Quand les espèces invasives s’invitent au Sud © IRD/JF.Silvain Adulte du charançon rouge des palmiers Rhynchophorus ferrugineus, Égypte. Les insectes profitent de la mondialisation © IRD/J. Bonvallot Cause ou conséquence du déclin de la biodiversité Le lac de retenue de Yaté, en Nouvelle Calédonie, où 19 spécimens de black-bass furent introduits en 1960. Aujourd’hui répandus dans toute l’île, ces poissons sont probablement responsables de la disparition d’une espèce endémique, le Galaxias neocaledonicus. La prolifération des espèces exotiques de poissons d’eau douce, est plus souvent la conséquence du déclin de la biodiversité, que sa cause », soutient l’ichtyologue Fabien Leprieur1. L’introduction par l’homme de poissons dans les lacs et rivières est une pratique fort ancienne, remontant au Moyen-Âge, et qui a explosé à partir du XXe siècle avec le développement des transports et des échanges mondiaux. « Dans les espaces insulaires, les introductions ont un impact très marqué sur la biodiversité », explique le chercheur. Ces milieux possèdent généralement une faune aquatique constituée d’espèces endémiques dépourvues de prédateurs naturels. L’arrivée de poissons exotiques bouscule les équilibres, et les nouveaux venus ont tôt fait de supplanter les autochtones. Les exemples ne manquent pas : le Black bass, introduit en Nouvelle-Calédonie, met en péril Galaxias neocaledonicus, une espèce endémique aujourd’hui proche de l’extinction. En Nouvelle-Zélande, l’espèce qui menace la faune autochtone est la truite ; à Madagascar, la carpe commune et le tilapia. « Mais c’est bien différent dans les milieux continen- taux », révèle Fabien Leprieur. En effet, des études ont montré qu’en moyenne une espèce introduite sur dix réussissait à s’établir, et que seule une espèce établie sur dix était susceptible de devenir envahissante. C’est ce que l’on appelle « la règle des 10 % ». Mais surtout, on observe que les populations exotiques viennent à proliférer dans des milieux aquatiques préalablement dégradés ou perturbés par les activités humaines – aménagement du lit des cours d’eau, pollution, construction de barrages. Ainsi, elles ne feraient que prendre une place laissée libre par les poissons autochtones, et leur prolifération serait une conséquence de la dégradation de l’environnement et de la perte de biodiversité locale. Cela signifie aussi, qu’en maintenant l’intégrité physique des habitas aquatiques, en restaurant la qualité des eaux et la connectivité des habitats, on peut limiter l’invasion par des espèces exotiques envahissantes. Néanmoins, « il convient de rester prudent dans la mesure où les espèces exotiques envahissantes et les dégradations environnementales pourraient conjuguer leurs effets sur la biodiversité » concède Fabien Leprieur. L’enjeu actuel est de parvenir à gérer efficacement la prolifération des espèces exotiques et de maintenir l’intégrité des habitats aquatiques, particulièrement dans les pays du Sud et dans les pays émergents. Le développement de l’aquaculture, des aménagements fluviaux et du commerce des poissons d’ornement s’y accompagne en effet d’un boom des espèces exotiques dans les lacs et les cours d’eau. ● 1. IRD, UMR Biologie des organismes et écosystèmes aquatiques. Contacts [email protected] [email protected] © P DE NJ Black-bass. rco ma ata b .A -J es moustiques, passagers clandestins dans nos avions de lignes ne sont malheureusement pas les seuls insectes à utiliser les moyens de transports modernes pour envahir de nouveaux territoires. Selon JeanFrançois Silvain, Directeur de l’unité de recherche Biodiversite et évolution des complexes plantes-insectesantagonistes il existe même « une corrélation entre l’accroissement des échanges en provenance d’une région et le nombre d’introduction d’insectes en provenance de cette région ». Si le XXe siècle est marqué par des envahisseurs venus du continent américain – le doryphore a envahi les campagnes françaises dans les années 30 – l’Asie prend le relais et dépasse aujourd’hui l’Amérique du Nord comme source d’introduction d’insectes en Europe. Exemple emblématique, l’arrivée en 2006 dans le Sud-Ouest de la France du frelon asiatique Vespa velutina Lepeletier. Prédateur de l’abeille domestique et désormais établit dans plus de vingt départements français, il est probablement originaire de Chine et plus précisément du Yunnan. Mondialisation des échanges oblige, il aurait profité d’un commerce de poteries pour effectuer sa migration. Un consortium de recherche associant le MNHN, l’IRD, le CNRS et l’INRA s’efforce d’identifier l’origine précise de cet insecte et de comprendre les causes de son succès écologique dans notre pays. Largement étudiées au Nord, les invasions biologiques n’épargnent pas les pays du Sud qui participent de plus en plus au commerce international favorisant l’arrivé d’espèces exotiques. Si l’installation du frelon asiatique est une gêne pour un pays comme la France, « certaines espèces invasives risquent d’avoir des effets catastrophiques pour les pays du Sud », explique Jean-François Silvain. Rhynchophorus ferrugineus, le charançon rouge