Les médias et la lutte contre le trafic et l’exploitation d’enfants Expérience de Tdh au Bénin (Afrique de l’Ouest) Le bateau trafiquant « ETIRENO » Contexte Général du Bénin Le Bénin : – Un petit pays de 6’500’000 habitants – 49% de sa population ont moins de 15 ans, soit environ 3’000’000 d’enfants – Un des 30 pays les plus pauvres du monde – Env. 15% des enfants travaillent : soit env. 410’000 - 480’000 enfants (UNICEF, BIT, TDH) – 18% des enfants abandonnent leur village pour : 4% étudier, 2% pour mariage, 7% pour travailler avec qui : 59% parents, 20% amis, 19% un inconnu SOIT, le travail, l’exploitation et le trafic d’enfants est un phénomène très répandu et bien étudié. Contexte culturel et politique La traite négrière du XXème siècle a marqué profondément l’Afrique et le Bénin en particulier Nonobstant: Le travail d’enfants est une pratique validée pour assurer la survie de la famille. Le placement des enfants en ville, pour étudier ou apprendre un métier, était une pratique courante. Plusieurs autorités actuelles ont travaillé ou ont été placées pendant leur enfance. L’État a besoin de montrer une image positive du pays pour obtenir des investissements, etc. Soit, quelques unes des raisons pour la: Négation du trafic et de l’exploitation des enfants Négation à communiquer sur le phénomène de trafic (incrédulité, image du pays) Le bateau trafiquant « ETIRENO » et les médias du monde Éléments principaux de l’événement médiatique : Fin mars 2001: un bateau est arrêté au Gabon avec des émigrants illégaux et 250 enfants victimes de trafic (béninois, togolais, maliens). Une partie des occupants sont arrêtés au moment du débarquement et ensuite refoulés sur le bateau vers le Bénin. Les autorités du Gabon informent les autorités béninoises et une agence de presse internationale détecte et diffuse cette information. Perte de contact avec le bateau pendant plusieurs jours = quelques médias de sensation spéculent: « les enfants sont jetés à la mer!! » Le bateau est en mer pendant 17 jours, les principales agences de presse du monde sont mobilisées = un boom médiatique!! Le bateau trafiquant « ETIRENO » et les médias du monde(2) L’attitude des autorités béninoises : – Silence, négation/banalisation du problème, refus d’informer. L’attitude d’UNICEF – Tdh: – Coordonner et organiser les recherches pour confirmer ou corriger les informations – Convaincre les autorités du besoin d’informer et de gagner les médias en faveur de la lutte contre le trafic et pour aider le Bénin. – Préparer l’accueil et la protection immédiate des enfants. Les agences de presse arrivent au Bénin à la recherche du bateau trafiquant: – Pendant 2 mois, plus de 65 agences de presse (TV, radio et journaux) du monde veulent avoir: des informations de 1ère main et des images exclusives. – Soit, un vrai casse tête pour le gouvernement Notre problème: Comment communiquer tout en assurant la protection des enfants, la relation avec le gouvernement et en évitant le débordement. Stratégies de communication Coordination permanente entre les principaux acteurs: État – UNICEF – Tdh - réseau des ONGs concernées Promouvoir l’ouverture et prendre l’initiative pour informer Harmoniser les principes: – – – – Intérêt supérieur des enfants (éviter le harcèlement de medias) Refuser le sensationnalisme = sélection des agences de presse. Diffusion d’informations: précises, techniques et confirmées Rester objectifs, éviter la polémique, éviter les critiques et les jugements de valeur, éviter le marketing institutionnel. Harmoniser l’information et les discours: – Recherche active et permanente des informations publiées. – Partage permanent de toute information avant la diffusion. – Bien sélectionner l’information à diffuser et à protéger. – Coordonner avec nos structures internationales. – Nommer des porte paroles officiels (MAEI, UNICEF, TDH) Bien cibler des messages simples: – le trafic est un crime – les enfants sont victimes – les responsabilités (trafiquant, employeurs) => appel à la coordination de la lutte contre le trafic (gouvernement – O.I. – ONGs). Principaux résultats en communication Concernant l’ouverture, l’initiative, la coordination: – Réunions et contacts journaliers de concertation (UNICEF – Tdh – autorités) >> convaincre le gouvernement de reconnaître, prendre l’initiative et informer. 