les textes de l`exposition

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MOUCHES
Textes de l’exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
Les mouches ? Vous croyez les connaître, ces petites bestioles qui s’invitent
partout avec effronterie. Ces mal aimées, qui voudrait s’y intéresser, sinon
pour les exterminer ?
Mais la mouche des maisons est l’arbre qui cache la forêt - l’extraordinaire
diversité, l’inventivité exubérante de la vie.
Mouches, moustiques ou moucherons: ces termes du langage courant
s’appliquent tous à des Diptères, les «mouches à deux ailes» des
entomologistes.
Ce sont les MOUCHES de cette exposition.
Une charogne
Chœur et solistes
Écoute !... Ecoute le bruit de leurs ailes, pareil au ronflement
d'une forge. Elles nous entourent, Oreste. Elles nous
guettent; tout à l'heure elles s'abattront sur nous, et je
sentirai mille pattes gluantes sur mon corps.
Les mouches. Jean-Paul Sartre
Volière
Mouche domestique Musca domestica
Cette souche de mouche domestique est dite «sensible»,
c’est-à-dire qu’elle ne présente aucune résistance aux
insecticides. Il s’agit de la souche de référence de l’OMS.
Elevée en laboratoire, elle est exempte de germes infectieux.
Elevage assuré par Novartis, Centre de Recherche Santé
animale SA, St-Aubin FR.
Mangeurs de chair
En guise de palais, je vous donnerai le trou d’un tombeau,
obscur et puant, en guise de mets délicieux, des vers qui
rongent de l’intérieur les chairs pourries.
La Dança general de la Muerte. Espagne, XVe siècle
Charogne
Eboueurs de la nature
Il suffit de 3 semaines environ aux asticots nés des
pontes de quelques mouches vertes Lucilia sericata
pour venir à bout du cadavre d’un petit animal de la
taille d’un lapin. Seuls les os, la peau et les poils ne
sont pas consommés, mais d’autres espèces de
diptères ou de coléoptères s’en chargeront.
Elevage: Novartis, Centre de Recherche Santé animale SA,
St-Aubin FR.
Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;
Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.
Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s'élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.
Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.
Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.
Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un œil fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.
Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
À cette horrible infection,
Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !
Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.
Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés !
Charles Baudelaire
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
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Asticothérapie ou biochirurgie
Cette méthode thérapeutique utilise les asticots de la mouche verte Lucilia
sericata, pour le nettoyage des plaies et le traitement de certaines
affections difficiles à soigner par d’autres moyens: gangrène, ostéomyélite
chronique (infection bactérienne osseuse), fractures multiples.
Les asticots, élevés stérilement, sont déposés sur les plaies infectées. Ils se nourrissent
de la chair morte, éliminant les tissus nécrosés. Ils favorisent en outre la cicatrisation des
tissus sains.
Mise au point après la Première Guerre mondiale, l’asticothérapie avait été abandonnée
au moment de l’apparition des antibiotiques dans les années 1940. Avec les phénomènes
de plus en plus fréquents de résistance des microbes aux antibiotiques, elle a fait sa
réapparition récemment, y compris en Suisse.
Malheureusement, un des principaux obstacles à une plus large utilisation de cette
technique semble être d’ordre psychologique…
L’idée d’utiliser des asticots pour le nettoyage des plaies peut paraître profondément répugnante, et
pourtant ces techniques étaient connues depuis longtemps de certaines médecines traditionnelles. Au
XVIe siècle, le grand chirurgien Ambroise Paré avait remarqué la belle apparence et la rapide
cicatrisation des plaies résultant de blessures si des larves de mouches s’y trouvaient. En 1917, le
chirurgien américain William Baer fit les mêmes observations chez des soldats abandonnés durant
plusieurs jours sur un champ de bataille.
Les larves de Lucilia sericata se développent dans toutes sortes de matières animales ou végétales en
décomposition. La mouche pond aussi ses œufs dans les blessures ouvertes des bestiaux, où les
larves se développent. Baer proposa une méthode de stérilisation des œufs de cette mouche pour
l’utilisation chirurgicale des larves. L’asticothérapie était née !
vidéo
Asticothérapie/ 1 minute
Source: La guerre des mouches, Thierry Berrod ©1999 Mona Lisa Production
Buveurs de sang
Maudite créature de caste méprisée, qui te délectes à sucer le sang de l’homme.
Fables. Phèdre
Chaque année, un demi-milliard d’êtres humains contractent une maladie
suite à la piqûre d’un insecte hématophage (le vecteur). Parmi ces
« mangeurs de sang », mouches et moustiques jouent un rôle majeur.
Après avoir piqué un mammifère ou un oiseau porteur du germe (l’hôte),
ces diptères transportent, bien malgré eux, le parasite (l’agent de la
maladie) et l’inoculent à un nouvel hôte (par exemple l’Homme) lors de leur
prochain repas de sang. Toutes maladies confondues, le bilan annuel est
lourd : près de 2 millions de morts.
La malaria n'est pas plus dangereuse qu'une mauvaise grippe; le premier médecin venu vous le confirmera. Tout
de même, elle profite de l'idée qu'on s'en faisait. Elle rend trembleur, faible, et désireux que les choses vous
soient extrêmement facilitées. On ne songe qu'à dormir, et le lit est bon. Mais voilà, il y a les mouches!
J'aurai longtemps vécu sans savoir grand-chose de la haine. Aujourd'hui j'ai la haine des mouches. Y penser
seulement me met les larmes aux yeux. Une vie entièrement consacrée à leur nuire m'apparaîtrait comme un très
beau destin.
L'usage du monde. Nicolas Bouvier
Textes
de
l'exposition
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Maladies (textes sur lits)
Les Leishmanioses
Les responsables de ces maladies sont des protozoaires du genre Leishmania. Ces êtres unicellulaires
microscopiques sont aspirés avec le sang lors du repas de l’insecte. Le protozoaire le plus connu est Leishmania
donovani, agent des leishmanioses viscérales (appelées aussi kala-azar).
Des moucherons minuscules, les phlébotomes, sont les seuls vecteurs connus des Leishmania. Il en existe plus
de 600 espèces dans le monde, dont une cinquantaine peuvent transmettre une leishmaniose humaine. Ces
« mouches des sables » (sandflies en anglais) vivent dans des milieux plutôt secs (savane, steppe, terrain
sablonneux près des habitations).
Les différents types de leishmanioses se développent surtout en zone tropicale (Amérique centrale et du Sud, Est
africain, Asie du Sud-Est), mais des foyers existent également dans le Bassin méditerranéen, en Asie centrale et
en Chine.
On a recensé une quinzaine de leishmanioses différentes à travers le monde. Ces maladies sont réunies en deux
types ; celles qui se développent dans les viscères (kala-azar) et celles qui sont responsables d’éruptions
cutanées. Ensemble, ces parasitoses toucheraient plus de 2 millions de personnes par année, dont 60'000
décéderaient.
Les symptômes des leishmanioses cutanées sont des éruptions ou des nodules à la surface de la peau (bouton
d’Orient par exemple). Les malades atteints de leishmanioses viscérales peuvent également avoir des éruptions
cutanées, mais ce sont surtout leurs organes internes (foie, rate) qui sont touchés. Les parasites se reproduisent
dans les macrophages (cellules lymphatiques), puis les détruisent.
La prévention contre ce type de maladie est extrêmement difficile car elle doit être menée sur une très vaste
échelle. Les phlébotomes sont très sensibles aux insecticides, mais l’épandage de produits chimiques comme le
DDT pose de grands problèmes environnementaux.
Actuellement, selon des sources de l’OMS, une équipe internationale teste un nouveau type de médicament
contre les leishmanioses viscérales.
Légendes des photos des vecteurs, en microscopie électronique
Phlébotome Lutzomyia longipalpis, vecteur des leishmanioses
de gauche à droite : tête, extrémité de la trompe, de face et de profil, balancier
(photos au microscope électronique à balayage, Jean Wüest)
L’onchocercose
L’onchocercose humaine est due à un nématode (filaire) Onchocerca volvulus. A l’état adulte ce ver, qui se
développe dans l’œil ou à proximité, peut atteindre plus d’un centimètre. L’homme semble être l’unique hôte de
cet agent parasitaire.
Les vecteurs de la maladie sont des petites mouches, les simulies. Il en existe plus de mille espèces, mais seule
une dizaine sont incriminées dans la diffusion du parasite. Les rivières et ruisseaux sont les milieux de
développement des larves.
L’onchocercose se développe par foyers, le long des cours d’eau, d’où son nom commun de « cécité des
rivières ». Elle existe en Afrique noire, au Yémen et en Amérique tropicale – du Brésil au Mexique.
On estime que 20 à 30 millions de personnes sont atteintes par cette maladie à travers le monde, dont 95% sur
le continent africain. Actuellement, un million d’individus seraient aveugles en ayant contracté cette affection.
Le parasite infeste l’homme lors d’une piqûre de simulie. Les larves de filaire, libérées sur la peau, s’infiltrent
activement. Le développement est sous-cutané. Lorsque ces microfilaires se trouvent près de l’œil, elles peuvent
provoquer le symptôme le plus grave de la maladie ; la cécité.
Actuellement, le programme de prévention de l’onchocercose repose presque uniquement sur la lutte contre les
vecteurs. Les simulies pouvant être résistantes à certains insecticides chimiques, de nouvelles méthodes en lutte
biologique ont été développées. On utilise notamment une bactérie (Bacillus thuringiensis israelensis) pour tuer
les larves de simulie.
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
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Légendes des photos des vecteurs, en microscopie électronique
Simulie Simulium sp., vecteur de l’onchocercose
de gauche à droite : tête, pièces buccales, balancier, pièces buccales en gros plan
(photos au microscope électronique à balayage, Jean Wüest)
La maladie du sommeil
L’agent de ce fléau est un protozoaire, Trypanosoma brucei. On en distingue deux sous-espèces : T. brucei
gambiense qui transmet une forme chronique de la maladie, et T. brucei rhodesiense qui provoque la forme aiguë
Les vecteurs de la maladie du sommeil sont des mouches du genre Glossina (famille Glossinidae).
Elles sont plus connues sous le nom de mouche tsé tsé. On en compte 22 espèces vivant dans une gamme de
milieux variée ; de la savane sèche à la forêt humide.
La maladie du sommeil menace plus de 60 millions d’habitants dans 36 pays de l’Afrique subsaharienne. La forme
chronique est répandue en Afrique centrale et de l’Ouest ; la forme aiguë frappe l’Afrique de l’Est.
Presque éradiquée dans les années 1960, la maladie du sommeil (ou trypanosomiase humaine africaine) resurgit
aujourd’hui de manière épidémique, notamment dans les pays d’Afrique qui sont en guerre. L’Organisation
mondiale de la santé (OMS) estime que 1’500'000 personnes sont infectées par cette maladie et que 50'000 en
mourraient chaque année.
La maladie du sommeil se développe en deux phases.
En se multipliant dans le sang, le parasite provoque une forte fièvre. Ce premier stade est caractérisé par la
présence de malaises accompagnés de maux de tête, des douleurs musculaires et articulaires, ainsi que des
démangeaisons
Lorsque le parasite envahit le système nerveux central, il cause des dommages irréversibles, menant au coma,
puis à la mort si le traitement n’a pas pu être administré à temps.
En l’absence de traitement, la maladie est toujours fatale. Pour lutter contre ce fléau, il faut pratiquer des
dépistages réguliers afin d’administrer les médicaments à temps. D’autre part, un programme international
d’éradication basé notamment sur la capture des mouches tsé-tsé à l’aide de pièges attractifs a débuté en
octobre 2001.
Légendes des photos des vecteurs, en microscopie électronique
Mouche tsé tsé Glossina sp., vecteur de la maladie du sommeil
de gauche à droite : tête et trompe, extrémité de la trompe, antennes, hanche
(photos au microscope électronique à balayage, Jean Wüest)
Le paludisme (malaria)
Les agents qui transmettent cette maladie sont des êtres unicellulaires, des protozoaires du genre Plasmodium.
Quatre espèces sont dangereuses, dont Plasmodium falciparum, la plus virulente.
Les vecteurs de la maladie sont des moustiques appartenant au genre Anopheles. Une soixantaine d’espèces
peuvent transmettre le protozoaire parasite, véritable agent de la maladie. Les larves de moustiques ont besoin
d’eau stagnante pour se développer ; elles sont abondantes dans les milieux humides tels que les marais et les
étangs.