des palmiers en fournit un exemple d’actualité. Ce coléoptère originaire d’Asie a envahi depuis le milieu des années 1980 le MoyenOrient, puis à partir de 1992 l’Égypte, l’Espagne et la plupart des rivages méditerranéens des pays d’Europe, ainsi que de la Turquie. Originairement connu comme ravageur du cocotier Cocos nucifera, le processus invasif s’est accompagné d’un changement d’hôte végétal, l’insecte devenant un ravageur du palmier dattier ainsi que de nombreux palmiers ornementaux. Les larves se développant de manière cryptique à l’intérieur du tronc du palmier, l’invasion est difficile à détecter. « Généralement, la présence du charançon n’est identifiée que quand le stipe est déjà consommé de l’intérieur et l’arbre impossible à soigner » souligne Jean-François Silvain. Il incrimine le commerce de palmiers d’ornement de favoriser la propagation de l’insecte et rendre la traçabilité des migrants difficile à établir. Que ce soit en Égypte, où il est largement implanté, ou au Moyen-Orient, l’arrivée de cet envahisseur n’impacte pas que le commerce des plantes d’agrément puisqu’il s’en prend au dattier, une essence importante d’un point de vue socio-économique. Décelé fin 2008 sur des palmiers ornementaux à Tanger, au Maroc, Jean-François Silvain estime que le charançon fait courir un risque majeur aux palmeraies du Maghreb. Pour mieux évaluer les risques et éventuellement trouver des parades à ces envahisseurs, les chercheurs tentent d’identifier le plus précisément possible la population à l’origine de l’invasion et son écosystème d’origine. Des techniques utilisant des marqueurs moléculaires, ont permis de montrer que la population de charançons rouges présente en Arabie Saoudite, en Égypte et sur la rive Nord de la Méditerranée est génétiquement différenciée des populations du Moyen-Orient. « Les insectes qui ont colonisé ces deux zones géographiques ne seraient probablement pas issus de la même population source », explique Jean-François Silvain supposant plusieurs évènements d’introduction de l’insecte. D’autres données sont en cours d’analyse, et les premiers résultats indiquent que les différentes populations présentes en Égypte et sur les rives Nord de la Méditerranée (de la Turquie à l’Espagne) ne sont pas discernables entre elles, ce qui devrait rendre difficile l’identification de la source de chacune d’entre elles. ● Contact [email protected] UR Biodiversité et évolution des complexes plantes-insectes ravageursantagonistes. Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 51 - septembre/octobre 2009 Recherches Les espèces exotiques envahissantes correspondent à la deuxième cause d’érosion de la biodiversité à l’échelle mondiale selon l’Union internationale pour la conservation de la nature. Si au Nord le sujet est désormais largement médiatisé, le Sud est également confronté à ce phénomène dont la mondialisation est l’un des accélérateurs. Au delà de l’enjeu environnemental, les impacts au plan économique comme en matière de santé publique sont significatifs. Les questions posées sont multiples et relèvent de nombreux champs disciplinaires. La compréhension des facteurs à l’origine du succès des espèces invasives constitue l’un des défis auquel l’IRD apporte ses compétences. Les travaux de recherche entrepris devraient fournir des outils d’identification rapides des espèces invasives et contribuer à la mise au point de méthodes de surveillance, de contrôle, voire d’éradication de ces dernières, notamment dans les îles. 7 Quand les espèces invas Les biomes riches en espèces apparaissent moins permissifs aux invasions biologiques par d’autres espèces, mais aussi à celles d’agents pathogènes. es invasions biologiques d’espèces dites non indigènes, ou exogènes, sont désormais considérées comme une des plus grandes menaces pour la santé publique, écologique et économique de la planète. Comme souvent en biologie, la forme et la taille des organismes les plus grands donc les plus visibles conditionnent les modes de pensée et les actions qui en découlent. Les plus petits envahisseurs, que sont les microbes, les virus et autres micro-organismes, occupent pourtant une place essentielle, sinon majeure, à l’heure d’envisager ces processus. Ainsi, certaines espèces invasives véhiculent de nombreux agents responsables de maladies. Répertorié en 8 1953-54 en Afrique continentale, le virus responsable du Chikungunya s’est répandu en 2005-2006 à l’Île de la Réunion en se servant du vecteur Aedes albopictus lui-même d’origine extérieure à cette île. Parfois, des oganismes vivants intentionnellement importées pour l’agriculture, l’horticulture ou l’élevage de nouveaux animaux de compagnie, ont pu s’échapper vers des espaces naturels déversant aussi des agents infectieux, dont ils étaient les réservoirs, vers des populations démunies de toute résistance. L’histoire des introductions d’espèces en Amérique du Nord regorge ainsi d’exemples démontrant l’importance des parasites et autres pathogènes invasifs dans la régulation des faunes endémiques. La colonisation de ce continent par les Européens aura eu le même effet sur l’extermination