1 semaine de négociation – Communiqué officiel et conférence de presse tripartie: Gouvernement UNICEF – Tdh (pour les ONGs). Concernant les principes: – Les enfants ont été immédiatement séparés et protégés: embargo sur l’image et l’identité des enfants. – Le trafic d’enfants a été officiellement reconnu et les actions de protection validées. – Les informations concernant l’enquête judiciaire ont été protégées Concernant l’harmonisation de l’information et des messages: – 3 conférences de presse conjointes, communiqués et informations périodiques au Bénin, Europe, USA, Amérique du Sud. – Tous les journaux nationaux et agences internationales ont été reçus et informés périodiquement sur la situation et le processus. (hebdomadaire) – Sélection des agences pour les versions « officielles », signature de protocole, élaboration des TOR reportages : (2 BBC, 1 NBC, 3 TVE, 1 TSR, 1 F2, 1 TV saudi) « Etireno »: Les leçons apprises Les médias sont un appui incontournable pour faire avancer la lutte contre le trafic et l’exploitation d’enfants: – Dénonciation – information – sensibilisation - pression internationale pour surmonter les blocages économiques, politiques, autres. Toute organisation ou réseau contre le trafic et l’exploitation doit considérer une stratégie permanente de communication – information – advocacy: Fixer des objectifs et des responsables précis (porte parole) L’intérêt supérieur des enfants et la protection des victimes devraient rester au centre de toute stratégie de communication. Communiquer en respectant toujours les enfants et les procédures en cours. Tenir en compte le contexte et, de préférence, communiquer en coordination avec les partenaires et en accord avec les réseaux d’intervention (nationaux et internationaux) = meilleur impact « Etireno »: Les leçons apprises Communication concernant le trafic et l’exploitation: Éviter le sensationnalisme et une communication pour le marketing institutionnel. Trop communiquer n’est pas = bien communiquer. S’assurer d’être le mieux informé sur la situation pour donner des informations précises, objectives, « éducatives » et complémentaires sur tout le processus. Sélectionner des journalistes, des medias et bâtir un lien privilégié: réseau des journalistes et médias spécialisés Préférer la parole/le texte à l’image) – La seule image des enfants victimes => blesse leur identité et complique leur réintégration => mais n’explique pas le drame de leur vécu. Le but premier de la communication serait de lier: => le témoignage des enfants => à l’indignation des organismes et aux actions de protection en cours et => aux actions de dénonciation et de poursuite des responsables de leur drame (trafiquants – exploiteurs) Luttons contre le trafic et l’exploitation d’enfants l’enjeu économique L’exemple des carrières de pierre au Nigeria (septembre 2003) Un enfant produit minimum ~ FCFA 2’500 par jour (Eu 3,81) = ~ Euros 1’390 / an 15’000 enfants x 1’390 / an = Euros 20’859’750 / an (MFPSS – BPM / déclaration des trafiquants) Un enfant est payé à F CFA 125’000 / an = Euros 190 / an Euros 190 x 15’000 enfants = Euros 2’850’000 / an (Tdh - Information des auditions) Bénéfice employeur = Euros 18’001’750 / an Les médias: en conclusion Nous avons besoin de nous organiser et de communiquer au niveau national et international Nous avons besoin des journalistes et des médias sérieux, spécialisés et engagés dans la défense des valeurs essentielles de l’humanité et de l’enfance. Une sélection est donc nécessaire: Les médias sont au service du marché et pour promouvoir le libre marché du travail = publicité bien payée, etc. Ou, Ils s’inscrivent dans les réseaux pour le respect et la promotion des droits humains et des enfants. Soit, moins de publicité dégradante et, logiquement, des campagnes moins bien payées!!