La plante a une tige extrêmement courte, si courte qu'on la dit plante acaule, c'est-à-dire sans tige. Tout juste de quoi fixer une rosette de feuilles. Le capitule floral est solitaire au bout d'une hampe ou scape cylindrique et creux, dont la longueur est très variable. La hampe est souvent rouge vin et chaque plant peut produire plusieurs hampes. La hampe sort à l'aisselle d'une feuille. Elle contient un latex blanc, âcre, collant et désagréable parce qu'il tache et que ces taches sont difficile à enlever. Le latex forme une goutte visqueuse au bout de la hampe qu'on arrache ou qu'on brise. Pour bien comprendre la structure du capitule du Pissenlit, tranches-en un gros en plein centre dans le sens vertical. Cette coupe te permet de voir la position des bractées de l'involucre et celle des fleurons. Les fleurs Les feuilles L'extrême variabilité des feuilles du Pissenlit intrigue beaucoup les botanistes. Les feuilles varient d'une région à l'autre et même au sein d'un même peuplement. Impossible donc de se baser sur un seul spécimen, il faut tabler sur une moyenne. Le contour général de la feuille présente une forme oblongue ou spatulée, obtuse ou aiguë à l'extrémité supérieure, amincie en pétiole à la base. Le limbe est très régulièrement lobé, profondément découpé ou pinnatifide, ou simplement sinué-denté. Parfois, la feuille prend des proportions étonnantes; d'autres fois, elle reste étroite, courte et malingre. Elle est pubescente dans le jeune âge. Remarquez la couleur de la graine. Quand on arrache une feuille, des fibres viennent avec la graine; ces fibres très résistantes sont des faisceaux de vaisseaux. Le Pissenlit a ceci de particulier que les feuilles sortent très tôt au printemps avant la floraison; elles sont blanchâtres avant d'avoir pu atteindre la pleine lumière. Les connaisseurs parcourent les champs au printemps, le dos plié à angle droit, un couteau dans une amin et un sac dans l'autre; ils font la cueillette des jeunes feuilles de Pissenlit pour en préparer une salade amère, mais délicieuse. La rosette de feuilles sait se tailler une place sous le soleil et elle pousse volontier les herbes avoisinantes pour s'installer. Le capitule Le Pissenlit appartient à la famille des Composées, c'est-àdire que ses fleurs sont groupées en capitules. Relis, dans le Feuillet 53 sur la Marguerite, l'explication de la structure d'un capitule. À la différence de la Marguerite, le Pissenlit est constitué uniquement de fleurons ligulés; c'est donc une composée liguliflore. Le réceptacle est plat et nu au moment de la floraison: cependant, il s'arrondit en boule au moment de la fructification. Si tu veux étudier la disposition des fleurons sur le réceptacle, examine un réceptacle dont le vent a emporté tous les fruits. Les fleurons du Pissenlit sont très nombreux (100-200). Ils ressemblent beaucoup aux fleurons ligulés du pourtour d'un capitule de Marguerite. Les cinq pétales, d'un beau jaune éclatant, sont soudés en tube et prolongés sur un côté en une longue ligule tronquée à cinq dents. Les sépales, en nombre indéfini, sont réduits à des soies simples, épineuses, longues de 5-6 mm, fixées à la base de la corolle, au sommet de l'ovaire. Comme c'est le cas chez les Composées, les étamines, au nombre de cinq, ont leurs filets libres, mais leurs anthères sont soudées en tube autour du style. Celui-ci est très long et se termine par un stigmate à deux lobes spiralés, couverts de verrues. L'involucre On appelle involucre l'ensemble des bractées ou petites feuilles gris verdâtre qui enveloppent le réceptacle. Ces bractées sont de deux sortes chez le Pissenlit: la série interne comporte des bractées longues, linéaires ou lancéolées, dressées autour des fleurons: les rangs externes sont formés de bractées plus courtes, étalées ou réfléchies, toutes pointues. L'involucre, comme la capitule, suit un ryghme d'épanouissement bien déterminé, que nous étudierons plus loin. Le fruit Le fruit du Pissenlit est un akène renfermant une seule graine. L'akène est en forme de fuseau, brun verdâtre, avec une dizaine de stries longitudinales et de petits tubercules ou épines, tournés vers le haut, sur la moitié supérieure. L'akène se rétrécit brusquement au sommet et se prolonge en un bec deux ou trois fois plus long. Au sommet de ce prolongement, une houpette de soies denticulées constitue l'aigrette ou pappus, véritable parachute extrèmement léger qui permet au moindre vent (un kilomètre et demi à l'heure suffit) de transporter la petite graine à des distances indéfinies. L'ensemble des akènes et des aigrettes ou infrutescence forme une jolie boule de duvet blanc qui bientôt s'éparpille. Avec un appareil aussi merveilleusement conçu, "aussi terriblement efficace", écrit Joseph Wood Krutch, on comprend pourquoi la dissémination des graines de Pissenlit est si facile et la présence de cette "mauvaise herbe" si universellement