de populations natives par les maladies qu’ils véhiculaient ! La mondialisation a engendré une explosion des transports transcontinentaux, et cette mobilité accrue est aussi vraie pour les animaux, les plantes, et les nombreux passagers clandestins dont ils peuvent être les hôtes habituels. L’écologie des maladies infectieuses se préoccupe aujourd’hui de comprendre les conséquences des échanges planétaires de biens et de personnes dans la ren- Les îles, ces écosystèmes fragiles ’outremer français avec ses centaines d’îles héberge une biodiversité de première valeur mondiale. Mais ces milieux insulaires présentent également une fragilité écologique considérablement accrue par rapport aux écosystèmes continentaux. Structures écologiques incomplètes, comme par exemple, l’absence de prédateurs pour certaines espèces, tailles des populations et aires de distributions réduites et faible connectivité biologique avec les écosystèmes voisins en font des espaces particulièrement vulnérables aux invasions biologiques de toutes sortes. Sciemment ou involontairement introduites sur ces îles, de nombreuses espèces étrangères ont fait souche et prospéré à l’excès, entraînant de profonds bouleversements au sein des écosystèmes et des populations d’origine peu « armés » face à ces envahisseurs. « Prédation sur les espèces indigènes, dégradation du couvert végétal, érosion des sols, compétition pour l’espace et les ressources, transmission de parasites et d’agents pathogènes, ou encore © IRD/O. Bonato Haro sur les tomates L'aleurode est une petite mouche blanche de quelques millimètres de long. modifications des interactions biotiques, sont quelques-uns des effets les plus délétères occasionnés par ces espèces invasives », explique Eric Vidal, spécialiste en biologie de la conservation à Institut Méditerranéen d’Écologie et de Paléoécologie. Sur les quatre derniers siècles, les extinctions d’espèces ont été soixante fois plus fréquentes au sein des espaces d’outremer qu’en métropole, et près de 1 000 taxons terrestres présents sur les îles françaises d’outremer sont répertoriés par la liste mondiale des espèces menacées de l’UICN1. Pour Eric Vidal, « la responsabilité de la France est non seulement évidente mais incontournable, ses îles concentrant une part importante des espèces les plus sérieusement menacées d’extinction ». Ainsi, plus d’une quarantaine d’espèces d’oiseaux, souvent endémiques, présentes sur les îles françaises d’outremer sont actuellement considérées comme menacées d’extinction à court terme du fait de l’impact exercé par des vertébrés introduits. « La situation qui prévaut en Polynésie française où les taux d’en- etite mouche blanche venue de la zone tropicale, Bemicia tabaci a récemment envahit tout le Bassin méditerranéen. Cet insecte encore appelé aleurode, est un piqueur-suceur comme d’autres ravageurs de l’ordre des hémiptères tels que cochenilles, pucerons, psylles, punaises etc. Cette espèce vorace est polyphage mais apprécie particulièrement les tomates. Outre les dégâts causés directement aux cultures, l’aleurode est vecteur de phytovirus très virulents pour les cultures légumières et ornementales sur tous les Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 51 - septembre/octobre 2009 Un enjeu pour la biodiversité calédonienne contre de populations hôtes invasives avec des agents pathogènes résidents, ou d’agents pathogènes invasifs avec des faunes ou des flores endémiques. Les invasions d’espèces sont aujourd’hui des phénomènes mondiaux, mais elles apparaissent plus fréquemment dans les îles et les péninsules conformément à deux théories écologiques aujourd’hui anciennes. La première théorie, dite insulaire, décrite dans les années 60 par MacArthur et Wilson indique, entre autres, que de nombreuses niches écologiques sont vacantes dans les îles et les péninsules, et qu’une invasion biologique, si elle réussit, pourra bénéficier de cette absence. La seconde, due à Elton au cours de la décade précédente, précise que les biomes riches en espèces sont moins permissifs aux invasions biologiques ; c’est peut être pour cette raison que nous observons moins de succès d’invasions dans les zones intertropicales, mais cependant ce sont aussi des régions pour lesquelles nous possédons moins de données. Comme dans l’exemple du Chikungunya à la Réunion, assisterons-nous, à l’avenir, à plus d’épidémies émergentes dans les îles ? La théorie écologique prédit que oui ! ● es « ennemis » sont nombreux, sur terre comme sur mer, végétal ou animal. En Nouvelle-Calédonie, ils se nomment cerfs rusa ou cochons sauvages, tortues de Floride ou encore merles des Moluques. Mais les plantes ne sont pas en reste, avec plus de 2 002 espèces de plantes introduites sur cette île d’où la mise en place d’une action sur les espèces végétales exotiques envahissantes, au laboratoire de botanique et d’écologie végétale appliquées de l’IRD Nouméa. « Avec 76 % d’espèces végétales endémiques, rappelle Vanessa Hequet, en charge de ce projet, la Nouvelle-Calédonie abrite une flore exceptionnelle, aujourd’hui menacée par le développement de nombreuses