Maladie des zones humides et marécageuses, le paludisme (de l’ancien français palud qui signifie marais) est
largement répandu en Amérique centrale, en Amérique du Sud, en Asie du Sud-est et surtout en Afrique
subsaharienne (80% des victimes). Il a été éradiqué en Europe dans la seconde moitié du 20e siècle, mais
pourrait réapparaître suite au réchauffement climatique.
On estime que 1,5 à 2 millions de personnes meurent du paludisme par année et que 500 millions en souffrent.
Plus de 40% de la population mondiale vit en « contact permanent » avec cette menace.
Une fois injectés par le moustique, les parasites vont se multiplier dans les globules rouges du sang et les faire
éclater avant de s’attaquer à de nouveaux globules. Les symptômes du paludisme sont les mêmes que ceux
d’une grippe ou d’une méningite : fortes fièvres, courbatures, maux de tête. La difficulté est donc de pouvoir faire
le diagnostic rapidement, car la forme la plus grave peut tuer une personne en quelques heures.
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
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L’utilisation d’une moustiquaire imprégnée d’insecticide reste la meilleure prévention. La lutte chimique est
toujours délicate, car des phénomènes de résistance aux produits apparaissent autant chez le moustique que
chez le parasite.
Légendes des photos des vecteurs, en microscopie électronique
Moustique anophèle Anopheles gambiae, vecteur principal du paludisme
de gauche à droite : tête, base de l’antenne, pointe d’un stylet de la trompe, œuf
(photos au microscope électronique à balayage, Jean Wüest)
Les arboviroses
Comme leur nom l’indique, les arboviroses sont des maladies dont les agents sont des virus. Ce sont des
affections difficiles à appréhender car elles sont dues à des complexes de virus dont il existe de nombreuses
formes régionales. Parmi la trentaine d’arboviroses humaines recensées, les plus connues sont la dengue (film)
et la fièvre jaune.
Les moustiques de différents genres sont les vecteurs de ces maladies. Le genre Aedes est incriminé dans la
transmission de la dengue et de la fièvre jaune. Les larves vivent dans des milieux d’eau stagnante, souvent
proche des habitations.
La dengue, originaire d’Asie, s’est répandue récemment de façon spectaculaire. Elle est maintenant signalée dans
une centaine de pays des Amériques, d’Afrique, d’Asie et du Pacifique. Elle n’a pas encore été signalée en Europe.
La fièvre jaune est une maladie des zones tropicales d’Amérique et d’Afrique.
Comme pour la malaria, on estime que 40% de la population mondiale est exposée au risque de contracter la
dengue. 20 millions de personnes seraient infectées et 24’000 en mourraient chaque année selon les données de
l’OMS.
Selon les mêmes sources, la fièvre jaune affecte 200’000 personnes et en tue 30’000 par an.
Ce sont les enfants qui sont les plus touchés par ces maladies.
La dengue et la fièvre jaune sont des maladies hémorragiques aux symptômes presque semblables. Toutes
deux donnent des fortes fièvres, des maux de tête et des douleurs musculaires. Les virus attaquent notamment le
foie, les reins (fièvre jaune) et le système cardio-vasculaire (dengue).
La prévention est difficile, mais la population peut jouer un rôle important dans la lutte contre les moustiques
du genre Aedes en éliminant les habitats larvaires (eau croupissant dans les vases, cruches, etc.) et en utilisant
des répulsifs. Dans de nombreux pays, on a également recours à la pulvérisation d’insecticides dans les
habitations, sans toutefois qu’on ait pris la peine d’évaluer les risques que cela pouvait comporter pour la santé.
Légendes des photos des vecteurs, en microscopie électronique
Moustique, vecteur de maladies à virus
de gauche à droite : base de l’antenne, extrémité de la gaine de la trompe, pointe d’un stylet de la trompe,
ornementation de l’oeuf
(photos au microscope électronique à balayage, Jean Wüest)
Autres maladies
Les diptères, mouches ou moustiques, sont vecteurs de nombreuses maladies bien moins connues que le
paludisme ou la maladie du sommeil. Outre leur rôle de vecteurs, les mouches peuvent également être les
agents de parasitoses que l’on apelle des myiases. Enfin, par leurs habitudes alimentaires, de nombreuses
espèces transportent passivement des germes infectieux.
Filarioses
On regroupe sous ce nom les maladies parasitaires provoquées par des filaires (petits vers ronds ou nématodes).
Mis à part pour l’onchocercose (voir espace consacré à cette maladie) et la loase (voir après), les parasites sont
transmis par des moustiques (Culex, Aedes, Anopheles, etc.). L’éléphantiasis ou filariose de Bancroft, très
spectaculaire, est la plus connue de ces affections (film).
Textes
de
l'exposition
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Loase
La loase est une filariose limitée aux zones forestières d’Afrique équatoriale. Les vecteurs ne sont pas des
moustiques, mais des taons du genre Chrysops. En une dizaine de mois, le parasite, un nématode nommé Loa
loa, passera du stade larvaire à l’adulte qui peut mesurer 7 cm. Si la filaire n’est pas extraite, elle vivra sous la
Peau de son hôte une quinzaine d’années !
Myases
Ce terme vient du grec Myia qui veut dire mouche. L’agent est en effet un asticot (larve de mouche) qui se
nourrit directement des tissus de l’hôte (homme ou autre mammifère). Ce sont surtout des représentants de la
famille des Calliphoridés (film) et des Sarcophagidés qui provoquent des myases.
Choléra, typhus et dysenterie
De nombreuses espèces de mouches qui fréquentent les matières en décomposition et les excréments
transportent passivement des germes infectieux sur les muqueuses, les plaies ou encore les aliments. On les
soupçonne de favoriser des épidémies de choléra, de typhus ou de dysenterie.
Prévention par l’hygiène
Une stratégie de prévention à l’échelle planétaire doit être mise en place pour lutter contre les maladies dont les
diptères sont les vecteurs. La cause principale de la transmission de germes par les mouches reste trop souvent
un problème d’hygiène générale. C’est seulement lorsque les milieux de développement de leurs larves sont
abondants que les mouches pullulent.
Légendes des photos des vecteurs, en microscopie électronique
Mouches, transporteurs passifs de germes pathogènes
de gauche à droite : tête, trompe, antennes, pelote de l’extrémité d’une patte
(photos au microscope électronique à balayage, Jean Wüest)
Mort aux mouches !
Pour tuer des mouches, voici la manière la plus expéditive, quoique ça ne soit pas la meilleure: on les écrase
entre les deux premiers doigts de la main.
Les chants de Maldoror. Lautréamont
Textes
de
l'exposition
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CINEMA MOUCHES Film-spectacle Salle de projection
texte du film
"Bonjour … Je m'appelle PINGET Ernest. Après un début en biologie, j'ai fini comme soignant en gériatrie … Les
vieux, c'est pas drôle tous les jours : à côté, je faisais des photos de mariages. Un ami à moi, Amédée CLOTTU,
travaillait au Muséum : il m’a trouvé une place comme photographe dans la Maison. En plus, on partageait le
même hobby : le dimanche, on chassait les insectes, et les soirs, on épinglait nos récoltes en discutant. Certains
de nos trophées sont dans l'expo (il montre le haut) …
Un jour, le patron vient vers moi : "Tu sais bien parler des mouches, c'est toi qui présente l’expo ! " … Pour dire
honnêtement, j’aurais pas dû accepter. … Être ici devant vous, ça donne le trac …
Bon … Parlons enfin des mouches … Que fait une mouche dans sa vie de tous les jours ?
… Prenons cette simple "Mouche à viande". Sa vie dure à peu près un mois.
… Premier point … Une mouche passe son temps à faire sa toilette. Dans toutes les situations, vous les verrez se
nettoyer. Si c'était un homme, on dirait qu'il a un trouble obsessionnel …
… Chez la mouche c'est une tâche indispensable . Son corps est couvert capteurs sensoriels très sophistiqués.
…… Regardez bien : on voit la poussière dont elle se débarrasse. Le moindre de ses poils sert à repérer ce qu'elle
touche.
… Avec ses palpes, elle perçoit les saveurs, tandis que ses antennes – entre les yeux – distinguent les odeurs.
… Sous ses pattes griffues, des coussinets couverts de ventouses expliquent comment elle peut marcher au
plafond …
… Sa trompe fonctionne comme une éponge, pour absorber sa nourriture. Les mouches ne consomment que des
matières liquides.
… Ici, notre mouche à viande se délecte de miel.
… L'appareil génital de la femelle porte un nom très high-tech : "ovipositeur télescopique". ça sert à cacher ses
œufs au fond de la moindre cavité.
La mouche est une pondeuse record. En six mois, une seule femelle pourrait assurer une descendance de 4'000
milliards d'individus ! Toutes les terres de la planète couvertes d'un mètre de mouches en six mois ! Alors là …
Même pour moi, ça fout la chair de poule ! Rassurez-vous, c'est juste un calcul de fort-en-thème. Seules 5
mouches sur cent arrivent à l'âge adulte, mais ça fait déjà beaucoup !
… Combien existe-t'il d'espèces de mouches ? Vous verrez, c'est plutôt décoiffant !
… Pour comprendre, prenons d'abord les fleurs. À l'état sauvage, la nature est un comme immense jardin,
composé d'une diversité incroyable de formes et de couleurs : 2'000 espèces de fleurs en Suisse ! Pourquoi ? …
Pas seulement pour faire "joli". Pendant des dizaines de millions d'années, chacune de ces fleurs s'est adaptée à
un climat ou à terrain particulier pour survivre. Dans la nature, tout se tient ! La forme et la couleur d'une fleur
résultent de son adaptation à l'habitat qu'elle s'est choisi.
2'000 espèces de fleurs Suisse, on a dit. On y trouve aussi 100 espèces de mammifères et 400 espèces d'oiseaux.
Et les mouches ? Accrochez-vous, c'est effarant ! Il en existe entre 6'000 et 9'000 espèces en Suisse ! 134'000
espèces sont connues dans le monde et plusieurs millions restent encore à découvrir. Les mouches – les diptères
comme les appellent les scientifiques – représentent 1/5 de toutes les espèces du monde vivant !
Les mouches sont des insectes hyper spécialisés … Prenons quelques mouches assez communes :
Cette "Mouche à gros yeux" fréquente l'herbe et les feuillages parce qu'elle y trouve les cicadelles. Elle pond ses
œufs dans ces minuscules insectes et ses larves les dévorent de l'intérieur pour se développer.
Le "Taon des pluies" – le tavan des moissonneurs – est plutôt branché sur les mammifères. Si le mâle est
végétarien, la femelle est une mouche piqueuse, qui boit du sang chaud pour faire prospérer ses œufs.
La "Mouche à merde" porte bien son nom : elle pond ses œufs dans les excréments, où ses larves pataugent
avec volupté jusqu'à la métamorphose.
Les "Mouche des fruits" sont des insectes bucoliques. Certaines choisissent des fleurs pour y déposer leurs œufs,
d’autres préfèrent les avocats ou les oranges, par exemple.
Cette "Hippoboscide" – un nom à coucher dehors – passe sa vie d'adulte dans une maison volante. Lovée dans le
plumage d'une hirondelle ou d'un martinet – entre autres – elle se balade dans l'azur avec l’oiseau …
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
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… Regardez maintenant cette perle … Je vous l'agrandis un peu … Voilà. Cette mouche, prisonnière de l'ambre, a
vécu il y a 40 millions d'années : on dirait une mouche d'aujourd'hui … Mais en fait, c'est une jeunette ! Plus loin
dans l'expo, vous verrez la plus ancienne mouche fossile connue : 240 millions d'années …
Cette découverte laisse supposer que les mouches sont de très anciennes créatures de l'évolution. Tout ce temps
leur a permis de se spécialiser… Voyons ça avec un autre exemple …
… La mouche tsé-tsé. Vous l'avez déjà vu, cette buveuse de sang véhicule – bien malgré elle – des parasites
mortels.
Terrain de chasse : la savane africaine où paissent ses fournisseurs habituels, les herbivores.
Base arrière : le long des cours d'eau, à l’abri du soleil.
Championne de vitesse, ses démarrages à 60 Km/heure lui permettent des échappées fulgurantes sous le soleil
torride. Sa cuirasse la protège des coups de queue et de la déshydratation. Elle chasse à vue car ses yeux
repèrent aisément les silhouettes sombres dans le lointain de la savane.
