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oici la quatrième fois que je m'adresse à vous en
tant que président du Groupe de la Banque
mondiale. Je tiens avant tout à remercier le
président de l'Assemblée, Wolfgang Ruttenstorfer,
et mon collègue et ami, Michel Camdessus, pour la qualité du
partenariat qui nous a liés pendant l'année écoulée.
Je voudrais aussi saluer le travail accompli par le Fonds au
cours d'une année qui a été caractérisée par de graves turbulences et rendre hommage à l'action menée par M. Camdessus
et ses collaborateurs pour répondre à des problèmes épineux
durant une période très difficile.
Comme nous en sommes tous conscients, le spectre d'une crise
mondiale plane sur cette Assemblée. Ce qui nous unit, c'est le
désir de préserver le bien-être commun, d'accueillir toutes les
idées, d'où qu'elles viennent, d'être à l'écoute de nos alliés
comme de nos détracteurs, pour trouver ensemble de nouvelles
solutions. Osons être audacieux.
Monsieur le Président, la situation est bien différente aujourd'hui
de ce qu'elle était quand je me suis adressé à vous l'année dernière.
Voici 12 mois, nous annoncions que la production mondiale avait
enregistré un bond de 5,6 %, taux inégalé depuis 20 ans. Voici
12 mois, l'Asie de l'Est vacillait, mais personne n'aurait prédit
l'ampleur de la catastrophe. Voici 12 mois, l'Asie du Sud, où
vivent 35 % des pauvres de la planète, n'avait pas encore procédé
à des essais nucléaires et semblait bien placée pour afficher pendant plusieurs années une croissance de 6 %, davantage peut-être.
Voici 12 mois, les pays en développement dans leur ensemble
s'avançaient dans la voie d'une croissance soutenue pour les dix
prochaines années. Voici 12 mois, l'avenir de la Russie, dirigée par
une solide équipe réformiste, inspirait l'optimisme.
4
LA CRISE FINANCIÈRE
Mt/[onsieur le Président, nous devons soulager ces
1
louffrances .
Nous devons voir plus loin que la stabilisation financière.
Nous devons nous attaquer aux questions de croissance
équitable à long terme qui conditionnent la prospérité et le
progrès de l'humanité. Nous devons axer notre action sur les
transformations institutionnelles et structurelles nécessaires
pour assurer la reprise et un développement durable. Nous
devons nous attaquer aux questions sociales.
Nous devons faire tout cela, car si nous n'avons pas les
moyens de faire face aux situations d'urgence sociales, si nous
n'avons pas de dessein à plus long terme pour mettre en place
des institutions fortes, si l'équité et la justice sociale restent de
vains mots, nous n'aurons pas de stabilité politique, et sans
stabilité politique, tout l'argent fourni dans tous les montages
financiers imaginables sera impuissant à nous assurer la
stabilité financière.
C'est pourquoi, à la Banque, nous nous efforçons de mettre en
oeuvre les mesures à court et à long terme indispensables à la
reprise d'une croissance durable.
Nous travaillons avec les gouvernements pour élaborer des
réformes financières, judiciaires et réglementaires, des lois sur
les faillites, des mesures de lutte contre la corruption et des
règles de gouvernance pour les entreprises, toutes essentielles
au rétablissement de la confiance du secteur privé. Avant
même que n'éclate la crise, nous avions participé à la réforme
du secteur financier dans 68 pays. À la demande de nos
actionnaires, nous avons accru d'un tiers nos capacités dans ce
domaine et nous consolidons notre leadership en matière de
gouvernance des entreprises.
5
Sur le plan social, nous restructurons nos portefeuilles pour les
recentrer précisément sur les programmes prioritaires qui
peuvent aider à bref délai les collectivités défavorisées. Nous
essayons de faire en sorte que les enfants restent scolarisés,
comme en Indonésie, où nous appuyons un programme qui
prévoit l'octroi de bourses d'étude à 2,5 millions d'enfants.
Nous créons des emplois: en Thaïlande, un fonds social a été
établi à cet effet. Nous mettons en place des dispositifs de protection sociale, comme en Corée, pays pour lequel nous avons
approuvé une série de prêts à l'ajustement structurel. Dans
toute la région, nous essayons d'assurer l'approvisionnement
en vivres, de fournir aux malades les médicaments dont leur
vie dépend, d'éviter l'interruption des programmes de santé et
d'éducation, et de protéger l'environnement. Nous essayons de
donner la priorité aux êtres humains.