espèces exotiques envahissantes. » C’est le cas de l’agave, qui « fait partie de nos jours du paysage calédonien », alors qu’elle fut en réalité introduite en 1866 comme plante à fibres par Pancher, lors de l’exposition inter-coloniale de Melbourne. Cette espèce, présente dans tous les milieux dégradés sur terrains non miniers, bloque la régénération naturelle des autres plantes en for- Contact [email protected] UMR Génétique et Évolution des Maladies Infectieuses démisme atteignent des records est des plus alarmantes », souligne Eric Vidal, pour qui « les situations d’urgence liées aux espèces invasives foisonnent ». Il en appelle à « intensifier les actions de recherche et d’expertise pour diagnostiquer ces situations à risque, comprendre les mécanismes écologiques et démographiques en jeux et hiérarchiser les priorités d’intervention ». Ces inter- ventions passent notamment par le développement de programmes dits de « biosécurité » pour détecter et prévenir les invasions, ainsi que par des opérations de restauration écologique et d’élimination ou de contrôle des populations invasives. Elles sont couplées à des actions complémentaires de conservation des espèces menacées et associées à un suivi des réactions de l’écosystème et des populations cibles. « L’établissement de partenariats avec les acteurs locaux de l’environnement est indispensable pour garantir que les recherches débouchent sur des actions locales de préservation de la biodiversité », souligne Eric Vidal. Le Agave. mant des tapis denses impénétrables. Elle colonise les terrains ouverts et rocailleux de manière agressive. Autre exemple, le lantana, qui aurait été importé d’Australie à Wagap comme plante ornementale, puis acclimaté à la mission de SaintLouis vers 1868. Cet arbuste épineux peut atteindre une dizaine de mètres de hauteur et reste malheureusement apprécié pour ses fleurs aux couleurs flamboyantes et variées, allant du rouge au jaune. « Et pourtant, avertit Vanessa Hequet, le lantana est particulièrement envahissant dans les cultures chercheur insiste encore sur la récente création du GOPS2, dont l’IRD est un des partenaires, qui devrait efficacement contribuer au développement des recherches consacrées aux espèces invasives dans les îles françaises du Pacifique Sud. ● 1. Liste rouge des espèces menacées, éditée par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature 2. Grand Observatoire de l’environnement et de la biodiversité terrestre et marine du Pacifique Sud Contacts [email protected] UMR Institut Méditerranéen d’Écologie et de Paléoécologie Espèce invasive : le chat ! © SOP Manu - Anne Gouni Recherches © IRD/ J. Orempuller Histoire de nouvelles rencontres ! Todiramphus Gambieri en danger critique d’extinction sur la liste rouge de l’UICN. Il ne survit plus qu’à Niau ayant disparu des Gambier. Ses effectifs s’élèvent à 120 individus. continents. Ainsi son introduction et son acclimatation ont favorisé l’apparition, puis la dissémination rapide de graves viroses sur les cultures légumières. La tomate, culture à forte valeur ajoutée, est la plus fortement touchée, en particulier par le Tomato Yellow Leaf Curl Virus qui peut entrainer la perte totale de récolte. Face à ce fléau, un partenariat s’est développé entre des chercheurs1 du Centre de biologie et de gestion des populations de Montpellier et une Jeune équipe tunisienne (Bemigest) associée à l’IRD pour s’attaquer à la « Gestion du problème Bemisia Quand Felis silvestris catus, notre chat domestique retourne à l’état sauvage, il change non seulement de nom pour s’appeler le chat « haret », mais devient un prédateur dévastateur pour nombre d’espèces indigènes. Une synthèse mondiale à laquelle a participé l’IMEP dresse un bilan complet des conséquences de son introduction sur les risques d’extinction d’espèces indigènes des îles de la planète. Notre en cultures légumières ». Sans remettre en cause fondamentalement l’utilisation des insecticides, il s’agit de limiter l’impact de ravageur-vecteur sur la production de tomates dans un contexte de viabilité économique et de durabilité des pratiques agricoles, conformément aux exigences nouvelles de qualité et de respect de l’environnement. Concrètement, les recherches2 sont centrées sur la dynamique spatiotemporelle des interactions Bemisiabiodéfenseurs, la structuration génétique (cette espèce possède une grande diversité génétique) et la biodémographie des populations cher matou impacte plus de 150 espèces de vertébrés insulaires, considérées comme sévèrement menacées d’extinction globale. Sur les 400 dernières années, le chat haret serait impliqué dans l’extinction définitive d’au moins 32 espèces de vertébrés insulaires endémiques, majoritairement des oiseaux, notamment des passereaux et des pétrels des îles du Pacifique. ● de Bemisia et des auxiliaires de lutte, l’épidémiologie du couple Bemisia-Tomato Yellow Leaf Curl Virus et enfin sur l’élaboration et l’optimisation des stratégies de protection biologique intégrée. ● 1. Génétique des populations, dynamique des populations, épidémiologie. 