chronique | 23 Migros Magazine 14, 30 mars 2009 MINUTE PAPILLON Que croââââ-je? Je me promenais dans la verdure, non loin des arbres qui oscillaient sous la brise. Et tout à coup j’ai entendu en moi une sorte de croassement. «Croâââ… croââ… croââ…» J’ai levé les yeux; en effet, il y avait là-haut quelques corneilles. Mais j’ai mieux prêtél’oreille.«Croâââ…croââ…kecroââ… ke croââ…» Ah! ah! Non, ces croassements ne venaient pas de la cime des arbres, mais de l’intérieur de ma tête et ils prenaient même un contour audible très précis: «Croââ croâk ke croââ krâa koi ke croi… QUE CROÂÂÂ-JE!...» C’était ça: QUE CROISJE!!! J’ai compris qu’à l’intérieur de moi, une foule de «Que crois-je?» et de «Je crois» croissaient et se multipliaient, répercutés à l’infini en une suite d’échos. Quoi d’étonnant, me suis-je dit, notre propension à croire, naturelle, irrépressible, est notre caractéristique majeure, à nous autres humains. par notre éducation, culture, milieu, bref par notre vision idiosyncrasique du monde; d’autres vous prennent des airs objectifs de vérité absolue. Mais toutes s’efforcent de masquer leur plate condition de croyances. La célèbre interrogation de Montaigne «Que sais-je?» est d’une élégance fluide et légère; vrai que malgré tout notre savoir, il n’est pas un seul sujet dont nous connaissions les tenants et les aboutissants ultimes. Mais je lui préfère la question «Que crois-je?», passionnante – cacophonique et déchirante comme le cri des corneilles. Non seulement c’est LA question essentielle, mais la plus urgente quand les peuples de la terre sont sur des longueurs d’ondes discordantes, et qu’en tout domaine des dissonances extrêmes se font entendre. Elle blesse l’oreille, cette question, parce que ce n’est pas nos savoirs qu’elle interroge mais, bien en amont, les croyances mêmes sur lesquelles nos savoirs se fondent et s’appuient. Notre cerveau n’est qu’une boule de croyances, il y en a des couches et «Peut-on ne pas croire?» demandait Jean-François Duval, journaliste des couches! La plupart sont faites d’idées fausses, de demi-vérités, d’a priori, de préjugés et de convictions arbitraires, légués un philosophe. Non, impossible à notre espèce de ne pas croire. Sauf à glisser dans l’incohérence et la folie (la folie étant précisément l’incapacité première à se forger Publicité Profitez jusqu‘au 13 avril GENÈVE Centres Commerciaux Balexert, Cornavin „Les Cygnes“, Nyon La Combe et Migros Chêne-Bourg, Lancy-Onex, Planète Charmilles, Vibert VAUD Centres Commerciaux Crissier, Métropole 2000 Lausanne, Chablais Centre Aigle et Migros Romanel, Yverdon VALAIS Centres Commerciaux Métropole Sion, Martigny-Manoir, Monthey et Migros Brigue, Sierre, Viège, Zermatt un sens du réel). L’homme est une bête à croire. A tort et à travers, à tort ou à raison. Bien sûr, certaines croyances sont plus valides que d’autres, comme l’a bien vu Karl Popper. Celles qui sont fondées sur une expérience que l’on peut répéter, vérifier ou invalider ont un caractère d’objectivité scientifique. La chute d’une pomme au sol et la loi de la gravité sont plus difficiles à contester que l’existence du complexe d’Œdipe. Ou de Dieu: les vrais croyants savent que leurs certitudes relèvent de la croyance, font un pari. Les vrais scientifiques aussi, pour qui la théorie du Big Bang est avant tout une hypothèse jusqu’ici confortée par les observations. Ce qui me désole, c’est à quel point la plupart des êtres humains jugent coulées dans le bronze des croyances qu’ils devraient prendre pour ce qu’elles sont. Vous imaginez ça, vous? un monde où nous aurions conscience que tous nos dires, affirmations, pensées, certitudes, raisonnements se fondent d’abord et avant tout sur une suite de «Je croâââ… croâââ… croâââ…» Dites, elle vous a plu, cette promenade sous les arbres, ou est-ce que je m’égare? BON BON BON Non cumulable avec d‘autres offres exprimées en %. sur tous les bijoux or 18 carats, perles de culture, plaqué or et acier Valable jusqu’au 13 avril 2009. Bon à présenter lors de votre achat auprès de Carat Bijouterie