Rapport sur le séminaire : Mécano-sensibilité active des cellules

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Rapport sur le séminaire :
Mécano-sensibilité active des cellules ciliées de l’oreille interne
Rapport écrit par Raphaël Raynaud et Gautier Solard
Séminaire du mardi 30 septembre 2008 présenté par Pascal Martin
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Présentation de l’oreille
La fonction de l’oreille est de transcrire un signal mécanique, l’onde sonore, en un signal électrique
(signal nerveux qui sera par la suite interprété par le cerveau). L’oreille est constituée d’un pavillon qui
permet de capter les différents sons présents. Les ondes sonores utilisent ensuite le tympan comme une
peau de tambour. Enfin, différents os (marteau, enclume et étrier) transmettent ce signal mécanique
jusqu’à l’oreille interne et plus précisément jusqu’à la cochlée.
L’oreille est très performante dans différents domaines. Ainsi, chez l’être humain, elle peut interpréter
des signaux de fréquence 20Hz-20kHz (et jusqu’à 100 kHz chez certains animaux). En ce qui concerne la
sensibilité, c’est bien souvent le bruit thermique qui est la limite de l’oreille. L’oreille a également une
très bonne discrimination différentielle : la différence de fréquence relative perceptible par l’oreille est de
0.5%.
L’oreille a aussi la particularité d’être un récepteur non linéaire. En effet, les stimulus s’étalent de
20 µPa à 20 Pa (ce qui en énergie correspond à 12 ordres de grandeur), et la réponse fournie par l’oreille
est comprise entre 1 et 100 nm. De plus, jusqu’à la moitié du XXe siècle, on a cru que l’oreille était un
récepteur passif. Or l’oreille interne baigne dans un fluide visqueux ; il faut donc alimenter l’oreille en
énergie pour qu’elle fonctionne correctement.
Un autre phénomène intéressant qui concerne l’oreille est qu’elle émet des sons. En effet, certaines
fréquences bien précises sont émises par l’oreille, ces fréquences dépendant de l’espèce considérée.
Fig. 1: Différentes fréquences émises par l’oreille (source : G.A. Manley and C. Köppl, 1998)
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La cellule ciliée
Nous allons maintenant nous intéresser à la cellule qui se charge de la transduction effective du son
en signal nerveux : la cellule ciliée. Comme son nom l’indique, cette cellule possède des cils qui vont jouer
un rôle essentiel dans la transduction.
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Fig. 2: Cellule ciliée (source : Hudspeth)
Comme on peut le voir sur la figure 2, les cils forment un cône, appelé la touffe ciliaire, et le plus
grand cil possède un bulbe à son extrémité. Ce bulbe va permettre à une tige d’aspirer la touffe ciliaire,
ce qui donne un contrôle direct sur la cellule ciliée. Il est à noter que lorsqu’on exerce ainsi une force
sur la touffe ciliaire, les cils pivotent mais ne plient pas. Ce mécanisme est à l’origine de la transduction
mécano-électrique.
Fig. 3: La touffe ciliaire en mouvement
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En effet, lorsque la touffe est penchée, du calcium pénètre à l’intérieur de la cellule et, par une suite
de réactions chimiques, des neuro-transmetteurs (du glutamate) sont émis et induisent un signal nerveux.
On peut visualiser directement cette entrée de calcium à l’intérieur de la cellule grâce à un marqueur
coloré.
Fig. 4: A gauche, une cellule ciliaire au repos avec peu de calcium à l’intérieur ; à droite, une cellule
ciliaire étirée qui présente nettement plus de calcium (source : Hudspeth)
L’entrée du calcium dans la cellule se fait par un processus mécanique simple : les cils sont reliés
entre eux à l’aide de petits filaments qui contrôlent l’ouverture de petites trappes. On peut modéliser ces
filaments par des ressorts et en déduire la dynamique correspondante.
Fig. 5: A gauche, une photo des filaments et des trappes ; à droite, le mécanisme d’ouverture (source :
Corey and Hudspeth, 1983)
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En traçant l’intensité parcourant un nerf en fonction du déplacement de la touffe ciliaire, on obtient
la sigmoïde suivante :
Fig. 6: Relation entre le courant et le déplacement (source : Crawford et al., 1989)
On remarque que le point de fonctionnement x = 0 qui correspond à une oreille au repos est situé
dans la partie de la courbe où la pente est la plus prononcée ce qui permet une réponse très sensible aux
fluctuations. On peut retrouver cette sigmoïde grâce à un modèle très simple. On suppose que chaque
trappe n’a que deux états : ouvert et fermé. Lorsque la trappe est fermée et qu’on déplace d’une longueur
x la touffe ciliaire, le ressort se tend et a une énergie 21 k(x + xr )2 où k est la raideur du ressort et xr est la
longueur du ressort lorsque x = 0. En revanche, lorsque la trappe est ouverte, l’énergie devient (toujours
pour un déplacement de la touffe de x) 21 k(x + xr − d)2 où d est la longueur sur laquelle la trappe s’ouvre.
