huitieme-cours

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Histoire de la Russie : des
origines à la révolution
Huitième cours : Alexandre II,
Alexandre III et Nicolas II
7 – La culture sous Nicolas
7.1 – L’éducation
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Nicolas comprend bien que le combinaison d’un faible
niveau de vie et de l’instruction constitue un mélange
explosif. Il s’emploiera donc à limiter l’accès à
l’instruction supérieure et à mieux contrôler les
universités.
De 1828 à 1864, les enfants des classes inférieures
n’avaient pas accès au gymnase et à l’université, ces
deux institutions étant réservées à la noblesse.
En 1835, Ouvarov, ministre de l’instruction publique,
supprime l’autonomie universitaire.
Les nouvelles institutions qui apparaissent au cours du
règne sont dominées par la technique, au détriment
de la science théorique, dont Nicolas se méfie.
7.2 – Arts et lettres
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Le réalisme continue de s’imposer en littérature. Aux
grands auteurs de la période précédente, qui
continuent d’écrire (Pouchkine, Griboïedov), s’en
ajoutent d’autres, dont certains deviendront
célèbres surtout dans la seconde moitié du siècle,
comme Dostoïevski (qui écrit alors ses premières
œuvres) ou Saltykov-Chtchedrine (Histoire d’une
ville).
D’autres cependant, malgré la pesante censure,
seront déjà connus à cette époque, dont le plus
célèbre, Nicolaï Gogol, manie aussi bien le réalisme
caricatural (Le révizor, Les âmes mortes) que le
fantastique (le cycle des nouvelles
peterbourgeoises), dont il est l’un des premiers
représentants russes.
Lermontov et Gogol
- Plus lente à se développer, la musique russe prend
cependant à cette époque son envol, avec son plus
célèbre représentant, Glinka, qui intègre des
rythmes et mélodies traditionnelles aux courants
européens dominant à l’époque, le classicisme et
surtout le romantisme. Il donne aussi au pays ses
premiers opéras historiques.
- Enfin, dans les beaux-arts, c’est le classicisme
académique qui domine encore, l’Académie des
Beaux-Arts formant alors quelques-uns des plus
grands peintres russes, comme Brullov et Ivanov.
- Néanmoins, le romantisme fait son apparition dans
les toiles d’un Kiprenski ou d’un Tropinine. Ou
encore dans celles d’un Aïvazovski, maître
incontesté du paysage marin.
Paysage côtier (1852)
Le naufrage (1876)
7.3 – Sciences et techniques
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Si Nicolas se méfiait des sciences, en tant
qu’ingénieur, il comprenait la pertinence du
développement technique.
Outre le développement de l’astronomie (Struve
fonde le premier observatoire russe à Poulkovo), les
développements techniques apparaissent dans tous
les domaines, rendant le retard socio-politique du
pays de plus en plus anachronique.
En 1834 est complété le premier chemin de fer du
pays pour le transport des marchandises ; le
premier train de passager fait son apparition en
1837 et en 1851, la ligne Moscou-Peterbourg est
ouverte.
Dans les grandes villes apparaissent des réseaux de
transports en commun, de même que des systèmes
d’éclairage.
Plan de cours
1
2
3
4
5
6
7
– L’ère des grandes réformes
– Agitation sociale
– Économie
– Politique étrangère
– Arts, sciences et techniques
– Alexandre III
– La guerre russo-japonaise, la première
révolution et ses conséquences
8 – La guerre, février et la fin des Romanov
Alexandre II (1856-1881)
1 – L’ère des grandes réformes
1.1 – Abolition du servage
- La réforme sera longue à mettre au point : d'abord,
Alexandre lui-même a peur, mais surtout, la noblesse,
associée à la démarche par des consultations, y est
très hostile. D’où les insuffisances de la réforme.
- Elle est adoptée le 19 février 1961 et comprend
quatre points : 1 – les paysans sont déclarés libres et
n’ont pas à verser d’indemnité à leur propriétaire ; 2 –
les paysans peuvent racheter leur maison et le terrain
où elle se trouve ; 3 – si le propriétaire y consent, ils
peuvent aussi racheter des terres exploitables ; 4 – ils
ne peuvent le faire que collectivement, par le biais du
mir.
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Cela laisse un espace juridique particulier pour les paysans,
qui sont considérés comme des mineurs; ils sont soumis à
des tribunaux particuliers et à des peines spécifiques.
Le droit à la terre n’est pas le droit à la propriété de cette
terre : le paysan ne peut pas vendre cette terre, qui
appartient à la collectivité.
