LA MONNAIE ET L’INFLATION À LONG TERME © HEC Montréal Mars 2003 1 Introduction • Inflation = hausse soutenue du niveau général des prix. • Pourquoi, depuis 25 ans, le taux d’inflation canadien at-il dépassé les 10 % dans les années 70, pour ensuite se stabiliser à 4 % dans les années 80 et se maintenir à 2 % dans les années 90 ? • Pourquoi le taux d’inflation est-il si élevé dans certains pays ? • Examinons le lien entre l’inflation et la croissance monétaire: 2 Qu’est-ce que la monnaie ? • La monnaie a pris différentes formes dans l’histoire : – Monnaie marchandise (commodity money) – Monnaie fiduciaire (fiat money) • On définit la monnaie par rapport à ses rôles : – Moyen d'échange – Unité de compte – Réserve de valeur • Sa valeur dépend uniquement de la confiance. 3 La monnaie dans l’économie canadienne • La monnaie : l’ensemble des actifs financiers les plus liquides – liquidité : facilité à transformer un actif en moyen d’échange • Plusieurs mesures (agrégats) • Liquidité variable 4 Les agrégats monétaires: M1 et M2 Données désaisonnalisées, en M $, août 2002 Monnaie hors banques Dépôts à vue* nets aux banques M1 Dépôts à préavis autres que ceux des particuliers et Dépôts d’épargne des particuliers M2 39 504 95 426 134 930 415 711 550 641 * Comptes de chèques personnels et comptes courants. 5 Il existe aussi d’autres agrégats, tels M1++ et M2++ : M1++ = M1 brut + dépôts à préavis transférables (=M1+) et non transférables par chèques détenus auprès des banques et des autres institutions financières (ex. caisses populaires) dépôts inter-institutions (valeur en août 2002, en M $ : 357 701) M2++ = M2 + total des dépôts dans les institutions parabancaires + dépôts des particuliers aux caisses d’épargne publiques + fonds communs de placement du marché monétaire (M2+) +obligations d’épargne du Canada + autres fonds communs de placement (valeur en juillet 2002, en M $ : 1 155 093) 6 Théorie quantitative de la monnaie • L’équation des échanges établit un lien entre la masse monétaire (M) et le PIB nominal. • Le PIB nominal est le produit du niveau général des prix (P) et du PIB réel (Y). • V = (P * Y) / M M•V=P•Y où V est la vélocité de la monnaie. 7 Croissance monétaire, croissance économique et inflation • En taux de croissance, l’équation des échanges s’énonce comme suit: M/M + V/V = P/P + Y/Y où M/M est la croissance monétaire, V/V la croissance de la vélocité, P/P le taux d’inflation et Y/Y la croissance économique. 8 Théorie quantitative de la monnaie • La vélocité est constante à long terme (V/V = 0) • La croissance économique = la tendance à long terme du PIB réel (environ 2,5 % par an au Canada depuis 1980) • Taux d’inflation = la croissance monétaire excédant la croissance réelle de l’économie: P/P = M/M - Y/Y • Un pays qui souhaite maintenir son taux d’inflation à un niveau bas et stable doit maîtriser l’expansion de sa masse monétaire. 9 Monnaie et inflation –Comparaisons internationales 1980 - 1996 1,000 Taux d’inflation annuel Brésil (%, échelle log) Argentine 100 Ouganda Turquie Israel Zambie Pologne Mexique Ecuador Ghana Venezuela Syrie Hongrie Chili Portugal Kenya Philippines Afrique du Sud India Pakistan Indonesie Italie 10 Australie France Thailande États-Unis Belgium Malaysie Canada Suisse Allemagne Japon 1 Taux de croissance de l’offre de monnaie (%, échelle log) 1 10 100 Sources: International Monetary Fund, International Financial Statistics Yearbook, 1997 & International Financial Statistics (December 1998). Note: Offre de monnaie = taux de croissance de la masse monétaire moins le taux de croissance du PIB réel 1,000 10 La corrélation positive entre le taux d’inflation et le taux de croissance de la masse monétaire dans plusieurs pays, de 1980 à 1999. 