Hydratation et déshydratation

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Mise au point
Hydratation et
déshydratation
Monique Ferry,
Centre Hospitalier de Valence.
Indispensable à l’organisme, l’eau est le constituant le plus abondant du corps humain. Elle se
répartit en deux compartiments principaux, intra et extra-cellulaire. Elle occupe un rôle majeur dans la
régulation du volume cellulaire, le transport des nutriments, l’élimination des déchets et la
thermorégulation. Le plus fréquent des troubles de l’hydratation, aux conséquences rapidement graves
chez le sujet âgé, est la déshydratation. Devant sa fréquence très élevée et l’émoussement de la sensation
de soif avec le vieillissement, il semble primordial d’insister sur la prévention de cet événement.
Insuffisamment recherchée, la déshydratation est un grand facteur de pathologies induites.
MODIFICATIONS PHYSIOLOGIQUES
Plusieurs modifications physiologiques de l’équilibre hydrique accompagnent le vieillissement.
- Une diminution de l’eau corporelle totale. En effet, le corps humain se compose d’une masse grasse,
qui représente une réserve énergétique et dont la teneur en eau est presque nulle, et d’une masse maigre.
La répartition corporelle de l’eau est dépendante de la masse maigre. L’eau totale corporelle représente
73% de la masse maigre chez l’adulte jeune. On observe au cours du vieillissement une diminution de
cette masse maigre, essentiellement par fonte musculaire ou sarcopénie, ce qui entraîne donc une
diminution de l’eau corporelle. On estime cette diminution à 15% chez un sujet de 70 ans par rapport à
un adulte de 30 ans. En revanche, l’état d’hydratation de la masse maigre ne varie pas.
- Une diminution de la sensation de soif. Cette sensation est moins intense et la prise de boissons moins
abondante lors d’une privation d’eau de 24 heures à cause d’une augmentation du seuil de perception de
la soif. Le délai sera donc d’autant plus long avant de corriger une hyperosmolarité par prise de boisson.
- Une altération physiologique rénale. Chez le sujet âgé, la diminution du débit cardiaque et du flux
plasmatique, et la nouvelle répartition de la vascularisation, contribuent à la baisse du débit de filtration
glomérulaire. Le rein perd également certaines capacités de réabsorption de sodium. Ainsi, une
perturbation du bilan du sodium induit des troubles du bilan hydrique avec majoration du risque de
déshydratation.
Pour stimuler la soif, il est souvent nécessaire d’avoir une hypovolémie franche ou une hypotension
artérielle. Ces modifications physiologiques avec l’âge, d’apparition progressive, sont à l’origine d’une
diminution du pouvoir de concentration du rein. De plus, ces altérations s’accompagnent d’une
résistance à la vasopressine. Enfin, chez le sujet âgé, la sécrétion d’hormone anti-diurétique (ADH) est
souvent inadaptée comme le montrent les expériences de freinage ou de stimulation.
- Une diminution fréquente des apports alimentaires. Les apports hydriques correspondent à l’eau
contenue dans les aliments, celle produite par l’oxydation des aliments et enfin celle des boissons. Une
diminution de la quantité d’aliments consommés s’accompagne inévitablement d’un déficit en eau.
LES BESOINS EN EAU
Ils sont de 1700 ml par jour ou de 30 ml / kg de poids après 65 ans avec un apport de 1 ml de liquide par
Kcal d’énergie consommée. Du fait de mécanismes de régulation moins efficaces, les besoins en eau du
sujet âgé sont plus élevés que ceux du sujet jeune. Les apports minimaux sont de 1,5 litre par jour dont
700 ml sous la forme de boissons. Lors de fièvre ou de température extérieure élevée, il est nécessaire de
majorer les apports à la hauteur de 500 ml par degré au-delà de 38°C.
©2003 Successful Aging Database
LES PERTURBATIONS HYDROELECTROLYTIQUES
Le trouble hydorélectrolytique le plus fréquent est la déshydratation, qu’elle survienne au domicile ou
en institution. Elle peut résulter de deux phénomènes, une réduction des apports hydriques, ou une
augmentation des pertes d’eau.
- La déshydratation intra-cellulaire, également dite hypertonique, est due à une fuite d’eau hors des
cellules, vers le compartiment extra-cellulaire hypertonique. Elle s’associe le plus souvent à une
déshydratation globale et n’est jamais isolée. Ce type de déshydratation entraîne une hypernatrémie (Na
> 145 mmol/l) et une hyperosmolalité (Osm > 300 mosm/kg H2O). Sa cause la plus fréquente est la
survenue d’une fièvre sans compensation liquidienne. De même, un traitement par diurétiques ou
simplement l’incapacité de s’alimenter liée à des troubles de la conscience ou une diminution de la
mobilité peuvent entraîner une déshydratation hypertonique. Les signes cliniques qui accompagnent ce
type de déshydratation sont le plus fréquemment, un syndrome confusionnel, une sensation de soif, des
signes d’ischémie artérielle, une sécheresse des muqueuses voire une fièvre.
- La déshydratation extra-cellulaire, également dite hypotonique, est la conséquence d’une perte de
sodium engendrant une perte proportionnelle d’eau. La natrémie est alors abaissée (Na < 135 mmol/l) et
l’osmolalité basse (Osm < 280 mosm/H2O). Les traitements diurétiques, à l’origine d’une perte en sel,
en constituent la principale cause. L’hyponatrémie associée est également responsable d’une majoration
de la morbidité et de la mortalité qui accompagne cette déshydratation. Parmi les autres signes
biologiques, on observe une protidémie et un hématocrite augmenté reflétant une hémoconcentration.
