PETITES NOTES DE JURISPRUDENCE Octobre 2011 Mariane CHAMPENOIS Adeline GELLEC Stagiaires du Centre de droit JuriSanté PETITES NOTES DE JURISPRUDENCE OCTOBRE 2011 DROITS DES PATIENTS ET RESPONSABILITE CE, 2 février 2011, n°323970 Défaut d’information – perte de chance - indemnisation Mme A a été admise au centre hospitalier Pasteur de Langon pour y subir une adhésiolyse de l'intestin grêle sous cœlioscopie. A l’issue de l’opération, celle-ci a ressenti une vive douleur. Des examens ont été pratiqués et ont révélé l'existence d'une perforation accidentelle de l'intestin grêle. Une nouvelle opération a été pratiquée. Mme A., souhaitant obtenir réparation de son préjudice consistant en cette complication, a saisi le tribunal administratif de Bordeaux en vue d’engager la responsabilité du centre hospitalier. Celui-ci lui a donné gain de cause, constatant que le chirurgien avait négligé de vérifier l’intégrité des tissus. Cependant la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé le jugement. Elle se pourvoit donc en cassation devant le Conseil d’Etat. La haute juridiction confirme l’arrêt de la cour administrative d’appel en ce qu’elle rejette la demande de la requérante relative à l’engagement de la responsabilité pour faute (l’existence d’une faute médicale n’étant pas avérée) et la responsabilité sans faute du centre hospitalier (la requérante n’ayant pas subi de préjudices d’une extrême gravité, condition nécessaire pour que la responsabilité sans faute de l’établissement soit engagée, conformément à la jurisprudence Bianchi applicable aux faits de l’espèce). En revanche, sur la responsabilité pour défaut d’information, le Conseil d’Etat casse l’arrêt. Il rappelle tout d’abord que « lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ». Ensuite le juge relève que la cour administrative d’appel, bien qu’ayant constaté que le centre hospitalier ne rapportait pas la preuve de l’information, n’a pas recherché si ce défaut d’information avait privé la patiente d’une chance de se soustraire aux dommages qui se sont réalisés, au regard des risques inhérents à l’acte médical litigieux et aux risques encourus par l’intéressée et, le cas échéant chiffré la perte de chance. La haute juridiction casse donc l’arrêt sur ce point et renvoie l’affaire à la cour administrative d’appel de Bordeaux. Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Le défaut d’information privant le patient d’une chance de se soustraire aux dommages qui se sont réalisés est indemnisable. RESPONSABILITE CE, 21 mars 2011, Centre hospitalier de Saintes, req. 334501 Juge des référés – provision – charge de la réparation – action subrogatoire de l’ONIAM M. A a été hospitalisée au centre hospitalier des Saintes le 7 avril 2005 pour y subir une intervention chirurgicale. Durant son séjour, il a contracté une infection nosocomiale qui a provoqué une endocardite à l’origine d’accidents vasculaires dont il conserve des séquelles neurologiques. Le requérant a saisi la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Poitou-Charentes qui a estimé que le dommage devait être indemnisé par l’Office National d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes, et des infections nosocomiales (ONIAM) par un avis du 5 juin 2008. Après avoir reçu une offre de l’ONIAM, qu’il a refusé, la considérant insuffisante, le requérant a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers afin d’obtenir le versement d’une provision de la part du centre hospitalier. Condamné par le juge de première instance à verser cette provision au requérant, le centre hospitalier a interjeté appel. Les juges d’appel ayant confirmé l’ordonnance attaquée, le centre hospitalier s’est donc pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat. La haute juridiction rappelle le principe selon lequel les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère, mais que, toutefois, aux termes de l'article L. 1142-1-1 ces dommages ouvrent droit à la réparation au titre de la solidarité nationale assurée par l’ONIAM dès lors qu’ils correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...). Elle considère que l’indemnisation de l'infection nosocomiale contractée par le requérant lors de son séjour au centre ayant entrainé une incapacité de 40% était régie par les dispositions de l'article L. 1142-1-1 du même code et que le juge des référés, en la mettant à la charge du centre hospitalier au lieu et place de l’ONIAM a méconnu le champ d'application de la loi. Elle rappelle aussi que l’ONIAM ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant la responsabilité de l'établissement de santé, mais qu’il peut uniquement demander à cet établissement de l'indemniser de tout ou partie des sommes ainsi à sa charge en exerçant à l'encontre de ce dernier une action subrogatoire ou une action récursoire. Le Conseil d’Etat considère alors que « l'obligation de réparer un dommage remplissant les conditions définies à l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique constitue pour l'ONIAM une obligation non sérieusement contestable de nature à justifier la mise à sa charge d'une provision par le juge des référés, sans que puissent y faire obstacle les fautes qui seraient imputables à l'établissement de santé mais que l'office peut, en revanche, obtenir à son tour de l'établissement, y compris dans le cadre de l'instance en référé relative à la réparation du dommage, le versement d'une provision au titre de l'action récursoire couvrant tout ou partie de la provision devant être mise à sa propre charge, à condition que l'obligation de l'établissement à l'indemniser sur ce fondement ne soit elle-même pas sérieusement contestable ». Il annule donc l’ordonnance attaquée et met le versement de l’indemnisation à la charge de l'ONIAM, et fixe son montant à 100000 euros. Il ne repère aucune faute non sérieusement contestable de l’établissement et considère donc que l'action récursoire exercée par l'office contre ce dernier dans le cadre de la procédure de référé doit être rejetée. Le juge des référés-provision saisi par la victime d’un dommage résultant d’une infection nosocomiale indemnisable par l’ONIAM doit mettre la provision à la charge de l’office et non à la charge de l’établissement de santé dans laquelle elle a été contractée. Néanmoins, au cours de la même instance, l’ONIAM peut exercer une action subrogatoire ou récursoire contre l’établissement de santé, s’il considère qu’il a commis une faute engageant sa responsabilité. Pour tout renseignement : Nadia HASSANI [email protected] 01 41 17 15 43