Les paysans sont déçus, d’où la recrudescence des
insurrections paysannes après l’adoption de la réforme,
puisqu’on leur propose d’acheter leur liberté (et encore,
partiellement seulement), alors qu’ils n’ont pas d’argent.
Certains nobles sont satisfaits (ceux que l’agriculture
n’intéressait pas), mais dans l’ensemble la noblesse est
mécontente de perdre ainsi sa puissance.
Chez les historiens, elle est contestée : on lui reproche
d’être improvisée, partielle ou même néfaste. Cependant,
on admet que cela aurait pu être pire et que c’est un
changement fondamental.
Elle met en tout cas en place les conditions à un décollage
industriel : les nobles disposeront d’argent à investir et les
paysans qui obtiennent un passeport pourront quitter le
village et aller travailler en ville.
1.2 – Réformes administratives
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Ces changements de la structure économique
demandent une réponse politique et le libéralisme
d’Alexandre II se manifeste aussi dans ce domaine.
Afin de décentraliser le pouvoir de gestion (mais pas
le pouvoir décisionnel), l’institution des zemstvos est
remise en place en 1864 sous une forme beaucoup
plus étendue.
Les délégués en sont élus et sont issus de la noblesse,
de la bourgeoisie et de la paysannerie à raison d’un
tiers des députés pour chaque groupe (l’élection des
députés paysans étant conditionnée à l’acceptation
des deux autres groupes).
Le zemstvo se réunit une fois par année en session
plénière pour adopter un plan d’exploitation et un
budget. Il élit aussi alors un comité exécutif (pour
trois ans), chargé de l’application des décisions, mais
aussi du système d’éducation, de santé et de justice.
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En ville, des structures équivalentes sont aussi
mises en place avec les conseils municipaux. Le
même principe de représentativité s’applique (les
artisans et ouvriers se substituant ici aux paysans).
Le gouverneur local (ou son représentant) dirigeait
cette douma urbaine.
La loi créant ces institutions interdisait explicitement
l’union de celles-ci à l’échelle régionale ou nationale,
afin d’éviter l’émergence d’une opposition politique
structurée.
D’où l’incohérence de cette très importante réforme,
qui admet la représentativité à l’échelle locale, mais
récuse ce principe au niveau national.
Malgré ses insuffisances, elle met en place les bases
institutionnelles et organisationnelles à l’implication
et à la participation de la population à la gestion du
pays.
1.3 – La réforme judiciaire
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De ce point de vue aussi, Alexandre II innove
grandement : la réforme judiciaire est de loin la plus
complète et la plus cohérente de toutes les réformes
institutionnelles du règne.
Elle s’appuie sur le principe d’universalité : tous sont
égaux devant la loi (à l’exception du cas paysan,
conséquence de la réforme de 1861).
Elle introduit en outre d’autres éléments de
modernité dans le système judiciaire : caractère
public des procédures, présences de jurés,
indépendance des juges face à l’administration.
Comme en France, un ministère public est chargé,
de la surveillance du système, et un Barreau défend
toutes les parties en cause.
Pour les affaires criminelles, on introduit des jurés,
dont le choix revient au zemstvo local.
- Deux types de cours :
- Celles des zemstvos (affaires locales de droit
commun et civil pour moins de 500 roubles), dont le
juge est élu par l’assemblée du district.
- Celles d’État, comprenant trois instances : la cour
d’arrondissement (droit civil et causes importantes
de droit commun et criminel), la chambre judiciaire
(affaires criminelles graves) et le Sénat, cour
supérieure, dotée d’un pouvoir de cassation.
- La principale faiblesse de cette réforme est le
maintien d’un système parallèle pour les paysans,
les tribunaux communaux demeurant responsables
pour eux.
- On maintient aussi des tribunaux religieux
(consistoires), répondant pour les divorces, ainsi
que des tribunaux militaires, pour les soldats et les
officiers.
1.4 – Réforme militaire :
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En gros, elle achève la modernisation de l’armée et sa
mise à niveau avec les armées d’Europe ; l’armée
devient professionnelle. C’est une conséquence directe
de la défaite de 1856.
Dès 1857, on supprime les colonies militaires.
En 1864, le pays est divisé en circonscriptions
militaires (lesquelles existent encore aujourd’hui)
On procède à une importante mise à niveau de
l’armement : nouveaux fusils, canons modernes,
navires à vapeur, etc.
Des écoles d’officiers (junkers) sont créées, ainsi que
des académies militaires.