2. Financées par un projet ANR intitulé Bemisiarisk (2007-2009) et un financement État-Région intitulé Climbiorisk (20082010) Contact Olivier Bonato, UMR Centre de biologie et de gestion des populations, [email protected] Des arbres très envahissants l’heure où la déforestation menace l’équilibre global, des arbres peuvent se montrer extrêmement envahissants ! « Plusieurs espèces ligneuses, endémiques ou allochtones, arrivent à coloniser les pâturages de façon incontrôlée », explique Séraphine Grellier, écohydrologiste1. Le phénomène est lié au sylvopastoralisme, un mode ancestral d’exploitation du milieu qui tend à se répandre depuis une vingtaine d’années. Cette pratique, associant des arbres à un pâturage, présente bien des avantages lorsqu’elle est choisie et contrôlée. Elle permet d’accroître la productivité et la biodiversité, de maintenir le patrimoine « sol », et de restreindre l’usage d’engrais ; éléments favorables au développement durable. « Mais la présence d’arbres dans le pâturage peut ne pas être volontaire, et dans ce cas, le moindre déséquilibre dans la gestion agropastorale peut se traduire par la prolifération d’une ou plusieurs espèces de ligneux ». Les zones où la pression pastorale s’intensifie – quand le nombre de bêtes à l’hectare augmente par réduction de la surface disponible – et où la gestion des terres devient difficile, sont particulièrement exposées. Ce sont bien souvent les populations les plus pauvres qui voient ainsi leurs ressources compromises. Citant l’exemple de la région sud-africaine du Kwazulu-Natal, Jean-Louis Janeau, pédologue1, explique comment l’invasion par l’acacia modifie la ressource en sol, herbe et eau et met donc en péril la principale activité des Zoulous, à savoir l’élevage. « Là où quarante ans auparavant on ne voyait qu’herbe, les pâturages Le rat, la pirogue et le trypanosome nombreux pathogènes humains comme les agents de la peste, des différents typhus, de la leptospirose, etc. Dans le cadre de travaux de prospection sur la diversité des faunes de rongeurs au Niger, des ne souche asiatique de trypanosome a été retrouvée dans des rats collectés au Niger dans des villages pourtant isolés. Comment est-elle arrivée là ? Le rat noir, Rattus rattus, originaire d’Asie, s’est propagé à travers le monde avec l’Homme, suivant ses migrations, probablement transporté par ses navires et ses camions. Bien que le rongeur ait atteint tous les continents à l’exception des pôles, l’histoire de cette colonisation – en particulier l’invasion de l’Afrique – reste mal connue. Pourtant, le rat noir est susceptible de voyager avec des hôtes peu désirables puisqu’il est le réservoir de Dissection d’un rat noir sur le terrain. possède une tolérance spécifique au froid et se répartit ainsi le long des flancs montagneux en fonction de l’altitude. « Avec le relief pentu, le fort gradient de températures augmente la ségrégation spatiale des espèces le long de l’axe vertical », renchérit l’écologue. Chacune occupe alors un espace qui lui est propre. Étroitement lié à la température, le risque d’invasion évoluera probablement avec les rapides changements climatiques annoncés dans les Andes. Dans ce contexte, le programme international Innovación para el Manejo Integrado de Plagas3, mené par l’IRD, permettra de prévoir la répartition géographique des teignes, pour une meilleure gestion de la menace liée à ces ravageurs. 1. Dangles et al. (2008) Ecological Applications. 2. Ces travaux ont été réalisés par des chercheurs de l’IRD et de la Pontificia Universidad Católica del Ecuador (PUCE). 3. Ce programme, coordonné par l’IRD en collaboration avec des partenaires équatoriens, péruviens et boliviens, sera mis en place à l’automne 2009. Contact [email protected] 9 sont aujourd’hui transformés en savane de plus en plus arborée », déplore-t-il. L’enjeu des recherches sur le sylvopastoralisme est de trouver des solutions de gestion de l’environnement permettant de préserver cette res- Larve de T. Solanivora. source, en tenant compte des besoins et des traditions des populations concernées. Les pratiques culturales, comme l’écobuage – les feux de brousses –, et la pression du bétail semblent en effet jouer un rôle prépondérant dans le processus qui conduit à l’invasion des pâturages par les ligneux. « Mais nous connaissons encore peu les conséquences du sylvopastoralisme sur l’écologie et l’hydrologie des pâturages », constate nos scientifiques. Les arbres, qui ont un accès à l’eau particulier grâce à leurs racines profondes, pourraient ainsi modifier les bilans hydriques à l’échelle du bassin versant. Ils ont aussi un impact sur les propriétés du sol, en l’enrichissant en azote et en limitant l’érosion hydrique. Le rôle précis des arbres qui font partie de cet écosystème à l’équilibre précaire, reste à élucider. ● © IRD /J-L Janeau [email protected] [email protected] mportées d’Amérique centrale et du Pérou il y a 30 ans, les teignes de la pomme de terre ont colonisé tout l’Équateur en seulement quelques années. Ces petits papillons gris, dont les larves se nourrissent de la chair de leur hôte jusqu’à le transformer en amas de poussière, sévissent tout au long