Plusieurs signes cliniques permettent d’évoquer le diagnostic : une hypotension artérielle, une
hypotension orthostatique, une perte de poids, une hypotonie des globes oculaires, des urines
concentrées ou encore l’observation d’un pli cutané.
- La déshydratation globale comprend les signes cliniques et biologiques des précédentes. Elle se
traduit par une hémoconcentration et une déshydratation cellulaire. La natrémie est souvent élevée, mais
elle peut être également normale ou basse.
ETIOLOGIES
- La déshydratation intra-cellulaire peut relever d’une insuffisance d’apports, de causes rénales comme
une hypercalcémie ou une acidocétose, voire de pertes extra-rénales comme au cours de vomissements,
de diarrhées ou de sueurs, voire même au cours d’une polypnée.
- La déshydratation extra-cellulaire relève essentiellement de deux catégories de pathologies, les pertes
rénales et les pertes digestives. Plusieurs causes peuvent expliquer les pertes rénales comme
l’administration de diurétiques, une insuffisance rénale, un diabète sucré, l’existence d’une insuffisance
rénale chronique, ou une reprise de diurèse lors d’une levée d’obstacle. Les pertes digestives sont
imputables à des vomissements, des diarrhées notamment lors de la prise de laxatifs, ou lors
d’aspirations digestives.
COMPLICATIONS DES DESHYDRATATIONS
Elles sont d’ordre infectieux, thrombo-embolique, cutanée et neuropsychique. Les principales
complications infectieuses comprennent les surinfections bronchiques et l’apparition d’infections
urinaires ou de parotidites. Les troubles thrombo-emboliques peuvent être d’origine veineuse, comme
une thrombose veineuse profonde, ou artérielle notamment chez les patients présentant une artériopathie.
S’agissant des conséquences cutanées, la déshydratation favorise l’apparition d’escarres ou aggrave des
plaies artérielles ou veineuses. Enfin, des complications neuropsychiques comme une confusion
mentale, une adynamie voire un coma peuvent accompagner ce trouble de l’hydratation.
PREVENTION ET TRAITEMENT DE LA DESHYDRATATION
La prévention implique une adéquation entre les apports et les pertes d’eau. Certains symptômes
comme des troubles de la vigilance ou de la déglutition, une anorexie, ou une situation pathologique
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comme une diarrhée, des vomissements, une hyperthermie ou une dyspnée doivent alerter les soignants
sur le risque de déshydratation.
- A domicile, les personnes âgées doivent êtres informées sur la quantité de liquide nécessaire,
notamment lors de canicule ou lors de fièvre. Il faut inciter ces sujets à boire malgré l’émoussement avec
le vieillissement de la sensation de soif. Il faut conseiller de prendre de petites quantités de liquide, de
façon régulière, sous différents aspects (vin, eau, café, thé, jus de fruits). De même, il est souhaitable
d’augmenter la consommation en aliments riches en eau comme les légumes verts et les fruits ou les
yaourts.
- A l’hôpital ou en institution, l’équipe soignante doit rester en alerte sur les facteurs de risque de
déshydratation et surveiller les prises alimentaires et hydriques, notamment lors de pathologies aigues.
L’hypothèse d’une étiologie iatrogénique doit systématiquement être évoquée. De même, l’apport
hydrique doit s’adapter en fonction des situations cliniques, comme l’apport d’eau gélifiée chez un
patient présentant des troubles de la déglutition.
Le traitement de la déshydratation doit être rapide sur 24 à 48 heures et efficace sans excès. La
quantité nécessaire dépend du déficit estimé qui correspond au déficit en eau libre calculé par l’équation
suivante : (poids en kg x 0,45 – (140 / natrémie mesurée x poids en kg x 0,45)). La réhydratation
implique un suivi des paramètres biologiques.
- La voie orale doit systématiquement être privilégiée lorsque le patient est lucide et quand elle est
possible. On propose des liquides de faible osmolarité comme de l’eau ou des bouillons lors
d’hypernatrémie, ou d’osmolarité élevée comme des boissons sucrées ou bicarbonatées lors
d’hyponatrémie.
- Parfois, il est nécessaire d’avoir recours à une voie entérale ou parentérale intra-veineuse ou souscutanée en fonction de la situation clinique et du seuil de déshydratation.
CONCLUSION
Du fait des modifications physiologiques observées lors du vieillissement, la déshydratation est
d’observation plus fréquente dans la population âgée. La suspicion est clinique, bien qu’il n’existe pas
de signe spécifique, et confirmée par les examens biologiques. Elle doit être évoquée devant tout épisode
de confusion. Souvent évitable, l’installation d’une déshydratation est malheureusement insidieuse. Une
prévention systématique doit être instaurée chez les patients les plus à risque, notamment lors de coup de
chaleur, afin de permettre d’éviter la survenue de complications sévères.
REFERENCES
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Gérontologie, 1999 ; 56 : 18-21
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Mf 23-2003
Technique de la perfusion sous-cutanée ou hypodermoclyse.
Sites de perfusion
- faces interne ou externe de cuisse
- surface latérale de l’abdomen
Nombre maximal de sites simultanés
2
Durée de perfusion
1 flacon de 500 ml en 8 à 12 heures
Type de solutés
- soluté salé isotonique
- soluté glucosé à 5%
Technique
- faire un pli cutané et piquer à la base
- aiguille mobile sous la peau
- éviter le muscle
- utiliser une aiguille LUER 6/10 type Butterfly
- débit maximum de 1 ml/min
Surveillance
- respect du débit
- si difficulté d’écoulement, masser le site et
mobilisation légère de l’aiguille
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