Si la Nature, si la sélection naturelle en a fait un ennemi redoutable, elle a aussi donné des armes à ses proies
pour s'en défendre:
Les ruminants, groupe très anciens dans le cours de l'évolution, ont mis à profit leur longue cohabitation avec la
mouche pour développer des anticorps qui rendent ses piqûres inoffensives.
Apparu en Afrique beaucoup plus tard, le zèbre a manqué de temps pour s’immuniser. Mais la Nature l'a gratifié
d'une parade étonnante : son pelage aux rayures verticales noires et blanches ! Ce camouflage brouille la vue de
la mouche. Pour elle, le zèbre est invisible ! C’est pas beau, ça ? Eh bien, quand j’ai raconté cette merveille au
patron, il a rigolé : "Les zèbres sont noir et blanc parce qu’ils tiennent pour la Juventus", il m’a fait !
…Et l’homme, vous me direz ? Espèce la plus récente, il n’avait aucune défense contre le parasite, sinon la fuite.
À ce propos, un scientifique allemand affirme que l'Homo sapiens aurait quitté son paradis terrestre à cause
d'une recrudescence de l'invasion, provoquée par un basculement soudain du climat. Parmi les savants, il y a des
poètes. … Adam chassé par la mouche tsé-tsé.
… Bien entendu, l'homme est revenu en Afrique. (Passage de l'hélicoptère) …Aujourd'hui, son arme contre la
mouche, c'est son intelligence ! Passons …
Quant à la mouche, vous allez découvrir dans les salles suivantes le rôle qu'elle joue pour l'équilibre de notre
planète. Bien entendu, la nature est souvent cruelle. Mais pas plus que nous autres, sur les trottoirs de Bagdad
ou à la Bourse de Zürich. Je vous souhaite une bonne visite.
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
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12 histoires de mouches
Les diptères, des insectes qui ont réussi
Bien que largement méconnue ou sous-estimée, l’importance des diptères dans la
biodiversité est énorme.
Au niveau mondial, environ 134'000 espèces de diptères ont été décrites, mais ce nombre
est certainement largement en dessous de la réalité. Les estimations, rendues difficiles
car bien des régions tropicales sont encore à peine prospectées, oscillent entre 1 et 5
millions d’espèces !
On estime qu’un cinquième de toutes les espèces vivantes de Suisse, animaux et plantes
confondus, sont des diptères. Plus de 6’000 espèces ont déjà été inventoriées, mais le
nombre réel d’espèces vivant dans notre pays doit être proche de 9’000 !
En comparaison, le nombre de plantes est un peu supérieur à 3’000 espèces, celui des
oiseaux d’un peu plus de 400, celui des mammifères de moins de 100.
Malheureusement, bon nombre de ces espèces risquent de disparaître avant même d’avoir été
répertoriées, en même temps que les milieux naturels où elles vivent, victimes des activités humaines
incontrôlées. Les régions tropicales qui abritent une part très importante de la biodiversité mondiale
sont les plus menacées.
Une espèce, cent espèces, dix mille espèces de mouches de moins, quelle importance ? Et pourtant,
chacune d’entre elles, même le plus petit moucheron, a son rôle à tenir dans l’immense partition jouée
par toutes les espèces vivantes de la planète, un rôle irremplaçable dont nous ne soupçonnons
souvent pas du tout l’importance.
[texte du "gâteau"]
La biodiversité globale de la Terre (l’ensemble des espèces vivantes d’animaux, de plantes, de
champignons et même de bactéries) peut être représentée par un gâteau. Les insectes en occupent
plus des trois quarts. A eux seuls, les diptères représentent environ le 20% des espèces vivantes
actuelles, c’est-à-dire le 1/5 du gâteau !
Groupes présentés :
Diptères
autres Insectes
Vertébrés
Hyménoptères
autres Arthropodes
Coléoptères
Mollusques
Lépidoptères
autres Invertébrés
Mouches, mouchelettes, moucheronnettes, moucherons...
Du plus frêle moucheron à la mouche la plus robuste, la diversité des diptères est extraordinaire, tant
du point de vue de leur aspect que de leurs modes de vie.
Les quelque 134’000 espèces connues se répartissent en environ 170 familles*, dont plus de 120 ont
des représentants en Europe.
Certaines d’entre elles sont des reliques, de véritables fossiles vivants, ne comptant plus que quelques
espèces limitées à des milieux bien particuliers. D’autres au contraire sont florissantes, en pleine
évolution, regroupant des milliers d’espèces qui occupent les milieux les plus divers.
Plus du tiers des familles actuelles de diptères figurent dans cette «procession» qui met en évidence
les différentes lignées et leurs parentés.
*Dans la classification zoologique, les familles se reconnaissent à leur nom se terminant par -idae.
Tipulidae
Cecidomyiidae
Keroplatidae
Trichoceridae
Stratiomyidae
Rhagionidae
Limoniidae
Scatopsidae
Sciaridae
Ceratopogonidae
Ptychopteridae
Bibionidae
Anisopodidae
Psychodidae
Chironomidae
Mycetophilidae
Culicidae
Xylomyidae
Pantophthalmidae
Bombyliidae
Tabanidae
Scenopinidae
Asilidae
Therevidae
Mydidae
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
9/30
Coenomyidae
Empididae
Dolichopodidae
Hybotidae
Microphoridae
Lonchopteridae
Phoridae
Pipunculidae
Syrphidae
Nycteribiidae
Hippoboscidae
Glossinidae
Scathophagidae
Muscidae
Anthomyiidae
Fanniidae
Sarcophagidae
Tachinidae
Calliphoridae
Neriidae
Micropezidae
Psilidae
Diopsidae
Lonchaeidae
Ulidiidae
Conopidae
Platystomatidae
Tephritidae
Pallopteridae
Sciomyzidae
Sepsidae
Clusiidae
Anthomyzidae
Agromyzidae
Opomyzidae
Milichiidae
Sphaeroceridae
Chloropidae
Drosophilidae
Ephydridae
Heleomyzidae
Asticot = mouche ! ou les mystères de la métamorphose
Chez les diptères, comme chez de nombreux insectes évolués à métamorphose complète,
deux «vies» très différentes se succèdent chez un même individu. La larve semble être
un tout autre animal que l’adulte.
Leur apparence, leur régime alimentaire, leur milieu de vie peuvent être complètement
différents. A un «ver» rampant et dépourvu de pattes, vivant dans un habitat souvent très
spécialisé et restreint, succède une créature volante extrêmement mobile capable
d’explorer de nouveaux milieux.
Entre les deux stades, l’insecte passe par une étape généralement immobile, la nymphe,
durant laquelle se produit une transformation complète, appelée métamorphose.
La durée de chacun des stades peut varier énormément suivant les espèces: la mouche
adulte n’est souvent qu’une étape fugace dans la vie d’un diptère en comparaison de la
durée de la vie larvaire.
Une vie de mouche
Chaque diptère est successivement œuf, larve, nymphe et enfin adulte.
De l’œuf éclôt une larve qui se nourrit activement et, après plusieurs mues, se transforme en nymphe,
stade immobile durant lequel s’opère la métamorphose. Chez de nombreux diptères la nymphe est
enfermée à l’intérieur de la dernière mue larvaire durcie, en forme de tonnelet, la pupe. De la nymphe
éclora la mouche adulte, appelée aussi imago ou insecte parfait, qui assurera la reproduction sexuée
et permettra au cycle de recommencer.
La rapidité du développement des mouches est impressionnante. Lorsque les conditions du milieu sont
favorables et la nourriture abondante, il suffit de trois ou quatre semaines à la mouche domestique
pour boucler son cycle. Les drosophiles sont plus rapides encore: leurs générations peuvent se
succéder tous les 15 jours.
Dans la nature cependant, les conditions météorologiques jouent un rôle important et un grand
nombre d’espèces n’ont qu’une ou deux générations annuelles.
Vidéo Une vie de mouche
1 minute
Sources :
La mouche un monstre de tous les jours K. Mündl ©1994, MIF Sciences
La mouche, Insectoscope J.-P. Macchioni,© 2003 Production MC4 Paris
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
10/30
Les diptères ont une longue histoire
Le plus ancien diptère fossile connu, Grauvogelia arzvilleriana, est âgé de 240 millions
d’années… On ne connaît que son aile, dont une cinquantaine d’empreintes ont été
découvertes dans des grès du Trias inférieur des Vosges, en France.
Sa nervation montre une parenté avec celle de certains mécoptères. Ces insectes,
aujourd’hui peu nombreux, étaient alors un élément dominant et diversifié de la faune.
On pense que les diptères ont évolué à partir d’une de leurs lignées, par réduction et
transformation de la paire d’ailes postérieures en balanciers.
Les diptères ont connu une diversification rapide: dans les dépôts d’ambre du Liban et du
Pays Basque (125 à 110 millions d’années), on trouve des représentants de plusieurs
familles actuelles, avec des formes bien reconnaissables, différant peu de celles qui vivent
aujourd’hui. Les familles les plus évoluées n’ont fait leur apparition qu’à l’Eocène, il y a
environ 40 millions d’années.
Les grands reptiles qui dominaient la Terre à l’ère secondaire ont disparu, victimes d’une
extinction massive à la fin de cette période géologique, alors que des moucherons ont
survécu presque sans changements à tous les bouleversements de notre planète depuis
125 millions d’années !
Au Trias, la Terre présentait une image bien différente d’aujourd’hui. Le grand continent unique, la
Pangée, commençait à se disloquer en Laurasie au nord (qui se séparera bien plus tard en Eurasie et
Amérique du Nord actuelles) et Gondwana au sud (les futures Amérique du Sud, Afrique, Inde,
Antarctique et Australie).
Grâce aux nombreux fossiles retrouvés dans les grès des Vosges, on peut se faire une idée de
l’environnement de la région à cette époque lointaine: une flore exubérante, dominée par des gingkos
et des fougères à graines, recouvrait les terres. Les reptiles étaient en pleine expansion mais les
dinosaures n’étaient pas encore apparus. Les insectes étaient déjà nombreux et bien diversifiés. Le
premier mammifère connu, à l’allure et à la taille d’une musaraigne, n’est apparu que 20 millions
d’années plus tard…
Diptères fossiles
1. Aile de Grauvogelia arzvilleriana, le plus ancien diptère connu, âgé de 240 millions d’années, fossilisée dans un
grès du Trias inférieur des Vosges. (Collection de l’Institut de Géologie de l’Université Louis-Pasteur, Strasbourg).
Les ambres sont des résines fossiles qui permettent la conservation des moindres détails des insectes qui y sont
restés englués. (Collection du Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel).
2. Ectaetiinae indéterminé (Scatopsidae), ambre de la Baltique, Eocène (40 millions d’années). Un moucheron
appartenant à une famille encore actuelle. Comparer avec le n°3 et la photo.
3. Ectaetia clavipes (Ectaetiinae, Scatopsidae), actuel, Europe. Ce groupe de moucherons n’a presque pas changé
en 125 millions d’années ! Comparer avec le n2 et la photo.
4. Paleorachicerus (Rachiceridae), ambre de la Baltique, Eocène (environ 40 millions d’années). Les rares
représentants actuels de cette famille sont pratiquement limités aux régions tropicales.
5. Aile de Protomyia jucunda Heer (? Bibionidae), molasse du Locle NE, Miocène (10-15 millions d’années). A
cette époque, le climat de notre région était comparable à celui des Canaries aujourd’hui.
6. Odiniidae, ambre dominicain, St. Domingue, Miocène/Oligocène (env. 20-25 millions d’années). Ce morceau
d’ambre contient 5 autres insectes, dont un Phoride.
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
11/30
Manger et être mangé… Importance des diptères dans les écosystèmes
Très diversifiés et nombreux, présents dans tous les milieux terrestres et d’eau douce, les
diptères jouent un rôle majeur dans les écosystèmes.
Selon leur régime alimentaire, on peut les classer en phytophages (mangeurs de matière
végétale), carnivores (prédateurs et parasites) et saprophages (décomposeurs ou
recycleurs). Leur importance dans les chaînes alimentaires est primordiale, leur rôle dans
les grands cycles naturels immense, mais ils restent largement méconnus et sousestimés.
Par leur abondance, ils constituent une importante source de nourriture pour une
multitude de prédateurs: oiseaux, mammifères, reptiles, amphibiens, poissons, araignées,
autres insectes.