Mais surtout, on introduit un service militaire
obligatoire en 1874 : à 21 ans, tous les hommes sont
intégrés dans l’armée (6 ans dans l’infanterie, plus 9
ans de réserve ; 7 ans dans la marine, plus 3 ans de
réserve).
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Cette « universalité » est cependant modulée en
fonction de l’instruction : le service militaire de ceux
ayant terminé l’école primaire n’est que de 3 ans,
pour ceux ayant terminé le gymnase, de 18 mois, et
pour les universitaires, de 6 mois seulement.
Des éléments de l’ancien système persistent et les
officiers sont essentiellement nobles, alors que les
simples soldats sont surtout paysans ou ouvriers.
La noblesse dispose aussi de divers moyens
(financiers) pour éviter le service et de nombreuses
populations (Asie centrale et Caucase) de l’Empire
ne sont pas appelées sous les drapeaux.
La réforme permet à la Russie de diviser son armée
par quatre en temps de paix, tout en pouvant
mobiliser une force impressionnante le cas échéant.
1.5 – Réforme de l’éducation
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Le but de cette réforme est de renforcer la
spécialisation des différentes institutions et
d’étendre l’instruction.
On divise les gymnases en deux catégories : le
gymnase classique et le gymnase pratique.
On crée des écoles de zemstvo et des écoles du
dimanche pour la clientèle adulte ; pour les femmes,
on ouvre d’abord des gymnases, puis on leur permet
d’assister aux cours universitaires en auditeurs
libres, avant de créer des programmes
spécifiquement pour elles en 1872.
L’autonomie universitaire est rétablie et en 1865, la
censure est considérablement allégée.
À la fin du règne, on compte en Russie 14 000
étudiants universitaires, la plus grande communauté
étudiante au monde.
2 – Agitation sociale
2.1 – Le populisme
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À la suite de l’abolition du servage, le caractère du
régime se durcit, ce qui devient évident après
l’insurrection polonaise de 1863-1864.
Cette situation, doublée de l’insatisfaction liée aux
imperfections de la réforme de 1861, entraîne un
développement du mécontentement, qui se
manifeste désormais dans toutes les classes
sociales.
C’est de ce mécontentement que se nourrit le
populisme, s’appuyant sur les idées de gauche de
Herzen et de Tchernychevski.
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Dans les années 70 et 80, ce populisme est
radical et révolutionnaire. Il place ses espoirs
dans une révolution paysanne.
Trois courants à ce populisme radical :
1 – Le courant révolutionnaire (Bakounine)
réclame une révolution paysanne immédiate.
2 – Le courant propagandiste (Plekhanov), qui
met de l’avant l’idée d’une agitation préalable à
tout mouvement révolutionnaire
3 – Le courant conspirateur (Tkatchev) propose
un coup d’État dirigé par une poignée d’hommes
résolus, afin de procéder par en haut à des
transformations radicales.
Bakounine et Tkatchev
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De ces théories émanent les différentes organisations
révolutionnaires de l’époque.
Le mouvement « vers le peuple », issu du courant
propagandiste, se rend dans les villages au début des
années 70 pour faire la promotion de la révolution,
sans succès.
L’organisation « Terre et volonté » (1876) tente la
même chose dans la seconde moitié des années 70,
sans plus de succès.
Celle-ci se scinde par la suite en deux : « Partage
noir » (Plekhanov, Zassoulitcha) qui continue de croire
à la propagande, et « Volonté du peuple » (Jeliabov,
Perovskaïa), qui propose le terrorisme.
C’est cette dernière organisation qui, après cinq
tentatives infructueuses, parvient à tuer l’empereur le
1er mars 1881. Les responsables seront exécutés le 3
avril 1881.
« Terre et volonté »
2.2 – Le mouvement libéral
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Issu des cercles et salons littéraires de la première
moitié du siècle, le libéralisme s’est développé dans la
noblesse et la bourgeoisie éclairée autour des courants
occidentaliste et slavophile. L’idée de base est de
présenter l’évolution comme étant préférable à la
révolution.
Ces penseurs (Tchitcherine) sont très influents dans la
première moitié du règne, puis perdent de leur pouvoir.
Cependant, les zemstvos vont permettre aux idées
libérales de se diffuser. Les universités, le milieu
juridique et plusieurs périodiques sont d’autres points de
rencontre des membres de ce mouvement.
En 1889, il est tenté de créer une union des zemstvos,
mais cette tentative échoue, de même que les autres
visant à faire la promotion d’une constitution auprès de
la population.