Ce faisant, Monsieur le Président, nous avons appris que, s'il
est essentiel à tous égards d'élaborer des plans macroéconomiques bien adaptés, assortis de politiques budgétaires
et monétaires efficaces, les plans financiers ne suffisent pas.
Nous avons appris que, lorsque nous demandons aux gouvernements de prendre des mesures douloureuses pour mettre
leur économie en ordre, nous risquons de susciter des tensions
terribles. C'est la population qui souffre, pas le gouvernement.
Quand nous redressons les déséquilibres budgétaires, nous
devons savoir que des programmes qui permettent aux enfants
d'aller à l'école vont peut-être disparaître, que des programmes
de soins de santé pour les plus démunis vont peut-être disparaître, que des petites et moyennes entreprises, qui
fournissent un revenu à leur propriétaire et des emplois à
beaucoup de gens, vont peut-être se trouver à court de
crédit et faire faillite.
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qui permettent de mieux répartir la charge, des moyens qui ne
pénalisent pas aussi cruellement les travailleurs, les petites
entreprises, et d'autres victimes innocentes.
Le troisième doit être la protection sociale: si équitables et si
efficaces que soient nos méthodes d'intervention, et notre
tâche à cet égard est loin d'être terminée, il y aura toujours des
victimes innocentes. Les taux de chômage augmenteront. Nous
devons faire beaucoup mieux pour protéger ces victimes.
Monsieur le Président, à la demande des ministres des finances,
nous nous efforçons d'intensifier la collaboration entre la
Banque et le Fonds. Les ministres nous ont demandé de
réexaminer la division du travail entre nous. Nous l'avons
fait, dans un esprit de coopération authentique.
Il ne fait pas de doute que nous avons des rôles différents. Le
mandat du Fonds comprend la surveillance, les questions de
change, la balance des paiements et les politiques de
stabilisation axées sur la croissance et les moyens qui s'y
rapportent. La Banque s'occupe de la composition et du bienfondé des programmes et priorités de développement, y
compris des politiques structurelles et sectorielles. Elle est
donc responsable, en préparant la voie à un développement
durable, de la prévention des crises.
En cette période de crise, alors que le secteur privé retire ses
fonds des marchés émergents, que les ressources du FMI
sont mises à rude épreuve et que les nations plus riches ne
fournissent guère d'appui direct, nous savons qu'il nous
incombe de prêter à contre-cycle, d'intervenir là où l'on a
besoin d'aide. Pas seulement dans les pays en crise, mais dans
les nombreux pays membres qui poursuivent d'excellentes
politiques, mais dont les ressources sont laminées par la
9
contraction des capitaux sur les marchés mondiaux. Oui, nous
devons aider ces pays pour éviter qu'ils ne deviennent, eux
aussi, des pays en crise.
Oui, nous devons intervenir rapidement dans les pays en crise
pour que les réformes sociales, institutionnelles et politiques
prennent immédiatement racine et deviennent partie intégrante
du programme d'ensemble. Et aussi pour que les solutions
adoptées face à la crise facilitent la reprise à long terme.
Oui, nous devons intervenir rapidement pour apporter une aide
sociale d'urgence. Mais notre rôle est différent de celui du Fonds.
Nous pouvons prêter en cas d'urgence, mais les liquidités ne sont
pas de notre ressort. Étant donné notre structure financière et
notre obligation de respecter des limites de prêt prudentes, nous
ne pouvons pas nous méprendre sur certains arbitrages.
Si nous prêtons plus initialement, il nous restera moins pour
nous acquitter de notre mission de développement à long
terme. Moins pour l'IDA, moins pour les PPTE et moins pour
les pauvres des pays en crise. Pour chaque tâche nouvelle que
nous devrons assumer, il nous faudra évaluer avec le plus
grand soin les ressources additionnelles dont nous pourrons
avoir besoin. Nous sommes pour le moment dans une très
bonne position, grâce au capital et aux ressources dont nous
disposons et à l'ampleur de notre capital appelable, mais il
nous faudra néanmoins prendre garde à ne pas voir un jour
notre capacité d'action limitée par des contraintes financières.