Vidéo Gobemouches en tous genres
1 minute
Sources La mouche un monstre de tous les jours K. Mündl ©1994, MIF Sciences
La mouche, Insectoscope J.-P. Macchioni,© 2003 Production MC4 Paris
Coupe de sol
Décomposeurs, ou recycleurs de la matière organique
Feuilles mortes qui tombent sur le sol à l’automne, bois mort, souches, restes végétaux de toutes
sortes, déjections de tous les animaux, des crottes des chenilles aux bouses des vaches, cadavres, des
puces comme des éléphants… tout ce qui meurt, tombe et pourrit, s’accumulerait au sol ou au fond
de l’eau sans les cohortes d’éboueurs naturels que sont les décomposeurs.
Les quantités en jeu sont gigantesques: dans une forêt de feuillus (chênaie à charme) d’Europe
occidentale, plus de 7 tonnes de matière végétale (en poids sec) par hectare arrivent au sol chaque
année, dont plus de 3 tonnes de feuilles mortes ! Ces masses considérables de «déchets» formant la
litière forestière sont prises en charge par une armée de décomposeurs, bactéries, champignons, vers,
acariens, mille-pattes, insectes et leurs larves, etc.
Grâce à leur travail de transformation, de fragmentation et de digestion, une grande partie de la
matière organique morte est restituée au sol sous forme d’humus et de sels minéraux utilisables par
les plantes, permettant au cycle de la vie de se perpétuer.
Les diptères jouent un rôle important dans ces processus de transformation. Les larves de
nombreuses familles participent activement à la dégradation de la litière forestière: sciarides,
bibionides, tipulides, phorides, muscides, sont les plus importantes quantitativement.
Des mouches qui pèsent lourd
De même qu’on peut chiffrer la production d’un champ cultivé, la productivité d’un milieu naturel c’est-à-dire ce qu’il «fabrique» ou peut nourrir - peut être estimée. Une forêt, a non seulement une
productivité annuelle en bois (accroissement des arbres) ou en feuilles, mais aussi en champignons,
en oiseaux, en araignées, en vers de terre, etc.
On a pu estimer que 6 millions de diptères éclosent chaque année dans un hectare de forêt feuillue en
Europe occidentale, ce qui représente une biomasse de 7 kilos (poids sec), soit une productivité de
7kg/ha/année.
La productivité en diptères dépasse celle de la même forêt en mammifères et en oiseaux réunis (6,3
kg/ha/année) !
Les larves de diptères assurent une part importante de la dégradation des excréments.
Un kilo de crottin de cheval peut nourrir jusqu’à 8000 asticots de la mouche domestique. Ce travail
d’éboueur des matières les moins appréciées rend les mouches suspectes aux yeux de beaucoup.
Pourtant, en s’attaquant aux déchets et en contribuant à leur recyclage, elles jouent un rôle très
important dans les écosystèmes naturels en améliorant du même coup la fertilité du sol.
Espèces de mouches sur la bouse :
Mouche dorée, mouche à merde Scathophaga stercoraria (Scathophagidae)
Mouche verte Lucilia sericata (Calliphoridae)
Mouche à damier Sarcophaga sp.(Sarcophagidae)
Cordilura sp. (Scathophagidae)
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
12/30
Mouches amoureuses
Une vie de mouche est courte ! Se reproduire, et donc assurer la survie de l’espèce, est la
grande affaire des diptères adultes. Malgré leur petite taille, les mouches montrent des
comportements amoureux extraordinairement variés.
Les femelles émettent généralement des hormones sexuelles, les phéromones, qui attirent
irrésistiblement les mâles. La rencontre des sexes se fait souvent à l’occasion de vols nuptiaux en
essaim, où se réunissent les mâles et parfois les femelles. L’accouplement peut avoir lieu seulement
après un rituel parfois complexe de reconnaissance des sexes. Chez certaines familles, les mâles
cherchent à séduire les femelles par un comportement de cour sophistiqué, parfois accompagné d’un
cadeau. Chez d’autres, les mâles s’affrontent en combat singulier pour conquérir une femelle, ou
même se constituer un harem.
Tous ces mécanismes compliqués de reconnaissance entre les sexes assurent à l’espèce une
protection contre l’hybridation, en renforçant la barrière génétique souvent étroite qui la sépare des
espèces voisines.
Pornographie entomologique
Avec 153 espèces, les tipules (famille des Tipulidae) offrent un bon exemple de la biodiversité des
diptères en Suisse. Souvent très semblables extérieurement, elles se différencient assez facilement
par la forme de leurs armatures génitales constituées de pièces nombreuses et aux formes
complexes.
C’est notamment la diversité de ces organes copulateurs qui protège les espèces de l’hybridation. Elle
fournit également à l’entomologiste un précieux moyen de les identifier.
A titre d’exemple, 72 des planches qui illustreront la future faune des Tipulidae de Suisse préparée par
Christophe Dufour et dessinées par Sigitas Podénas, Lituanie.
Accouplement de Tipula paludosa
(mâle au dessus, femelle au dessous)
Vidéo
Combats de mouches
Les «mouches à andouillers» du genre Phytalmia (Tephritides) vivent dans les forêts tropicales
humides de Nouvelle-Guinée et du Nord de l’Australie. Les joues des mâles portent, selon les espèces,
des expansions allongées en forme de cornes ou ramifiées comme des andouillers. Ils les utilisent
pour des combats aussi acharnés que ceux des cerfs – toutes proportions gardées puisque ces
mouches ont une taille de moins de 1 cm ! Le vaincu abandonne le terrain au vainqueur qui pourra
s’accoupler à une femelle présente et la défendra pendant la ponte des œufs contre les avances des
autres mâles.
On retrouve un phénomène analogue chez les Drosophiles des îles Hawaii. Les mâles combattent pour
les femelles en se poussant au moyen de leurs ailes projetées en avant.
1 minute
Source : Islands – a splendid isolation, Rod Morris, ©1991 Natural History New Zealand Limited
Boîte fermée :
Achias rothschildi (Platystomatidae), une extraordinaire mouche de Nouvelle-Guinée. Les yeux des
mâles sont placés à l’extrémité de pédoncules de longueur variable, pouvant atteindre 2 fois la
longueur du corps.
(Prêt Muséum d’histoire naturelle de Genève)
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
13/30
Les parasitoïdes, des mouches utiles à l’homme
Les parasitoïdes sont nombreux chez les diptères. Ils tuent l’espèce qui les héberge au
contraire des vrais parasites. Leurs larves dévorent leur hôte vivant et ne laissent,
lorsqu’elles le quittent pour se nymphoser, qu’une enveloppe vide et sans vie...
Des familles entières de diptères ont adopté un mode de vie parasitoïde. La plupart sont des
spécialistes qui s’attaquent à un groupe précis d’hôtes. Leur cycle est synchronisé au cycle de l’hôte et
ils ont souvent mis au point des stratégies et des comportements parfaitement adaptés à la recherche
de celui-ci.
La panoplie des hôtes est immense et comprend pratiquement tous les groupes d’invertébrés
terrestres. Les insectes sont les plus nombreux, principalement les papillons (lépidoptères), les
scarabées (coléoptères), les tenthrèdes, guêpes et abeilles (hyménoptères) et les diptères euxmêmes, mais également les punaises et cicadelles (hémiptères) et les sauterelles (orthoptères). Les
araignées, les mille-pattes, les cloportes et les mollusques ont aussi leurs parasitoïdes spécialisés.
De nombreux diptères parasitoïdes s’attaquent à des ravageurs des cultures. Ce sont des
auxiliaires utiles, qu’on cherche à utiliser dans la lutte biologique. L’emploi de ces
ennemis naturels, parasites ou prédateurs, pour combattre les ravageurs, évite ainsi les
effets secondaires des insecticides (intoxication du milieu et phénomènes de résistance).
Les Tachinides ou tachinaires
Les mouches de cette vaste famille (environ 800 espèces en Europe) vivent à l’état larvaire en
parasitoïdes d’autres insectes: lépidoptères, coléoptères, hyménoptères, orthoptères, ou même
diptères.
Les chenilles des papillons sont les hôtes d’un grand nombre de tachinaires : lorsqu’on élève des
chenilles, on a souvent la surprise de voir émerger une de ces mouche au lieu du papillon espéré !
Les «vers gris» sont parmi les hôtes favoris de nombreux tachinaires. Ces grosses chenilles de
papillons de nuit (famille des noctuelles) vivent cachées à la base des plantes. Elles s’attaquent selon
les espèces aux céréales, à de nombreux légumes, choux, salades, etc., et même à la vigne. Elles
sortent la nuit pour ronger le collet ou les feuilles et provoquent des dégâts importants, allant jusqu’à
faire périr les plantes. Les tachinaires contribuent à limiter leur nombre et donc à réduire leurs dégâts
aux cultures. D’autres espèces s’attaquent aux piérides, les papillons blancs dont les chenilles rongent
les feuilles des choux, raves et navets.
Plusieurs espèces de tachinaires sont des auxiliaires importants en sylviculture car elles se
développent aux dépens de chenilles défoliatrices des pins ou des chênes.
Les Sciomyzides
La famille des Sciomyzides s’est spécialisée sur les mollusques. Les larves de ces mouches sont des
parasitoïdes ou des prédatrices d’escargots et même de limaces, les dévorant de l’intérieur et finissant
par provoquer leur mort. Des recherches sont en cours pour essayer de les utiliser contre des limaces
ravageuses des cultures potagères, ou contre certains mollusques qui sont les hôtes intermédiaires de
vers parasites provoquant des maladies tropicales graves comme la bilharziose.
Sciomyzidae
Trypetoptera elata
Renocera pallida
Mollusques terrestres
Bivalves aquatiques
Helicella
Fruticicola
Lauria
Sphaerium
Pisidium
Euthycera chaerophylli
Tetanocera elata
Coremacera marginata
Pherbellia cinerella
Pherbellia albocostata
Dichetophora obliterata
Limaces
Deroceras
Limax
Arion
Textes
Mollusques terrestres
Cochlicopa
Discus
Euconulus
Retinella zonitoides
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
14/30
Pherbina coryleti
Limnia paludicola
Psacadina verbekei
Sepedon spinipes
Tetanocera ferruginea
Mollusques terrestres et aquatiques
Discus
Oxychilus
Lymnaea
Mollusques aquatiques
Lymnaea
Planorbis
Physa
Succinea
Tachinides
Epicampocera succincta
Pales processioneae
Hôtes
Piéride de la rave /
Hôte
Processionnaire du chêne
Pieris rapae
Thaumetopoea processioneae
Piéride du navet
Ravageur des forêts de chêne
Pieris napi
Ravageurs des choux, raves et navets
Cyzenis albicans
Gymnocheta viridis
Nowickia ferox
Hôte
Phalène brumeuse
Hôte
Noctuelle radicée
Operophtera brumata
Ravageur des vergers
Apamea monoglypha
Ravageurs des prairies
Tachina magnicornis
Nemorilla maculosa
Hôtes
Bombyx à livrée
Hôtes
Carpocapse des pommes
Malacosoma neustria
Cydia pomonella
Noctuelle du pin
Tordeuse verte du chêne
Panolis flammea
Tortrix viridiana
Ravageurs des forêts
Tordeuse rouge des bourgeons
Spilonota ocellana
Tordeuse du rouvre
Archips crataegana
Ravageurs des vergers et forêts
Chetogena obliquata
Linnaemyia picta / Linnaemyia tesselans
Tachina fera / Phryxe vulgaris
Bombyx du chêne
Hôtes
Fiancée
Lasiocampa quercus
Noctua pronuba
Noctuelle baignée
Agrotis ipsilon
Noctuelle du choux
Mamestra brassicae
Noctuelle des pois
Melanchra pisi
Noctuelle de la persicaire
Melanchra persicariae
C noir C Eule
Xestia c-nigrum
Ravageurs des cultures et des potagers
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
15/30
Asticots et enquêtes criminelles
L’entomologie médico-légale s’intéresse aux insectes nécrophages - qui se nourrissent de
cadavres- afin de les utiliser dans les affaires criminelles. Elle cherche en particulier à
déterminer le temps écoulé entre le moment de la mort et la découverte du corps. Elle
apporte ainsi des renseignements précieux lorsque d’autres indices font défaut et permet
à des enquêtes policières d’aboutir.
Le pionnier de cette discipline est le Français P. Mégnin qui publia en 1894 La faune des cadavres. Il
étudia la succession des espèces qui se développent sur un cadavre jusqu’à sa décomposition
complète, un processus qui peut prendre plusieurs années. Ces insectes sont en fait de véritables
éboueurs de la nature, des spécialistes qui chacun prennent en charge une phase particulière de la
dégradation de la matière organique.
