui environ
30 millions de personnes.
• On doit ajouter à ce nombre près de 3 millions de
réfugiés qui ont fui le pays depuis la fin des années 70
et qui forment la seconde plus importante
communauté de réfugiés au monde.
2.2 – Composition ethnique
• Originellement, au XVIIe siècle, le terme « afghan »
était employé pour désigner les Pachtounes, peuple
majoritaire du pays, et ce n’est qu’à la frontière des
XIXe et XXe siècles que ce terme d’Afghan
commencera à s’appliquer aux autres ethnies.
• Ces Pachtounes constituent l’un des deux principaux
groupes nationaux de l’Afghanistan. À ce jour, ils
forment environ 40 % de la population du pays.
• Population d’origine indo-européenne, leur langue est
le pachtou, langue indo-européenne de la famille des
langues perses. Présents sur l’ensemble du territoire,
ils sont majoritaires dans leurs zones traditionnelles,
près du Pakistan.
• Ce 40 % de la population est à son tour divisé en près
de 90 tribus.
• Deux ont une plus grande importance politique
depuis plusieurs siècles, les Durrani, dont proviennent
la plupart des rois (et Karzaï), et les Ghilzai.
• Cette division clanique empêche les Pachtounes de
contrôler le pays de façon stable, car elle entraîne des
conflits continuels entre clans.
• Selon la tradition historique, les principaux clans sont
issus directement du fondateur de la nation
pachtoune, Qais Abdur Rachid, la primauté de ceux-ci
étant déterminé par le principe de primogénéité : les
Durrani seraient issus du premier fils de Qais, les Ghilzaï
du deuxième, etc.
• Il est à noter, et c’est là que réside l’un des principaux
éléments déstabilisateurs du pays, que de nombreux
Pachtounes habitent de l’autre côté de la ligne
Durand, frontière imposée par les Britanniques au XIXe
siècle entre l’Afghanistan et la Pakistan, dans ce que l’on
nomme les « territoires tribaux ».
• Il faut donc garder à l’esprit que la nation pachtoune
est coupée en deux.
• Deuxième groupe en importance, avec environ 25 à
30 % de la population, les Tadjiks sont localisés
surtout au nord-est, mais aussi autour de l’HindouKouch.
• Appartenant eux aussi à l’Islam sunnite, ils ont
généralement été en situation d’infériorité par rapport
aux Pachtounes.
• Les Tadjiks parlent une variante régionale du farsi
(perse) le dari, très proche de celle parlée par leurs
cousins du Tadjikistan.
• Moins nombreux (10 % à 15 %), les Hazaras forment le
3e plus important groupe ethnique du pays.
• Les Hazaras sont chiites, ce qui les place dans une
position difficile. Ils sont concentrés dans les
montagnes du centre du pays.
• Ils parlent une langue d’origine mongole et seraient
possiblement les descendants des armées de
Genghis Khan.
• Parmi la multitude des autres groupes ethniques
présents sur le territoire de l’Afghanistan actuel, les
Nouristani sont les plus fascinants.
• Leur origine est obscure : indo-aryen, ils occupent le
sud-est de l’Hindou-Kouch depuis Alexandre. Jusqu’à la
fin du XIXe siècle, ils demeurèrent païens et ce n’est
que par la force qu’ils furent convertis à l’Islam.
• Les Aïmaks sont importants dans leur région
d’origine, soit l’est d’Herat. S’agissant d’une
population d’origine turque, sunnites parlant le farsi,
ils constituent un bel exemple des mélanges surprenant
que la situation de carrefour de l’Afghanistan a pu
produire.
• Et puis il y a les autres : Ouzbeks, Taimuri, Taimani,
Karakalpaks, Arabes, etc. Les langues parlées par ces
nations sont diverses (persanes, turco-altaïques, etc.)
• Mais à quelques très rares exceptions (quelques juifs,
bouddhistes et chrétiens), ils sont pratiquement tous de
confession musulmane et pour l’essentiel sunnites.
2.3 – La question nationale
• Cette population si diverse forme-t-elle une nation? À
l'exception des Hazâras, toutes les autres ethnies se
prolongent au-delà de frontières.