Nous ne devons pas non plus ignorer la nécessité urgente
d'assurer le financement intégral des programmes destinés aux
pays les plus pauvres dans le cadre d'IDA-12 et de l'Initiative
PPTE. C'est à cet objectif que nous devrons donner la priorité
au cours des semaines et des mois à venir.
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LA NOUVELLE APPROCHE
M
onsieur le Président, quand nous considérons le rythme
et la profondeur des changements intervenus dans le
M
monde au cours des 12 mois écoulés, nous nous interrogeons,
comme vous tous ici, sur les enseignements qu'il nous
appartient de tirer de l'expérience. Comme vous tous, nous
nous demandons: Comment faire la prochaine fois pour éviter
ces mutations du paysage économique et socio-politique ?
Qu'avons-nous observé ?
Nous voyons que, dans l'économie mondiale de notre époque,
les pays peuvent investir dans l'éducation et la santé, peuvent
mettre en place les fondamentaux macroéconomiques,
peuvent construire des réseaux de télécommunications et des
infrastructures modernes. Ils peuvent faire tout cela, mais s'ils
n'ont pas un système financier adapté, s'ils n'ont pas
d'organismes de contrôle compétents, s'ils n'ont pas de
bonnes lois sur les faillites, s'ils n'ont pas de lois sur la concurrence et des cadres réglementaires efficaces, s'ils n'ont pas de
normes de transparence et des méthodes comptables, leur
développement est fragile et éphémère.
Nous voyons que, dans l'économie mondiale de notre époque,
les pays peuvent évoluer vers l'économie de marché, peuvent
privatiser, démanteler les monopoles d'État, réduire les subventions publiques, mais s'ils ne combattent pas la corruption
et n'imposent pas des méthodes de bonne gestion des affaires
publiques, s'ils n'ont pas de systèmes de protection sociale,
s'ils n'ont pas obtenu de consensus politique et social en
faveur des réformes, si le peuple n'est pas à l'unisson du
gouvernement, leur développement est fragile et éphémère.
Nous voyons que, dans l'économie mondiale de notre époque,
les pays peuvent attirer des capitaux privés, bâtir un système
il
bancaire et financier, connaître la croissance, investir dans les
êtres humains - du moins certains êtres humains -, mais s'ils
marginalisent les pauvres, s'ils marginalisent les femmes et les
minorités autochtones, s'ils n'ont pas une politique d'insertion,
leur développement est fragile et éphémère.
Nous voyons, Monsieur le Président, que dans l'économie
mondiale qui est la nôtre, c'est la totalité des changements faits
dans un pays qui compte.
Le développement n'est pas simplement une question
d'ajustement. Le développement n'est pas simplement une
question de budget et de saine gestion financière. Le développement n'est pas simplement une question d'éducation et de
santé. Le développement n'est pas simplement une question de
remèdes de technocrates.
Le développement, c'est une affaire de macroéconomie, bien
sûr, mais c'est aussi construire des routes, donner aux gens le
pouvoir d'agir, rédiger des lois, reconnaître aux femmes leur
juste place, éliminer la corruption, instruire les filles, développer le système bancaire, protéger l'environnement, vacciner les
enfants.
Le développement, c'est mettre en place toutes les pièces, en
même temps et dans l'harmonie.
Ce modèle de développement équilibré est celui qui convient à
l'Asie de l'Est et à la Russie. C'est celui qui convient aussi à
l'Afrique, à l'Amérique latine, au Moyen-Orient. C'est celui qui
convient aux économies en transition d'Europe centrale et
orientale et d'Eurasie. Monsieur le Président, c'est le modèle
qui convient à nous tous.
12
L'idée suivant laquelle le développement est un tout, et
nécessite un programme économique et social équilibré, n'a
rien de révolutionnaire. Pour autant, ce n'est pas l'approche
que la communauté internationale a suivie jusqu'à présent.