Les mouches, en particulier les mouches à viande du genre Calliphora, sont parmi les premières à
venir pondre sur un cadavre frais, même caché sous des broussailles impénétrables. Elles sont
capables de repérer à l’odeur un cadavre à des kilomètres et apparaissent souvent quelques minutes
seulement après la mort. Dès l’éclosion, leurs asticots commencent immédiatement à se nourrir,
passant par les 3 stades habituels de leur développement larvaire avant de se nymphoser dans une
pupe d’où éclora l’adulte quelques jours plus tard.
L’entomologiste légal examine soigneusement le cadavre et prélève tous les insectes, adultes ou
larves, qu’il peut trouver sur lui ou à proximité immédiate. Il les identifie, en précisant leur stade de
développement, et en met une partie en élevage pour confirmer l’identité de l’espèce. Le stade de
développement atteint lui permet de déterminer la date de la ponte, c’est-à-dire pratiquement celle
de la mort.
vidéo
Une affaire mouche - Asticots et enquêtes criminelles
4 minutes
Source: Une affaire mouche, J.-M. Barbe © 1989 Ardèche Images Production
Pattes de mouches
Marcher contre une vitre, ou encore se déplacer à l’envers au plafond: une performance
quotidienne des mouches. Comme celles de la majorité des insectes, les extrémités de
leurs pattes sont équipées d’une paire de griffes, mais possèdent en plus deux ou trois
petits coussinets adhésifs qui assurent l’accrochage, même sur les surfaces les plus lisses,
comme le verre. La microscopie électronique à balayage révèle leur structure fine,
hérissée de petites crêtes. Chez certaines familles, ces coussinets portent des poils creux
à travers lesquels s’écoule une substance visqueuse qui augmente encore l’adhérence.
Atterrir au plafond la tête en bas, c’est l’exploit que réalise chaque jour des dizaines de fois la mouche
domestique ! La photographie a permis d’élucider ce mystère irritant, resté longtemps inexpliqué car
la rapidité de l’action empêche notre oeil de saisir la succession des mouvements. Des photos prises
en rafale montrent que la mouche vole droit vers le plafond, utilise ses deux pattes antérieures pour
établir le contact, puis fait pratiquement un tonneau jusqu’à ce que ses quatre autres pattes achèvent
l’atterrissage.
modèle géant de patte
photos micr. électr. à balayage (photos au microscope électronique à balayage, Jean Wüest)
Hippoboscide hippoboscidae
Hippoboscide hippoboscidae
Coussinets adhésifs et griffes bifides des pattes
Coussinets adhésifs et griffes bifides des pattes
Hippoboscide hippoboscidae
Bibionide bibionidae
Poils des coussinets adhésifs des pattes, fortement
grossis
Coussinets adhésifs des pattes
Bibionide bibionidae
Bibionide bibionidae
Poils creux des coussinets adhésifs des pattes,
fortement grossis
Poils des coussinets adhésifs des pattes, fortement
grossis.
Tachinide tachinidae
Tachinide tachinidae
Coussinets adhésifs et griffes des pattes
Poils creux des coussinets adhésifs fortement grossis
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
16/30
Des mouches partout
Grâce à la mobilité des adultes et au régime alimentaire extrêmement varié de leurs
larves, les diptères ont conquis le monde.
Ils ont colonisé tous les milieux terrestres, même les plus extrêmes, des déserts les plus
arides jusqu’aux montagnes les plus élevées et des sols salins aux tourbières. Il sont
particulièrement abondants et diversifiés dans les prairies et les forêts.
En eaux douces ou saumâtres, on les rencontre partout: en lacs, étangs ou flaques, rivières ou
torrents impétueux, sources thermales, sur les rochers en bord de mer éclaboussés par les vagues, et
même dans ces minuscules « piscines » retenues à l’aisselle des grandes feuilles des plantes
tropicales.
Il n’y a guère que la pleine mer où les diptères ne se soient pas aventurés…
Le régime alimentaire des larves de diptères est extraordinairement varié, et chaque famille a ses
préférences. Certaines se nourrissent des matières d’origine animale ou végétale en
décomposition ou des excréments, d’autres des tissus végétaux vivants, racines, tiges, feuilles ou
graines, ou encore des champignons. D’autres encore sont prédatrices, dans le sol ou sous les
écorces, d’insectes et autres petits animaux divers, ou parasites d’insectes, araignées, mille-pattes,
escargots, batraciens, oiseaux ou mammifères…
Dans l’eau, beaucoup de larves filtrent les matières organiques en suspension, tandis que d’autres
broutent les algues microscopiques, minent les feuilles de plantes aquatiques, capturent des petits
animaux, parasitent les éponges ou les escargots…
A part les espèces piqueuses qui se nourrissent de sang, et les espèces prédatrices qui capturent
d’autres insectes, les diptères adultes visitent les fleurs, les fruits bien mûrs, les aliments et diverses
matières en décomposition, comme les végétaux pourrissants ou les cadavres.
Tiroirs
bois
Sous les écorces et dans le bois pourri vivent les
larves de Xylophagides.
Elles chassent d’autres larves d’insectes, coléoptères
ou diptères, dont elles se nourrissent.
Xylophagus compeditus / Xylophagidae /
pétrole
Les mares de pétrole brut des gisements de
Californie abritent les larves de la «mouche du
pétrole» Helaeomyia petrolei.
Elles se nourrissent des insectes tombés
accidentellement dans ce liquide toxique et viennent
respirer à la surface.
Helaeomyia petrolei / Ephydridae
(Prêt Natural History Museum of the San Francisco
County)
feuilles
Vivre dans l’épaisseur d’une feuille, dans un monde
en deux dimensions, et passer les semaines ou les
mois de sa vie larvaire à ronger…
Ainsi font les larves mineuses des Agromyzides,
Véritables artistes des feuilles.
Agromyzidae indéterminé
sable
Dans le sable sec, à l’abri de la pluie, au pied des
vieux murs ou entre des racines, les larves du verlion Vermileo creusent des entonnoirs-pièges pour y
capturer les fourmis dont elles se nourrissent.
Textes
de
l'exposition
Vermileo vermileo / Vermileonidae
grottes
On observe parfois par centaines sur les parois des
grottes obscures les Speolepta leptogaster. Les
larves de ces élégants moucherons vivent dans un
tube de soie de leur production, se nourrissant
d’algues et de débris organiques.
Speolepta leptogaster / Mycetophilidae
plantes en pot
Le terreau des plantes en pot grouille parfois de
larves de Sciarides. Les adultes sont d’inoffensifs
moucherons qui à leur tour peuvent pulluler dans
les appartements, à la surprise des habitants.
Sciaridae indéterminé
sources chaudes
Dans les sources chaudes des régions volcaniques
d’Islande, où la température dépasse 40C,
vivent des larves d’Ephydrides qui se nourrissent
des algues bleues croissant dans ces conditions
extrêmes.
Scatella tenuicosta thermarum / Ephydridae
compost
Brillantes mouches métalliques, les Sargus
émergent des composts où vivent leurs larves.
Sargus cuprarius / Stratiomyiidae
algues
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
17/30
Sur les rivages de l’océan, les tas pourrissants de
varech - algues marines rejetées par les marées nourrissent par millions les larves des Coelopides.
Coelopa sp./ Coelopidae
fourmis
Dans des troncs d’arbre creux, les larves de
Clitellaria ephipium viventà l’intérieur des nids de
carton de la fourmi noire des bois Lasius fuliginosus.
Elles sont tolérées par les fourmis qui ne les
attaquent pas.
Clitellaria ephippium / Stratiomyidae
roseaux
Les tiges des roseaux montrent parfois de curieux
renflements en plumet. Ce sont les galles
provoquées par les Lipara. Si on les ouvre, on y
trouve leurs larves …ou ceux qui les parasitent à
leur tour.
Lipara sp. / Chloropidae
(prêt Bernhard Merz, Muséum de Genève)
galles
C’est la piqûre du minuscule moucheron Mikiola fagi
qui provoque sur les feuilles de hêtre la formation
de ces galles pointues qui abritent ses larves.
Mikiola fagi / Cecidomyiidae
crapauds
Pour le malheur des crapauds, les asticots de Lucilia
bufonivora se développent uniquement dans les
narines des batraciens, les rongeant petit à petit
jusqu’à provoquer leur mort.
Lucilia bufonivora / Calliphoridae
éboulis
Le monde minéral des éboulis des Alpes, près des
glaciers, semble hostile à la vie.
Pourtant les rares taches de végétation abritent, au
collet des racines, les larves de quelques tipules.
Tipula glacialis / Tipulidae
chevreuil
A peine a-t-elle trouvé son hôte, chevreuil ou cerf,
que Lipoptena cervi se débarrasse de ses ailes
et s’installe à demeure dans le pelage, se
nourrissant de sang et de déchets de peau.
Lipoptena cervi / Hippoboscidae
provisions
Dans les provisions de farine ou de semoule, la
larve de la mouche des fenêtres
Scenopinus fenestralis pratique la chasse aux larves
des ravageurs des denrées.
Scenopinus fenestralis / Scenopinidae
arbres fruitiers
Sans les mouches de saint Marc Bibio marci et leurs
congénères, pollinisatrices méconnues, les cerises et
autres fruits nous feraient souvent défaut quand les
printemps froids retiennent les abeilles à la ruche.
Bibio marci / Bibionidae
Les Streblides, extraordinairement transformées par
la vie de parasite, ne vivent que dans le pelage des
chauves-souris des grottes, y accomplissant tout
leur cycle.
Strebla mirabilis/ Streblidae
fange
Fondrières aux boues organiques saturées d’eau et
fange semi-liquide sont l’habitat favori
des larves de Ptychoptera qu’un siphon respiratoire
relie à la surface.
Ptychoptera sp.
Ptychopteridae
Fleurs
Plusieurs Téphritides pondent leurs œufs dans les
fleurs bien protégées des chardons.
Leurs larves s’y nourriront des graines en formation.
Xiphosia miliaria
Tephritidae
peau et os
Lorsque d’un cadavre il ne reste plus que la peau et
les os, les Piophilides entrent en scène.
Les larves de ces petites mouches sont des
spécialistes des tendons et autres fragments
desséchés négligés par les autres nécrophages.
Piophila sp. / Piophilidae
nid
Les asticots de Protocalliphora se tiennent dans les
nids des passereaux,
se gorgeant de sang sur les jeunes oiseaux encore
incapables de voler.
Protocalliphora azurea /Calliphoridae
Prêt Muséum de Genève)
Cônes
Qui connaît les mouches des pives, dont les larves
ne se nourrissent que des graines
des conifères jalousement enfermées dans l’écrin
durci des cônes ?
Lasiomma / Anthomyiidae
(prêt B. Merz, Muséum de Genève)
Joncs
Dans les tiges des laîches et des joncs, creusent les
larves des Loxocera, étranges mouches aux
antennes coniques, spécialistes de ces plantes des
prairies marécageuses.
Loxocera / Psilidae
terrier
Les terriers des campagnols fournissent un
microclimat idéal à certains héléomyzides dont les
larves se développent dans les crottes de ces
rongeurs.
Gymnomus sp./ Heleomyzidae
mousse
Les épais coussins de mousse des forêts humides
abritent les larves des Gnoriste.
chauves-souris
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
18/30
Gnoriste/ Mycetophilidae
faisaient une sorte de pain.
Cirrula hians / Ephydridae
cheval
Les gastérophiles sont parasites des chevaux. Leur
cycle compliqué les conduit des poils des jarrets de
leur hôte, où sont pondus les œufs, à la paroi de
son estomac où s’accrochent par grappes les larves
âgées, en passant par la langue.
Gasterophilus sp. / Gasterophilidae
purin
Eaux putrides, écoulements de tas de fumier et
autres milieux peu reluisants
abritent les vers queue de rat. Ces curieuses larves
d'Eristales
sont pourvues d'un siphon téléscopique qui leur
permet de respirer à la surface.
Eristalis tenax / Syrphidae
pucerons
Sur les rosiers des jardins où pullulent les pucerons,
les larves de syrphides, auxiliaires méconnus des
jardiniers, passent leur journée à gober ces
ravageurs par dizaines.
Episyrphus balteatus
Syrphidae
rives d’étang
Les rives des étangs à végétation dense sont le
domaine de prédilection de nombreux Dolichopus
aux très belles teintes vert métallique, dont les
larves sont prédatrices dans le sol.