• Une conscience nationale se dégage pourtant, dans la
mesure où tous les ressortissants de l’État afghan
partagent le même cadre étatique, les mêmes
préoccupations et la même culture matérielle depuis
environ deux siècles.
• Depuis 1919, l'élite éduquée cultive un nationalisme
virulent, pour compenser en partie chez elle
l'affaiblissement du sentiment religieux.
• Malgré la multiplicité des appartenances ethniques, un
mode de vie semblable unit tous ces peuples.
• Ainsi, en 1978, l'Afghanistan manifestait une certaine
symbiose entre ses deux peuples principaux, les
Tadjiks et les Pachtounes.
2.4 – Indices démographiques
• L'indice de fécondité (5,2 enfants par femme) est l’un
des plus haut de la planète. Le taux de mortalité pour
l’ensemble de la population est de 2,2%.
• L'espérance de vie à la naissance est de 49 ans pour
les hommes, 52 ans pour les femmes. 87 % de la
population n'a pas accès à l'eau potable. Le nombre de
dispensaires est estimé à 800.
• Le choléra, la poliomyélite ou le tétanos ont atteint un
niveau endémique. Le paludisme est fréquent et seule
la rougeole est désormais mieux contrôlée.
• La
mortalité
infantile
et
maternelle
tue
quotidiennement six cents enfants (un décès toutes les
deux minutes et demie) et cinquante femmes (un décès
toutes les trente minutes).
• Il existe une véritable diaspora afghane mondiale,
mais
le
gros
de
l'émigration
s'est
dirigé
préférentiellement vers les pays frontaliers à forte
affinité culturelle : l'Iran a accueilli jusqu'à trois millions
de réfugiés, et le Pakistan cinq autres millions.
• L’exode intérieur a contribué à accélérer une
urbanisation modeste. Avec moins de 30 % de
population urbaine, l'Afghanistan reste l'un des États
les moins urbanisés du monde.
• Cependant, Kaboul est aujourd’hui devenue une ville
de trois à quatre millions d'habitants, alors qu'elle en
comptait à peine 500 000 en 2001.
• Entre les principales villes du pays, on trouve un
semis de villes moyennes qui assurent les services :
chefs-lieux de province, petits centres industriels (surtout
dans le nord-est), gros marchés de collecte de produits
agricoles et de distribution de biens de consommation.
• Les montagnes, bien sûr, restent sous-urbanisées.
3 – Société et culture
3.1 – Organisation sociale
• Avec le temps, le mode de fonctionnement de
l’ensemble des communautés a fini par ressembler à
celui de la majorité pachtoune. Ce mode de
fonctionnement tribal a peu évolué depuis plusieurs
siècles.
• La base de celui-ci demeure encore aujourd’hui le
pachtounwali, ou code d’honneur des Pachtounes. Il
comprend trois éléments principaux :
• 1 — L’hospitalité : traditionnel pour les sociétés
musulmanes, entendu que suivant le prophète, l’hôte est
un envoyé de Dieu.
• 2 – Le droit de vengeance : également traditionnel,
mais pour les sociétés peu organisées, où la justice n’est
pas dispensée par une autorité centrale et incontestée,
la loi du talion est alors le moyen naturel d’obtenir
justice.
• 3 – Le droit d’asile est plus spécifique et vient tempérer
le droit de vengeance obligeant les gens à secourir
quiconque se trouve victime d’une vendetta et dont la vie
est en danger.
• En pachtou, on nomme souvent le pays le Yagestan ou
Royaume de l’insolence, ou de l’insoumission.
• La population afghane étant en grande partie
montagnarde, l’esprit d’indépendance y règne. Les
peuples d’Afghanistan, souvent en guerre les uns contre
les autres, lorsqu’ils font face à un envahisseur,
parviennent à mettre de côté leurs divergences pour
faire front commun.
• L’une des forces du pays dans ces périodes de crise lui
vient de sa géographie peu hospitalière, qui rend les
communications difficiles et provoque l’éclatement
de l’administration centrale en cas de tentative
d’occupation.
• L’État en vient alors à se dissoudre et retourne dans
son anarchie primitive, rendant difficile pour
l’envahisseur un contrôle même relatif du pays.
• La plupart des zones montagneuses de la planète
fonctionne de même : les communications étant
difficiles, les conditions de vie aussi, les sociétés
montagnardes sont en général assez éclatées, mais
en même temps, soudées autour de la cellule tribale.
