Atelier de Jean-Louis Monestes

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A propos de l’atelier clinique de perfectionnement de
l’ASPCO
Avec le Prof. Jean-Louis MONESTES
Le 3 octobre 2015
Sur le thème de :
Mobiliser ce qui fait sens : les valeurs dans l’ACT
Ce module propose de définir la notion de « valeur » au sein même de la thérapie de
l’engagement et de l’acceptation (ACT), de voir ensuite concrètement comment, dans le
cadre d’un entretien, nous pouvons les déceler et amener le patient { en prendre
conscience. Il est ensuite question de voir comment le psychothérapeute peut travailler
avec ces valeurs afin de poursuivre, voire même, accélérer le processus thérapeutique.
Contexte théorico-clinique :
En tant que travail thérapeutique, L’ACT se départit des protocoles et se pratique
indépendamment des approches catégorielles (basées sur le DSM ou la CIM, par
exemple) afin d’assurer la flexibilité du thérapeute qui est amené { appréhender son
patient dans sa singularité et { lui transmettre cette souplesse. Dans l’ACT, seul le fait
d’avoir des comportements dénoués de sens constitue un problème ou une pathologie.
Cela permet au patient de considérer ses pensées et ses émotions comme normales et
acceptables, de les accepter, de s’en servir et non pas de s’en culpabiliser. Dans ce
contexte, et selon Jean-Louis Monestes, les valeurs constituent une « spiritualité » au
sens laïc du terme. De ce fait, le travail sur les valeurs permet de mettre du sens à la
thérapie, de sortir le patient d’une compréhension strictement psychiatrique de sa
situation et d’élargir le champ de la TCC, car il dégage le patient de la circonscription à
ses symptômes. Cette approche a pour avantage de permettre au thérapeute de « faire
un pas de côté » par rapport { ce qui est envisagé comme problématique puis, d’inviter
son patient à adopter la même position.
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Comprendre les valeurs :
Définitions et critères des valeurs :
Selon Hayes et al (1999), les valeurs seraient des conséquences souhaitées de la vie et
elles seraient construites verbalement. D’après Wilson et Dufrene (2009), les valeurs
pourraient être définies comme des conséquences verbalement construites, choisies
librement, qui vont renforcer des patterns d’action qui sont intrinsèques { l’engagement
dans un pattern fonctionnel. Parler des valeurs est contre-intuitif car il s’agit de quelque
chose qui n’existe pas en soi. S’il existait des images pour décrire ce concept de valeur, ce
pourrait être le vent du bateau à voile, du vent incarné non pas en chair mais en action.
Pour les comportementalistes classiques l’ensemble possible des renforcements se
limitait au domaine du tangible, c’est-à-dire : du palpable ou du moins à ce qui avait des
effets immédiats. Il n’y avait pas de prise en compte du renforcement par le verbal ou le
symbolique. Pourtant, il existe bien des renforçateurs de cet ordre-là. Par exemple, nous
pourrions nous demander quelle différence un bantou percevrait entre la vision de
personnes assises dans un auditoire et la perspective de personnes assises à un arrêt de
bus. Les parties observables de ces réalités sont similaires : les gens sont assis et, à peu
de choses près, immobiles. Nous pourrions ensuite nous demander ce qui fait que pour
chaque personne dans l’auditoire, il y a probablement une différence fondamentale
entre cette situation et le fait d’attendre le bus. L’écart dépend du sens qu’on y met et le
fait que ce soit un comportement lié à nos valeurs. Cela nous amène à la constatation que
lorsqu’un individu met de l’énergie dans un comportement, cela signifie d’entrée qu’il y a
un renforcement. En d’autres termes, « Les gens votent avec leurs pieds ». Les valeurs
sont formées par un ensemble de renforcements qui n’existent pas au sens où ils ne sont
pas du palpable. Les être humains ne vivent que de ça, contrairement aux animaux.
La théorie des cadres relationnels :
Rapport d’équivalence :
Soit A, B et C, si on nous dit que A=B et que B=C alors A=C
Rapport d’inclusion :
A fait partie de B et B fait partie de C, alors A fait partie de C
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Les cadres relationnels sont bien exemplifiés par la théorie de l’origine du commerce par
Claris Herenschmidt (philologue). Chez les sumériens, il n’existait aucun lien direct entre
les petites boules et la tablette permettant tous deux à des époques successives de
compter les bêtes. Ce lien existe pourtant grâce à la symbolisation.
La théorie des cadres relationnels est fortement impliquée dans la compréhension des
valeurs car la possibilité de faire des rapports d’équivalence nous permet d’accomplir
des actes symboliques. Or, un acte symbolique est un acte qui est sous-tendu par une
valeur. On le reconnaît quand l’acteur peut y lire plus que ce qui est observable ou que le
geste est plus important pour son auteur que pour n’importe quelle autre personne.