2.3 – Le mouvement ouvrier
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Avec le décollage industriel de la seconde moitié des
années 60, le mouvement ouvrier fait son
apparition. Il est d’abord spontané et son objectif
n’est pas alors les changements sociaux, mais la
défense des intérêts du prolétariat : augmentation
des salaires, réduction du temps de travail, etc.
À partir de la seconde moitié des années 70, ces
mouvements deviennent plus idéologiques. Les
premières organisations apparaissent sous
l’influence des populistes : l’Union ouvrière du nord
(1875), puis celle du sud (1878-1879) furent
rapidement démantelées par la police.
Ce n’est que dans la seconde moitié des années 80
que l’influence marxiste commencera à se faire
sentir dans le milieu ouvrier.
2.4 - Les mouvements nationaux :
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La complexité ethnique de l’empire pousse à utiliser
le terme « nationalisme » au pluriel.
C’est surtout dans les territoires occidentaux
(Pologne, Ukraine, régions baltes), mais aussi dans
le Caucase, que se manifestent ces nationalismes.
En Ukraine, une langue littéraire se développe, en
dépit de la pression du centre, qui interdit bientôt
l’enseignement de l’ukrainien, même si personne ne
parle à ce moment d’une indépendance du territoire.
Mais c’est en Pologne que les choses sont plus
difficiles. En 1830-1831, une révolte avait incité
l’empereur à supprimer la constitution polonaise.
Une autre rébellion (1864) sera à son tour réprimée
violemment par le centre, sans parvenir à régler le
problème, qui ne cessera pas jusqu’à l’indépendance
(1918).
- Le développement de ces mouvements nationaux en
périphérie entraînera par voie de conséquence le
développement d’un nationalisme russe et le
gouvernement, à partir des années 70, entreprendra
diverses tentatives de russification des populations
non russes. C’est cependant surtout au cours du
règne suivant que cela se manifestera.
- Le mouvement national juif constitue un cas
particulier, qui n’apparaîtra véritablement qu’à la
suite du développement du nationalisme russe. C’est
par le parti socialiste juif, le Bund, que s’exprimera
surtout cette volonté d’égalité de la population juive.
3 - Économie
3.1 – Économie rurale
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L’abolition du servage a ouvert la porte au
développement du capitalisme et à sa conséquence
sociale directe, la stratification sociale, déjà
commencée dans la première moitié du siècle.
Apparaissent les koulaks, paysans aisés, qui
concentrent de grandes quantités de terres et
s’impliquent dans l’industrie. Plus novateurs que les
nobles, ils contribuent davantage au progrès
technique que ceux-ci.
En corollaire, une classe moyenne inférieure et une
classe de paysans pauvres (sans terre et travaillant
comme journaliers) apparaissent aussi.
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La production et la productivité agricoles
augmentent considérablement, grâce aux
nouvelles techniques, plus faciles (et plus
rentables) à implanter sur de vastes étendues
d’exploitation.
La croissance est aussi stimulée par la demande
mondiale qui augmente, entraînant une hausse
des prix et conséquemment, des exportations.
Malgré ces progrès, l’économie rurale se
développe plus lentement qu’en Europe, les
nobles se montrant peu coopératifs, et les
limites de la réforme se font sentir. Ce n’est
qu’après les réformes de Witte et de Stolypine
au début du siècle suivant que les choses
s’amélioreront significativement.
3.2 – Achèvement de la première révolution industrielle
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La fin du servage permet enfin le développement d’un
marché de la main-d'œuvre.
Cela entraîne une augmentation de la production,
générant des profits pouvant être réinvestis dans
l’amélioration technique.
L’industrie mécanique du pays se met en place,
permettant l’indépendance du pays dans ce domaine
et facilitant la mécanisation du travail, ce qui est fait
pour l’essentiel à la fin des années 1870.
Deux caractéristiques du secteur industriel russe de
l’époque : la forte présence de capitaux étrangers et le
niveau de concentration des entreprises.
À partir des années 70 apparaissent les premières
organisations industrielles du pays (ex : Conseil
industriel de l’Oural en 1870).
Malgré des progrès spectaculaires, l’industrie russe est
encore en retard sur ses concurrentes de l’ouest.
4 – Politique étrangère
4.1 – Les Balkans
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Le traité de Paris en 1856 met fin à la guerre de Crimée
et la situation des alliés oblige ceux-ci à limiter leurs
réclamations. La Russie perd une partie de la Bessarabie,
mais surtout, se voit imposer une clause d’interdiction
militaire sur la mer Noire.