de l’année. En effet, les pommes de terre, au 5e rang des productions vivrières du pays, sont cultivées en permanence du fait de la faible saisonnalité. Transformés en une mosaïque de champs de tubercules à différents stades de maturation, les paysages agraires de la sierra constituent ainsi un terrain particulièrement propice à la prolifération des ravageurs. Aujourd’hui, trois espèces coexistent. Et d’autres risquent d’envahir à leur tour l’Équateur. Mais comment expliquer cette invasion biologique ? Situés entre 2 200 et 3 700 m d’altitude, les champs équatoriens offrent une multiplicité d’habitats et de microclimats. « La faible compétition entre les espèces permet à celles déjà présentes de proliférer, mais aussi à d’autres invasifs de s’implanter sur ces territoires », explique Olivier Dangles, chercheur à l’IRD et coauteur de l’étude1. De fait, l’équipe de chercheurs2 vient de montrer que chacune des trois espèces de teignes À plus court terme, l’intense commerce de la pomme de terre dans la région nord andine, en constante augmentation, favorise le développement des envahisseurs. « En l’absence de réelles mesures préventives, comme c’est le cas en Équateur, ces échanges commerciaux constituent une source potentielle de nouvelles espèces de ravageurs », s’inquiète le chercheur. ● © IRD/O. Dangles Contacts Insectes ravageurs en Équateur Femmes Zouloues ramassant du bois dans des pâturages. chercheurs du Centre de Biologie et de Gestion des Populations (CBGP) ont piégé des rats noirs dans des villages du sud-ouest du pays, le long du fleuve Niger où cette espèce n’avait jamais été repérée. Compte © IRD/G. Dobigny et les pâturages sur sols riches, où il réduit la valeur agricole des terres ». En Australie, les services environnementaux en sont venus à tester une quarantaine d’agents biologiques pour contrer ce fléau végétal, parmi lesquels des hémyptères (famille des cigalles, cochenilles et punaises). Face à ces pestes invasives, les mesures de restauration des milieux s’affinent. La préservation d’une forêt en Province Sud, menacée par le miconia, a été entreprise récemment par des actions médiatisées de désinfestation par coupe ou empoisonnement des plants. Cependant, ces efforts de surveillance et de lutte doivent être maintenus, car « les graines sont viables plus de dix ans », souligne Vanessa Hequet, qui rappelle que le miconia a ainsi couvert « 60 % de la surface de Tahiti ». Une synthèse actualisée des espèces végétales introduites en NouvelleCalédonie ayant pour base la mise à jour du catalogue des plantes introduites de MacKee est en cours, ainsi que la cartographie de ces espèces, selon un maillage de 5 km pour les sites côtiers fréquentés et accessibles, de 10 km pour les sites de l’intérieur de la chaîne. Un long travail de fourmi, car la reconnaissance des espèces de plantes envahissantes et l’estimation de leur couverture d’infestation exigent d’avoir un œil exercé et sûr. Il est ainsi important que ce soit « le même observateur » qui se charge d’estimer la densité d’infestation d’une zone, pour éviter trop de variabilité inter-opérateurs. Ces travaux visent également à constituer à terme un service opérationnel de veille et de lutte permanente, pour détecter le plus tôt possible tout nouveau cas d’invasion biologique. Un groupe de lutte contre les espèces exotiques envahissantes a d’ores-et-déjà été créé pour mettre en place une campagne de sensibilisation à cette thématique. ● Recherches © IRD/V. Hequet vasives s’invitent au Sud tenu du fait que le rat noir est strictement commensal (inféodé aux installations humaines) dans ces régions et que ces villages sont mal desservis par les routes, les scientifiques soupçonnent que le trafic piroguier joue un rôle important dans la dissémination de ces R. rattus. Venue en renfort, une équipe du CHU de Créteil* a analysé les organes de ces rats et mis en évidence la présence de trypanosomes – agents pathogènes responsables entre autres de la maladie du sommeil – chez deux tiers des animaux étudiés. L’identification spécifique de ces protozoaires restant très délicate, des analyses phylogénétiques plus poussées ont montré que les rats noirs du sud Niger sont porteurs de Trypanosoma lewisi, une souche connue pour être typique des Rattus asiatiques. Plus inquiétant, les séquences ADN des souches nigériennes étaient identiques à celles des trypanosomes 1. IRD, Unité Sols, usages des terres, dégradation, réhabilitation et UMR 7618 Biogéochimie et écologie des milieux continentaux. Contacts [email protected] [email protected] isolés chez un patient sénégalais décédé en 2008 suite à une infection par T. lewisi. Autrement dit, ces données, en cours de publication, démontrent l’importation et la dissémination en Afrique de l’Ouest de trypanosomes exotiques et pathogènes pour l’homme via l’invasion des rats noirs, elle-même strictement associée aux activités humaines. Poussé par ces premiers résultats, les chercheurs du CBGP et plusieurs de leurs collaborateurs ont décidé d’étendre leurs prospections à une gamme plus large de pathogènes humains circulant potentiellement sur les rongeurs africains comme sur le rat noir. ● * CHU Créteil, Faculté de Médecine, Laboratoire de Parasitologie-Mycologie. Contact [email protected] UMR Centre de Biologie et de Gestion des Populations. Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 51 - septembre/octobre 2009 Entre sauvage et cultivé, les ignames Bourgeons d'ignames encapsulés après cryoconservation dans l'azote liquide. La réputation de Madagascar en matière de biodiversité n’est plus à faire. À l’image de celle des caféiers, des baobabs ou des palmiers, la richesse taxonomique des ignames sauvages malgaches se révèle exceptionnelle, avec environ 10 % des espèces du genre Dioscorea qui en compte plus de 400. « Or, les différentes populations, arrivées tardivement sur l’île avec le riz, le taro et l’igname cultivée Dioscorea alata, n’ont pas domestiqué les espèces locales d’ignames, rapporte Serge Tostain, chercheur à l’IRD. Pourtant celles-ci sont toutes comestibles et adaptées à la variété des niches écologiques de la grande Ile ». L’une des explications vient sans doute du fait que non seulement leur cueillette n’est pas considérée comme une activité noble, mais leur mise en culture ellemême fait l’objet de tabous. En effet, si l’exploitation des produits forestiers non-ligneux est une activité saisonnière ancestrale à Madagascar pendant les périodes de soudure ou de disette, ce sont principalement les paysans pauvres qui collectent les ignames sauvages. Les enquêtes ethnobotaniques pratiquées de 2006 à 2009 dans le cadre du programme « Oviala1 » (littéralement tubercule trouvé en forêt) ont permis de recenser ces pratiques et d’inventorier les espèces présentes dans le sud-ouest 1. organisme dont la mission est de garantir la conservation et la disponibilité de la diversité des cultures pour la sécurité alimentaire mondiale 2. sur financement de la fondation Bill et Melinda Gates 3. palmier à huile, cocotier, palmier dattier, manioc, igname, canne à sucre, hévéa, agrumes, cotonnier Contact [email protected] nous reste à retracer le processus qui conduit de l’une à l’autre et l’on pourra alors parler de plasticité morphologique », explique Nora Scarcelli. Pour l’heure, le constat révèle que les plants sauvages et cultivés présentent des caractéristiques morphologiques différentes. « Les tubercules sauvages sont ramifiés tandis qu’ils sont uniques chez les ignames en champ ou encore que la couronne de racines épineuses protectrice n’existe plus sur les ignames cultivées. » En somme, tester si ces tubercules sauvages sont réellement cultivables et mesurer en quelles proportions les deux mécanismes – sexualité et plasticité – participent à l’adaptabilité des ignames cultivées constituent des enjeux forts de cette recherche. À terme, les résultats auront des implications sur la définition de stratégies de conservation et d’utilisation de la diversité de ces végétaux1. ● Plasticité ou sexualité ? Après chaque récolte d’igname, les paysans conservent des fragments de tubercules à replanter dans leurs champs. Cette technique agricole n’est cependant possible qu’en raison de la propriété de l’igname à se reproduire par voie asexuée. Seul hic, la reproduction sexuée – brassage des patrimoines génétiques – est considérée comme un des moteurs de l’adaptation des organismes vivants. Comment ce type de plante pourra-t-il alors s’adapter à des changements importants comme ceux liés au climat ? En prenant comme modèle l’igname pour répondre à cette question, Nora Scarcelli a tout d’abord démontré que la reproduction sexuée n’est pas complètement absente chez cette plante. Ainsi, les agriculteurs béninois introduisent-ils de temps en temps dans leurs champs des ignames sauvages qui sont, elles, issues de graines. Le recours à la simulation informatique devrait permettre d’en savoir plus. Cette approche offre la possibilité de quantifier l’impact de la reproduction sexuée sur la diversité et les capacités adaptatives des ignames. À la clef, de précieuses informations sur la proportion entre ignames sauvages et cultivées à utiliser pour obtenir les meilleures chances d’adaptation, ou encore sur le rythme optimal de renouvellement du stock génétique. Si les observations empiriques paysannes suggèrent une « transformation » des ignames sauvages en ignames cultivées une fois dans leurs champs, faut-il encore le démontrer scientifiquement… « il Sciences au Sud - Le journal de l’IRD - n° 51 - septembre/octobre 2009 1. atelier international sur l’agrobiodiversité des ignames qui sera co-organisé par l’IRD et le Cirad en novembre 2009 à Montpellier. Contact [email protected] © IRD/S.Tostain paux pays producteurs de cette importante plante vivrière en Afrique de l’ouest, Océanie, Asie, Caraïbes et Amérique. Financé par la fondation Bill et Melinda Gates, il est réalisé en collaboration. L’efficacité de différentes techniques de cryoconservation est en cours de comparaison au Centre IRD de Montpellier pour la congélation de bourgeons prélevés sur des plants d’ignames maintenus en culture in vitro. À l’état congelé, les processus biologiques sont arrêtés, ce qui permet de conserver le