En appliquant une statistique de Boltzmann à ce problème, on trouve que la probabilité qu’une trappe
soit ouverte en fonction d’un déplacement x est :
1
0)
1 + exp(− kd(x−x
)
kb T
avec x0 une distance caractéristique. On retrouve ainsi (en supposant que le courant soit proportionnel
au nombre de trappes ouvertes) la sigmoïde souhaitée.
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L’amplificateur ciliaire
On cherche ici à expliquer et caractériser le phénomène d’émission de sons à des fréquences très
précises par l’oreille. On constate que lorsqu’on observe des touffes ciliaires en l’absence de stimulus, les
cils vibrent. En outre, ces oscillations ne sont pas sinusoïdales mais présentent un profil plus carré. Ainsi,
lorsqu’on trace le spectre de ces émissions (cf. figure 7), on trouve une large bande de fréquence autour
d’une fréquence centrale : l’émission sonore est bruitée.
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Fig. 7: Distribution spectrale de l’émission sonore de l’oreille
Pour étudier les propriétés mécaniques de cet objet, on fixe une fibre flexible sur le bulbe de la touffe
ciliaire. On agite ensuite la fibre à une certaine fréquence et on étudie la réponse. On obtient alors les
graphes suivants :
Fig. 8: Réponse de la touffe ciliaire en sensibilité et en phase suite à une excitation sinusoïdale. La
fréquence de vibration spontanée des touffes ciliaires est d’environ 8 Hz. Les points noirs correspondent
à une touffe ciliaire présentant une oscillation spontanée, les points blancs correspondent à des cellules
non oscillantes.
On voit ainsi que l’oscillation spontanée des cellules joue un rôle fondamental dans la perception
sonore, puisque les stimuli sont amplifiés aux abords de la fréquence de résonance. Or, dans l’oreille, les
cellules ciliées sont rangées par ordre de fréquence propre : celles dont la fréquence propre est élevée sont
situées à l’entrée de la cochlée, les cellules qui perçoivent les sons les plus graves se trouvent tout au fond.
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Ce mécanisme explique aussi la non linéarité de l’oreille. En effet, si on trace la réponse en fonction
du déplacement ciliaire, on trouve la courbe suivante :
Fig. 9: Réponse de la touffe en fonction du déplacement ciliaire pour deux fréquences différentes (8 Hz
correspondant à la fréquence d’oscillation spontanée de la cellule)
On peut également montrer que cet effet d’amplification à la fréquence propre augmente avec le
nombre de cellules, ce qui explique la sensibilité de l’oreille.
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Mécanique de la touffe ciliaire
Nous allons maintenant nous intéresser au mécanisme exact responsable de l’oscillation spontanée.
Pour cela, on étudie la force nécessaire pour déplacer la touffe ciliaire d’une longueur x. Voici ce que
donnent les résultats :
Fig. 10: Force nécessaire pour effectuer un déplacement de x de la touffe ciliaire
On observe un changement de pente qui peut paraître surprenant au premier abord mais qui s’explique
en fait par l’ouverture et la fermeture de la trappe. En effet, un moteur moléculaire est responsable de
l’ouverture de la trappe. Il y a donc une compétition entre le moteur moléculaire et le filament reliant les
cils entre eux. La nature oscillante de ce système dynamique résulte d’une rétroaction négative du calcium
sur le moteur moléculaire : en présence de calcium, la force exercée par le moteur moléculaire diminue.
Ainsi, dans une position où le ressort tire plus fort que le moteur, x diminue et les trappes se referment.
A cause de son inertie (la pente négative sur la courbe), le système dépasse le point de fonctionnement
à l’équilibre, ce qui a pour effet de fermer les trappes. L’entrée de calcium dans le cil est alors stoppée
et le moteur exerce donc une force plus grande que celle du ressort. Le déplacement du cil x augmente
jusqu’à dépasser le point de fonctionnement à cause de l’inertie du système. Un nouveau cycle peut alors
recommencer. On obtient ainsi un mouvement oscillant à une fréquence bien précise. Lorsqu’on modélise
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ce système dynamique par des équations et que l’on effectue des simulations, les résultats concordent très
bien avec l’expérience.
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