répandue. Le voyage se termine dès que l'air devient humide: le parachute se ferme et la graine tombe. Le cycle vital Le Pissenlit, cette plante considérée comme une des plus vulgaires, a pourtant un cycle de développement des plus extraordinaires. Voici comment le Frère Marie-Victorin décrit ce cycle dans la Flore laurentienne (p. 553): "Tous les matins, vers cinq heures, si le ciel est découvert, l'involucre s'ouvre et laisse épanouir une couronne de fleurs ligulées: tous les soirs, il se ferme de bonne heure pour s'ouvrir encore et ainsi de suite, tant que la sérénité du ciel le permet, et tant qu'il reste des fleurs ligulées à épanouir. Comme ces fleurs sont très nombreuses, il est rare que l'involucre attende le développement des dernières qui sont au centre, et qui d'ailleur sont presque toujours stériles; il se ferme peu à peu, serrant ces fleurs stériles, les forçant à se détacher et à sortir en une masse qui est ainsi chassée par le développement des aigrettes. La maturité arrive de très bonne heure, et alors les bractées se rabattent sur les pédoncules, le réceptacle se renverse, et l'on voit apparaître une boule d'achaines aigrettés qui seront bientôt dispersés aux quatre vents. Les phénomènes qui se passent dans le capitule sont accompagnés de mouvements périodiques et concomitants de la hampe. Après l'anthèse, celle-ci, en effet, se couche sur le sol, relève un peu son capitule; pendant ce temps, une autre hampe s'est dressée verticalement pour une nouvelle anthèse, après quoi elle se couchera à son tour, et ainsi de suite. Chacune de ces hampes se relève pour étaler sa boule d'aigrettes. Ce double mouvement, pendant lequel la hampe accomplit deux fois le trajet dont les positions extrèmes forment un angle de 90 degrés, demande plus ou moins de temps suivant la température, mais il est général... La croissance de la portion florifère du Pissenlit subit trois phrases distinctes: une période de croissance accélérée (7-10 jours), depuis l'apparition de la hampe jusqu'au milieu de la période de floraison: une période de croissance ralentie (6-8 jours), comprenant la dernière moitié de la floraison et le développement des graines; une seconde période de croissance accélérée (7-10jours), atteignant son maximum 1-2 jours avant la dissémination des graines." Mentionnons ici un phénomène étrange chez le Pissenlit. Bien que cette fleur soit parfaitement organisée pour la reproduction normale par la fécondation des ovules, ceux-ci peuvent produire des embryons sans fécondation par le pollen: c'est la parthénogénèse. La conséquence de ce phénomène, c'est que les variations de formes, très fréquentes chez le Pissenlit par suite des hybridations faciles, se transmettent à la descendance comme dans le cas de simples boutures. Alors, c'est le désespoir des botanistes qui essaient de déterminer les espèces. Mauvaise herbe Des fouilles archéologiques au Danemark ont révélé qu'à l'âge de pierre, l'homme cultivait le Pissenlit à partir de la graine pour s'en nourrir. Aux 10e et 11e siècles, les Arabes mentionnaient les propriétés curatives du Pissenlit. C'est depuis le 13e siècle qu'Italiens et Européens le mangent en salade. C'est notre siècle qui a rangé le Pissenlit parmi les mauvaises herbes. Cette notion de mauvaise herbe est bien relative. Le citadin qui croit au mythe de la pelouse pure rage contre le Pissenlit envahisseur et le marchand-jardinier a tout intérêt à entretenir ce mythe, car la lutte contre le Pissenlit lui rapporte de gros profits. Mais est-ce vraiment une horreur que ces fleurs jaunes dans un tapis vert? Cette "mauvaise herbe" est tout de même fort utile aux producteurs de miel; comme le Pissenlit fleurit très tôt au printemps, c'est lui qui fournit la première miellée. De plus, on peut faire un excellent vin avec les fleurs, sans oublier la bonne salade de jeunes feuilles. Enfin, la racine est diurétique et laxative, elle purifie le sang. Les capitules sont très fréquentés par les insectes. Heureusement, le Pissenlit commence à être mieux apprécié. En Ontario, on en cultive pour le manger. Il figure même dans les livres de recettes modernes. Distribution Le Pissenlit n'est pas originaire d'Amérique; il a été apporté par les pionniers et les Indiens en raffolaient. Il est devenu une plante ubiquiste, c'est-à-dire qu'on le trouve à peu près partout dans le monde, aussi bien à la ville qu'à la campagne. Il envahit toutes les parties civilisées du monde, tous les lieux habités par l'homme, les champs, les prairies, les bords de chemin, les cultures, les pelouses. Travaux 1. Fais la dissection d'un capitule et d'un fleuron; examine à la loupe, vérifie les détails mentionnés dans le Feuillet et complète, car les détails ne sont pas tous indiqués. 2. Où le latex se loge-t-il? dans le creux de la hampe ou dans des cellules spéciales? Y a-t-il du latex dans les feuilles et dans la racine? 