Ils sont trois à bien vouloir nous parler. Les traits tirés, le moral dans

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Ils sont trois à bien vouloir nous parler. Les traits tirés, le moral dans les chaussettes, mais pas
résignés pour autant.
Les agents régulateurs ainsi que les médecins régulateurs du 15(1) de l’Ain, sont en
grève depuis le 20 mars.
Un mouvement symbolique, puisque sans conséquences sur les patients, reconduit après que la
direction de l’hôpital Fleyriat, dont dépend le service, n’a pu accéder favorablement aux requêtes
des grévistes, soutenus par la CGT, syndicat très majoritaire dans l’établissement.
Les agents dénoncent des conditions de travail dégradées, notamment en raison du nonremplacement de trois collègues sujets à des arrêts de travail de longue durée.
Sur le papier, le service du 15 est composé de 24,05 équivalents temps plein (ETP) d’agents.
Le service dispose d’un médecin urgentiste 24h/24 auquel s’ajoute la participation, les soirs de
semaine et les journées en week-end, d’un médecin libéral.
A peine suffisant pour traiter les 115 000 dossiers ouverts en 2014, pour un volume total de
250 000 appels.
Tous les appels du département
Ce centre du 15, localisé dans les locaux du SDIS (Service Départemental d’Incendie et de
Secours) de Bourg-en-Bresse, gère tous les appels d’urgence de l’Ain.
“C’est un service indispensable pour traiter l’urgence médicale et orienter correctement les gens.
Les agents du 15 ont suivi des formations spécifiques à la pratique de leur métier. Ce sont des
professionnels que l’on ne peut pas interchanger avec d’autres soignants », détaillent Régis
Gaillard et Guillaume Vincent, délégués CGT de l’hôpital.
« Les équipes sont arrivées au bout de ce qu’elles pouvaient faire. Elles sont super déterminées à
se faire entendre. Preuve qu’il ne s’agit pas d’une lubie de la CGT, mêmes les médecins se sont
joints au mouvement », soulignent les deux syndicalistes.
Un service vital
Pas question de débrancher le téléphone. « Nous avons un devoir d’astreinte. Nous devons
assurer la continuité du suivi », précisent nos interlocuteurs, qui préfèrent conserver l’anonymat.
« Et puis nous avons le sens du service. Nous n’envisageons pas de laisser les gens dans la panade
(…) Mais quand on nous rappelle incessamment sur nos temps de repos et que certains
font des plages de plus de 12h, ce n’est plus possible » se désespère l’un d’eux.
Et son collègue d’enfoncer le clou : « encore cette semaine, on m’a rappelé. Je dois faire garder
mes enfants, venir d’assez loin… J’en ai déjà pour 50€ de ma poche, sans compter les
conséquences sur la vie de famille, entre les soirs et les week-end ou il faut travailler alors que
ce n’était pas prévu. Je viens parce que je pense aux patients et aux collègues, parce que j’aime
mon métier, mais ce n’est plus acceptable ! »
Des milliers d’heures supplémentaires, pas payées, à rattraper
Les agents avancent des chiffres édifiants : 1080 heures supplémentaires/an depuis 2012,
“pas payées, à récupérer” et 300 rien que pour les mois de janvier et février 2015.
La CGT se garde de blâmer la hiérarchie, consciente que les économies envisagées par le
gouvernement sur la santé publique placent les directeurs d’hôpitaux dans une fâcheuse posture :
« Notre directrice fait ce qu’elle peut avec les moyens qu’elle a. Le vrai problème, c’est que le
gouvernement veut économiser 10 milliards en trois ans, dont 3 milliards pour les
hôpitaux. Cela ne se fait pas sans conséquences sur le service apporté aux assurés sociaux et sur
les salariés. On sent les tensions monter dans tous les services. Les gens commencent à perdre le
goût de leur métier, alors que l’immense majorité des personnes qui travaillent pour l’hôpital public
prend sa mission très à cœur. Aujourd’hui, bosser dans la fonction publique hospitalière relève du
sacerdoce. La priorité de tous, c’est de ne pas mettre le patient en défaut. On sait très bien qu’un
jour, le patient, ce sera peut-être nous. On espère dans ce cas qu’on nous dispensera des soins de
qualité… Mais à force de tirer sur la corde, on s’expose à une possible catastrophe. »
Des semaines de 48h et des risques accrus pour les assurés
Au 15, en ce moment, les personnels qui réceptionnent les appels « travaillent 48h au lieu des 37,5
prévues » et cumulent « jusqu’à trois week-ends de boulot par mois » , dixit les agents. “On est
plusieurs à être à la limite du Burn-out”.
Inexorablement, les délais de réponse s’allongent.
Un phénomène d’autant plus marqué en ce début d’année que l’épidémie de grippe saisonnière
est plus forte que d’habitude.
« Cela s’ajoute à une augmentation continue du volume de travail depuis plusieurs années : le
15 doit absorber l’accroissement démographique du département, l’effondrement du nombre
de médecins libéraux, la réorganisation des appels, puisque désormais, tout doit passer par
le 15 et la multiplication des sollicitations qui relèvent davantage de la psychiatrie que de
la réelle urgence médicale. Tout cela avec les mêmes moyens !»
Un problème de gros sous
Les grévistes doivent être reçus demain, mardi par leur direction, cette dernière ayant fait part des
revendications syndicales auprès de l’ARS (Agence régionale de Santé), afin d’obtenir des
financements.
Ils réclament le remplacement des absences, la fin des changements intempestifs des plannings,
une compensation financière en cas de rappels sur repos et la création d’un second poste de
médecin régulateur comme le préconisent les représentants des Samu de France pour un volume
de dossiers compris entre 100 000 et 125 000.
« Nous verrons ce qu’il en ressort, mais si, comme nous le craignons, on se contente de nous
annoncer le remplacement d’un seul des trois arrêts maladie, personne ne jugera cela à la
hauteur », prévient la CGT.
Auquel cas, la grève sera reconduite pour une durée illimitée.
Un mouvement similaire est prévu le 31 mars au service de stérilisation de l’hôpital. Là
aussi, le service de 14 ETP est amputé de deux agents, « avec le risque, un jour ou l’autre, de
devoir retarder une intervention au bloc, faute de matériel stérilisé en temps et en heure »,
s’alarme la CGT.
Etienne Grosjean
(1)
: Le 15 est le numéro de téléphone unique par département. Il donne directement
accès au Samu (service d’aide médicale urgente). Le 15 est accessible 24 heures sur 24,
depuis un téléphone fixe ou mobile.
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