Le génie végétal pour la protection des berges Patrick ADOLPH Voies Navigables de France Direction Interrégionale Nord Est Arrondissement Eau environnement 4, rue des Carmes 54000 Nancy Tél : 03 83 36 35 95 [email protected] RESUME La direction interrégionale Nord-Est de VNF gère 800 km de voies navigables et 533 km de rivière non navigable. Un diagnostic sur l'état des berges de ces canaux a été lancé depuis 2006 afin d'avoir une vision globale du réseau. Cet état des lieux a fait ressortir des besoins importants de restauration des berges. Ceci permet d'établir une programmation pluriannuelle, et de la défendre pour l'obtention des crédits nécessaires. L'engagement de la direction Nord Est pour la prise en compte l'environnement privilégie les techniques végétales. Ceci se traduit donc par la mise en oeuvre de procédures opérationnelle permettant d'assurer la réussite des chantiers réalisés par le biais de ces techniques. Depuis la prévision du chantier jusqu'aux opérations de suivis, des documents permettent aux personnels de maîtriser au mieux les contraintes autour des travaux ainsi que les opérations de maîtrise d'oeuvre nécessaires à la bonne conduite de l'opération. De plus, une évaluation des travaux réalisés aide à améliorer la connaissances sur les techniques utilisées. Ceci permet d'apprécier les conséquences que peut avoir un aménagement de berges et de mieux en maîtriser les impacts et contraintes. La maîtrise du service sur ces techniques amène une reconnaissance extérieure qui conduit à de nombreuses sollicitations par divers partenaires. Mots clés Protections de berges, techniques végétales, certification 14001, environnement, SME Nos voies d'eau ont de nombreux contacts avec le milieu naturel environnant (prises d'eau, trop plein, dérivations, etc..), ce qui nécessite de le préserver et à l'avenir, de respecter les objectifs de la Directive Cadre sur l'Eau dans la réalisation de nos chantiers. Voies navigables de France s'est engagé dans une démarche volontaire pour la prise en compte de l'environnement dans ses activités, et Direction interrégionale Nord Est deVoies navigables de France est ainsi certifié ISO 14001, depuis 2005, pour ses opérations de protection de berge, en privilégiant les techniques végétales. Cette reconnaissance fait suite aux différents chantiers qui ont été réalisés depuis 1994 sur rivière naturelle, puis 1999 sur canal. 1. Constat Dans ce cadre, un diagnostic de l'état des berges des voies navigables est en cours de réalisation sur l'ensemble du réseau. Il porte sur l'état et la nature des protections de berges, et permet de définir des priorités d'intervention en fonction de différents critères (sécurité, navigation, circulation) tout en évaluant la sensibilité environnementale ainsi que la plus value écologique qui peut être éventuellement apportée. Ce diagnostic permet aussi de planifier et de défendre une programmation pluriannuelle de travaux. Il en ressort la nécessité d'un investissement important (70 millions d'Euros) pour une remise en état, ce qui se traduit par la nécessité de prévoir de l'ordre de 1 300 000 € par an pour maintenir notre patrimoine en état, en traitant uniquement les urgences dans un délai raisonnable. L'engagement de la direction Nord Est de VNF privilégie les techniques végétales. Celles ci permettent la tenue des berges par leur enracinement. La rigidité de leur tige permet également de dissiper l'énergie du batillage créé par la navigation. Pour le maître d'ouvrage qu'est VNF, les techniques végétales sont intéressantes à plusieurs titres : - leur coût : comparativement à un enrochement ou des palplanches pour traiter un problème identique la technique végétale coûte minimum 2 fois moins cher. - environnement : l'impact d'une technique végétale sur le milieu est moindre et son développement favorise une meilleure plus value environnementale, ce qui permet de respecter les engagements pris. - tenue des berges : les techniques végétales gagnent en résistance avec le temps, l'enracinement des plantes se développant, ainsi que leur densité, alors que la résistance des techniques dures a tendance à diminuer avec le temps. 2. Maîtrise opérationnelle Diverses procédures se succèdent dans le cadre du SME (Système de Management Environnemental) afin de préparer et de programmer les travaux à mettre en oeuvre. Ce qui peut être résumé comme suit : Savoir : diagnostic, état des lieux initial. Maitriser : clauses contractuelles, consignes pour le maître d'oeuvre, suivi environnemental. Évaluer : bilan de fin d'opération, état des lieux final, suivis écologiques. 2.1 Avant travaux Le maître d'oeuvre doit remplir un état des lieux initial concernant le site des travaux prévus. Cet état des lieux comporte un volet ingénierie(dimensionnement, choix de la technique, modalités d'intervention, etc... ) et un volet environnement (paysage, usages, faune, flore, etc.. ). Il sert ainsi de base pour la réalisation de l'avant projet de travaux et permet de lister divers éléments à prendre en compte pour la réalisation des travaux (à prévoir en chômage, sensibilité environnementale particulière, etc.. ) 2.2 Pendant travaux Dans le cadre de sa mission générale de surveillance des travaux, le maître d'oeuvre doit remplir des fiches de contrôles de chantier portant sur les enjeux réglementaires ou les risques environnementaux. Elles peuvent servir par la suite en cas de malfaçon constatée ou en cas de pollution avérée. Elles constituent alors la base sur laquelle s'appuient les interventions auprès de l'entreprise dans le cadre des dispositions contractuelles du marché. 