Dolichopus sp. / Dolichopodidae
lac salé
Les lacs salés et les lagunes saumâtres hébergent
de nombreuses espèces
d’Ephydridae adaptées aux milieux salins. Cirrula
hians est même si abondante au bord du lac Mono
(Nevada / Californie) que les Indiens Paiutes en
Textes
de
l'exposition
légumes
Les larves de Chamaepsila rosae creusent dans les
carottes leurs galeries sinueuses.
Rapidement colonisées par des mycéliums de
champignons, celles-ci rendent les carottes
amères et impropres à la consommation.
Mouche de la carotte
Chamaepsila rosae / Psilidae
cascades
Solidement fixées au rocher par leurs ventouses
ventrales, les larves des Blephariceridae vivent dans
les eaux très oxygénées des cascades et des
torrents impétueux.
Blephariceridae (larve)
cerise
Les vers que l’on trouve parfois dans les cerises ne
sont rien d’autre que les asticots de la jolie mais
redoutable mouche des cerises Rhagoletis cerasi.
Mouche de la cerise
Rhagoletis cerasi / Tephritidae
oignons
Les bulbes des narcisses et d’autres liliacées
ornementales sont dévorés par les larves des
Merodon, gros syrphes à allure de bourdon.
Merodon / Syrphidae
champignons
Les vers des champignons, qui font le désespoir des
amateurs, sont souvent des larves de moucherons
mycétophilides (c’est-à-dire les amis des
champignons !).
Mycetophilidae indéterminé
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Le vol des mouches
Les ailes des mouches vrombissent à une cadence infernale: 200 battements à la seconde
pour les Syrphides, jusqu’à 1000 battements à la seconde chez certains moustiques. Sous
l’action de muscles puissants, le thorax de l’insecte subit une suite de
déformations rapides: il est alternativement bombé, ce qui a pour effet de faire descendre
les ailes, puis aplati, ce qui les fait remonter. Le cerveau le plus rapide n’arriverait pas à
transmettre aussi vite ses ordres aux muscles thoraciques commandant les mouvements
des ailes. Une fois mis en route, ces muscles sont capables d’entretenir eux-même leur
contraction à haute vitesse et d’osciller plusieurs centaines de fois par seconde, une
performance unique dans le monde animal.
Les ailes des mouches, constituées de fragiles membranes soutenues par un réseau de nervures, sont
remarquablement souples et résistantes. Que des organes aussi fins puissent assurer le vol durant les
centaines d’heure de la vie de l’insecte constitue une véritable merveille sur le plan de la technique et
du fonctionnement.
La transformation en balanciers de la seconde paire d’ailes des autres insectes est une particularité
unique des diptères. Ces organes en forme d’haltères vibrent en même temps que les ailes et
renseignent continuellement le cerveau sur la position de vol grâce aux zones sensorielles de leur
base.
Les performances des diptères varient énormément suivant les familles. Certains frêles moucherons
ont un vol faible mais sont souvent emportés à grande distance par les vents et les courants aériens.
Beaucoup de mouches ont un vol puissant. Les plus rapides sont les mouches tsé tsé, qui peuvent
atteindre des vitesses estimées aux environs de 60 km/heure.
Quelques familles, dont les Bombyliides, sont capables de prouesses étonnantes. Ils peuvent non
seulement voler sur place, mais aussi faire des démarrages fulgurants dans n’importe quelle direction,
y compris en arrière. La rapidité des accélérations et la liberté des changements de direction de ces
mouches délicates font paraître terriblement lourdaud le plus maniable des hélicoptères.
Vidéo
Le vol des mouches
1 minute
Sources: La mouche un monstre de tous les jours K. Mündl ©1994, MIF Sciences
La mouche, Insectoscope J.-P. Macchioni,© 2003 Production MC4 Paris
Des mouches migratrices
Certains Syrphides quittent en masse l’Europe centrale à la fin de l’été et en automne. Ces
mouches d’une taille de 1 à 2 cm sont capables de parcourir des centaines de kilomètres
et de traverser les Alpes. Un flot concentré de ces minuscules migrateurs passe aux cols
de Cou et de Bretolet, au fond du Val d’Illiez, au Valais.
Des pièges fonctionnant en permanence entre juillet et octobre au col de Bretolet ont prouvé
l’ampleur du phénomène: un piège de 4 m de long sur 2 m de haut a permis de capturer 29'000
Syrphides en un seul jour, le 24 août 1962 ! Cette même année 1962, 300'000 Episyrphus balteatus
ont été pris en 100 jours de piégeage.
Plus de 80 espèces de Syrphides ont été capturées à Bretolet, mais le 85% des migrateurs
appartiennent à moins d’une dizaine d’espèces. La plupart ont des larves qui se nourrissent de
pucerons.
La direction générale du flux migratoire a été déterminée grâce à des campagnes de marquage des
mouches - l’équivalent du baguement des oiseaux. En 1968, un très grand piège a été installé à Cou :
les mouches capturées ont été marquées par dizaines de milliers au moyen d’une pulvérisation
inoffensive de peinture fluorescente, puis relâchées. Un piège semblable barrant le col de la Golèze,
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
20/30
situé à 3 km au SW de Cou a permis la reprise d’individus marqués. On a pu calculer que la vitesse de
déplacement des Syrphides en migration est de 12 à 18 km/h. Des mouches marquées à Bretolet ont
même été contrôlées au col du Glandon en Savoie, situé à 111 km au sud-ouest du col de Cou !
Grâce à d’autres essais et observations, dans les Alpes et ailleurs, on a pu constater que la migration
des Syrphides est un phénomène général en Europe.
Pourquoi ces mouches migrent-elles ? Produisent-elles une ou plusieurs générations dans le sud de
l’Europe ? Leur descendance remontent-elle vers le nord dans une migration de retour printanière ?
Ces questions ne sont pas encore résolues avec certitude aujourd’hui.
Le professeur Jacques Aubert marque des syrphides à l’aide d’une peinture fluorescente. Cette
méthode a a permis la recapture de mouches à plus de 100 kilomètres de leur lieu de marquage.
(photo Raffael Winkler)
Principales espèces de syrphides migrateurs
Episyrphus balteatus : l’espèce la plus abondante
Eristalis tenax
Eupeodes corollae
Syrphus ribesii
Didea fasciata
Sphaerophoria scripta
Scaeva pyrastri
Melanostoma mellinum
Chercher les truffes à la mouche
Les truffes sont parmi les champignons les plus recherchés des gourmets. Elles sont très
difficiles à trouver car elles se développent sous la terre, en association avec les racines
des chênes. Pour les découvrir, on utilise généralement des chiens ou des cochons dressés
qui les repèrent à l’odeur.
Mais il y a plus simple: il suffit de savoir reconnaître la mouche de la truffe Suillia
tuberiperda. Les femelles de cette mouche pondent leurs œufs au-dessus des précieux
champignons. Elles les repèrent en arpentant lentement, à la marche, la surface du sol
sous les chênes truffiers.
A l’éclosion, les jeunes larves s’enfoncent dans le sol pour pénétrer dans la truffe dont elles se
nourrissent, finissant par transformer le précieux tubercule en une masse pourrissante grouillant
d’asticots.
Seules quelques espèces du genre Suillia (Héléomyzides) présentent ce mode de vie très particulier.
Dans le Midi de la France, certains récolteurs savent reconnaître ces mouches. En observant
patiemment les va-et-vient des femelles qu’ils dérangent intentionnellement durant leurs recherches
de lieux de ponte, ils repèrent l’endroit où se trouvent les truffes qu’il leur suffit alors de déterrer.
vidéo
Chercher les truffes à la mouche
1 minute
Source : Edouard Aynaud © 2003
Drosophiles et recherche génétique
La génétique et la médecine moderne doivent beaucoup à la mouche du vinaigre Drosophila
melanogaster. Une grande partie des immenses progrès accomplis depuis un siècle dans la
compréhension de la transmission des caractères héréditaires sont dus aux recherches menées sur
cette petite mouche.
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
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Cette espèce se reproduit très rapidement et s’élève facilement, ce qui en fait un animal de laboratoire
idéal. De plus, elle ne possède que 4 chromosomes, - qui plus est géants dans les glandes salivaires.
En 1910, le biologiste américain Thomas Morgan mit en évidence une première mutation animale,
apparue au sein d’un élevage. L’étude de la transmission à leur descendance des mutations des
drosophiles a permis des découvertes importantes pour comprendre les mécanismes et les lois
fondamentales de la génétique. Pour la première fois, on a pu mettre en évidence sur les
chromosomes les emplacements des gènes et démontrer qu’ils sont bien le support de l’hérédité.
Les laboratoires de génétique du monde entier continuent d’élever la petite mouche rousse à yeux
rouges qui n’a pas encore dévoilé tous ses secrets. Drosophila melanogaster est l’une des premières
espèces dont le génome – 13601 gènes en tout - a pu être entièrement décrypté. Le décryptage
complet du génome humain a révélé tout récemment que 2/3 de nos gènes sont communs avec ceux
de la drosophile. Pas étonnant dès lors que la recherche médicale, en particulier pour les maladies
héréditaires, continue de s’intéresser aux drosophiles.
Préparations microscopiques
La mouche du vinaigre Drosophila melanogaster
1. Wt ‘type sauvage’ : c’est la forme normale de l’espèce, telle qu’on la rencontre dans la nature.
Quelques souches mutantes :
2. E : de couleur sombre
3. NW : pas d’ailes
4. 4W : 2 paires d’ailes, des ailes à la place des balanciers
5. Antp : des pattes à la place des antennes
6. Ect : des yeux sur les pattes
(Préparations microscopiques Novartis, Bâle)
Le peuple mouche
Je ne finirais point si je voulais parcourir toutes les différentes sortes de mouches que l’on
trouve dans les prairies, les bois et les jardins: je dirai seulement que leurs décorations
surpassent en luxe, en couleurs et en variétés toute la magnificence des habits de cour des
plus grands princes.
Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, 1778, article mouche
Loupes binoculaires, de gauche à droite
Diversité des Diptères
Les Diptères sont des insectes (3 paires de pattes)
Comment reconnaître les Diptères parmi les autres insectes ?
- une seule paire d’ailes (di ptère = 2 ailes, en grec).
- une paire de balanciers (petits organes en forme d’haltères utilisés pour le contrôle du vol)
- La plupart se nourrissent de matières liquides grâce à leur trompe.
Cet ordre d’insectes comprend les mouches, moustiques et moucherons.
Les principaux groupes des diptères sont représentés ici, depuis les moucherons Nématocères primitifs
(à antennes filiformes) jusqu’aux aux mouches les plus évoluées (Calyptères). La forme et le nombre
de segments des antennes permettent généralement de différencier ces grands groupes. Les
antennes portent des organes sensoriels, en particulier des récepteurs olfactifs.
Loupe 1
Quelques particularités morphologiques des Diptères
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
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1. Sphyracephala europaea Diopsidae
Des prolongements latéraux portent les yeux et les antennes, donnant à la tête un aspect étrange.
Cette espèce, découverte récemment en Hongrie, est le seul représentant européen de la famille, surtout
tropicale.
2. Bombyliidae
La très longue trompe de ce bombyle lui permet d’atteindre le nectar des fleurs les plus profondes. Les
Bombylides butinent en volant sur place devant les fleurs, comme les colibris.
3. Empis sp. Empididae
Les yeux composés occupent presque toute la tête chez cette espèce.
La trompe allongée sert à la fois à à butiner le nectar des fleurs et à capturer des proies. Chez beaucoup d’Empis,
le mâle offre une proie en cadeau à la femelle, en guise de prélude à l’accouplement.
4. Ochtera mantis Ephydridae
Les pattes avant de cette espèce prédatrice sont épaissies et armées d’épines. Elles servent à la capture des
proies, un peu à la façon de celles des mantes religieuses. Les proies sont des moucherons et d’autres petits
insectes.
5. Hippobosca equina Hippoboscidae
Avec son corps aplati et ses fortes griffes qui lui permettent de s’agripper au pelage, cette espèce est bien
adaptée à une vie d’ectoparasite. Cette mouche passe une grande partie de son existence sur le pelage des
chevaux, mais elle est capable de voler.
6. Nycteribiidae
Les mouches de cette famille ressemblent à première vue à des araignées. Elles passent toute leur existence dans
le pelage des chauves-souris et leur corps est complètement adapté à cette vie parasitaire. La tête est très petite,
et les yeux ont disparu. Les ailes, devenues inutiles, ont également complètement disparu.