11 La TQM appliquée au Canada Variable / période 1981-1991 1991-2001 1981-2001 Taux d’inflation (IPC) P/P 5,9 % 1,7 % 3,7 % 10,4 % 3,4 % 6,7 % 2,3 % 3,5 % 2,7 % - 2,2 % 1, 8 % - 0,3 % Croissance monétaire M2/M2 Croissance économique Y/Y Croissance de la vélocité V/V 12 Relation étroite entre le taux d’inflation et la croissance monétaire ajustée pour la croissance économique tendancielle au Canada (1982-2001) 12 10 8 6 4 2 0 -2 82 84 86 88 90 92 94 M2 ajustée pour la croissance tendancielle du PIB réel Taux d'inflation mesuré selon l'IPC (1992=100) 96 98 00 13 L’hyper-inflation • Certains pays ont connu des épisodes d’hyper-inflation – Plus de 1000 % par année ou – Plus de 50 % par mois • Cas extrême : Hongrie (1946-47), avec un taux annuel de 3,81 * 1027 • Dans tous les cas forte corrélation entre M et P 14 La dichotomie classique : l’économie à long terme • David Hume (1711-1776) • Toutes les variables peuvent être classées en variables nominales ou réelles • Variables nominales : mesurées en unités monétaires • Variables réelles : mesurées en unités physiques • Exemples 15 La dichotomie classique • Les variables nominales sont influencées par le système monétaire • À long terme, les variables réelles ne sont pas influencées par le système monétaire • Exemples de variables réelles : – PIB réel (productivité, quantité de facteurs) – Taux de chômage (salaire réel) – Taux d’intérêt réel (O et D de fonds prêtables) 16 La neutralité monétaire • La neutralité monétaire : si l’on double la quantité de monnaie, les prix doublent, mais les variables réelles ne sont pas touchée. • Analogie : si l’on modifie la longueur du mètre, les mesures de distances changent, mais les distances réelles ne varient pas 17 Mais qui détermine la quantité de monnaie dans l’économie ? • Deux acteurs : – La Banque du Canada – Les banques à charte 18 La Banque du Canada • Banque centrale • Responsabilités: – Émission de papier monnaie – Banque des banques • Banque de règlement • Prêteur de dernier ressort – Agent financier du gouvernement – Politique monétaire • Historique 19 Bilan de la Banque du Canada ACTIF PASSIF + AVOIR • Bons du Trésor • Obligations du gouvernement • Réserves internationales de changes • Billets • Dépôts des institutions membres de l’ACP (encaisses de règlement) • Dépôts du gouvernement • Avoir net 20 Le bilan de la Banque du Canada au 31 décembre 2000 (en millions de dollars) ACTIF PASSIF • Bons du Trésor • Obligations du gouv. 8 739 23 647 – moins de 3 ans 8 353 – plus de 3 ans 15 294 • TITRES du gouvernement canadien 32 386 • Autres placements 1 886 • Avances - Membres ACP 378 • Dépôts en devises étrangères • Autres éléments d’actif • ACTIF TOTAL 539 1 750 36 939 • Billets en circulation: 35 488 – dans les banques 4 166 – dans le public 31 322 • Dépôts des banques à charte 498 • Dépôts des autres institutions membres de l’ACP 26 • ENCAISSES de règlement 524 • Base monétaire 36 012 • Dépôts du gouvernement 14 • Passif en devises étrangères 374 • Autres éléments du passif 539 • PASSIF TOTAL 3621939 Les banques à charte • Établissements de dépôts • Soumis à la « Loi des banques » • Principales activités: prêts et dépôts 22 Bilan d’une banque à charte ACTIF • PRÊTS personnels, hypothécaires,... • Titres du gouvernement • Dépôts à la Banque du Canada (Encaisses de règlement) • Billets et pièces PASSIF + AVOIR • DÉPÔTS du public • Dépôts du gouvernement • Avoir net 23 Le bilan du système bancaire canadien au 31 décembre 2000 (en millions de dollars) ACTIF • • • • • • • • • • Billets et pièces 4 166 Dépôts à la B. Canada 925 Réserves bancaires 5 091 Bons du Trésor et autres titres du gouv. canadien 87 019 PRÊTS à court et à long terme en $ canadiens 610 348 Autres titres canadiens 31 964 Autres éléments d’actif 80 765 Avoirs en $ canadiens 723 077 Avoirs nets en devises - 21 460 ACTIF TOTAL 701 617 PASSIF+ AVOIR • Dépôts d’épargne des particuliers 341 525 • Dépôts à préavis