Après de multiples efforts, la Russie parvient en 1871,
face à une France affaiblie, à obtenir l’abrogation du
traité de Paris, ce qui lui permet à nouveau de
manifester sa présence militaire sur la mer Noire, qui
conduit à son tour à une résurgence de sa politique
balkanique.
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La faiblesse de la Porte attise les convoitises et en
1876, les puissances européennes la mettent en
demeure d’octroyer l’indépendance aux populations
balkaniques.
En conformité avec ce document, la Russie déclare à
nouveau la guerre à la Porte. Les opérations lui sont
très favorables et après avoir libéré la Bulgarie (1877),
les forces russes arrivent à quelques kilomètres de
Constantinople. Mais le Royaume-Uni s’interpose et la
paix de San Stefano est signée : la Russie obtient le
retour de la Bessarabie du Sud et la reconnaissance
d’États slaves dans les Balkans (Serbie et Bulgarie,
entre autres).
Trop avantageuse pour la Russie, cette paix sera
révisée sous la pression des Occidentaux par le traité
de Berlin (1878), qui redonne une partie des
territoires à la Porte, tout en permettant à l’Autriche et
au Royaume-Uni de se servir des succès russes et de
spolier celle-ci des fruits de sa victoire.
Les Balkans en 1878
4.2 – Extrême-Orient et Asie centrale
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En 1860, le traité de Pékin met fin aux crises
frontalières opposant la Chine et la Russie : l’Amour et
l’Oussouri en constituent depuis la frontière. Ces
territoires sont alors rapidement colonisés.
En 1855, c’était avec le Japon qu’un traité avait été
conclu, lequel donnait Sakhaline à la Russie et les
Kouriles au Japon.
Le règne d’Alexandre II voit aussi la fin de l’Amérique
russe. Les colonies californiennes sont abandonnées,
la Russie rejette une demande de sujétion d’Hawaï et
en 1867, la Russie cède pour la somme ridicule de 7
millions de dollars l’Alaska aux États-Unis.
En Asie centrale, le territoire continue de s’étendre,
avec la prise de Tachkent (1865) et l’annexion des
khanats du Kokand (1865), de Boukhara (1866) et de
Khiva (1873). La quasi-totalité de l’Asie centrale est
alors entre les mains de la Russie.
5 – Arts- sciences et techniques
5.1 – Littérature et arts
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Le réalisme continue de dominer, avec la publication des
œuvres des plus grands écrivains de l’histoire russe :
Dostoïevski, Tolstoï, Tourgueniev, etc.
Ces derniers doivent une partie de leur popularité à la
multiplication des périodiques, dont le nombre atteint
804 à la fin du siècle.
C’est aussi en partie à ceux-ci que les grands
dramaturges doivent leur renommée : Tchekhov et
Ostrovski, célèbres pour leurs pièces de théâtre, sont
d’abord connus comme des nouvellistes.
La fondation d’une école nationale de dramaturgie
permet aussi le développement rapide de l’art
dramatique russe.
Tchekhov et Ostrovski
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Le Conservatoire de Moscou (1866) et celui de SaintPétersbourg (1862) permettent le développement d’une
musique nationale russe, avec entre autres le groupe
des cinq (Balakirev, Cui, Moussorgski, Borodine et
Rimski-Korsakov), qui reprennent la voie tracée
auparavant par Glinka.
Autre grand nom de la musique russe de l’époque, Piotr
Tchaïkovski écrit alors ses grands ballets (La belle au
bois dormant, Casse-noisette, Evgueni Onéguine, etc.).
En ce qui concerne les beaux-arts, le réalisme triomphe
enfin, avec les grandes oeuvres de Fedotov, fondateur
des Ambulants, qui constitue le plus important courant
dans le domaine et dont font partie les Levitan, Perov et
surtout Sourikov et Repine.
Le mécénat prend son envol et les entrepreneurs,
commerçants et industriels jouent un grand rôle dans le
développement de l’art. Les plus célèbres de ces
mécènes sont bien sûr les frères Tretiakov.
« Le matin de l’exécution des
Streltsy » (Vassili Sourikov)
« Les haleurs de la Volga »
(Ilya Repine)
5.2 – Sciences et techniques
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La Russie suit en ces matières les évolutions
occidentales. En sciences exactes, la période verra la
publication des travaux de certains des plus grands
scientifiques de l’histoire russe (Setchenov et Timiriazev
en biologie) ou universelle (Mendeleïev en Chimie).
En histoire, c’est l’époque des grands récits étatiques
(Soloviev) ou sociaux culturels (Klioutchevski), qui
contribuent à la formation d’une conscience nationale
russe.