Loupe 2
Quelques particularités morphologiques des Diptères
1. Bibio reticulatus Bibionidae (mâle)
Chez les Bibionides mâles, les yeux composés sont très grands et occupent presque toute la tête. Ils sont
pratiquement divisés en deux, avec des facettes bien plus grosses dans la moitié supérieure.
Les tibias antérieurs des Bibio se terminent par un fort éperon dont on ignore la fonction.
2. Phaonia pallida Muscidae
La tête, le corps et les pattes des mouches les plus évoluées portent de très nombreux poils sensoriels, appelés
soies, qui les renseignent sur leur environnement.
L’emplacement, le nombre, la taille, la direction des soies sont différents pour chaque espèce et fournissent des
caractères utiles à l’identification.
3. Celyphidae
Le scutellum (partie arrière du thorax) est très développé, recouvrant et protégeant l’abdomen et les ailes au
repos, un peu à la façon des élytres des coléoptères. Cette famille à l’aspect étrange est répandue surtout en Asie
du Sud-Est.
(Thaïlande - Prêt Muséum d’histoire naturelle, Genève)
4. Terellia tussilaginis Tephritidae (femelle)
Les femelles des Tephritides possèdent à l’extrémité de l’abdomen un organe de ponte qui est téléscopique. Il
leur permet de déposer leurs œufs à l’intérieur des fleurs ou des fruits où se développeront leurs larves.
5. Choerades sp. Asilidae
Les Asilides sont des prédateurs redoutables pour les autres insectes. Leurs pattes sont fortes, armées de griffes
puissantes et leur trompe pointue et cornée leur sert à embrocher leurs proies.
6. Ephydridae
L’ouverture buccale des Ephydrides est souvent très grande, avec une trompe élargie, transformée en appareil de
filtration pour les microorganismes dont ces petites mouches se nourrissent.
Loupe 3
1. Chironome Chironomidae
Les mâles de ces délicats moucherons sont reconnaissables à leurs antennes plumeuses.
Ils forment parfois, au bord des lacs ou des rivières, des essaims innombrables qui peuvent être gênants, mais
ces insectes sont tout à fait inoffensifs.
2. Macrocera sp. Keroplatidae
Les antennes des Macrocera sont fines et fragiles, bien plus longues que le corps de l’insecte.
Les balanciers, en forme d’haltères, sont bien visibles à l’arrière des ailes.
3. Taon des pluies Haematopota pluvialis Tabanidae
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
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Dans cette famille de Brachycères primitifs, les antennes sont composées de 3 segments mais le troisième,
allongé, porte encore des traces de segmentation.
4-6. Les antennes sont composées de 3 segments, le troisième segment portant une soie dorsale caractéristique,
appelée arista. La plupart des Diptères évolués à allure de mouche possèdent des antennes de ce type.
4. Pipunculidae
Dans cette famille, la tête est globuleuse et presque entièrement occupée par les yeux.
Les larves des Pipunculides sont parasites des cicadelles. Les œufs sont pondus à l’intérieur de l’hôte grâce à
l’ovipositeur pointu, bien visible à l’extrémité de l’abdomen de cette femelle.
5. Loxocera Psilidae
Une des nombreuses familles du groupe des Acalyptères, dont l’identification est souvent difficile. La nervation
alaire fournit des caractères pour les reconnaître : nombre et tracé des nervures longitudinales, emplacement des
petites nervures transverses, forme des cellules (surfaces délimitées par les nervures).
6. Sarcophagidae
Une des familles les plus évoluées de l’ordre des Diptères, faisant partie du groupe des Calyptères: tout le corps
est recouvert de soies sensorielles, et les balanciers sont protégés par des sortes de membranes appelées
cuillerons.
Loupe 4
Loupe 5
la beauté des mouches
La beauté des diptères est parfois étrange et souvent discrète. La loupe binoculaire
permet de découvrir de véritables merveilles.
1. Chloromyia formosa Stratiomyidae
De nombreuses mouches de cette famille possèdent des couleurs métalliques aux reflets changeants. Cette
superbe espèce, dont la larve vit dans le sol, est très commune dans toute l’Europe.
2. Mouche méditerranéenne des fruits Mittelmeerfruchtfliege Ceratitis capitata Tephritidae
Une beauté dangereuse ! Cette espèce est l’un des principaux ravageurs des cultures fruitières dans les régions à
climat tropical ou méditerranéen. Ses larves s’attaquent à un grand nombre de fruits, provoquant leur
pourrissement.
Le mâle porte sur le front une paire de soies allongées et élargies en palette à l’extrémité.
3. Otites formosa Otitidae
Une grande mouche aux ailes tachetées et brillamment colorées qui fréquente plutôt le sommet des arbres dans
les forêts de chênes du pied du Jura.
4. Tachinidae
Délicate harmonie de couleurs chez cette espèce de Tachinide qui parasite des punaises.
5. Sepedon spinipes Sciomyzidae
Une étrange espèce des prairies marécageuses, dont les larves consomment des escargots aquatiques.
6. Euparyphus sp. Stratiomyidae
Ces petites mouches curieusement bariolées se rencontrent près des torrents ou des étangs où vivent leurs larves
aquatiques. De nombreuses espèces d’un genre voisin vivent en Europe, mais celle qui est présentée ici est nordaméricaine.
Loupe 6
Mouches des maisons
Plusieurs espèces de Diptères se rencontrent dans les maisons. Quelques-unes, attirées par la
présence de milieux favorables au développement de leurs larves, peuvent y vivre à demeure. De
nombreuses autres y entrent accidentellement et se retrouvent piégées derrière les fenêtres fermées.
1. Mouche domestique Musca domestica Muscidae
C’est LA mouche pour la plupart des gens ! Comme son nom l’indique, cette espèce s’est adaptée à la vie avec
l’homme, qu’elle a suivi dans le monde entier. Elle trouve dans les habitations humaines abri et nourriture pour
ses larves (toutes sortes de matières en décomposition), même si les conditions modernes d’hygiène l’ont rendue
bien plus rare dans les villes occidentales.
2. Petite mouche domestique Fannia canicularis Fanniidae
Textes
de
l'exposition
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Un peu plus petite que la mouche domestique, elle est surtout reconnaissable à son comportement: vol nuptial en
groupe, sous le plafond, avec de brusques changements anguleux de direction.
3. Mouche bleue Calliphora Calliphoridae
Ces grosses mouches au bourdonnement puissant pénètrent parfois dans les maisons. Attirées par l’odeur, elles
recherchent les morceaux de viande pour y pondre leurs œufs.
4. Pollenia Calliphoridae
Mouches trapues, reconnaissables à leur courte fourrure, dorée et frisée. Elles peuvent pénétrer en grand nombre
dans les habitations en automne et passent l’hiver engourdies dans les greniers ou des interstices des toitures ou
des murs. Réveillées par le chauffage, elles meurent souvent en masse, provoquant de véritables nuisances par
leur nombre.
5. Psychodide Psychodidae
Minuscules moucherons velus, ressemblant à de petits papillons de nuit, qui se rencontrent parfois autour des
lavabos ou des cuvettes de WC. Leurs larves se développent en particulier sur les filtres des dispositifs
d’épuration des eaux d’égoût.
6. Sciaride Sciaridae
Petits moucherons noirs qui pullulent parfois dans les habitations. Leurs larves, très abondantes dans le sol des
forêts et des prairies, peuvent aussi se développer dans la terre des pots des plantes d’appartement.
Loupe 7
Fausses guêpes, fausses abeilles, faux bourdons…
L’imitation de l’apparence d’une autre espèce, ou mimétisme, est un phénomène très répandu dans le
monde animal. Le mimétisme présente presque toujours un avantage pour l’imitateur. Lorsqu’une
espèce inoffensive imite un animal venimeux, la livrée « dangereuse » fonctionne comme un signal
adressé à l’intention des prédateurs éventuels.
De nombreux diptères arborent une livrée rayée de jaune et de noir, exhibant les couleurs
avertisseuses des guêpes. D’autres imitent, parfois à la perfection, les abeilles ou encore les bourdons,
mais tous sont parfaitement inoffensifs !
« Attention, je pique ! » est l’avertissement trompeur lancé par ces simulateurs, qui essaient, pour
échapper à leurs prédateurs, de profiter du souvenir cuisant laissé par une première expérience
douloureuse avec leur modèle.
Cette ruse a été adoptée par de nombreuses espèces de Syrphides, imitant guêpes, abeilles ou
bourdons. En Europe, les guêpes sont certainement les modèles les plus imités. Parmi les imitateurs,
on trouve d’autres familles de diptères (Conopides, Stratiomyides, Xylomyides), mais aussi des
coléoptères (Cérambycides), d’autres hyménoptères (Tenthrèdes) et même des papillons (Sésiides).
Loupe 8
Quelques imitateurs – inoffensifs ! - de guêpes ou d’abeilles
Trouvez l’intrus !
Observez le nombre de paires d’ailes, la forme des antennes et de la la trompe.
1. Chrysotoxum sp. Syrphidae
Un des bons imitateurs des guêpes
2. Milesia crabroniformis Syrphidae
La taille et les couleurs de cette grande mouche rappelent à s’y méprendre celles du frelon.
3. Syrphidae
Un des nombreuses petites espèces de Syrphides à l’abdomen marqué de jaune et de noir.
4. Sesia apiformis Sesiidae
Un papillon imitateur ! Ses ailes sont en partie transparentes, dépourvues d’écailles, ce qui accentue la
ressemblance avec une guêpe ou un frelon.
5. Abeille domestique Apis mellifica Apidae
Le modèle…
6. Eristale Eristalis tenax Syrphidae
… et son imitatrice, une mouche qu’on rencontre souvent sur les fleurs en compagnie de son modèle.
Quelques imitateurs - inoffensifs - de bourdons, et leur modèle
Textes
de
l'exposition
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Les bourdons ne sont pas agressifs, mais ils possèdent un aiguillon et peuvent infliger des piqûres
douloureuses s’ils se sentent menacés. De nombreuses mouches inoffensives sont mimétiques des
bourdons. La ressemblance est parfois frappante.
Essayez de les reconnaître !
Le nombre de paires d’ailes, la présence de balanciers, la forme des antennes et de la la trompe
trahissent les Diptères.
1. Bombus terrestris Apidae
Le modèle, une des espèces de bourdons les plus communes, …
2. Arctophila bombiformis Syrphidae
… et son imitatrice, une mouche de la famille des syrphides.
4. Arctophila superbiens Syrphidae
Une mouche appartenant au même genre Arctophila, qui compte certainement parmi les meilleurs imitateurs…
3. Bombus pascuorum Apidae
… et son modèle, un autre bourdon.
5. Volucella pellucens Syrphidae
Cette belle mouche pénètre dans les nids de guêpes pour y pondre ses oeufs. Ses larves s’y
développent, se nourrissant de larves mortes et de débris divers.
6. Bombylius major Bombyliidae
Du fait de leur fourrure, certains bombyles présentent une ressemblance superficielle avec les bourdons.
Loupes 9 et 10 : cycle de la mouche domestique
Face à face
La vision des mouches
Comme la majorité des insectes, les diptères possèdent des yeux composés et, au sommet
de la tête, trois yeux simples appelés ocelles, qui servent à détecter l’intensité lumineuse.
Les yeux composés sont constitués de la juxtaposition de plusieurs centaines ou milliers d’yeux
simples appelés ommatidies ou facettes. Ils transmettent chacun leur propre image au cerveau qui
combine les différents signaux.
Il est très difficile de savoir exactement à quoi ressemble la vision de la mouche. Elle est certainement
très supérieure à la nôtre pour la détection des mouvements, comme on le vérifie presque à chaque
fois qu’on essaie d’en attraper une.
Les yeux des mâles sont souvent plus grands que ceux des femelles, probablement en rapport avec le
comportement nuptial. Chez de nombreuses espèces, les mâles se réunissent au vol en essaim, alors
que les femelles se tiennent sur des perchoirs, feuilles ou herbes.
Les yeux peuvent occuper une grande partie de la tête, mais ils peuvent être très réduits ou même
disparaître complètement chez des espèces habitant la litière forestière, les terriers et les grottes ou
encore chez des parasites, comme les Nyctéribiides qui vivent dans le pelage des chauves-souris.
Une galerie de portraits de diptères en gros plan et en vision stéréoscopique (3D).
Photographies au microscope à balayage optique de Georges Haldimann, selon un procédé original
mis au point par l’auteur.