• Cela concerne aussi le mode de subsistance : les
ressources sont rares et celui qui les contrôle est le
chef. Seule une petite partie des sols de l’Afghanistan
sont arables et l’eau provient de la fonte saisonnière des
glaciers et n’irrigue qu’un faible pourcentage des terres.
• La population afghane a élaboré des techniques
d’irrigation primitives, par le biais de la construction de
canaux d’irrigation. Ceux-ci sont fragiles et
nécessitent beaucoup de soins.
• C’est pourquoi seuls les plus fortunés peuvent en
construire et en entretenir. Ces seigneurs de la guerre
des montagnes se transforment alors en « hommes
d’affaires » et vendent l’eau aux paysans, d’où le
pouvoir qu’ils ont sur eux…
• L’autre grande source de revenus traditionnelle était
le pillage. Le pays ayant été jusqu’au XVIe siècle un
carrefour, il était possible à cette époque de s’attaquer
aux caravanes des marchands qui devaient traverser
les zones tribales.
• Mais le pillage pouvait aussi se porter contre les
sédentaires des plaines.
• Afin de lutter contre ce fléau, les puissances voisines
avaient l’habitude d’armer les clans les uns contre
les autres.
• Cela fonctionnait la majeure partie du temps, mais il
arrivait qu’un chef vire sa chemise et se vende à un plus
offrant. La stabilité des alliances n’était donc pas une
caractéristique des relations entre clans.
3.2 - Civilisation du désert et civilisation sédentaire
• Pays de désert et de montagnes, l’Afghanistan est
structuré
historiquement,
politiquement
et
socialement, autour d’une dualité désert-ville, pour
reprendre la distinction élaborée par l’historien médiéval
arabe ibn Khaldun, distinction qui détermine pour une
bonne part les rapports régionaux.
• Cette distinction n’est pas absolue car au fil des siècles,
les deux mondes ont cohabité, et avec le temps, une
partie de la civilisation du désert s’est sédentarisée.
La distinction peut paraître anachronique mais permet
de comprendre l’évolution des diverses régions du pays.
• La structure économique de la civilisation du désert
est basée sur une agriculture peu diversifiée,
dominée par la nécessité de survivre et se limitant
souvent à la subsistance.
• Dans une même zone, tous produisent à peu près la
même chose. La richesse y est déterminée par la
propriété des terres, des pâturages et du bétail et
l’économie y est presque entièrement démonnaitarisée.
• Les surplus ne sont pas vendus, mais échangés
contre un « statut », par l’organisation de fêtes, l’offre
de cadeaux, etc., qui relèvent le statut de celui qui y
recourt, l’estime et la gloire étant plus prisées que
l’argent, peu utile dans ce milieu.
• Cette structure économique influe sur l’organisation
sociale. La fidélité au clan et à la tribu y est très
importante et se trouve à la base d’une solidarité basée
sur la généalogie et la descendance.
• Ainsi, les individus s’y conçoivent comme les parties
d’un tout et une attaque contre l’individu devient une
attaque contre le clan dans son entier. D’où les
codifications du pachtounwali précédemment évoquées.
• À l’opposé se trouve la civilisation sédentaire, dont la
base économique est le luxe, rendu possible par la
division du travail. Dans les villes, le commerce rend
possible l’échange des produits essentiels, afin
d’acquérir des produits de luxe. La richesse
individuelle constitue ici la puissance et la force.
• Ces deux mondes sont interdépendants : le désert a
besoin de la villes pour ses produits manufacturés ; la
ville des déserts pour son alimentation.
• Cette interdépendance est l’un des éléments clés
permettant de comprendre comment une population si
diverse ethniquement est parvenue à se maintenir
dans un ensemble politique commun, car les clivages
ethniques perdent de leur importance.
• Ainsi, c’est historiquement l’interdépendance ville-désert
qui structure la vie afghane, plutôt que les différences
ethniques et linguistiques.
3.3 – L’Islam
• C’est à la faveur de l’avancée des armées arabes, au
VIIe et VIIIe siècle, que l’islam fait son apparition au
pays.