La fusion est également liée aux cadres relationnels. Elle fonctionne avec des
mécanismes similaires à ceux des valeurs. De ce fait, il y aura toujours des valeurs dans
la fusion et inversement. D’ailleurs le rapport A=B=C constitue de la fusion. Cela signifie
qu’{ chaque fois qu’il y aura de la souffrance, il y aura des valeurs. Dans ce sens, la
souffrance traduirait une incongruence entre ce que le patient fait/vit et ses valeurs. La
souffrance est un signe de valeur empêchée. Si nous rapportons ceci au contexte
thérapeutique, cela signifie que le patient vient nous voir quand celui-ci/celle-ci est en
discordance avec une de ses valeurs. Le lien fusion-valeurs-souffrance indique
également que dans les productions mentales, il n’y a pas que des liens délétères. Il y a
également de « bons fils » qui peuvent être utilisés au profit du résultat thérapeutique.
Repérer et souligner ces liens dans nos entretiens constitue l’objectif du thérapeute.
Reconnaître les valeurs :
Les patients, en général, vivent avec leurs symptômes un bon moment avant de
consulter. A l’instant de la demande, il y a une rupture avec les valeurs de la personne. Il
faut ainsi mettre les valeurs au centre de la thérapie. Le psychologue ne les définit pas, il
en est le révélateur. Il y a toujours des valeurs derrière les souffrances, c'est une idée
utile pour le patient qui va là où on l'emmène. Si l'on dépasse les symptômes, il nous
suivra. Le travail du psychologue est également d'interroger les évidences, en
recherchant la valeur qui est empêchée puis, formuler un mot pour partager la
signification au travers d'un mot abstrait. Le problème n'est pas de trouver LE bon mot,
mais de trouver quelque chose de concis et partageable. Les termes employés pour
décrire une valeur sont souvent des verbes d’action, ou des termes rapportés { des
actions et abstraits. Par exemple, le courage n’existe pas dans l’absolu mais il désigne
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l’observation d’une série de comportements répétés qui vont dans ce sens. Une valeur
est une direction vers laquelle un individu veut se diriger. Dans cette optique et afin de
ne pas confondre un comportement comme dirigé vers une valeur avec un
comportement d’évitement, il est essentiel de ne pas confondre l’action d’ « aller vers »
avec celle de s’ « éloigner de »/ « fuir ». Par exemple, si quelqu’un tient { tous prix {
devenir parent, il sera nécessaire de s’interroger s’il souhaite se diriger vers la valeur
d’être un bon parent ou s’il souhaite éviter de ne pas avoir d’enfants. Par ailleurs, une
valeur est identifiable par le fait qu’elle est insatiable. Toute satiété ou immédiateté
serait davantage un signe d’évitement. Qui plus est, un comportement se dirigeant vers
une valeur est intrinsèquement renforçant quel que soit le résultat. L’éducation des
enfants en est un bon exemple. Il s'agit de sens presque connecté au niveau limbique.
Les renforçateurs ne sont pas directs la plupart du temps (Exemple : la religion).
Au niveau clinique, ces quelques points mènent aux implications suivantes. Le
thérapeute doit creuser les choses avec son patient, s'assurer qu'ils ne sont pas au fond
en train d'éviter quelque chose. Un fonctionnement rigide indique que ce n'est pas une
valeur. Le thérapeute doit amener son patient à se poser les questions suivantes : « Estce que j'ai envie d'aller vers…. / ou de fuir …? », « Est-ce que je peux en être rassasié ? »
et enfin, « Est-ce que j'ai des attentes particulières ? ». Le thérapeute doit amener son
patient à réfléchir au-delà des obstacles. Dans ce sens, il y des stratégies comme la
formulation suivante : "Vous avez gagné 500 millions de francs, que faites-vous?". L'idée
de l'exercice est de demander aux patients ce qu’il ferait si tout ce qui les en empêchait
d’aller l{ où ils veulent et de faire ce qu’ils veulent disparaissait. Dans cet exercice, il y a
un lien avec la théorie de l’acceptation. Il existe des problèmes qui n'ont pas de solutions
(donc qui ne sont pas des problèmes) donc nous ne pouvons pas lutter pour dissoudre le
problème mais il faut composer avec. C'est ce que l'on appelle le « désespoir créatif ».
Ainsi la souffrance et les valeurs sont intriquées.
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La personne qui vient nous consulter peut avoir différents types de difficultés :
Types de difficultés
Manque de conscience des valeurs, ne pas
avoir conscience de ce qui compte pour soi
Valeurs délaissées : Par exemple, certains
patients ont tout à fait conscience de leurs
valeurs mais il y a des obstacles qui leur
font vivre toute sorte d'événements
psychiques et émotionnels qui les
entravent.
Attitude et démarche thérapeutique
Amener la personne à différencier ses
valeurs de ses évitements
Privilégier la lutte contre les émotions et
pensées difficiles. Dans ce cas de figure, il y
a un double travail centré d'une part sur
les valeurs et d'autre part, sur
l'acceptation (thérapie de l’acceptation) et
défusion.
Valeurs absentes (plus fréquent dans les Aider le patient à trouver ses valeurs, par
problématiques d'addiction et durant exemple
l'adolescence) : « Plus rien ne compte »
- En relatant un/des souvenirs dans
lequel(s) le patient était en
harmonie et le lui faire décrire en
détail afin de repérer ce qui lui
faisait sentir ainsi.
- En lui demandant entre deux
personnages célèbres lequel lui
ressemble le plus et pour quelles
raisons
Auteure du résumé : Coraline Dolci, psychologue
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