3. Qu'est-ce qui peut dissoudre le latex: de l'eau chaude? de l'eau avec détergent? de l'alcool? de l'éther? de l'essence? Quelle est la nature chimique de ce latex? Essaie de coller deux feuilles de papier avec le latex. 4. Monte une collection de feuilles de Pissenlits d'un même peuplement ou de plusieurs, pour illustrer la grande variabilité des feuilles. 4. Les monstres Les hampes à deux ou trois capitules sont très rares. Dans une grande colonie de Pissenlits, cherche des monstres. Essaie d'en évaluer le pourcentage. Si tu le peux, transplante un de ces plants dans un pot profond pour savoir si, le printemps prochain, il produira encore des monstres. Fais la même recherche en semant des akènes de capitules monstres. 5. Importance de la descendance Supposons qu'un capitule produise 150 akènes et que chacun de ces akènes produise un nouveau plant à un capitule chacun. Calcule quelle serait la descendance à la troisième ou à la quatrième génération. 6. Souvent, dit-on, le Pissenlit ne vit que deux ans; c'est à vérifier sur un grand nombre d'individus. 7. Les Pissenlits cueillis au printemps sont souvent âgés, sur le point de fleurir, de produire et de mourir; ceux d'automne sont plus succulents, car les feuilles, à ce moment, accumulent des réserves pour le printemps. À vérifier. 8. Quels sont les oiseaux qui se nourrissent de graines de Pissenlit? On mentionne, entre autres, le Pinson familier. Les animaux de nos pâturages broutent-ils le Pissenlit? 9. Le nombre de feuilles d'un plant est-il aussi variable que la forme des feuilles? Les feuilles d'un plant sont-elles toutes semblables? Fais la recherche sur un grand nombre d'individus. 5. Fais l'expérience de la germination des graines de Pissenlit officinal. Ou bien achète un paquet de graines de Pissenlit à feuilles épaisses (de Steele Briggs) et essaie d'en faire la culture; ces feuilles sont très recherchées, paraît-il. 6. Va dans un terrain meuble où poussent beaucoup de Pissenlits, dégage le haut de la racine de façon à t'assurer une bonne prise et, en faisant pivoter la racine, essaie de la retirer au complet. Répète l'opération sur plusieurs plants. Quelle est la plus longue racine que tu as arrachée? J'en ai déjà retiré une de 54 cm, et Il manquait le fin bout! 7. Vérifie le cycle de développement et le jeu des bractées, en t'aidant de la description de Marie-Victorin. Vérifie également les données de Paul Grescoe: le capitule ne s'ouvre pas tant que la température ne monte pas à 10° C, Il ne s'épanouit pas complètement à moins de 17-18° C; le Pissenlit ne fleurit pas s'il y a plus de 12 heures de lumière et la fleur ne demeure ouverte qu'une seule journée. . 8. Fais un dessin très agrandi ou une grosse maquette d'un akène de Pissenlit. 9. Est-il vrai qu'un Pissernit en pleine floraison et laissé sur le terrain peut quand même se rendre à la graine et que, par contre, un plant mis dans un pot d'eau meurt immédiatement? Recherches 1. Disposition en spirale. Relis l'explication de la disposition en spirale chez la Marguerite. La formule de spirale chez le Pissenlit est-elle la même que celle de la Marguerite? Tu peux te servir d'un capitule en fleur, d'une infrutescence ou d'un réceptacle dégarni. 2. Influence de la lumline. Le capitule s'épanouit tôt le matin si le ciel est dégagé et il se ferme le soir. Si tu soumets un plant de Pissenlit en terre à un éclairage continu, est-ce que le rythme habituel d'épanouissement est brisé? Qu'advient-il si les capitules sont maintenus dans un demi-jour comme si le ciel était toujours couvert? 3. Le pissenlit Idéal En procédant de la façon indiquée à propos de la Marguerite, calcule le nombre moyen de fleurons, de soies-pétales, de bractées et d'akènes chez 1 000 capitules. C'est évidemment un travail d'équipe, à condition que tous les équipiers soient consciencieux. Les résultats se présentent en graphiques. Y a-t-il une correspondance entre les courbes? Excellent travail pour une expo-science. 10. Adaptation au milieu Le Naturaliste, avril 1972, a déjà présenté une recherche intéressante de Michel Bertrand. Nous la suggérons ici brièvement. Choisis cinq habitats différents où poussent des Pissenlits: par exemple, champ Inculte, le long d'une clôture, cour, pelouse tondue, hautes herbes, etc. Sur le tableau l, indique par un chiffre le degré du facteur considéré. Sur le tableau Il, les chiffres correspondent au nombre de spécimens examinés; pour une recherche valable, il faudrait examiner non pas cinq, mais cent spécimens. Cette recherche permet de constater la grande variabilité chez le Pissenlit selon l'influence de multiples facteurs et la faculté d'adaptation de cette plante. Dollard Senécal, S.J. CB 505 E-2 5 F 436 S-1 5 ISSN 0045-6179 (c) Les Éditions des Jeunes Naturalistes 1975 Dépôt légal - Deuxième trimestre 1975 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada Imprimerie Gagné LIée, St-Justin