• Le zoroastrisme, le bouddhisme et le brahmanisme
indien avaient tous percé sur le territoire, mais l’influence
d’une religion s’étendant de la péninsule ibérique aux
Indes sera si importante que l’Islam va s’imposer.
• L’islam n'est pas une culture exotique et n'appartient
pas à l'« Orient » (l'Inde et la Chine). II provient des
mêmes sources que le christianisme médiéval : les
Écritures sémitiques et la philosophie grecque.
• L’Islam s’est développé dans les provinces
méridionales de l'Empire romain christianisé. Sa
théologie s'articule selon la logique d'Aristote et sa
mystique prolonge la spéculation néoplatonicienne
de Byzance.
• Si saint Thomas peut emprunter aux philosophes
arabes, c’est parce que judaïsme, christianisme et
islam du Moyen Âge sont trois volets d'une même
civilisation gréco-sémite.
• Cette filiation hellène de la pensée musulmane met en
exergue le caractère stérile du combat mené par
l'intégrisme islamique pour s'arracher à l’Occident,
car il en fait bel et bien partie.
• L’Afghanistan étant largement analphabète, ce fait
favorise la solidité des croyances religieuses puisque
celles-ci reculent avec le développement de l’instruction
publique.
• Dans les villes, au XXe siècle, la religion recule
effectivement, même si le phénomène demeure
marginal. Dans les campagnes, ou le taux
d’alphabétisation est faible, les croyances religieuses
sont très vivaces.
• Cependant, l’islam traditionnel n’était pas radical, ni
surtout intégriste et se mariait sans difficulté à des
pratiques ancestrales distinctes de la tradition
musulmane.
• Ce sont les communistes et leurs alliés soviétiques
d’une part, ainsi que le Pakistan et les États-Unis, par
réaction, qui ont favorisé la radicalisation d'un islam
qui, tout en étant conservateur, n’était pas au début
des années 70 particulièrement radical. Avant cette
époque, les rigoristes (comme les wahhabites) étaient
peu présents au pays et la tradition soufi dominait.
• Wahhabisme : Le wahhabisme désigne la doctrine de
retour à l'islam des origines enseignée par le théologien
Mohamed ibn Abd al-Wahhab.
• Le terme est utilisé de manière péjorative par les
musulmans qui rejettent le salafisme et l’ensemble des
doctrines intégristes de l’islam. Il a été forgé très tôt par
les détracteurs d'Ibn Abd-Al Wahhab.
• Le texte fondateur de l'enseignement de Mohamed ibn
Abd al-Wahhab est son Livre du monothéisme.
• Son objectif est la « purification » de l'islam des
innovations, déviances, hérésies et idolâtries.
• Parmi les principes de cet enseignement, il est
notamment question de l'interdiction du culte des
saints, de l'édification de monuments funéraires, ou
même de mosquées luxueuses.
• Ces interdictions se basent sur le Coran et la
Sounna, interprétés à la lumière de la pratique des
premiers musulmans, et rejetant les avis théologiques
ultérieurs.
• Il va donc de soi que le wahhabisme rejette les
pratiques de l’Islam traditionnel des zones non
arabes, où la religion musulmane s’est entremêlée à
des pratiques païennes anciennes ayant précédé la
conversion. C’est le cas du Caucase ou de l’Afghanistan,
où la tradition soufie domine.
• Le soufisme est un mouvement spirituel de l’islam.
Les soufis se regroupent en confréries, les tariqa, qui se
sont développés un peu partout dans le monde arabomusulman à partir du Xe siècle.
• Le mot soufisme désigne en arabe l'homme qui a
réalisé pleinement sa spiritualité et est arrivé au terme
de la Voie. Par extension, il désigne les gens qui
aspirent à la Voie spirituelle.
• Les musulmans soufis privilégient l'intériorisation,
l'amour de Dieu, la contemplation, la sagesse. Ils
combattent au nom de l'islam le vice sous toutes ses
formes
• Vraisemblablement, le soufisme est lié à l’ascétisme
monastique chrétien, ainsi qu’au zoroastrisme, au
bouddhisme et d’une certaine façon à l’hindouisme.
• Favorisant l’individu et le libre arbitre, à contrario de la
tradition sunnite classique, le soufisme s’est ainsi bien
implanté dans les régions montagneuses.
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