2.3 Après Travaux Le maître d'oeuvre doit remplir un bilan de fin d'opération dès la fin des travaux qui permet de préparer les opérations de réception du chantier. Un état des lieux final doit également être réalisé après un an de végétation afin de voir comment la technique a évolué et si des interventions pour la reprise des végétaux sont nécessaires. Afin d'évaluer l'impact de ces travaux et d'objectiver le « gain environnemental », le service navigation a lancé des études de suivi écologique sur différents chantiers en techniques végétales. 3. Les Techniques végétales utilisées 3.1 Lors des reconnaissances initiales, il est important de lever des profils en travers de la berge. La taille de la risberme disponible est importante pour prévoir la technique à mettre en en oeuvre. Les techniques utilisées sont un mélange des techniques habituelles : boudin d'hélophytes, talutage, ensemencement,... Largeur digue Hauteur de berge Profondeur en pied Largeur risberme La mise en place de techniques végétales doit se faire en fonction du site à protéger et des contraintes identifiées. Ces dimensions permettent d'adapter la technique à la problématique propre du site. Un mauvais choix technique peut être néfaste à la réalisation et à la pérennité de l 'ouvrage. 3.2 La mise en oeuvre de ces techniques fait appel à une savoir faire particulier. Une technique végétale s'appuie sur le développement des végétaux qui apportent la résistance nécessaire contre le batillage. Une mauvaise reprise des végétaux peut donc entrainer la ruine de l'ouvrage. Le choix de l'entreprise doit donc se faire avec précautions, en s'assurant de la maîtrise des techniques envisagées. 3.3 Les usages constatés sur le site des travaux doivent bien être identifiés, afin de répondre aux attentes des usages et éviter une destruction de la technique par une présence humaine (pêcheur, promeneur) trop forte. 4. Et ça marche !!! 4.1 Suivis environnementaux Depuis 2006, le service navigation Nord Est a lancé plusieurs études visant à estimer les incidences des chantiers en techniques végétales sur le milieu. Ces études ont permis d'apprécier les conséquences que peut avoir un aménagement de berges. Elles ont permis de déterminer les critères à prendre en compte pour évaluer l'évolution des chantiers mis en oeuvre. Ainsi, les indicateurs étudiés sont : les poissons, les diatomées (IBD), la macrofaune benthique (IBGA), ainsi que les caractéristiques physico-chimiques de l'eau. Nous avons ainsi pu mesurer les résultats suivants (après 2 ans d'observations): – – – – Physico chimique : pas d'amélioration significative, Poissons : meilleures diversités et meilleure qualité de peuplement IBD : pas d'amélioration de la qualité de l'eau (frange trop étroite d'intervention) IBGA : meilleure qualité biologique sur les portions traitées par techniques végétales Il ressort donc de ces analyses que les berges en techniques végétales semblent améliorer la diversité des poissons présents et favoriser notamment la présence de juvéniles. Elles semblent également accroître la qualité des peuplements des macro invertébrés benthiques, source de nourriture pour la faune aquatique et en particulier des poissons. En revanche, en l’état actuel des études, aucune amélioration significative de la qualité des eaux n’a pu être mise en évidence. 4.2 Recherche et développement Les retours d'expérience permettent d'améliorer les connaissances et les réalisations de ces techniques. En s'appuyant sur des universitaires, la DIR NE travaille ainsi sur un protocole à mettre en oeuvre afin d'évaluer les performances environnementales des chantiers de protection de berge, et la définition d'une liste de plantes à utiliser lors des chantiers a également été établie en se basant sur l'apport des espèces d'un point de vue résistance au batillage mais également sur leur conditions d'implantation et leur apport biologique pour les berges. Suite à ces premières étapes, nous sommes donc en mesure de cerner les conditions qui aident à la réussite des techniques végétales, tout en apportant de manière certaine (hors aléas) une plus-value écologique satisfaisante : – pente douce (au moins 25 %) – au moins 500 mètre réalisés pour avoir un effet significatif – – – couvrir les ¾ des berges du bief créer des zones annexes conserver 25 à 30 % de berges naturelles De nombreuses pistes restent à explorer, en particulier sur les particularités des hélophytes utilisées (enracinement, apport écologique, etc.. ). 4.3 Retour d'expérience et valorisation Les chantiers réalisés et l'expérience capitalisée au cours des années passées permettent de posséder une expertise connue et reconnue. Ainsi la DIR Nord Est est sollicitée pour apporter ses connaissances et sa maîtrise de ces techniques sur les voies navigables par divers services navigations. On peut citer : – – – – – – organisation d'un colloque en 2008 intervention sur le retour d'expérience lors de la commission internationale du Rhin interventions lors de formations diverses reportages pour la télévision (télé allemande et France 3) nombreux articles dans la presse locale reconnaissance par l'agence de l'Eau Rhin Meuse (trophées de l'eau 2007) Cette valorisation participe pleinement au processus d'amélioration continue de nos pratiques en faveur de l'environnement.