Nous avons réalisé des programmes et des projets magnifiques
au cours de toutes ces années, mais nous les avons trop rarement
incorporés à un grand dessein. Combien de fois avons-nous
adopté un point de vue trop étroit des transformations économiques nécessaires, pour nous concentrer sur les résultats
macroéconomiques ou sur les grandes réformes telles que la
privatisation, sans prêter attention à l'infrastructure institutionnelle fondamentale sans laquelle aucune économie de
marché ne peut fonctionner ? Au lieu d'encourager la
création de biens, combien de fois avons-nous malencontreusement encouragé le démembrement d'actifs ?
Combien de fois avons-nous poursuivi un objectif purement
économique, sans nous arrêter suffisamment sur les aspects
sociaux, politiques, environnementaux et culturels ?
Combien de fois avons-nous négligé la structure d'ensemble
dont les pays ont besoin pour évoluer harmonieusement vers
le type d'économie que leurs citoyens et leurs dirigeants ont
choisi ? Combien de fois n'avons-nous pas suffisamment songé
aux points vulnérables, ces secteurs de l'économie qui peuvent
faire s'écrouler tout l'édifice ? Ou bien à la viabilité: Comment
assurer la pérennité des transformations économiques et sociales ?
Sans cela, peut-être construirons-nous une nouvelle architecture
financière internationale, mais ce sera un château de cartes.
Monsieur le Président, permettez-moi de proposer une idée
qui peut contribuer à remédier à certaines de ces déficiences.
13
Le FMI a un cadre général qu'il examine chaque année avec ses
pays clients, un cadre que les ministres des finances, que nous
tous utilisons pour évaluer la performance macroéconomique
de chaque pays.
Aujourd'hui, dans le sillage de la crise, il nous faut un deuxième
cadre, un cadre qui porte sur le déroulement des réformes
structurelles nécessaires pour assurer la croissance à long terme,
un cadre qui englobe aussi la comptabilité humaine et sociale,
l'environnement, la condition féminine, le développement rural,
les populations autochtones, le développement des infrastructures, et d'autres éléments encore...
Voilà pourquoi, pendant nos débats, nous parlons de plus en plus,
à la Banque, d'une approche différente. Une approche qui n'est pas
imposée par nous à nos clients, mais élaborée par eux, avec notre
aide. Une approche qui, par-delà les projets, nous amène à réfléchir
avec beaucoup plus de rigueur à ce qui fait que le développement,
au sens le plus large du terme, peut être durable.
Monsieur le Président, nous avons besoin d'un nouveau cadre
de développement.
Arrêtons-nous un moment sur ses grands axes.
En premier lieu, ils définiraient les principes essentiels de la
bonne gouvernance: transparence, possibilité pour tous de
faire entendre leur voix, libre circulation de l'information,
volonté de combattre la corruption, et une fonction publique
compétente, convenablement rémunérée.
En deuxième lieu, ils préciseraient les éléments réglementaires
et institutionnels essentiels au bon fonctionnement d'une
14
économie de marché: un système juridique et fiscal excluant
l'arbitraire, assurant la sécurité des biens et le respect des
contrats, permettant une réelle concurrence, et imposant des
procédures cohérentes et efficaces de règlement des différends
judiciaires et des faillites, un système financier moderne,
transparent et bien supervisé, tout traitement de faveur étant
proscrit, et complété par des règles de comptabilité et d'audit
pour le secteur privé reconnues dans le monde entier.
En troisième lieu, nos grands axes impliqueraient des politiques d'insertion: l'instruction pour tous, en particulier pour
les femmes et pour les filles, la santé, la protection sociale
des sans-emploi, des personnes âgées et des handicapés, le
développement des jeunes enfants, l'apprentissage des soins à
donner aux enfants dans des centres de santé maternelle et
infantile.
En quatrième lieu, nos grands axes comprendraient les services publics et les infrastructures nécessaires aux communications et aux transports. Les routes de campagne et les
grands axes routiers. Des politiques d'urbanisme qui rendent
les villes vivables et qui s'attaquent sans tarder aux problèmes
des agglomérations en expansion, et non pas dans 25 ans,
lorsqu'ils seront devenus écrasants. En même temps que cette
stratégie pour les villes, un programme de développement
rural, prévoyant non seulement des services agricoles, mais
des services de commercialisation et de financement, et des
moyens de propager le savoir et l'expérience.