matériel végétal sans altération pour des périodes théoriquement infinies. Une fois la technique optimisée, elle sera transférée à l’Institut international d’agriculture tropicale où, avant son application à grande échelle, elle sera testée sur une gamme de variétés représentative de la diversité génétique présente dans la collection. Cette recherche sera prolongée dans le cadre du projet Arcad (Agropolis resource center for crop conservation, adaptation and diversity). ● malgache. L’inventaire a révélé une vingtaine d’espèces endémiques, la plupart endémiques. Certaines sont encore mal décrites voire inconnues et leurs aires de répartition approximatives. Madagascar s’est séparé du continent africain voilà des millions d’années et malgré la proximité de la côte ouest, cet éloignement suffit à produire une divergence – appelée spéciation – entre les espèces. À l’intérieur de l’île, ce même processus est à l’œuvre lorsque des individus de forêt se retrouvent séparés par des zones de savane, l’isolement géographique entraîne une isolation génétique. Les chercheurs ont fait appel à des marqueurs nucléaires et cytoplasmiques afin de démêler les parentés entre les ignames locales. Les résultats, obtenus au centre IRD de Montpellier en collaboration avec le Centre National de Recherche Appliquée au Développement Rural de Madagascar, montrent une structure génétique comportant plusieurs groupes d’espèces, ce qui indique sans doute qu’à la séparation d’avec l’Afrique, plusieurs espèces se sont retrouvées piégées sur l’île. Des ambiguïtés de détermination dues aux noms vernaculaires ont pu être levées. Par exemple les ignames appelées Oviala dans le sud sont en fait deux espèces différentes Dioscorea maciba et D. alatipes. Au contraire, des ignames nommées différemment à l’est et au nord se révèlent génétiquement semblables. Cet imbroglio phylogénétique s’éclaircira lorsque l’étude sera étendue à l’ensemble du pays et à l’aide de nouveaux marqueurs génétiques en cours de caractérisation. Les chercheurs sont également très intéressés par la comparaison du processus de spéciation des ignames avec celui des caféiers à Madagascar et des palmiers d’Amazonie. En effet, si ces groupes végétaux ont en commun de comporter de très nombreuses espèces en un même lieu, les mécanismes qui en sont responsables peuvent différer. « Signe de synergie entre scientifiques, ONG, décideurs publics et bailleurs de fonds, le Groupe d’étude et de valorisation des ignames de Madagascar vient d’être créé lors du colloque2 organisé à Toliara » se félicite Serge Tostain. ● 1. En partenariat avec l’Université de Toliara 2. Colloque « Les ignames malgaches, valorisation et conservation » (Toliara, Madagascar ; 29-31 juillet 2009). Organisé conjointement par l’Université de Toliara, l’Université d’Antananarivo, le projet Crop Wild Relatives/FOFIFA, et l’IRD avec l’appui financier de l’IRD, de l’AUF et du CWR/GEF/FOFIFA ; http://www.mpl.ird.fr/ignames-madagascar/ Contact [email protected] Tubercules de survie © IRD/S. Tostain Comment conserver l’igname à long terme ? « Dans l’azote liquide à – 196° C, répond Florent Engelmann chercheur à l’unité Diversité et adaptation des plantes cultivées. L’igname est une espèce à reproduction asexuée, d’où l’impossibilité de compter sur des banques de graines. La cryoconservation est aujourd’hui la seule option sûre et économique ». Cette technologie est au cœur d’un programme de recherche mené par l’IRD, en collaboration avec l’Institut international d’agriculture tropicale (Nigéria) qui est responsable de la collection mondiale des ressources génétiques d’ignames, à la demande du Global Crop Diversity Trust (Italie)1-2. Ayant développé des techniques de congélation pour de nombreuses espèces tropicales3 depuis plus de 20 ans, l’IRD est aujourd’hui l’un des leaders mondiaux dans ce domaine. Le projet de cryoconservation de l’igname intéresse les princi- Diversité des ignames malgaches © IRD/N.Scarcelli 10 Des ignames dans l’azote © IRD/ A.Rival Recherches Environ 300 millions de personnes dépendent de la culture de l’igname pour leur alimentation ou leurs revenus. Quelles adaptabilités au changement climatique, quels moyens de conservation de cette plante à tubercules dont Madagascar recèle une grande richesse de variétés ? Parmi les espèces sauvages, ce sont surtout les tubercules de l’espèce D. maciba qui sont collectés puis vendus sur les grands marchés hebdomadaires à la fin de la saison des pluies. Cette activité entraîne aujourd’hui une surexploitation de ces végétaux. L’accroissement démographique et le développement du commerce des produits forestiers non-ligneux pèsent sur la ressource : la question de leur conservation et de la gestion durable des populations d’ignames commence à se poser. Certaines pratiques, comme le déterrage des tubercules avant la fructification de la plante menacent la survie de certaines espèces. La culture d’espèces domestiquées, la conservation in situ en fôret et en lisière de fôret ainsi que des essais de domestication pourraient diminuer la forte pression anthropique sur les espèces sauvages. ●