Deux des trois ocelles, ou yeux simples sensibles à l’intensité lumineuse, sont visibles au sommet de la tête de ce
Dolichopodide, entre les yeux composés
Dolichopodidae
Chez les tipules, à activité plutôt crépusculaire, les yeux sont petits et les ocelles manquent.
Tipule Tipula / Tipulidae
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
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Les yeux des taons portent des bandes ou des taches de couleurs vives dont on ignore la fonction.
Taon des pluies Haematopota
Les antennes des chironomes mâles, qui se réunissent en essaims pour leur vol nuptial, sont délicatement
plumeuses.
Chironome /Chironomidae
Les yeux occupent presque toute la tête des Empidides, mouches prédatrices.
Empis/ Empididae
Chez de nombreuses mouches, les yeux des femelles sont plus petits que ceux des mâles et écartés sur le front.
Muscidae
Certains Conopides possèdent une très longue trompe qui leur permet de butiner dans les fleurs à corolle
profonde.
Conopidae
La tête des Phorides, petites mouches abondantes parmi les feuilles mortes du sol des forêts, est hérissée de
soies sensorielles.
Phoridae
Les Bombylides sont souvent recouverts d’une fourrure de poils parfois aplatis et raccourcis en forme d’écailles.
Bombyliidae
Les moucherons de la famille des Psychodides ressemblent à de minuscules papillons de nuit.
Psychodidae
Un Syrphide à face curieusement prolongée en museau.
Anasymia lineata / Syrphidae
Belle est la bête (Péristyle)
Eugène Séguy (1890-1985)
Entomologiste français, spécialiste des diptères au Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Il est
l’auteur de plus de 20 ouvrages consacrés à ces insectes, dont d’importantes monographies, et de
plusieurs centaines d’articles scientifiques. Il a étudié presque toutes les familles de diptères, dont il a
décrit des centaines d’espèces nouvelles du monde entier.
Dessinateur scientifique très doué - il a réalisé l’illustration de toutes ses publications –, ses œuvres
les plus connues sont les 23 planches coloriées rehaussées à l’aquarelle de son Atlas des Diptères de
France, Belgique, Suisse paru en 1951 où sont représentées fidèlement plus de 250 espèces.
Les admirables planches originales de cet ouvrage présentées ici ont été acquises par le Muséum
d’histoire naturelle de Neuchâtel en 2003.
Mouchomaton
Mais, ma mignonne, dites-moi,
Vous campez-vous jamais sur la tête d'un Roi
D'un Empereur, ou d'une Belle ?
Je le fais; et je baise un beau sein quand je veux;
Je me joue entre des cheveux;
Je rehausse d'un teint la blancheur naturelle;
Et la dernière main que met à sa beauté
Une femme allant en conquête,
C'est un ajustement des Mouches emprunté.
La Mouche et la Fourmi – Extrait. La Fontaine
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
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Le jugement (Espace actualité)
Quand on voit des mouches, on peut dire: ça a été des vers.
Quand on voit des hommes, on peut dire: ça en sera.
Foutaises. Raymond Queneau
[le président]
Mesdames, Messieurs les jurés,
La mouche ici présente est accusée de nuire à l’homme.
L’origine de l’affaire se perd dans la nuit des temps. La longue histoire commune des mouches et des humains est
parsemée de conflits. A qui la faute ? A l’homme ? A la mouche ? A vous de trancher, après avoir écouté le
réquisitoire de l’accusation et la plaidoirie de la défense. Après, et seulement après, vous devrez voter.
Je déclare l’audience ouverte ! (coup de marteau)
Monsieur le Procureur, nous écoutons votre réquisitoire. La parole est à vous.
[le procureur]
Monsieur le Président du tribunal, Mesdames et Messieurs les jurés,
Delenda musca ! Je l’affirme ici haut et fort, sans craindre de paraphraser Caton l’Ancien, il FAUT détruire les
mouches !
Cette maudite engeance nous poursuit, nous agace, nous horripile.
Vous-mêmes, Mesdames et Messieurs, combien de fois avez-vous été harcelés par ces ignobles insectes qui
s’invitent dans votre assiette ou votre verre, souillent la viande de votre grillade et gâtent vos pique-niques ?
Passer du fumier à la plaie, du cadavre à la tartine, se poser tour à tour sur les crottes et sur les lèvres, quoi de
plus facile, de plus normal pour une mouche ?
Leurs pattes velues, leur trompe dégoûtante déposent partout et par millions bactéries et germes suspects. C’est
effrayant ! Notre hygiène, notre propreté, je dirais même notre identité sont menacées par la mouche ! Musca
universalis pestis est ! La mouche est un fléau universel. Elle gangrène notre civilisation.
Mesdames et messieurs les jurés: ces bestioles à six pattes qui ont l’outrecuidance de vouloir partager avec nous
nos habitations ne sont que des nuisibles, des parasites, des profiteurs. Pensez à nos pauvres chevaux rendus
fous par les taons, à nos bonnes vaches qui tristement nous implorent, environnées d’un nuage de tourmenteurs.
Rappelez-vous l’insupportable piaulement des moustiques, capables de transformer votre repos en cauchemar,
rappelez-vous l’irrésistible démangeaison de leurs piqûres…
Débarassons-nous de cette vermine qui nous parasite sans vergogne. Car ils sont tous coupables, ces buveurs de
sang insatiables et sournois, coupables, ces Hippoboscides, ces Cératopogonides, toutes ces familles d’insectes
dont les noms barbares et imprononçables n’inspirent que méfiance.
Broutilles, diront peut-être certains, frustes à la peau coriace, insensibles aux piqûres, et peu regardants sur la
propreté.
Je leur laisse l’entière responsabilité de leur coupable mansuétude… Car il y a plus grave. Je veux parler des
agents de maladies - protozoaires et vers parasites - dont les diptères piqueurs se font les propagateurs.
La liste des méfaits de ces serviteurs de la maladie et de la mort est interminable, Mesdames et Messieurs. Ce
que vous allez entendre tient du film d’horreur, mais hélas, ce n’est pas de la fiction. C’est la réalité, la triste
vérité scientifique !
-le paludisme: 2 millions de morts chaque année, soit plus de 3 chaque minute.
-l’éléphantiasis : vision insoutenable d’êtres innocents que l’infirmité transforme à tout jamais en bêtes de foire
-l’onchocercose: des millions de personnes rendues aveugles
Dois-je continuer à débiter cette liste accablante ? Non, ce ne sera pas nécessaire, car l’affaire est claire.
Qui est l’arme de ces massacres ? Mesdames et Messieurs les jurés, je vous le demande ? Qui ? … Une mouche,
un moustique ou un taon, bref un diptère, qui pique traîtreusement ses victimes, parfois des dizaines de fois par
jour, sans distinction d’âge ni de sexe. Ces misérables insectes sont sans pitié lorsqu’ils vous dévorent et qu’ils
harcèlent par millions vos semblables. C’est cela, les mouches !
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
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Souvenez-vous que Belzébuth, le prince des démons, est aussi le dieu des mouches. Souvenez-vous que la
mouche annonce l’asticot, le ver qui grouille, la chair en putréfaction, la puanteur, en un mot la mort…
Pour le bien de l’humanité toute entière, tuons les toutes, et que celle-ci soit la première à mourir ! Je demande
la peine capitale.
[Le Président]
Monsieur le procureur, nous vous avons entendu. La parole est maintenant à l’avocat de la défense. Maître, nous
vous écoutons.
[l’avocat de la défense]
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les jurés,
Vous avez VU la merveille...
Ces mouches, dont vous avez pu admirer sous la loupe la beauté étrange, les extraordinaires adaptations, le
parfait accord de la forme et de la fonction, pouvez-vous les condamner en bloc ? Ce peuple grouillant certes,
mais exploitant de mille façons plus ingénieuses les unes que les autres les ressources négligées de notre planète
- le plus souvent à notre profit notez-le bien -, éliminant détritus, pourriture et excréments ? Cette multitude
recyclant sans relâche, remettant en circulation la matière organique, pour le plus grand profit des végétaux
d’abord, puis de toute la chaîne alimentaire, jusqu’à l’homme, la condamnerez-vous ?
Non, car c’est la source même de la fertilité de la Terre que vous condamneriez… Ce serait scier la branche sur
laquelle l’humanité toute entière est assise, si vous me permettez cette image quelque peu audacieuse !
En vérité nous avons besoin d’elles. Oui, la Terre a BESOIN des mouches, et je pèse mes mots.
Monsieur le procureur réclame la mort. Bien plus, la mort pour l’exemple, la profondément injuste, la scandaleuse
mort pour l’exemple...
Je vous le demande, Mesdames et Messieurs: en votre âme et conscience, pouvez-vous sérieusement envisager
de renvoyer au néant une espèce animale sur cinq vivant sur notre planète ?
Parce que quelques centaines d’espèces nous posent problème, nous ne pouvons pas en condamner des
centaines de milliers d’autres. Ce genre d’amalgame ne peut plus avoir cours. Il est urgent de dépasser cette
vision simpliste, cause de tant de dérives dans notre histoire. «Utile», «nuisible», ces catégories sont aujourd’hui
totalement dépassées: la science a démontré qu’on ne peut plus classer le monde vivant selon ces critères qui
ont donné lieu à tant de désolants massacres… Tous, de l’amibe à l’éléphant, de l’algue au chêne, de la mouche à
l’homme, nous entrons dans les mêmes cycles naturels, nous participons aux mêmes équilibres, subtils,
dynamiques, sans cesse en mouvement. Tous, même le plus infime moucheron, avons un rôle à jouer, un pupitre
à tenir, notre voix à faire entendre, dans cette immense partition chatoyante, mouvante, multicolore, qu’est la Vie
sur Terre.
Au lieu de quoi, notre société a privilégié une orgueilleuse réponse technicienne qui aujourd’hui montre partout
ses limites. Equilibre devrait être notre maître mot. Car, beaucoup des problèmes que nous causent les mouches
sont nés de déséquilibres dans les écosystèmes naturels, perturbés par les activités humaines agressives et
désordonnées. Oui, Mesdames et Messieurs les jurés, le sentiment de notre toute-puissance nous conduit sur des
chemins dangereux…
Mais la mouche me direz-vous ? Justement, la mouche ! Le procès qu’on lui fait aujourd’hui est un nouvel
exemple de cet orgueil, de notre anthropocentrisme aveugle. En cela, il est certes dans la droite ligne des procès
du passé, instruits contre les vers et les mouches qui ravageaient les cultures de nos ancêtres. A une grosse
différence près cependant… Je vous ferai remarquer, Monsieur le Président, et vous Mesdames et Messieurs les
jurés, que le réquisitoire du procureur du 16e siècle ne demandait pas la mort, mais le bannissement. Je cite:
«Ces animaux brutes» étaient condamnés à «se rendre dans des lieux stériles ou couverts de forêts, dans
lesquels ils ne pourront nuire aux fruits des hommes. »…
Le 21e siècle serait-il plus intransigeant que le 16e ? Beau progrès en vérité… L’intolérance nous guette, et avec
elle la triste promesse d’un monde aseptisé: nos enfants ne connaîtront-ils pas le plaisir de rêver en suivant au
plafond les orbes imprévisibles des voyages des mouches ?…
Dans la mythologie navajo, la mouche est messagère des dieux. Et nous, nous ne pourrions plus supporter à nos
côtés, dans nos maisons, sa présence insouciante, ses toilettes, la dentelle de ses ailes irisées ?
Pauvre mouche inoffensive,
Qui était venue ici, avec son joli et délicat murmure,
Pour nous réjouir ! Et toi,
Tu l’as tuée.
Textes
de
l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
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Ces quelques vers de Shakespeare, tirés de Titus Andronicus, je vous en conjure, Mesdames et Messieurs les
jurés, qu’ils ne s’appliquent pas à vous ! … La mouche doit vivre ! Je vous remercie.
[Le Président]
Merci Maître. Tout est dit. Nous allons maintenant passer au vote. Mesdames et messieurs les jurés, devant vous
se trouvent deux boutons. Si cette mouche mérite la mort, appuyez sur le bouton de droite. Si au contraire vous
désirez que cette mouche soit libérée, appuyez sur le bouton de gauche. Votez en votre âme et conscience et
sachez qu’en cas d’égalité le doute profitera à l’accusé.
[après la sentence]
Mesdames et messieurs, la sentence est accomplie. En vous remerciant de votre participation, je vous prie de
quitter la salle du tribunal …et que les mouches, ou du moins leur souvenir, vous accompagnent.
Textes
de
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