Les techniques se développent aussi rapidement, surtout
dans les domaines des transports, de l’électricité et de la
pétrochimie : première ligne télégraphique du pays
(1852), premiers centraux téléphoniques (1882),
apparition de lanternes au gaz à Moscou (1862),
électrification des rues des grandes villes et construction
de la première centrale électrique du pays (1881).
6 – Alexandre III
6.1 – Contre réformes
- Montant sur le trône à la suite de l’assassinat de son
père, Alexandre III est convaincu que c’est le
libéralisme de ce dernier qui fut la cause de sa mort.
D’où un conservatisme virulent.
- La noblesse constituant l’assise du régime, la réduction
de ses pouvoirs et prérogatives est considérée comme
une erreur par le nouvel empereur.
- Trois domaines principaux seront l’objet de ces contreréformes, visant à revenir au moins partiellement à
l’ordre qui prévalait avec le règne d’Alexandre II : les
zemstvos, la justice et l’éducation.
Alexandre III (1881-1894)
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En ce qui concerne les zemstvos, l’axe principal
est le rétablissement de la centralisation et du
contrôle du gouvernement sur ces institutions.
En matière de justice, 3 éléments renouent avec
le contrôle tatillon du centre : en 1885, il est mis
fin à l’indépendance des juges ; en 1887, au
caractère public des procès et en 1889, à la
participation généralisée de jurys.
En éducation, il fait le même raisonnement que
Nicolas et considère que trop de liberté est nocif.
En ce sens, l’autonomie universitaire est de
nouveau supprimée et l’accès à l’éducation
supérieure restreint en fonction de la classe
sociale.
6.2 – Idéologie
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Comme partout ailleurs, le nationalisme se
développe. Mais dans un État multinational
comme la Russie, cela pose problème.
Apparu sous Alexandre II, le chauvinisme grand
russe atteint son apogée sous Alexandre III et
Nicolas II.
Politiquement, ce chauvinisme prend la forme de
politiques de russification et d’interdiction de
diverses langues nationales (polonais, ukrainien)
et de politiques discriminatoires contre les
Baltes, les Finlandais, etc.
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Dans la population, le marxisme s’infiltre dans le
mouvement ouvrier, poussant le régime à répliquer
par la carotte et le bâton.
Dans la première catégorie, on peut citer
l’interdiction des amendes, la réduction de la
journée de travail pour les femmes et les enfants,
les augmentations salariales, etc.
Dans la seconde catégorie, le remplacement de la 3e
section par l’Okhrana renforce les capacités
répressives du régime. C’est de cette époque que
datent les politiques d’infiltration de la gauche par
des agents de l’Okhrana.
Le populisme vit alors ces derniers jours, remplacé
par l’idéologie marxiste, beaucoup plus militante. Le
libéralisme recule aussi, laissant l’extrême gauche
presque seule face au régime.
Une faction populiste modérée survivra
cependant et donnera naissance à un marxisme
modéré (celui de Plekhanov).
- « Volonté du peuple » tente de survivre : un
attentat contre l’empereur échoue en 1887,
entraînant la condamnation à mort d’Alexandre
Oulianov.
- Une grande grève éclate en 1885, alors que dans
la capitale 11 000 travailleurs descendent dans
la rue pour réclamer de meilleures conditions de
travail. La réponse du régime est habituelle :
répression. Les meneurs sont arrêtés et déférés
devant les tribunaux… qui leur donnent raison.
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6.3 – Économie
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La révolution industrielle étant pour l’essentiel achevée,
Alexandre III s’emploie à développer l’industrie lourde
pour en faire le moteur économique du pays.
L’afflux des capitaux étrangers et la politique de l’État
vont permettre au pays d’afficher dans les années 90 les
meilleurs taux de croissance du monde.
Le réseau ferroviaire se développe rapidement : entre
1865 et 1890, le kilométrage de voies ferrées est
multiplié par 7. Cela permet le développement des
échanges commerciaux à l’intérieur (multipliés par 3)
comme à l’extérieur (multipliés par 4).
En agriculture, un ministère spécifique est créé en 1890.
Une banque paysanne est aussi mise en place et l’État
vient en aide à la paysannerie lors de la famine de 18911892.
6.4 – Politique étrangère
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L’histoire a donné à Alexandre III le titre de
« pacificateur » : le pays reste tout au long de son
règne en marge des conflits.
Le territoire continue cependant de s’accroître (450
000 km2) en Asie centrale, sans qu’il y ait besoin de
guerre.