autres que ceux des particuliers 176 139 • Dépôts à vue (brut) 79 467 • Dépôts du gouv. can. 3 477 • DÉPÔTS en $ canadiens 600 608 • Avances de la B. Canada • Autres éléments du passif 73 167 • Engagements en devises • Avoir des actionnaires 27 842 • PASSIF TOTAL 70124617 Les banques et l’offre de monnaie • Les banques créent de la monnaie Chaque nouveau prêt = nouvelle monnaie •Le système des paiements : •L’Association canadienne des paiements (ACP), la compensation et le règlement 25 La compensation et le règlement • La Banque du Canada est la banque de règlement du système financier canadien. • Lorsqu’un chèque est transmis d’une institution financière à une autre, le règlement final passe par la banque centrale. • Exemple : Zoé, ayant un compte à la Banque A, fait un chèque de 100 $ à Marc, ayant un compte à la Banque B. 26 Bilan de la Banque B ACTIF • PRÊTS personnels, hypothécaires,... • Bons du Trésor • Dépôts à la Banque du Canada (Encaisses de règlement) PASSIF + AVOIR • DÉPÔTS public et entreprises • Dépôt de Marc • Dépôts du gouvernement • Avoir net 27 Bilan de la Banque du Canada ACTIF PASSIF + AVOIR • Bons du Trésor • Obligations du gouvernement • Réserves internationales de changes (gérées via le Fonds des changes) • Billets et pièces • Dépôts des institutions membres de l’ACP (encaisses de règlement) – Banque A – Banque B • Dépôts du gouvernement • Avoir net 28 Bilan de la Banque A ACTIF • PRÊTS personnels, hypothécaires,... • Bons du Trésor • Dépôts à la Banque du Canada (Encaisses de règlement) PASSIF + AVOIR • DÉPÔTS public et entreprises • Dépôt de Zoé • Dépôts du gouvernement • Avoir net 29 L’expansion du crédit et de la monnaie • Quand les banques font de nouveaux prêts, elles créditent le compte des emprunteurs et leurs passifs augmentent avec la valeur des prêts. • Ces passifs représentent de nouveaux moyens de paiements pouvant être utilisés par les clients des banques. • Quand les clients commencent à dépenser ces nouveaux moyens de paiement, les banques ont besoin d’encaisses de règlement pour compenser la valeur plus élevée des retraits au comptant et paiements des clients. 30 L’expansion du crédit et de la monnaie • Plus grande est la valeur du passif d’une banque, plus grand est son besoin d’encaisses de règlement. • Il est possible pour une banque de capturer une plus grande part des encaisses de règlement disponibles en attirant des dépôts aux dépens de ses concurrentes. • L’ensemble des banques ne peut avoir plus d’encaisses de règlement que ce qui est disponible dans le système. • C’est à ce niveau qu’intervient la banque centrale: la banque centrale a le pouvoir d’augmenter ou de diminuer le volume total d’encaisses de règlement disponible dans l’ensemble du système financier. 31 Le principe général • En augmentant la taille de son passif, la banque centrale injecte de nouvelles encaisses de règlement dans le système financier. • En ayant plus d’encaisses de règlement, les institutions financières sont en mesure de supporter un passif dépôt plus important et peuvent conséquemment faire davantage de prêts. • La masse monétaire augmente. 32 Le contrôle de l’offre de monnaie • La Banque du Canada « contrôle » donc indirectement la création de monnaie. • Outil principal : le taux d’escompte (Bank Rate) et le taux sur le financement à un jour (aussi appelé « taux directeur ») • Depuis 1998, la banque centrale fournit des réserves à la demande (au taux d’escompte) et rémunère les dépôts (à ce taux moins 0,5 %). En outre, les banques sont tenues de maintenir un solde d’encaisses de règlement égal à zéro. 33 Le contrôle de l’offre de monnaie • Le taux d’escompte influence tous les taux d’intérêt de court terme au Canada – Les banques à charte n’emprunteront jamais à un taux supérieur au taux d’escompte – Les banques à charte ne prêteront