En cinquième lieu, nos grands axes engloberaient des objectifs
qui assureraient la pérennité écologique et humaine du développement, si essentielle à la réussite à long terme et à l'avenir de cette
planète que nous partageons: l'eau, l'énergie, la sécurité alimen-
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taire, autant de questions qui doivent être abordées à l'échelle
mondiale. Et nous devons veiller à ce que la culture de chaque pays
soit préservée et enrichie, afin que le développement soit fondé sur
des bases fermes et s'enracine dans l'histoire. Tout cela s'appuyant,
bien entendu, sur un plan macroéconomique favorable et stable et
des relations commerciales ouvertes.
Peut-être n'est-ce pas une liste exhaustive. Elle variera bien sûr
d'un pays à un autre, selon les priorités des gouvernements,
des assemblées parlementaires et de la société civile, mais je
gage qu'elle va à l'essentiel.
Monsieur le Président, nous devons tirer les leçons du passé.
Ce qui est critique, c'est tout autant la façon dont ces axes
seront élaborés et appliqués que ce qu'ils représentent.
Ce qui compte, c'est d'avoir l'adhésion des parties prenantes.
Les pays et leur gouvernement doivent être aux postes de
commande et, comme l'expérience l'a montré, la population
doit être consultée et écoutée.
Ce qui compte, c'est d'obtenir la participation des intéressés,
non seulement pour améliorer l'efficacité du développement,
comme le prouvent nos études récentes, mais aussi pour assurer la pérennité des résultats obtenus et les faire fructifier.
N'oublions jamais que c'est aux pays et à la population
d'établir leurs priorités et n'oublions jamais que nous ne
pouvons, ni ne devons, forcer le développement à coup de
diktats venus d'en haut, ou de l'étranger.
Monsieur le Président, dans les réunions de la Banque, nous
nous posons les questions toutes simples que voici:
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Et si les gouvernements pouvaient ouvrir un dialogue avec la
société civile, avec le secteur privé, pour décider des priorités
nationales à long terme ? Et si les bailleurs de fonds pouvaient
alors se présenter et coordonner leur action, en laissant aux
pays la direction des opérations, avec l'adhésion et la participation de la population ? Et si ces stratégies pouvaient avoir
un horizon à cinq, dix ou vingt ans, pour que le développement puisse réellement prendre racine et étendre ses ramifications, et pour qu'on puisse suivre son évolution au jour le
jour ? Trop ambitieux, nous dira-t-on, une vue de l'esprit. Et si
je vous disais que c'est déjà ce qui se passe ?
Aujourd'hui, en El Salvador, il existe une commission nationale
pour la paix, née de la guerre civile qui, avec la société civile,
le secteur privé et le gouvernement, formule les priorités du
pays. Afin que ces priorités survivent aux gouvernements
successifs et deviennent partie intégrante d'un consensus
national sur l'avenir. Le Guatemala a également suivi cette
voie, et d'autres pays d'Amérique latine envisagent de le
faire.
Au Ghana, l'année dernière, le gouvernement a organisé un
forum économique national à Accra, auquel ont participé les
dirigeants politiques, des personnalités influentes et un grand
nombre de parties prenantes. Ce forum a débouché sur des
propositions concrètes, des objectifs pour ralentir l'inflation,
des politiques sectorielles pour l'agriculture et le développement humain, et des objectifs macroéconomiques.
En Inde, le Premier ministre de l'État d'Andhra Pradesh, un État
de 70 millions d'habitants, a un programme à l'horizon 2020. Un
programme d'alphabétisation, d'élargissement des services de
santé publique, de création d'emplois, de promotion des femmes,
de développement des zones à la traîne, de mise en place de filets
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de sécurité, un programme assorti d'objectifs faciles à contrôler et
qui seront vérifiés régulièrement.
El Salvador, le Guatemala, le Ghana, l'Inde, et d'autres pays
encore qui suivent à leur manière cette démarche, le Brésil, le
Mozambique... Ces pays ne sont pas revenus à la planification
centralisée. Bien au contraire, ce sont des pays qui, en collaboration avec les parties prenantes, font des plans d'avenir,
comme toute entreprise prospère.
Monsieur le Président, nous ne devons pas avoir l'arrogance de
penser que c'est à nous, à la Banque ou à la communauté des
bailleurs de fonds, de tracer ces plans. Nous pouvons toutefois
avoir un important effet de catalyseur.