Mais la Russie est sollicitée par les puissances
étrangères, alors que s’amorce la « montée des
périls » en Europe.
L’expansionnisme allemand pousse à une révision
des alliances et la Russie se rapproche alors de la
France, rapprochement qui donnera naissance à la
Triple Entente.
En Extrême-Orient, la volonté russe de contrôler la
zone suscite l’animosité japonaise, ce qui conduira
éventuellement à la guerre.
Nicolas II (1894-1917)
7 - La guerre russo-japonaise, la première
révolution et la Douma
7.1 – La guerre russo-japonaise
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À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, la
Russie se fait plus pressante à l’est (Chine et
Corée). L’une des raisons de ce rapprochement
est la présence du Royaume-Uni.
En 1896, un pacte de protection est conclu entre
la Chine et la Russie, qui obtient Port Arthur.
En 1898, la révolte des Boxers entraîne une
répression par les États colonialistes. La Russie en
profite pour annexer la Mandchourie.
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Afin de consolider ces gains territoriaux, la Russie
est tentée par une « petite guerre victorieuse »
contre le Japon, soutenu par le Royaume-Uni et
les États-Unis.
Les Japonais ouvrent les hostilités : la Russie est
battue sur terre comme sur mer. En 1904, les
Japonais occupent Port Arthur.
Au printemps 1905, la flotte de la Baltique,
dépêchée sur les lieux, est détruite. En juillet, les
Japonais débarquent sur Sakhaline, contraignant
la Russie à la paix.
Celle-ci est signée le 23 août 1905 : la Russie perd
Port Arthur et le sud de Sakhaline. La guerre a
entraîné des pertes de 400 000 hommes (morts,
blessés ou captifs) et déstabilisé considérablement
la situation interne au pays.
7.2 – La première révolution
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En ce début du siècle, la situation intérieure de l’empire
correspond à ce que Lénine nomme une « situation
révolutionnaire » : mécontentement général, situation de
cirse et faiblesse du pouvoir.
L’économie est en crise structurelle entre 1900 et 1903
et la sécheresse de 1903 entraîne un grand
mécontentement.
La croissance du prolétariat et son infiltration par des
révolutionnaires donnent naissance à un puissant
mouvement ouvrier.
Dans les campagnes aussi, la grogne monte : entre 1895
et 1899, on recensa 82 soulèvements paysans ; il y en
eut 670 entre 1900 et 1904.
En Pologne, en Ukraine et dans le Caucase, les
nationalistes s’agitent.
Et la guerre russo-japonaise tourne au désastre et
accroît le mécontentement populaire.
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Des agitateurs révolutionnaires s’activent dans tous
les secteurs de la société (sociaux-démocrates
ouvriers dans les villes et socialistes révolutionnaires
dans les campagnes). Le premier de ces deux partis
deviendra plus tard connu sous le nom de parti
bolchevique, après sa scission en deux composantes
en 1903.
Enfin, il y a crise au sommet de l’État : l’empereur est
très influençable et écoute beaucoup l’impératrice,
laquelle est conseillée par le « mage » Raspoutine.
Nicolas ne trouve rien d’autre que d’opposer la force
aux revendications de la société.
La technique d’infiltration mise au point par Zoubatov
aboutit à la manifestation pacifique du 9 janvier 1905,
dirigée par un agent de l’Okhrana, le pope Gapone.
Pour une raison encore inconnue, la police ouvre le
feu sur cette manifestation pacifique, et fait plusieurs
centaines de victimes. C’est le dimanche sanglant.
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Tout au long de l’année, l’opposition entre le
peuple et le pouvoir va crescendo. Ce dernier,
qui d’abord ne fait que recourir à la répression,
lâche du lest le 17 octobre 1905 : par un
manifeste il annonce la mise en place d’une
constitution (à débattre) et d’un système
représentatif.
Dès lors, le mouvement insurrectionnel
s’essouffle et les soviets, créés spontanément
dans la foulée des manifestations populaires,
disparaissent peu à peu. Visiblement, la majorité
de la population décide de laisser sa chance au
système.
7.3 – La Douma
- Le conseil accouche en 1906 d’un projet de loi
fondamentale pour le pays.
- Le prologue de la Loi affirme l’indivisibilité de l’État de
Russie et la prédominance de la langue russe.
- Le 1er chapitre définit la nature politique du régime), le
mode de fonctionnement de l’État et les prérogatives
de l’empereur.
- Le 2e chapitre précise les droits et devoirs des sujets
de l’Empire. Le 3e affirme la suprématie de la Loi et
fait de la Russie un État de droit.