jamais à un taux inférieur au taux d’escompte moins 0,5 %, car elles peuvent obtenir ce taux de la banque centrale 34 Le contrôle de l’offre de monnaie • Une diminution du taux d’escompte entraîne les taux d’intérêt de court terme à la baisse • Des taux plus bas encouragent les emprunts. • La masse monétaire augmente 35 La politique monétaire canadienne • La Banque du Canada est responsable de la formulation et de la mise en œuvre de la politique monétaire canadienne. • Cette politique consiste actuellement à viser une cible en matière d’inflation. • Cette cible consiste à maintenir le taux d’inflation dans une fourchette variant entre 1 % et 3 % (en vigueur jusqu’à la fin de 2006). • Comment ? En maîtrisant la croissance de la masse monétaire. 36 Cible de maîtrise de l’inflation 37 Le contrôle de l’offre de monnaie • La Banque du Canada « contrôle » indirectement la création de monnaie. • Outil principal : 3 taux d’intérêt – le taux d’escompte (Bank Rate) – Le taux sur le financement à un jour (aussi appelé « taux directeur » ou « taux interbancaire ») – Le taux créditeur • Depuis 1998, la banque centrale fournit des réserves à la demande (au taux d’escompte) et rémunère les dépôts (à ce taux moins 0,5 %). En outre, les banques sont tenues de maintenir un solde d’encaisses de règlement égal à zéro. 38 Année-mois 39 1999M11 1999M09 1999M07 1999M05 1999M03 1999M01 1998M11 1998M09 1998M07 1998M05 1998M03 1998M01 1997M11 1997M09 1997M07 1997M05 1997M03 1997M01 1996M11 1996M09 1996M07 1996M05 1996M03 1996M01 Taux d'intérêt (%) La fourchette cible pour le taux à un jour (1996 à 1999) 6 5.5 5 4.5 4 Taux d’escompte 3.5 Taux à un jour 3 Taux créditeur 2.5 Le marché des encaisses de règlement • Acteurs du marché des encaisses de règlement: – banques – courtiers en valeurs mobilières (financent leur inventaire de titres du marché monétaire) – Banque du Canada • Les fonds y sont prêtés pour 24 heures à un taux appelé « taux à un jour » ou « taux interbancaire ». 40 La fourchette opérationnelle pour le taux à un jour • 50 points de base entre le taux plancher et le taux plafond • Institutions en surplus d’encaisses: placent leurs fonds à un taux supérieur au plancher • Institutions en déficit d’encaisses: empruntent à un taux inférieur au taux d’escompte 41 Politique monétaire • La politique monétaire de la Banque du Canada = influencer le taux à un jour • La Banque du Canada annonce à dates fixes (8 fois par année) sa cible pour les fonds à un jour • La Banque est prête à prêter sur demande au taux d’escompte 42 Politique monétaire expansionniste • La Banque du Canada diminue la cible du taux à un jour • Elle entreprend en même temps des opérations qui tiennent les encaisses de règlement totales à zéro – Avances ou opérations de pension • Pouvant obtenir des fonds à meilleur marché, les banques diminuent les taux d’intérêt 43 Le contrôle de l’offre de monnaie • Une diminution du taux interbancaire entraîne les taux d’intérêt de court terme à la baisse • Des taux plus bas encouragent les emprunts. • La masse monétaire augmente 44 Cibles intermédiaires : taux d’intérêt • taux interbancaire taux d’intérêt de court terme • dépôts des particuliers offre de monnaie – Dépôts : composantes les + importantes de M1 et M2 45 Le seigneuriage : une taxe d’inflation • Lorsque M P (inflation) • Alors, le gouvernement imprime des billets et se crée des revenus • La valeur de la monnaie détenue par le public diminue : Taxe d’inflation 46 L’effet de Fisher : la relation de long terme entre l’inflation et les taux d’intérêt • r=i- • Une augmentation de cause une augmentation de i, mais r est inchangé • Si la Banque du Canada augmente le taux de croissance de M, il y aura plus d’inflation et les taux d’intérêt nominaux augmenteront 47 LA MONNAIE ET L’INFLATION À LONG TERME © HEC Montréal Mars 2003 48