Je propose que, au cours des deux ou trois prochaines années,
nous collaborions dans une nouvelle optique avec les gouvernements intéressés à l'élaboration de plans d'action
intégrés, sous le signe d'une vision stratégique plus précise.
Si nous pouvons, dans chaque région du monde, trouver
deux pays qui acceptent de tenter l'expérience, nous vous
exposerons les résultats de nos efforts à l'issue de cette période.
Nous devons collaborer avec nos partenaires de la communauté
des bailleurs de fonds pour voir comment nous pouvons, en
liaison étroite avec les pays concernés, élaborer des stratégies
concertées, des missions conjointes et des objectifs communs
et, ce faisant, mettre un terme à des doublons qui gaspillent de
précieuses ressources, exacerbent les tensions et font perdre
patience aux clients.
Sur le plan interne, nous devons poursuivre les efforts
entrepris pour passer de l'approche axée sur les projets à une
approche globale de l'effort nécessaire au développement d'un
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pays. Cela implique que, dans une optique à long terme, nous
nous demandions, pour chacun de nos projets, comment il
s'intègre au dessein général, comment il peut être étendu à
l'échelle de tout le pays, comment l'opération peut être échelonnée sur cinq, dix, vingt ans, de manière non seulement à
remporter l'adhésion sans réserve du pays, mais aussi être
viable et devenir partie intégrante de la stratégie et de la trame
du développement général de la société intéressée.
Dans certains cas, il nous faudra considérer des stratégies non
plus nationales, mais régionales, pour mieux exploiter les
économies d'échelle. Il nous faudra aussi songer à des
stratégies mondiales dans le cas des biens publics mondiaux.
J'entends par là non seulement l'assainissement de l'environnement, dont il est si souvent question, mais aussi le climat
économique international, l'instabilité qui nous préoccupe tant
aujourd'hui, et le savoir qui, nous le réalisons de plus en plus,
est la clé du succès du développement.
Monsieur le Président, nous parlons ici d'un nouveau
partenariat pour le développement.
Un partenariat dirigé par les gouvernements et les parlements
nationaux, avec l'appui de la société civile, et le concours du
secteur privé local et international, et des bailleurs de fonds
bilatéraux et multilatéraux. Un partenariat qui se fixe des
objectifs mesurables et des parcours beaucoup mieux balisés.
Mais avant tout, un partenariat dans le cadre duquel nous,
membres de la communauté des bailleurs de fonds, devons
apprendre à former une vraie équipe et à laisser d'autres que
nous prendre la direction des opérations.
Je tiens à vous assurer, Monsieur le Président, que ce partenariat est le seul que veuille le Groupe de la Banque mondiale.
19
Cessons de défendre des chasses gardées. L'important, ce n'est
pas de savoir qui décide, qui obéit, qui met son nom sur un projet
ou qui est anonyme. L'important, c'est de travailler ensemble
pour parvenir au but.
Monsieur le Président, si c'était une année ordinaire, je serais
arrivé au point de mon discours où je récapitulerais les
réalisations de la Banque. Mais ce n'est pas une année
ordinaire. Réjouissez-vous, je ne mentionnerai ni notre
rénovation interne, ni les résultats que nous avons obtenus et
les défis qu'il nous faut encore relever. Je m'entretiens
régulièrement de ces questions avec nos Administrateurs, que
je remercie de leurs conseils et de leur dévouement. Je suis
aussi très heureux de l'appui témoigné par les ministres au
sujet de notre programme de rénovation et des améliorations
que nous avons apportées pour accroître l'efficacité des
activités de développement. Certes, nous entendons
poursuivre ce programme, mais il serait déplacé de parler de
tâches domestiques pendant que le village brûle.
Deux mots cependant. En premier lieu, je tiens à remercier le
personnel du Groupe de la Banque mondiale, dont je suis
extrêmement fier, de la tâche extraordinaire qu'il a accomplie
cette année. Cette équipe, dont le dévouement et la détermination sont bien connus, n'a d'égale nulle part dans le
monde.