- Les 4e et 5e chapitres définissent les prérogatives des
institutions de l’État, ainsi que l’organisation
administrative
- Les pouvoirs de la Douma sont très limités : elle a droit
de regard sur toutes les lois de l’État, mais ses avis ne
sont que consultatifs. Elle n’a que le droit de poser
des questions.
- Bref, au en ce qui concerne les institutions, c’est un
changement cosmétique, mais d’un point de vue légal
(surtout les articles 38 et 39 du second chapitre), c’est
une petite révolution.
- L’apparition de la Douma donne naissance à une foule de
partis politiques. On peut les classer en six catégories :
extrême droite, conservateurs, centre droit, libéraux,
centre gauche, extrême gauche.
- Dans la première Douma, les KD ont la majorité en
chambre, qui est très à gauche. Les KD, forts de leur
succès, exigent alors que la Douma soit considérée
comme le pouvoir législatif et la formation d’un
gouvernement responsable, mais Stolypine montre peu
d’enthousiasme à collaborer. Dans ce contexte, Nicolas
dissout la chambre le 3 juillet 1906 et convoque de
nouvelles élections.
- Mais la seconde Douma est encore plus à gauche : les KD
reculent et les partis radicaux prennent plus de place. Le
même problème se pose et la chambre est dissoute.
Stolypine apporte alors des modifications à loi électorale,
de façon à restreindre l’accès de la gauche.
- La troisième Douma sera la seule à mener son mandat à
terme. Comme le souhaitait Stolypine, elle est dominée
par le centre droit : les octobristes ont la majorité et
sont appuyés entre autres par la droite modérée.
- La quatrième Douma sera encore plus à droite : les
octobristes et la droite modérée perdent des plumes au
profit des nationalistes et de l’extrême droite. Les idées
gauchisantes ne sont presque plus représentées.
- Deux conséquences à cette évolution :
- 1— Positive : la Douma, à partir de la 3e mouture, sera
en mesure de collaborer avec le gouvernement et le
processus de réforme pourra donc débloquer.
- 2 – Négative : outre la mise à mal du principe de
représentativité de la Douma, cette évolution aura pour
effet de rejeter dans la clandestinité les formations de
gauche et de les inciter à reprendre la lutte
révolutionnaire. Ne pouvant plus faire passer leur
message autrement, les gauchistes en reviennent à
l’action armée.
- Grâce à l’appui de la Douma, Stolypine pourra en 1906 faire
adopter sa réforme agraire.
- 2 points principaux : abolition de la commune paysanne et
affranchissement complet des paysans, qui les met sur un
pied d’égalité juridique avec le reste de la population.
- Les troubles de 1905-1906 peuvent être ainsi schématisés :
au cours de cette période, 3 pôles de pouvoirs
apparaissent : le peuple, la bourgeoisie, la noblesse et
l’empereur.
- D’abord, la bourgeoisie instrumentalise les soulèvements
populaires, parvenant à imposer à l’empereur sa
participation aux affaires de l’État. Cela conduit à la Loi
fondamentale de 1906 et à la Douma. Puis, après la
révision des lois électorales, les représentants des classes
laborieuses sont exclus du parlement.
- Ainsi, la bourgeoisie a « volé » à la gauche le résultat de ses
efforts. Elle peut se délester de ses alliés et transformer
cette révolution populaire en révolution bourgeoise. Elle
sera ensuite très réceptive à la collaboration avec
l’empereur.
8 – La guerre, février et la fin des
Romanov
- De 1806 à 1810, les choses se calment et les grèves,
ainsi que les mouvements paysans, diminuent
d’intensité. L’économie prend du mieux, le milieu
culturel se développe et la Russie prend sa place de
puissance économique en Europe.
- Mais les problèmes politiques ne sont pas réglés pour
autant : la transformation de la Douma en un allié
fidèle lui enlève tout son crédit et l’agitation
révolutionnaire recommence.
- La société se remet à bouger. Les défaites qui
commencent alors à se succéder, alliées aux
difficultés économiques, augmentent encore ce
mécontentement.
- En 1916, Raspoutine est assassiné. Sur le front,
la situation est très mauvaise. Les soldats
désertent en masse et l’agitation révolutionnaire
reprend de plus belle à l’arrière.
- En février, après trois jours de grèves et de
manifestations dans la capitale, l’empereur,
abdique au profit de son fils le 27 février 1917.
- Dans les faits, il laisse le pouvoir entre les mains
des institutions de l’État, et la bourgeoisie
réussit alors à s’en emparer. Pas pour
longtemps.
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