En second lieu, je souhaite remercier Jannik Lindbaek, viceprésident exécutif de la SFI, et Akiro lida, vice-président
exécutif de l'AMGI, pour ce qu'ils ont accompli au cours des
cinq dernières années. J'ai aussi le plaisir de souhaiter la
bienvenue à Peter Woicke, qui prendra bientôt la direction des
opérations de la SFI, et Motomichi Ikawa, qui a pris les rênes
de l'AMGI.
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CONCLUSION
M /[onsieur le Président, cette année les crises financières
Mvlfont la une des journaux. Cette année, nous nous
demandons comment éviter ces crises à l'avenir. Cette année,
nous accordons toute notre attention à l'architecture financière, la restructuration des entreprises et la création de solides
filets de sécurité qui contribuent aussi bien à prévenir les
crises qu'à y remédier. Cette année, nous commençons à
comprendre que nous ne connaissons pas toutes les réponses.
N'en restons pas à l'analyse financière. N'en restons pas à
l'architecture financière. N'en restons pas aux réformes du
secteur financier.
C'est maintenant le moment de lancer un débat de portée
mondiale sur l'architecture, bien sûr, mais aussi sur les
fondations du développement. C'est le moment de montrer
que nous pouvons adopter une optique plus vaste et plus
harmonieuse. C'est le moment de reconnaître qu'une crise
silencieuse se prépare à l'horizon.
Une crise démographique, car la planète comptera 3 milliards
d'habitants de plus d'ici 25 ans. Une crise mondiale de l'eau,
car 2 milliards d'individus connaîtront des pénuries chroniques d'ici 2025. Une crise urbaine, car la population des
villes triplera au cours des 30 prochaines années. Car d'ici
2020, les deux tiers de la population africaine vivront dans les
villes, des villes où, aujourd'hui, la croissance économique est
nulle. Une crise alimentaire, car la production vivrière devra
doubler au cours des 30 années à venir pour ne pas compromettre la sécurité alimentaire.
Une crise humaine, Monsieur le Président, une crise humaine
dont le monde développé ne pourra pas se démarquer. Une
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crise humaine qui ne sera résolue que si nous nous attaquons
au problème fondamental de l'interdépendance incontournable
du monde développé et du monde en développement. Une
crise humaine qui ne sera pas résolue tant que nous n'adopterons
pas une perspective globale du développement et de la riposte
à la crise, prenant en compte simultanément les aspects financiers, sociaux, politiques, institutionnels, culturels et environnementaux de la société.
Monsieur le Président, les pauvres ne peuvent attendre patiemment la fin de nos délibérations. Les pauvres ne peuvent pas
attendre pendant que nous discourons sur l'architecture
financière. Les pauvres ne peuvent pas attendre que nous
comprenions, trop tard, que la crise touche l'humanité tout
entière.
L'enfant des rues de Bangkok doit retourner à l'école. La mère
ne doit pas mourir en couches dans son taudis de Calcutta.
Dans ce village malien, le père doit pouvoir envisager l'avenir
à plus d'une journée d'échéance.
Tandis que les marchés s'effondrent et que la pauvreté monte
en flèche, notre responsabilité commune et notre intérêt commun, à nous qui sommes réunis dans cette salle, consistent à
promouvoir la prospérité dans les pays en développement et
sur les marchés émergents. Tandis que les marchés s'effondrent et que la pauvreté monte en flèche, notre responsabilité
commune, à nous qui sommes réunis dans cette salle, consiste
à mettre en place des politiques qui peuvent aider ces pays à
sortir de la crise.
En dernière analyse, Monsieur le Président, nous réussirons
ou nous coulerons ensemble. Pour l'avenir de nos enfants,
22
nous devons reconnaître qu'ils vivent dans un monde où
tout est lié, par les communications et les échanges, par les
marchés, par les flux financiers, par l'environnement et par
des ressources communes, liés enfin par des aspirations
communes.
Soyons réalistes et prévoyants, faisons preuve de courage,
raisonnons à l'échelle mondiale pour décider de l'allocation de
nos ressources, et nous pourrons laisser à nos enfants un
monde plus pacifique et plus juste. Un monde où la pauvreté
et la souffrance seront moins répandues. Un monde où tous
les enfants auront des raisons d'espérer.
Un rêve ? Non, un devoir.
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